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N
° 3371

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
SUR LA PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE (n° 3323)
DE MM. Armand JUNG ET Jean-Marc AYRAULT

relative à
la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Christophe CARESCHE,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN CALENDRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN POUR 2012 ET POUR 2013 EN CONTRADICTION AVEC LES TRAITÉS 7

A. LE SIÈGE DU PARLEMENT EUROPÉEN À STRASBOURG, UN CHOIX HISTORIQUE INSCRIT DANS LES TRAITÉS 7

B. UNE REMISE EN CAUSE INACCEPTABLE ET CONTRAIRE AUX TRAITÉS AU DÉTOUR DE L’ADOPTION DU CALENDRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN POUR 2012 ET 2013 8

II. STRASBOURG, LA CAPITALE LÉGITIME ET PÉRENNE DE « L’EUROPE PARLEMENTAIRE » 13

A. UNE LÉGITIMITÉ HISTORIQUE INCONTOURNABLE 13

B. UNE COHÉRENCE GÉOGRAPHIQUE DÉCISIVE, REFLET DES ÉQUILIBRES EUROPÉENS 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

ANNEXE : PROPOSITION DE RESOLUTION 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 9 mars 2011 le Parlement européen a adopté les calendriers de ses sessions pour 2012 et 2013.

A cette occasion, il a approuvé un amendement déposé par M. Ashley Fox, représentant britannique appartenant au groupe des conservateurs et réformateurs européens (CRE), visant à scinder les deux sessions plénières d’octobre en deux jours chacune et, par ce biais, à les regrouper en une seule semaine et réduire ainsi d’une semaine par an la présence des parlementaires européens à Strasbourg.

Cette compression artificielle du travail parlementaire, qui s’intègre dans une longue série d’initiatives ouvertement hostiles à l’implantation du Parlement européen à Strasbourg, contrevient directement aux dispositions, pourtant précises, des traités.

Siège de fait du Parlement européen depuis la fondation des Communautés européennes, Strasbourg est en effet devenu en 1992 le siège officiel définitif du Parlement européen avant que le traité d’Amsterdam de 1997 ne règle définitivement cette question en disposant, dans le protocole (n° 6) désormais annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, que « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire ».

Outre sa contradiction manifeste avec la caractéristique « mensuelle » des sessions prévues par le protocole, le nouveau calendrier du Parlement européen s’inscrit dans une logique peu respectueuse de la qualité du travail parlementaire, en vidant de leur contenu les deux sessions d’octobre ainsi ramenées à seulement deux journées au moment même où l’activité législative du Parlement s’est puissamment renforcée avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Poussé à l’extrême, le raisonnement qui l’étaye pourrait même réduire à néant les dispositions du traité, par exemple en réduisant la durée des douze sessions à une seule journée chacune, ainsi concentrées sur deux semaines !

C’est pourquoi, de toute évidence, le recours que la France, rejointe par le Luxembourg, a décidé de former auprès de la Cour de justice de l’Union européenne à l’encontre de la décision du Parlement devrait prospérer, comme ce fut le cas d’un recours formé dans des circonstances similaires en 1997.

Mais ce nouvel incident témoigne d’une atteinte plus grave à l’équilibre et à la légitimité historique incontestable des implantations des institutions européennes.

Strasbourg est en effet le symbole le plus éclatant de la réconciliation du continent sur les ruines de la barbarie et de l’unification européenne dans le terreau des premiers humanismes, d’abord portée par le Conseil de l’Europe qui y siège depuis 1949.

Elle s’intègre en outre dans la diversité géographique des implantations des institutions et des organes de l’Union européenne, expression nécessaire d’une Union fondée sur le respect de la richesse de ses racines et de l’équilibre entre ses Etats.

Elle demeure l’emblème le plus éclatant de l’entente franco-allemande, moteur de l’intégration du continent.

Ces éléments constitutifs de l’identité européenne ne sauraient être remis en cause au détour d’un amendement discret, voté à bulletins secrets.

Ces constats, qui forment un très large consensus au sein de notre assemblée, motivent la présente proposition de résolution européenne que MM. Armand Yung et Jean-Marc Ayrault soumettent à l’examen de notre Commission et que votre rapporteur vous propose d’adopter.

I. UN CALENDRIER DU PARLEMENT EUROPÉEN POUR 2012 ET 2013 EN CONTRADICTION AVEC LES TRAITÉS

A. Le siège du Parlement européen à Strasbourg, un choix historique inscrit dans les traités

La question du siège des institutions européennes a longtemps fait l’objet de débats, avant d’être clairement tranchée dans les années 1990.

L’interminable « querelle » des sièges a trouvé sa source dans l’imprécision de l’article 216 du traité de Rome, qui se contentait d’indiquer que « le siège des institutions de la Communauté est fixé du commun accord des gouvernements des Etats membres ».

