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N° 4338

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances rectificative pour 2012,

PAR M. Yves BUR,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4332, 4339.

INTRODUCTION 5

I.- L’AMÉLIORATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES 7

A. UN IMPÉRATIF DE COMPÉTITIVITÉ 7

1. L’effort doit porter sur l’ensemble des facteurs concourant à la compétitivité 7

2. La baisse du coût du travail est nécessaire 8

3. Plusieurs mécanismes déjà en vigueur peuvent s’analyser comme des transferts de ressources fiscales au profit de la protection sociale 10

4. Les exemples étrangers plaident en faveur de tels transferts 11

5. De nombreux rapports et études concluent à la pertinence d’une « TVA compétitivité » 12

a) Les rapports d’initiative gouvernementale 12

b) Les rapports d’initiative parlementaire 16

B. LE DISPOSITIF D’ALLÉGEMENT DES COTISATIONS PATRONALES AFFECTÉES À LA BRANCHE FAMILLE 17

1. La baisse des cotisations sociales patronales 17

2. L’affectation de ressources de compensation à la branche famille 21

a) La majoration du taux normal de TVA 21

b) La majoration du taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placements 23

3. Le mécanisme de compensation 24

II.- LE RENFORCEMENT DE L’INCITATION FINANCIÈRE À L’EMBAUCHE DE JEUNES EN ALTERNANCE PAR LES GRANDES ENTREPRISES 29

A. L’ALTERNANCE, UNE CHANCE D’INSERTION PROFESSIONNELLE SUPPLÉMENTAIRE 29

B. UNE MESURE QUI S’INSCRIT DANS UNE POLITIQUE ACTIVE DE DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE 31

1. Des dispositifs conjoncturels destinés à atténuer les effets de la crise économique 31

2. La réforme de la formation professionnelle 32

3. Un nouveau train de mesures structurelles en 2011 32

4. Des résultats encourageants 34

C. UNE OUVERTURE ENCORE INSUFFISANTE DES GRANDES ENTREPRISES À L’ALTERNANCE 34

D. L’EFFICACITÉ DÉMONTRÉE DES OBLIGATIONS DE FAIRE ASSORTIES DE PÉNALITÉS FINANCIÈRES 35

1. L’exemple de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés 35

2. L’exemple de l’obligation de mettre en place un plan d’action pour l’emploi des seniors 37

E. LA RÉFORME PROPOSÉE 37

1. Le droit en vigueur 37

a) Un dispositif créé en 2006 37

b) Un dispositif renforcé en 2011 38

2. La mesure proposée 39

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

INTRODUCTION

La crise économique et financière que nous traversons depuis l’automne 2008, la plus grave depuis celle de 1929, interdit l’immobilisme et l’attentisme. L’heure n’est ni à la résignation, ni à la pusillanimité, bien au contraire : le fait que le Gouvernement assume toute sa responsabilité jusqu’à la fin de la présente législature n’est donc pas seulement légitime, mais relève aussi de son devoir. Et il est de son devoir, dans la période que nous traversons, de poursuivre les actions déjà engagées depuis trois ans et visant, tant à l’échelon national qu’auprès de nos partenaires européens et du reste du monde, à atténuer les effets de cette crise et à y trouver une issue favorable.

Votre rapporteur se félicite donc des mesures annoncées par le président de la République, notamment au cours de son intervention télévision du 29 janvier dernier, dont plusieurs trouvent leur traduction dans le présent projet de loi de finances rectificative pour 2012. Deux d’entre elles intéressent plus particulièrement notre commission des affaires sociales.

L’article 1er marque une nouvelle étape dans le processus de modernisation des modalités de financement de notre protection sociale, tout en ayant pour objectif principal l’amélioration de la compétitivité de notre économie, orientation que votre rapporteur soutient de longue date.

L’article 8 s’inscrit dans une politique cohérente et continue de développement des formations en alternance, dont il est désormais établi qu’elles améliorent fortement les chances d’insertion professionnelle et constituent donc une des réponses les plus adaptées à cet échec collectif qu’est, depuis plusieurs décennies, le chômage des jeunes.

I.- L’AMÉLIORATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES

Une décennie entière sans excédent commercial et des déficits croissants, année après année, atteignant près de 70 milliards d’euros en 2011, alors que l’Allemagne, dans le même temps, avec laquelle notre déficit dépasse 15 milliards d’euros, affiche un excédent de 158 milliards d’euros : un tel constat suffit à démontrer que notre pays souffre d’un problème de compétitivité, car l’évolution du taux de change et des prix de l’énergie n’est pas la seule cause de cette dégradation. Et l’enjeu ne se situe bien évidemment par rapport à notre principal partenaire commercial, car la plupart des autres pays européens se sont engagés dans une politique de rétablissement de leur compétitivité.

A. UN IMPÉRATIF DE COMPÉTITIVITÉ

Regagner des parts de marché suppose de renforcer notre compétitivité, ce qui nécessite d’intervenir sur trois facteurs : le coût mais aussi la capacité d’innovation et l’environnement normatif. La présente réforme, centrée sur les coûts, doit donc s’inscrire dans le cadre plus global d’une politique de soutien à notre appareil productif.

Avant de procéder à la présentation du dispositif gouvernemental, il convient donc de rappeler les efforts déjà accomplis ou restant à accomplir en matière d’innovation et de normes, susceptibles de produire pleinement leurs effets à un horizon assez éloigné. Il faut en outre se souvenir que plusieurs mécanismes déjà en vigueur peuvent s’analyser comme des transferts de ressources fiscales au profit de la protection sociale, que les exemples étrangers plaident en faveur de tels transferts et que de nombreux rapports ou études concluent à leurs incidences potentiellement bénéfiques.

1. L’effort doit porter sur l’ensemble des facteurs concourant à la compétitivité

S’agissant d’abord de l’innovation, elle est essentielle à l’amélioration de la qualité. Ainsi, on sait que c’est la combinaison optimale du coût de production avec un haut niveau de qualité qui a durablement assuré le succès de l’Allemagne dans certains secteurs, l’exemple-type en étant l’automobile.

De ce point de vue, plusieurs dispositifs ont été mis en place dans notre pays au cours des dernières années et concourent à renforcer la qualité de notre appareil productif.

C’est d’abord le cas du crédit d’impôt recherche (2,3 milliards d’euros en 2012), dont le succès n’est pas contesté ; le renforcement de ce dispositif sera même souhaitable dès que l’état de nos finances publiques le permettra. Ensuite, la création de pôles de compétitivité et l’autonomie accordée aux universités contribuent également à soutenir l’innovation. Dans cet esprit, l’affectation des sommes collectées au travers du grand emprunt a marqué une rupture salutaire, renonçant au « saupoudrage » coutumier pour se concentrer sur un nombre relativement restreint de projets d’excellence. Enfin, le financement de l’innovation et de la croissance des PME et des entreprises de taille intermédiaire bénéficie du renforcement des moyens d’OSEO.

Pour ce qui est de l’environnement normatif, une indispensable action de simplification des textes législatifs a été engagée à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann : difficile à mettre en œuvre, ce processus doit pourtant impérativement être poursuivi avec constance et même étendu, pendant que le pouvoir exécutif s’attachera lui-même à accomplir le même travail pour les textes réglementaires. Le gouvernement italien vient de donner l’exemple, en adoptant à la fin du mois dernier un très important train de mesures de simplification, notamment en matière de création d’entreprise.

2. La baisse du coût du travail est nécessaire

La présente réforme s’inscrit dans le prolongement, dans le domaine fiscal, de la substitution à la taxe professionnelle de la contribution économique territoriale, qui a déjà permis de réduire de 6 milliards d’euros la pression pesant sur les entreprises. En outre, le coût du travail peu qualifié est fortement diminué par le jeu de la réduction générale de cotisations sociales patronales (« réduction Fillon »), pour un montant global de l’ordre de 20 milliards d’euros.

Mais notre déficit de compétitivité impose une étape supplémentaire, davantage tournée vers l’emploi plus qualifié, celui qui, au travers des entreprises recourant fortement aux technologies les plus avancées, joue un rôle important à l’exportation.

L’idée consistant à transférer des entreprises vers les importations et, au-delà, vers des ressources fiscales une partie du poids du financement de la protection sociale n’est pas nouvelle. Elle tient son origine du constat selon lequel le poids des charges sociales est supérieur en France par rapport aux autres États-membres de l’Union européenne et est plus sensible au fur et à mesure que le montant du salaire s’élève.

La comparaison avec l’Allemagne, notre principal partenaire commercial, est éclairante, ainsi qu’il ressort du tableau ci-contre, figurant dans l’évaluation préalable présentée à l’appui de l’article 1er et comparant les charges pesant sur la rémunération d’un salarié à temps plein non-cadre inférieure à un plafond de sécurité sociale et ne bénéficiant pas d’allégements de cotisations.

Taux de cotisations sociales en Allemagne et en France

(en % du salaire brut)

 

Allemagne

France

Salarié

Employeur

Ensemble

Salarié

Employeur

Ensemble

Maladie

9,43

8,28

17,70

0,75

13,10

13,85

Retraite

9,95

9,95

19,90

6,75

9,90

16,65

Famille

-

-

-

-

5,40

5,40

Accidents du travail

-

1,30

1,30

-

2,40

2,40

Chômage

1,50

1,50

3,00

2,40

4,40

6,80

Retraite complémentaire

-

-

-

3,80

5,70

9,50

Apprentissage, formation, logement, construction

-

-

-

-

2,85

2,85

Total

20,88

21,03

41,90

13,70

43,75

57,45

L’évaluation préalable estime donc que pour un coût du travail 4 000 euros, une entreprise française acquitte 1 200 euros de cotisations patronales contre 700 euros seulement pour une entreprise allemande.

De même, dans la circonscription de votre rapporteur, limitrophe de l’Allemagne, une entreprise employant une centaine de salariés dans le secteur agro-alimentaire, confrontée à des difficultés financières vitales, a évalué l’incidence d’une délocalisation éventuelle à seulement quelques kilomètres, de l’autre côté de Rhin : cette installation en Allemagne lui permettrait de réaliser une économie de 700 000 à 1 million d’euros sur ses charges, suffisante pour assurer sa survie.

Cet obstacle à la compétitivité des entreprises peut être levé en tout ou partie en transférant vers des ressources de nature fiscale, et plus particulièrement vers la TVA, une partie du financement de la protection sociale assurée jusqu’alors par les cotisations sociales patronales. Il ne s’agit donc ni d’augmenter les recettes des régimes sociaux ni de créer un impôt nouveau, mais de répartir différemment la charge du financement.

