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N
° 3769

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 3139, autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d’un Centre de coopération policière,

par M. Philippe  COCHET

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I –LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, CHAMP IMPORTANT DE LA COOPÉRATION FRANCO-BRÉSILIENNE 7

A – UNE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE POLICE QUI S’EST CONSIDÉRABLEMENT DÉVELOPPÉE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 7

1) Données générales 7

a) Les priorités sectorielles 7

b) Des moyens en développement 8

c) Des retombées non négligeables 9

2) L’accord de 1997 9

a) Les principaux volets de l’accord et son application 10

b) Un accord qui, pour les deux Parties, n’est pas isolé 11

B –DES ÉLÉMENTS DE CONTEXTE QUI IMPOSENT DES SOLUTIONS RÉGIONALES 12

1) Le contexte sécuritaire propre à la Guyane 13

2) L’environnement régional immédiat 14

II – LE PROTOCOLE DU 7 SEPTEMBRE 2009 17

A – LES MOTIVATIONS DE L’ACCORD ET LES ATTENTES 17

B – LE CONTENU DE L’ACCORD 17

1) Les principales dispositions du texte 17

a) Les dispositions relatives à l’organisation du Centre 18

b) Les dispositions relatives aux missions du Centre 18

2) La question de la transmission des informations 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27

Mesdames, Messieurs,

Bien que cette réalité soit fréquemment oubliée, la France est aussi un pays américain. C’est d’ailleurs avec le Brésil qu’elle partage la plus longue de ses frontières terrestres : 730 Kms, qui suivent pour l’essentiel le tracé du fleuve Oyapock entre l’Etat de l’Amapá et la Guyane, laquelle, couvrant quelque 84 000 km2, est à la fois le plus grand des départements et la plus grande des régions françaises.

C’est la raison pour laquelle, parmi le grand nombre d’accords bilatéraux conclus dans les domaines les plus variés, qui traduisent l’excellente relation que la France et le Brésil entretiennent, une attention particulière a été portée ces dernières années à certains aspects transfrontaliers.

L’initiative lancée par les présidents Chirac et Cardoso en 1997 d’un pont sur l’Oyapock en est une des manifestations les plus spectaculaires. Avec un an de retard environ sur les prévisions, l’inauguration de l’ouvrage devrait finalement intervenir avant la fin de 2011 et symboliser le rapprochement entre les deux pays. Le pont devrait aussi contribuer à favoriser le renforcement d’une coopération politique et technique déjà très large, d’autant plus nécessaire dans ses aspects sécuritaires que le développement des échanges transfrontaliers pouvant induire une augmentation des flux humains et commerciaux bilatéraux, de nouveaux enjeux pourront surgir, ainsi que certaines formes spécifiques de criminalité touchant la Guyane et l’Amapá, autour de l’exploitation aurifère ou l’immigration illégales, domaines dans lesquels la lutte commune fait d’ores et déjà l’objet d’accords ou de mécanismes bilatéraux particuliers.

Eu égard au contexte régional, les questions de sécurité publique sont essentielles et le texte que le gouvernement soumet aujourd’hui à l’examen de la commission des affaires étrangères tend à anticiper les nouvelles problématiques induites par l’ouverture prochaine du pont en créant un Centre de coopération policière dans ses abords immédiats. Il vient compléter l’Accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique existant entre les deux pays depuis 1997.

Votre Rapporteur vous propose une analyse de cette coopération bilatérale spécifique, qui est d’ailleurs antérieure à l’accord de 1997, avant de vous présenter le contenu du protocole de 2009.

I – LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, CHAMP IMPORTANT DE LA COOPÉRATION FRANCO-BRÉSILIENNE

A – Une coopération en matière de police qui s’est considérablement développée au cours des dernières années

La coopération policière franco-brésilienne en matière de sécurité publique s’est progressivement développée à partir de la fin des années 1980, bien avant la signature de l’accord de 1997, dans un contexte de consolidation démocratique et de stabilisation politique des institutions brésiliennes. Plus récemment, cette coopération s’est insérée dans le partenariat stratégique entre les deux pays conclu en décembre 2008 par les présidents Sarkozy et Lula.

1) Données générales

a) Les priorités sectorielles

Les principaux domaines de coopération policière entre le Brésil et la France sont à l’heure actuelle la lutte contre les trafics internationaux de stupéfiants, la lutte contre les filières d’immigration irrégulière et la fraude documentaire, la lutte contre la cybercriminalité, la formation au contre-terrorisme des unités d’intervention spécialisées, la gestion des grands événements d’ordre public et la promotion du français dans les institutions policières brésiliennes.

Sur ces axes, la coopération opérationnelle bilatérale s’est plus particulièrement développée dans une triple perspective.

Même si le Brésil ne constitue pas le principal pivot des routes transatlantiques des trafics de stupéfiants, ce thème constitue néanmoins un domaine d’intérêt prioritaire pour les deux pays, compte tenu de l’importance du sous-continent dans la production et le trafic de drogues à destination de l’Europe, et du fait que le Brésil est de plus en plus utilisé comme pays de rebond en raison de sa taille, des caractéristiques de son territoire et de son excellente intégration dans les flux commerciaux internationaux licites. Cela se manifeste notamment par la multiplication des voies routières d’acheminement de la cocaïne vers le Brésil et le développement de filières de trafics par voies aériennes et maritimes.

La lutte contre l’immigration irrégulière constitue la seconde priorité opérationnelle de l’action des services français dans leurs relations avec le Brésil, compte tenu notamment de l’effet déstabilisant de ce phénomène pour la Guyane. A cet égard, il faut rappeler que le différentiel considérable des niveaux moyens de richesse entre le département français et l’Etat de l’Amapá génère mécaniquement un appel d’air pour les ressortissants brésiliens tentés par les trafics illicites et la délinquance. Cette situation explique la signature de l’arrangement administratif du 7 septembre 2009 qui a créé un mécanisme bilatéral de concentration sur les questions migratoires, sans qu’un accord de gestion concertée des flux migratoires soit pour autant signé.