■ Dans les faits, les institutions communautaires se sont donc d’abord installées de façon provisoire, au gré de considérations politiques et pratiques conjoncturelles.

Ainsi, en cohérence avec l’établissement du Conseil de l’Europe sur les rives du Rhin, l’Assemblée de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a tenu ses premières réunions à Strasbourg, conformément à la déclaration des ministres des affaires étrangères des Six des 24 et 25 juillet 1952.

Le secrétariat de l’Assemblée, pour sa part, souhaitant demeurer proche de la Haute Autorité et de ses services, débuta ses travaux à Luxembourg, avant que les commissions de l’Assemblée parlementaire des Communautés européennes, laquelle unifiait l’assemblée de la CECA et celle de la Communauté économique européenne (CEE) nouvellement créée, en étant composée de représentants des parlements nationaux, ne tiennent leurs réunions à Bruxelles, où s’installait alors la nouvelle Commission européenne.

Une simple déclaration des ministres des affaires étrangères des Six du 7 janvier 1958 prit acte de cette situation complexe en réaffirmant que le « lieu de réunion » de l’Assemblée était Strasbourg tandis que les commissions « [tiennent] leurs réunions à Bruxelles ou à Luxembourg, en fonction de raisons d’ordre pratique et de facilités matérielles ».

L’article 1er du traité de fusion des exécutifs de la CECA et de la CEE du 8 avril 1965 perpétua ce compromis en disposant que « Luxembourg, Bruxelles et Strasbourg demeurent les lieux de travail provisoires des institutions des Communautés ».

■ Pour mettre un terme aux lancinantes remises en question de l’implantation du Parlement européen, dispersé en trois lieux, le Conseil européen d’Edimbourg, le 12 décembre 1992, fixa de manière cette fois définitive le siège des institutions. Il décida, à l’unanimité des chefs d’Etat et de gouvernement conformément à l’article 216 précité du traité instituant les Communautés européennes, que « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles y compris la session budgétaire ».

En outre, le Conseil européen précisa que le Parlement européen peut organiser des sessions « additionnelles » à Bruxelles, que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt (affaire C-358/85) du 22 septembre 1988 avait très nettement circonscrites à des sessions « spéciales ou supplémentaires » ayant un « caractère exceptionnel » et « justifiées par des raisons objectives tenant au bon fonctionnement du Parlement ». Il confirma enfin l’implantation des commissions du Parlement à Bruxelles et de son secrétariat et ses services à Luxembourg.

■ A la demande de la France, cette décision a été intégrée aux traités par le traité d’Amsterdam en 1997.

Depuis lors, le protocole (n° 6) sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et service de l’Union européenne annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dispose clairement que « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Les périodes de sessions plénières additionnelles se tiennent à Bruxelles. Les commissions du Parlement européen siègent à Bruxelles. Le secrétariat permanent du Parlement européen et ses services restent installés à Luxembourg ».

B. Une remise en cause inacceptable et contraire aux traités au détour de l’adoption du calendrier du Parlement européen pour 2012 et 2013

Les dispositions claires du protocole impliquent donc que le Parlement européen, d’une part, tienne toutes ses sessions plénières non additionnelles à Strasbourg et, d’autre part, que ses sessions soient mensuelles, au nombre de douze par année.

Deux seules exceptions ont été aménagées d’un commun accord tacite des parties (infra) : il est admis que le Parlement européen ne tienne de session ni en juin, lors des années d’élection, ni en août, chaque année. Toutefois, en contrepartie, afin de respecter l’exigence des traités de tenir douze sessions par an, les parlementaires européens se réunissent traditionnellement pour deux sessions d’une semaine chacune en octobre.

■ En contradiction avec ces dispositions claires et ces pratiques anciennes, à l’occasion du vote sur ses calendriers de sessions plénières pour 2012 et 2013, le Parlement européen a adopté, le 9 mars dernier, par 357 voix pour, 255 voix contre et 41 abstention, un amendement déposé par M. Ashley Fox, proposant de scinder les deux sessions plénières d’octobre en deux jours chacune, afin de les regrouper sur une seule semaine.

En parallèle, il est vrai, le nombre de sessions additionnelles de deux jours à Bruxelles a été ramené à quatre par an, contre jusqu’à huit « mini-sessions » dans les années récentes, introduisant d’ailleurs une contradiction évidente entre l’accroissement de la charge de travail du Parlement induite par le traité de Lisbonne et l’actualité législative européenne et la durée effective des sessions.

Un amendement identique avait motivé, en octobre dernier, le président français du groupe PPE M. Joseph Daul et le président allemand du groupe SD M. Martin Schulz, à demander un report du vote sur le calendrier pour 2012. Il importe de remarquer qu’à la demande de 216 parlementaires, le vote s’est déroulé à scrutin secret, rompant une tradition qui voulait que ces questions à haute portée symbolique soient tranchées dans toute la lumière nécessaire.