Cette démarche s’inscrit dans une double tendance :

– l’élargissement de l’assiette des prélèvements de sécurité sociale à tous les revenus, entamé avec la création de la CSG, d’une part ;

– la politique de réduction des charges sociales patronales au travers de la mise en place d’allégements généraux et ciblés, d’autre part.

Elle rejoint également les débats de ces vingt dernières années sur l’équité de l’assiette du prélèvement social, exprimée notamment au travers des propositions visant à instaurer une cotisation sur la valeur ajoutée. Enfin, elle est légitimée par le fait que dans les branches famille et maladie, les droits sont en tout ou partie déconnectés d’une assise professionnelle.

Il faut également rappeler que depuis l’instauration de la CSG, les recettes non contributives, c’est-à-dire provenant de la solidarité nationale et non des contributions des assurés, tiennent une place croissante dans le financement de la protection sociale. L’annexe 4 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 indique ainsi que sur l’ensemble des produits des régimes obligatoires, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), la part des cotisations (effectives, fictives et prises en charge par l’État ou par la sécurité sociale) n’atteint plus que 64 %, contre 29 % pour les impôts et taxes affectés (dont près des trois-cinquièmes au titre de la seule CSG).

3. Plusieurs mécanismes déjà en vigueur peuvent s’analyser comme des transferts de ressources fiscales au profit de la protection sociale

Avant même que la question de la « TVA compétitivité » n’ait fait son apparition dans le débat politique, plusieurs mécanismes ont établi un lien entre les ressources fiscales, notamment la TVA, d’une part, et le financement de la protection sociale d’autre part.

Dès 1994, la « loi Perben » sur l’outre-mer a procédé à une opération de transfert similaire dans les départements d’outre-mer : des exonérations de cotisations sociales ont été instaurées dans certains secteurs économiques en même temps que le taux de TVA était majoré de 2 points (tout en demeurant significativement inférieur à celui en vigueur en métropole, puisqu’il ne s’élève qu’à 8,5 %). Les incidences de cette opération sont toutefois difficiles à apprécier, dans la mesure où d’autres facteurs ont également pu concourir, durant la même période, aux créations d’emplois enregistrées dans les secteurs concernés, notamment la création d’un nouveau contrat aidé.

Ensuite, la pérennisation de la réduction générale de cotisations sociales patronales (« réduction Fillon »), mécanisme par lequel une réduction de cotisations de plus de 20 milliards d’euros, soit l’équivalent d’environ 3 points de cotisations, est compensée par l’affectation de différentes recettes fiscales aux régimes de sécurité sociale, peut être considérée comme s’apparentant à une « TVA compétitivité ».

Enfin, une fraction non négligeable du produit de la TVA est d’ores et déjà affectée au financement de la protection sociale : en effet, depuis la mise en place des « paniers de recettes » fiscales visant à compenser la réduction générale de cotisations sociales patronales et l’exonération des heures supplémentaires, la TVA brute sur les produits pharmaceutiques (3,6 milliards d’euros) et sur les producteurs de boissons alcoolisées (2 milliards d’euros) ainsi que la TVA brute collectée par les fournisseurs de tabacs (3,5 milliards d’euros) et, depuis la réforme des retraites de 2010, par les fabricants de lunettes, d’équipements d’irradiation médicale et d’équipements électromédicaux et électrothérapeutiques, par les médecins généralistes, par les établissements et services de soins et médico-sociaux et par les sociétés d’ambulance (1,4 milliard d’euros) sont affectées aux régimes de sécurité sociale (le total de ces montants, soit 10,6 milliards d’euros, étant à rapporter aux près de 187 milliards d’euros de TVA brute collectée).

4. Les exemples étrangers plaident en faveur de tels transferts

Dans certains pays, une partie du financement de la protection sociale est d’ores et déjà assurée par une fraction de TVA : c’est le cas, par exemple, de la Belgique, et, hors Union européenne, de la Suisse. Toutefois, les exemples de transferts de charges depuis les cotisations sociales vers la TVA ne sont qu’au nombre de deux.

Entre 1987 et 1989, le Danemark a transféré des cotisations sociales vers la TVA : son taux a été porté de 22 % à 25 % afin de compenser la suppression des cotisations sociales à la charge des employeurs au titre du chômage et de l’invalidité. Cette mesure n’a pas eu d’incidence sur l’inflation, mais la croissance a été fortement ralentie au cours de la période considérée, ralentissement qui s’explique toutefois également par la politique économique restrictive parallèlement mise en œuvre.

Le second exemple est à la fois beaucoup plus récent et beaucoup plus éclairant : il s’agit de la hausse du taux normal de TVA, passant de 16 % à 19 %, appliquée à compter du 1er janvier 2007 en Allemagne. L’objectif n’en était toutefois pas principalement un soutien à la compétitivité, au demeurant en nette amélioration depuis le début des années 2000 : en effet, les deux tiers de cette hausse ont été affectés à la réduction du déficit budgétaire fédéral. Le tiers restant, soit 1 point de TVA, a permis de compenser une baisse de 2 points (de 6,5 % à 4,5 %) des cotisations pour l’assurance chômage acquittées à parité par les employeurs et par les salariés.

Il importe cependant de préciser que corrélativement :

* le taux des cotisations patronales et salariales pour l’assurance vieillesse et pour l’assurance maladie a été augmenté respectivement de 0,2 point et de 0,25 point, de telle sorte que la diminution nette des cotisations patronales ne s’est élevée, en réalité, qu’à 0,55 % ;

* la part fédérale de l’impôt sur les sociétés a été réduite, son taux passant de 25 % (du bénéfice, après impôt régional de 16,7 %) à 15 %.

Cette opération, soutenue à l’origine par la CDU mais menée à bien par la « grande coalition » avec le SPD, comporte donc plusieurs volets de nature différente. Elle s’inscrit en outre dans un mouvement général de baisse des charges entamé à la fin des années 1990 : « Ce qui est social, c’est ce qui crée du travail », toutes les majorités, y compris sociale-démocrate de M. Gerhard Schröder, se sont attachées à donner corps à la célèbre maxime énoncée par le chancelier Kohl en réduisant les coûts des entreprises. Car c’est également dans cet esprit qu’ont été accomplies la réforme des retraites et la réforme de l’assurance chômage, au prix d’une indemnisation moins généreuse. De ce fait, la part des prélèvements assis sur le travail dans l’ensemble des prélèvements obligatoires est passée de plus de 24 % en 1995 à 22,7 % en 2009, alors que dans le même temps, elle demeurait inchangée en France (22,8 %).

La hausse de la TVA s’est traduite, fin 2006, par une forte anticipation d’achats de bien durables et a coïncidé avec une légère accélération de l’inflation, qui s’est élevée à 2,3 % en 2007 et 2,8 % en 2008 (après 1,9 % en 2005 et 1,8 % en 2006), pour revenir à 0,2 % en 2009. L’institut allemand de la statistique évalue à + 1,4 point le surcroît d’inflation dû à l’augmentation de la TVA, étalé sur les années 2007 et 2008. La croissance, quant à elle, est passée de 3 % en 2006 à 2,5 % en 2007, sachant qu’en 2006, elle a été fortement soutenue par les comportements d’anticipation de la hausse de la TVA. En 2007, au contraire, la consommation a reculé et la croissance a été essentiellement tirée par les exportations, tandis que les comptes publics étaient ramenés à l’équilibre.

En conclusion, s’il est évidemment tentant de s’inspirer du succès de l’expérience allemande, il faut s’en inspirer pleinement, c’est-à-dire ne pas oublier de la replacer dans son contexte, celui d’une politique qui fait également porter l’effort sur la réduction des dépenses sociales.

5. De nombreux rapports et études concluent à la pertinence d’une « TVA compétitivité »

Au fil des années, les rapports d’initiative gouvernementale ou parlementaire se sont multipliés sur la question, en particulier lorsque la question s’est retrouvée au cœur des débats, en 2006-2007. Ils ont apporté diverses réponses et évaluations concordantes en faveur de l’instauration d’une « TVA compétitivité ».

a) Les rapports d’initiative gouvernementale

– Le groupe de travail sur l’élargissement de l’assiette des cotisations employeurs de sécurité sociale (mai 2006)

Constitué à la demande du Premier ministre, un « groupe de travail sur l’élargissement de l’assiette des cotisations employeurs de sécurité sociale », dans un rapport remis le 30 mai 2006, examine plusieurs mécanismes (cotisation sur la valeur ajoutée, modulation des cotisations en fonction de la valeur ajoutée, ...), dont la substitution d’une fraction de cotisations sociales par de la TVA.

Sur ce point, il considère que pour des raisons techniques, la substitution ne peut s’opérer que sur les cotisations patronales aux régimes de base (hors accidents du travail), et non pas sur les cotisations d’assurance chômage ou de retraite complémentaire et sur les autres cotisations d’origine légale ou conventionnelle (logement, construction, ...).

Il met en lumière les critères devant présider, selon lui, au choix d’une recette de substitution : dynamisme de son produit, impact économique, clarification du financement (opérer la distinction entre ce qui relève de l’assurance et ce qui relève de la solidarité).

Il travaille sur une baisse de 2,1 points des cotisations patronales, considérant qu’il s’agit du taux restant à la charge des entreprises bénéficiant du maximum (26 points) de la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires. La direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) en évalue l’impact à court terme et à long terme :

– le nombre d’emplois créés serait de 17 000 après la première année et de 23 000 après la deuxième année, le PIB resterait stable, les prix augmenteraient de 0,8 %, la consommation des ménages reculerait légèrement (– 0,1 %) et les déficits publics, par le jeu de l’indexation des prestations sociales sur les prix, seraient dégradés de 0,12 point de PIB (dès la première année). Si la réforme était conduite à équilibre budgétaire constant, c’est-à-dire avec une hausse plus importante du taux de TVA, l’effet positif sur l’emploi serait atténué (11 000 emplois après un an, 7 000 après deux ans) ;

– par le biais des rémanences de TVA pesant sur les entreprises, qui acquittent ainsi environ 15 % du produit de cet impôt, il faut attendre à plus long terme un effet légèrement négatif sur l’investissement et sur la production.

Enfin, le rapport procède à différentes simulations de hausse des taux normal et réduit de TVA, faisant apparaître que la hausse du taux réduit pèse davantage sur les ménages aux revenus les plus faibles, par le jeu de structures de consommation différentes. Il faut toutefois relever que ces évaluations sont fondées sur une double hypothèse contestable : une répercussion intégrale de l’augmentation de la TVA dans les prix et une demande restant insensible à cette augmentation des prix.