Enfin, la coopération en matière de lutte contre la délinquance en zone frontalière est la troisième des priorités. Elle est bien sûr surtout menée localement, par les services de police et unités de gendarmerie de Guyane.

b) Des moyens en développement

C’est dès 1992 qu’un service de sécurité intérieure, SSI, a été créé au sein de l’ambassade de France à Brasilia. Il a représenté un premier effort d’institutionnalisation de cette coopération qui s’est développée parallèlement à l’essor de la relation bilatérale dans les domaines régaliens au cours de cette décennie : accords du 28 mai 1996, notamment, et diverses conventions spécialisées ultérieures.

Cette coopération connaît aujourd’hui un essor remarquable dans le cadre du partenariat stratégique bilatéral, et bénéficie, côté brésilien, d’une diversification de ses contreparties : le DPF, qui dispose d’une double compétence au titre de l’activité fédérale en matière de police judiciaire et de gestion des frontières de l’Etat fédéral et des flux migratoires, reste l’interlocuteur de référence des services français mais d’autres partenaires importants sont apparus plus récemment, notamment les polices civiles et militaires des états de Rio de Janeiro, de São Paulo, de Goiás et de l’Amapá.

Le SSI français dispose aujourd’hui de deux fonctionnaires de police au sein de l’ambassade de France, un commissaire et un capitaine, respectivement attaché de sécurité intérieure et attaché adjoint. Il compte en outre une antenne à São Paulo, dotée de deux officiers de liaison (ODL), le premier sur les questions de criminalité organisée et de lutte contre les trafics de stupéfiants, le second, en poste depuis l’été 2011, sur la thématique immigration. Ce dispositif permet d’animer une coopération technique et opérationnelle conséquente. De son côté, le Département de la police fédérale brésilien a mis en place un dispositif similaire composé de deux fonctionnaires affectés à l’ambassade du Brésil à Paris. Deux ODL sont aussi affectés auprès des services consulaires brésiliens sur le territoire de la Guyane française.

Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, ces moyens humains sont considérés comme significatifs pour animer la coopération bilatérale, et les deux pays réalisent également un effort financier substantiel pour développer un volume croissant d’actions de coopération avec une finalité opérationnelle en augmentation. Il est souligné que les crédits délégués par la Direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères et européennes au SSI de Brasilia ont connu une forte progression ces dernières années, à la mesure de la réévaluation stratégique de la coopération avec le Brésil. Ils s’élèvent aujourd’hui, depuis 2010, à environ 80 000€ par an, compte non tenu du concours de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, MILDT, dont l’enveloppe est d’un montant équivalent.

Cet engagement français a permis d’amorcer un effort très important de financement de la coopération par les services brésiliens, qui représente en coûts paramétriques près du double de l’ensemble des crédits français. Il s’agit tout à la fois d’une marque de l’attachement brésilien au développement de la coopération policière bilatérale et d’un levier majeur de son intensification.

La coopération technique importante qui s’est développée au profit des forces de police brésiliennes, afin d’accroître leurs capacités locales de riposte aux grands défis de sécurité intérieure communs, notamment la criminalité transnationale organisée, s’est notamment traduite par des échanges de bonnes pratiques et des contacts à finalité directement opérationnelle : ainsi, 33 actions de coopération (missions d’information et de formation au Brésil, accueil de stagiaires brésiliens en France, visites d’étude en France) ont-elles été réalisées en 2010 et un nombre similaire devrait l’être cette année.

c) Des retombées non négligeables

Il n’est enfin pas indifférent de relever que la coopération bilatérale bénéficie indirectement d’importants contrats industriels susceptibles de permettre des transferts de savoir-faire policiers. Un ambitieux programme d’équipement du DPF (projets Proamatec I et II) est conduit par la SOFREMI dans le prolongement du second accord de coopération du 12 mars 1997. Les principaux achats réalisés dans ce cadre, Promatec I, ont porté sur des hélicoptères (Eurocopter-Helibras), des équipements de communication sécurisés (EADS), des systèmes de reconnaissance d’empreintes digitales (Safran) et des équipements destinés aux laboratoires de police technique et scientifique (Thales). Promatec II, qui a débuté fin 2010, recouvre notamment l’acquisition d’équipements de vidéo surveillance et de systèmes complexes de gestion des grands événements, en vue de notamment de la Coupe du monde de football de 2014 et des Jeux olympiques de 2016. Les programmes d’investissements développés par le DPF sont prévus jusqu’à l’horizon 2022 et des programmes similaires pourraient être initiés au profit d’autres services brésiliens, notamment du Secrétariat national à la sécurité publique.

2) L’accord de 1997

L’accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique signé le 12 mars 1997, ainsi que l’Accord de coopération relatif à la modernisation et à l’équipement du Département de la police fédérale (DPF) du ministère de la justice brésilien, ont concrétisé cette coopération, dont le dispositif s’est notablement renforcé au cours de la dernière décennie.

a) Les principaux volets de l’accord et son application

L’accord de partenariat et de coopération a été conclu afin de développer une « coopération technique et opérationnelle en matière de sécurité publique », et les Parties sont convenues de se prêter mutuellement assistance dans un certain nombre de domaines : la criminalité transnationale organisée ; le trafic illicite de stupéfiants et de leurs précurseurs ; l’immigration irrégulière ; le terrorisme, étant entendu que « cette coopération peut aussi être étendue à tous les domaines qui se révéleront utiles à l’exécution des objectifs » dont : le blanchiment d’argent ; le trafic d’armes ; la sécurité des ports, aéroports et frontières ; le maintien de l’ordre public ; la police technique et scientifique ; la gestion, le recrutement et la formation des personnels. ».

