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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 3601

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 juin 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative à la régulation du système de distribution de la presse,

PAR M. Pierre-Christophe BAGUET,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat  : 378, 474, 475, et T.A. 110 (2010-2011).

Assemblée nationale  : 3399.

INTRODUCTION 5

I. LE MODE ACTUEL DE RÉGULATION DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE N’EST PLUS ADAPTÉ AU BESOIN DE RÉFORME D’UN SECTEUR EN CRISE 7

A. UN MODE D’AUTORÉGULATION ISSU D’UNE LOI FONDATRICE : LA LOI « BICHET » DU 2 AVRIL 1947 7

1. Les principes de la loi « Bichet », loi fondatrice de notre système coopératif de distribution de la presse 8

2. La place centrale du Conseil supérieur des messageries de presse dans la régulation du secteur 8

B. DES INSTRUMENTS DE RÉGULATION SECTORIELLE INSUFFISANTS AU REGARD DES BESOINS DE RÉFORME DU SECTEUR 9

1. La situation actuelle du secteur appelle des réformes urgentes 10

2. Faute de force contraignante, les instruments actuels d’autorégulation du système présentent une efficacité limitée 11

II. UN TEXTE QUI LÈVE LES OBSTACLES INSTITUTIONNELS À UNE RÉFORME DU SECTEUR VOULUE PAR SES ACTEURS 15

A. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE, DANS LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA LOI « BICHET » 15

1. La proposition de loi ne remet pas en cause les principes de la loi « Bichet » 15

2. La proposition de loi rend plus efficace la régulation du secteur, sans remettre en cause sa tradition d’autorégulation 17

a) Deux options possibles 17

b) Une voie médiane 19

B. UNE PROPOSITION DE LOI QUE LES ACTEURS DU SECTEUR SOUHAITENT VOIR ADOPTÉE LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE 20

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I.- TABLE RONDE RELATIVE À LA RÉGULATION DU SYSTÈME DE DISTRIBUTION DE LA PRESSE 21

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 37

III.- EXAMEN DES ARTICLES 47

Article 1er : Modification de l'intitulé du titre II de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 47

Article 2 : Création de deux instances chargées de réguler le système coopératif de distribution de la presse 47

Article 3 : Composition du Conseil supérieur des messageries de presse 53

Article 4 : Missions et compétences respectives du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse 61

Article 5 : Abrogation du titre III de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 86

Article 6 : Abrogation de l’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 87

Article 7 : Gage financier 87

TABLEAU COMPARATIF 89

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 103

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 105

INTRODUCTION

Avec une chute de 20 % en cinq ans, le marché de la presse vendue au numéro est en crise. Cette situation ne s’explique pas seulement par le contexte macroéconomique général. Elle est aussi la conséquence de nombreux facteurs, dont le développement très rapide de nouveaux médias.

Cette crise ne déstabilise pas seulement le secteur de l’édition : elle frappe aussi durement l’ensemble de la chaîne de distribution de la presse. Cette chaîne est constituée de trois niveaux de distribution : d’abord, les « messageries de presse » qui assurent le transport des publications à longue distance ; ensuite, les 150 « dépositaires » qui jouent le rôle de grossistes locaux ; enfin, plus de 29 000 « diffuseurs » qui tiennent les points de vente de la presse.

Contrairement à d’autres pays, la France a fait à la Libération le choix heureux de mettre en place un système coopératif de distribution de la presse, qui garantit l’impartialité de toute la chaîne de distribution : tout titre doit être distribué, quelle que soit son orientation politique ou son tirage. Il s’agit là d’une précieuse spécificité française, corollaire du principe fondamental de liberté de la presse.

Il est donc urgent de donner à notre système de distribution de la presse les moyens d’évoluer dans le respect des valeurs coopératives. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat le 5 mai dernier, qui reprend les orientations formulées en ce sens par les acteurs de la distribution eux-mêmes à l’issue d’un travail de concertation qui a commencé avec les États généraux de la presse écrite, organisés en 2008-2009.

I. LE MODE ACTUEL DE RÉGULATION DE LA DISTRIBUTION
DE LA PRESSE N’EST PLUS ADAPTÉ
AU BESOIN DE RÉFORME D’UN SECTEUR EN CRISE

Il existe un véritable consensus, parmi les acteurs de notre système coopératif de distribution de la presse, pour constater que le mode actuel de régulation de ce secteur n’est pas efficace. En effet, celui-ci ne permet plus de mener à bien les réformes indispensables pour sortir le système de la double crise, conjoncturelle et structurelle, dans laquelle il se trouve.

Dans le cadre de ses auditions, le rapporteur a pu vérifier combien les acteurs de ce secteur s’accordent à souhaiter une réforme rapide de ce mode de régulation. Les États généraux de la presse écrite, qui se sont tenus en 2008 et 2009, ont permis de définir de façon consensuelle les axes de la réforme nécessaire. À la demande du Président de la République, M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, a rendu publiques le 9 juillet 2009 des propositions pour une réforme du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), lesquelles – qu’elles aient été reprises ou non – ont permis aux acteurs de discuter et de trouver un accord sur les mesures concrètes à prendre pour renforcer la régulation du secteur.

A. UN MODE D’AUTORÉGULATION ISSU D’UNE LOI FONDATRICE : LA LOI « BICHET » DU 2 AVRIL 1947

Le cadre juridique de notre système de distribution de la presse vendue au numéro est établi par une loi fondatrice : la loi n° 47-585 du 2 avril 1947, dite loi « Bichet », relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques.

Ce régime vise à garantir le pluralisme de l’information, que le Conseil constitutionnel a reconnu comme un « objectif de valeur constitutionnelle » s’agissant des quotidiens d'information politique et générale. Dans sa décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 relative à la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, il a en effet considéré que « la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent ces quotidiens n'était pas à même de disposer d'un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents » et qu’en définitive, « l'objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire l'objet d'un marché ».

La loi « Bichet » a garanti l’impartialité de la distribution des titres, et a institué pour y veiller un Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP).

1. Les principes de la loi « Bichet », loi fondatrice de notre système coopératif de distribution de la presse

Contrairement à la situation de nombreux pays, où la distribution de la presse obéit essentiellement à des mécanismes de marché, la loi « Bichet » a fixé un ensemble de règles visant à garantir le pluralisme de la presse, en garantissant que les distributeurs ne puissent pas opérer de discrimination entre les titres publiés et, ainsi, exercer de fait un pouvoir de censure.

Le régime institué par cette loi repose sur quatre principes fondamentaux :

– la diffusion de la presse est libre : l’article 1er de la loi affirme le droit pour tout éditeur d’assurer lui-même la distribution de ses propres titres ;

– la distribution groupée de la presse est le monopole de sociétés coopératives de messageries de presse : l’article 2 de la loi prévoit en effet que si un éditeur renonce à diffuser seul ses publications, il ne peut le faire qu’en adhérant à une coopérative constituée entre des éditeurs ;

– les acteurs de la distribution sont tenus à une stricte obligation d’égalité et d’impartialité de traitement des différents titres, quelle que soient leur orientation ou leur tirage. Cette obligation, qui découle de l’article 6 de la loi, s’impose tant aux « messageries de presse » qui assurent les transports à longue distance (dites « niveau 1 » du réseau de distribution), qu’aux « dépositaires » qui ont un rôle de grossiste (« niveau 2 » du réseau) et aux « diffuseurs », qui tiennent les points de vente constituant le « niveau 3 » de ce réseau ;

– les coopératives de messageries sont soumises au « contrôle comptable » du Conseil supérieur des messageries de presse, auquel les articles 16, 17 et 21 de la loi confèrent un droit de veto sur toutes leurs décisions susceptibles d’altérer leur équilibre financier ou leur caractère coopératif (cf. infra).

2. La place centrale du Conseil supérieur des messageries de presse dans la régulation du secteur

L’article 17 de la loi du 2 avril 1947, qui a créé le Conseil supérieur des messageries de presse, lui confie trois missions :

– « coordonner l'emploi des moyens de transports à longue distance utilisés par les sociétés coopératives de messageries de presse », héritage du contexte historique du vote de la loi « Bichet », dans l’immédiat après-guerre marqué par une pénurie de moyens de transports ;

– « faciliter l'application » de la loi « Bichet » ;

– assurer, « par l'intermédiaire de son secrétariat permanent », le « contrôle comptable » des sociétés coopératives de messageries.

La disposition qui charge le CSMP de « faciliter l’application » de la loi, par le caractère très général de sa formulation, a légitimé l’intervention du conseil supérieur dans la régulation du secteur de la distribution de la presse depuis 1947.

C’est en effet à ce titre que le conseil supérieur s’attache à assurer la cohérence du réseau de distribution de la presse, notamment en procédant à l’homologation des contrats-types liant les messageries aux agents de la vente, ce qui constitue un puissant outil d’uniformisation des pratiques professionnelles. Ses avis et le « rapport moral » que rend son président tous les ans contribuent aussi à son effort de régulation. Surtout, comme le note M. Bruno Lasserre dans son rapport précité, « depuis quelques années, avec une accélération notable dans le prolongement du mouvement engagé lors des États généraux de la presse écrite, le CSMP a fait montre d’une plus grande activité » :

– en 2006, il a mis en place un comité de suivi consacré à la rémunération des diffuseurs de presse et aux protocoles y afférant ;

– en 2007, il a créé un groupe de travail chargé de proposer des évolutions des règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux diffuseurs, afin de remédier à la fois à l’engorgement des linéaires qui décourage la clientèle, et aux forts taux d’invendus qui décourage les diffuseurs ;

– en 2009, il a installé un groupe de travail sur les missions des dépositaires de presse et l’évolution de leur réseau.

Enfin, la troisième des missions historique du Conseil supérieur des messageries de presse consiste en un « contrôle comptable » des sociétés coopératives de messageries de presse : il dispose ainsi d’un véritable droit de regard sur la gestion des messageries. De plus, l’article 21 de la loi du 2 avril 1947 dispose en outre que le CSMP « nommera auprès de chaque coopérative un commissaire pris en son sein parmi les représentants de l’État », auquel la loi donne un droit de veto, après avis du conseil supérieur, sur toute décision d’une coopérative ou d’une entreprise commerciale concourant à la distribution de la presse qui :

– soit altérerait « le caractère coopératif de la société » ;

– soit compromettrait son équilibre financier.

B. DES INSTRUMENTS DE RÉGULATION SECTORIELLE INSUFFISANTS AU REGARD DES BESOINS DE RÉFORME DU SECTEUR

Alors que la presse traverse une double crise, autant conjoncturelle – liée aux répercussions sur l’économie française de la crise mondiale – que structurelle, avec la montée en puissance d’autres supports de lecture que le papier, l’organisation institutionnelle de notre système coopératif de distribution de la presse ne permet pas de mettre en œuvre les réformes, pourtant consensuelles, indispensables à sa pérennité.

1. La situation actuelle du secteur appelle des réformes urgentes

Pour la sixième année consécutive, les ventes de la presse au numéro connaissent en 2010 une baisse sévère (cf. tableau ci-dessous).

Évolution des ventes de la presse au numéro

 

Ventes en volume

Évolution des ventes en volume / année précédente

Ventes en valeur

Évolution des ventes en valeur / année précédente

2010

1 046 593

– 6,1%

2 093 095

– 5%

2009

1 115 231

– 6%

2 202 753

– 4,1%

2008

1 186 053

– 5,8%

2 297 206

– 4,3%

2007

1 259 305

– 2,1%

2 400 185

0,1%

2006

1 253 583

– 5,9%

2 343 647

– 5%

Source : Conseil supérieur des messageries de presse

Cette tendance structurelle, aggravée par la crise macroéconomique générale depuis 2009, compromet l’équilibre économique du système de distribution de la presse à tous les niveaux. Ainsi, lors de la table ronde organisée par la Commission, la directrice générale de Presstalis a évoqué la situation financière difficile de la principale messagerie de presse. De même, M. Stéphane d’Altri o Dardari, président du Syndicat national des dépositaires de presse, a indiqué au rapporteur que la baisse du chiffre d’affaires des dépositaires, alliée à la hausse tendancielle de leurs charges, accélérait la concentration du réseau des dépositaires, qui est déjà passé de près de 3000 dépôts dans les années 1980 à environ 150 aujourd’hui. M. Gérard Proust, président de l’Union nationale des diffuseurs de presse, a souligné devant le rapporteur que ces difficultés touchent aussi les diffuseurs de presse, dont le réseau perd en densité et dont le métier perd en attractivité, comme le montre l’encadré ci-dessous.

Les fragilités du réseau des diffuseurs de presse

Source : Union nationale des diffuseurs de presse.

La situation appelle donc des mesures urgentes de redressement, que le mode de régulation actuel du secteur ne permet pas de mettre en œuvre avec la rapidité et l’efficacité appropriées.

2. Faute de force contraignante, les instruments actuels d’autorégulation du système présentent une efficacité limitée

Dans un rapport précité sur la réforme du Conseil supérieur des messageries de presse, M. Bruno Lasserre présente le CSMP comme « un outil d’autorégulation né dans l’immédiat après-guerre » mais dont le statut ne permet plus de réguler efficacement le secteur en temps de crise.

En effet, en l’absence d’habilitation législative, le CSMP n’est investi d’aucun pouvoir réglementaire et ses actes ne sont pas exécutoires, ce qui limite sa capacité de régulation du secteur, qu’il s’agisse de régler les différends survenant entre les acteurs du secteur ou d’édicter des normes professionnelles.

Seules deux catégories d’actes du Conseil supérieur des messageries de presse ont une portée autre que simplement morale :

– les actes pris en son nom par son commissaire délégué auprès des coopératives, dans l’exercice de son droit de regard sur la gestion de ces sociétés et de son droit de veto sur leurs décisions portant atteinte à leur caractère coopératif ou à leur équilibre financier ;

– les avis qu’il rend sur les majorations des taux de commission des agents de la vente. En effet, le décret n° 2005-1455 du 25 novembre 2005 modifiant le décret n° 88-136 du 9 février 1988 fixant les conditions de rémunération des agents de la vente de presse prévoit que le CSMP est saisi pour avis de tout projet de convention tendant à fixer les règles de majorations des taux de commission des agents de la vente, et qu’à défaut d’opposition du ministre au vu de cet avis, la convention entre en vigueur.

Dans son rapport précité, M. Bruno Lasserre montre d’ailleurs que le conseil supérieur « a pu être incité à s’autocensurer, de crainte, en n’étant pas écouté, d’entamer une autorité purement morale et nécessairement précaire », relevant que le conseil supérieur lui-même, dans sa contribution aux États généraux de la presse écrite, reconnaît que « les exemples abondent […] où le conseil a dû rester spectateur des différends, composer avec les faits accomplis ou pis, demeurer dans l’inaction, ne possédant qu’une autorité sans assise juridique définie ».

Le projet de charte professionnelle rédigé par le conseil supérieur illustre bien les limites de ses moyens d’action. En 2009, le CSMP a en effet élaboré un projet de « charte » en vue de rénover la gouvernance de la distribution de la presse. Cette nouvelle gouvernance aurait notamment fait intervenir :

– une « commission des normes et bonnes pratiques professionnelles » chargée de préparer des normes qui auraient été soumises pour validation à l’assemblée générale du conseil supérieur et se seraient imposées à l’ensemble des acteurs de la distribution de la presse ;

– une « commission de conciliation », que les messageries et les coopératives se seraient obligées à saisir préalablement à tout recours contentieux.

Toutefois, le CSMP n’étant investi d’aucun pouvoir réglementaire, une telle charte ne peut être établie que sur la base d’une convention passée entre différents acteurs, or cette approche conventionnelle présente plusieurs limites :

– elle ne peut constituer un outil efficace de régulation du secteur que si l’ensemble des acteurs y adhèrent, or le projet de charte présenté en 2009 par le CSMP s’est heurté au refus de l’une des deux principales messageries ;

– elle pourrait être à tout moment dénoncée par l’une des parties, par exemple en cas de désaccord ;

– elle ne s’imposerait pas de plein droit aux nouvelles coopératives et aux nouvelles messageries, ce qui permettrait d’ailleurs aux sociétés existantes d’en contourner les stipulations contraignantes par la création d’une nouvelle entité.

Constatant les insuffisances de l’approche conventionnelle pour le règlement des différends comme pour la régulation économique du secteur, M. Bruno Lasserre en conclut qu’une réforme de la gouvernance de la distribution de la presse est indispensable et qu’une telle gouvernance « ne saurait être réellement légitime, que si elle découle de vraies décisions de puissance publique, susceptibles de recours ».

II. UN TEXTE QUI LÈVE LES OBSTACLES INSTITUTIONNELS À UNE RÉFORME DU SECTEUR VOULUE PAR SES ACTEURS

Les orientations du texte de la proposition de loi présentée par M. Jacques Legendre, président de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, sont conformes aux conclusions des travaux entrepris par les acteurs eux-mêmes en vue de la modernisation de notre système coopératif de distribution de la presse, à partir des États généraux de la presse écrite.

Ces travaux ont débouché sur un quasi-consensus au sein de la filière, ce qui mérite d’être remarqué. Le rapporteur tient en effet à saluer l’esprit véritablement constructif des responsables du secteur : la plupart d’entre eux se sont dits disposés à abandonner certaines de leurs revendications au profit d’une position consensuelle, afin que le texte soumis au Parlement puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

A. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE, DANS LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA LOI « BICHET »

La présente proposition de loi tend à modifier les titres II et III de la loi « Bichet » – qui concernent respectivement le Conseil supérieur des messageries de presse et diverses dispositions d’application – et non le titre Ier de la loi, qui fixe les principes fondamentaux de notre système coopératif de distribution de la presse.

1. La proposition de loi ne remet pas en cause les principes de la loi « Bichet »

Loin de remettre en cause les principes de la loi « Bichet » qui font la spécificité de notre système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro, la présente proposition de loi tend à les consolider, en levant les obstacles institutionnels aux réformes à même d’en assurer la pérennité.

 Le principe de liberté de la distribution et le monopole des coopératives sur la distribution groupée

Le texte ne remet en cause ni le principe de liberté de la diffusion de la presse fixé par l’article 1er de la loi, ni le monopole des messageries de presse, établi par l’article 2, pour la distribution des titres qu’un éditeur choisit de ne pas distribuer par ses propres moyens.

Au contraire, l’article 4 de la présente proposition de loi charge le Conseil supérieur des messageries de presse d’encadrer les deux modes existants de distribution de la presse qui ne font pas intervenir les sociétés coopératives de messageries de presse :

– la distribution directe des titres par leur éditeur aux dépositaires de presse, sans l’intermédiaire d’une société coopérative de messageries de presse, comme l’article 1er de la loi « Bichet » en prévoit la possibilité ;

– les dérogations au principe dit « de distribution exclusive », suivant lequel un éditeur doit confier tous les exemplaires de ses titres à la coopérative de messagerie à laquelle il adhère.

Comme le souligne le livre vert des États généraux de la presse écrite, ce principe ne découle nullement de la loi « Bichet », mais des clauses des contrats de groupage et de distribution utilisés par les deux principales messageries de presse – Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse. C’est en ce sens que le livre vert affirme que « la loi « Bichet » de 1947 est devenue un alibi collectif plutôt qu’un instrument au service des éditeurs ».

Les États généraux ont ainsi abouti à la conclusion qu’il serait intéressant pour dynamiser les ventes au numéro de permettre certaines dérogations à ces règles contractuelles – et non légales – dans deux cas précis :

– pour faciliter l’accès des quotidiens nationaux au réseau de vente de la presse quotidienne régionale, qui compte deux fois plus de points de vente que celui de la presse nationale ;

– pour certains services demandés par les éditeurs, mais que les messageries ne sont pas en mesure de leur proposer, et ce sous deux conditions très précises : d’une part, que les messageries disposent d’un « droit de premier refus » (c'est-à-dire qu’elles aient été systématiquement sollicitées) et, d’autre part, qu’elles aient repoussé la demande « sans raison valable ».

Le rapporteur tient à souligner que la distribution de la presse en dehors du cadre des messageries doit en tout état de cause rester exceptionnelle. Il en va en effet de l’équilibre financier des messageries : cet équilibre coopératif repose sur une logique de mutualisation des charges, qui serait dangereusement mise à mal si un éditeur retirait à une messagerie la part la moins coûteuse de la distribution, pour ne lui confier que des activités moins rentables, comme la desserte de zones enclavées ou peu denses.

À l’initiative de son rapporteur M. David Assouline, le Sénat a d’ailleurs adopté un amendement qui souligne bien le caractère dérogatoire de ces modes de distribution non coopératifs, en précisant que le Conseil supérieur des messageries de presse, chargé d’en établir le cadre réglementaire, devra veiller au « respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives de messageries de presse ».

 Le principe d’impartialité de la distribution

La présente proposition de loi ne remet pas en cause le principe d’impartialité de la distribution de la presse.

Au contraire, elle vise à consolider les règles édictées pour la mise en œuvre de ce principe, afin d’éviter un effet pervers constaté aujourd’hui : le droit donné à tout éditeur de faire distribuer tout titre, en toute quantité et dans tout point de vente, conduit à un encombrement du linéaire chez les diffuseurs.

Or, cet encombrement nuit à l’attractivité des points de vente spécialisés, induit des taux d’invendus importants, complique considérablement le travail des diffuseurs, et empêche ceux-ci de mener une action commerciale. Surtout, dans les faits, ces règles ne protègent plus la catégorie de publications pour laquelle elles se justifient le plus, à savoir la presse d’information politique et générale.

C’est ce constat qui a conduit M. Bruno Lasserre, dans son rapport précité, à proposer de différencier les règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux diffuseurs en fonction du type de presse considéré :

– en réservant à la presse d’information politique et générale le principe du libre accès de tout éditeur à tout point de vente ;

– en régulant, pour les autres titres, le droit à être distribué de façon à limiter l’encombrement du linéaire des diffuseurs et les taux d’invendus.

Des adaptations des règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités distribuées ont déjà fait l’objet d’expérimentations, dont le résultat est encourageant : en effet, quand le linéaire a pu être désengorgé, les ventes ont augmenté et les conditions de travail des diffuseurs se sont améliorées.

La proposition de loi charge le Conseil supérieur des messageries de presse de faire évoluer ces règles d’assortiment et de plafonnement, tout en garantissant un traitement totalement impartial à la presse d’information politique et générale. Le rapporteur relève que cette mesure est saluée par l’ensemble des acteurs du secteur. C’est à eux, qui siègent au Conseil supérieur, qu’il reviendra donc d’assurer la conciliation entre les exigences d’impartialité et d’efficacité de la distribution.

2. La proposition de loi rend plus efficace la régulation du secteur, sans remettre en cause sa tradition d’autorégulation

a) Deux options possibles

À la suite des États généraux de la presse écrite, le Président de la République a chargé le président de l’Autorité de la concurrence de remettre des propositions en vue d’une réforme du Conseil supérieur des messageries de presse suivant les orientations que les États généraux de la presse écrite avaient permis de dégager (cf. l’encadré ci-après).

L’orientation stratégique de la réforme définie par le Président de la République

« Parce que la presse n’est pas un produit comme un autre, il est légitime que tous les titres bénéficient de garanties particulières contre le risque d’une distribution arbitraire.

« Ces garanties, cela devrait être au Conseil supérieur des messageries de presse de les apporter. Malheureusement, pour des raisons historiques qui tiennent à ses compétences, à sa composition, à la démission de l’État, ce conseil ne bénéficie plus d’une confiance suffisante des acteurs.

« Il faut changer le Conseil supérieur des messageries de presse, non pas le renforcer en laissant son statut inchangé, mais en faire une instance réellement indépendante : avec une composition totalement différente ; dotée de réelles compétences ; chargée de concilier une distribution efficace de la presse et le respect du pluralisme, de veiller à ce qu’aucun éditeur ne fasse l’objet de mesures arbitraires, et de garantir des conditions concurrentielles saines entre tous les acteurs, messageries, dépositaires et diffuseurs ».

Source : Discours du Président de la République à la suite de la remise du Livre vert des États généraux de la presse écrite, Palais de l’Élysée, vendredi 23 janvier 2009

Il ressort des propositions de la discussion par les acteurs des propositions de M. Bruno Lasserre que deux schémas d’organisation alternatifs pouvaient être envisagés pour l’architecture institutionnelle de la régulation du système coopératif de distribution de la presse :

 Un schéma basé sur des mécanismes d’autorégulation du secteur

Le premier schéma envisageable correspond à la situation actuelle : il repose principalement sur des mécanismes d’autorégulation du secteur.

La composition actuelle du Conseil supérieur des messageries de presse, centrée sur les professionnels, a favorisé ces pratiques, d’autant que les représentants de l’État en son sein n’ont pas toujours été vus comme étant très actifs – au point que le chef de l’État a pu évoquer la « démission de l’État » au sein de ce conseil (1).

L’inconvénient de ce mode d’organisation tient à ce que la composition du conseil supérieur ne garantit pas suffisamment l’impartialité de l’institution pour que celle-ci puisse se voir attribuer un pouvoir décisionnel. Ses actes restent donc dépourvus de force contraignante.

 Un schéma centré sur une autorité administrative indépendante

Le second schéma envisageable correspond aux propositions de M. Bruno Lasserre : il consiste à confier la régulation du secteur à une autorité publique indépendante classique.

Dans ce schéma, les acteurs du système de distribution de la presse ne seraient plus associés à la régulation du secteur qu’au sein de commissions consultatives thématiques.

b) Une voie médiane

L’architecture institutionnelle retenue par la présente proposition de loi correspond à une synthèse entre ces deux modes d’organisation.