Une récente évaluation, au détour d’un document de travail de la DGTPE sur le modèle économétrique « Mésange » publié en mars 2010, confirme les grandes lignes des projections effectuées il y a cinq ans. Elle mesure les effets d’une baisse équivalente à 1 point de PIB (20 milliards d’euros) des cotisations sociales patronales financée ex ante et à due concurrence par une hausse de TVA. La DGTPE réitère ainsi l’essentiel de ses précédentes conclusions :

– à court terme, l’impact sur l’activité est négatif (– 0,08 point de PIB la première année) et une répercussion immédiate sur les prix à la consommation des ménages par l’enclenchement d’une « boucle prix-salaires » tenant au jeu de la négociation salariale (+ 1,36 point la première année, + 1,14 point la deuxième année, et encore + 0,8 point la cinquième année) ;

– dès la deuxième année, toutefois, la hausse des prix de vente est plus que compensée par la diminution du coût du travail ; l’effet global sur l’activité devient donc positif (+ 0,08 point de PIB puis environ + 0,1 point pour les trois années suivantes), entraînant la création d’environ 80 000 emplois.

– Le rapport de M. Éric Besson et la note de l’Inspection générale des finances (septembre 2007)

En septembre 2007, M. Éric Besson, alors secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, lui a remis un rapport simplement intitulé « TVA sociale ». Au même moment, à la demande de Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, l’Inspection générale des finances a remis une note d’étape intitulée « Étude sur la possibilité d’affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale en contrepartie d’une baisse des charges sociales pesant sur le travail ».

Ces deux contributions présentent les mêmes projections en termes d’emplois créés, qui confirment celles établies par la DGTPE un an plus tôt : 20 000 à court terme (2 ans) et 35 000 emplois à moyen terme (5 ans) pour une augmentation de 1,5 point du taux normal de TVA et une réduction à due concurrence des cotisations sociales patronales. Toutefois, elles confirment également la difficulté d’une évaluation des emplois créés à long terme et un supplément d’inflation la première année (de l’ordre de 0,6 point). De ce fait, l’Inspection générale des finances recommande l’adoption d’une « politique économique active de modération des prix », c’est-à-dire de réglementation des relations entre fournisseurs et distributeurs.

En outre, l’impact sur l’emploi est d’autant plus fort que le supplément d’inflation initial est limité, c’est-à-dire que les entreprises répercutent la baisse des charges sur leurs prix, auquel cas le nombre d’emplois créés approcherait de 40 000 ; a contrario, certains scénarios estiment qu’avec une répercussion de moitié seulement de la baisse du coût sur les prix, le nombre d’emplois créés serait nul.

Par ailleurs, ces deux contributions estiment que la concentration sur les bas salaires de la baisse des charges patronales permettrait d’accroître considérablement les créations d’emplois, en raison de la plus grande sensibilité des emplois moins qualifiés au facteur coût : 300 000 à moyen-long terme si la mesure portait sur l’ensemble des bas salaires et 100 000 pour une exonération totale de cotisations sociales jusqu’à 1,1 SMIC.

– Le rapport du Conseil économique et social (décembre 2007)

Saisi par le Premier ministre, le Conseil économique et social a confié à Mme Anne Duthilleul le soin de préparer un avis. Adopté en décembre 2007 et intitulé « Le financement de la protection sociale », cet avis plaide en faveur d’une poursuite de la distinction déjà engagée entre solidarité nationale et prestations contributives, en faisant appel à des assiettes adaptées selon les risques. Il rappelle que le Conseil d’analyse économique a estimé de 15 à 20 points les cotisations correspondant au financement de prestations non contributives, mais il considère qu’un basculement total et de grande ampleur n’est ni possible ni souhaitable, compte tenu de ses impacts sur les revenus de certains ménages ou sur la consommation.

Il préconise donc une « approche prudente » :

– pour la branche maladie, une partie des cotisations pourrait être transférée d’une assiette salariale vers une assiette plus large ainsi que l’affectation de nouvelles taxes « comportementales » ;

– pour la branche famille, elle « peut se prêter à l’exercice, à recette égales, d’un transfert de cotisations employeurs vers d’autres assiettes plus larges », en tenant toutefois compte de ce que « le fait que l’articulation vie familiale/vie professionnelle soit devenue un axe majeur de la politique familiale justifie une participation des employeurs au financement de la branche famille ».

L’avis conclut donc qu’« un premier pas doit être fait rapidement, mais progressivement pour favoriser la croissance et l’emploi » : il suggère une baisse de 3 à 4 points des cotisations sociales patronales famille ou maladie, concentrée sur les bas salaires, « en élargissant la plage d’exonération juste au-dessus du SMIC, à 1,1 SMIC au départ, le point de sortie étant porté de 1,6 à 1,8 SMIC ou plus selon le profil plus ou moins étalé retenu », afin d’atténuer l’effet de « trappes à bas salaires ».

Le financement compensatoire serait « versé progressivement sur trois ans, au travers de nouvelles recettes transférées ou affectées aux régimes familles et maladie, en tenant compte des effets positifs de la croissance et de l’emploi induits sur les cotisations perçues ; la première année serait compensée partiellement seulement, la deuxième à 100 % et la troisième surcompenserait le manque à gagner de la première année », afin que les effets positifs sur la compétitivité et la croissance soient immédiatement perçus.

Les 14 à 18 milliards d’euros de ressources brutes concernées se répartiraient entre 3,8 milliards d’euros de cotisations (alors) non versées par l’État, à financer sur ses ressources fiscales, et par une augmentation du taux des taxes affectées à la sécurité sociale, y compris la contribution sur les revenus de placements. Le cas échéant, « un appel à la TVA pour des taux limités de 0,5 à 1 % pourrait permettre de boucler le dispositif sans tarder ».

– La mission confiée à votre rapporteur sur le financement de la branche famille (2009)

Au premier semestre 2009, votre rapporteur a été chargé par le Premier ministre d’une mission sur le financement de la branche famille.

Dans ce cadre, avait été étudiée l’hypothèse d’un transfert de tout ou partie des cotisations patronales finançant la branche sur des ressources fiscales :

– en cas de transfert intégral, la seule majoration de la TVA apparaissant excessive et une majoration du taux de la CSG semblant devoir être réservée à la branche maladie, il était proposé d’aligner le taux de la CSG sur les retraites et les revenus de remplacement sur celui des revenus du travail et de doubler le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine ;

– votre rapporteur avait estimé qu’une contribution des entreprises à la politique familiale devait être maintenue, sous une forme ou sous une autre, à hauteur de 7 à 14 milliards d’euros, car elles demeurent l’un des principaux bénéficiaires d’une politique de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, par le biais du soutien aux différents modes de garde ;

– plus largement, votre rapporteur avait souhaité que la réflexion porte également sur les prestations familiales (qui avantagent soit les revenus les plus faibles, soit les revenus les plus aisés), dans la perspective de réaliser 1,5 à 2,5 milliards d’euros d’économies, et avait plaidé pour que la réforme du financement de la protection sociale soit envisagée au-delà de la seule question de ce transfert de cotisations patronales.

b) Les rapports d’initiative parlementaire

– Le rapport de M. Jean Arthuis (mars 2007)

Dans un rapport d’information de mars 2007 (2006-2007, n° 283), M. Jean Arthuis, alors président de la commission des finances du Sénat, concluait, à l’issue d’une série de tables rondes réunissant des personnalités venues d’horizons divers, à l’opportunité d’une « TVA compétitivité », au motif que :

– les économistes en minimisent le risque inflationniste ;

– le cadre communautaire ne s’y oppose pas ;

– elle ne se substitue pas intégralement aux autres modalités de financement des régimes obligatoires de base mais concerne avant tout les branches famille et maladie ;

– la gouvernance des régimes de sécurité sociale n’est ni remise en cause, ni même modifiée.

– Le rapport de M. Jérôme Chartier (septembre 2007)

Chargé d’animer un groupe de réflexion sur la TVA sociale, M. Jérôme Chartier, député, a présenté son rapport le 24 septembre 2007.

Il se prononce en faveur d’une « TVA pouvoir d’achat », c’est-à-dire une majoration de 1,4 point de tous les taux (normal et réduit) de TVA destinée à financer des réductions de cotisations sociales salariales (et non pas patronales), à savoir la cotisation maladie résiduelle (0,75 %) et la cotisation chômage (2,4 %). Le bénéfice attendu pour l’ensemble de l’économie est celui d’une augmentation du salaire net accroissant l’incitation à travailler. À plus long terme, il propose la mise en place de baisses de charges patronales compensées par une majoration de la TVA et par d’autres ressources fiscales, dans le cadre plus général d’un réexamen de la réduction générale de cotisations sur les bas salaires.

– Le rapport de M. Philippe Marini (octobre 2007)

Dans un rapport d’information d’octobre 2007 (2007-2088, n° 60), M. Philippe Marini, alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat, plaidait pour une mesure « simple, fort, immédiate, lisible », « se plaçant au cœur d’une stratégie de communication politique, impliquant une mobilisation totale des acteurs, du haut en bas de l’édifice socio-économique ».

Compte tenu de ces présupposés, il marquait sa préférence pour les pistes suggérées par le rapport de M. Éric Besson, intermédiaires entre deux vocations différentes des transferts de charges sociales : créer des emplois ou renforcer la compétitivité.

B. LE DISPOSITIF D’ALLÉGEMENT DES COTISATIONS PATRONALES AFFECTÉES À LA BRANCHE FAMILLE

Le dispositif comprend plusieurs volets complémentaires : une baisse de cotisations patronales compensée par des ressources fiscales au travers d’un mécanisme créant un lien supplémentaire entre finances de l’État et finances de la sécurité sociale.

1. La baisse des cotisations sociales patronales

Dans le système français de financement de la protection sociale, il ne revient au législateur que de fixer l’assiette et les modalités de recouvrement des cotisations sociales, la fixation de leur taux relevant du pouvoir réglementaire. Mais la baisse des cotisations sociales ne doit pas moins être abordée en premier lieu : non seulement elle constitue la raison d’être du dispositif proposée, puisqu’elle permet d’obtenir cette amélioration de la compétitivité que vise la présente réforme, mais elle exerce également des incidences sur différents mécanismes qui, eux, sont de nature législative et doivent donc être adaptés en conséquence.

Le choix consiste à opérer la baisse de cotisations patronales sur une seule branche, ce qui présente le mérite de la clarté, en l’occurrence sur celles affectées à la branche famille, dont le taux est actuellement fixé à 5,4 points. Ce choix est logique, car bon nombre des prestations financées par la branche famille sont à caractère universel et n’entretiennent pas de lien avec l’activité professionnelle. Certaines contribuent toutefois à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, de telle sorte qu’il n’est pas illogique de maintenir un financement patronal.