Les dispositions de l’accord détaillent les moyens de la coopération bilatérale selon les domaines concernés. En ce qui concerne la criminalité internationale, il s’agit en premier lieu d’échanges d’informations relatives aux personnes soupçonnées, aux méthodes et formes de la criminalité internationale, ainsi qu’aux résultats des recherches en la matière. Une assistance réciproque et des mesures de police coordonnées sont également prévues, de même que l’échange de spécialistes, chaque Partie pouvant être requise pour prendre des mesures policières prévues par sa législation. Un schéma identique, articulé sur l’échange d’informations, est défini en ce qui concerne la lutte contre la drogue ainsi qu’en matière de lutte contre le terrorisme. En sus de l’échange d’informations sur les filières et la fraude, la coopération pour prévenir et combattre l’immigration irrégulière prévoit surtout que chaque Partie contractante « coopère à l’identification, l’interpellation et la reconduite des immigrants irréguliers en provenance de son territoire. ».

Pour être relativement ancien, il faut souligner que cet accord n’en est pas moins d’application récente : il n’est en effet entré en vigueur que le 1er septembre 2007, compte tenu notamment de la complexité des procédures législatives brésiliennes qui en ont retardé la ratification. Un bilan précis de son application est par conséquent malaisé, en tout cas prématuré, mais il est surtout heureux de noter que ces retards n’ont pas empêché les deux Parties, comme votre Rapporteur l’a montré, de développer leur coopération bilatérale et d’engager leur partenariat sans attendre la pleine effectivité du texte.

Selon les indications obtenues, la mise en œuvre ne rencontre pas de difficultés majeures et celles qui sont relevées sont sans incidence sensible sur l’efficacité de la coopération policière.

C’est surtout l’organisation administrative et policière brésilienne, relativement complexe, qui s’avère porteuse de problèmes, d’autant que les entités fédérées disposent d’une compétence de principe pour les questions policières. La coopération et le développement des relations bilatérales doivent donc intégrer cet aspect, qui se traduit par un fonctionnement souvent cloisonné des services brésiliens, et une faible interconnexion de leurs bases de données. Une évolution en profondeur des pratiques des services policiers brésiliens sur ce plan n’est semble-t-il pas à attendre avant longtemps.

La seule réelle difficulté d’application de l’Accord, pour ce qui concerne la Partie française, pourrait résider dans la question des transferts de données à caractère personnel, la législation brésilienne n’offrant pas les garanties suffisantes. Elle n’empêche cependant pas le développement d’une coopération fructueuse. Votre Rapporteur reviendra sur cet aspect ultérieurement.

b) Un accord qui, pour les deux Parties, n’est pas isolé

Pour aucune des deux Parties, l’accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique n’est isolé.

C’est surtout le fait du Brésil qui a conclu des accords de coopération policière transfrontalière ou régionale, que ce soit sur des thématiques particulières ou plus générales, avec la quasi-totalité de ses voisins.

Avec l'Argentine, on peut ainsi notamment mentionner un accord de coopération sur la prévention de l’usage et la répression du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, complété par un Protocole additionnel sur les échanges d’informations policières. Un mémorandum d’entente bilatéral en matière de lutte contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu, de munitions, d’accessoires, d’explosifs et de matériels liés avait également été conclu antérieurement avec ce pays. Le Brésil est par ailleurs lié avec la Bolivie par un accord sur la lutte contre les drogues, le trafic de stupéfiants et la criminalité, depuis le 30 mars 2011. Un accord relatif au renforcement de la coopération policière en vue de la lutte contre la criminalité a également été conclu avec la Colombie le 1er septembre 2010 ; il a remplacé un mémorandum d’entente bilatéral sur la coopération policière, cependant qu’un groupe de travail bilatéral pour la répression de la criminalité et du terrorisme a par ailleurs été constitué entre les deux pays. C’est la question du trafic international des stupéfiants qui est l’objet des accords bilatéraux du Brésil avec le Paraguay, depuis 2009 et 2010, de même qu’avec le Pérou ou la Colombie (accord sur la lutte contre le trafic international des drogues, avec le Paraguay, 6 mai 2009 ; accord trilatéral portant sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée, signé avec la Colombie et le Pérou, du 20 juillet 2008). D’autres conventions existent enfin qui traitent de la coopération en matière de lutte contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu (accords trilatéraux avec la Colombie et le Paraguay), ou sur le sur le crime organisé (accord de coopération policière relatif à la lutte contre les trafics et le crime organisé en zone frontalière avec le Pérou, 25 novembre 2009 ; accord relatif à la coopération policière avec l’Uruguay, 24 avril 2004), ainsi qu’un accord quadripartite de coopération pour la répression des activités illicites transnationales par voie aérienne signé avec la Bolivie, l’Uruguay et Venezuela.

En d’autres termes, cet appareil conventionnel important traduit le souci relativement récent de la Partie brésilienne de mieux appréhender les questions de sécurité dans un cadre régional et sur des bases juridiques plus solides et tend à faire du pays un véritable pivot régional de la coopération policière. Ces textes permettent aussi le déploiement d’un réseau structuré d’officiers de liaison brésiliens sur l’ensemble du continent, et réciproquement, et contribuent à dynamiser la coopération opérationnelle régionale en la matière.

De son côté, notre pays n’est pas en reste dans la région, bien que d’une manière nécessairement plus modeste. Il n’est pas inutile de rappeler qu’un accord a été conclu avec le Suriname, relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, le 29 juin 2006. A ce jour, il n’a été ratifié que par la France, par la loi n° 2008-73 du 24 janvier 2008. Des raisons procédurales parlementaires surinamiennes existent qui expliquent pour partie le retard, mais on signale principalement un blocage politico-juridique, relatif à l’interprétation de certaines des dispositions de l’accord, quant à la question des patrouilles conjointes en zone frontalière. Selon les informations qui ont été communiquées, une ratification du texte d’ici à la fin de l’année serait désormais envisageable, les autorités surinamiennes ayant fait part de leur intention en ce sens, de même que pour un autre accord, de novembre 2004, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière.