Ainsi, le Conseil supérieur des messageries de presse verra sa composition resserrée, réservée aux acteurs de la distribution de la presse – y compris les diffuseurs, qui ne sont pas représentés aujourd’hui au conseil supérieur –, avec une majorité relative des voix pour les éditeurs. Ce CSMP rénové sera une véritable instance professionnelle, dotée de la personnalité morale. Surtout, il aura pour mission d’assurer « le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau », et sera chargé à ce titre de prendre toutes les décisions nécessaires à cette fin. C’est notamment le conseil qui :

– établira les règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servies ;

– encadrera strictement les activités de distribution de la presse en dehors des messageries ;

– fixera un schéma directeur du réseau de distribution, pilotera son évolution et agréera les agents de la vente ;

– pilotera les systèmes d’information nécessaires au fonctionnement du réseau de distribution ;

– homologuera les contrat-types des agents de la vente ;

– fixera la rémunération des agents de la vente ;

– assurera le contrôle comptable des messageries ;

– contrôlera le fonctionnement coopératif et l’équilibre financier des messageries ;

– définira des normes et des bonnes pratiques professionnelles.

Parallèlement, le Conseil supérieur des messageries de presse sera chargé d’une mission de conciliation obligatoire préalable à tout contentieux entre deux acteurs du secteur.

Toutefois, les décisions du CSMP ne seront exécutoires que lorsqu’elles auront reçu l’approbation – éventuellement tacite – d’une autorité administrative indépendante, composée de trois magistrats : l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP). Cette instance impartiale sera investie d’une double mission :

– arbitrer les différends survenant entre des acteurs du secteur, après la procédure de conciliation obligatoire devant le conseil supérieur ;

– rendre exécutoires les décisions du CSMP ayant une portée générale.

Ainsi, le CSMP demeurera une instance d’autorégulation du système de distribution de la presse, chargée d’une double prérogative de production normative et de règlement des différends, et l’ARDP n’interviendra qu’a posteriori pour rendre exécutoires ses décisions, exerçant un pouvoir réglementaire qui ne peut être délégué qu’à une autorité indépendante.

B. UNE PROPOSITION DE LOI QUE LES ACTEURS DU SECTEUR SOUHAITENT VOIR ADOPTÉE LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE

Devant le rapporteur et la Commission, l’ensemble des acteurs a souhaité une mise en œuvre très rapide de la présente proposition de loi.

En l’espèce, la rapidité ne saurait être confondue avec de la précipitation : en effet, les orientations de cette proposition de loi ont fait l’objet d’un travail aussi long qu’approfondi depuis la fin de l’année 2008, et un large accord s’est fait autour de la stratégie qui la sous-tend.

C’est pourquoi, considérant le texte proposé comme satisfaisant, il est proposé d’adopter cette proposition de loi sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- TABLE RONDE RELATIVE À LA RÉGULATION DU SYSTÈME DE DISTRIBUTION DE LA PRESSE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend, au cours de sa séance du 21 juin 2011, dans le cadre d’une table ronde, ouverte à la presse, relative à la régulation du système de distribution de la presse, réunissant M. Jean-Pierre Roger, président du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), Mme Anne-Marie Couderc, directrice générale de Presstalis, et MM. Jean-Claude Cochi, président, et Patrick André, directeur délégué des Messageries lyonnaises de presse (MLP)

Mme la présidente Michèle Tabarot. J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du secteur des messageries de presse qui ont bien voulu répondre à notre invitation de venir débattre des enjeux et des perspectives de la réforme en cours de la régulation du système de distribution de la presse.

En effet, l'Assemblée nationale est saisie d'une proposition de loi en ce sens qui a déjà été adoptée par le Sénat et que nous examinerons en commission la semaine prochaine en vue d'une inscription à l’ordre du jour en séance publique, prévue pour le 5 juillet. Je rappelle que nous avons désigné M. Pierre-Christophe Baguet pour être rapporteur de ce texte.

Merci, madame, messieurs, d'être présents aujourd'hui pour nous informer sur la situation du secteur de la distribution de la presse, notamment sur celle des messageries. Ce tour d'horizon complétera les auditions organisées ce matin même par notre rapporteur avec les éditeurs, les dépositaires et les diffuseurs et qui étaient ouvertes à l'ensemble des membres de la Commission.

Nous avions bien noté, à l'issue des États généraux de la presse écrite, que le secteur des messageries et de la distribution appelait des mesures urgentes. Deux rapports ont suivi, l'un de M. Bruno Lasserre sur la régulation, l'autre de M. Bruno Mettling sur la situation particulière de Presstalis, mais contenant également des préconisations sur la régulation.

La réforme qui nous est proposée institue une régulation bicéphale, qui semble correspondre au vœu de l'actuel Conseil supérieur des messageries de presse. Nous écouterons donc M. Roger, son président, avec un intérêt particulier.

Nous éprouvons également une grande curiosité envers les entreprises de messagerie et leur vision du nouveau type de régulation qui pourrait être mis en œuvre, compte tenu de l'environnement économique général.

Je conclurai par une double question générale, qui pourra peut-être orienter notre débat : quels sont les enjeux de nature économique ou commerciale qui exigeaient une réforme de la régulation et comment avez-vous été associés à l'élaboration de cette réforme ?

Mme Anne-Marie Couderc, directrice générale de Presstalis. Presstalis, société commerciale dirigée principalement par les éditeurs constitués en coopérative, est régie par les principes fixés en 1947 par la loi « Bichet », qui garantit la liberté d’expression en permettant à tout éditeur de choisir son mode de distribution et d’accéder dans des conditions favorables à la distribution groupée, c’est-à-dire mutualisée avec d’autres titres et d’autres éditeurs. Au lendemain de l’Occupation, cette loi a certainement contribué à permettre aux quotidiens et aux magazines d’information d’irriguer le territoire. Elle a également permis l’exceptionnelle richesse de la presse magazine française. Depuis cette époque, Presstalis – alors dénommée Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) – assure la distribution des quotidiens nationaux et d’une grande partie des magazines sur l’ensemble du territoire français, en métropole comme dans les départements d’outre-mer. La loi « Bichet » fait obligation à chacune des coopératives qui la constituent d’accepter la candidature d’un éditeur, pour un prix défini par un barème fixé chaque année par l’assemblée générale des éditeurs membres de la coopérative.

Presstalis assure également la diffusion de la presse française vers plus d’une centaine de destinations à l’étranger, participant ainsi au rayonnement de la presse francophone dans le monde et au lien entre les Français expatriés et leur pays. Ainsi, la société distribue environ 3 500 titres en métropole, dont l’ensemble des quotidiens nationaux, et est à ce jour seule à offrir cette prestation aux éditeurs.

Afin de pouvoir distribuer chaque numéro des titres qui lui sont confiés, Presstalis assure avec son réseau une prestation de distribution sept jours sur sept sur l’ensemble du réseau national, soit plus de 29 000 points de vente, en assurant à ces derniers une livraison dans des délais très courts, avant l’heure de leur ouverture. Ainsi, pour les quotidiens, le délai de livraison ne s’exprime pas en « J », mais il est de l’ordre de « H+6 » : un quotidien sorti à 3 heures du matin peut même être avant 7 heures chez les diffuseurs. Les collaborateurs de NMPP, puis de Presstalis, ont donc développé, au fil des années, une compétence avérée pour gérer chaque jour des situations complexes.

Au-delà d’une logistique complexe et rigoureuse – Presstalis assure par exemple l’organisation de quelque 1 200 tournées journalières, recourant à de nombreux camions –, les messageries gèrent des flux informationnels et financiers relatifs aux ventes réalisées, garantissant le paiement de celles-ci aux éditeurs. La distribution exclusive d’un titre dans le réseau existant, via la messagerie, tend à garantir l’intégrité de ces flux.

La distribution de la presse s’effectue dans le cadre de contrats de commissionnaire : le titre reste la propriété de l’éditeur jusqu’à sa vente aux consommateurs, le papier étant remis en dépôt-vente à l’ensemble des acteurs de la filière, lesquels sont rémunérés par une commission sur les ventes. Certains éditeurs, qui ne souhaitent pas utiliser les services de messagerie, s’adressent directement aux dépositaires pour assurer la distribution régionale du titre. La loi « Bichet » permet donc à l’éditeur de choisir son mode de distribution et les prestations qui y sont attachées.

Aujourd’hui cependant, l’ensemble du secteur de la distribution de la presse vendue au numéro – messageries, dépositaires, diffuseurs de presse – est en difficulté. C’est une conséquence de la baisse significative des ventes au numéro, de l’ordre de 20 % en cinq ans, et du transfert de lecteurs au profit de l’abonnement et du portage. Il est donc nécessaire de revoir rapidement les modalités de distribution de la presse, dans le respect des principes de la République que sont la liberté de la presse et la liberté de sa distribution. Comme de nombreux acteurs de la filière, notamment les syndicats professionnels de presse, Presstalis a engagé une réflexion qui pourrait déboucher à moyen terme sur des décisions structurantes en matière de distribution. De fait, malgré diverses réformes, les modalités de celle-ci n’ont, en substance, pas changé depuis 1947.

En perpétuelle évolution pour s’adapter aux besoins de nos éditeurs, Presstalis connaît déjà une restructuration juridique, les éditeurs ayant décidé de se regrouper en deux coopératives – au lieu de huit –, dédiées respectivement aux quotidiens et aux magazines, afin de simplifier et de moderniser le fonctionnement de la société. Celle-ci est également engagée dans une restructuration économique importante en vue de diminuer ses charges. L’un des surcoûts pesant sur la messagerie tient notamment à l’obligation d’assurer la distribution sept jours sur sept dans tous les points de vente de France, y compris dans les secteurs les plus éloignés, ruraux ou de montagne – l’accès de tous à l’information est en effet une exigence dans un État démocratique. Cette mission de service public, ou de « service universel », n’est pas d’ordre économique, mais répond au souci de préserver la liberté d’expression qui motivait la loi « Bichet ».

Presstalis a approfondi au cours des derniers mois sa réflexion sur les évolutions nécessaires face à la situation de la presse écrite, qui subit les effets de l’apparition de nouveaux canaux de distribution. De fait, le numérique a modifié les modes de consommation de l’information, tandis que le souci qu’ont les éditeurs de fidéliser leurs lecteurs s’est traduit par un recul de la vente au numéro, au profit de l’abonnement distribué par voie postale ou par portage.

L’un des axes de cette réflexion est la mutualisation de certains outils, afin d’optimiser les coûts de distribution. Presstalis s’efforce, en la matière, de valoriser ses savoir-faire et sa connaissance de la distribution, notamment autour de la problématique de l’accès des transports aux centres urbains. La société joue en effet, depuis le 1er novembre 2010, un rôle pilote dans le projet « Logistique urbaine mutualisée durable » (LUMD), projet de recherche sur les outils de mutualisation des transports en zone urbaine regroupant des laboratoires et des développeurs. Il existe en effet un intérêt commun avec d’autres filières pour trouver des outils limitant les transports en ville grâce à une mutualisation et une meilleure utilisation des espaces disponibles dans les dépôts ou dans les camions.

Au-delà des efforts de mutualisation, il est fondamental que la loi « Bichet » contribue, dans un contexte difficile, à faire évoluer l’ensemble de la filière et facilite les propositions et les initiatives des différents acteurs. Sans doute les solutions sont-elles multiples et chacun doit pouvoir apporter sa contribution, se réformer librement et, au besoin, s’ouvrir à d’autres marchés. L’évolution du cadre légal que prévoit la proposition de loi qui vous sera soumise doit permettre d’aller dans ce sens, en préservant la liberté de la presse et de sa distribution ainsi que l’équilibre financier de tous les acteurs de la filière.

S’il est naturel que ceux-ci s’autofinancent, on ne saurait cependant leur imposer de contraintes qui ne soient pas rémunérées – je pense aux missions, déjà évoquées, relevant de ce qu’on peut désigner comme « service public », « intérêt général », « continuité territoriale » ou « aménagement du territoire » et importantes pour la vitalité du territoire, auxquelles contribuent les messageries et tous les diffuseurs de presse.

Nous sommes confiants dans l’avenir de la presse écrite. Le mois de mai nous a confirmé qu’avec une actualité importante et des éditeurs dynamiques, les Français achètent de la presse écrite. L’intérêt porté à la presse vendue au numéro est donc tout à fait légitime. Il confirme la nécessité que nous trouvions ensemble les voies et moyens d’une distribution optimisée, répondant aux demandes des éditeurs et des consommateurs.

Pour conclure, les défis actuels de la diffusion de la presse que sont la concurrence entre les différents modes de diffusion, la concurrence entre messageries et la chute des ventes au numéro ont rendu indispensable une réforme de la loi « Bichet ». La proposition aujourd’hui débattue va dans le bon sens. Elle réaffirme que les éditeurs ont la première place pour décider des conditions et des moyens de leur distribution. Elle crée un mécanisme de règlement des différends visant à l’efficacité par le recours préalable à une procédure de conciliation et apporte aux décisions interprofessionnelles une sécurité juridique avec la création de la nouvelle Autorité de régulation de la distribution de la presse.

Presstalis se félicite de la réforme proposée, qui offrira un cadre renforcé pour que les éditeurs soient les premiers à décider des conditions et des moyens propres à pérenniser la distribution de la presse, et assume pleinement la responsabilité du respect des principes de base de la loi de 1947, rappelés à de nombreuses reprises dans la proposition de loi : une distribution libre et impartiale, notamment grâce au système coopératif, efficiente économiquement, efficace commercialement et présentant un équilibre financier pérenne.

Presstalis compte sur la responsabilité des éditeurs dans le cadre de cette loi rénovée pour déterminer les conditions d’exercice de l’activité. En dépit de quelques observations que nous pourrions faire sur certaines formulations, il est de l’intérêt général que la proposition de loi soit adoptée dans les plus brefs délais. Les éventuelles questions de forme me semblent en effet pouvoir être réglés par l’interprétation que produiront le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation, ou par voie réglementaire.

M. Jean-Pierre Roger, président du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). La liberté de la presse, principe d’ordre constitutionnel, a été rendu effective par la liberté de distribution de la presse instaurée par loi du 2 avril 1947. Qualifiée d’« icône de la République » dont il ne faut s’approcher qu’en tremblant, cette loi a conféré, dans le contexte de la Libération, la maîtrise de la distribution des journaux et publications aux éditeurs eux-mêmes, qui peuvent assurer chacun leur propre distribution ou décider de se grouper avec d’autres éditeurs au sein de coopératives de messageries dans lesquelles ils peuvent s’assurer de participations majoritaires, tout candidat devant être accepté au sein de l’une ou l’autre des coopératives. La bonne distribution de la presse est ainsi garantie à l’égard tant du pouvoir exécutif que des « puissances d’argent », dans une dimension de liberté, d’égalité et de solidarité qui n’est pas sans évoquer la devise de notre République.

La même loi a institué, en son titre II, le Conseil supérieur des messageries de presse comme l'autorité garante de ces principes, et lui a confié, en un temps où il n’existait pas de telles autorités, des missions anticipatrices d’une régulation moderne, consistant à contrôler la comptabilité des sociétés de messageries de presse, à coordonner les moyens de transport et à faciliter l'application de la loi.

Durant une quarantaine d’années, le Conseil supérieur des messageries de presse a exprimé cette autorité auprès du système coopératif ainsi instauré, comprenant les coopératives de messagerie, ou « niveau 1 », les dépositaires, ou « niveau 2 », et les diffuseurs, ou « niveau 3 ». Le conseil supérieur a ainsi développé une fonction normative, faite d’usages professionnels et assise sur des décisions toujours consensuelles, votées par une assemblée générale comportant en majorité des éditeurs, des représentants de la profession, un commissaire du conseil, des représentants de l’État et des acteurs de la distribution.

Vers la fin des années 1980, l’irruption de la concurrence dans un système jusqu’alors solidaire et coopératif, empreint de la générosité propre à la Libération, a cependant eu raison de ce bel ordonnancement, encouragée par les éditeurs en raison de la baisse des coûts qu’elle supposait. Sont ainsi apparues comme de plus en plus concurrentes sur le marché deux entreprises de niveau 1 : les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) et les Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui avaient jusqu’alors collaboré pacifiquement et qui, se partageant un même réseau, se sont trouvées en situation conflictuelle. L’une excipait de son bon droit d’entreprise structurante du métier, comme l’a rappelé Mme Anne-Marie Couderc, l’autre de son bon droit à l’existence d’une offre moins chère et diversifiée. La première fut vite accusée d’abus de position dominante et différentes affaires éclatèrent, qui furent portées devant l’Autorité de la concurrence. La profession se déchirait, alors que la presse perdait des parts de marché. J’ai été porté à la tête du conseil supérieur à un moment où celui-ci ne semblait plus pouvoir répondre pleinement aux sollicitations de la profession.

Les États généraux de la presse écrite, lancés par le Président de la République en 2008, mirent en évidence les nécessaires réformes de la distribution, qui portaient tant sur la gouvernance que sur le fond du système.

En matière de gouvernance, il échut au président de l'Autorité de la concurrence de formuler des propositions pour une réforme du CSMP. Le rapport Lasserre préconisait sa transformation en une autorité administrative indépendante (AAI) collégiale, aux missions renforcées, les éditeurs n'étant appelés à y jouer qu'un rôle consultatif dans le cadre de commissions techniques. Ces propositions revenaient à modifier les principes essentiels établis au titre Ier de la loi « Bichet » et selon lesquels la liberté de la presse impose la maîtrise de la distribution par les éditeurs. Ceux-ci ont mal accepté cette perspective, qui pouvait apparaître comme une mise sous tutelle, et s'en sont expliqués au cours d'une réunion à l'Élysée, le 15 juillet 2009.

Pendant ce temps, et dès l'issue des États généraux de la presse écrite, le conseil supérieur s'était attaché à mettre en œuvre les recommandations du Livre vert par une série de réformes structurelles de fond : constitution d'une commission des normes et des bonnes pratiques professionnelles et d'une commission de conciliation, transformation d'une commission du réseau et adoption de règles de fonctionnement transparentes et objectives. Le conseil supérieur a aussi engagé la réforme du niveau 2 et le schéma directeur du niveau 2 concernant les dépositaires, et mis en place une méthodologie d’évaluation des dépôts, pour laquelle il a fait travailler le cabinet Ricol-Lasteyrie. Il a également travaillé sur l’évolution du mode de rémunération des dépositaires et a répondu aux demandes des pouvoirs publics, des éditeurs et des diffuseurs de presse touchant à la réforme du niveau 3 par l’adoption d’une norme professionnelle relative à l'assortiment des journaux et publications dans les points de vente.

Les éditeurs attendaient cependant que la réforme du conseil supérieur, destinée à favoriser l’autonomie, et donc la rapidité d’exécution, donne lieu à une modification du titre II de la loi, sans pour autant modifier le titre Ier, qui donne aux éditeurs la maîtrise de la distribution.

Les cinq organisations professionnelles qui composent le paysage de la presse ont alors entrepris une démarche commune auprès des pouvoirs publics pour exprimer leurs attentes. Il en est sorti une proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse, adoptée par le Sénat en première lecture dans sa séance du 5 mai, et qui crée, dans le respect des principes posés par le cadre législatif actuel, cette évolution attendue de la régulation du système de distribution.

Les débats au Sénat ont fait apparaître que les éditeurs voyaient dans ce texte une traduction satisfaisante des éléments essentiels de l'accord équilibré qu'ils avaient recherché et trouvé avec les pouvoirs publics. Les tâches sont partagées. Le conseil supérieur a pour champ de compétence l’organisation et le fonctionnement du système, l’autorité administrative intervient dans deux champs bien définis : sur les normes posées, elle donne – ou ne donne pas – force exécutoire aux décisions prises et, dans les différends, elle intervient en arbitrage après l’échec d’une conciliation qui serait passée dans les mains du conseil supérieur.

La proposition confère aussi à l’instance professionnelle un statut clairement défini et en clarifie la composition : les transporteurs céderaient la place aux diffuseurs, exclus jusqu’à présent du conseil supérieur. Les missions sont renforcées et précisées, dans la logique prévue par le rapport Lasserre. La composition retenue pour l’autorité administrative indépendante, fondée sur un collège de trois magistrats – un magistrat de la Cour de cassation, un conseiller d’État et un conseiller de la Cour des comptes –, semble cohérente.

Si la proposition de loi devait être améliorée après le vote du Sénat, on pourrait formuler deux remarques.

Tout d’abord, l’avis formulé par l’autorité administrative sur l’évolution des conditions tarifaires des sociétés coopératives de messagerie de presse pourrait être perçu comme une limitation de la souveraineté des sociétés coopératives, alors que l’article 12 du titre Ier de la loi actuelle, qui devrait rester inchangé, soumet les barèmes à l’approbation de leurs assemblées générales.

D’autre part, la consultation publique préalable aux décisions du conseil supérieur, ayant une incidence importante sur le marché de la distribution de la presse, pourrait apparaître comme susceptible d’entraîner un retard dans la mise en œuvre de ces mesures nécessaires à la profession.

Le président du conseil supérieur exprime son soutien global à la proposition de loi. Il considère, pour avoir recueilli l’avis des organisations professionnelles dont il se sent mandataire, qu’elle crée un instrument juridique efficace et équilibré. Il lui apparaît comme une ardente nécessité de disposer de cet instrument, à même de réformer le système de distribution.

M. Patrick André, directeur délégué des Messageries lyonnaises de presse (MLP). MLP, qui est à la fois une coopérative d’éditeurs et une messagerie directe, existe depuis 1945. À la différence de Presstalis, la société ne distribue pas de publications quotidiennes.

Il est utile de préciser que les messageries se situent en amont des véritables distributeurs de la presse, qui sont les dépositaires de presse. Ce sont ces derniers – le « niveau 2 » évoqué par M. Roger – qui effectuent le travail de transport, d’animation commerciale, de recouvrement auprès des diffuseurs de presse, de recherche de nouveaux points de vente et d’organisation des retours des flux d’invendus, malheureusement très importants dans notre secteur. On compte en France environ 150 de ces dépositaires de presse et leur nombre se réduit. Une quarantaine de ces dépôts sont réunis sous la marque Soprocom, gérée par l’entreprise de messagerie Presstalis, et une vingtaine d’autres appartiennent à SAD, qui a l’exclusivité de la distribution de la presse dans les principales villes de France, à l’exception de Paris. Tous les autres dépôts sont indépendants ou appartiennent, pour partie, à MLP.

Les messageries effectuent un travail de groupage et de mutualisation des moyens en amont de la distribution vers les dépositaires de presse. Dans de nombreux autres pays, les messageries proprement dites n’existent pas et ce sont les dépôts qui assurent la distribution des publications. En France, du reste, une partie des publications quotidiennes régionales possèdent leurs propres réseaux de distribution, faisant office de messageries distribuant leurs publications vers leurs propres dépôts.

Les enjeux sont ceux du partage des ressources et de moyens. Cette mutualisation est plus qu’un principe théorique : elle vise à obtenir des gains d’efficacité, tant en en amont, au niveau du groupage, qu’au niveau de la distribution, dans les dépôts, pour assurer aux éditeurs non seulement des économies de coût, mais aussi des ventes plus performantes.

Le texte adopté par le Sénat vise à une régulation plus fluide, plus rapide et plus efficace pour trouver des solutions partagées répondant à l’intérêt général. Les difficultés rencontrées, liées notamment – mais pas seulement – à la situation de concurrence, ont donné lieu à des procédures complexes et peu efficaces qui ont finalement divisé le secteur, ralentissant certains projets de réforme et de restructuration. Le texte proposé représente donc un progrès par rapport à la situation actuelle. Quant aux problèmes de forme qu’a évoqués Mme Anne-Marie Couderc, s’ils ne doivent pas prendre le pas sur les problèmes de fond, il faut néanmoins veiller à ce qu’ils ne limitent pas, dans l’avenir, l’efficacité du système. Nous souhaiterions donc avoir quelques éclaircissements sur certaines modalités de fonctionnement et certains points figurant dans la loi. Dans l’ensemble, cependant, le bicéphalisme permet d’utiliser le savoir-faire des éditeurs et des professionnels du secteur dans un cadre assurant une indépendance qui sert l’intérêt non seulement de la profession, mais aussi de la République.

J’ajoute que tous les dépôts de France distribuent tous les titres sans exception, y compris la presse quotidienne. Une partie significative de l’activité de distribution du groupe MLP est ainsi liée à la presse quotidienne.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur. Le mécanisme de la vente au numéro distingue, je le rappelle, trois niveaux : le niveau 1 est celui des éditeurs de presse, puis des messageries, qui organisent la distribution dans un cadre de coopérative, le niveau 2 est celui des 150 dépositaires, et le dernier niveau est celui des 30 000 points de vente – kiosquiers et marchands de journaux. Tout ce dispositif est couvert par le Conseil supérieur des messageries de presse. La loi « Bichet », véritable « colonne du temple » de la République, insistait sur la liberté d’accès de nos concitoyens à chaque journal.

La baisse considérable des ventes au numéro, qui atteignait 6 % voilà deux ans et 10 % cette année, est deux fois plus importante en France que dans les autres pays européens. On constate également une disparition des points de vente, dont le nombre est désormais inférieur à 30 000 – ce chiffre est à peu près comparable au nombre des boulangeries, mais bien supérieur à celui des 17 000 bureaux de poste. Malgré les efforts du conseil supérieur, le manque de pouvoir juridique se traduit par une multiplication des contentieux.

Il est donc proposé d’organiser une gestion bicéphale. Le Conseil supérieur des messageries de presse serait renforcé et rencentré sur les professionnels du secteur. Son effectif serait ramené de 29 à 20 membres, avec la disparition des 6 représentants des 6 ministères concernés, dont la présence ne se justifie plus, et des trois représentants des transporteurs – SNCF, Air France et route. Au sein du conseil, les éditeurs, au nombre de 9, seraient presque majoritaires et il leur serait adjoint un représentant des diffuseurs. À côté de cette structure recentrée serait créée une autorité indépendante, composée d’un magistrat de la Cour des comptes, d’un magistrat de la Cour de cassation et d’un conseiller d’État.

Cette codirection bicéphale apporte l’équilibre qui convient à la bonne gestion du secteur. Tous les acteurs de la chaîne souhaitent cette réforme, même les syndicats, d’ordinaire si divisés.

