Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 3754

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Ile de Man en vue d’éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs,

par Mme Chantal BOURRAGUÉ,

Députée

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 375 (2009-2010), 624, 625 et T.A. 181 (2010-2011).

Assemblée nationale : 3656.

INTRODUCTION 5

I – L’ÎLE DE MAN ET LE DEFI DE LA TRANSPARENCE 7

A – UNE ADHÉSION RÉCENTE AUX STANDARDS INTERNATIONAUX 7

1) Des dispositions fiscales particulièrement avantageuses 7

2) Un souci de transparence depuis 2006 7

B – LE SOUHAIT DE RENFORCER SON ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE 8

II – UN ACCORD CONFORME AUX STANDARDS INTERNATIONAUX 11

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

Mesdames, Messieurs,

Depuis la crise financière de 2008, notamment sous l’impulsion de la France, des efforts internationaux significatifs sont déployés pour renforcer la transparence dans les relations économiques et la circulation des capitaux. Le forum global pour la transparence financière de l’organisation pour la coopération et le développement économique est ainsi l’institution pilote de la lutte contre les paradis fiscaux et les pratiques non coopératives.

Le présent accord s’inscrit dans le prolongement de ces efforts. L’île de Man, entité politique autonome rattachée à la couronne britannique, est déjà liée à la France par un accord relatif à l’échange de renseignements à caractère fiscal, signé le 26 mars 2009. Cet accord a été examiné par notre commission le 2 juin 2010, et adopté par l’Assemblée nationale le 10 juin.

La signature de l’accord visant à éviter la double imposition des entreprises exploitant en trafic international des navires et des aéronefs a été signé le même jour. Il permet de clarifier la situation juridique des sociétés de transport maritime ou aérien, afin d’éviter, dans le respect des normes internationales, qu’elles ne soient sujettes à une imposition à la fois en France et sur l’île de Man.

I – L’ÎLE DE MAN ET LE DEFI DE LA TRANSPARENCE

Caractérisé par une fiscalité très légère sur les sociétés non résidentes, l’île de Man a pu développer les activités financières et de services aux entreprises. Toutefois, son adhésion aux nouveaux standards internationaux la conduit à rechercher dans d’autres secteurs les sources de sa croissance économique.

A – Une adhésion récente aux standards internationaux

La spécialisation de l’île de Man dans les activités financières et les services aux entreprises s’est accrue au fil du temps : les services financiers représentent entre 35 et 40 % de son PIB, avec un volume en croissance de plus de 60 % sur six ans, les services professionnels ayant connu pour leur part une croissance de près de 50 %. Cet essor peut s’expliquer, au moins en partie, par les conditions fiscales très favorables offertes par l’île de Man aux sociétés opérant sur son territoire.

1) Des dispositions fiscales particulièrement avantageuses

De manière générale, l’impôt dû par les sociétés résidentes et non résidentes de l’île de Man est de 0 %. Elles se contentent d’acquitter une taxe fixe de 250 livres sterling par an. Seules les banques et les sociétés d’assurance doivent acquitter un impôt égal à 10 % de leurs bénéfices. Par ailleurs, le versement de dividendes ou d’intérêts, et les revenus tirés des propriétés sur l’île, peuvent donner lieu à un prélèvement libératoire à la source égal à 10 % du montant.

Introduits par la loi sur les sociétés de 2006, ces changements ont été accompagnés par l’introduction d’un nouveau type de société, baptisé NMV (New Manx Vehicle) qui permet d’alléger les formalités de création et de gestion des sociétés, quel que soit leur objet social.

2) Un souci de transparence depuis 2006

Incluse dans la liste des 35 paradis fiscaux publiée par l’OCDE en 2000, l’île de Man s’était rapidement engagée en faveur du standard minimal de transparence fiscale imposé par l’organisation. Elle faisait partie dès 2009 de la liste blanche de l’OCDE, qui regroupe les Etats et juridictions ayant mis en œuvre leur engagement en faveur de la transparence de manière satisfaisante.

A ce titre, l’île de Man a fait l’objet d’un examen dit « combiné » par le forum global pour la transparence de l’OCDE, entité internationale en charge de la lutte contre les paradis fiscaux décidée par le G20. La législation de l’île ainsi que l’effectivité de l’engagement de son administration fiscale à coopérer avec ses partenaires ont donc été évaluées au cours du second semestre 2010.