Nonobstant, la Partie surinamienne fait preuve d’une certaine souplesse en acceptant depuis fin 2009 la mise en œuvre anticipée de certaines dispositions de l’accord, y compris la réalisation ponctuelle de patrouilles mixtes, et se montre à la fois réactive en ce qui concerne le traitement des problématiques communes de sécurité et à l’écoute des préoccupations exprimées par les services de l’Etat en Guyane, une stratégie commune de lutte contre l’essor de la criminalité dans la zone frontalière étant ainsi en cours de définition.

En d’autres termes, la coopération en matière de sécurité publique sur le sous-continent bénéficie désormais d’un ensemble important de conventions bilatérales couvrant les différentes problématiques en cause. Il est remarquable dans ce contexte que notre pays soit directement lié avec ses deux voisins régionaux qui flanquent la Guyane à l’ouest et au sud, le contexte de la zone imposant des solutions régionales.

B – Des éléments de contexte qui imposent des solutions régionales

Ainsi que le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi, la problématique de l’insécurité en Guyane est particulière et tient à de multiples facteurs qui justifient la création du Centre de coopération prévu par le protocole de septembre 2009. Il est en effet considéré que les phénomènes de délinquance transfrontalière pourraient se développer avec l’ouverture du pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane et l’État de l’Amapá.

1) Le contexte sécuritaire propre à la Guyane

Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur, la Guyane est l’un des départements français qui connaissent les niveaux de violence les plus élevés. Sa situation et ses caractéristiques ne sont pas étrangères à ce fait.

Ainsi, les atteintes volontaires à l’intégrité physique, « AVIP », tous types confondus, ont progressé en Guyane en 2010 de plus de 10 %, alors que la hausse moyenne dans les DOM-COM n’a été que d’environ 4 %. De même signale-t-on que le taux de criminalité s’élève à plus de 16 faits pour mille habitants, contre une moyenne nationale de 7,4 et une moyenne dans les DOM de 11,5. En ce qui concerne les atteintes aux biens, si la situation est aujourd’hui stabilisée, des taux comparables à celui de la métropole, et bien supérieurs à ceux des autres DOM, y sont enregistrés, tandis que la délinquance d’opportunité et de proximité contribue de manière importante au sentiment local d’insécurité.

Plusieurs facteurs et dynamiques convergents peuvent contribuer à expliquer ces phénomènes.

En premier lieu, comme le précise l’étude d’impact, la géographie de la Guyane, région de fleuves et de forêts, en fait un territoire propice à une immigration clandestine d’envergure ainsi qu’aux trafics les plus divers, l’orpaillage illégal bien évidemment, avec tous ses effets connexes sur lesquels notre commission a déjà eu l’occasion de se pencher, mais aussi des trafics d’espèces protégées, d’armes et de stupéfiants, des transferts de valeurs et la prostitution.

Sur le plan humain, on relève la croissance démographique très forte, qui a vu la population guyanaise doubler en moins de 20 ans, et passer de 115 000 habitants en 1990 à plus de 230 000 en 2009. Les projections, tenant compte des taux de natalité locale et des phénomènes migratoires, conduisent par ailleurs à une estimation de 425 000 habitants à l’horizon 2030. Dans un tel contexte, les structures sociales et de protection de la jeunesse apparaissent d'ores et déjà sous-dimensionnées et peinent à remplir leur mission, en témoignent notamment les taux de récidive des mineurs et la progression constante de l’usage des stupéfiants dans la jeunesse. C’est sur cette toile de fond que des phénomènes relativement nouveaux pour la Guyane sont apparus, tel celui des gangs, à l’instar de ce qui existe dans nombre d’autres régions latino-américaines.

A cela s’ajoutent d’autres problématiques, et notamment celle de la hausse de la délinquance commise par des étrangers en situation irrégulière, en provenance du Suriname, du Guyana, d’Haïti et du Brésil. A titre d’illustration, les Brésiliens représentent 60 % des étrangers mis en cause pour la commission d’une infraction contre les personnes ou les biens. Le différentiel de niveau de développement entre la Guyane, enclave européenne en Amérique latine, et son environnement régional, la rend en effet très attractive pour les ressortissants des Etats frontaliers et les groupes criminels. On constate ainsi une forte augmentation de l’immigration irrégulière et d’une certaine délinquance qui lui est liée, principalement dans les villes de Saint-Laurent-du-Maroni, - principale porte d’entrée sur le territoire français pour les migrants surinamais et guyanais, ainsi que pour une majorité de ressortissants brésiliens -, de même qu’à Kourou et Cayenne, dont les communes périphériques voient l’installation temporaire ou définitive d’immigrés illégaux. On considère par ailleurs que si l’orpaillage clandestin reste pour l’heure essentiellement cantonné au milieu forestier, l’ouverture prochaine du pont sur le fleuve pourrait à son tour favoriser l’implantation de communautés brésiliennes dans les villes du littoral guyanais.

Pour traiter ces aspects, jusqu’à récemment, une antenne du SSI était basée à Macapá, capitale de l’Etat de l’Amapá frontalier. Cette antenne a été fermée à la fin de l’année 2010, dans la perspective de la mise en œuvre du protocole additionnel du 7 septembre 2009, et de la création du centre de coopération policière, CCP, à Saint-Georges de l’Oyapock, que votre Rapporteur présentera plus bas en détail.

2) L’environnement régional immédiat

Il est aussi nécessaire de noter que l’environnement régional immédiat de la Guyane n’est pas de nature à laisser penser que le pont sur l’Oyapock pourrait avant tout induire un développement socio-économique des deux régions. Et ce sont plutôt les risques de développement d’une délinquance transfrontière dont est porteuse cette liaison qui ont motivé l’adoption du protocole additionnel et l’implantation d’un centre de coopération policière sur place. Selon votre Rapporteur, l’analyse des réalités régionales confirme la justesse de cette précaution.