Au Sénat, le texte, qui a été défendu par M. Jacques Legendre, président de la Commission de la culture, et rapporté par M. David Assouline, sénateur socialiste, a été voté par une très large majorité. Dans ce contexte, les quelques aménagements nécessaires à la marge ne doivent pas nous faire oublier l’urgence de la situation et les problèmes de calendrier que nous pourrions rencontrer si nous tardions à adopter un texte qui fait l’objet d’un tel consensus.

Compte tenu du souhait que tous me semblent avoir exprimé de voir ce texte voté dans les meilleurs délais, les interrogations qu’exprimait M. Roger quant à la fixation des conditions tarifaires des sociétés coopératives et à la consultation publique préalable justifient-elles que nous prenions le risque de voir déraper le calendrier ? Les ajustements ne pourraient-ils pas être opérés par décret ou dans le cadre du mécanisme de cogestion bicéphale instauré par le texte ?

M. Marcel Rogemont. L’unanimité semble se faire, au fil de nos échanges, sur la nécessité de ce texte.

L’émergence d’une distribution non exclusive ouvre la porte à une distribution hors coopérative. Faut-il ouvrir cette porte ? Faut-il aller plutôt vers un système de dérogation ou vers un système plus libéral ?

Avez-vous, par ailleurs, des dispositifs à proposer pour réduire la masse des 60 % d’invendus traités par les intervenants du niveau 3 ?

M. Michel Herbillon. Les mesures prises en faveur du portage à la suite des États généraux de la presse ont permis de développer ce mode de diffusion de la presse. Ne faudrait-il pas pérenniser ces mesures temporaires afin d’éviter les effets que pourrait avoir leur interruption sur un mécanisme moins développé en France qu’en Allemagne ?

Par ailleurs, le métier des kiosquiers, s’il est difficile, est aussi un métier essentiel, qui contribue à l’animation de nos villes et de nos quartiers. Comment évolue cette profession ? Les mesures prises ont-elles permis d’enrayer la disparition régulière des points de vente, que l’on constate sur l’ensemble du territoire ?

M. Michel Pajon. Dans le contexte délicat que connaît aujourd’hui la presse écrite, notamment la presse quotidienne nationale, nous mesurons les difficultés auxquelles sont confrontés les éditeurs, les messageries, les plateformes de distribution et les diffuseurs.

En face du développement de la presse numérique, consultable instantanément, la pérennité de la presse papier dépend directement de la vente de proximité, aussi bien en zone rurale ou isolée qu’au centre des villes.

En voici un exemple : confronté à de trop lourdes charges financières mais aussi à un investissement humain trop important, le point presse du centre ville de Noisy-le-Grand, cité qui compte 65 000 habitants, a dû fermer ses portes. Or il constituait un lieu d’animation essentiel au cœur de la ville, participant à l’enrichissement social et culturel de la vie du quartier. Sur les 26 mètres carrés du local de vente, les gérants devaient exposer 3 800 titres de presse : la tâche devint impossible. Il ne s’agit pas d’un cas isolé : 375 points presse disparaissent chaque année.

La démarche de l’assortiment ne recueille certes pas l’unanimité de la profession et des procédures contentieuses sont en cours. Or, grâce à l’informatisation des points presse, les messageries savent quels titres se vendent ou non. Ne pourraient-elles ainsi participer à un meilleur ajustement des stocks et des invendus ?

Quelles pistes sont envisageables pour que les diffuseurs deviennent maîtres de leur papier sans remettre pour autant en cause l’esprit de la loi « Bichet » et le principe d’égalité de tous les titres devant la distribution ?

Les diffuseurs connaissent de graves problèmes de trésorerie. M. Patrick André a reconnu, lors de son audition par la Commission de la culture du Sénat, que les diffuseurs devaient négocier sérieusement avec leurs banques alors que « près de 40 % de leur rémunération est encaissée de façon hypothétique en fonction d’accords décidés par les éditeurs. » Quelles mesures préconisez-vous afin d’améliorer cette situation ? Quel rôle le CSMP pourrait-il, ou devrait-il, jouer à cet égard ?

M. Daniel Spagnou. Les maisons de la presse du département des Alpes-de-Haute-Provence ferment les une après les autres. Toutes se plaignent de l’assortiment. Que pensez-vous de ce système ? Pourquoi les éditeurs traînent-ils autant les pieds pour le mettre en place ?

M. Pascal Deguilhem. Au rythme que nous connaissons, il ne restera bientôt plus, dans nos départements ruraux, de linéaires de journaux que dans les grandes surfaces des sous-préfectures. Un point presse disparaît presque chaque semaine. Si l’équilibre financier, que Mme Anne-Marie Couderc a estimé nécessaire à tous les échelons, ne l’est pas à celui des diffuseurs, le lectorat s’amenuisera faute de pouvoir s’approvisionner.

Se pose non seulement le problème de l’assortiment, mais aussi celui du plafonnement du nombre d’exemplaires. Comment accepter encore que des magazines, qui certes ont toute leur pertinence, soient obligatoirement distribués en nombre dans des zones où ils ne présentent qu’un faible intérêt : ainsi, par exemple, de Yachting en territoire continental. En résultent de forts taux d’invendus, de l’ordre de 60 % en moyenne, qui mettent en péril l’équilibre d’exploitation de nos diffuseurs.

Mme Colette Langlade. La distribution de la presse est spécialement coûteuse en raison de l’obligation de présence de tous les titres dans tous les points de vente, y compris dans les zones géographiques les plus retirées. Vous avez indiqué que, pour réduire les charges, il faudrait mutualiser certains outils afin d’optimiser les coûts de distribution. Comment envisagez-vous cela concrètement ?

Selon vous, la mutualisation apporterait une plus grande efficacité, non seulement pour le groupage, mais aussi au sein des dépôts afin d’obtenir une « performance de la vente ». Pouvez-vous préciser cet objectif et cette notion ?

M. Patrick André. L'exclusivité présente l’avantage de conduire à une mutualisation maximale. Mais elle n’offre pas toujours aux éditeurs la possibilité de choisir la meilleure façon de distribuer leurs titres. Par exemple, un dispositif des MLP permet aux éditeurs d’opter pour une distribution nationale par le moyen du réseau des dépositaires tout en conservant leur propre distribution directe au niveau local, faculté offerte par la loi « Bichet ». Il faut donc veiller à ce que l’abandon de l’exclusivité ne conduise pas à la perte de l’efficacité résultant de la mutualisation. Nous sommes favorables à ce que les éditeurs ne soient pas tenus à l’exclusivité, mais à condition de respecter certaines règles.

Le problème des invendus soulève la question du plafonnement plutôt que celle de l’assortiment. Ainsi, la mise en place d’un nombre trop élevé d’exemplaires d’une même publication par rapport à son espérance de ventes constitue une préoccupation majeure pour l’ensemble de nos professions : messageries, dépositaires, diffuseurs et éditeurs. La solution à ce problème dépendra de nos possibilités de partager des systèmes d’information permettant, par exemple, d’éviter des ruptures de vente et d’offrir un réassort. Elles n’existent pas aujourd’hui. Des formules sont cependant expérimentées ici et là, notamment par certaines sociétés d’agence et de diffusion. À Paris, nous pratiquons le réassort automatique, qui devrait inspirer suffisamment confiance à l’éditeur pour que celui-ci renonce à faire livrer des quantités excessives aux points de vente.

Je n’ai pas d’opinion particulière sur la question du portage.

Les mesures prises en faveur des kiosquiers se révèlent insuffisantes. Aucun marchand de journaux en France ne cesse son activité en raison de l’absence de régulation de l’assortiment. En revanche, la plupart se découragent ou cessent leur activité du fait de leurs mauvaises conditions de rémunération, provoquant des difficultés de trésorerie. Nous avons donc formulé, dans un Livre blanc, des recommandations visant à améliorer substantiellement le mode de rémunération d’un très grand nombre de diffuseurs, en même temps que la trésorerie de tous. Aujourd’hui, en effet, une partie de cette rémunération est versée à échéance de six mois, avec un battement de plus ou moins soixante jours. La distribution de presse constitue ainsi le seul secteur économique où le paiement d’une activité quotidienne tout au long de l’année soit autant différé.

En face de l’expansion de la presse numérique, l’enjeu majeur pour la presse papier, par abonnement comme par vente au numéro, réside dans sa proximité avec le lecteur. Il faut donc éviter de décourager les diffuseurs.

L’assortiment est pertinent dès lors qu’il permet à la clientèle de trouver les publications qu’elle cherche. Il s’agit, logiquement, d’une démarche de marketing : dans la mesure où les outils d’un assortiment efficace existent, on peut éviter des comportements erratiques consistant à supprimer des titres alors qu’ils génèrent du chiffre d’affaires chez les diffuseurs.

Comme l’a récemment indiqué le ministre chargé de la culture, lors de l’assemblée générale de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS), un point de vente se caractérise par son offre. Si l’on sort de cette démarche d’offre, la profession se déspécialise et se transforme en celle de simple revendeur de presse. Dans ce cas, le point de vente n’apporte rien de plus qu’une grande ou moyenne surface intégrant des rayons de journaux.

L’assortiment représente donc un enjeu essentiel : les publications détiennent des potentiels qui ne peuvent être identifiés par les diffuseurs. Mais il est également vrai que certains d'entre eux exposent des titres dont ils devraient pouvoir se dispenser, notamment quand ils ne les vendent pas : toutes formes de presse confondues, dont celle d’information politique et générale, 30 % des titres proposés par un marchand de journaux ne sont jamais vendus. Il faudrait cependant prévoir un traitement particulier pour les titres nouveaux, qui ont le droit de tenter leur chance.

Des pistes existent pour résoudre les difficultés évoquées. Nous en avons proposé plusieurs dans notre Livre blanc, notamment pour le financement de la diffusion de presse.

La mutualisation des moyens de diffusion peut rendre la vente plus efficace. Aujourd’hui, le distributeur est le dépositaire ; au jour le jour, il se tient en relation avec ses diffuseurs. Or, pour différentes raisons, il a insuffisamment investi dans cette activité. Quand nous réalisons des opérations de réimplantation, consistant, dans un souci de meilleure performance commerciale, à aider un diffuseur à restructurer son linéaire et à mieux gérer son assortiment, nous obtenons une progression immédiate du chiffre d’affaires, de 3 à 6 %. Mais, au terme de cinq ou six mois, l’effet s’estompe, et il faut agir de nouveau. Une présence promotionnelle, régulière et ambitieuse, des distributeurs auprès des diffuseurs montre son efficacité. Nous pouvons donc être optimistes sur nos capacités à développer le chiffre d’affaires des marchands de journaux en dépit des difficultés tendancielles.

M. Jean-Pierre Roger. Il est prévu que la future autorité administrative indépendante de régulation de la distribution de la presse fournisse un avis sur les tarifs des messageries de presse. Or ceux-ci sont très complexes. Mis en concurrence et ne faisant plus l’objet de péréquation, leur lecture exige le maniement de fichiers informatiques et la réalisation de simulations. La seule connaissance des taux de commission ne suffit plus. Certains éditeurs déplorent que, d’une messagerie à l’autre, les différences de tarifs affichés ne correspondent pas aux tarifs pratiqués. La mission de l’autorité indépendante serait donc très difficile en cette matière et, de plus, engagerait sa responsabilité : la détermination d’un tarif peut améliorer ou dégrader les comptes d’une messagerie et entraîner des conséquences sur sa clientèle. C’est bien pourquoi la loi « Bichet » prévoit, dans son article 12, que les barèmes des tarifs des messageries sont approuvés par les assemblées générales des sociétés coopératives de messageries de presse. C’est pourquoi aussi le CSMP ne s’est jamais risqué à émettre un avis sur leur fixation.

Le système de distribution de la presse en France fonctionne dans un climat consensuel, à la faveur de longues discussions pour parvenir à des accords. Dès lors, le caractère public de ces débats ne ferait que les allonger encore. Mais ce n’est pas un élément déterminant de la réforme qui, pour l’essentiel, donne satisfaction : nous ferons donc notre affaire des deux points que je viens de signaler, d’autant que l’autorité indépendante découvrira peut-être elle-même qu’il ne lui faut pas entrer dans le détail technique des tarifs de messagerie.

Selon le rapporteur de la proposition de loi, la diminution des ventes au numéro serait plus sensible en France que, en moyenne, dans les autres pays d’Europe. Étant moi-même éditeur de publications en France mais aussi en Angleterre, en Allemagne et en Italie, et bien que les systèmes de diffusion soient très différents d’un pays à l’autre, je constate une diminution générale de la vente au numéro. C’est aussi le cas de la Suisse, bien que fortement structurée dans ce domaine.

Les systèmes de diffusion anglais et allemand sont plus défavorables aux éditeurs qu’en France : au Royaume-Uni, l’éditeur paye d’avance le diffuseur pour que ses publications soient mises en vente ; en Allemagne, le taux de commission est de l’ordre de 65 %. Le système italien ressemble davantage au français, mais il est difficilement compréhensible.

Les taux d’invendus, entre 50 et 60 %, sont à peu près similaires en France et à l’étranger. Ils peuvent paraître très élevés. Mais ils résultent largement de périodiques diffusés entre 10 000 et 20 000 exemplaires, présents dans 5 000 ou 6 000 points de vente, soit une faible fourniture unitaire. Certaines revues, par exemple mensuelles ou bimensuelles, peuvent ainsi générer un taux d’invendus de 100 %. Celui-ci ne perturbe que les statistiques, et non le système de diffusion. Un journal diffusé à 300 000 exemplaires, avec 20 % d’invendus, ne pose évidemment pas le même problème. Mais la tendance actuelle de la presse étant aux petites diffusions, il faut s’attendre à une augmentation du taux d’invendus qui pourrait devenir problématique.

Néanmoins, des mesures sont intervenues, que M. Patrick André a signalées – je pense notamment à l’informatisation, à laquelle je suis très favorable. D’autres ont été prises sous l’égide du CSMP et de l’OJD, association pour le contrôle et la diffusion des médias, telles que le plafonnement, consistant à ne pas placer un nombre d’exemplaires déraisonnablement supérieur au nombre probable de ventes, ou concernant l’assortiment et consistant à limiter le nombre de publications présentes en rayons, selon une norme de 12 titres au maximum par mètre linéaire, appliquée au moyen d’un palmarès automatisé. Mais certains éditeurs contestent cette formule.

Je rappelle que rien, dans la loi, n’interdit à un marchand de journaux de refuser des titres. À cet égard, le CSMP comporte une commission des normes et bonnes pratiques professionnelles (CNBPP), dont sont membres un magistrat de l’ordre judiciaire et un conseiller d’État. Elle a pour mission de veiller au respect des règles de la concurrence. L’assortiment constitue une façon contractuelle, pour les diffuseurs, d’accepter l’application d’une norme de palmarès.

M. Pascal Deguilhem. Qui a conclu l’accord portant sur l’assortiment ?

M. Jean-Pierre Roger. La norme d’assortiment a été adoptée par l’assemblée générale du CSMP. Elle est applicable mais ne s’impose pas, faute d’une autorité administrative indépendante qui pourrait la rendre obligatoire. Toutefois, le non-respect de la norme par un fournisseur de presse peut susciter un recours juridictionnel de la part d’un diffuseur : un tel contentieux existe aujourd’hui à l’encontre des deux messageries de presse.

Mme Anne-Marie Couderc. Une vente au numéro plus dynamique passe par une meilleure santé du réseau de diffuseurs. L’assortiment en représente un des éléments. Presstalis fut, pendant plusieurs années, pilote de toutes les expériences menées dans ce domaine. Celles-ci ont démontré l’efficacité du système et prouvé qu’il ne créait pas de distorsions de concurrence entre les titres. Le diffuseur de presse doit se positionner en commerçant et non en simple manutentionnaire de papiers qu’il ne vendra pas. Il convient d’intégrer cette exigence dans la définition de ses conditions de travail.

La proposition de loi, telle qu’actuellement rédigée, avec les pouvoirs qu’elle confère au CSMP et à une future autorité de régulation, devrait nous permettre de progresser à cet égard.

Les conditions de rémunération des diffuseurs doivent être reconsidérées. Il nous faut y travailler dans le cadre d’une concertation interprofessionnelle. Deux plans de qualification ont déjà été élaborés. Les critères en sont, hélas, complexes et surabondants, nuisant un peu à l’efficacité du mécanisme. Celui-ci conduit toutefois les deux messageries à apporter chaque année des contributions financières importantes au réseau de diffusion : en 2010, environ 36 millions d’euros de la part de Presstalis et 11 millions de la part des MLP.

Nous devons aussi participer à la modernisation du réseau, notamment par celle des magasins et par la professionnalisation du diffuseur. À travers sa filiale MediaKiosk, Presstalis s’efforce de valoriser le métier de kiosquier, car le kiosque à journaux est indispensable dans nos villes : plus qu’un lieu de vente, c’est un lien social. De la même façon, nous avons lutté contre la fermeture des points de vente et, à défaut de pouvoir toujours les empêcher, nous avons participé à la création de nouveaux : plus de 1 100 ont ainsi été ouverts au cours des dernières années. Mais le nombre des pertes d’implantations est malheureusement supérieur sur la même période. Je pense que tous les éditeurs, ainsi que les messageries, sont également prêts à se mobiliser dans le même but. Notre proximité avec le diffuseur et l’animation commerciale que nous pouvons lui apporter sont fondamentales.

La clause d’exclusivité a été conçue afin de favoriser la mutualisation des moyens. Mais on constate aujourd’hui les limites que rencontrent les éditeurs pour se faire distribuer de manière efficace. Il ne faut pas, pour autant, que le choix ouvert à l’éditeur déstabilise économiquement la messagerie concernée. La proposition de loi a intégré cette préoccupation. Il faut aussi que la clause d’exclusivité réponde au besoin exprimé par les éditeurs de disposer, à travers la messagerie de presse, d’un interlocuteur unique lui assurant une bonne information sur ses ventes et lui garantissant la perception, dans les meilleurs délais et sans risques, du produit de celle-ci. La messagerie est, en effet, ducroire au profit de l’éditeur.

Pour essayer de réduire les coûts de la distribution de la presse, dans un contexte économique de plus en plus difficile, nous devons développer la mutualisation au-delà de la vente au numéro, en l’étendant aux abonnements et au portage : il nous faut remplir nos estafettes et nos camions dans les meilleures conditions !

Mme la présidente Michèle Tabarot. Madame, messieurs, nous vous remercions.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, au cours de sa séance du 29 juin 2011.

Mme la présidente Michèle Tabarot. L’examen de la proposition de loi en séance publique est inscrit à l’ordre du jour du 5 juillet prochain, dans l’après-midi.

Nous avons organisé la semaine dernière une table ronde réunissant le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et les deux entreprises de messagerie concernées. Notre rapporteur, Pierre-Christophe Baguet, a en outre procédé à des auditions ouvertes à l’ensemble des membres de notre Commission.

M. Pierre-Christophe Baguet, rapporteur. La proposition qui nous est soumise a pour objet de réformer la gouvernance de notre système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro.

Cette réforme est l’aboutissement d’un long travail de concertation qui a été mené, depuis 2008 et les États généraux de la presse écrite, entre les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de la profession. Il en résulte un texte équilibré et, surtout, consensuel. Ainsi, tous les acteurs – éditeurs, diffuseurs de presse et même Syndicat du Livre – adhèrent à cette proposition. Rare dans ce secteur, ce consensus est motivé par l’urgence de mener à bien la réforme et de prendre les mesures aptes à remettre à flots un système qui n’a guère évolué depuis la Libération.

Concurrence des nouveaux médias, désaffection pour le métier de kiosquier, réduction des budgets publicitaires depuis la crise, érosion du lectorat, etc. : la crise de la presse est non seulement conjoncturelle mais aussi structurelle. Presstalis, qui représente 80 % du marché, accuse cette année une perte de 20 millions d’euros. Les responsables du secteur le disent eux-mêmes, l’alternative est claire : moderniser le système dès maintenant pour préserver son organisation coopérative ou ne rien faire et le voir s’écrouler à brève échéance, la distribution de la presse devenant ainsi une activité de marché comme une autre tandis que l’on ira, comme dans certains pays, acheter ses journaux au supermarché.

Sorte d’exception française, la spécificité de notre système de distribution de la presse mérite vraiment d’être défendue.

À la Libération, le Gouvernement a nationalisé Hachette, qui détenait avant guerre un monopole dans la distribution des journaux et pouvait ainsi agir en censeur de fait. Pour refonder le système sur des bases démocratiques, garantissant à tout éditeur le droit d’être distribué sans discrimination d’orientation politique ou de tirage, la célèbre loi « Bichet » du 2 avril 1947 a affirmé le principe de la liberté de la distribution et a prévu, pour les éditeurs qui ne choisissent pas de distribuer eux-mêmes leurs publications, l’obligation d’adhérer à des coopératives de messagerie de presse pour assurer le transport de leurs titres à longue distance. C’est ce que l’on appelle le « niveau 1 » de la distribution. Les grossistes locaux – les dépositaires – constituent le « niveau 2 » et les 30 000 points de vente existants – les diffuseurs – le « niveau 3 ». La loi garantit le droit pour tout titre d’être distribué, en soumettant toute la chaîne de la distribution à une stricte obligation de neutralité.

Ces principes fondamentaux sont toujours valables et font partie de notre vie démocratique, notamment pour ce qui concerne la presse d’information politique et générale.

Pour veiller à leur mise en œuvre et exercer un contrôle sur le caractère coopératif et sur l’équilibre financier des messageries, la loi « Bichet » a institué un Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). De l’avis général, il ne s’est investi qu’assez tardivement dans la régulation de la distribution, c’est-à-dire dans la production de normes professionnelles et dans le règlement des différends. Il est vrai que la loi ne lui confiait pas explicitement cette compétence.

Il faut néanmoins saluer le travail qu’il a accompli depuis quelques années en ouvrant plusieurs chantiers de modernisation de la distribution de la presse, grâce notamment à ses groupes de travail sur la rémunération des agents de la vente, sur les règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux diffuseurs, ou encore sur le réseau des dépositaires. Surtout, il a essayé de se structurer en véritable régulateur, en créant en son sein une commission du réseau, une commission de règlement des différends et une commission des normes professionnelles.

La portée de ce remarquable travail trouve toutefois une limite dans la faiblesse des moyens juridiques du CSMP : outre que son statut est flou, il ne dispose d’aucun pouvoir réglementaire et ses actes sont donc dépourvus de toute force exécutoire. Dès lors, aucun acteur du système n’est tenu de suivre ses recommandations ou ses arbitrages. On ne peut ainsi pas miser sur l’actuel CSMP pour engager une réforme du secteur qui soit à la hauteur de ses difficultés.

Un exemple : on sait que le droit absolu de tout titre – notre pays en compte pas moins de 4 000 ! – à être diffusé a pour conséquence l’engorgement des linéaires et le découragement des diffuseurs. Lorsqu’il s’agit de la presse d’information politique et générale, nécessaire à l’éclairage du citoyen, cela n’est qu’un moindre mal ; mais il est regrettable, voire critiquable, que l’encombrement du linéaire soit le fait de publications moins stratégiques pour la vie démocratique. Or on sait, par des expérimentations, qu’avec un assortiment mieux adapté aux demandes de la clientèle et un plafonnement des quantités livrées qui limite les taux d’invendus, les conditions de travail des diffuseurs s’améliorent et les ventes repartent à la hausse. Hélas, les moyens juridiques actuels du CSMP ne lui permettent pas d’engager la réforme des règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités qu’il a élaborées.

C’est à cette insuffisance que propose de remédier cette proposition de loi d’origine sénatoriale.

La première orientation fondamentale qui la sous-tend est de préserver les principes de la loi « Bichet », donc le caractère coopératif et impartial de notre système de distribution de la presse. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs considéré comme « objectif à valeur constitutionnelle » l’accès effectif du public à des quotidiens d’information politique et générale de tendances et de caractères différents. La proposition va tout à fait dans ce sens, en ne modifiant pas le titre I de la loi « Bichet », qui énonce ces principes, mais uniquement les titres II et III, qui traitent du CSMP et de diverses mesures d’application. L’objectif est donc bien de conserver à l’ensemble du système de distribution de la presse son caractère coopératif et solidaire.

Une fois le maintien de ces principes acquis, il reste à savoir comment les faire vivre, c’est-à-dire quelle architecture institutionnelle retenir pour la régulation du secteur. L’économie générale du texte procède d’une synthèse entre deux schémas envisageables. Le premier repose sur l’autorégulation du secteur en confiant aux acteurs eux-mêmes l’essentiel des responsabilités ; c’est le modèle du CSMP actuel, qui présente l’avantage de faire une large part aux acteurs de la profession. Revers de la médaille : on ne saurait conférer un pouvoir réglementaire à une instance professionnelle dont les membres ne sont pas impartiaux et la gouvernance de ce modèle d’autorégulation est nécessairement faible. Le second modèle consiste à confier l’essentiel du pouvoir à une autorité administrative indépendante, comme le recommandait M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, dans un rapport sur la réforme du CSMP.

Le présent texte place le curseur à mi-chemin de ces deux modèles. Il propose de rénover le CSMP pour en faire une véritable instance professionnelle, en supprimant les sièges des administrations centrales – les ministères disposaient de six sièges… – ou les entreprises de transport. Ce CSMP rénové sera chargé de réguler le secteur, par exemple, de fixer les rémunérations des agents de la vente, d’établir des normes professionnelles, de contrôler l’équilibre financier et le caractère coopératif des messageries, de mener une procédure obligatoire de conciliation précontentieuse en cas de différend entre deux acteurs.

Pour que l’action du CSMP soit plus efficace, le texte institue une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), composée de trois magistrats, qui sera chargée de donner force exécutoire aux décisions du conseil supérieur. On aurait pu craindre que ce dernier soit ainsi mis sous tutelle, comme certains collègues l’on dit : il n’en est rien, car il aura toujours l’initiative de ses décisions et l’ARDP n’interviendra qu’en aval.

Au total, ce texte ouvre la voie à une réforme salutaire, consensuelle et fidèle aux principes de la loi « Bichet ».