Ce sera bien le cas, puisque ce n’est pas une suppression pure et simple des cotisations à la branche famille qui sera opérée à compter du 1er octobre 2012 :

– les cotisations résiduelles subsistant entre 1 SMIC et 1,6 SMIC (1 750 euros nets), compte tenu de la réduction générale de cotisations déjà en vigueur, sont supprimées ;

– les cotisations sont intégralement supprimées pour les salaires compris entre 1,6 SMIC et 2,1 SMIC (2 300 euros nets) ;

– un allégement dégressif des cotisations est mis en place entre 2,1 SMIC et 2,4 SMIC (2 650 euros nets).

Un nouvel article L. 241-6-1 définit donc trois seuils : un premier en dessous duquel aucune cotisation n’est due, un deuxième jusqu’auquel le taux de la cotisation croît et un troisième au-delà duquel le taux fixe de droit commun s’applique. Il renvoie à un décret le soin de fixer le montant de ces différents seuils. De ce fait, les cotisations patronales affectées à la branche famille disparaissent du dispositif de la « réduction Fillon » (article L. 241-13 du code de la sécurité sociale), qui, dès lors, ne porte plus que sur les cotisations aux branches maladie et vieillesse.

L’objectif est de concentrer la baisse des charges sur les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, sans pour autant créer d’effet d’aubaine pour les emplois les plus qualifiés : selon l’évaluation préalable, 80 % des salariés de l’industrie se situent en dessous de 2,4 SMIC. L’industrie, où 500 000 emplois ont été perdus au cours de la dernière décennie (dont 28 %, si l’on en croit l’évaluation préalable, en raison de la concurrence internationale), devrait donc bénéficier davantage de ce dispositif que de celui de la réduction générale de cotisations sociales, dont on a parfois pu dire qu’il avantageait des secteurs non exposés à la concurrence internationale. De même, le secteur agricole bénéficiera pleinement de la future rédaction, dans la mesure où 94 % des entreprises y seront éligibles.

Pour certaines entreprises, cette baisse de charges sera un ballon d’oxygène qui leur permettra de reconstituer leurs marges et, ainsi, d’investir ; pour d’autres, elle se prendra la forme d’une baisse des prix se traduisant par un avantage de compétitivité mais aussi par un moindre coût pour le consommateur français.

À 1,4 SMIC (1 530 euros nets), 1,6 SMIC et 2,1 SMIC, la baisse mensuelle du coût du travail atteindra respectivement 80, 120 et 158 euros. Le tableau ci-contre permet de constater que l’effet du dispositif est particulièrement sensible dès 1,3 SMIC, conformément à l’objectif de la réforme.

Cotisations sociales patronales avant et après réforme (entreprises de plus de 20 salariés)

(en points de cotisations)

Niveau de salaire

1 SMIC

1,1 SMIC

1,2 SMIC

1,3 SMIC

1,4 SMIC

1,5 SMIC

1,6 à 2,1 SMIC

2,2 SMIC

2,3 SMIC

> 2,4 SMIC

Cotisations de base

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

30,80

« Réduction Fillon »

– 26,00

– 19,70

– 14,40

– 10,00

– 6,20

– 2,90

Cotisations nettes

4,80

11,10

16,40

20,80

24,60

27,90

30,80

30,80

30,80

30,80

Autres cotisations (*)

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

12,95

Total avant réforme

17,75

24,05

29,45

33,75

37,55

38,85

43,75

43,75

43,75

43,75

Allégement famille

– 1,31

– 2,40

– 3,32

– 4,11

– 4,80

– 5,40

– 3,40

– 1,60

Total après réforme

17,75

22,74

27,05

30,43

33,44

34,05

38,35

40,35

42,15

43,75

(*) Retraite complémentaire, assurance chômage, apprentissage, formation, logement et construction

Les charges des entreprises seront ainsi globalement allégées de 13,2 milliards d’euros en année pleine (2013). La répartition de cette somme par tranche de salaire exprimé en fonction du SMIC est donnée dans le tableau ci-dessous :

Coût de la réforme par tranche de salaire

(en millions d’euros)

Tranche de salaire

Coût

De 1 SMIC à 1,1 SMIC

150

De 1,1 SMIC à 1,2 SMIC

550

De 1,2 SMIC à 1,3 SMIC

900

De 1,3 SMIC à 1,4 SMIC

1 200

De 1,4 SMIC à 1,5 SMIC

1 450

De 1,5 SMIC à 1,6 SMIC

1 500

De 1,6 SMIC à 1,7 SMIC

1 450

De 1,7 SMIC à 1,8 SMIC

1 350

De 1,8 SMIC à 1,9 SMIC

1 150

De 1,9 SMIC à 2,0 SMIC

1 200

De 2,0 SMIC à 2,1 SMIC

900

De 2,1 SMIC à 2,2 SMIC

800

De 2,2 SMIC à 2,3 SMIC

450

De 2,3 SMIC à 2,4 SMIC

150

Total

13 200

Source : Gouvernement.

Il en ressort que 5,7 milliards d’euros, soit 43 % du coût de l’allégement, bénéficieront aux salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC, qui sont déjà inclus dans le champ de la « réduction Fillon ». Cela étant, il est important de relever que ce sont les salaires se situant dans la partie relativement la plus élevée de cette tranche qui en bénéficieront le plus, ce qui est cohérent avec l’objectif de compétitivité assigné à cette réforme.

En cohérence avec les évaluations d’une baisse des charges patronales réalisées au cours des dernières années (cf. supra), le Gouvernement indique que la réforme devrait crée environ 100 000 emplois.

Enfin, en 2012, en raison de l’entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre la « réduction Fillon » sera calculée pour chacune des périodes allant du 1er janvier au 30 septembre, d’une part, et du 1er octobre au 31 décembre, par dérogation au principe d’annualisation des allégements énoncé par le III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale et introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. De ce fait, la perte de cotisations pour la branche famille au titre de 2012 devrait s’élever à 3,6 milliards d’euros, supérieure de 300 millions d’euros au montant résultant de la simple proratisation sur un trimestre du montant annuel (3,3 milliards d’euros, soit un quart de 13,2 milliards d’euros).

2. L’affectation de ressources de compensation à la branche famille

La compensation des 13,2 milliards d’euros d’allégements de cotisations patronales est réalisée par l’augmentation du produit de deux recettes fiscales existantes : une majoration, à compter du 1er octobre 2012, de 1,6 point du taux normal de TVA, qui rapporte 10,6 milliards d’euros, et par une majoration de 2 points de taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et des produits de placement, qui rapporte 2,6 milliards d’euros.

a) La majoration du taux normal de TVA

Le choix de la TVA pour compenser la baisse des cotisations sociales patronales se justifie, comme on l’a vu, par la volonté d’améliorer ainsi la compétitivité de notre économie : les importations supportent en effet la TVA, tandis que les exportations en sont exonérées.

Pour autant, une fois ce principe retenu, différentes options de compensation restent encore concevables. Car si elle est globalement neutre sur les prélèvements obligatoires, la réforme n’en doit pas moins être calibrée attentivement compte tenu des transferts de charges qui en résultent.

Est ainsi écartée une compensation intégrale par la TVA, qui aurait entraîné une hausse de 2 points du taux normal et fait peser entièrement la charge sur la consommation. De même, est également écartée une hausse des taux réduits (5,5 % et 7 %) et super réduit (2,1 %), qui s’appliquent en effet le plus souvent à des biens et services de première nécessité (médicaments, produits alimentaires de base, transports, cantines scolaires, abonnements d’électricité et de gaz, hébergement des personnes âgées dépendantes). On sait en effet qu’une hausse des taux réduits aurait principalement pesé sur les ménages les moins favorisés.

La part de l’ensemble des biens et services soumis aux taux réduits de TVA ou exonérés de cette taxe s’élève à 60 % dans la consommation totale des ménages. Tous ces biens et services ne seront donc pas touchés par la hausse du taux normal et il est même possible d’escompter une baisse de leur prix, par répercussion de la baisse des charges patronales. L’évaluation préalable de l’article 1er du présent projet de loi estime que le risque inflationniste ne peut porter que sur les produits importés et assujettis au taux normal, mais considère que le contexte de faible croissance, ce risque est limité et que le jeu de la concurrence sur le marché national devrait dissuader les entreprises d’augmenter leurs prix en conséquence.

Par ailleurs, la hausse du taux normal, ainsi porté à 21,2 %, est évidemment compatible avec le droit communautaire. Pour le taux normal, les règles européennes se contentent de prévoir un minimum de 15 % et le Conseil se borne à recommander un maximum de 25 %. Le tableau ci-après montre qu’avec un taux normal de 21,2 %, la France reste dans la moyenne de ses principaux partenaires européens.

Taux normal de TVA dans les principaux États-membres de l’Union européenne

(en %)

Allemagne

19

Belgique

21

Espagne

18

Italie

21

Luxembourg

15

Royaume-Uni

20

Suède

25

La hausse de 2 points du taux normal de TVA rapportera 10,6 milliards d’euros en année pleine et 2,9 milliards d’euros en 2012 (montant légèrement supérieur à la pure proratisation sur un trimestre, compte tenu du pic de consommation habituellement enregistré en fin d’année).

Elle requiert toutefois une adaptation du montant des droits de consommation sur les tabacs. En effet, compte tenu de la structure particulière du prix de ces produits, constitué essentiellement de taxes, une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA s’analyse comme une hausse de 1,1038 point du taux normal appliqué au prix TTC, qui est l’agrégat pertinent en matière de fiscalité des produits du tabac. Si la totalité de cette hausse était reportée sur les fabricants, ceux-ci devraient, pour maintenir en niveau le prix hors taxes et remises (PHTR) augmenter de 11,3 % le prix de vente au public (PVP).

En outre, l’élasticité prix/volume étant de l’ordre de – 0,5, la baisse de la consommation consécutive à une telle augmentation des prix serait d’environ 5,7 %. Dès lors, l’augmentation de prix nécessaire au maintien du prix hors taxes et remises des fabricants pourrait atteindre 15 % et le tabac serait le seul produit pour lequel la hausse de TVA de 1,6 % conduirait à une hausse de 15 % de son prix. En fin de compte, comme la fraction du prix d’un paquet revenant à l’industrie est de 10,82 %, une hausse de 1,1 point de la charge fiscale conduit à une hausse de prix dix fois supérieure sous l’hypothèse d’un maintien en niveau du revenu par paquet des industriels.

Le Gouvernement considère qu’une telle augmentation ne serait évidemment pas souhaitable ; mais dans le même temps, il convient de ne pas exonérer l’industrie du tabac de l’effort demandé à tous les autres secteurs de l’économie concernés pas la hausse de la TVA. À cette fin, le présent projet de loi réduit de 1,5 % le montant des droits de consommation sur les tabacs (article 575 du code général des impôts), ce qui permettra de neutraliser la plus grande part de l’augmentation du taux de la TVA. C’est d’ailleurs une solution identique qui avait été retenue lorsque le taux normal de TVA avait été majoré de 2 points en 1995.