L'Amapá, qui fait face à la Guyane de l’autre côté du fleuve Oyapock, est l’un des Etats les moins peuplés du Brésil. C’est aussi l’un des plus pauvres. Sa population, d’environ 630 000 habitants, est à 94 % urbaine et ne représente que 0,2 % de la population totale du Brésil. Elle ne contribue à la richesse nationale qu’à hauteur de 0,2 % également. L’État de l’Amapá est aussi le moins déboisé du Brésil, la forêt couvrant encore 70 % de sa superficie, et il a conservé une large part de sa végétation originelle. Macapá, seule capitale d’Etat située sur le fleuve Amazone, ne dispose d’aucune liaison routière avec les autres capitales d’Etat du Brésil, et l’avion et le bateau sont les seuls moyens de l’atteindre.

Selon la note du service économique régional de l’ambassade de France au Brésil, l’économie de l’Etat repose principalement sur les activités d’exploitation minière et forestière (manganèse, or, bois), sur une production agricole articulée autour du riz, du manioc et des haricots, tandis que l’élevage y est peu développé. Il n’est pas surprenant dans ces conditions, que sur le plan industriel, dominent les entreprises des filières minières et forestières, qui représentent à elles seules 90 % des exportations de l'Etat, qui sont au demeurant modestes, moins de 200 millions de dollars par an. La France se classe au 15e rang des clients de l’Etat, loin derrière le Bahreïn et la Chine, qui absorbent à eux deux les deux tiers des exportations de l’Amapá.

Ces éléments sont clairement de nature à relativiser les perspectives et retombées que l’on pourrait espérer, à court et moyen termes tout du moins, d’un tel ouvrage d’art. Dans la mesure où l’Amapá est l'unique État de la Fédération à n’être pas relié par route à aucun autre État, la liaison ainsi établie ne peut, dans un premier temps, être bénéfique qu’aux seuls échanges locaux. Il y a en conséquence peu d’espoir d’un réel impact sur le développement des échanges qui, depuis la Guyane, pourraient intéresser d’autres régions brésiliennes plus lointaines ; d’un impact, par conséquent, sur nos échanges bilatéraux à grande échelle. D’autre part, à l’isolement géographique de l’Amapá s’ajoute la structure de son tissu socio-économique, qui semble trop proche de celui de la Guyane pour pouvoir être considéré comme suffisamment complémentaire pour entraîner, lui aussi, un véritable développement des échanges transfrontaliers.

En d’autres termes, l’intérêt premier de l’ouvrage sur l’Oyapock se situe sur ce qu’il symbolise de la relation bilatérale entre nos deux pays, sur ses aspects stratégiques et politiques essentiels, bien plus que sur les effets et retombées concrètes qu’il pourra apporter au développement de la région. L’intérêt du CCP n’est apparaît que plus clairement.

II – LE PROTOCOLE DU 7 SEPTEMBRE 2009

A – Les motivations de l’accord et les attentes

Le protocole a pour finalité la création du Centre de coopération policière, qui sera basé à la frontière entre les deux pays. Il s’agit pour les Parties de faire face à l’accroissement des trafics qu’engendrera le pont entre la Guyane et l’Amapá et de tenter de lutter contre les phénomènes de délinquance transfrontalière, qui pourraient profiter d’une nouvelle opportunité. En conséquence, deux missions sont assignées au Centre. En premier lieu, l’approfondissement de la coopération transfrontalière par l’échange d’informations en matière policière dans les domaines de coopération prévus par l’accord du 12 mars 1997. En second lieu, l’amélioration des échanges réguliers d’informations et de l’étude des méthodes, tendances et activités des auteurs d’infractions dans les domaines précités sur la frontière entre le département de la Guyane française et le Brésil.

L’étude d’impact souligne l’importance de l’objectif politique et stratégique de ce protocole, en premier lieu dans le cadre des relations bilatérales que la France entretient avec le Brésil. Il traduit la volonté commune d’intensifier une relation de partenariat bilatéral déjà riche. Il permet de réaffirmer la dimension américaine de la France, cette coopération transfrontalière permettant de mieux insérer la Guyane dans son environnement géographique : à l’heure où les enjeux de sécurité sont importants et transnationaux, particulièrement dans le domaine des trafics de stupéfiants, ou des atteintes à l’environnement, où les solutions mises en œuvre le sont via une approche régionale, - cf. les nombreux accords que le Brésil a signés avec ses voisins -, la France, plus présente, sera mieux à même d’apporter son expérience dans les débats régionaux, en termes de bonnes pratiques, d’échanges d’informations ou de collaboration avec les différentes forces de police.

Enfin, le Centre de coopération policière est présenté comme devant également être un laboratoire de la coopération transfrontalière hors de l’espace Schengen.

B – Le contenu de l’accord

1) Les principales dispositions du texte

Le texte du protocole est bref. Il se compose d’une douzaine d’articles qui, pour l’essentiel, n’appellent pas de commentaires très importants. Il s’agit essentiellement de décliner et de rendre opérationnel au niveau local les dispositions de l’accord de 1997 qui a posé les bases du partenariat en matière de sécurité publique entre les deux pays, et qui fonctionne parfaitement, ainsi que votre Rapporteur l’a rappelé.

a) Les dispositions relatives à l’organisation du Centre

Le premier article indique que le Centre de coopération policière est établi à la frontière entre le Brésil et la France et que dans un premier temps, il sera situé en territoire français pour une durée de trois ans, au terme de laquelle sera déterminée sa localisation définitive. Le centre accueillera des agents de la police et de la gendarmerie nationales, pour la partie française, et de la police fédérale, pour la partie brésilienne. Il est prévu que trois gendarmes et un policier y soient affectés, qui seront hébergés, selon ce qu’indique l’étude d’impact, dans les locaux de la brigade de gendarmerie d'Oyapock, en lieu et place de logements de passage réservés aux gendarmes mobiles et aux contractuels. Le coût de l’installation du CCP sera donc modeste puisque reposant sur des locaux de gendarmerie préexistants.