Parce qu’il nous est parvenu assez tardivement du Sénat, nous avons dû l’examiner avec rapidité. Mais vitesse ne veut pas dire précipitation et nous avons notamment pu procéder à des auditions, auxquelles a participé notre collègue Marcel Rogemont.

M. Michel Herbillon. Il s’agit en effet d’un texte équilibré et qui a fait l’objet d’un consensus, ce qui n’est pas si fréquent dans le secteur de la presse.

Les modifications ne portent pas sur les principes fondamentaux gouvernant le système de distribution de la presse depuis l’après guerre, fixés par le titre Ier de la loi « Bichet », mais simplement sur le titre II, relatif à la gouvernance du système de la distribution, ainsi que sur le titre III.

Il s’agit en fait de moderniser le mode de régulation du système en le rendant plus fonctionnel, plus réactif, et en le faisant davantage reposer sur la transparence et sur l’objectivité.

Il est ainsi proposé de réformer le Conseil supérieur des messageries de presse, sujet sur lequel l’approche consensuelle a largement prévalu au Sénat.

Cette proposition donnera au secteur de la distribution de la presse les moyens de mieux faire face à une situation objectivement très difficile, en lui offrant des outils supplémentaires pour sauver un système coopératif malmené par les évolutions économiques.

L’organisation bicéphale qui est proposée permettra de mettre fin aux blocages récurrents auxquels est confronté le secteur en donnant plus de légitimité aux décisions prises par le CSMP, qui ne dispose aujourd’hui que d’un pouvoir d’avis ou de recommandation, dépourvu de force exécutoire et de valeur normative à défaut d’indication législative contraire, d’où l’objet de la présente réforme. Le renforcement du rôle du conseil supérieur et la création de l’Autorité de régulation permettront en outre de régler plus rapidement, par la conciliation et non par le contentieux, les litiges opposant les différents acteurs du secteur. L’ARDP assurera un contrôle efficace des mesures normatives prises par le CSMP. Il s’agit ni plus ni moins de mettre en œuvre les réformes urgentes préconisées par les États généraux de la presse écrite.

Au-delà de ce texte éminemment technique, nous portons des ambitions plus vastes pour revaloriser ce secteur, notamment le métier des diffuseurs de presse (marchands de journaux, kiosquiers, etc.) – ce à quoi procède d’ailleurs indirectement l’article 6.

Nous nous intéressons aussi beaucoup à l’avenir des aides octroyées par l’État à la distribution de la presse. Nous serons amenés, lors du débat budgétaire, à examiner la répartition des crédits entre l’aide au transport postal, qui représente cette année pas moins de 268 millions d’euros, et l’aide au portage qui a fait la preuve de son attractivité mais en faveur de laquelle ne sont mobilisés que 68 millions. Peut-être convient-il de rendre de nouveaux arbitrages, d’autant que l’aide au portage est limitée dans le temps et doit normalement prendre fin cette année. La fin de ce dispositif, qui a permis un développement considérable du portage, jusque-là plutôt embryonnaire dans notre pays, risquerait de lui porter préjudice ainsi qu’aux emplois qui y sont liés.

Au total, les commissaires du groupe UMP se prononceront en faveur de cette proposition de loi.

M. Marcel Rogemont. Je remercie le rapporteur de m’avoir associé aux auditions.

Je regrette toutefois que ce soit à nouveau sous la forme d’une proposition de loi que l’on aborde un sujet d’une telle importance, quand bien même ce texte émane en fait du Gouvernement. Outre que nous avons été contraints de travailler dans l’urgence, nous avons ainsi été privés d’une étude d’impact qui nous aurait été fort utile.

Ce texte ne marque pas une révolution mais une évolution de la loi « Bichet », en améliorant sans doute le mécanisme de décision. Mais fallait-il, pour rendre plus effectives les recommandations du CSMP, créer une nouvelle autorité indépendante ? C’est déjà ce qui nous a été proposé à l’occasion de l’examen de la proposition relative au patrimoine monumental de l’État. Comment ne pas s’en étonner alors que le Président de la République et le Gouvernement avaient annoncé leur intention de supprimer tous ces « machins », au motif qu’ils nuisaient à la lecture des décisions qu’il appartient à l’autorité politique de prendre ? Même si le système de décision du CSMP peut apparaître défaillant, on aurait pu s’orienter vers une autre formule que celle qui nous est proposée.

Était-il par ailleurs indispensable de porter un coup de canif au système coopératif ? Cela ne peut que nous inciter à la vigilance.

Il est vrai qu’il est nécessaire de remettre à plat le système de distribution, d’autant que les difficultés de Presstalis sont préoccupantes, qui pourraient l’amener à vendre MediaKiosk et à fragiliser ainsi la distribution de la presse.

Député de province, je mesure à quel point la mutualisation de la presse régionale et nationale profite à cette dernière. C’est un sujet sur lequel nous devrions nous pencher davantage.

S’agissant enfin du portage, il est vrai que l’on a besoin d’une visibilité pluriannuelle pour que la profession puisse s’organiser. Nous y reviendrons sans doute à l’occasion du débat budgétaire.

Mme Marie-George Buffet. Tous les acteurs du secteur de la presse nous disent leur inquiétude face à l’avenir. Dès 2008, les États généraux ont témoigné de cet état de crise. Nul ne conteste donc la nécessité de réformes, d’ambitions et de moyens.

Baisse des ventes, diminution des ressources publicitaires, concurrence des gratuits, bouleversements induits par les médias électroniques : la situation est en effet préoccupante. La baisse des ventes a de sérieuses conséquences sur l’ensemble de la chaîne de distribution ; la concurrence entre coopératives menace le système. Au niveau 1, celui des sociétés coopératives, Presstalis est en difficulté ; au niveau 2, les dépositaires régionaux souffrent financièrement ; au niveau 3, les diffuseurs rencontrent également de graves difficultés économiques.

Face à cela, la réforme était nécessaire. Mais quelle réforme ? Certes, notre rapporteur affirme que l’article 1er préserve les principes de la loi « Bichet », mais d’autres articles commencent à les remettre en cause – c’est le « coup de canif » dont vient de parler Marcel Rogemont.

Lors des États généraux, le Président de la République avait préconisé la disparition du CSMP, qui a finalement été maintenu à la suite de l’intervention très forte des éditeurs. Toutefois, à leur demande comme à celle des présidents de tous les syndicats professionnels de la presse, un compromis a été trouvé pour que le rôle du conseil supérieur soit modifié. Au lieu de s’engager dans cette voie, la proposition qui nous arrive du Sénat le place sous le contrôle d’une nouvelle autorité indépendante. À quoi bon, alors qu’il aurait suffi de doter le conseil supérieur de nouveaux pouvoirs ?

Je m’interroge aussi sur la possibilité ouverte aux éditeurs de presse, à l’alinéa 26 de l’article 4, de contourner le système coopératif en s’adressant directement à des entreprises privées : ces dernières, qui n’auront à leur charge aucune mission de service public, n’exerceront que les activités rentables, pour lesquelles elles seront en mesure de proposer aux éditeurs des tarifs plus intéressants.

L’alinéa 25 du même article permet de distinguer la tarification de la presse générale et politique de celle du reste de la presse. Cela ne revient-il pas à développer un système à deux vitesses, avec d’un côté la presse rentable, que les éditeurs auront intérêt à produire et les vendeurs à vendre, de l’autre une presse subventionnée et coûteuse, la presse d’information politique et générale, dont la diffusion risque de se trouver rapidement en péril ?

En renforçant la concurrence entre messageries, dont les effets délétères se font déjà sentir, cette proposition ne résout pas les problèmes de fond. C’est en fonction des améliorations qui lui seront apportées lors de ce débat que nous déterminerons notre vote, qui serait négatif si elle demeure en l’état.

M. Xavier Breton. Les entreprises locales qui assurent la distribution de la presse auprès de marchands de journaux dans les bourgs-centre et les villages du milieu rural m’ont fait part de leurs inquiétudes quant au renforcement du pouvoir des grands éditeurs de presse qu’entraînerait la présente proposition de loi, allant ainsi à l’encontre des conclusions du rapport de Bruno Lasserre. Que peut-on aujourd’hui leur répondre ?

M. Michel Françaix. Il y a, nous dit-on, consensus sur la nécessité de modifier et de clarifier la gouvernance. Mais les choses sont en fait beaucoup plus compliquées.

Les États généraux de la presse se sont achevés il y a maintenant deux ans. Or, nous disions déjà alors tout ce que nous disons aujourd’hui : « le portage a de l’avenir, mais comment faire ? », « Presstalis va mal, mais comment faire ? », « il faut revaloriser les diffuseurs de presse, mais comment faire ? ». Certes, un certain nombre de choses ont été faites, qui ont parfois constitué des aubaines pour les éditeurs. Ainsi, on a soutenu le portage, mais il ne s’est pas véritablement développé en conséquence et, si j’aime, j’admire et je lis tous les matins la presse régionale, force est de constater qu’elle a été l’unique utilisatrice de ces aides… Si l’on veut passer avec la presse une convention pour les trois années à venir, ce que j’appelle de mes vœux, il faut dire à nos amis que les droits s’accompagnent de devoirs et non poursuivre comme si de rien n’était ce que l’on fait depuis trente ans.

Un mot enfin de la méthode. J’ai cru comprendre qu’il était nécessaire d’aller vite, donc de voter ce texte conforme, et que, pour ce motif, nos amendements, pour intéressants qu’ils soient, n’avaient aucune chance d’aboutir. Nous signifier ainsi que cette proposition est « à prendre ou à laisser » ne me paraît guère conforme à l’intérêt que, tous ici, nous affirmons porter à la presse.

M. Patrick Bloche. S’il y a consensus entre nous, c’est incontestablement autour de la nécessité d’aider la presse écrite dont la situation est difficile. De ce point de vue, de très nombreux sujets méritent notre attention : relations entre la presse écrite et l’Agence France Presse (AFP), et entre la presse écrite et Apple, qui veut lui imposer une taxation à hauteur de 30 %, problèmes de fiscalité, notamment de TVA sur la presse numérique, volonté d’éviter la précarisation de ceux qui font la presse, en premier lieu de ceux qui écrivent dans les journaux.

Michel Françaix vient de le souligner, le consensus est bien moins évident quant à la méthode. Nous sommes en effet saisis d’une proposition de loi qui nous vient du Sénat, ce qui nous amène à légiférer, comme d’ailleurs sur la question du patrimoine monumental de l’État, sans aucune étude d’impact, ne serait-ce que sur la question de l’encombrement des linéaires sur laquelle les kiosquiers nous interpellent régulièrement.

Qui plus est, ces deux propositions ont en commun une sorte de fuite en avant qui conduit à créer d’un côté un Haut conseil du patrimoine, de l’autre l’ARDP.

Enfin sous couvert de la nécessité d’adopter ce texte conforme dès cette fin de session, ce premier « coup de canif » porté à la loi « Bichet », n’annonce-t-il pas sa fin prochaine ?

Mme Monique Boulestin. Nous sommes très attachés à la loi « Bichet », qui a eu pour objet, dès l’origine, de protéger la liberté de la diffusion de la presse.

Nous partageons le constat que le secteur de la distribution est aujourd’hui exposé à des déséquilibres majeurs. Dans le circuit de distribution, les diffuseurs – marchands de journaux et petits kiosquiers – connaissent des difficultés et apparaissent comme les parents pauvres de la régulation. Les messageries connaissent des difficultés financières considérables, qui les empêchent de rester fidèles à la logique de mutualisation des coûts et à cette solidarité coopérative pour laquelle elles avaient été créées et que nous souhaitons maintenir.

En protégeant les réseaux de distribution, notre objectif commun est de créer les conditions d’amélioration d’un secteur clé de notre vie démocratique. C’est pourquoi nous proposons de rénover et de renforcer le rôle du CSMP, afin de le professionnaliser. Mais pourquoi l’adosser à une autorité de régulation indépendante au prétexte d’écarter un risque de conflit d’intérêts ? Très réservés vis-à-vis de cette mesure, nous présenterons des amendements destinés à renforcer le rôle du CSMP sans porter atteinte aux principes fondamentaux de la loi « Bichet ».

M. Michel Pajon. En dépit de quelques réserves, je considère que ce texte apporte de réelles avancées, attendues par l’ensemble de la profession – éditeurs, messageries, distributeurs et diffuseurs.

On ne peut que se réjouir en particulier du renforcement du rôle du CSMP, enfin doté d’un véritable statut juridique et dont les décisions de portée générale seront rendues exécutoires par l’ARDP. L’évolution de sa composition va également dans le bon sens : on peut espérer que la représentation des diffuseurs permettra de mieux comprendre les enjeux et les difficultés auxquelles sont confrontées toutes les parties prenantes de la distribution de la presse. Il est également heureux que le conseil supérieur recueille l’avis de tous les acteurs concernés afin de définir les bonnes pratiques professionnelles en matière de distribution.

Certaines dispositions du texte nous inquiètent toutefois car elles pourraient remettre en question l’esprit de la loi « Bichet » de 1947. C’est notamment le cas de l’alinéa 26 de l’article 4, relatif à la distribution indépendante du système coopératif. J’espère donc que l’adoption de nos amendements permettra d’améliorer encore cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Le constat de la situation de la distribution de la presse et de la vente au numéro dans notre pays est à l’évidence largement partagé : chacun souhaite que les choses évoluent.

Marcel Rogemont a eu raison de qualifier cette proposition non pas de révolution mais d’évolution, évolution qui me paraît d’autant plus nécessaire que nous connaissons les difficultés de ce secteur.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la priorité qui pourrait être accordée à la presse d’information politique et générale, dont nous sommes tous persuadés qu’elle est éminemment nécessaire à la vie de notre démocratie. Il me paraît donc légitime de lui réserver un traitement un peu particulier.

Nous reviendrons lors de l’examen des articles sur les « coups de canif » qui seraient portés à la loi « Bichet ». Je souligne simplement qu’il existe déjà des dérogations pour les entreprises commerciales que ce texte permettra précisément de mieux contrôler, afin d’aller ainsi vers cet équilibre entre les droits et devoirs que Michel Françaix a appelé de ses vœux.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous en venons à l’examen des articles.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Modification de l'intitulé du titre II de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947

Le présent article a pour objet de modifier l’intitulé du titre II de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947, dite loi « Bichet », relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques pour tenir compte de la création d’une Autorité de régulation de la distribution de la presse, proposée par la présente proposition de loi. En effet, dans sa rédaction en vigueur, cet intitulé ne mentionne que le Conseil supérieur des messageries de presse.

*

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2

Création de deux instances chargées de réguler
le système coopératif de distribution de la presse

Cet article a pour objet de réorganiser l’architecture institutionnelle de la régulation du système coopératif de distribution de la presse.

Il est en effet ressorti des États généraux de la presse écrite, puis des rapports en 2009 par M. Bruno Lasserre sur la réforme du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et en 2010 par M. Bruno Mettling sur le redressement financier de l’entreprise Presstalis (2), que le mode de régulation actuel de ce système ne permet pas de mettre en œuvre les réformes indispensables à sa modernisation et souhaitées par la quasi-totalité de ses acteurs. Ces blocages institutionnels tiennent notamment au statut actuel du CSMP, qui ne lui permet pas d’agir en véritable régulateur du secteur.

Aussi, cet article propose de partager la gouvernance du système entre, d’une part, un CSMP recentré sur son rôle d’instance professionnelle et, d’autre part, une autorité administrative indépendante : l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

1. Le droit en vigueur

a) Les compétences du Conseil supérieur des messageries de presse

L’article 17 de la loi précitée du 2 avril 1947 assigne trois missions au Conseil supérieur des messageries de presse :

– « coordonner l'emploi des moyens de transports à longue distance » utilisés par les messageries de presse, cet enjeu étant moins important aujourd’hui que dans l’immédiat après-guerre, lorsque la reconstruction des infrastructures de transport n’était pas achevée ;

– assurer le « contrôle comptable » des messageries : à ce titre, le CSMP exerce par l’intermédiaire de son commissaire du Gouvernement un droit de regard sur la gestion de chaque messagerie, et dispose d’un droit de veto sur toutes décisions qui altéreraient « le caractère coopératif de la société » ou compromettraient son équilibre financier ;

– « faciliter l'application de la présente loi », termes imprécis que le CSMP a interprétés de façon extensive, comme lui confiant une mission générale de régulation de la distribution de la presse. C’est à ce titre qu’il a pris l’initiative de publier des avis sur le fonctionnement du secteur, d’homologuer les contrats-types utilisés par ses acteurs et de mettre en place des groupes de travail chargés d’élaborer des réformes, concernant par exemple la rémunération des diffuseurs, le réseau des dépositaires ou les règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente (cf. infra). C’est également à ce titre qu’il a créé en son sein un « comité de conciliation » chargé du règlement amiable des litiges, une « commission du réseau » chargée d’agréer les agents de la vente au numéro et une « commission des normes et des pratiques professionnelles ».

Toutefois, comme le président du conseil supérieur l’a souligné dans son intervention du 23 octobre 2008 devant les États généraux de la presse écrite, « nul ne peut voir dans le terme « faciliter » l’amorce d’une compétence décisionnelle ». En effet, aucune disposition législative ne lui confère un pouvoir réglementaire, et hormis pour le contrôle comptable des messageries et certains avis qu’il rend sur les majorations des taux de commission des agents de la vente (cf. infra), son autorité n’est que morale.

b) Le statut du conseil supérieur

La loi du 2 avril 1947 ne définit pas la nature juridique du CSMP, et la jurisprudence ne l’a pas précisée. On peut néanmoins définir le conseil supérieur par ce qu’il n’est pas.

En effet, ni ses prérogatives ni sa composition ne permettent de l’assimiler à une autorité de régulation sectorielle classique, à l’image du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ou de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dont le statut répond aux critères distinctifs d’une autorité administrative indépendante que le Conseil d’État a définis dans son rapport public pour 2001, à savoir :

– une véritable autorité, ce qui « signifie qu’il s’agit d’organismes qui ne peuvent se borner à disposer d’un rôle purement consultatif », alors que le CSMP n’a pas de pouvoir décisionnel ;

– une véritable indépendance, dont le Conseil d’État souligne qu’elle peut présenter « deux facettes » : « vis-à-vis du pouvoir politique, mais aussi vis-à-vis des secteurs professionnels régulés ». Le Conseil d’État admet certes que cette exigence d’indépendance n’exclut pas « la présence, au sein de l’organisme, de membres désignés par ou sur proposition d’organismes représentatifs de certains intérêts », mais il ressort de l’article 18 de la loi « Bichet » que le CSMP compte une majorité de représentants des acteurs du secteur, ce qui ne permet pas de garantir son impartialité ;

– une nature administrative, les autorités administratives indépendantes n’étant « pas […] extérieures à l’État ».

Par ailleurs, la composition du CSMP ne permet pas non plus de l’assimiler à une véritable instance professionnelle, au motif qu’il ne comprend pas de représentants des diffuseurs de presse et que l’État, avec six représentants, pourrait y être vu comme surreprésenté.

2. Le dispositif proposé

L’architecture institutionnelle retenue par la présente proposition de loi pour la régulation de la distribution de la presse correspond à une synthèse entre, d’une part, le schéma d’organisation proposé par le rapport précité de M. Bruno Lasserre – consistant à confier la régulation du secteur à une autorité publique indépendante – et, d’autre part, les mécanismes traditionnels d’autorégulation du secteur, auxquels les professionnels ont réaffirmé leur attachement.

Le présent article tend ainsi à réécrire l’article 17 de la loi « Bichet » qui, dans sa rédaction en vigueur depuis 1947, crée le Conseil supérieur des messageries de presse et en définit sommairement les missions, pour réorganiser la régulation de la distribution de la presse, qui reposera désormais sur deux organismes distincts : une instance professionnelle – le CSMP rénové – et une autorité administrative indépendante : l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

 L’organisation institutionnelle de la régulation du système coopératif de distribution de la presse

Le premier alinéa du texte proposé pour cet article 17 tend ainsi à modifier le statut du CSMP. Il le dote de la personnalité morale de droit privé, ce qui garantira à celui-ci son autonomie de fonctionnement. Il redéfinit aussi la mission du conseil en des termes qui lui confèrent un champ de compétence étendu : assurer « le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ».

Le deuxième alinéa de la rédaction prévue pour le même article institue, aux côtés du conseil supérieur, une « Autorité de régulation de la distribution de la presse » chargée d’une double mission :

– arbitrer, après une procédure précontentieuse de conciliation obligatoire devant le CSMP, les différends survenant entre des acteurs du secteur, comme le prévoit l’article 4 de la proposition de loi (article 18-10 de la loi « Bichet ») ;

– « rendre exécutoires » les décisions du CSMP ayant une portée générale.

L’architecture institutionnelle proposée par le présent article correspond donc à une régulation bicéphale du système de distribution de la presse :

– le CSMP, qui aura une double mission de production normative et de règlement des différends, demeurant une instance d’autorégulation du système de distribution de la presse ;

– l’ARDP n’interviendra qu’a posteriori pour rendre exécutoires les décisions du conseil, exerçant un pouvoir réglementaire qui ne saurait être délégué qu’à une autorité indépendante.

Cette architecture concilie ainsi l’exigence d’indépendance des autorités publiques chargées de la régulation d’un secteur économique et la tradition d’autorégulation de la distribution de la presse.

 Les principes fondamentaux de l’organisation du système coopératif de distribution de la presse

Le dernier alinéa du texte proposé pour l’article 17 de la loi « Bichet » mentionne cinq principes et objectifs structurant notre système collectif de distribution de la presse, dont le CSMP et l’ARDP sont « garants » :

– le respect de la concurrence ;

– le principe de liberté de la distribution ;

– le principe d’impartialité de la distribution.

– le principe de solidarité coopérative du système ;

– les équilibres économiques de ce système.

Le principe d’une organisation concurrentielle de la distribution de la presse constitue un des choix fondamentaux du législateur de 1947, qui visait à la fois à empêcher la reconstitution du monopole de fait que détenait Hachette avant-guerre, et à éviter la constitution d’un monopole d’État sur le secteur.

Il est ressorti des travaux du pôle « processus industriel de la presse écrite » des États généraux de la presse écrite que ce principe gardait toute sa valeur. Dans le livre vert des États généraux, le président de ce pôle, M. Arnaud de Puyfontaine, juge d’ailleurs « indispensable de remettre la notion de libre concurrence au cœur de la vente au numéro ».

Le principe de liberté de la distribution est établi par l’article 1er de la loi du 2 avril 1947, qui dispose que « la diffusion de la presse imprimée est libre » et que « toute entreprise de presse est libre d’assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu’elle jugera les plus convenables à cet effet ».

Le principe d’impartialité de la distribution garantit l’égalité des éditeurs face au système de distribution, évitant notamment que l’un des acteurs de la distribution détienne de fait un pouvoir de censure. Ce principe s’applique à tous les niveaux de la distribution.

Au niveau des messageries de presse (dit « niveau 1 »), la loi garantit le libre accès des éditeurs aux coopératives de messageries et aux sociétés commerciales qu’elles choisissent comme délégataires. Cette règle de libre adhésion des éditeurs aux coopératives (dite « règle de la porte ouverte ») découle de l’article 6 de la loi « Bichet », qui dispose que « devra être obligatoirement admis dans la société coopérative tout journal ou périodique qui offrira de conclure avec la société un contrat de transport (ou de groupage et de distribution) sur la base du barème des tarifs ».

Ce principe se traduit aussi par l’égalité de traitement des éditeurs en matière de fixation des tarifs de la distribution. L’article 19 de la loi « Bichet » dispose en effet que « seules, les considérations commerciales et techniques entrent en ligne de compte pour l'établissement du prix de la distribution ». Si le champ d’application de ces dispositions est limité aux coopératives, il a été étendu en pratique à l’ensemble du réseau de distribution, notamment aux sociétés commerciales de messageries, qui ont la double obligation, d’une part, d’appliquer uniformément les tarifs de distribution à tous les éditeurs et, d’autre part, de prendre en charge tous les exemplaires de tous les titres qui leur sont confiés.

Aux niveaux des dépositaires (dit « niveau 2 ») et des diffuseurs de presse (dit « niveau 3 »), le même principe d’impartialité s’applique. Dépositaires et diffuseurs ont en effet une obligation de neutralité dans leur rôle d’intermédiaire entre l’éditeur et le lecteur, qui résulte implicitement des modifications apportées à l’article 6 de la loi « Bichet » par l’article 40 de l’ordonnance n° 58-1298 du 23 décembre 1958 modifiant notamment certains articles du code pénal et par les articles 6 et 7 de la loi n° 67-17 du 4 janvier 1967, et que la jurisprudence de la Cour de Cassation a confirmée (3). On notera d’ailleurs que l’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d'ordre social indique que c’est « afin d'assurer le respect du principe de neutralité dans les conditions de distribution de la presse » que « la rémunération des agents de la vente de publications quotidiennes et périodiques est déterminée en pourcentage du montant des ventes ».

Le principe de solidarité coopérative du système collectif de distribution de la presse découle de l’article 2 de la loi du 2 avril 1947, qui établit le monopole des sociétés coopératives de messagerie de presse sur le groupage et la distribution de plusieurs journaux et périodiques. Ainsi, lorsqu’un éditeur renonce à organiser seul la distribution de ses titres pour l’assurer de façon groupée avec d’autres éditeurs, il doit obligatoirement adhérer à une société coopérative.

Le caractère solidaire du système de distribution de la presse découle directement de la forme coopérative de ces sociétés. En effet, dans toute société coopérative, le pouvoir de gestion n’est pas lié à la détention du capital social : l’article 10 de la loi « Bichet » dispose d’ailleurs que « quel que soit le nombre de parts sociales sont il est titulaire, chaque sociétaire ne pourra disposer, à titre personnel, dans les assemblées générales, que d’une seule voix ».