■ Cette décision s’inscrit dans une remise en cause minoritaire, mais obstinée, du choix du siège strasbourgeois, pourtant toujours juridiquement clairement tranchée en faveur de la ville française.

Le calendrier pour 1996 adopté le 20 décembre 1995, qui prévoyait la tenue de seulement onze sessions plénières à Strasbourg et de huit sessions additionnelles à Bruxelles, avait ainsi été annulé par la Cour de justice des Communautés européennes, saisie par la France, dans son arrêt (affaire C-345/95) du 1er octobre 1997.

De même, le gouvernement français dut intervenir au printemps 2003 pour que le Parlement européen revienne sur sa décision du 9 avril 2003 réduisant à dix le nombre de ses sessions pour 2004 à Strasbourg, là encore en contradiction avec les traités.

Dans ce contexte, le Gouvernement français a annoncé, le 14 mars dernier, son intention de former un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, auquel le Gouvernement luxembourgeois a déclaré souhaiter se joindre le 22 mars.

Son issue ne fait guère de doute, à la lumière des motifs retenus par la Cour dans son arrêt précité du 1er octobre 1997.

En premier lieu, s’il était vrai qu’à ses yeux la diversité des implantations du Parlement européen « impose certaines contraintes à l’organisation de ses travaux », la Cour trancha alors, avant même que le traité ne règle la question une fois pour toute, le long débat sur l’incidence du triple siège sur le fonctionnement de l’institution en remarquant que « ces contraintes sont inhérentes à la nécessité de définir son siège », et qu’ « elles ne vont d’ailleurs pas à l’encontre de la pratique généralement suivie par le Parlement ». Par conséquent, la Cour remarqua que les dispositions adoptées par les chefs d’Etat et de gouvernement (et donc, a fortiori, les dispositions désormais intégrées sans changement aux traités) ne portent pas « atteinte au pouvoir d’organisation interne » attribué au Parlement européen par l’article 232 du traité sur l’Union européenne qui dispose que « le Parlement européen arrête son règlement intérieur à la majorité des membres qui le composent ».

En second lieu, la Cour tira les conséquences logiques de la formulation retenue par le Conseil européen d’Edimbourg, ensuite reprise dans le protocole n° 6 précité, en relevant qu’ « en indiquant que le Parlement doit se réunir en périodes de sessions plénières mensuelles », les Etats membres ont « consacré la pratique de cette institution consistant à ce réunir en principe chaque mois à Strasbourg », les seules exceptions admises à ce principe, qui forment « une pratique [qui] n’est pas, en soi, contestée », étant le mois d’août et « les années d’élection le mois de juin », dès lors qu’une session supplémentaire est organisée au mois d’octobre. De manière limpide, la Cour considéra donc que « le siège du Parlement est le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires de cette institution ».

En dernier lieu, la Cour rappela que la fixation du siège à Strasbourg emportait des conséquences qui ne sauraient se limiter à la forme, mais comportaient aussi des implications sur la nature « des activités qui doivent s’y dérouler », indiquant qu’il « est constant entre les parties que les périodes de sessions plénières s’étendant d’un lundi à un vendredi se tiennent à Strasbourg ».

Ces arguments montrent sans ambiguïté l’extrême fragilité juridique du calendrier adopté par le Parlement européen le 9 mars dernier.

■ Au terrain solide du droit s’ajoutent d’ailleurs des motifs politiques tout aussi éloquents.

Quelle conception de la dignité du travail parlementaire, au moment où le traité de Lisbonne accroît considérablement le champ de la procédure législative ordinaire (l’ancienne codécision) et place le Parlement européen sur un pied d’égalité avec le Conseil, trahit l’organisation de sessions « mensuelles » limitées à deux journées, qui, de toute évidence, ne permettraient pas de traiter l’ensemble des sujets dont l’assemblée de Strasbourg est traditionnellement saisie ?

En outre, un tel artifice créerait un précédent dangereux, grâce auquel des dispositions pourtant explicites des traités pourraient être vidées de leur substance au détriment de la cohérence et de la sérénité des débats parlementaires.

Mais ce nouveau calendrier témoigne aussi du succès relatif d’une nouvelle offensive des eurodéputés hostiles au siège strasbourgeois qui mérite que l’on rappelle brièvement les raisons, historiques et géographiques, incontestables, qui motivent l’implantation de l’ « Europe des parlements » sur les rives du Rhin.

II. STRASBOURG, LA CAPITALE LÉGITIME ET PÉRENNE DE « L’EUROPE PARLEMENTAIRE »

A. Une légitimité historique incontournable

■ Le choix de Strasbourg pour accueillir le Parlement européen déploie en effet ses racines dans l’Histoire, dont elle symbolise mieux que toute autre ville les douleurs et, en miroir, la force de la réconciliation des nations européennes.