En se fondant sur les données de 2011, les nouveaux montants des droits de consommation entraînent une moindre recette de l’ordre de 160 millions d’euros ; dans le même temps, les recettes de TVA augmentent de 190 millions d’euros. Toutefois, l’augmentation de 7,6 % des tarifs que le Gouvernement prévoit pour le 1er octobre 2012 procurera 800 millions d’euros de recettes nouvelles en année pleine (2013).

Pour la cigarette de la classe fiscale de référence (5,70 euros), le taux de prélèvement passera au 1er octobre de 89,18 % à 89,34 % ce qui nécessiterait une hausse de 1,51% du prix de vente au public pour que les fabricants conservent leur prix hors taxes et remises unitaire, et un peu plus pour conserver le prix hors taxes et remises global. Pour le tabac à rouler, la hausse du prélèvement de 83,50 % à 83,74 % correspond à une hausse du prix de vente au public de 1,48 %.

Enfin, des adaptations sont apportées aux taux de TVA spécifiques à la Corse (article 297 du code général des impôts) ainsi qu’aux remboursements forfaitaires (article 298 quater du même code).

b) La majoration du taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placements

Le taux de la CSG sur les revenus du capital (articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale) a été porté en 2004 de 7,5 % à 8,2 % (2° du I de l’article L. 136-8). Son produit est affecté aux caisses et organismes de sécurité sociale selon la clef de répartition suivante (IV du même article) :

Clef de répartition de la CSG sur les revenus du capital

(en %)

Branche famille

0,82

Fonds de solidarité vieillesse

0,85

Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

0,1

Branche maladie

5,95

Caisse d’amortissement de la dette sociale

0,48

Total

8,2

Le produit de la CSG sur le revenus du capital a évolué comme suit depuis 2009 :

Produit de la CSG sur les revenus du capital (2009-2012)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

8 942

8 779

9 103

9 466

Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2011).

Il convient de rappeler que la CSG ne constitue qu’environ les trois-cinquièmes des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, auxquels s’ajoutent en effet la CRDS (0,5 %), le prélèvement social de 3,4 % et les contributions additionnelles de solidarité pour l’autonomie (0,3 %) et au Fonds national des solidarités actives (FNSA, 1,1 %), soit un total de 13,5 % de prélèvement sociaux.

Afin de compenser une partie de l’allégement des cotisations patronales affectées la branche famille, le taux de la CSG sur ces revenus sera porté à 10,2 % pour les revenus du patrimoine perçus à compter du 1er janvier 2012 et pour les produits de placements payés ou réalisés ou pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er juillet 2012. Cette mesure rapportera 2,6 milliards d’euros en année pleine et 800 millions d’euros au titre de 2012.

La clef de répartition du produit de la CSG, figurant également à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, est modifiée en conséquence, le taux correspondant à la branche famille étant porté de 0,82 % à 2,82 % pour les revenus du capital.

Cette augmentation marque également une nouvelle étape dans le processus d’alignement des prélèvements pesant sur le capital et de ceux pesant sur le travail engagé depuis plusieurs années. Le taux global des prélèvements sociaux s’élèvera ainsi à 15,5 % pour les revenus fonciers, les rentes viagères à titre onéreux, les dividendes, les plus-values mobilières et immobilières et l’assurance-vie, auquel il convient évidemment d’ajouter les impositions, différentes selon ces catégories de revenus.

3. Le mécanisme de compensation

Votre rapporteur souligne en premier lieu que la modification des modalités de financement de la branche famille, si elle ne doit évidemment pas avoir pour effet de l’appauvrir, n’entraîne pas de changements dans sa gouvernance. En effet, elle est d’ores et déjà financée pour partie par des recettes fiscales, dont la part va ainsi s’accroître.

Structure des recettes de la branche famille

(en %)

 

Avant réforme

Après réforme

Cotisations

65,7

41,6

CSG

17,5

22,3

Autres impôts et taxes

14,8

34,1

Transferts et autres produits

2,0

2,0

Total

100

100

Source : Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2012, annexe 4.

Le mécanisme permettant d’assurer la compensation de la perte de recettes subie par la branche famille prend la forme d’un nouveau compte de concours financiers intitulé « Avances aux organismes de sécurité sociale ». En vertu du 4° de l’article 19 et de l’article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un compte de concours financiers est un compte spécial retraçant les prêts et avances consentis par l’État et doté de crédits limitatifs.

Ce compte retracera, en dépenses, les versements à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et, en recettes, les remboursements des avances sur le montant des fractions de TVA nette affectées aux régimes de sécurité sociale, aussi bien à la branche maladie qu’à la branche famille ou à l’ensemble des régimes au titre de la compensation de l’exonération des heures supplémentaires. Le compte effectuera les versements en fonction des prévisions d’encaissement de recettes, suivant un échéancier fixé par convention entre les parties concernées en fonction des contraintes pesant sur la trésorerie de l’État et de l’ACOSS. Une régularisation annuelle s’effectuera, le cas échéant, au mois de mars de l’année suivante au vu des données d’exécution de l’exercice clos.

Accompagnant le présent projet de loi de finances rectificative, l’analyse par programme des modifications de crédits intervenues en gestion et la motivation des modifications proposées par ce projet de loi décrit et justifie les ouvertures de crédits correspondant à ce nouveau compte. Compte tenu des dates d’entrée en vigueur de la réforme, il commencera à fonctionner pour les recettes de TVA des mois de novembre et décembre 2012. Il est donc prévu à cet effet un crédit total de 3 566 millions d’euros pour les avances à l’ACOSS, se décomposant en 1 431 millions d’euros au titre de la fraction de TVA versée à la branche maladie du régime général, 1 781 millions d’euros au titre de celle versée à la branche famille et 354 millions d’euros de celle versée en compensation de l’exonération des heures supplémentaires.

En comptabilité budgétaire, la TVA est encaissée avec un décalage minimal d’un mois. Le montant des encaissements supplémentaires résultant en 2012 de l’augmentation du taux normal au 1er octobre est évalué à 1,7 milliard d’euros. C’est ce montant qui sera donc retracé sur le compte de concours financier.

Parmi les ressources de la branche famille définies à l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale figurent donc désormais une fraction de 6,70 % du produit de la TVA nette ainsi qu’une fraction du produit de la CSG telle que définie désormais à l’article L. 136-8 du même code. En année pleine, cette fraction rapporte effectivement 10,6 milliards d’euros ; l’assiette à laquelle elle s’applique s’élève en effet à 158,1 milliards d’euros : à la TVA nette telle qu’évaluée dans le tome I du fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2012, soit 136,9 milliards d’euros, il convient en effet d’ajouter les 10,6 milliards d’euros de TVA déjà affectée à la sécurité sociale et les 10,6 milliards d’euros correspondant au produit, en année pleine, de la majoration de 2 points du taux normal.

Si, ex ante, l’opération est bien entendu neutre pour les finances sociales, il importe de s’assurer qu’il en sera bien de même en exécution au cours des exercices à venir. À cette fin, le Gouvernement remettra au Parlement, au plus tard le 15 octobre 2013 et le 15 octobre 2014, un rapport retraçant les montants constatés, au titre de l’année précédente, d’une part, de la perte de recettes résultant de la réforme des cotisations d’allocations familiales et, d’autre part, de la fraction de 6,70 % de la TVA nette et de la majoration de 2 points de la CSG sur les produits du capital affectées à la branche. Le cas échéant, le Gouvernement proposera les mesures d’ajustement permettant d’assurer l’équilibre financier de ces opérations, comme il l’a fait par le passé pour la compensation de la réduction générale de cotisations sociales patronales et de l’exonération des heures supplémentaires.

On peut d’ores et déjà relever que l’évolution de la valeur ajoutée, d’une part, et du produit des cotisations à la branche famille, d’autre part, est sensiblement comparable, ainsi que le montre le tableau ci-après :

Évolution de la valeur ajoutée et du produit des cotisations à la branche famille

(2000 = base 100)

 

2000

2005

2010

Valeur ajoutée

100

119,5

134,8

Cotisations

100

118,1

134,7

Sources : INSEE et rapports à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

En revanche, au cours de la même période, l’évolution, à structure constante, des prélèvements sur les produits du capital s’est révélée moins favorable que celle du produit des cotisations à la branche famille, ainsi que le montre le tableau ci-contre :

Évolution de la valeur ajoutée et du produit des cotisations à la branche famille

(2000 = base 100)

 

2000

2005

2010

2012

Produits du capital

100

113,6

126,3

136,6

Cotisations

100

118,1

134,7

178,5

Sources : Rapports à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Enfin, au-delà de la substitution proprement dite d’une fraction de la TVA nette aux cotisations sociales patronales jusqu’alors affectées à la branche famille, sont par ailleurs supprimés de la liste des différents impôts et taxes affectés aux organismes de sécurité sociale, c’est-à-dire l’ancien « panier fiscal » destiné à compenser la réduction générale de cotisations patronales (article L. 131-8 du code de la sécurité sociale), ainsi que de la liste des ressources de l’assurance maladie (article L. 241-2 du même code) et du « panier fiscal » compensant les exonérations sur les heures supplémentaires (article 53 de la loi de finances pour 2008) les différents fragments du produit de la TVA brute qui leur étaient affectés. Il s’agit de la TVA brute sur les produits pharmaceutiques et sur les producteurs de boissons alcoolisées ainsi que la TVA brute collectée par les fournisseurs de tabacs, par les fabricants de lunettes, d’équipements d’irradiation médicale et d’équipements électromédicaux et électrothérapeutiques, par les médecins généralistes, par les établissements et services de soins et médico-sociaux et par les sociétés d’ambulance.

Désormais, au lieu des différents fragments du produit de la TVA brute précédemment affectés aux organismes de sécurité sociale, ce sont deux fractions fixes du produit de la TVA nette qui seront affectées aux organismes de sécurité sociale :

– une fraction de 5,38 % pour l’assurance maladie ;

– une fraction de 1,33 % pour la compensation aux caisses et régimes concernés des exonérations sur les heures supplémentaires.

Au total, il apparaît donc que 13,41 % du produit de la TVA nette, soit 21,2 milliards d’euros, sera désormais affecté aux organismes de sécurité sociale.