L’article 6 du protocole précise que les deux Parties participent au financement du Centre en assumant leurs dépenses d’équipement et de fonctionnement respectives, dans le respect et la limite de leurs disponibilités budgétaires. Chacune des Parties prenant à sa charge toutes les dépenses d’installation de mobilier, télécommunications et informatique destinés à ses agents.

Un coordinateur est désigné par chacune des parties, qui assure la liaison entre elles, est responsable du fonctionnement des services qu’il représente et exerce son autorité sur les agents de sa nationalité, qui doivent suivre ses instructions. Pour ce qui concerne la partie française, cette responsabilité sera assumée par l’un des gendarmes, étant entendu que le CCP est placé sous l’autorité du préfet de Guyane, et qu’il constituera une unité distincte d’un point de vue organisationnel de la brigade de Saint Georges de l'Oyapock.

Quant au statut des agents affectés au centre, il est précisé à l’article 5 du protocole qu’en cas d’intervention sur le territoire de l’autre Partie, ils restent soumis aux dispositions en vigueur dans leur pays d’origine pour tout ce qui est lié au service, notamment en matière disciplinaire, et qu’ils bénéficient de l’immunité de juridiction civile et pénale de cette Partie pour les actions menées dans l’exercice de leurs fonctions, dans les strictes limites de leurs compétences respectives. L’usage de l’uniforme et le port d’arme de service leurs sont autorisés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions ou en raison de celles-ci, étant entendu que les armes de service, munitions et éléments de l’équipement ne peuvent être utilisés par les agents du Centre qu’en cas de légitime défense ou de défense d’un tiers, également dans l’exercice de leurs fonctions.

b) Les dispositions relatives aux missions du Centre

Les missions du Centre sont décrites à l’article 2 du protocole et sont à lire en regard des dispositions correspondantes de l’accord initial de 1997. Le centre a tout d’abord pour mission d’approfondir la coopération transfrontalière par l’échange d’informations en matière policière, dans les domaines de coopération prévus par l’Accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique du 12 mars 1997, à l’exclusion du terrorisme. Le second objectif assigné au CCP est d’améliorer les échanges réguliers d’informations et l’étude des méthodes, tendances et activités des auteurs d’infractions dans les domaines précédemment mentionnés sur la frontière entre la France et le Brésil. Ces échanges pouvant être réalisés spécialement au moyen d’une assistance technique. Il est aussi précisé que le Centre n’est pas compétent pour réaliser de manière autonome des interventions à caractère opérationnel et qu’il est à la disposition de la gendarmerie nationale et de la police nationale françaises et de la police fédérale brésilienne, ainsi que de « tout autre autorité ou service, français ou brésilien, désigné après accord entre les deux Patries sous forme d’échanges de lettres ». Disposition opportune dans la mesure où ce sont évidemment des problématiques locales qui seront traitées par le centre et que les forces de police de l'Etat fédéré d’Amapá ont sans doute plus vocation à intervenir que les forces fédérales.

L’article 2 précise aussi que le terrorisme est un domaine de coopération exclu du champ du présent protocole et de la compétence du centre, à la différence de l’accord de 1997. L’étude d’impact précise à cet égard en effet que le terrorisme relève de l’Unité de Coordination de la Lutte Anti Terroriste, UCLAT, placée directement auprès du Directeur général de la police nationale au ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales. En d’autres termes, ce sont la criminalité organisée, le trafic illicite de stupéfiants et l’immigration irrégulière qui sont au cœur de la compétence du centre. Les domaines connexes précisés par l’accord de 1997, blanchiment et autres, sont évidemment concernés par le protocole.

La liste n’est pas exhaustive et, dans la mesure où la lutte contre l’orpaillage illégal, les trafics liés, la destruction des forêts et tous les autres trafics dont la région pâtit est devenue une priorité de la coopération bilatérale, il faut évidemment les comprendre parmi les missions du CCP. La lutte contre l’orpaillage illégal, tout particulièrement, doit figurer parmi ses priorités, ne serait-ce que pour donner un contenu opérationnel à l’accord que les deux Parties ont récemment conclu dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (1).

2) La question de la transmission des informations

L’article 3 du protocole porte sur le traitement et la protection des informations échangées entre les représentants des organes administratifs des Parties et précise qu’il est effectué dans le respect des législations nationales respectives et en conformité avec l’article 11 de l’accord de partenariat et de coopération en matière de sécurité publique du 12 mars 1997. A cet effet, il est indiqué que les Parties prennent les mesures nécessaires pour garantir la confidentialité et la sécurité matérielle des données échangées au sein du Centre et que l’accès à l’une quelconque des informations résultant des activités de coopération policière est exclusivement réservé aux services de sécurité publique des Parties visés au protocole.

L’étude d’impact indique en outre que le Brésil ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel, au sens où l’entendent la CNIL ou la Commission européenne. N’étant pas membre de l’Union européenne, ni adhérent à la convention du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981 sur la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, le Brésil ne pourra se voir transférer de telles informations que lorsqu’il assurera un niveau de protection suffisant. Dans cette attente, l’accord ne permettra de développer que l’échange d’informations autres que les données à caractère personnel.

Votre Rapporteur s’est interrogé sur cet aspect du protocole. Il lui a été indiqué en premier lieu que l’échange d’informations issues de l’analyse générale de phénomènes criminels et d’études prospectives, de travaux consacrés à des modes opératoires criminels, de résultats d’analyses de substances et de produits, ne posait pas de difficulté particulière. Il s’effectue à l’heure actuelle dans le respect des dispositions de l’article 12 de l’accord de 1997 qui porte sur la confidentialité de certains documents. Ces informations constituent d’ailleurs une part importante des échanges de bonnes pratiques policières et offrent un matériau utile aux rapprochements et vérifications dans le cadre de la police judiciaire.