Comme le résumait Ernest Bevin, ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, qui proposa d’installer les nouvelles institutions du Conseil de l’Europe dans l’ancienne ville martyre des guerres franco-allemandes, « voilà une ville qui, plus que d’autres, a été victime de la stupidité des nations européennes qui croyaient régler leurs problèmes par la guerre, maintenant elle doit être appelée à devenir un symbole de réconciliation et de paix ».

C’est ainsi que la première session du Comité des ministres du Conseil de l’Europe et la session inaugurale de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, moments fondateurs de l’Europe unie, se tinrent respectivement à l’hôtel de ville de Strasbourg le 8 août 1949 et au Palais universitaire le 10 août 1949.

■ Strasbourg réunit en effet les fils disparates et désormais solidement tissés des diverses et contradictoires traditions européennes, de la Réforme aux premiers humanismes, de la lutte fratricide à la réconciliation exemplaire des ennemis d’hier devenus les plus étroits partenaires.

Surtout, au fil des ans, la ville s’est imposée comme la capitale des droits de l’homme, où siègent le Conseil de l’Europe, protecteur des droits et des libertés et promoteur de la démocratie à l’échelle du continent tout entier, et sa Cour européenne des droits de l’homme, gardienne vigilante des libertés fondamentales de huit cent millions d’européens.

Il apparaît ainsi que le choix de Strasbourg est, parmi les capitales européennes, celui qui doit le moins à la contingence. On se souvient en effet que les Six avaient choisi presque par défaut, le 23 juillet 1952, la ville de Luxembourg comme siège de la Haute autorité de la CECA, de guerre lasse entre de trop nombreuses options. De même, en 1957, Bruxelles accueillit, de manière alors « temporaire », les autorités européennes après le rejet de l’établissement dans le Grand-duché du siège permanent de la CEE par le Gouvernement luxembourgeois, qui craignait une dilution de son identité face à l’afflux de fonctionnaires internationaux.

L’Europe, déterminée aujourd’hui à combler le fossé démocratique qui la tient encore trop souvent éloignée de ses peuples, a besoin plus que jamais de symboles forts réconciliant son identité, multiple, et la force de son projet unificateur. Chaque ville européenne, au fil des ans, s’est ainsi construite une image forte auprès des citoyens, qui ne peut être ignorée. Tout concentrer à Bruxelles serait appauvrir l’Union et la priver de l’une de ses richesses essentielles, la diversité de ses représentations.

Dans ce contexte, l’impact sur l’opinion publique, en particulier française, d’une concentration des institutions sur la seule Bruxelles et d’un effacement programmé du rôle de Strasbourg serait désastreux.

B.  Une cohérence géographique décisive, reflet des équilibres européens

■ En outre, la décision du Parlement européen du 9 mars 2011 porte un coup dangereux à l’un des fondements symboliques les plus forts de l’Union européenne : la diversité assumée de ses centres et de ses racines.

Toute idée de concentration des institutions communes en un lieu unique, forme de « district fédéral », est en effet manifestement étrangère à l’ambition européenne de s’appuyer sur les forces de ses Etats membres et non de les diluer.

Cette logique répond en effet à une double préoccupation fondamentale.

Elle satisfait tout d’abord le souci légitime de faire toute leur place aux peuples qui, librement, ont choisi d’unir leur destin. L’extrême soin apporté, parfois au mépris de toute cohérence budgétaire ou opérationnelle, à répartir harmonieusement les sièges des nombreuses et croissantes agences de l’Union sur l’ensemble du territoire européen en témoigne abondamment.

Surtout, cette conception polycentrique est le reflet fidèle d’une volonté constante de mettre l’Europe au plus près de ses citoyens, et non de l’isoler dans un centre lointain et monolithique.

Remettre en cause cet édifice complexe impliquerait de rouvrir la porte à de redoutables marchandages politiques, dont l’image de l’Europe ne sortirait pas grandie, tant la multiplicité des implantations demeure l’un des principes cardinaux de la construction européenne. Les tableaux ci-après, qui détaillent les Etats d’accueils des institutions et des agences européennes, donnent la mesure de cette diversité.

les sièges des institutions et des organes de l’union européenne
(tel que fixés par le protocole (n°6) annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne)

Strasbourg

Parlement européen

Bruxelles

Conseil de l’Union européenne

Commission européenne

Comité économique et social

Comité des régions

Sessions additionnelles et commissions du Parlement européen

Luxembourg

Cour de justice de l’Union européenne

Cour des comptes

Banque européenne d’investissement

Secrétariat général du Parlement européen et ses services

Sessions d’avril, juin et octobre du Conseil de l’Union européenne

Divers services de la Commission européenne (Eurostat, traductions, etc.)