Le mode de gestion égalitaire de ces coopératives a permis la mise en place d’un système solidaire de péréquation des tarifs de distribution. En effet, l’article 12 de la loi du 2 avril 1947 dispose que le barème des tarifs de messagerie de chaque coopérative est soumis à l’approbation de son assemblée générale, et qu’il s’impose à toutes les entreprises commerciales de messageries. Ces dispositions ont conféré aux « petits » éditeurs un poids déterminant dans la fixation des barèmes tarifaires. Il en résulte que le prix de la distribution est forfaitaire, calculé en pourcentage du montant des ventes. Les titres à faible tirage bénéficient ainsi des économies d’échelle et des moyens logistiques qui seraient réservés aux « grands » éditeurs si seuls jouaient des mécanismes de marché. De même, l’article 13 de la loi dispose que « les excédents nets résultant de la gestion et non réinvestis en matériel d'exploitation, pour chacun des exercices, sont répartis entre les sociétés au prorata des chiffres des affaires faites avec la société coopérative par chaque associé » et non au prorata de la part du capital social qu’il détient, contrairement à ce qui est pratiqué dans les sociétés commerciales.

Quant à la disposition suivant laquelle le CSMP et l’ARDP devront veiller aux équilibres économiques du système, elle assigne à ces deux instances une mission générale de régulation économique du secteur. Elle fait ainsi écho à l’article 21 de la loi « Bichet », qui donne compétence au commissaire du Gouvernement au sein du conseil supérieur pour s’opposer à toute décision d’une messagerie qui en compromettrait l’équilibre financier.

On soulignera en outre que le Sénat a précisé que ces dispositions ne s’appliquent qu’au « système collectif de distribution de la presse » afin, selon son rapporteur, M. David Assouline, de prévenir toute confusion avec le réseau de distribution autonome mis en place par la presse quotidienne régionale pour lequel le CSMP et l’Autorité n’ont pas vocation à intervenir.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 4 de Mme Marie-George Buffet, visant à supprimer l’article.

Mme Marie-Hélène Amiable. La mission du CSMP ne doit pas être d’organiser la concurrence entre les acteurs de la distribution et de la vente mais au contraire de veiller à leur coopération solidaire. Cet amendement vise donc à éviter qu’il ne soit placé sous la tutelle de l’ARDP.

M. le rapporteur. Je suis bien évidemment défavorable à la suppression de cet article essentiel : renoncer à la création de l’ARDP remettrait en cause tout l’équilibre du dispositif, qui repose sur cette gouvernance bicéphale. Il m’avait pourtant semblé que nous étions tous d’accord sur la nécessité de faire évoluer le système. J’ajoute que le CSMP n’est en rien mis sous tutelle de l’autorité de régulation puisqu’il aura toujours l’initiative. Qui plus est, cette autorité sera légère puisqu’elle ne sera composée que de trois magistrats : on est loin de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou du Conseil supérieur de l’audiovisuel…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3

Composition du Conseil supérieur des messageries de presse

Le présent article a pour objet de modifier la composition du Conseil supérieur des messageries de presse, définie par l’article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi « Bichet ».

1. Le droit en vigueur

a) La composition du conseil supérieur

L’article 18 de la loi « Bichet », modifié par l’article 1er du décret n° 2006-308 du 16 mars 2006 modifiant la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, prévoit que le CSMP est composé comme suit :

– un représentant du ministre chargé du commerce ;

– un représentant du ministre des affaires étrangères ;

– un représentant du Premier ministre ;

– un représentant du ministre des transports ;

– un représentant du ministre chargé des postes, télégraphes et téléphones ;

– un représentant du ministre chargé de l’information ;

– trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, par une assemblée générale des sociétés coopératives de messageries ;

– neuf représentants des organisations professionnelles de presse les plus représentatives ;

– deux représentants des dépositaires de journaux et publications périodiques désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives, ou à défaut, par une assemblée générale des dépositaires ;

– un représentant des entreprises commerciales concourant à la distribution de la presse ;

– trois représentants du personnel des entreprises de messageries de presse désignés par les organisations syndicales les plus représentatives ;

– le président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ou son représentant ;

– le président de la compagnie Air France ;

– le président de l’organisation professionnelle la plus représentative des transporteurs par route.

L’article 18 de la loi « Bichet » précise que le président du CSMP est élu par les membres du conseil pour un an, renouvelable. L’article 4 du règlement intérieur du conseil le charge de présenter un rapport moral annuel.

b) La constitution de commissions au sein du conseil supérieur

Depuis plusieurs années, le conseil supérieur tend à intervenir de façon croissante dans la régulation du secteur de la distribution de la presse, ce qui recouvre deux activités principales :

– une activité normative : élaborer des règles de bonnes pratiques professionnelles, afin d’encadrer l’évolution du secteur ;

– une activité contentieuse : régler, par des procédures de médiation et de conciliation, les différends survenant entre les acteurs du secteur.

La méthode suivie par le CSMP dans l’exercice de ces fonctions fait une large part à des groupes de travail ad hoc et, surtout, à des commissions permanentes chargées chacune d’une mission spécifique de régulation sectorielle.

 Des groupes de travail ad hoc

Plusieurs groupes de travail thématiques ont été créés par le CSMP. On citera notamment une décision de l’assemblée générale du 2 février 2006 qui a créé un comité de suivi dédié à la rémunération des diffuseurs de presse, chargé de préparer les avis que le conseil supérieur doit rendre, en application du décret n° 2005-545 du 25 novembre 2005 (4), sur les protocoles et conventions prévoyant des majorations des taux de rémunération des agents de la vente ;

De même, le président du CSMP a mis en place un groupe de travail chargé d’étudier les adaptations possibles des règles d’assortiment des titres et de plafonnement des volumes livrés aux diffuseurs de presse, et de procéder à des expérimentations. Un autre groupe de travail a été constitué dans les mêmes conditions pour mener une réflexion sur le « niveau 2 » de la distribution, c'est-à-dire les dépositaires, dont le réseau a subi d’importantes restructurations.

 La commission du réseau

Le CSMP comprend en son sein une commission chargée notamment de dispenser les agréments nécessaires pour exercer la fonction d’agent de vente de la presse. Dénommée « commission d’organisation de la vente » de 1987 à 2009, cette commission a été renommée « commission du réseau » par une décision de l’assemblée générale du 5 mai 2009 qui en a élargi les compétences. Selon l’article 9 du règlement intérieur du Conseil, cette commission comprend treize membres « choisis pour leur expertise, parmi les éditeurs représentatifs du pluralisme de la presse », et a pour missions :

– d’examiner les propositions formulées par les dépositaires et par les diffuseurs (directement ou par l’intermédiaire d’une messagerie de presse) concernant la création, la modification partielle ou totale de la zone de chalandise, l’association logistique de dépôts de presse, ainsi que la mutation à titre gratuit ou onéreux d’un contrat de dépositaire ;

– d’examiner les propositions des diffuseurs concernant la création de points de vente au détail « ou tout événement susceptible d’affecter substantiellement l’exécution du contrat de diffuseur » :

– et, de façon générale, « de veiller à veiller à la bonne organisation, à la pertinence, à l'efficacité et au développement équilibré du réseau », ce qui ouvre la voie à la mise en œuvre des mesures envisagées dans le cadre des États généraux de la presse écrite pour résoudre les difficultés structurelles de la vente au numéro.

 La commission de conciliation

Lors de l’assemblée générale susmentionnée du 5 mai 2009, le CSMP a modifié l’article 7 de son règlement intérieur pour instituer une « commission de conciliation », qui a pour mission de « favoriser le règlement amiable des litiges » entre les messageries, « de nature contractuelle ou extra-contractuelle, relatifs à leurs activités de distribution des journaux et publications périodiques et pouvant porter notamment sur l'interprétation des normes et bonnes pratiques professionnelles ». Cette commission comprend trois membres, dont le président du conseil supérieur, son président, et deux membres choisis parmi les représentants des éditeurs et/ou des personnalités qualifiées indépendantes.

 La commission des normes et des bonnes pratiques professionnelles 

La même assemblée générale a institué à l’article 8 du règlement intérieur du CSMP une « commission des normes et des bonnes pratiques professionnelles ». Cette commission compte onze membres choisis par l’assemblée générale sur proposition du président et en accord avec le bureau « parmi les éditeurs représentatifs su pluralisme de la presse et des personnalités qualifiées », pour un mandat de deux ans, renouvelable. Elle peut être saisie par le président du CSMP, une messagerie ou un syndicat professionnel des acteurs du secteur d’une demande tendant à l’élaboration d’une norme ou d’une bonne pratique professionnelle. Le règlement intérieur du conseil précise que la commission « adopte ses propositions par consensus ».

2. Le dispositif proposé

Le présent article tend à réécrire l’article 18 de la loi « Bichet » pour refondre la composition du conseil supérieur, préciser le statut de ses membres et donner une base juridique à son organisation en commissions.

 La composition du conseil supérieur

Les sept premiers alinéas du texte proposé pour l’article 18 de la loi du 2 avril 1947 redéfinissent ainsi la composition du conseil supérieur des messageries de presse en énumérant six catégories de membres, « nommés par arrêté du ministre chargé de la communication » :

1° Neuf représentants des éditeurs, nommés sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives ;

2° Trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse, nommés sur proposition des assemblées générales des sociétés coopératives de messageries de presse ;

3° Deux représentants des entreprises commerciales et des messageries de presse concourant aux opérations matérielles de distribution de la presse, proposés par les assemblées générales de ces entreprises ou messageries ;

4° Deux représentants des dépositaires de journaux ou publications périodiques, nommés sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, d’une assemblée générale des dépositaires ;

5° Deux représentants des diffuseurs de presse proposés par les organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, par une assemblée générale des diffuseurs ;

6° Deux représentants du personnel occupé dans les entreprises de messageries de presse, nommés sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives.

Ces dispositions visent ainsi principalement à donner au conseil supérieur une composition correspondant à celle d’une véritable instance professionnelle de droit privé ; à cette fin, il est proposé de supprimer du CSMP les représentants de l’État et des entreprises de transport à longue distance, comme le montre le tableau ci-après.

On observe entre la composition actuelle du CSMP et la composition proposée par le présent article deux principales différences (cf. le tableau ci-après).

D’une part, la nouvelle composition inclut des représentants des diffuseurs de presse (« niveau 3 »), ce qui est de nature à faciliter la prise en compte des difficultés particulières des diffuseurs de presse et à accélérer la nécessaire et urgente revalorisation de leur métier.

D’autre part, le nombre de représentants des sociétés commerciales concourant à la distribution de la presse est porté de un à deux, et il est prévu qu’ils puissent représenter non seulement des sociétés commerciales – comme Presstalis –, mais aussi des messageries de presse, comme les Messageries lyonnaises de presse, qui réalisent une part importante des opérations matérielles de distribution de la presse depuis les années 1990, et pourraient légitimement être représentées au CSMP.

Composition du Conseil supérieur des messageries de presse

 

composition actuelle*

nouvelle composition**

représentants de l’État

6

aucun

représentants des éditeurs

9

9

représentants des sociétés coopératives de messageries de presse

3

3

entreprises commerciales et des messageries délégataires des coopératives de messagerie

1

2

représentants des dépositaires de journaux ou publications périodiques

2

2

représentants des diffuseurs de presse

aucun

2

représentants du personnel des entreprises de messageries de presse

3

2

représentants des entreprises de transport à longue distance

3

aucun

total :

27

20

* composition actuelle telle que fixée par l’article 18 de la loi « Bichet »

** composition proposée par l’article 3 de la présente proposition de loi

On observera en outre que le texte propose de resserrer la composition du conseil supérieur, en ramenant de vingt-sept à vingt l’effectif de ses membres. Une telle mesure aura pour effet de faciliter l’atteinte du quorum, que le présent article tend à fixer à la moitié des membres du conseil (article 18-2 de la loi « Bichet », cf. infra). Elle contribuera ainsi à rendre le CSMP plus réactif.

 Le statut des membres du conseil supérieur

Les huitième à douzième alinéas du texte proposé pour l’article 18 de la loi « Bichet » précisent certaines règles du statut des membres du conseil supérieur, concernant notamment leur déchéance, leur remplacement et le maintien dans leur fonction jusqu’à la première réunion du conseil après son renouvellement. Il est proposé de fixer à quatre ans la durée du mandat des membres du Conseil, et de préciser son caractère renouvelable.

Ces dispositions s’appliqueront aussi au président du CSMP, pour lequel l’article 18 de la loi « Bichet » dans sa rédaction en vigueur prévoit un mandat d’un an, renouvelable. Cette disposition va dans le sens d’un renforcement du rôle institutionnel du conseil supérieur, dans la mesure où ses instances dirigeantes pourront inscrire leur action dans la durée qu’il convient.

 L’organisation de commissions au sein du conseil supérieur

Les deux derniers alinéas de la rédaction proposée pour l’article 18 de la loi du 2 avril 1947 ont pour objet de donner une base juridique à l’organisation de commissions spécialisées créées par le conseil supérieur. L’avant-dernier alinéa précise que ces commissions pourront « s’appuyer, le cas échéant, sur le concours d’experts ». La Commission de la culture du Sénat a précisé que ces commissions ne seraient pas nécessairement créées par le conseil « en son sein » : il s’agit d’une mesure de souplesse visant à ce qu’elles ne soient pas nécessairement composées de membres du CSMP, mais de personnalités dont l’expertise ou la disponibilité serait plus adaptée à l’objet de la commission.

Le dernier alinéa renvoie le soin de fixer les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement de ces commissions spécialisées au règlement intérieur du conseil supérieur, comme celui-ci le fait déjà aujourd’hui en l’absence de base légale.

*

La Commission examine l’amendement AC 5 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-Hélène Amiable. Les compétences dévolues au commissaire du Gouvernement nous paraissent insuffisantes pour permettre à l’État, garant de l’intérêt général, de demeurer force de proposition. C’est pourquoi nous souhaitons rétablir la présence de l’État au sein du conseil supérieur.

M. le rapporteur. La présence du ministre des affaires étrangères au CSMP vous paraît-elle vraiment indispensable ?

La réforme de la composition du conseil supérieur est destinée à renforcer le rôle des professionnels. Il a paru légitime d’en exclure les représentants des entreprises de transport, dont la présence n’est plus justifiée aujourd’hui comme elle a pu l’être en 1947. Le commissaire du Gouvernement représentera désormais l’État et jouera un rôle de contrôle. Il disposera même d’une sorte de droit de veto puisqu’il pourra demander une nouvelle délibération en cas de désaccord. Il pourra également faire inscrire toute question à l’ordre du jour.

Enfin, l’intérêt de l’intervention de l’ARDP est de donner force exécutoire aux décisions du CSMP. Tout cela est très complémentaire et très équilibré.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC 6 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-Hélène Amiable. Nous proposons de revenir à trois représentants des salariés, conformément à la loi « Bichet », au lieu de deux comme cela nous est proposé dans ce texte.

M. le rapporteur. C’est également une question d’équilibre : dès lors que l’on passe de 27 membres à 20, il ne paraît pas anormal que l’effort soit partagé et que le nombre des représentants des salariés diminue à due proportion, tout en demeurant à 10 % du total des membres. Je rappelle que la nouvelle composition permettra d’accueillir des représentants des dépositaires de presse, alors que le niveau 2 n’était jusqu’ici pas représenté au CSMP, ce qui était quelque peu surprenant.

Les deux représentants du personnel, qui seront présents à chaque séance, pourront faire rapport à l’ensemble des agents de la filière.

Je suis donc défavorable à cet amendement

M. Michel Françaix. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de faire évoluer les choses et nous savons que cela nécessitera l’adhésion du personnel. Est-il dès lors opportun de réduire le nombre de ses représentants ? Ne donne-t-on pas de la sorte raison à ceux qui pensent que la loi « Bichet » sera à terme abrogée comme à ceux qui considèrent que ce texte est fait pour les patrons de presse ? Ne risque-t-on pas de multiplier les conflits, en contradiction avec l’objectif de ce texte ?

Des progrès considérables ont été enregistrés avec les imprimeries, ne faisons donc pas avec la distribution les mêmes bêtises que jadis avec ces dernières !

Deux ou trois, cela ne change pas grand-chose et il me paraîtrait inélégant de profiter de ce texte pour réduire la représentation du personnel.

M. le rapporteur. Il n’y a là nulle inélégance. Pourquoi vous montrer plus royaliste que le roi ? Le délégué général du Syndicat du Livre lui-même n’a rien trouvé à redire à la diminution du nombre de ses propres représentants ! Pour une fois qu’il y a consensus entre le syndicat, les éditeurs, les diffuseurs, les dépositaires, je ne vois pas l’intérêt de cet amendement, dont l’adoption risquerait en outre de perturber gravement le calendrier.

Mme Martine Martinel. Vous avez écrit, monsieur le rapporteur, que « la loi "Bichet" s’apparente à une colonne du temple de notre République ». Une telle envolée s’accommode-t-elle de la petite mesquinerie qui consiste à réduire le nombre des représentants du personnel, que la presse ne manquera pas de pointer dès demain ?

M. le rapporteur. Nous avons reçu hier le délégué général du Syndicat du Livre, qui n’a vu nulle matière à contestation dans cette réduction du nombre de ses représentants.

M. Patrick Bloche. Je suis heureux que notre rapporteur défende avec tant de détermination le Syndicat du Livre…

Plus sérieusement, quel est exactement le cadre de ce débat ? Sommes-nous ici de bons soldats supposés nous aligner derrière le texte immuable du Sénat ou disposons-nous de la possibilité d’imprimer la marque de l’Assemblée nationale sur cette proposition ? Nous n’avons pas bénéficié d’une étude d’impact et, alors que nous intervenons dans un secteur sensible, co-régulé, nous devons attendre la séance publique pour connaître la position du Gouvernement. Mesurons bien toutes les conséquences de ce que nous sommes en train de faire dans la précipitation et qui risque d’être demain dommageable à la distribution de la presse.

M. le rapporteur. Ces propos ne me semblent pas adaptés au présent amendement, dont je vois d’autant moins l’intérêt que cette disposition fait l’objet d’un consensus.

La Commission rejette l’amendement AC 6.

Puis elle adopte l’article 3 sans modification.

Article 4

Missions et compétences respectives du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse

Le présent article a pour objet de compléter le titre II de la loi « Bichet » par seize articles additionnels après son article 18, numérotés 18-1 à 18-15, afin de réorganiser l’architecture institutionnelle de la régulation du système coopératif de distribution de la presse. Ces articles tendent ainsi à définir la composition, le fonctionnement et les missions d’une nouvelle autorité indépendante, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), de définir l’articulation entre cette autorité et le Conseil supérieur des messageries de presse.

1. Missions et composition de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (article 18-1 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-1 de la loi « Bichet » fixe les missions et la composition de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

 Les missions de l’autorité de régulation

Le premier alinéa du texte prévu pour l’article 18-1 définit les missions de l’autorité par un renvoi à six articles 18-10 à 18-15 que le présent article tend à insérer dans la loi du 2 avril 1947 (cf. infra). L’ARDP aura ainsi pour missions de :

– rendre exécutoire tout accord conclu à l’issue d’une procédure de conciliation précontentieuse obligatoire devant le CSMP ;

– régler les différends survenant en cas d’échec de cette procédure, sur saisine des parties ou du Conseil supérieur des messageries de presse, et sous réserve qu’ils ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence ;

– rendre exécutoires les décisions du conseil supérieur à portée générale ;

– veiller à l’application de ces décisions ;

– évaluer l’exécution de ses missions par le CSMP ;

– émettre un avis annuel sur l’évolution des tarifs des messageries.

 La composition de l’autorité de régulation

Les quatre premiers alinéas du texte proposé pour l’article 18-1 précisent la composition de l’ARDP, qui sera constituée de trois magistrats :

– un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

– un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

– un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Les six alinéas suivants définissent le statut des membres de l’autorité de régulation. Ils précisent que les membres de l’ARDP sont nommés pour quatre ans par arrêté du ministre chargé de la communication, et comportent plusieurs dispositions visant à garantir leur indépendance :

– leur mandat ne sera « ni révocable, ni renouvelable », ce que le Conseil d’État présente comme un sérieux gage d’indépendance dans son rapport précité ;

– les fonctions de membre de l’ARDP seront incompatibles avec celles de membre du CSMP et, plus largement, avec « l’exercice de fonctions ou la détention d’un mandat ou d’intérêts dans une entreprise du secteur de la presse ». Cette mesure vise à prévenir les conflits d’intérêts.

2. Conditions de validité des délibérations du conseil supérieur et de l’autorité de régulation (article 18-2 de la loi « Bichet »)

Le texte proposé pour l’article 18-2 a pour double objet de :

– déterminer le quorum requis pour que les délibérations du conseil supérieur et de l’autorité de régulation soient valables ;

– fixer les règles de majorité applicables à ces délibérations.

S’agissant des règles de quorum, le conseil supérieur ne pourra délibérer que si « au moins la moitié de ses membres sont présents ou représentés par un autre membre » dans des conditions que fixera son règlement intérieur. Cette faculté de représentation a été introduite par la Commission des affaires culturelles du Sénat, au motif, selon son rapporteur, M. David Assouline, qu’« il peut sembler contraignant d’imposer la présence effective de la moitié de ses membres, au regard du rythme des nombreuses décisions qu’il sera appelé à prendre ». Quant à l’autorité de régulation, elle ne pourra délibérer que si au moins deux de ses trois membres sont présents.

S’agissant des règles de majorité, les délibérations du CSMP et de l’ARDP seront adoptées à la majorité simple de leurs membres présents. En n’exigeant pas de majorité qualifiée ou de consensus, le texte vise à éviter des blocages institutionnels et à permettre ainsi à ces organismes d’accomplir efficacement leur travail de modernisation du système collectif de distribution de la presse.

3. Obligations de secret professionnel, de confidentialité et de réserve des membres, personnels et collaborateurs du conseil supérieur et de l’autorité de régulation (article 18-3 de la loi du 2 avril 1947)

La rédaction prévue pour l’article 18-3 tend à garantir la confidentialité des travaux du CSMP et de l’ARDP en établissant trois règles :

– les membres et les personnels de ces deux organismes, ainsi que les experts qu’ils consultent, seront tenus au « secret professionnel », sous peine de poursuites pénales, pour les faits, actes et renseignements dont ils ont eu à connaître dans l’exercice de leurs fonctions ;

– les membres et les personnels du conseil supérieur et de l’autorité de régulation sont également tenus à une « obligation de confidentialité » pendant une durée d’un an après le terme de leur mandat ;

– les membres du conseil supérieur et de l’autorité de régulation sont en outre tenus à une obligation de réserve : ils ne pourront prendre « à titre personnel, aucune position publique sur les délibérations de ces organismes ».

4. Commissaire du Gouvernement (article 18-4 de la loi « Bichet »)

Le texte proposé pour l’article 18-4 prévoit la désignation par le ministre chargé de la communication d’un « commissaire du Gouvernement » qui siégera « auprès du conseil supérieur » avec « voix consultative ».

Alors que dans la nouvelle composition du CSMP proposée par l’article 3, l’État n’aura plus de représentant, la nomination d’un commissaire du Gouvernement auprès du conseil supérieur permet de conserver à la puissance publique les moyens de s’assurer que le CSMP exerce dans de bonnes conditions les missions que lui aura conférées la loi.

Le commissaire du Gouvernement disposera en effet de pouvoirs étendus :

– le deuxième alinéa du texte prévu pour l’article 18-4 lui donne autorité pour faire inscrire à l’ordre du jour d’une séance du conseil supérieur, de plein droit, « toute question intéressant la distribution de la presse », et que l’examen de cette question « est de droit ». Cette mesure lui permettra de veiller à ce que le CSMP et l’ARDP exercent pleinement leurs compétences ;

– le troisième alinéa de ce texte lui donne le droit de « demander une nouvelle délibération » de toute décision du conseil supérieur dont il estime qu’elle « est susceptible de porter atteinte aux objectifs » de la loi « Bichet ».

5. Modalités de fonctionnement du conseil supérieur et de l’autorité de régulation (article 18-5 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-5 comprend plusieurs mesures relatives à la gestion du CSMP et de l’ARDP.

Le premier alinéa de ce texte met à la charge des coopératives de messageries l’ensemble des « frais afférents au fonctionnement » du conseil supérieur et de l’autorité de régulation ainsi que « les sommes que ces organismes pourraient être condamnés à verser ». Dans sa rédaction en vigueur, le dernier alinéa de l’article 18 de la loi « Bichet » met déjà à la charge de ces sociétés les frais afférents au fonctionnement du CSMP et de son secrétariat.

Le deuxième alinéa charge le CSMP et l’ARDP d’établir, chacun pour ce qui le concerne, un règlement intérieur. Le troisième alinéa de ce texte précise que les présidents de ces deux organismes « ont qualité pour agir en justice ».

6. Attributions du Conseil supérieur des messageries de presse (article 18-6 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-6 énumère certaines des attributions du CSMP, précisant ainsi le contenu de sa mission générale : assurer « le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau » (cf. le commentaire de l’article 2).

Sont ainsi énumérées douze prérogatives du conseil supérieur, qui reprennent largement les propositions formulées par le rapport précité de M. Bruno Lasserre.

 Attributions du CSMP en matière de réglementation de l’assortiment des titres servis et de plafonnement de leurs quantités

Le 1° de cette énumération donne compétence au CSMP pour déterminer « les conditions et les moyens propres à garantir une distribution optimale de la presse d’information politique et générale », dans le respect des articles 1er et 2 de la loi du 2 avril 1947, qui établissent respectivement le principe de la liberté de diffusion de la presse imprimée et le monopole des sociétés coopératives de messageries de presse pour le groupage et la distribution en commun des titres de plusieurs éditeurs ;

Le 2° de la même énumération charge le CSMP de fixer, « pour les autres catégories de presse », les « conditions d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente », « selon des critères objectifs et non discriminatoires » définis dans un « cahier des charges ».

Il ressort de ces deux dispositions que le conseil supérieur aura compétence pour établir des règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux diffuseurs différenciées selon le type de presse considéré :

– le principe du libre accès de tout éditeur à tout point de vente, constituant un droit absolu à faire distribuer ses publications, serait ainsi réservé à la « presse d’information politique et générale » ;

– pour les autres titres, le droit à être distribué pourrait être régulé, de façon à limiter l’encombrement du linéaire des diffuseurs et les taux d’invendus.