Publié le 1er juin 2011, le rapport relève que l’île de Man a mis en place depuis 2006 un nouveau cadre de collecte des informations indispensables à l’application de la législation fiscale, et a apporté la preuve de sa capacité à échanger des informations dans ce domaine avec son partenaire principal, le Royaume-Uni. L’OCDE relève quelques manques, en matière notamment d’accessibilité des informations détenues par certaines professions réglementées, et d’obligation de dépôt de certaines informations par les sociétés en commandites par actions.

Toutefois, l’ensemble de la réglementation de l’île de Man est salué comme étant conforme aux obligations internationales de transparence, et l’évaluation par les 17 partenaires (1) de l’île dans le domaine fiscal – parmi lesquels la France depuis la signature de l’accord relatif à l’échange de renseignements à caractère fiscal le 26 mars 2009, mais aussi les Etats-Unis, l’Allemagne ou la Suède – est très positive.

B – Le souhait de renforcer son équilibre économique

Comme le relève le rapport de la commission des finances du Sénat sur le présent projet de loi (2), l’économie de l’île de Man s’est un peu diversifiée depuis quelques années, en développant notamment l’accueil de sociétés de commerce et de jeux d’argent en ligne. Les activités de transport aérien et maritime constituent un autre secteur clé pour l’île.

Les formalités d’enregistrement de navires dans l’île de Man sont simples et peu coûteuses, un seul versement de 750 livres sterling étant nécessaire pour l’immatriculation d’un bâtiment. Ces facilités ont permis à la flotte commerciale immatriculée sur l’île de Man d’atteindre le 17ème rang mondial en 2010, et le 8ème rang européen.

Conséquence de cette croissance importante, les emplois générés par l’activité de gestion de flux commerciaux maritimes depuis l’île de Man sont estimés à 600.

L’immatriculation d’avions commerciaux est également promue par les autorités de l’île de Man, qui font valoir un coût inférieur à celui du Royaume-Uni – notamment du fait de l’absence de taxation sur l’assurance – et une flexibilité plus grande, permettant par exemple le transit par l’île de Man d’avions en importation, ou l’immatriculation d’aéronefs destinés au leasing.

Là encore, le développement de l’activité d’immatriculation d’aéronefs génère de nombreux emplois indirects pour l’économie mannoise.

II – UN ACCORD CONFORME AUX STANDARDS INTERNATIONAUX

Les autorités de l’île de Man ont demandé la signature du présent accord relatif à la fiscalité des sociétés de transport international par air et mer, dans le souci de conforter la diversification de leur économie afin d’absorber les conséquences de sa récente adhésion aux principes internationaux de transparence fiscale sur le secteur financier. Les articles 7 et 8 de l’accord précisent d’ailleurs que son entrée en vigueur n’est possible qu’une fois ratifié l’accord relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale, et prévoient sa dénonciation si l’accord d’échange venait à être lui-même dénoncé.

L’objectif général de ce texte est donc de fixer un cadre juridique stable pour les entreprises intervenant dans ce domaine, afin d’éviter la double imposition de leurs revenus.

L’OCDE promeut depuis plusieurs années un modèle d’accord visant à éviter la double imposition. Ce texte standard porte généralement sur l’ensemble des impôts des personnes physiques et inclut les sociétés de transport maritime et aérien. Le présent accord, selon le souhait des autorités de l’île de Man, ne concerne que ces dernières. Pour autant, il suit les grands principes fixés par l’OCDE dans ce domaine, à l’article 8 de son modèle d’accord.

Ainsi, l’article 4 du présent accord précise que l’imposition des bénéfices tirés des activités de trafic international d’aéronef ou de navire ne peut être réalisée que sur le territoire d’implantation du siège effectif de la société.

L’ensemble des autres articles reprennent les éléments constitutifs du modèle OCDE d’accord sur l’imposition des revenus, laissant pleine latitude aux parties pour fixer la liste des impôts concernés (article 2), indiquant les définitions des termes employés (article 3) et prévoyant le recours à l’amiable en cas de divergence d’interprétation (article 5). Seule modification imposée par le champ matériel particulier de l’accord, l’article 1 précise que sont seules concernées par l’accord les entreprises exploitant en trafic international des aéronefs ou des navires.

CONCLUSION

L’accord signé le 26 mars 2009 entre la France et l’île de Man relatif à l’imposition des sociétés exploitant en trafic international des navires et des aéronefs est étroitement lié à la lutte internationale contre l’opacité fiscale et les paradis fiscaux.

En effet, à la même date, un accord de coopération entre les administrations fiscales française et mannoise a été signé, et est entré depuis en vigueur.