Francfort

Banque centrale européenne

La Haye

Office européen de police (Europol)

l’implantation des agences de l’union européenne
(par pays)

Allemagne

Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA)

Autriche

Agence européenne des droits fondamentaux (FRA)

Belgique

Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture» (EACEA)

Agence exécutive pour la compétitivité et l’innovation (EACI)

Agence européenne de défense (EDA)

Autorité européenne de surveillance GNSS (GSA)

Agence exécutive pour la recherche (REA)

Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (CER)

Réseau transeuropéen de transport Agence exécutive (TEN-T EA)

Danemark

Agence européenne pour l’environnement (EEA)

Espagne

Agence communautaire de contrôle des pêches (CFCA)

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHIM)

Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA)

Centre satellitaire de l'Union européenne (EUSC)

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l'énergie de fusion (Fusion for Energy)

Finlande

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

France

Office communautaire des variétés végétales (CVPO)

Agence ferroviaire européenne (ERA)

Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (ISS)

Grèce

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop)

Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA)

Hongrie

Institut européen d'innovation et de technologie (IET)

Irlande

Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (EUROFOUND)

Italie

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)

Fondation européenne pour la formation (ETF)

Lituanie

Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes

Luxembourg

Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT)

Agence exécutive pour la santé et les consommateurs (AESC)

Pays-Bas

L'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne (EUROJUST)

Office européen de police (EUROPOL)

Pologne

Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX)

Portugal

Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA)

Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA)

Royaume-Uni

Agence européenne des médicaments (EMEA)

Collège européen de police (CEPOL)

Suède

Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies (ECDC)

■ Ces préoccupations décisives ne doivent pas pour autant figer nos positions, et des efforts doivent aussi être consentis pour consolider la légitimité de Strasbourg.

En premier lieu, en effet, il est sans doute nécessaire, dans un contexte difficile où les légitimes préoccupations budgétaires soumettent toutes les institutions à d’importantes contraintes, de relayer notre nécessaire vigilance juridique par une mobilisation politique forte. Dans cet esprit, les eurodéputés français ont évidemment un rôle décisif à jouer, en fédérant au Parlement européen un mouvement transnational et parcourant tous les partis politiques en faveur du siège historique.

Toutefois, en second lieu, cette mobilisation politique implique en parallèle de conforter les atouts de Strasbourg, en continuant de répondre aux préoccupations concrètes des parlementaires européens.

A cet égard, deux chantiers sont prioritaires.

Tout d’abord, il est urgent de réduire la disproportion manifeste qui s’est approfondie entre les moyens immobiliers du Parlement européen à Bruxelles et à Strasbourg (550 000 mètres carrés contre 345 000). L’acquisition et la rénovation projetées par le Parlement européen d’une partie du « Bâtiment B » du Conseil de l’Europe, à proximité immédiate de ses locaux, doivent absolument aboutir avant 2014 afin que la nouvelle législature européenne bénéficie d’une implantation élargie.

De même, l’amélioration des transports en direction de Strasbourg doit être poursuivie avec force, en particulier à l’occasion de la renégociation du contrat triennal entre l’Etat et la région Alsace. Dans cet esprit, l’accès en train doit être enrichi, par exemple par l’ajout d’un deuxième Thalys spécial depuis Bruxelles les lundi de sessions, ou par une plus grande fréquence de circulation des TGV entre l’aéroport Charles-de-Gaulle de Roissy et la capitale alsacienne. De même, la pratique de vols exceptionnels durant les périodes de sessions s’inspirant de la ligne Bucarest-Paris, qui n’est pas régulière mais dépose les députés le lundi et revient les chercher le jeudi, mériterait d’être encouragée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 12 avril 2011, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport.

« M. Christophe Caresche, rapporteur. Le 9 mars 2011, le Parlement européen a adopté les calendriers de ses sessions pour 2012 et 2013. A cette occasion, il a approuvé un amendement déposé par M. Ashley Fox, représentant britannique appartenant au groupe des conservateurs et réformateurs européens (CRE), visant à scinder les deux sessions plénières d’octobre en deux jours chacune. Cet artifice organisationnel a pour unique objet de regrouper ces sessions en une seule semaine et de réduire ainsi d’une semaine par an la présence des parlementaires européens à Strasbourg.

Cette compression du travail parlementaire est une nouvelle initiative hostile à l’implantation du Parlement européen à Strasbourg. Concentrer sur seulement deux jours une session ordinaire est en effet en parfaite contradiction avec l’accroissement spectaculaire de la charge de travail du Parlement européen induite par le traité de Lisbonne et l’actualité législative européenne. Cette initiative s’inscrit dans une logique dangereuse, qui, si elle est tolérée, pourrait gravement compromettre le siège strasbourgeois. Surtout, ces nouveaux calendriers sont en contradiction flagrante avec les dispositions, pourtant précises, des traités.

La longue querelle du siège des institutions européennes a été clairement tranchée dès le début des années 1990. Les organes des Communautés s’étaient installés d’abord de façon provisoire, au gré de considérations politiques et pratiques conjoncturelles, le traité de Rome se contentant de préciser, dans son article 213, que « le siège des institutions est fixé du commun accord des gouvernements des Etats membres ».