A l’heure actuelle, le transfert de données à caractère personnel des services brésiliens vers les services français ne pose pas de difficultés juridiques, puisque la Partie française offre un régime de protection excédant celui du droit brésilien. Dans la pratique, de tels transferts s’effectuent sans problème, en dehors de deux types de données dont la transmission est soumise à une procédure d’autorisation particulière par la loi brésilienne, les données téléphoniques et bancaires. Les transferts de données à caractère personnel des services français vers les services brésiliens s’avèrent en revanche de facto impossibles à mettre en œuvre en raison de l’état du droit national brésilien. Les dispositions de l’article 3 du Protocole additionnel du 7 septembre 2009, ne font que confirmer ces points, et rien ne sera modifié tant que le Brésil ne satisfera pas aux exigences françaises en matière de protection des données à caractère personnel.

CONCLUSION

Avec ce texte, la France et le Brésil complètent encore un dispositif conventionnel bilatéral déjà étoffé.

Votre Rapporteur ne peut que vous recommander d’en autoriser la ratification, considérant naturellement comme très opportun de donner à un accord général et de caractère national en matière de sécurité publique, l’accord de partenariat de 1997, un contenu concret et opérationnel dans une zone dans laquelle les questions de délinquance et de trafics sont des plus cruciales. Dans la pratique, des échanges d’informations peuvent d’ailleurs être d'ores et déjà réalisés compte tenu de la présence en Guyane française de deux officiers de liaison du DPF brésilien, dont l’un est d’ailleurs basé à Saint-Georges de l’Oyapock, préfigurant le premier agent inséré au sein du centre, lorsque celui-ci sera officiellement activé.

Selon les informations récemment obtenues, la procédure d’approbation parlementaire du protocole a débuté du côté brésilien à l’automne 2010, sans qu’il soit cependant possible de préjuger de sa durée, compte tenu notamment du fait que plusieurs commissions au sein de chaque chambre doivent se prononcer. Il est cependant signalé que deux des quatre commissions parlementaires de la Chambre des députés ont d'ores et déjà approuvé le Protocole additionnel, ce qui augure favorablement de l’engagement des autorités brésiliennes à le ratifier dans un délai raisonnable, probablement inférieur aux 10 années qui avaient été nécessaires pour la ratification de l’accord de 1997.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 28 septembre.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. le président Axel Poniatowski. En préalable au débat, je vous informe que nos collègues Eric Raoult et Jean-Paul Dupré sont cette semaine en Guyane dans le cadre de la mission d’information sur la France d’Outre-mer français et ses voisins. Leurs travaux s’intéressent donc à cet aspect de la question.

M. Jean-Louis Christ. J’ai eu l’occasion de me rendre récemment en Guyane. 70 % de la population carcérale y est d’origine étrangère et la violence est très importante. La coopération avec le Brésil ne peut être efficace que si la même démarche est initiée avec le Suriname. Est-ce le cas et se dirige-t-on vers une coopération tripartite ?

M. Philippe Cochet, rapporteur. Il s’agit d’une remarque pertinente. Un accord a été signé avec le Suriname mais n’a pas encore été ratifié par ce pays. Il est naturellement complémentaire du Protocole.

M. Jacques Remiller. Des actions sont-elles conduites par l’Etat brésilien pour lutter contre la corruption de la police brésilienne ? Par ailleurs, je m’interroge également sur la coopération avec le Suriname, notamment en matière de lutte contre l’immigration illégale ; même si le pont sur l’Oyapock devrait apporter un grand changement. Il faut aussi tenir compte de l’immigration illégale entre le Suriname et le Brésil.

M. Philippe Cochet, rapporteur. L’accord que nous examinons organise un échange d’informations. Bien entendu, il faut espérer que les personnes en charge de ce dossier seront imperméables aux réseaux, mais il ne faut pas faire un procès d’intention. Concernant le Suriname, je répète qu’un accord a été signé mais n’est pas en vigueur. Le fait que l’ouverture du pont intervienne dès la fin de cette année va dans le bon sens.

M. Dominique Souchet. Je poserai trois questions. Quel types de stupéfiants sont concernés par l’accord et s’agit-il aussi de lutter contre le trafic destiné à la consommation locale, particulièrement la jeunesse ? Nos accords avec le Brésil prévoient-ils une clause de réadmission ? Enfin, dispose-t-on d’un bilan opérationnel de l’accord de 1997 ?

M. Philippe Cochet, rapporteur. Concernant le trafic de stupéfiants, il y a une consommation locale mais l’on sait surtout que la région est un point d’entrée pour disséminer la drogue ailleurs. Concernant nos accords avec le Brésil, il existe des accords de reconduite, mais les choses ne sont pas si simples. Se pose notamment le problème des femmes enceintes qui viennent accoucher en Guyane. Surtout, il faut mesurer la complexité d’une surveillance à assurer sur des centaines de kilomètres de frontières. Il est difficile de tenir une comptabilité. Enfin, il n’existe pas de véritable évaluation de l’accord de 1997. C’est la raison pour laquelle le Protocole prévoit des rencontres deux fois par an pour assurer le suivi de l’application de l’accord.

M. Jean-Paul Lecoq. Le dispositif fonctionne plutôt bien compte tenu des moyens à la disposition des équipes, que ce soit des policiers ou des gendarmes, qui font preuve d’une grande motivation. Un policier brésilien a même été sélectionné pour travailler à Interpol. Le problème des moyens demeure, qu’il s’agisse de payer les indispensables interprètes, en matière de circuit judiciaire transitant par la Martinique ou la Guadeloupe, ou du renouvellement des matériels de surveillance au regard des conditions climatiques. Maintenant que du pétrole a été découvert, les choses changeront peut-être !