L’objet du présent accord, négocié à la demande de l’île de Man, est d’assurer les sociétés de transport que leurs bénéfices ne feront pas l’objet d’une double taxation, en France et sur le territoire mannois. L’immatriculation des navires et des aéronefs est un secteur économique important pour l’île de Man et cette amélioration de la sécurité juridique de cette activité ne peut qu’aider l’île à diversifier davantage son économie.

L’île de Man n’est pas à proprement parler un paradis fiscal. Malgré des taux d’imposition particulièrement faible pour les sociétés et les personnes physiques, les autorités mannoises ont démontré à l’OCDE leur capacité à coopérer et transférer les informations requises par leurs partenaires pour lutter contre l’évasion.

En aidant au développement d’une filière économique non directement lié à la circulation des capitaux, le présent accord permet donc d’accompagner l’île de Man dans ses efforts, déjà salués par ses partenaires, vers une économie plus diversifiée et une coopération internationale en matière fiscale plus aboutie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 27 septembre 2011.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. François Rochebloine. L’article 2 de l’accord indique que, du côté de l’Ile de Man, sont concernés les impôts sur le revenu et sur les bénéfices. Sont-ce les seuls impôts qui existent dans ce pays ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Le champ de l’accord est limité à l’imposition des entreprises exploitant des navires ou des aéronefs : les impôts visés sont donc, dans les deux parties, les impôts qui portent sur le revenu de ces entreprises.

M. Jean-Paul Lecoq. La rapporteure fait preuve d’optimisme ! Elle estime qu’il y a peu de risques de délocalisation d’activités de notre pays vers l’île de Man à la suite de la conclusion de cet accord. Mais cela peut arriver ! La multiplication des pavillons de complaisance témoigne clairement de la réalité de ce risque. Quelles sont les règles applicables sur l’île en matière sociale ? Ne favorisent-elles pas ce type de délocalisations ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Comme je vous l’ai indiqué, cet accord constitue la contrepartie aux efforts consentis par ce territoire dans le domaine de la transparence fiscale. Il se limite donc aux dispositions fiscales en vigueur.

M. Jean-Marc Nesme. Nous avons examiné un grand nombre d’accords fiscaux au cours des derniers mois, à un rythme plus élevé qu’auparavant. Leur efficacité a-t-elle été démontrée ? Existe-t-il un audit sur ce thème ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Le ministère des finances n’a pas été en mesure de nous fournir des éléments sur les montants éventuels d’évasion depuis la France. Il ne dispose pas de véritables éléments d’évaluation et ne peut donc anticiper sur la mise en oeuvre. L’OCDE suit la mise en œuvre des accords sur l’échange de renseignements fiscaux, ce qui lui permet de réaliser son classement, et a souligné la bonne volonté de l’Ile de Man.

M. Axel Poniatowski, président. Je vous rappelle que nous avons entendu, en juin dernier, deux responsables du ministère des finances sur l’application des accords récemment signés en matière d’échange de renseignements fiscaux.

M. Serge Janquin. Si j’ai bien compris, l’application de cet accord est la condition de progrès dans le domaine de la transparence fiscale. Il vise à offrir une forme de compensation aux effets attendus de cette transparence. Il me semble que la transparence devrait être la règle entre les Etats et s’imposer sans contrepartie !

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Il s’agit pour l’île de Man de favoriser la diversification de ses activités économiques. Elle a également développé le secteur du jeu, en plus du transport.

M. Jean-Louis Bianco. Une évaluation régulière de la mise en œuvre de ces accords est indispensable. On voit bien que les enjeux dépassent de beaucoup le seul domaine de la fiscalité. La diversification économique des anciens paradis fiscaux devrait être suivie avec attention. Je suis pour ma part très sceptique sur le classement réalisé par l’OCDE, qui conditionne la sortie de la zone grise à la seule signature d’un certain nombre d’accords sur l’échange de renseignements fiscaux, même si ces accords sont conclus principalement entre des paradis fiscaux.

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Les membres du groupe d’audit de l’OCDE présidé par la France, ont constaté que les autorités de l’île de Man avaient fait de réels efforts en adaptant leur législation et répondant davantage aux demandes de renseignements fiscaux.

M. Michel Terrot. Quel est le statut de l’île de Man ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Il s’agit d’une dépendance de la Couronne britannique, qui dispose d’une très large autonomie politique et économique.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 3658).

*

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Ile de Man en vue d’éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs, signé à Douglas le 26 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3658).

© Assemblée nationale

1 () Le 27 juin 2011, l’île de Man a signé un dix-huitième accord d’échange de renseignements à caractère fiscal avec la Slovénie.

2 () Rapport n°624 de M. André Gouteyron du 15 juin 2011.