La Commission européenne fut ainsi établie à Bruxelles, face aux craintes du Luxembourg, qui accueillait la Haute autorité de la CECA, de voir un afflux de fonctionnaires internationaux compromettre l’identité du Grand Duché. Le Secrétariat de l’assemblée parlementaire, d’abord de la CECA, puis de la CEE, préféra pour sa part demeurer près des services de la Haute autorité. L’assemblée parlementaire elle-même tint ses premières sessions à Strasbourg, où siégeait depuis 1949 l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. En revanche, les commissions de l’assemblée se réunirent à Bruxelles, au plus près de la Commission européenne.

Cette triple implantation, envisagée comme « provisoire » dans le traité de fusion des exécutifs de la CECA et de la CEE de 1965, se perpétua au fil des ans, jusqu’à ce que les chefs d’Etat et de gouvernements prennent leurs responsabilités en fixant, de manière définitive, le siège des institutions.

Le texte adopté par Conseil européen d’Edimbourg du 12 décembre 1992 a même été ensuite inscrit, à la demande de la France, dans le marbre des traités, grâce à l’adjonction par le traité d’Amsterdam d’un protocole sur le siège des institutions.

Celui-ci dispose clairement que « « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Les périodes de sessions plénières additionnelles se tiennent à Bruxelles. Les commissions du Parlement européen siègent à Bruxelles. Le secrétariat permanent du Parlement européen et ses services restent installés à Luxembourg ».

Les implications d’une telle formulation sont donc limpides.

En vertu des traité, le Parlement européen doit tenir à Strasbourg toutes ses sessions plénières non additionnelles – ces dernières étant rigoureusement circonscrites par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, qui veille à ce qu’elles conservent un caractère « exceptionnel » et objectivement justifié. Ces sessions doivent être mensuelles, au nombre de douze par année. La Cour de Luxembourg a seulement toléré que ce ne soit pas le cas en août, dès lors qu’une seconde session est organisée en octobre. Les calendriers adoptés par le Parlement européen le 9 mars dernier contreviennent manifestement aux implications concrètes de ces dispositions, telles qu’elles ont été précisées par la Cour de Luxembourg dans une affaire similaire le 1er octobre 1997. La Cour considère logiquement, en effet, dans l’arrêt précité qui avait conduit, à la demande de la France, à l’annulation du calendrier pour 1999, que « le siège du Parlement est le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires de cette institution ». Cela emporte des conséquences d’ordre qualitatif « sur la nature des activités qui doivent se dérouler » pendant les sessions. La Cour précise ainsi qu’il « est constant entre les parties que les périodes de sessions plénières s’étendant d’un lundi à un vendredi se tiennent à Strasbourg ».

Dans ce contexte, le recours que la France, le 14 mars, rejointe par le Luxembourg le 22 mars, ont décidé de former auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, devrait conduire à l’annulation d’une décision qui, de fait, vide de leur substance les dispositions précises et inconditionnelles du protocole.

Mais l’adoption des nouveaux calendriers, par 357 voix pour, 255 contre et 41 abstentions, contre l’avis des présidents des deux plus grands groupes du Parlement européen qui avaient obtenu, en automne, le report d’un vote similaire, et surtout dans un scrutin secret inhabituel pour des questions d’une telle portée symbolique, témoigne des progrès d’une certaine hostilité au siège qui mérite que l’on rappelle avec force de la légitimité de Strasbourg.

Strasbourg bénéficie en effet d’atouts historiques et géographiques incontournables. La légitimité historique de la ville se passe de longues démonstrations. Strasbourg est en effet le symbole le plus éclatant de la réconciliation du continent sur les ruines de la barbarie et de l’unification européenne dans le terreau des premiers humanismes, d’abord portée par le Conseil de l’Europe qui y siège depuis 1949. Elle demeure l’emblème le plus éclatant de l’entente franco-allemande, moteur de l’intégration du continent. Elle est la capitale des droits de l’Homme, avec la Cour des droits fondamentaux de 800 millions d’Européens.

Ces éléments constitutifs de l’identité européenne ne sauraient être remis en cause au détour d’un amendement discret, voté à bulletins secrets.

L’Europe, déterminée aujourd’hui à combler le fossé démocratique qui la tient encore trop souvent éloignée de ses peuples, a besoin plus que jamais de symboles forts réconciliant son identité, multiple, et la force de son projet unificateur.

Chaque ville européenne, au fil des ans, s’est ainsi construite une image forte auprès des citoyens, qui ne peut être ignorée. Tout concentrer à Bruxelles serait appauvrir l’Union et la priver de l’une de ses richesses essentielles, la diversité de ses représentations.

Dans ce contexte, l’impact sur l’opinion publique, en particulier française, d’une concentration des institutions sur la seule Bruxelles et d’un effacement programmé du rôle de Strasbourg serait désastreux. Surtout, Strasbourg contribue à la cohérence géographique des implantations de l’Union, expression nécessaire d’une Union fondée sur le respect de la richesse de ses racines et de l’équilibre entre ses Etats. Toute idée de concentration des institutions communes en un lieu unique, forme de « district fédéral », est en effet manifestement étrangère à l’ambition européenne de s’appuyer sur les forces de ses Etats membres et non de les diluer.