*

II.- LE RENFORCEMENT DE L’INCITATION FINANCIÈRE À L’EMBAUCHE DE JEUNES EN ALTERNANCE PAR LES GRANDES ENTREPRISES

L’article 8 du projet de loi de finances rectificative vise à renforcer le dispositif d’incitation financière à l’embauche de jeunes en alternance par les grandes entreprises. En réponse à une situation de l’emploi des jeunes sur laquelle il n’est pas nécessaire de revenir, cette mesure part d’un double constat : la formation en alternance sous statut de travail leur offre les meilleures chances d’insertion et c’est pourquoi le Gouvernement a fait de la relance de l’alternance une priorité ; or, l’effort des grandes entreprises en la matière reste inférieur à celui des plus petites.

Quant aux mécanismes d’incitation fondés sur le choix entre « faire » ou « payer », avec une obligation d’agir à défaut de laquelle une contribution est demandée, ils ont démontré qu’ils peuvent être efficaces dans le domaine de l’emploi. C’est pourquoi la présente disposition s’inscrit dans cette logique.

A. L’ALTERNANCE, UNE CHANCE D’INSERTION PROFESSIONNELLE SUPPLÉMENTAIRE

Poursuivre sa formation en alternance sous statut de salarié (1) – avec un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation (2) –, c’est d’abord un moyen de la financer en percevant une rémunération.

Mais en outre, des études récentes ont établi l’accroissement des chances d’insertion qui en résulte, et ce à niveau de diplôme égal (le niveau de qualification atteint et certifié par un diplôme restant sans surprise le déterminant majeur de l’insertion dans l’emploi).

L’avantage que procure la formation en alternance ressort des analyses du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), lequel mène des enquêtes régulières dite de « génération » sur l’insertion professionnelle des jeunes ayant fini leurs études une année « n », insertion qui est étudiée sur plusieurs années. Le tableau ci-après récapitule un certain nombre de données sur l’insertion dans l’emploi des « générations » 2004 et 2007 trois ans après, soit respectivement en 2007 et 2010. On y voit que les jeunes passés par l’apprentissage – soit 17 % de l’effectif pour la génération 2007 – ont globalement, au bout de trois ans, un taux d’emploi supérieur de dix points à peu près, dans le cas des non diplômés ou de ceux ayant un diplôme du niveau de l’enseignement secondaire, à ceux passés par le système scolaire ; plus de chances d’occuper un emploi à durée indéterminée, avec souvent, là aussi, de l’ordre de dix points d’écart ; des salaires généralement supérieurs, l’écart étant logiquement plus marqué dans le cas des jeunes sortis des formations du niveau de l’enseignement supérieur.

Situation et conditions d’emploi trois ans après la sortie de formation
(générations 2004 et 2007)

 

Taux d’emploi (en %)

Part des jeunes au chômage (en %)

Taux de chômage (en %)

Part des jeunes en emploi qui sont en CDI ou fonctionnaires (en %)

Salaire mensuel médian (en euros)

Année de sortie de formation initiale

2004

2007

2004

2007

2004

2007

2004

2007

2004

2007

Non diplômés :

                   

– Apprentissage

76

64

17

26

18

29

58

52

1 205

1 200

– Voie scolaire

67

55

21

32

24

36

49

47

1 200

1 250

Diplômés de l’enseignement secondaire :

                   

– Apprentissage

87

83

9

12

9

13

70

66

1 250

1 280

– Voie scolaire

78

72

15

16

16

18

61

52

1 200

1 250

Sortants du supérieur :

                   

– Apprentissage

93

90

4

6

4

6

83

83

1 625

1 775

– Voie scolaire

88

89

7

8

7

8

76

73

1 520

1 600

Source : Céreq - Enquête 2010 auprès de la « génération 2007 » et enquête 2007 auprès de la « génération 2004 ».

Champ : jeunes sortis aux niveaux considérés dans des spécialités proposant l’alternative entre voie scolaire et apprentissage.

On peut bien sûr trouver divers biais qui contribuent à expliquer cette situation : la répartition différente entre filières de formation (qui n’offrent pas les mêmes perspectives) des apprentis et des lycéens ou étudiants « scolaires », les caractéristiques sociologiques des deux groupes, la prédominance des garçons (plus de 70 %) parmi les ex-apprentis, le fait que certains contrats d’apprentissage s’assimilent d’emblée à des pré-recrutements (3)… Il n’en semble pas moins que l’apprentissage semble apporter un avantage propre important pour l’insertion, que cela s’explique par l’expérience « professionnelle » acquise par cette voie, le réseau de relations professionnelles constitué à cette occasion ou encore la capacité des filières en apprentissage, par nature plus proches des entreprises, à construire les formations et les qualifications les mieux adaptées à leur besoin.

B. UNE MESURE QUI S’INSCRIT DANS UNE POLITIQUE ACTIVE DE DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE

Forte de ces constats, une politique constante de développement des formations en alternance a été poursuivie depuis plusieurs années, qui a permis d’obtenir des résultats significatifs malgré les difficultés économiques. Cette politique a d’ailleurs combiné des mesures conjoncturelles, destinées à maintenir le flux des entrées en alternance malgré les soubresauts de la crise financière, et des réformes de fond.

1. Des dispositifs conjoncturels destinés à atténuer les effets de la crise économique

Suite à la crise financière de l’été 2008, le Président de la République avait annoncé, lors de son discours du 24 avril 2009 à Jouy-le-Moutier, plusieurs mesures d’urgence pour l’emploi des jeunes, visant notamment à renforcer les formules d’alternance. Ces mesures ont été appliquées en 2009 et 2010 :

– l’aide à l’embauche d’apprentis dans les entreprises de onze salariés et plus, ou dispositif « zéro charges », compensant pendant douze mois le coût des cotisations sociales résiduelles (après application de l’exonération permanente de droit commun) versées pour les apprentis ;

– l’aide à l’embauche d’apprentis supplémentaires (par rapport à l’effectif préexistant) dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sous la forme d’une prime de 1 800 euros ;

– l’aide à l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation, sous la forme d’une prime à l’embauche de 1 000 ou 2 000 euros selon les cas.

En 2011, suite au discours prononcé le 1er mars à Bobigny par le Président de la République, plusieurs dispositifs du même ordre ont été mis en place :

– pour les entreprises de moins de 250 salariés, une neutralisation intégrale des charges sociales pendant un an pour toute embauche supplémentaire de jeune en alternance (apprentissage ou contrat de professionnalisation) 

– pour ce qui est des contrats de professionnalisation destinés aux demandeurs d’emploi, une aide supplémentaire de 2 000 euros par contrat dont le bénéficiaire a 45 ans et plus.

Par ailleurs, 500 millions d’euros provenant du « grand emprunt » ont été réservés à des investissements en faveur de l’apprentissage, en vue notamment de créer 15 000 places supplémentaires d’hébergement pour les apprentis.

Enfin, il convient de rappeler les mesures décidées à l’occasion du sommet social du 18 janvier 2012, notamment :

– la prolongation jusqu’au 30 juin 2012 du dispositif « zéro charges » pour les embauches supplémentaires en alternance des entreprises de moins de 250 salariés (cf. supra), qui devait se terminer au 31 décembre 2011 ;

– de manière plus générale, la mise en place d’une aide pour les embauches de jeunes en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d’au moins un mois dans des entreprises de moins de dix salariés effectuées entre le 18 janvier 2012 et le 17 juillet de la même année.

2. La réforme de la formation professionnelle

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie comprend un ensemble de mesures en faveur du développement des contrats d’alternance, telles que :

– l’ouverture des contrats de professionnalisation « adultes » aux bénéficiaires de minima sociaux, avec une prise en charge renforcée ;

– la faculté pour les apprentis de continuer à suivre leur formation même si leur contrat est rompu, ce pendant trois mois (en vue de passer le diplôme final), souplesse utile en temps de crise ;

– l’expérimentation de « passerelles » permettant, en cas d’échec au diplôme préparé par l’apprentissage, d’accéder à une certification de moindre portée mais évitant un échec total (en l’espèce, un certificat de qualification professionnelle).

Par ailleurs, en instituant le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, cette loi a considérablement renforcé la péréquation entre les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de la formation professionnelle, avec pour ambition de redéployer des moyens vers des publics prioritaires, souvent éloignés de l’emploi et accédant peu à la formation continue classique.

3. Un nouveau train de mesures structurelles en 2011

Les mesures structurelles annoncées le 1er mars 2011 à Bobigny se sont concrétisées dans quelques textes réglementaires (4), dans la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 (voir infra) et surtout la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, issue d’une proposition de loi rédigée et rapportée par notre collègue Gérard Cherpion.

Ces lois et ces textes comprennent un ensemble de dispositions qui s’inscrivent dans plusieurs objectifs :

– valoriser l’alternance, en instituant, au bénéfice des apprentis et de certains titulaires de contrats de professionnalisation, une carte d’« étudiant des métiers » donnant droit à des réductions tarifaires identiques à celles dont bénéficient les étudiants de l’enseignement supérieur ;

– communiquer sur l’alternance et l’entreprise en développant un portail internet spécifique, en favorisant avec les chambres consulaires l’organisation de stages de découverte du monde professionnel pendant les vacances scolaires des collégiens et lycéens et en élargissant le champ du « dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA) de l’éducation nationale ;

– élargir les opportunités de formation en alternance, en adaptant les contrats d’alternance à la problématique des activités saisonnières – d’où l’idée de contrats avec deux employeurs et deux formations, selon la saisonnalité –, en autorisant l’apprentissage dans le cadre de contrats de travail temporaire ou encore en envisageant des contrats de professionnalisation pour les emplois des particuliers-employeurs ;

– assouplir certaines règles, en autorisant le renouvellement d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée quand c’est pour l’acquisition d’une qualification supérieure ou complémentaire, en réduisant l’ancienneté dans l’emploi requise pour devenir maître d’apprentissage, en permettant aux centres de formation d’apprentis (CFA) d’accueillir des jeunes en attente de contrat d’apprentissage (pendant une année au plus) et en prévoyant que les contrats d’apprentissage de trois ans conclus en vue de l’obtention d’un baccalauréat professionnel puissent être réorientés en cours d’exécution vers un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ;

– simplifier les formalités, en supprimant le contrôle des services de l’État sur la validité de l’enregistrement des contrats d’apprentissage, en permettant que la visite médicale d’embauche puisse être postérieure à l’enregistrement d’un tel contrat, en allant vers une dématérialisation des procédures…

– dégager des moyens financiers pour l’alternance, en relevant la part de la taxe d’apprentissage qui doit être affectée strictement à l’apprentissage (de 52 % à 59 % de 2011 à 2015) ou en imposant une durée minimale aux « périodes de professionnalisation » afin que les OPCA chargés de la professionnalisation aient plus de moyens à consacrer aux contrats du même nom.