Une telle modification des règles d’assortiment et de plafonnement des quantités vise à concilier la protection du pluralisme – que garantit le principe de libre accès de tout éditeur à tout point de vente – et l’efficacité commerciale, qui supposerait que l’offre de journaux présentés dans un point de vente soit organisée de façon à satisfaire les demandes de la clientèle et à redonner de l’attractivité à la presse écrite.

Or, actuellement, on observe un déséquilibre entre une offre de titres pléthorique et la rareté du linéaire disponible dans les points de vente. C’est ce qui conduit M. Bruno Lasserre à constater que l’application réelle du droit pour tout titre d’être distribué dans tout point de vente et dans les quantités voulues par l’éditeur « trouve ses limites dans l’encombrement des linéaires : la surcharge de travail pour les diffuseurs qui doivent gérer le flux des invendus se fait au détriment d’une action réellement commerciale de mise en valeur des titres ». Devant votre rapporteur, M. Gérard Proust, président de l’Union nationale des diffuseurs de presse, a d’ailleurs rappelé que les taux d’invendus s’établissent autour de 60 %, alors même que la part des clients dont la demande ne peut pas être satisfaite s’élève à 20 % en moyenne (5). Un tel constat montre qu’une action commerciale d’adaptation de l’offre aux attentes de la clientèle est indispensable pour enrayer la baisse rapide des ventes au numéro.

Ces mesures ont fait l’objet de réflexions et d’expérimentations sous la conduite du CSMP, qui a établi en la matière des normes professionnelles dépourvues pour l’heure de force contraignante. Le livre vert publié en conclusion des États généraux de la presse écrite indique d’ailleurs qu’un test mené à Reims par Presstalis a montré que l’évolution des règles d’assortiment avait permis une augmentation des ventes de 1,5 % (rompant avec la tendance à la baisse observée depuis plusieurs années), une diminution d’environ 10 % de l’occupation du linéaire, un allégement significatif de la charge de travail et une amélioration de l’adaptation de l’offre à la clientèle. Ces mesures reprennent d’ailleurs une des principales propositions du rapport de M. Bruno Lasserre (cf. encadré ci-après).

Concilier efficacité et pluralisme : droit à être distribué, assortiment et plafonnement

Conformément au souhait du Président de la République, le conseil supérieur se verrait reconnaître la mission de définir ou valider les règles permettant de concilier efficacité et pluralisme, en veillant à ce que soient posées des « garanties particulières contre le risque de distribution arbitraire ».

Un traitement privilégié pour la presse d’information politique et générale

Pour limiter l’encombrement des points de vente, le droit absolu à être distribué pourrait être limité à certains titres et à une partie du linéaire de certains points de vente.

L’exigence de neutralité entre les titres se veut la garantie du pluralisme des opinions. Mais cette neutralité ne doit pas forcément interdire un traitement privilégié de la presse d’information politique et générale, qui paraît en effet plus directement concernée par le pluralisme des opinions que la presse thématique.

Il reviendrait au conseil supérieur de définir les limites de la presse d’information politique et générale et les conditions dans lesquelles cette catégorie de presse pourrait bénéficier d’une garantie de diffusion sur tout le territoire.

La régulation de l’assortiment

Pour les autres titres, et en particulier pour les titres thématiques, le droit à être distribué pourrait être encadré et régulé et laisser la place à des mécanismes de marché.

En effet, laisser aux diffuseurs, ou du moins à tous les diffuseurs, le choix discrétionnaire des titres à proposer risquerait de favoriser des comportements anti-concurrentiels. Les NMPP, messagerie dominante, disposent en outre d’une position prééminente sur le niveau 3. Si les diffuseurs liés aux NMPP refusaient de distribuer les titres (autres que d’information politique et générale) des MLP, les NMPP disposeraient d’un effet de levier efficace pour inciter les éditeurs à adhérer à leurs coopératives. Aussi, sauf exception permise par le conseil supérieur, il ne doit pas être permis à une messagerie d’imposer une exclusivité à un diffuseur.

On pourrait envisager que l’assortiment respecte la répartition des parts de marché des messageries. Mais une telle règle présenterait un effet pervers en ce qu’une publication dont la messagerie refuserait ou limiterait la diffusion pourrait être tentée de changer de messagerie uniquement pour accroître ses chances d’être diffusée. C’est pourquoi les critères retenus pour l’assortiment doivent être objectifs et dépendre des caractéristiques et de l’historique du titre et non de l’appartenance à une messagerie. Le fait que la répartition des titres issue de telles règles d’assortiment ne reflète pas forcément le poids de chaque messagerie n’est pas en lui-même une preuve de discrimination.

L’introduction de mécanismes de marché

Le problème que pose le choix des titres à diffuser quand le nombre de titres candidats est supérieur aux possibilités d’exposition optimale du diffuseur pourrait être résolu par le recours à des mécanismes de marché. Aussi, pour les titres n’appartenant pas à la presse d’information politique et générale, il ne doit pas être exclu a priori qu’en cas de rareté du linéaire, la possibilité d’être diffusé entraîne un surcoût et que ce surcoût contribue en priorité à la rémunération des diffuseurs. Encore une fois, ce surcoût ne doit pas dépendre de la messagerie mais uniquement des caractéristiques du titre. […]

La possibilité d’un traitement différencié par catégories de presse

Le conseil supérieur pourrait également définir des catégories intermédiaires entre la presse d’information politique et générale pure, à laquelle une partie du linéaire serait réservée dans certains points de vente et pour laquelle on tenterait de s’approcher au maximum de la neutralité de traitement, et les titres soumis aux seuls mécanismes de marché pour occuper le linéaire résiduel.

De grandes catégories thématiques (journaux de télévision, presse féminine) ainsi que les suppléments des quotidiens (qui ne sont pas tous classés a priori dans la presse d’information politique et générale pure) pourraient se voir réserver une portion du linéaire, pour être certain qu’ils soient représentés, mais sans interdire la possibilité de surcoûts si ce linéaire réservé ne suffisait pas à satisfaire la demande.

De la même manière une partie de l’assortiment devrait être réservé aux nouvelles parutions, aux hors séries, aux numéros spéciaux, aux promotions, notions que le conseil supérieur devrait soigneusement définir pour éviter des détournements. […]

Le plafonnement des quantités

Le plafonnement des quantités limite le nombre de titres distribués dans un point de vente, alors que l’assortiment peut interdire à un titre l’accès même au point de vente. Le plafonnement vise à limiter les taux d’invendus et le travail inutile des diffuseurs. Les règles de plafonnement doivent être objectives et non discriminatoires et ne dépendre que des caractéristiques et de l’historique de vente des titres, et en aucun cas de la messagerie.

Source : « Propositions pour une réforme du Conseil supérieur des messageries de presse », rapport remis au Gouvernement par M. Bruno Lasserre, président de l'autorité de la concurrence, mai 2009.

 Prérogatives du CSMP en matière de réglementation des modes de distribution ne reposant pas sur les messageries

Le 3° de l’énumération des attributions du CSMP charge le conseil supérieur de définir le cadre applicable à deux pratiques :

– « une distribution non exclusive par une messagerie de presse », ce qui renvoie au cas où un éditeur distribuerait une partie des exemplaires d’une même édition par un canal autre que celui de la société coopérative de messagerie à laquelle il adhère ;

– « une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse », c’est-à-dire sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse, comme l’article 1er de la loi « Bichet » en prévoit la possibilité.

Ces deux modes de distribution ont en commun de ne pas faire intervenir les sociétés coopératives de messageries de presse.

Le premier cas correspond à une dérogation au principe de distribution exclusive suivant lequel un éditeur doit confier l’ensemble des exemplaires de ses publications à la coopérative à laquelle il adhère. En effet, l’article 5 de la loi « Bichet » prévoit que ne peuvent devenir membres d’une coopérative de messageries que les éditeurs « qui auront pris l’engagement de conclure un contrat de transport (ou de groupage et de distribution) avec la société ». Or les contrats de groupage et de distribution utilisés par les principales messageries comprennent une clause d’exclusivité, par laquelle l’éditeur s’engage à confier à la coopérative la distribution de tous les exemplaires des titres qu'ils auront désignés (cf. l’encadré ci-dessous).

Le contrat de groupage et de distribution

 Objet : Tout éditeur associé au sein d'une société coopérative de messagerie de presse prend l'engagement d'utiliser les services de la société, en souscrivant au contrat de groupage et de distribution. Ce contrat comporte principalement :

– à la charge de l'éditeur : l'engagement de confier à la messagerie l'exclusivité de la distribution des titres désignés en annexe, ainsi que les modalités de livraison des exemplaires à distribuer, et de rémunération des services accomplis par la messagerie ;

– à la charge de la messagerie : l'engagement d'acheminer les produits jusqu'aux points de vente, ainsi que les conditions de retour des invendus, de rémunération des agents de la vente, et du règlement aux éditeurs des exemplaires vendus par son intermédiaire.

 Contenu : En souscrivant au contrat de groupage et de distribution, les éditeurs s'engagent à réserver à la société de messagerie concernée le soin d'assurer la vente au numéro sur le territoire métropolitain de tous les exemplaires des titres qu'ils auront désignés. Les seules exceptions à cette clause d'exclusivité concernent d'abord les cas résiduels dans lesquels l'éditeur choisira d'assurer lui-même la vente directe de certains exemplaires (par crieurs ou colporteurs salariés interposés), ou dans les zones non couvertes par les messageries. En revanche, il ne paraît pas possible pour un éditeur de se soustraire à son obligation de fourniture exclusive en réclamant un traitement particulier des différentes éditions d'un même titre, comme la Cour d’appel de Paris l’a rappelé dans son arrêt Coope-Presse et Transport-Presse c/. SNC Le Parisien libéré du 6 juin 2001.

Source : Jurisclasseur Communication, fascicule n° 4040, « Régime de la distribution de la presse », 2002.

La compétence donnée au CSMP pour réguler ces pratiques va dans le sens des recommandations du livre vert des États généraux de la presse écrite, qui propose de « permettre […] aux éditeurs de se distribuer en dehors du cadre des messageries » dans les deux cas suivants :

– pour faciliter l’accès des quotidiens nationaux au réseau de vente au numéro de la presse quotidienne régionale, qui compte deux fois plus de points de vente que celui de la presse nationale. Le livre vert indique qu’« une telle mesure devrait permettre d’accroître les ventes de la presse quotidienne nationale, mais aussi permettre aux dépôts (niveau 2) de se concentrer sur les tournées de distribution de la presse magazine et d’accroître ainsi leur productivité » ;

– pour certains services que peuvent demander les éditeurs et que les messageries ne seraient pas en mesure de leur proposer, « sans raison valable », et après avoir été systématiquement sollicitées de façon à leur assurer un « droit de premier refus ».

Toutefois, comme le reconnaît le livre vert, « la rupture de l’exclusivité poserait en effet la question de l’équilibre économique des messageries », ce qui justifie qu’elle ne soit « envisageable [que] dans des cas bien délimités ». En effet, cet équilibre coopératif, qui repose sur un mécanisme de mutualisation des charges, pourrait être mis à mal si un éditeur retirait à une messagerie la part la moins coûteuse de la distribution, pour ne lui confier que la desserte de zones enclavées ou peu denses, par nature moins rentable.

C’est pourquoi le Sénat a adopté un amendement visant à souligner le caractère exceptionnel de ces modes de distribution non coopératifs. Il a ainsi précisé que le régime de ces pratiques dérogatoires devra être compatible avec « le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives de messageries de presse ». Comme le souligne le rapport de M. David Assouline, cette disposition « permet d’exclure l’hypothèse d’une situation où l’éditeur réserverait la part la moins rentable de sa distribution au système coopératif, tout en assurant à meilleur coût la distribution de la part la plus rentable ». Il appartiendra donc au Conseil supérieur des messageries de presse d’encadrer le recours aux modes non coopératifs de distribution, notamment les dérogations à l’exclusivité de la distribution.

 Rôle du CSMP en matière d’organisation des niveaux 2 (dépositaires) et 3 (diffuseurs) du réseau vente au numéro

Le 4° de l’énumération des compétences du CSMP charge le Conseil supérieur des messageries de presse de fixer « le schéma directeur » ainsi que « les règles d’organisation et les missions du réseau des dépositaires centraux de presse et des diffuseurs de presse », dont il est précisé qu’ils doivent répondre « à l’efficience économique et à l’efficacité commerciale ».

Aujourd’hui déjà, le conseil établit ces schémas et fixe des orientations au développement du réseau ; en application de l’article 9 de son règlement intérieur, il entérine notamment sur proposition des éditeurs un « schéma directeur du réseau de niveau 2 » – c'est-à-dire celui des dépositaires de presse, qui est passé de près de 3000 établissements dans les années 1980 à 150 aujourd’hui. Le même article du règlement intérieur fixe également les critères au regard desquels la commission du réseau statue sur les « propositions » des agents de la vente – c'est-à-dire sur leurs demandes d’agrément.

Le Sénat a adopté un amendement présenté par son rapporteur, qui charge explicitement le CSMP d’élaborer un schéma directeur global du réseau des dépositaires et des diffuseurs de presse « afin de conférer une plus grande visibilité à sa stratégie d’aménagement et d’évolution du réseau de distribution et de permettre aux différents acteurs de la distribution de mieux anticiper les restructurations du secteur ».

 Attributions du CSMP en matière de systèmes d’information

Le 5° du texte proposé pour l’article 18-6 de la loi « Bichet » charge le CSMP d’établir « un cahier des charges du système d’information au service de l’ensemble des messageries de presse et de leurs mandataires ».

Actuellement, avec son système « Presse 2000 », Presstalis dispose d’un quasi-monopole de fait sur les systèmes d’information supports des activités de distribution de la presse. Dans son rapport précité, M. Bruno Lasserre considère le la situation financière de la presse ne permet pas des « duplications inutiles des coûts de développement des moyens informatiques », mais que la situation actuelle appelle néanmoins deux mesures :

– selon lui, « il faut s’assurer que les éditeurs puissent disposer pour chacun de leurs titres, pour chaque parution, dans chaque point de vente, de leur historique de vente et fourniture, même s’ils changent de messagerie », ce qui permettra notamment de connaître avec précision la pertinence des règles d’assortiment et de plafonnement des titres ;

– il juge également souhaitable que le conseil supérieur « vérifie que la messagerie dominante n’est pas favorisée dans l’application des règles d’assortiment et de plafonnement qui seront programmées dans les systèmes d’information » et qu’elle n’aura pas les moyens d’abuser de l’accès privilégié aux données des autres acteurs du système de distribution.

Il recommande donc que le conseil supérieur soit chargé d’élaborer un « cahier des charges du tronc commun du système d’information », recommandation que suit la présente proposition de loi. À l’initiative de M. David Assouline, le Sénat a détaillé le contenu du cahier des charges sur deux points :

– il a précisé ce système devra garantir « à tout éditeur, quelle que soit sa messagerie, l’accès aux informations relatives à l’historique des ventes et des fournitures pour chacun de ses titres, au niveau de chaque point de vente », soulignant le caractère mutualisé de ce système d’information ;

– il a aussi précisé que le cahier des charges inclura « le schéma d’organisation des flux financiers » dans l’ensemble de la chaîne de distribution et les conditions de leur sécurisation. En effet, la rémunération des différents acteurs de la chaîne de distribution, ainsi que les tarifs des messageries, étant calculés ad valorem, les flux financiers dans le système de distribution reposent sur une comptabilité précise des titres vendus.

 Prérogatives du CSMP en matière d’agrément des agents de la vente

Le 6° de l’énumération des missions du CSMP prévoit que celui-ci « délègue, dans des conditions fixées par son règlement intérieur, à une commission spécialisée composée d’éditeurs le soin de décider, selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges, de l’implantation des points de vente de presse, des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de chalandise », c'est-à-dire d’agréer les agents de la vente.

Cette compétence est aujourd’hui exercée dans des conditions identiques par la commission du réseau instituée par l’article 9 du règlement intérieur du CSMP (cf. supra), composée de treize membres ayant tous la qualité d’éditeurs.

Cet article rappelle que la loi « Bichet » a « confié aux éditeurs la maîtrise de la distribution de leurs titres » et que « cette maîtrise s'exprime notamment dans l'organisation du réseau de distribution concourant au système collectif de vente des journaux et publications périodiques ». Ainsi, réserver aux seuls éditeurs la décision d’agréer ou non, à travers les coopératives, les dépositaires et les diffuseurs de leurs journaux et publications se justifie par l’orientation fondamentale de la loi « Bichet ». Selon l’article 9 précité, c’est d’ailleurs sur la proposition des éditeurs que le CSMP entérine actuellement les orientations relatives au développement de la « capillarité au niveau 3 » (diffuseurs) et le schéma directeur du réseau de niveau 2 (dépositaires). La jurisprudence communautaire a d’ailleurs remis en cause les décisions d’une institution belge de même nature que la commission du réseau au motif que sa composition associait des représentants des agents de la vente aux éditeurs (6).

Par ailleurs, le 7° du texte proposé pour l’article 18-6 charge le Conseil supérieur des messageries de presse de délivrer aux agents de la vente de presse « un certificat d’inscription » et d’assurer la gestion du fichier les recensant, comme il le fait déjà.

En outre, le 8° de la même énumération assigne au conseil supérieur une mission d’homologation des contrats-types des agents de la vente de presse, au regard des dispositions de la loi « Bichet » et des règles qu’il a lui-même édictées. On rappellera que le CSMP procède d’ores et déjà à une telle homologation, qui a constitué un de ses premiers moyens d’intervention dans la régulation du secteur.

 Missions du CSMP en matière de rémunération des agents de la vente

Le 9° de cette énumération charge le conseil supérieur de « fixer les conditions de rémunération des agents de la vente de presse, après consultation de leurs organisations professionnelles ».

Actuellement, la rémunération des agents de la vente est fixée par le décret n° 88-136 du 10 février 1988, pris en application de l’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987, essentiellement en pourcentage du prix des titres. Toutefois, la rémunération des diffuseurs de presse étant généralement considérée comme insuffisante, au point d’expliquer le manque d’attractivité de la profession, plusieurs dispositifs ont été mis en œuvre afin de soutenir leurs revenus. Ainsi, les éditeurs ont mis en place en 1994 et en 2006 deux plans d’augmentation de la rémunération des diffuseurs, ouvrant droit pour ces derniers à des compléments de rémunération moyennant plusieurs engagements tendant à l’amélioration de leurs pratiques professionnelles. L’application de ces mesures fait intervenir le CSMP, qui est chargé depuis 2005 d’émettre un avis sur les projets de convention ayant pour objet d’augmenter les commissions des diffuseurs.

En dépit de ces avancées, les États généraux ont jugé nécessaire d’augmenter encore « de manière significative (de trois à cinq points) la rémunération du niveau 3 ». Dans son rapport précité, M. Bruno Lasserre appelle à une refonte du système de rémunération des agents de la vente :

– s’agissant des diffuseurs de presse, il juge la rémunération ad valorem « acceptable » pour la presse d’information politique et générale, mais considère qu’en revanche, pour les titres thématiques, « il n’y a pas de raison économique de s’interdire une certaine modulation, par exemple selon la qualité de l’exposition sur les linéaires ou pour assurer une fondation équitable à l’assortiment ».

 Attributions du CSMP en matière de contrôle des comptes et des décisions des messageries

Le 10° de l’énumération des prérogatives du CSMP rappelle la compétence du conseil supérieur pour exercer un contrôle comptable sur les messageries, conformément au texte l’article 16 de la loi « Bichet ». Il précise que dans l’exercice de cette mission, le conseil supérieur « s’assure en particulier » que les coopératives et les entreprises commerciales qui distribuent des quotidiens d’information politique et générale « opèrent une distinction claire, le cas échéant dans le cadre d’une comptabilité par branche, entre la distribution de ces quotidiens et celle des autres publications ». Il organise enfin l’information du conseil supérieur sur ces opérations comptables, en faisant obligation aux sociétés concernées de lui transmettre « tous les documents utiles à cette fin […] sans délai après leur approbation par leur assemblée générale » et en lui donnant accès aux comptes prévisionnels de ces sociétés.

Ces dispositions reprennent une préconisation du rapport précité de M. Bruno Mettling sur le redressement de Presstalis. Comme le précise l’exposé des motifs de l’amendement de M. David Assouline adopté par le Sénat dont sont issues les dispositions concernant la distinction comptable entre les activités de distribution des quotidiens d’information politique et générale et les autres publications, cette distinction permettra de « tenir compte du fait que les aides publiques en faveur de la distribution des quotidiens sont versées aux entreprises éditrices et non aux messageries ».

Le 11° de l’énumération des attributions du CSMP rappelle le droit de veto dont dispose le conseil supérieur sur les décisions des messageries de presse susceptibles d’altérer leur caractère coopératif ou de compromettre leur équilibre financier. En application de l’article 21 de la loi « Bichet », ce droit est aujourd’hui exercé par le membre du CSMP ayant la qualité de commissaire du Gouvernement, après avis du conseil supérieur.

Dans une optique de responsabilisation de l’instance professionnelle qu’est ce conseil, la présente proposition de loi confère ce droit de veto au CSMP lui-même. Toutefois, le Sénat a adopté avec l’avis favorable de la Commission un amendement présenté par le Gouvernement tendant à préciser que le commissaire du Gouvernement placé auprès du conseil supérieur n’aura pas compétence liée en la matière, et qu’il pourra émettre un avis défavorable, lorsqu'il l'estimera fondé, sur l'exercice du droit d'opposition du CSMP. Comme le ministre l’a déclaré au Sénat, cette précision permettra au commissaire du Gouvernement de « jouer, dans des cas qui resteront très exceptionnels, son rôle d'ultime garant du respect des principes fondamentaux de la loi ».

Dans le texte initial de la proposition de loi, le 12° de l’énumération des missions du CSMP le chargeait de formuler « un avis sur l’évolution des tarifs des sociétés de messageries de presse ». Le rapporteur du Sénat a toutefois fait valoir qu’« il peut sembler incongru de laisser le soin à une instance de régulation professionnelle, au sein de laquelle seraient représentées les deux principales messageries en concurrence sur le marché français de la distribution (Presstalis et les MLP), de formuler un avis sur l’évolution de leurs tarifs, au risque que cet avis s’apparente plus à une forme d’entente ». Estimant que « cette compétence ne peut raisonnablement être exercée que par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, seule à même de formuler un avis offrant les garanties nécessaires de transparence, d’indépendance et d’impartialité », la Commission de la culture du Sénat a supprimé cet avis des compétences du CSMP.

 Rôle du CSMP en matière d’élaboration de normes et de bonnes pratiques professionnelles

Le 13° de l’énumération des attributions du conseil supérieur charge le CSMP de définir « les bonnes pratiques professionnelles de la distribution de la presse vendue au numéro », après consultation des acteurs de la distribution de la presse « et notamment des organisations professionnelles représentatives des agents de la vente de presse ». Le CSMP exerce déjà cette mission, pour laquelle il a constitué en son sein une commission des normes et des bonnes pratiques professionnelles, instituée à l’article 8 de son règlement intérieur par une délibération du 5 mai 2009. Cette commission comprend onze membres, choisis parmi « les éditeurs représentatifs du pluralisme de la presse » ainsi que des personnalités qualifiées, et « peut se faire assister de toute personne ou entendre toute personne qu’elle juge utile ».

Le dernier alinéa du texte proposé pour l’article 18-6 de la loi « Bichet » précise le champ d’application de certaines dispositions de cet article.

7. Consultations publiques (article 18-6 bis de la loi « Bichet »)

Le texte proposé pour l’article 18-6 bis charge le Conseil supérieur des messageries de presse d’organiser des consultations publiques lorsqu’il « envisage d’adopter des mesures ayant une incidence importante sur le marché de la distribution de la presse ». Il est précisé que ces consultations publiques pourront être organisées pendant une durée maximale d’un mois et que les observations recueillies devront être rendues publiques, sauf si elles sont couvertes par le secret des affaires.

Des procédures analogues sont prévues par les articles L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques pour certaines décisions de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), et par l’article 31 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour ce qui concerne le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Comme M. David Assouline l’a indiqué devant le Sénat, « concrètement, l’assemblée générale du CSMP déterminera les cas dans lesquels le recours à une consultation publique est justifié au regard de la loi. Dans l’hypothèse où il n’aurait pas été procédé à une telle consultation alors que l’importance de la mesure prise l’exigeait, il reviendra à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, au cours de son examen des décisions du CSMP, de demander à ce dernier une nouvelle délibération, assortie de la mise en œuvre d’une consultation publique. Le cas sera probablement très rare ». Au Sénat, le Gouvernement avait présenté un amendement de suppression de cette procédure de consultation publique, au motif qu’elle risquerait d’accaparer un CSMP « composé de professionnels qui ne peuvent se réunir trop fréquemment », avant de retirer cet amendement, sur l’avis du rapporteur.

8. Passerelles entre les autorités de régulation sectorielle et l’Autorité de la concurrence (article 18-7 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-7 précise l’articulation entre le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse d’une part, et l’Autorité de la concurrence d’autre part. Il prévoit :

– que les présidents du conseil supérieur et de l’autorité de régulation saisissent l’Autorité de la concurrence des faits dont ils ont connaissance susceptibles de contrevenir au droit de la concurrence, ainsi que « de toute autre question relevant de sa compétence » ;

– que l’Autorité de la concurrence, d’une part, doit communiquer pour avis à l’ARDP toute saisine entrant dans son champ de compétence et, d’autre part, a la faculté de saisir le CSMP pour avis « de toute question relative au secteur de la distribution de la presse ».

Ces passerelles se justifient par le fait que la frontière entre le domaine de la régulation sectorielle de la distribution de la presse et le champ d’activité de l’Autorité de la concurrence présente certaines porosités. D’ailleurs, comme le montre M. Bruno Lasserre dans son rapport précité, l’Autorité de la concurrence qu’il préside a été fréquemment saisie de litiges entre les acteurs de la distribution de la presse qui ne relevaient qu’en partie du droit de la concurrence, et a rendu une quinzaine de décisions en la matière. Selon lui, « l’expérience montre que les échanges réguliers entre autorité sectorielle et autorité de droit commun de la concurrence sont bénéfiques pour l’une comme pour l’autre ».