Cette conception polycentrique est le reflet fidèle d’une volonté constante de mettre l’Europe au plus près de ses citoyens, et non de l’isoler dans un centre lointain et monolithique. L’extrême soin apporté, parfois au mépris de toute cohérence budgétaire ou opérationnelle, à répartir harmonieusement les sièges des nombreuses et croissantes agences de l’Union sur l’ensemble du territoire européen, dont vous verrez la diversité dans le rapport que je vous soumets, en témoigne abondamment.

Remettre en cause cet édifice complexe impliquerait de rouvrir la porte à de redoutables marchandages politiques, dont l’image de l’Europe ne sortirait pas grandie.

Ces constats clairs méritent d’être relayés, à côté de notre légitime vigilance juridique, par une mobilisation politique forte, dans laquelle nos collègues eurodéputés français devront jouer un rôle essentiel.

Elle implique aussi de persévérer dans nos efforts pour conforter les atouts de Strasbourg, sur le front immobilier comme sur celui des transports. L’achat au Conseil de l’Europe d’un nouveau bâtiment à proximité immédiate du Parlement européen, afin d’étendre la superficie de ses implantations à Strasbourg (345 000 m2 contre 550 000 à Bruxelles) va dans le bon sens. Plus encore devra être fait, par exemple à l’occasion de la renégociation du contrat triennal entre l’Etat et la région, pour renforcer l’accès en train et en avion.

Cette nouvelle offensive contre le siège légitime du Parlement européen appelle une affirmation claire par notre Assemblée de son attachement à Strasbourg. C’est pourquoi je vous propose d’adopter la proposition de résolution déposée par nos collègues Armand Yung et Jean-Marc Ayrault.

M. André Schneider. Quel bonheur d’entendre parler en ces termes de Strasbourg ! Je partage cet enthousiasme et n’ai évidemment rien à redire à cette proposition de résolution. Je voudrais simplement ajouter quelques éléments.

Il ne faut pas enclencher une mécanique pour vider Strasbourg de sa substance. Même en mathématiques modernes, je ne sais pas expliquer qu’une session en fait deux. Je siège actuellement à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe où je commence à entendre des petites attaques de-ci de-là à mesure que le Parlement européen entre en compétition avec cette assemblée.

Il faut comprendre que lorsque l’on attaque Strasbourg, on attaque la France. Les traités doivent être respectés. L’amendement a été discuté le 9 mars et j’ai interpellé le Gouvernement le 16 aux questions au Gouvernement. Celui-ci nous a rassurés en disant que tout le traité et rien que le traité devait être appliqué. Il faut marteler que le Parlement européen a son siège à Strasbourg et que la diversité des capitales européennes est une richesse pour l'Europe.

Le Président Pierre Lequiller. Dans cet esprit, j’organiserai un déplacement de la Commission à Strasbourg pour y rencontrer nos collègues du Parlement européen.

M. Yves Bur. En tant qu’élu alsacien, je ne peux qu’exprimer mon émotion devant ce dernier reste de défiance à l’encontre de Strasbourg qui n’est que la suite d’un lent grignotage s’opérant depuis des années. Maintenant, tout est sur la table. Les motions, la résolution, c’est bien, mais c’est insuffisant. Il faut rappeler à tous les Etats membres que le traité à force de loi et s’applique pour Strasbourg comme pour toutes les institutions. Le Parlement européen est la seule institution européenne dont le siège est en France. Si ce siège changeait, c’est l’ensemble des institutions qui devraient bouger, le Conseil, la Commission, la Banque centrale, les agences.

Le gouvernement français s’est peut-être insuffisamment engagé pour qu’on en soit arrivé à une telle extrémité. On a fait beaucoup pour renforcer la commodité du siège du Parlement à Strasbourg, grâce aux contrats triennaux ; il faudrait évaluer l’ensemble de ces politiques. Pour conforter la place de Strasbourg, la question des déplacements et de l’accessibilité est centrale. Ils n’ont pas été suffisamment améliorés, même si l’apport du TGV a constitué un progrès important.

Les adversaires de Strasbourg ne désarmeront pas. La réaction du Gouvernement a été à la hauteur en saisissant la Cour, arbitre compétent dont on attend le jugement avec espoir.

Il faut en tout cas répondre à la question de savoir comment concrètement contribuer à l’attractivité de Strasbourg auprès des parlementaires européens.

M. Philippe Cochet. La France est toujours trop sur la défensive sur cette question. Elle doit passer à l’offensive pour ne plus être constamment écornée sur Strasbourg. L’opinion publique s’interroge sur le coût du déménagement à l’heure de la dématérialisation et il faudrait avoir les chiffres réels. Un nouveau cap doit être franchi. Il est facile de démontrer l’aberration du déménagement au temps où la dématérialisation s’applique à toutes les collectivités et doit aussi s’appliquer au Parlement européen.