4. Des résultats encourageants

Il est naturellement trop tôt pour disposer d’un bilan complet de toutes ces mesures, dont les dernières sont au demeurant juste en début de mise en œuvre sur le terrain compte tenu des délais d’application.

On peut toutefois, d’ores et déjà, signaler la reprise encourageante des entrées en alternance constatée en 2011, en particulier s’agissant du contrat de professionnalisation grâce à la mobilisation des partenaires sociaux et à l’effet des incitations financières mises en place :

– 294 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été enregistrés en 2011, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à 2010 (287 000 contrats en 2010 et 288 000 en 2009) ;

– 173 000 nouveaux contrats de professionnalisation ont été enregistrés en 2011, soit une augmentation de 17 % par rapport à 2010 (148 000 contrats en 2010 et 146 000 en 2009).

Globalement, les 467 000 contrats d’alternance passés en 2011 représentent une augmentation de 7,3 % par rapport à l’exercice précédent.

C. UNE OUVERTURE ENCORE INSUFFISANTE DES GRANDES ENTREPRISES À L’ALTERNANCE

L’analyse des statistiques sur les établissements qui accueillent les apprentis et les titulaires des contrats de professionnalisation montre que l’alternance reste d’abord l’affaire des plus petites entreprises : comme on le voit sur le tableau ci-après, les établissements de moins de dix salariés, qui représentent environ le quart de l’emploi salarié, accueillent près de 60 % des apprentis et plus de 40 % des titulaires de contrats de professionnalisation ; à l’opposé, les établissements de plus de 200 salariés, qui représentent également près du quart de l’emploi, reçoivent une part similaire des titulaires de contrats de professionnalisation, mais seulement 14 % des apprentis.

Structure de l’emploi selon la taille de l’établissement employeur en 2010

(en %)

 

Ensemble des salariés (affiliés à l’assurance chômage)

Apprentis
(embauchés en 2010)

Contrats de professionnalisation (embauchés en 2010)

Jusqu’à 4 salariés

12,2

41

27,7

5 à 9 salariés

12,2

18,2

13,5

10 à 49 salariés

28,9

19,5

22,4

50 à 199 salariés

23,9

7,5

13,7

Plus de 200 salariés

22,9

14

22,9

Total

100

100

100

Sources : DARES, « Analyses », n° 028, avril 2011, et n° 089, décembre 2011 ; Unistatis (assurance chômage).

Si on se fonde non sur la répartition des alternants entre les classes de taille des entreprises, mais sur le taux d’alternants dans les effectifs de ces différentes catégories d’entreprises, le constat est le même : globalement, les 628 000 titulaires de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation en cours fin 2011 constituaient environ 3,9 % de l’ensemble de l’emploi salarié ; en revanche, d’après des chiffres remontant il est vrai à 2009, les quelque 7 600 entreprises de plus de 250 salariés ne compteraient que 1,6 % d’alternants dans leurs effectifs (soit un total de 127 000), 54 % d’entre elles en accueillant moins de 1 %, comme l’indique le tableau ci-après.

Répartition des entreprises de 250 salariés et plus selon leur taux d’alternants (2009)

% d’alternants dans l’effectif

En % du nombre total d’entreprises de 250 salariés et plus

Moins de 1 % d’alternants

54

Entre 1 et 2 %

20

Entre 2 et 3 %

10

Entre 3 et 4 %

7

Entre 4 et 5 %

4

Plus de 5 %

5

Total

100

Source : évaluation préalable du projet de loi.

D. L’EFFICACITÉ DÉMONTRÉE DES OBLIGATIONS DE FAIRE ASSORTIES DE PÉNALITÉS FINANCIÈRES

En matière d’emploi, les « obligations de faire » assorties d’objectifs chiffrés et de pénalités financières ne constituent pas une nouveauté. Il en existe déjà plusieurs, dont la mise en œuvre montre que ce type de levier est un instrument efficace des politiques publiques, qui, de surcroît, peut laisser sa place au dialogue social. L’utilisation d’instruments fiscaux, au-delà des coûts dont les entreprises sont menacées, cherche à mobiliser leur responsabilité sociale en affichant des objectifs collectifs à atteindre.

1. L’exemple de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

La politique d’insertion dans l’emploi des personnes handicapées est la seule politique d’incitation fiscale à atteindre un certain « quota » d’emploi qui soit suffisamment ancienne pour en tirer des enseignements assez complets. L’analyse de ses résultats montre une réelle efficacité : l’instauration, en 1987, d’une pénalisation financière des entreprises n’employant pas 6 % de personnes handicapées, puis le renforcement et l’élargissement de ce système en 2005, ont eu un impact significatif sur l’emploi des personnes handicapées – tout en favorisant le dialogue social, car la conclusion d’accords collectifs sur l’insertion des travailleurs handicapés est l’un des modes de réalisation de l’obligation d’emploi. Les éléments de bilan dont on dispose ont été développés par notre collègue Gérard Cherpion dans son avis sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 (5).

Pour s’en tenir à quelques enseignements, il en ressort que la modification de la législation en 2005, dans un sens plus exigeant, a permis :

– une augmentation du nombre d’entreprises couvertes par un accord collectif portant sur l’emploi des personnes handicapées de 15 % entre 2005 et 2006 ;

– des progrès significatifs dans le secteur public (que la loi du 11 février 2005 a assujetti pour la première fois à une pénalité financière pour insuffisance d’emploi de personnes handicapées), avec, de fin 2004 à fin 2006, une augmentation de 22 000 du nombre de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques, soit + 13,4 % ;

– une adaptation rapide des entreprises au durcissement des règles (6) qui leur étaient applicables, ce qui était l’objectif recherché. La nouvelle réglementation s’est traduite dans un premier temps, mécaniquement, par une explosion des pénalités versées à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), dont la collecte a progressé de 425 à 606 millions d’euros (+ 43 %) entre 2006 et 2007, première année d’application. Mais, dès 2008, le montant de cette collecte s’est mis à diminuer, revenant en 2010 à 539 millions d’euros, ce qui rend compte de l’effort d’emploi direct ou indirect de travailleurs handicapés fait par les entreprises assujetties ;

– spécialement, une très forte baisse du nombre d’entreprises n’employant aucun travailleur handicapé, suite à l’instauration d’une pénalité financière dissuasive (7) pour les entreprises ne faisant aucun effort d’emploi des personnes handicapées et se contentant de verser la contribution financière obligatoire. En un an (2009-2010), la perspective de l’entrée en vigueur effective de cette pénalité a plus que divisé par deux (– 54,5 %) le nombre d’entreprises dans cette situation.

2. L’exemple de l’obligation de mettre en place un plan d’action pour l’emploi des seniors

Plus récemment, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré, à compter de 2010, une pénalité financière, égale à 1 % de la masse salariale, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif (d’entreprise ou, pour les entreprises de moins de 300 salariés, de branche étendu) ou un plan d’action (fixé unilatéralement par l’employeur) relatif à l’emploi des salariés âgés (seniors). Ces accords ou plans doivent répondre à certaines prescriptions : fixation d’un objectif chiffré de maintien dans l’emploi ou de recrutement de salariés âgés ; définition de mesures favorables à l’emploi des salariés âgés dans trois domaines d’action au moins choisis parmi six domaines prédéfinis ; définition de modalités de suivi.

Les services statistiques du ministère chargé du travail ont recensé (8), entre juin 2009 et septembre 2010, le dépôt auprès de l’administration de 34 200 textes constitutifs d’accords collectif (29 % des textes) ou de plans d’action (71 % des textes) relatifs à l’emploi des seniors. Une fois éliminés les doublons, cela correspondrait à 27 750 textes relevant d’entités économiques différentes (entreprises, groupes, unités économiques et sociales). Plus de 36 000 entreprises, employant près de 7,3 millions de salariés, seraient potentiellement couvertes. Sur la base des données disponibles au 1er octobre 2010 et sous diverses réserves, au moins 80 % des salariés des entreprises de cinquante salariés et plus auraient été couverts dès cette date par un texte relatif à l’emploi des seniors. Il est donc clair que la menace de pénalités financières a entraîné une mobilisation rapide des entreprises.

E. LA RÉFORME PROPOSÉE

La présente mesure vient renforcer un dispositif qui a été institué en 2006, en relevant le taux d’alternants dans leur effectif que devront atteindre les entreprises et en accroissant progressivement les contributions dues par celles ne réalisant pas cet objectif.

1. Le droit en vigueur

a) Un dispositif créé en 2006

À l’origine de ce dispositif, on trouve la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances : celle-ci a instauré une majoration de 0,1 % de la taxe d’apprentissage (assise sur la masse salariale) pour les entreprises de 250 salariés et plus n’atteignant pas un certain quantum de jeunes de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage dans leur effectif. Elle a prévu un relèvement progressif du quantum d’alternants à atteindre : 1 % des effectifs de l’entreprise en 2006, 2 % en 2007 et 3 % à partir de 2008.

La loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a ensuite légèrement aménagé ce dispositif en prévoyant la prise en compte de l’ensemble des salariés (jeunes ou non) en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage.

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a apporté à son tour plusieurs modifications. Elle a affecté la majoration de taxe d’apprentissage, désormais dénommée « contribution supplémentaire à l’apprentissage », au fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA) ; son produit était auparavant réparti uniformément sur l’ensemble des fractions de la taxe d’apprentissage. Elle a également aménagé le champ des personnes prises en compte dans le quantum à atteindre : outre les salariés en contrat de professionnalisation et d’apprentissage, elle y a intégré les jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise et ceux bénéficiant d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

b) Un dispositif renforcé en 2011

Enfin, la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a apporté plusieurs modifications, applicables à la contribution versée en 2012 en fonction de l’effectif d’alternants constaté en 2011 :

– le taux d’alternants à atteindre, sous lequel la contribution est due, est porté de 3 % à 4 % ;

– la contribution est dotée d’un barème progressif selon l’écart par rapport à cet objectif et la taille des entreprises, avec un taux maximal de 0,3 % (voir le tableau infra pour les autres taux) contre un taux unique préexistant de 0,1 %, afin d’être à la fois plus équitable et plus incitative ;

– pour favoriser le dialogue social de branche et à titre transitoire (jusqu’en 2015), les entreprises dont le taux d’alternants est compris entre 1 % et 3 % sont exonérées de la contribution si elles peuvent justifier d’une progression d’au moins 10 % de leur effectif d’alternants par rapport à l’année précédente ou relèvent d’une branche couverte par un accord prévoyant dans son champ une progression aussi importante et ayant réalisé cet objectif ;

– le mode de gestion de l’utilisation des fonds recouvrés est modifié avec la création d’un compte d’affectation spéciale intitulé « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », à la suite du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA), qui n’avait pas ce statut.