On notera une asymétrie dans les règles de saisine et d’information réciproque entre régulation sectorielle et droit de la concurrence qu’il est proposé d’instituer. En effet, si les présidents du CSMP et de l’ARDP ont tous deux la même obligation d’alerte envers l’Autorité de la concurrence, en revanche, il est prévu que cette Autorité ne communique qu’à l’ARDP – et non au CSMP – les saisines ayant trait à la distribution de la presse.

Cette mesure, introduite par la Commission de la culture du Sénat, est motivée par la nécessité de garantir le principe d’impartialité dans le traitement des saisines contentieuses de l’Autorité de la concurrence, principe qui ressort tant d’une jurisprudence constante du Conseil d’État que du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme. En effet, l’impartialité du traitement des litiges serait mise à mal par le fait que le CSMP est une instance professionnelle composée de représentants des acteurs de la distribution de la presse, potentiellement concernés par les litiges.

9. Saisine du procureur de la République en cas d’infraction à la loi (article 18-8 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte prévu pour l’article 18-8 charge le président du CSMP et celui de l’ARDP de saisir le procureur de la République « de toute infraction aux dispositions de la présente loi dont ils ont connaissance ». Cette mesure est cohérente avec la rédaction prévue pour l’article 18-5, qui donne compétence à ces deux présidents pour agir en justice.

10. Rapport annuel et avis du CSMP (article 18-9 de la loi « Bichet »)

Le texte proposé pour l’article 18-9 comporte deux principales mesures qui contribueront à renforcer le Conseil supérieur des messageries de presse dans son rôle d’interlocuteur de référence pour les pouvoirs publics.

D’une part, il charge le CSMP d’établir un rapport annuel, adressé au Gouvernement et au Parlement, qui a trois objets :

– rendre compte de l’activité du conseil supérieur ;

– rendre compte de l’application de la loi « Bichet » ;

– et, le cas échéant, proposer des modifications de nature législative ou réglementaire.

D’autre part, il prévoit la possibilité pour le Gouvernement ou le Parlement de saisir le CSMP de demandes « d’avis ou d’études » sur les activités relevant de sa compétence.

11. Procédure de règlement des différends (articles 18-10 et 18-11 de la loi du 2 avril 1947)

Conformément aux recommandations du livre vert des États généraux et du rapport précité de M. Bruno Lasserre, le présent article tend à confier aux organes chargés de la régulation du secteur de la distribution de la presse – le conseil supérieur et l’autorité de régulation – une mission de règlement des différends survenant entre les acteurs de ce secteur. Cette mesure vise principalement à limiter le nombre de contentieux impliquant des acteurs du système de distribution de la presse devant les tribunaux ou devant l’Autorité de la concurrence (cf. supra).

À cette fin, le texte proposé pour les articles 18-10 et 18-11 organise une procédure de règlement des différends qui s’organise en deux phases :

– une phase de conciliation devant le Conseil supérieur des messageries de presse, préalable obligatoire à toute action contentieuse ;

– en cas d’échec de cette conciliation, une phase de règlement du litige par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

a) Une procédure de conciliation précontentieuse obligatoire devant le conseil supérieur (article 18-10 de la loi « Bichet »)

Le texte proposé pour l’article 18-10 tend à instaurer une « procédure de conciliation » obligatoire devant le CSMP « avant tout recours contentieux ». Il donne une définition large du champ d’application de cette procédure : « tout différend relatif au fonctionnement des sociétés coopératives et commerciales de messageries de presse, à l’organisation et au fonctionnement du réseau de distribution de la presse et à l’exécution des contrats des agents de la vente de presse ». Cette procédure concerna ainsi l’ensemble des différends naissant à tous les niveaux de la chaîne de distribution de la presse.

Le texte renvoie au règlement intérieur du conseil supérieur le soin de préciser les modalités de cette procédure. Une décision de l’assemblée générale du CSMP a déjà institué une procédure de conciliation, menée « préalablement à tout contentieux » par une commission de conciliation en application de l’article 7 du règlement intérieur du conseil supérieur (cf. supra). Toutefois, le CSMP n’ayant pas de pouvoir réglementaire, cette procédure n’est établie aujourd’hui que sur une base conventionnelle, qui n’a pas de portée contraignante pour les messageries et les autres acteurs du système de distribution. En donnant force légale à cette procédure, le présent article permet de généraliser cette procédure précontentieuse.

Le second alinéa du texte proposé pour l’article 18-10 prévoit la possibilité pour les parties au litige de demander la « reconnaissance de l’accord » de conciliation par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse. Une telle reconnaissance confère à l’accord une force exécutoire, ce qui garantie à chaque partie qu’il ne sera pas dénoncé par une partie opposée. Il est précisé qu’elle peut être demandée même en cas de conciliation partielle.

b) Une procédure d’arbitrage par l’Autorité de régulation (article 18-11 de la loi du 2 avril 1947)

Le I de l’article 18-11 prévoit que « si la procédure de conciliation n’a pas abouti à un règlement amiable dans un délai de deux mois », le différend peut être soumis :

– soit à la juridiction compétente ;

– soit à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

Cette disposition revient à fixer à deux mois la durée maximale de la phase de conciliation obligatoire devant le CSMP, ce délai permettant de concilier l’exigence d’un traitement rapide des litiges et la nécessité pour la commission de conciliation de disposer du temps nécessaire à une véritable conciliation, qui ne soit pas une étape purement formelle du règlement des différends. En l’absence de règlement amiable dans ce délai de deux mois, la conciliation sera donc considérée comme ayant échoué.

Dans ce cas, l’ARDP pourra être saisie du différend :

– soit par les parties, après deux mois de tentative de conciliation ;

– soit par le président du CSMP, à l’échéance d’un délai d’un mois suivant l’échec de la conciliation, si les parties n’ont pas saisi elles-mêmes l’ARDP.

Le texte précise les délais impartis à cette autorité pour se prononcer, à savoir deux mois, ou quatre mois « si elle le juge utile ». Il précise également les critères au regard desquels l’autorité se prononcera : il s’agit « des règles et des principes » de la loi « Bichet » ainsi que des décisions du CSMP qu’elle aura rendues exécutoires (cf. infra). Le texte précise aussi le caractère contradictoire de cette procédure d’arbitrage, indiquant que les parties seront mises à même de « présenter leurs observations ». Il prévoit aussi la possibilité pour l’ARDP de « diligenter, si nécessaire, une enquête » ou d’entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile « dans le respect des secrets protégés par la loi ».

La décision rendue par l’autorité s’imposera aux parties. Le texte prévoit en outre qu’elle devra être motivée, et préciser les conditions de règlement du différend. Elle devra également être notifiée aux parties et, sous réserve des secrets protégés par la loi, rendue publique. En cas de méconnaissance de ses décisions, le président de l’ARDP pourra saisir le juge compétent pour l’objet du différend, qui statuera en référé « immédiatement exécutoire ».

Le II de l’article 18-11 précise quant à lui plusieurs aspects de la procédure d’arbitrage par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse :

– si le différend naît de pratiques anticoncurrentielles, l’ARDP doit saisir l’Autorité de la concurrence. Les délais enserrant la procédure devant elle sont alors suspendus jusqu’à ce que l’Autorité de la concurrence se prononce pour ce qui la concerne ou se déclare compétente pour l’ensemble du litige, l’ARDP étant alors dessaisie ;

– les décisions de l’ARDP peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation devant la Cour d’appel de Paris dans un délai d’un mois à compter de leur notification, le recours n’étant pas suspensif sauf ordonnance expresse du juge ;

– le pourvoi en cassation contre les arrêts de cette Cour d’appel doit être formé dans un délai d’un mois suivant la notification de ces arrêts.

12. Procédure permettant à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse de rendre exécutoire les décisions du Conseil supérieur des messageries de presse (article 18-12 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-12 fixe la procédure suivant laquelle l’autorité de régulation, autorité publique indépendante, pourra rendre exécutoires certaines décisions du conseil supérieur, instance professionnelle.

Cette procédure permet de conserver au CSMP un rôle éminent dans la régulation du secteur de la distribution de la presse – conformément à la tradition d’autorégulation à laquelle les acteurs de ce secteur sont attachés –, tout en rendant plus efficaces les instruments de cette régulation, c'est-à-dire en conférant aux normes et aux décisions issues des travaux de ce conseil un caractère exécutoire, ce qui relève nécessairement d’autorité publique.

Elle constitue ainsi un élément essentiel de la nouvelle gouvernance du système coopératif de distribution de la presse élaborée par la présente proposition de loi (cf. supra, le commentaire de l’article 2).

 Le conseil supérieur transmettra obligatoirement ses décisions de portée générale à l’autorité de régulation

Le premier alinéa du texte proposé pour l’article 18-12 fait obligation au Conseil supérieur des messageries de presse de transmettre au président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, avec un « rapport de présentation », deux catégories de « décisions de portée générale » :

– celles qu’il prend « dans le cadre de sa mission générale visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau », ce qui fait référence à la mission générale du CSMP définie par l’article 2 de la présente proposition de loi et recouvre donc la plus grande part de l’activité du conseil supérieur ;

– et celles qu’il prend « en application des 1° à 5°, 8°, 9° et 13° de l’article 18-6 », qui concernent les conditions générales d’organisation de la distribution de la presse (règles d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités, encadrement des modes de distribution non coopératifs, schéma directeur et organisation du réseau des dépositaires et des diffuseurs, système d’information), l’homologation des contrats-types des agents de la vente, la fixation de leur rémunération et le contrôle comptable des messageries.

Le texte initial de la proposition de loi laissait au conseil supérieur le choix des décisions qu’il aurait transmis ou non à l’autorité de régulation, selon qu’il aurait souhaité leur voir conférer ou non un caractère contraignant. Dans son rapport, M. David Assouline considère toutefois que « dans ces circonstances, la validation par l’autorité indépendante apparaît plus comme une arme à la disposition du CSMP contre des acteurs récalcitrants qu’un contrôle effectif de ses pouvoirs de régulation », et la Commission de la culture du Sénat a rendu obligatoire la transmission à l’ARDP de toutes les décisions à portée générale prises par le CSMP. Ce rééquilibrage des pouvoirs entre l’instance professionnelle et l’autorité administrative indépendante n’en garantira que mieux le caractère impartial de la régulation du secteur.

 L’autorité de régulation pourra rendre exécutoires les décisions du conseil supérieur, le cas échéant par une décision implicite

Les deuxième à quatrième alinéas du texte proposé pour l’article 18-12 précisent la procédure suivant laquelle l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peut conférer un caractère exécutoire aux décisions à portée générale prises par le Conseil supérieur des messageries de presse.

Il est prévu que « ces décisions deviennent exécutoires à défaut d’opposition formulée par l’autorité dans un délai de six semaines ». Ainsi, l’octroi d’une force exécutoire à une décision du CSMP peut être implicite, ce qui évite tout blocage en cas de silence de l’ARDP et offre ainsi une certaine souplesse à la procédure. De plus, il est précisé que tout refus formulé par l’ARDP doit être motivé.

Ces règles visent notamment à ce que la procédure de validation des actes du CSMP ne freine pas excessivement pas son activité de régulation sectorielle. Par leur souplesse, elles visent à concilier les exigences constitutionnelles encadrant la délégation par l’État d’une partie de son pouvoir réglementaire avec les réticences de l’ensemble des acteurs du secteur à voir le CSMP placé sous une forme de « tutelle » de l’ARDP.

Le texte prévoit aussi qu’en cas de refus opposé par l’ARDP, le président du CSMP a la possibilité de « présenter ses observations » dans un délai de quinze jours, et que dans les quinze jours suivant leur réception, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peut soit rendre exécutoires les décisions, soit « demander au Conseil supérieur des messageries de presse une nouvelle délibération », en lui adressant, le cas échéant, « des recommandations ». En outre, le texte permet à l’Autorité de régulation de ne rendre exécutoires que certaines dispositions d’une décision du CSMP, sur proposition du président de ce conseil. Ces dispositions permettent un dialogue constructif entre les deux instances impliquées dans la régulation du secteur.

Dans le cadre de ce dialogue, les pouvoirs conférés à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse – qui aura la faculté de refuser de donner force exécutoire à tout ou partie d’une décision du CSMP, de demander au conseil supérieur une nouvelle délibération et de lui adresser des recommandations en vue de l’amener à modifier la décision transmise – pourraient être assimilés à un pouvoir de réformation des décisions du CSMP.

 Les recours contre les actes du conseil supérieur relèvent de la compétence de l’ordre judiciaire

Les deux derniers alinéas du texte proposé pour l’article 18-12 fixent les règles de recours contentieux contre les décisions du CSMP. Comme l’indique le rapport précité de M. David Assouline, « dans un souci de bonne administration de la justice », la Commission de la culture du Sénat a jugé bon d’unifier l’ensemble du contentieux des actes relatifs à l’organisation et au fonctionnement du système collectif de distribution de la presse, en le confiant à l’ordre judiciaire.

Ainsi, cet article établit la compétence de la cour d’appel de Paris pour l’examen des recours formés contre les décisions du CSMP que l’ARDP aura rendues exécutoires. En parallèle, il confie aux tribunaux de grande instance ou de commerce, en fonction de leur objet, le contrôle des décisions à caractère individuel prises par le CSMP.

13. Saisine de la justice en cas de manquement à une décision du conseil supérieur (article 18-13 de la loi « Bichet »)

La rédaction proposée pour l’article 18-13 prévoit qu’en cas de manquement à une décision du Conseil supérieur des messageries de presse, son président ou celui de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peut saisir le premier président de la cour d’appel de Paris « afin qu’il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ses obligations, de mettre fin aux manquements et d’en supprimer les effets ». Le juge statue alors en référé, et peut prendre toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte.

Cette procédure concernera les manquements aux décisions « visées à l’article 18-12 », qui mentionne non seulement les « décisions de portée générale rendues exécutoires par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse », mais aussi « les décisions à caractère individuel prises par le Conseil supérieur des messageries de presse ».

14. Avis de l’autorité de régulation sur le contrôle comptable exercé par le conseil supérieur (article 18-14 de la loi du 2 avril 1947)

Le texte proposé pour l’article 18-14 charge l’Autorité de régulation de la distribution de la presse de rendre un avis annuel sur l’exécution par le Conseil supérieur des messageries de presse de ses missions de contrôle comptable et de contrôle du caractère coopératif des messageries qu’il tient de l’article 16 de la loi « Bichet » ainsi que des 10° et 11° du texte proposé pour l’article 18-6 (cf. supra).

À cette fin, il est précisé que l’autorité peut demander au conseil et aux messageries de lui adresser « sans délai tous les documents utiles à cette fin », et de procéder à toute audition utile.

Cette disposition a été introduite dans la présente proposition de loi par la commission de la culture du Sénat, en vue de « garantir un contrôle comptable propre à préserver les équilibres économiques, la solidarité coopérative et la transparence des coûts au sein des messageries de presse ».

15. Avis de l’autorité de régulation sur l’évolution des barèmes des messageries (article 18-15 de la loi « Bichet »)

La rédaction proposée pour l’article 18-15 charge l’Autorité de régulation de la distribution de la presse de rendre un avis annuel sur « l’évolution des conditions tarifaires des sociétés coopératives de messageries de presse ». Il est précisé que cet avis est rendu après consultation du Conseil supérieur des messageries de presse, ainsi que de toute autre personne dont l’autorité aura jugé l’audition utile.

Selon le rapport de M. David Assouline, cette mesure, introduite dans le texte par la commission de la culture du Sénat, vise à « favoriser l’évolution des barèmes des messageries de presse vers une tarification prenant davantage en compte les réalités économiques, dans le respect du principe de mutualisation des coûts de distribution ».

Dans son rapport précité, M. Bruno Lasserre recommande en effet que l’instance chargée de la régulation de la distribution de la presse soit chargée de « rendre des avis sur l’évolution des conditions tarifaires du niveau 1 ». Il constate en effet qu’en dépit d’efforts conséquents, les barèmes actuels ne reflètent pas les coûts. Ce décalage s’explique selon lui par le mode actuel d’approbation des barèmes, qui dépend de l’accord d’une majorité d’éditeurs et, de ce fait, « laisse trop le champ aux coalitions d’intérêt ».

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 7 de Mme Marie-George Buffet, visant à supprimer l’article.

Mme Marie-Hélène Amiable. On veut nous faire adopter ce texte dans la précipitation mais cela ne nous empêche pas de voir que cet article porte atteinte au système coopératif et solidaire ; c’est pourquoi nous demandons sa suppression.

M. le rapporteur. Vous nous proposez une fois encore de supprimer une disposition qui est au cœur de cette réforme et de la vider de son sens ; je ne puis donc qu’être hostile à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AC 1 de M. Marcel Rogemont et AC 8 de Mme Marie-George Buffet.

M. Marcel Rogemont. Le canif entre les dents, la majorité est prête à s’attaquer aux fondations de la loi « Bichet », en l’occurrence au dispositif coopératif, que l’on pourrait pourtant considérer comme une autre colonne du temple…

Autant il paraît utile de rendre exécutoires les recommandations du CSMP, autant j’ai du mal à comprendre l’intérêt de la disposition qui nous est proposée à l’alinéa 26 puisque rien n’empêche la presse quotidienne régionale (PQR) de distribuer la presse quotidienne nationale (PQN), ce qu’elle fait déjà.

Certes, le système coopératif présente des inconvénients. Ainsi, il suffit qu’un magazine soit proposé à un tarif très faible pour qu’il soit distribué partout aux frais des autres. C’est aussi probablement en raison de la loi « Bichet » qu’Hachette est aujourd’hui leader dans ce secteur. Mais il ne faudrait pas que cela nous fasse oublier les très grands avantages de ce dispositif.

Voilà un domaine dans lequel il aurait été utile que nous conduisions des réflexions plus approfondies.

Mme Marie-Hélène Amiable. Nous proposons également de supprimer cet alinéa qui permet aux éditeurs de presse de contourner le système coopératif en s’adressant directement à des entreprises privées. Ces dernières n’accepteront bien évidemment d’exercer que des activités rentables et laisseront toutes les autres à la charge du dispositif coopératif, au risque que la situation financière des coopératives, déjà précaire, s’en trouve encore fragilisée.

M. le rapporteur. Ce système dérogatoire existe déjà mais il n’est pas encadré. C’est ce qu’il nous est proposé de faire. Afin de préserver l’esprit coopératif, sur proposition du sénateur socialiste et rapporteur au Sénat, David Assouline, il a été ajouté à cet alinéa que le CSMP – c’est-à-dire les professionnels eux-mêmes – définit les conditions d’une distribution non exclusive par les messageries de presse « dans le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives des messageries de presse ». Cet amendement a été adopté avec le soutien du groupe UMP et du Gouvernement et la deuxième colonne du temple a ainsi été érigée. Il garantit la protection que nous appelons, vous et moi, de nos vœux afin de préserver le système coopératif mis en exergue par l’article premier de la loi « Bichet », auquel il n’est en rien porté atteinte. Il n’y aura donc pas des sociétés qui d’un côté distribueront leurs titres les plus rentables par des réseaux commerciaux et qui de l’autre mettront leurs titres les moins rentables à la charge des sociétés coopératives, qui se trouveraient ainsi dans une situation économique difficile.

Les efforts doivent par ailleurs être partagés et je rejoins Michel Françaix et Michel Herbillon sur le fait que, dès lors que l’État aide le portage, on est en droit d’exiger, pour parvenir à une meilleure distribution de la presse, une mutualisation de la presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne nationale, d’autant que l’on compte, je le rappelle, 30 000 points de presse pour la seconde et 60 000 pour la première.

Enfin, aux termes de la proposition, toute initiative nouvelle devra d’abord être soumise à l’avis du CSMP. Un diffuseur ou un éditeur de presse ne pourra donc aller négocier lui-même, en s’affranchissant des contrats de groupage et des règlements intérieurs des messageries. On est donc bien dans le cadre d’un contrôle des professionnels par les professionnels.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements

M. Marcel Rogemont. Contrairement à ce que vous venez de dire, le CSMP ne se saisira pas systématiquement des initiatives que chacun pourra prendre à l’intérieur du cadre général de la diffusion par les messageries de presse qui est défini à cet alinéa.

Par ailleurs, je me réjouis que l’amendement de notre collègue socialiste du Sénat ait permis de passer du sabre au canif, mais il n’en demeure pas moins que ce texte porte atteinte au système coopératif.

M. Michel Herbillon. Comme Patrick Bloche, j’aurais aimé que nous ne soyons pas obligés de travailler de façon un peu précipitée. Cela étant, je m’étonne que Marcel Rogemont défende des amendements qui remettent en cause les fondements mêmes d’un texte dont il n’est peut-être pas inutile de rappeler que le groupe socialiste du Sénat l’a voté… Faudra-t-il, pour faire aboutir cette proposition, créer une autorité de régulation entre les différents courants du parti socialiste ?

M. Marcel Rogemont. Cet alinéa ne constitue pas le fondement, avec lequel nous sommes d’accord, d’un texte qui vise à faire en sorte que la profession, mieux organisée, assume des décisions collectives.

Les nouvelles dispositions de notre Règlement empêchent de plus en plus l’opposition de s’exprimer dans l’hémicycle et voilà qu’on nous dénie également le droit de nous exprimer en commission, au motif que nous freinerions l’adoption de ce texte. Je ne vois pas non plus pourquoi il nous serait interdit de débattre au motif que nos collègues sénateur socialistes ont voté le texte.

Nous ne sommes pas dans une chambre d’enregistrement et je demande que le débat puisse se tenir !

Mme la présidente Michèle Tabarot. Le débat se tient : vous et vos collègues avez la possibilité de vous exprimer librement devant notre Commission, comme vous l’avez eue lors de la table ronde que nous avons organisée la semaine dernière…

M. le rapporteur. Peut-être notre collègue Marcel Rogemont, qui s’est beaucoup impliqué dans la préparation de ce débat et qui m’a accompagné lors de la quasi-totalité des auditions, sera-t-il totalement rassuré par le fait que, en application de l’amendement adopté au Sénat à l’initiative de David Assouline, si un éditeur n’est pas content de la stratégie adoptée par un autre, il pourra désormais saisir la commission du CSMP compétente en matière de différends. On a de la sorte une garantie supplémentaire que les principes de solidarité coopérative seront respectés.

La Commission rejette les amendements identiques AC 1 et AC 8.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC 2 de M. Marcel Rogemont.

M. Pascal Deguilhem. Par cet amendement de repli, nous proposons que le CSMP soit appelé à traiter chaque cas de dérogation, c’est-à-dire de distribution non exclusive ou de distribution directe. Cela ne me semble guère éloigné de ce que vous venez de prôner, monsieur le rapporteur…

M. le Rapporteur. Vous proposez de statuer au cas par cas, ce qui me semble toujours pouvoir être source d’arbitraire. Pour ma part, je préfère que l’on définisse un cadre général, en ouvrant la possibilité de saisir la commission des différends.

Je rappelle en outre que l’on compte dans notre pays 30 000 diffuseurs de presse, 150 dépositaires, deux messageries coopératives : je ne voudrais pas que le CSMP, qui a principalement vocation à développer le secteur et à tracer des orientations générales, consacre la majeure partie de son temps à examiner, cas par cas, les dérogations.

Pour ces raisons, je considère qu’il faut s’en tenir à la rédaction de l’alinéa 26 telle que le Sénat l’a amendée.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC 3 de M. Marcel Rogemont.

Mme Martine Martinel. J’indique à notre collègue Michel Herbillon, au cas où il souhaiterait adhérer au parti socialiste, qu’il n’y a plus de courant au sein de ce dernier…

Parce que nous y voyons une limitation de la souveraineté des sociétés coopératives de messageries de presse, nous proposons de supprimer l’alinéa 67 de l’article 4, qui prévoit que le CSMP formule un avis sur l’évolution de leurs conditions tarifaires.

M. le Rapporteur. En faisant en sorte que l’autorité de régulation donne son avis, le texte offre des garanties afin d’éviter toute possibilité d’entente entre les deux grandes messageries. Cet amendement me semble donc inutile. Il risque en outre de nuire à l’équilibre général de la proposition. Cette dernière mentionne en effet non pas l’établissement mais l’évolution des tarifs et ne prévoit qu’un avis, qui apparaît néanmoins comme protecteur.

Mme Martine Martinel. Mais comment s’assurer que les coopératives ne seront pas cantonnées à la distribution des titres les moins rentables ?

M. le rapporteur. C’est le rôle de l’alinéa 26 dont nous venons de débattre.

M. Marcel Rogemont. Le système actuel ne fonctionne pas si mal que cela : je n’ai pas connaissance d’interrogation des professionnels sur ces questions tarifaires et le CSMP fait son travail. Pourquoi vouloir le mettre sous la tutelle de l’ARDP ?

M. Patrick Bloche. C’est un sujet très complexe sur lequel nous nous apprêtons à mal légiférer. Avec cette proposition, on va incontestablement limiter la souveraineté des sociétés coopératives, donc remettre une nouvelle fois en cause la loi « Bichet ».

Monsieur le rapporteur, l’adoption de cet amendement ne remettrait nullement en cause l’équilibre général de ce texte. En vous y opposant, vous confirmez que notre assemblée aura regardé passer le train de cette proposition, en laissant aux seuls sénateurs le soin de légiférer dans ce domaine.

M. le rapporteur. Ce n’est pas parce que l’autorité de régulation émettra un simple avis que la souveraineté du CSMP s’en trouvera limitée !

M. Patrick Bloche. Au-delà de l’avis, elle pourra procéder à des auditions : il s’agit donc bien d’un pouvoir de régulation.