Mme Pascale Gruny. Le Parlement a changé avec l’arrivée des jeunes générations notamment des pays de l’Est. On a perdu sur la langue mais aussi sur la symbolique. L’Europe de la réconciliation franco-allemande et de la paix leur parle beaucoup moins. Les grèves à répétition à la SNCF causent du tort. Des avions un peu plus nombreux une semaine par mois les lundi et jeudi seraient également les bienvenus. Certains font valoir également le manque de fonctionnalité des locaux du Parlement européen ainsi que la hausse des prix pendant les sessions. Il faut prendre en compte ces éléments. Les électeurs pensent que le Parlement européen coûte cher, alors même que son coût est comparativement faible.

M. Régis Juanico. L’amendement Fox a été voté à une large majorité et je souhaiterais savoir qui compose cette majorité, pour envisager une réponse à ceux qui mènent l’offensive et donnent ainsi une image détestable de l'Europe. Je voudrais savoir également si l’on a des précédents par rapport à ce recours devant la Cour.

Le rapporteur. L’amendement Fox a recueilli 357 voix pour, 255 voix contre et 41 abstentions, contre l’avis des présidents des deux principaux groupes. Ce vote s’est déroulé au scrutin secret à la demande de 216 députés.

La France a fait beaucoup d’efforts pour le siège lui-même, pour la valorisation de Strasbourg, pour le TGV, qui met Strasbourg à 2 h 30 de Roissy qui est la plateforme aérienne européenne la plus importante avec Londres, afin de permettre aux parlementaires européens d’y consacrer une semaine de travail.

La dématérialisation devrait limiter la documentation. La malle de Strasbourg n’a plus de sens.

L’action du Gouvernement au contentieux est justifiée et la réponse du ministre des affaires européennes aux questions d’actualité a été appropriée. Je propose d’ajouter à la proposition de résolution de nos collègues Armand Jung et Jean-Marc Ayrault le considérant suivant :

« Considérant le recours formé par la France auprès de la Cour de justice de l’Union européenne et annoncé par le ministre chargé des affaires européennes à l’Assemblée nationale le 16 mars 2011 en réponse à une question au Gouvernement, »

M. Jean-Claude Fruteau. Ce vote témoigne moins d’une prise de décision politique que d’une insatisfaction des députés des autres pays. Contrairement à Bruxelles, ils doivent changer à Roissy pour aller à Strasbourg. Ce très beau bâtiment est moins fonctionnel que les locaux de Bruxelles. Huit ans après y être entré, je m’y perdais encore.

Le Président Pierre Lequiller. La Commission des affaires européennes est pleinement mobilisée pour soutenir Strasbourg et je remercie Christophe Caresche pour sa référence au recours fait par le Gouvernement auprès de la Cour de justice de l’Union européenne et à la réponse faite par le ministre chargé des affaires européennes à la question de M. André Schneider. Je souhaite que cette proposition de résolution puisse recueillir l’unanimité de notre Commission.

M. Bernard Deflesselles. Il faut faire très attention compte tenu du nombre de vote en présence. Il ne faudra plus rester toujours sur la défensive.

M. André Schneider. Je vous renouvelle mon appel : il faut vraiment aider Strasbourg. »

La Commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution, dans le texte ci-après (troisième considérant ajouté).

ANNEXE :
PROPOSITION DE RESOLUTION

(adoptée par la Commission des affaires européennes)

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE RELATIVE
A LA TENUE DES SESSIONS PLENIERES DU PARLEMENT EUROPEEN A STRASBOURG

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 341 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le protocole (n° 6) sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et service de l’Union européenne annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les calendriers des périodes de sessions du Parlement pour 2012 et pour 2013 adoptés par le Parlement européen le 9 mars 2011,

Considérant que le choix de Strasbourg, ville symbole de la réconciliation du continent et de l’unification européenne, comme siège du Parlement européen bénéficie d’une légitimité historique incontournable,

Considérant que la diversité géographique des sièges des institutions européennes est l’expression nécessaire d’une Union fondée sur le respect de la richesse de ses racines et de l’équilibre entre ses Etats, au plus près des citoyens,

Considérant le recours formé par la France auprès de la Cour de justice de l’Union européenne et annoncé par le ministre chargé des affaires européennes à l’Assemblée nationale le 16 mars 2011 en réponse à une question au Gouvernement,

Rappelle qu’en vertu des traités, et depuis la fondation des Communautés européennes, le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire ;

S’oppose par conséquent à toute action et tout artifice organisationnel aboutissant à vider de leur contenu les sessions plénières du Parlement européen et, par ce biais, à contrevenir directement aux dispositions du traité.

© Assemblée nationale

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.