M. Philippe Cochet, rapporteur. Le coût de la création du nouvel outil est évalué à 87 500 euros, auxquels s’ajoutent 20 000 euros de matériels et 20 000 euros de maintenance annuelle. Ce dernier montant serait peut-être à revoir, mais s’agissant d’un outil d’information, la dotation me semble raisonnable.

Mme Henriette Martinez. Malgré l’aspect vertueux de l’accord, si la frontière avec le Suriname ne bénéficie pas d’une plus grande surveillance, le contenu de l’accord se réduira comme peau de chagrin. Lorsque l’on se rend sur le fleuve Maroni, on constate que des Brésiliens ont bien installé leur trafic sur les berges côté Suriname. La mission de nos collègues sur place sera tout à fait utile.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Pour qu’un accord soit signé et entre en vigueur, il faut deux partenaires. La volonté politique semble présente pour que la ratification de l’accord par le Suriname aboutisse d’ici la fin de l’année.

M. André Schneider. Tout vertueux que soit l’accord, il existe une forte corruption dans la police brésilienne. On dit que les dénonciations sont sélectives. Quel est votre sentiment personnel sur la mise en œuvre de l’accord et ses effets ?

M. Philippe Cochet, rapporteur. Il me semble d’abord qu’un message fort est donné avec l’ouverture du pont sur l’Oyapock. Ensuite, certes la corruption existe, mais l’objectif initial est d’échanger sur les techniques et la manière dont les réseaux opèrent. C’est donc très positif. Les rencontres deux fois par an me semblent aussi constituer un point important pour l’application de l’accord. Le Protocole, je le rappelle, prévoit la création d’un centre de coopération policière en vue de renforcer l’échange d’informations.

M. Jean-Paul Bacquet. Le rapport proposé est excellent et le rapporteur a raison d’entourer son commentaire d’un grand nombre de réserves. Je formulerai quelques remarques. Au centre de rétention de Cayenne, la préoccupation principale des gardiens est d’éviter les viols. Pour le reste, ils savent que les délinquants reviendront. La violence est très élevée et il faut être courageux pour se rendre en jungle où l’on tire sans sommation. On sait également que les bases logistiques brésiliennes se situent en territoire surinamien. Les taux de tuberculose et de sida sont parmi les plus élevés du monde. La prostitution est endémique. Le problème des naissances à l’hôpital de Saint-Laurent du Maroni est bien connu. Lorsque l’Agence française du développement défend son financement d’un hôpital au Suriname en soulignant que des Guyanais pourront ainsi bénéficier de soins ophtalmiques de l’autre côté de la frontière, elle oublie que les conséquences ne sont pas les mêmes que les naissances. Quant à la corruption, la tentation est forte quand on compare le salaire d’un policier et les revenus d’un trafiquant.

M. Philippe Cochet, rapporteur. L’accord ne constitue pas l’alpha et l’oméga des mesures permettant d’apporter des solutions à tous les problèmes mais il permettra de disposer d’informations utiles.

M. Jean-Paul Bacquet. Il y a vingt ans la Guyane perdait des habitants. Aujourd’hui on assiste à une augmentation exponentielle de sa démographie. C’est en termes de sécurité et de santé publique que le problème se pose désormais.

M. François Loncle. Nous devons avoir une position équilibrée. Les interventions précédentes ne sont pas inexactes mais il ne faut pas donner l’impression que l’on compare un territoire français exemplaire où les problèmes sont maîtrisés et un pays, le Brésil, où les policiers sont corrompus et incapables d’assurer la sécurité. Le Brésil est un grand pays. Sa présidente Dilma Rousseff a fait de la sécurité une de ses priorités. On ne mesure pas assez en France la puissance des BRICS. Il n’est pas souhaitable de donner des leçons à l’occasion du vote d’une disposition utile que je soutiens. Les relations franco-brésiliennes ont déjà été ternies ces derniers mois.

M. Rudy Salles. Il ne s’agit pas de donner des leçons mais de souligner la difficulté à lutter contre l’immigration clandestine. Le constat dressé il y a dix ans déjà soulignait déjà le problème sanitaire posé au Suriname et le faible effectif des policiers et du personnel de la justice en Guyane. Le Suriname est un pays en grande difficulté. On ne peut que regretter que l’accord signé avec lui ne soit pas en vigueur.

M. Philippe Cochet, rapporteur. Le Brésil n’est pas un pays uniforme. L’Amapá est la région la plus pauvre et les Brésiliens n’en ont pas toujours une bonne opinion. Il est heureux que le changement de Président n’ait pas remis en cause nos relations. Mais ne donnons pas à cet accord un objet plus ambitieux que le sien : celui d’être un bel outil pour améliorer l’information.

M. Jean-Luc Reitzer. Je suis rapporteur de la Mission d’information sur l’Amérique latine. L’accord avec le Brésil est positif et même indispensable. Il s’agit d’une région particulièrement dangereuse. Sans remettre en cause la puissance et le potentiel du Brésil, beaucoup de nos contacts ont confirmé les conditions inhumaines de nos concitoyens emprisonnés au Brésil. Y a-t-il eu des demandes de contrepartie portant sur cette question lors de la négociation de l’accord ?

M. Philippe Cochet, rapporteur. Non. Les questions ont été dissociées. Mais je veux rappeler que la société brésilienne est d’une violence inouïe, même si elle est en diminution. Ce sont des dizaines de milliers de morts qui sont enregistrées chaque année dans les grandes villes. Il faut donc tenir compte de toutes les réalités du Brésil. J’insiste à nouveau sur l’impact en termes de sécurité de l’ouverture prochaine et attendue du pont sur l’Oyapock.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 3139).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation du protocole additionnel à l’accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d’un Centre de coopération policière, signé à Brasilia, le 7 septembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte du protocole additionnel figure en annexe au projet de loi (n° 3139).

© Assemblée nationale

1 () Voir le rapport n° 3314 de notre collègue Christiane Taubira, 6 avril 2011.