M. le rapporteur. Pour l’instant, le CSMP fixe ses propres tarifs. C’est sur ces tarifs que l’ARDP donnera un avis, qui protégera contre d’éventuelles ententes illicites. Nous légiférons donc pour l’avenir, dans un secteur en pleine évolution. Recueillir cet avis me paraît raisonnable et même prudent.

M. Marcel Rogemont. L’autorité de régulation nous est présentée comme étant destinée à rendre exécutoires les recommandations du conseil supérieur. Pourquoi donner à l’ARDP la capacité de rendre un avis après que le CSMP aura rendu le sien ?

M. le rapporteur. C’est le monde à l’envers ! Cet alinéa ne figurait pas dans la proposition initiale du président Jacques Legendre : il y a été ajouté à l’initiative du rapporteur socialiste, David Assouline. En fait, monsieur Bloche, en rejetant les amendements du groupe socialiste à l’Assemblée, nous protégeons le travail que le groupe socialiste du Sénat a accompli afin de répondre à la demande des professionnels d’être protégés contre les dérives et les ententes illicites. Pourquoi revenir sur cette disposition sage et protectrice, votée par la majorité après qu’elle a reçu le soutien du ministre de la culture ?

M. Patrick Bloche. Lors d’un récent débat sur une autre proposition de loi émanant du Sénat, sur le prix unique du livre numérique, nous avons constaté un complet désaccord entre les sénateurs et les députés de la majorité. On voit là que les avis peuvent diverger d’une chambre à l’autre, surtout sur des points de détail.

Dès lors que nous avions approuvé l’équilibre général du texte, nous pensions que le rapporteur aurait pu faire un geste d’ouverture envers nous, en particulier sur cet aspect du texte. Nous sommes déçus !

M. le rapporteur. Je veux bien faire un geste d’ouverture, mais pas en revenant sur des dispositions de bon sens, comme celles qui ont été adoptées, à l’initiative du rapporteur du Sénat, aux alinéas 26 et 67. J’en vois d’autant moins l’intérêt que la distribution de la presse et la vente au numéro connaissent une situation de crise !

M. Michel Françaix. Il s’agit de dispositions complexes et techniques et il n’en est que plus regrettable de nous priver de la possibilité de faire évoluer ce texte à l’occasion de la navette. Serait-il vraiment préjudiciable, au lieu de le faire passer aux forceps, que nous nous donnions le temps de la réflexion jusqu’à la rentrée ?

M. le rapporteur. Vous avez vous-même déploré que l’on n’ait encore rien fait, deux ans après la tenue des États généraux. Or, ce texte répond à une demande presque unanime des États généraux et il a été largement mûri par toute la profession. Pourquoi en retarder l’adoption ?

La Commission rejette l’amendement AC 3.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Article 5

Abrogation du titre III de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947

Cet article a pour objet de supprimer les dispositions de la loi « Bichet » qui ont pour principal objet de régler le sort des biens des messageries Hachette, réquisitionnés à la Libération.

À l’article 21 de la loi, ce titre comprend aussi une disposition qui investit le Conseil supérieur des messageries de presse d’un droit de veto sur certaines décisions des messageries. Cette disposition étant reprise à l’article 4 de la présente proposition de loi, elle n’a pas lieu d’être conservée.

*

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6

Abrogation de l’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987

Cet article tend à abroger l’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social, qui renvoie à un décret le soin de fixer les règles de rémunération des agents de la vente, à compter de la date à laquelle le Conseil supérieur des messageries de presse aura fixé ces règles – comme l’article 4 de la présente proposition de loi le prévoit (9° du texte proposé pour l’article 18-6 de la loi « Bichet ») – et au plus tard six mois après la publication de la loi.

*

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7

Gage financier

Le texte initial de cette proposition de loi comprenait un gage financier, que le Gouvernement a pris l’initiative de lever lors de l’examen du texte par le Sénat en séance publique.

*

La Commission maintient la suppression de l’article 7.

Elle adopte enfin l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

M. Marcel Rogemont. Il y a deux ans que nous attendons des décisions. Était-il dès lors indispensable de se précipiter pour gagner quelques semaines ?

L’enjeu de cette proposition de loi est de rendre notre système de distribution de la presse plus efficace, ce à quoi nous sommes favorables. Mais pourquoi y avoir ajouté des dispositions secondaires ? C’est ce qui a motivé l’abstention des commissaires du groupe SRC.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la commission

___

 

Proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse

Proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse

Loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques

Article 1er

Article 1er

Titre II

Conseil supérieur des messageries de presse.

L’intitulé du titre II de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi rédigé : « Conseil supérieur des messageries de presse et Autorité de régulation de la distribution de la presse ».

Sans modification

 

Article 2

Article 2

 

L’article 17 de la même loi est ainsi rédigé :

Sans modification

Art. 17. – Il est créé un conseil supérieur des messageries de presse dont le rôle est de coordonner l'emploi des moyens de transports à longue distance utilisés par les sociétés coopératives de messageries de presse, de faciliter l'application de la présente loi et d'assurer le contrôle comptable par l'intermédiaire de son secrétariat permanent.

« Art. 17. – Le Conseil supérieur des messageries de presse, personne morale de droit privé, assure le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau.

 
 

« L’Autorité de régulation de la distribution de la presse arbitre les différends mentionnés à l’article 18-10 et rend exécutoires les décisions de portée générale prises par le Conseil supérieur des messageries de presse.

 
 

« Le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse veillent, dans leur champ de compétences, au respect de la concurrence et des principes de liberté et d’impartialité de la distribution. Ils sont garants du respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse. »

 
 

Article 3

Article 3

 

L’article 18 de la même loi est ainsi rédigé :

Sans modification

Art. 18. – Le conseil supérieur des messageries de presse est composé comme suit :

« Art. 18. – Le Conseil supérieur des messageries de presse comprend vingt membres, nommés par arrêté du ministre chargé de la communication :

 

Un représentant du ministre chargé du commerce ;

Un représentant du ministre des affaires étrangères ;

Un représentant du Premier ministre ;

Un représentant du ministre des transports ;

Un représentant du ministre chargé des postes, télégraphes et téléphones ;

Un représentant du ministre chargé de l'information ;

« 1° Neuf représentants des éditeurs de journaux et publications périodiques sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives ;

 

Trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, par une assemblée générale des sociétés coopératives de messageries de presse ;

« 2° Trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse sur proposition des assemblées générales des sociétés coopératives de messageries de presse ;

 

Neuf représentants des organisations professionnelles de presse les plus représentatives ;

« 3° Deux représentants des entreprises commerciales et des messageries de presse concourant aux opérations matérielles de distribution de la presse sur proposition des assemblées générales de ces entreprises ou messageries ;

 

Deux représentants des dépositaires de journaux et publications périodiques désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives, ou à défaut, par une assemblée générale des dépositaires ;

« 4° Deux représentants des dépositaires de journaux ou publications périodiques sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, d’une assemblée générale des dépositaires ;

 

Un représentant des entreprises commerciales concourant à la distribution de la presse ;

« 5° Deux représentants des diffuseurs de presse sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives ou, à défaut, d’une assemblée générale des diffuseurs ;

 

Trois représentants du personnel occupé dans les entreprises de messageries de presse désignés par les organisations syndicales les plus représentatives ;

« 6° Deux représentants du personnel occupé dans les entreprises de messageries de presse sur proposition des organisations syndicales les plus représentatives.

 

Le président de la Société nationale des chemins de fer français ou son représentant ;

Le président de la compagnie Air France ;

Le président de l'organisation professionnelle la plus représentative des transporteurs par route.

« Les membres du Conseil supérieur des messageries de presse sont nommés pour quatre ans et leur mandat est renouvelable.

 

Le président du conseil supérieur des messageries de presse est élu pour un an par les membres du conseil ; il est rééligible.

« Le président du Conseil supérieur des messageries de presse est élu par l’ensemble de ses membres, parmi les membres ayant la qualité d’éditeur de presse. Son mandat est de quatre ans et il est renouvelable. En cas d’empêchement du président, le doyen d’âge des représentants des éditeurs préside le conseil.

 

Il nomme les membres du secrétariat permanent.

« À l’expiration de leur mandat, les membres restent en fonction jusqu’à la première réunion du conseil dans sa nouvelle composition.

 

Les frais afférents au fonctionnement du conseil et du secrétariat sont à la charge des sociétés coopératives de messageries de presse régies par la présente loi.

« Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre du conseil qui perd la qualité en raison de laquelle il a été nommé.

 
 

« En cas de vacance d’un siège d’un membre du conseil pour quelque cause que ce soit, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir.

 
 

« Pour l’exercice de ses attributions, le Conseil supérieur des messageries de presse peut constituer des commissions spécialisées en s’appuyant, le cas échéant, sur le concours d’experts.

 
 

« Les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement de ces commissions spécialisées sont fixées par le règlement intérieur du Conseil supérieur des messageries de presse. »

 
 

Article 4

Article 4

Titre II

Conseil supérieur

des messageries de presse

Le titre II de la même loi est complété par des articles 18-1 à 18-15 ainsi rédigés :

Sans modification

 

« Art. 18-1– L’Autorité de régulation de la distribution de la presse exerce les missions définies aux articles 18-10, 18-11, 18-12, 18-13, 18-14 et 18-15. Elle comprend trois membres, nommés par arrêté du ministre chargé de la communication :

 
 

« 1° Un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

 
 

2° Un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

 
 

« 3° Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

 
 

« Le président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse est élu en son sein.

 
 

« Le mandat des membres de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse est de quatre ans. Il n’est ni révocable ni renouvelable.

 
 

« À l’expiration de leur mandat, les membres de l’autorité restent en fonction jusqu’à la première réunion de celle-ci dans sa nouvelle composition.

 
 

« Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre de l’autorité qui perd la qualité en raison de laquelle il a été nommé

 
 

« En cas de vacance d’un siège de membre de l’autorité pour quelque cause que ce soit, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Un mandat exercé pendant une durée inférieure à deux ans n’est pas pris en compte pour l’application de la règle de non-renouvellement du mandat.

 
 

« Les fonctions de membre de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse sont incompatibles avec celles de membre du Conseil supérieur des messageries de presse et avec l’exercice de fonctions ou la détention d’un mandat ou d’intérêts dans une entreprise du secteur de la presse. Le non-respect de cette règle entraîne la cessation d’office des fonctions de membre de l’autorité, par décision des deux autres membres de l’autorité.

 
 

« Art. 18-2– Le Conseil supérieur des messageries de presse ne peut délibérer que si au moins la moitié de ses membres sont présents ou représentés par un autre membre dans les conditions fixées par son règlement intérieur.

 
 

« L’Autorité de régulation de la distribution de la presse ne peut délibérer que si au moins deux de ses membres sont présents.

 
 

« Le conseil et l’autorité délibèrent à la majorité des membres présents. Leurs présidents ont voix prépondérante en cas de partage égal des voix.

 
 

« Art. 18-3– Les membres et les personnels du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ainsi que les experts consultés par ces organismes sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance dans le cadre de leurs fonctions, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les membres et les personnels du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse restent tenus à cette obligation de confidentialité pendant une durée d’un an après la fin de leur mandat.

 
 

« Les membres du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur les délibérations de ces organismes.

 
 

« Art. 18-4– Un commissaire du Gouvernement est désigné par le ministre chargé de la communication pour siéger auprès du Conseil supérieur des messageries de presse avec voix consultative.

 
 

« Il peut faire inscrire à l’ordre du jour d’une séance du conseil toute question intéressant la distribution de la presse. L’examen de cette question est de droit.

 
 

« Dans le cas où il estime qu’une décision du Conseil supérieur des messageries de presse est susceptible de porter atteinte aux objectifs de la présente loi, il peut demander une nouvelle délibération.

 
 

« Art. 18-5– Les frais afférents au fonctionnement du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ainsi que les sommes que ces organismes pourraient être condamnés à verser sont à la charge des sociétés coopératives de messageries de presse régies par la présente loi.

 
 

« Le conseil et l’autorité établissent, chacun pour ce qui le concerne, un règlement intérieur.

 
 

« Le président du Conseil supérieur des messageries de presse et le président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ont qualité pour agir en justice.

 
 

« Art. 18-6. – Pour l’exécution de ses missions, le Conseil supérieur des messageries de presse :

 
 

« 1° Détermine les conditions et les moyens propres à garantir une distribution optimale de la presse d’information politique et générale, dans le respect des articles 1er et 2 ;

 
 

« 2° Fixe pour les autres catégories de presse, selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges, les conditions d’assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente ;

 
 

« 3° Définit les conditions d’une distribution non exclusive par une messagerie de presse, dans le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques des sociétés coopératives de messageries de presse, et les conditions d’une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse ;

 
 

« 4° Fixe le schéma directeur, les règles d’organisation et les missions du réseau des dépositaires centraux de presse et des diffuseurs de presse répondant à l’efficience économique et à l’efficacité commerciale ;

 
 

« 5° Établit un cahier des charges du système d’information au service de l’ensemble des messageries de presse et de leurs mandataires, garantissant à tout éditeur, quelle que soit sa messagerie, l’accès aux informations relatives à l’historique des ventes et des fournitures pour chacun de ses titres, au niveau de chaque point de vente. Ce cahier des charges inclut le schéma d’organisation des flux financiers dans l’ensemble de la chaîne de distribution et les conditions de leur sécurisation ;

 
 

« 6° Délègue, dans des conditions fixées par son règlement intérieur, à une commission spécialisée composée d’éditeurs le soin de décider, selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges, de l’implantation des points de vente de presse, des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de chalandise ;

 
 

« 7° Délivre un certificat d’inscription aux agents de la vente de presse et assure la gestion du fichier recensant les agents de la vente de presse déclarés ;

 
 

« 8° Homologue les contrats-types des agents de la vente de presse au regard de la présente loi et des règles qu’il a lui-même édictées ;

 
 

« 9° Fixe les conditions de rémunération des agents de la vente de presse, après consultation de leurs organisations professionnelles ;

 
 

« 10° Exerce le contrôle comptable des sociétés coopératives de messageries de presse, conformément à l’article 16. Il s’assure en particulier que les sociétés coopératives de messageries de presse et les entreprises commerciales mentionnées à l’article 4 qui distribuent des quotidiens d’information politique et générale opèrent une distinction claire, le cas échéant dans le cadre d’une comptabilité par branche, entre la distribution de ces quotidiens et celle des autres publications. Tous les documents utiles à cette fin lui sont adressés sans délai après leur approbation par leur assemblée générale. Il peut également demander communication, en tant que de besoin, des comptes prévisionnels des sociétés coopératives de messageries de presse ;

 
 

« 11° Dispose d’un droit d’opposition sur les décisions des sociétés coopératives de messageries de presse susceptibles d’altérer leur caractère coopératif ou de compromettre leur équilibre financier, ainsi que sur celles des entreprises commerciales mentionnées à l’article 4 dans lesquelles les coopératives de messageries de presse auraient une participation majoritaire, qui auraient pour conséquence d’altérer le caractère coopératif de ces dernières ou de compromettre leur équilibre financier. Ce droit d’opposition ne s’exerce pas si le commissaire du Gouvernement  mentionné à l’article 18-4 émet un avis défavorable ;

 
 

« 12° Supprimé

 
 

« 13° Définit, après consultation des acteurs de la distribution de la presse et notamment des organisations professionnelles représentatives des agents de la vente de presse, les bonnes pratiques professionnelles de la distribution de la presse vendue au numéro.

 
 

« Pour l’application des 7°, 8°, 9° et 13°, sont considérés comme agents de la vente de presse les concessionnaires globaux, les dépositaires centraux, les diffuseurs de presse et les vendeurs-colporteurs de presse.

 
 

« Art. 18–6 bis. – Lorsque, dans le cadre de la présente loi, le Conseil supérieur des messageries de presse envisage d’adopter des mesures ayant une incidence importante sur le marché de la distribution de la presse, il rend publiques les mesures envisagées dans un délai raisonnable avant leur adoption et recueille, dans le cadre d’une consultation publique d’une durée maximale d’un mois, les observations qui sont faites à leur sujet.

 
 

« Les résultats d’une consultation sont rendus publics par le Conseil supérieur des messageries de presse, à l’exclusion des informations couvertes par le secret des affaires.

 
 

« Art. 18-7– Les présidents du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse saisissent l’Autorité de la concurrence de faits dont ils ont connaissance et susceptibles de contrevenir aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce. Ils peuvent également la saisir pour avis de toute autre question relevant de sa compétence.

 
 

« L’Autorité de la concurrence communique à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, pour avis, toute saisine entrant dans le champ des compétences de celle-ci. Elle peut également saisir le Conseil supérieur des messageries de presse et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, pour avis, de toute question relative au secteur de la distribution de la presse.

 
 

« Art. 18-8– Le président du Conseil supérieur des messageries de presse et le président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse saisissent le procureur de la République de toute infraction à la présente loi dont ils ont connaissance.

 
 

« Art. 18-9– Le Conseil supérieur des messageries de presse établit chaque année un rapport public qui rend compte de son activité et de l’application de la présente loi en proposant, le cas échéant, des modifications de nature législative ou réglementaire.

 
 

Ce rapport est adressé au Gouvernement et au Parlement avant la fin du premier semestre de chaque année.

 
 

« Le Conseil supérieur des messageries de presse peut être saisi par le Gouvernement et par le Parlement de demandes d’avis ou d’études pour les activités relevant de sa compétence.

 
 

« Art. 18-10– Tout différend relatif au fonctionnement des sociétés coopératives et commerciales de messageries de presse, à l’organisation et au fonctionnement du réseau de distribution de la presse et à l’exécution des contrats des agents de la vente de presse est soumis par l’une des parties, avant tout recours contentieux, à une procédure de conciliation transparente, impartiale et contradictoire, devant le Conseil supérieur des messageries de presse, selon des modalités prévues par son règlement intérieur.

 
 

« En cas de conciliation, même partielle, les parties peuvent demander la reconnaissance de l’accord par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

 
 

« Art. 18-11. – I. – Si la procédure de conciliation n’a pas abouti à un règlement amiable dans un délai de deux mois, le différend peut être soumis par l’une ou l’autre des parties à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ou à la juridiction compétente. À défaut de saisine par les parties de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ou d’une juridiction compétente à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échec de la procédure de conciliation, le président du Conseil supérieur des messageries de presse peut saisir l’Autorité de régulation de la distribution de la presse

 
 

« L’autorité se prononce, au regard des règles et des principes de la présente loi, dans un délai de deux mois, qu’elle peut porter à quatre mois si elle l’estime utile, après avoir diligenté, si nécessaire, une enquête et mis les parties à même de présenter leurs observations. Elle prend en considération les décisions du Conseil supérieur des messageries de presse qu’elle a rendues exécutoires. Dans le respect des secrets protégés par la loi, elle peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile au règlement du différend. 

 
 

« La décision de l’autorité est motivée et précise les conditions de règlement du différend. Elle est notifiée aux parties et rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.

 
     
 

« II. – Lorsque les faits à l’origine du différend sont susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce, le délai prévu au deuxième alinéa du I du présent article est suspendu jusqu’à ce que l’Autorité de la concurrence, saisie par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, se soit prononcée sur sa compétence. Lorsque l’Autorité de la concurrence s’estime compétente, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse est dessaisie.

 
 

« Les décisions prises par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peuvent faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris, dans un délai d’un mois à compter de leur notification.

 
 

« Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le juge peut ordonner le sursis à exécution de la décision si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité.

 
 

« Le pourvoi en cassation formé, le cas échéant, contre l’arrêt de la cour d’appel est exercé dans un délai d’un mois suivant la notification de cet arrêt.

 
 

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

 
 

« Art. 18–12– Les décisions de portée générale prises par le Conseil supérieur des messageries de presse dans le cadre de sa mission générale visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ou en application des 1° à 5°, 8°, 9° et 13° de l’article  18-6 sont transmises avec un rapport de présentation au président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

 
 

« Ces décisions deviennent exécutoires à défaut d’opposition formulée par l’autorité dans un délai de six semaines suivant leur réception. Le refus opposé par l’autorité doit être motivé.

 
 

« En cas de refus opposé par l’autorité, le président du Conseil supérieur des messageries de presse dispose d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations. Dans les quinze jours suivant leur réception, l’autorité peut rendre exécutoires les décisions ou demander au Conseil supérieur des messageries de presse une nouvelle délibération, en lui adressant, le cas échéant, des recommandations.

 
 

« Sur proposition du président du Conseil supérieur des messageries de presse, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peut ne rendre exécutoires que certaines dispositions de la décision qui lui est soumise.

 
 

« Les décisions de portée générale rendues exécutoires par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse peuvent faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris.

 
 

« Les décisions à caractère individuel prises par le Conseil supérieur des messageries de presse peuvent faire l’objet d’un recours, en fonction de leur objet, soit devant le tribunal de grande instance, soit devant le tribunal de commerce territorialement compétents.

 



« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

 
 

« Art. 18-13– En cas de manquement constaté aux obligations résultant des décisions visées à l’article 18-12, le président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ou le président du Conseil supérieur des messageries de presse peut saisir le juge afin qu’il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ses obligations, de mettre fin aux manquements et d’en supprimer les effets.

 
 

« La demande est portée devant le premier président de la cour d’appel de Paris qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour s’assurer de l’exécution de son ordonnance.

 
 

« Art. 18-14. – L’Autorité de régulation de distribution de la presse formule, avant la fin du premier semestre de chaque année, un avis sur l’exécution par le Conseil supérieur des messageries de presse des missions qui lui sont confiées par l’article 16 et les 10° et 11° de l’article 18-6. Elle peut demander au Conseil supérieur des messageries de presse, aux sociétés coopératives de messageries de presse et aux entreprises commerciales mentionnées à l’article 4 que lui soient adressés sans délai tous les documents utiles à cette fin. Elle peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information.

 
 

« Art. 18-15. – Après consultation du Conseil supérieur des messageries de presse, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse formule, avant la fin du premier semestre de chaque année, un avis sur l’évolution des conditions tarifaires des sociétés coopératives de messageries de presse. À cette fin, elle peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information. »

 
 

Article 5

Article 5

Titre III

Du sort des biens

des messageries Hachette.

Le titre III de la même loi est abrogé.

Sans modification

     

Loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures

d’ordre social

Article 6

Article 6

Art. 11. – Afin d'assurer le respect du principe de neutralité dans les conditions de distribution de la presse, la rémunération des agents de la vente de publications quotidiennes et périodiques est déterminée en pourcentage du montant des ventes desdites publications réalisées par leur intermédiaire, dans des conditions fixées par décret. Sont considérés comme "agents de la vente" les concessionnaires globaux, les dépositaires centraux, les marchands vendant directement au public - sous-dépositaires, marchands en kiosque, en terrasse et en boutique - et les vendeurs colporteurs.

L’article 11 de la loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social est abrogé à compter de l’entrée en vigueur de la première décision prise par le Conseil supérieur des messageries de presse en application du 9° de l’article 18-6 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques et au plus tard dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

Sans modification

 

Article 7

Article 7

 

Supprimé

Suppression maintenue

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 1 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l’éducation

Article 4

Supprimer l’alinéa 26.

Amendement n° AC 2 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l’éducation

Article 4

Rédiger ainsi l’alinéa 26 : « Le Conseil supérieur des messageries de presse statue au cas par cas pour toute demande de dérogation en vue d’une distribution indépendante du système coopératif. ».

Amendement n° AC 3 présenté par M. Marcel Rogemont, M. Michel Françaix, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin et les commissaires SRC des affaires culturelles et de l’éducation

Article 4

Supprimer l’alinéa 67.

Amendement n° AC 4 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 5 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello

Article 3

À l'alinéa 1, après le mot : « comprend », insérer les mots : « un représentant du ministre chargé du commerce, un représentant du ministre des affaires étrangères, un représentant du Premier ministre, un représentant du ministre des transports, un représentant du ministre chargé des postes, télégraphes et téléphones, un représentant du ministre chargé de l'information. Il comprend aussi »

Amendement n° AC 6 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello

Article 3

À l'alinéa 8, substituer au chiffre : « Deux », le chiffre : « Trois ».

Amendement n° AC 7 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello

Article 4

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 8 présenté par Mme Marie-George Buffet, Mme Marie-Hélène Amiable et Mme Huguette Bello

Article 4

Supprimer l’alinéa 26.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Ø M. Jean-Louis Redon, président de la commission Vente et diffusion de la Fédération Nationale de la Presse d'Information Spécialisée (FNPS)

Ø M. Bruno Lesouëf, président du Syndicat de la presse magazine (SPM) et Mme Pascale Marie, directrice générale

Ø M. François d’Orcival, président du Syndicat professionnel de la presse magazine et d’opinion (SPPMO), M. Hubert Chicou et M. Alfred Gerson, vice-présidents

Ø M. Denis Bouchez, directeur du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN)

Ø M. Jean Viansson Ponté, président du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR), M. Jean-Pierre Raffoux, responsable des études et des questions relatives à la diffusion, et Mme Haude d’Harcourt, chargée des relations institutionnelles

Ø M. Stéphane d’Altri o Dardari, président du Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP), et M. Dominique Gil, directeur, accompagnés de M. Romain Ferla, conseil

Ø M. Gérard Proust, président national de l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP)

Ø M. Marc Norguez, secrétaire général du Syndicat général du Livre

Ø Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), Mme Sylvie Clément-Cuzin, sous-directrice de la presse, et Mme Sophie Lecointe, adjointe à la sous-directrice

© Assemblée nationale

1 () Discours du Président de la République à la suite de la remise du Livre vert des États généraux de la presse écrite, Palais de l’Élysée, vendredi 23 janvier 2009.

2 () ex-Nouvelles messageries de la presse parisienne, NMPP.

3 () Cf. arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 3 octobre 2000, pourvoi n° 97-20520.

4 () Décret n° 2005-1455 du 25 novembre 2005 modifiant le décret n° 88-136 du 9 février 1988 fixant les conditions de rémunération des agents de la vente de presse.

5 () Audition du 21 juin 2011.

6 () Cf. Cour de justice de l’Union européenne, Binon c/. Agence et messageries de la presse, 3 juillet 1985.