D’après les documents budgétaires, le rendement de la contribution supplémentaire, qui a été de 68 millions d’euros en 2010, devrait s’élever à 108 millions en 2012.

2. La mesure proposée

Le présent article 8 ne concerne pas l’exercice 2012, mais les exercices suivants. Il s’agit d’une réforme structurelle, qui vise à encourager et à accompagner sur le moyen terme l’augmentation de l’effort demandé aux grandes entreprises en matière d’embauche de jeunes en alternance.

Les modifications proposées dans l’actuel article 230H du code général des impôts ont trois objets :

– le A du paragraphe I porte de 4 % à 5 % le taux d’alternants à atteindre dans les entreprises de 250 salariés et plus à compter du 1er janvier 2015 (application à la contribution due en 2016 sur les rémunérations et en fonction des effectifs de 2015) ; 5 % d’alternants dans l’ensemble de l’emploi salarié (hors emploi public), cela représenterait 800 000 emplois, soit l’objectif que s’est fixé le Gouvernement pour 2015 ;

– le B du paragraphe I pérennise l’exonération prévue lorsque le nombre d’alternants augmente d’au moins 10 % d’une année sur l’autre dans l’entreprise ou dans la branche (voir supra pour cette modalité prévue par la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011) ;

– le C du paragraphe I et le paragraphe II prévoient une augmentation progressive, étalée d’ici 2016, des taux de contribution pour les entreprises dont la part d’alternants dans l’effectif est la plus faible (moins de 2 %). Le tableau ci-après présente l’évolution proposée.

Le taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage : avant et après réforme

Taux d’alternants dans les entreprises

Taux de la contribution : régime créé en 2006

Taux de la contribution : réforme de 2011

Taux de la contribution : projet de loi

   

(applicable en 2012)

En 2013

En 2014

En 2015

À partir de 2016

Au moins 5 % d’alternants

 

-

-

-

-

-

4 % à moins de 5 % d’alternants

-

0,05 %

3 % à moins de 4 % d’alternants

 

0,05 %

0,05 %

0,05 %

0,05 %

2 % à moins de 3 % d’alternants

 

0,1 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

1 % à moins de 2 % d’alternants

0,1 %

0,2 %

Moins de 1 % d’alternants :

         

– Jusqu’à 2 000 salariés

0,2 %

0,25 %

0,3 %

0,4 %

0,4 %

– Plus de 2 000 salariés

0,3 %

0,4 %

0,5 %

0,6 %

0,6 %

Le choix d’une augmentation progressive du barème, avec des taux fixés dès à présent pour les exercices suivants, vise à ne pas pénaliser inutilement les entreprises, qui auront donc un délai d’adaptation.

Par ailleurs, l’affectation des moyens supplémentaires – si les entreprises n’accroissent pas leur taux d’alternants – dégagés par cette augmentation permettra d’accompagner les entreprises pour qu’elles s’impliquent davantage dans la formation en alternance. On rappelle que la contribution est destinée au compte de « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », également alimenté par une fraction de la taxe d’apprentissage. Or ce dernier a pour objet :

– de financer des aides aux entreprises de plus de 250 salariés qui renforcent leur effectif d’alternants bien qu’elles excèdent déjà les objectifs fixés par la loi ;

– plus généralement de financer des mesures de développement de l’apprentissage (péréquation entre régions, participation de l’État aux contrats d’objectifs et de moyens passés avec les régions pour l’apprentissage).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Yves Bur, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 au cours de sa séance du mercredi 8 février 2012.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

Mme Marisol Touraine. Je remercie le rapporteur pour avis pour son intervention qui, chacun l’aura noté, était extrêmement mesurée – d’ailleurs, l’absence d’amendements de la part de la majorité est peut-être le signe d’une interrogation sur le dispositif proposé…

Je présenterai plusieurs observations.

La première a trait à la démarche elle-même. Que le Président de la République estime nécessaire de modifier le mode de financement de la sécurité sociale, pourquoi pas ? Toutefois, à quelques semaines de l’élection présidentielle, on eût pu imaginer que le débat portât sur le mode de financement de la protection sociale : on ne change pas les règles du jeu juste avant une échéance majeure, surtout en expliquant aux Français qu’aucune mesure n’entrera en vigueur avant l’automne prochain ! Il s’agit d’une manipulation, dont personne n’est dupe.

Par ailleurs, le mécanisme retenu aboutira à un « choc de croissance » à l’envers, c’est-à-dire à une récession, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, il est improbable qu’une augmentation de 1,6 % de la TVA, accompagnée d’une baisse correspondante des cotisations sociales, ait un effet bénéfique sur la croissance. Les médias rapportent d’ailleurs de nombreux témoignages d’entrepreneurs qui expliquent qu’ils ne modifieront ni leurs prix ni leurs stratégies d’emploi ; comme leurs entreprises vont mal, il s’agira pour eux d’un simple effet d’aubaine. Ensuite, dans notre pays, la croissance repose à 60 % sur la consommation intérieure ; qu’on le regrette ou non, c’est un fait. Augmenter les prix à la consommation – car personne n’imagine que ce ne sera pas le cas – dans un pays en récession, dont la relance passe, à court terme, par l’augmentation ou le maintien de la consommation, semble contre-productif ! Indépendamment du jugement que l’on peut porter sur le fond, une telle décision ne fera, à court terme, qu’enfoncer notre pays dans la récession.

C’est sur l’analyse des causes du déficit de compétitivité de notre pays que nous divergeons ; en revanche, il existe un consensus sur la nécessité d’améliorer celle-ci. Sachant qu’il a fallu dix ans à l’Allemagne pour redresser sa compétitivité, et si nous avons été si mauvais que cela jusqu’en 2002, on se demande pourquoi vous n’avez pas tiré profit des dix années que vous avez passées au pouvoir pour relancer la nôtre ! Nous pensons quant à nous que l’économie française souffre d’un profond déficit en matière de recherche, que les investissements de recherche et développement sont insuffisants, que notre tissu industriel s’est affaibli, et que la diminution de notre compétitivité n’a pas grand-chose à voir avec le coût du travail, qui, dans le secteur manufacturier, est à peu près le même qu’en Allemagne ; si, toutes branches confondues, il est globalement inférieur outre-Rhin, c’est qu’il n’existe pas de SMIC dans certaines branches, où les salariés sont payés 5 euros de l’heure, ce qui ne peut être un modèle pour nous ! Vous allez donc prendre une mauvaise mesure pour l’économie française, fondée sur une analyse erronée.

Enfin, une augmentation des prix est bien la dernière chose dont nous avons besoin ! Indépendamment de l’absurdité du raisonnement qui consiste à dire que l’augmentation de la TVA n’aura pas de répercussions sur l’inflation alors qu’on encourage dans le même temps les Français à consommer avant le mois d’octobre, puisque vous aimez tant l’exemple allemand, je rappellerai que la forte augmentation de la TVA en Allemagne s’est accompagnée d’une relance de l’inflation, à 2,6 %, qui a pesé très fortement sur la consommation dans l’année qui a suivi la mise en œuvre de la mesure. Ce fut un ralentisseur préoccupant de la croissance dans un pays où celle-ci ne repose pourtant pas sur la consommation intérieure. Il n’y a aucune raison de penser qu’il n’en sera pas de même dans notre pays ! De surcroît, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait infliger une nouvelle hausse de la TVA aux Français, alors qu’ils en ont déjà subi une le mois dernier et que le précédent de 1995 fut un fiasco économique.

M. Bernard Perrut. Ce texte a deux objectifs clairs, qu’Yves Bur a parfaitement rappelés : renforcer la compétitivité de notre économie et améliorer l’emploi dans notre pays. Au moins pourrions-nous, au-delà des clivages politiques, nous retrouver sur ces objectifs !

On ne peut analyser ce texte indépendamment de tout ce qui a été fait précédemment par le Gouvernement, qui n’a pas attendu aujourd’hui pour agir en faveur de l’économie et de l’emploi : rappelons les 34 milliards d’euros du plan de relance, la réforme de la taxe professionnelle, les 35 milliards d’euros du programme d’investissements d’avenir, la réforme des universités, l’augmentation du montant du crédit d’impôt recherche, ainsi que d’autres mesures allant dans le même sens.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que nous arrivons à la fin de la mandature qu’il ne faut plus rien faire ! Au nom de quoi devrions-nous attendre pour prendre des mesures, alors que la situation est si difficile ? Toutes les mesures, même celles qui semblent prises dans l’urgence, sont nécessaires et devront être appliquées.

Depuis dix ans, l’économie française a perdu 500 000 emplois dans l’industrie et nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l’Allemagne. Le déficit de compétitivité de notre pays résulte en partie des modalités de financement de la protection sociale : en 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait environ 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne en Allemagne et dans les autres pays de l’Union européenne. Pour un coût du travail identique de 4 000 euros, une entreprise acquitte en France près de 1 200 euros de cotisations patronales, quand sa concurrente allemande en paie 700.

Face à cette situation, faudrait-il ne rien faire ? Non, il faut prendre des mesures !

C’est ce que font précisément le Président de la République et le Gouvernement en proposant une baisse des charges qui pèsent sur les entreprises afin qu’elles puissent accroître leur compétitivité. Tel sera notamment le cas grâce à cette TVA compétitivité que l’on nous propose.

Le Groupe UMP, bien entendu, soutient une telle démarche.

S’agissant de l’apprentissage, le projet gouvernemental va plus loin que la « loi Cherpion » de juillet 2011. Si les petites entreprises se soucient de cette question, tel n’est en revanche pas le cas des grandes car nous n’avons pas su développer une telle culture dans tous les secteurs professionnels, que ce soit dans les métiers manuels de l’industrie ou du bâtiment ou bien dans ceux des services, de l’assurance ou de la banque. Une telle évolution était donc nécessaire. Plus précisément, les entreprises de plus de 250 salariés devront désormais embaucher au moins 5 % d’alternants d’ici à 2015 mais, quels que soient les chiffres, il importe surtout d’exprimer une volonté et de promouvoir une culture qui doit gagner l’ensemble des branches professionnelles. Cela devrait d’ailleurs faire l’objet d’un consensus entre nous au lieu de nous diviser car il en va en l’occurrence de l’intérêt de la France.

De plus, le dispositif « zéro charge » contribuera à aider les petites entreprises puisque, jusqu’au mois de juillet 2012, elles seront exonérées pendant un an pour toute embauche d’un jeune âgé de 18 à 26 ans au niveau du SMIC puis, progressivement, jusqu’à 1,6 SMIC.

Ce texte complète donc un arsenal de mesures et conforte l’ensemble des dispositions qui ont été prises en faveur du développement de l’économie et de l’emploi.

M. Roland Muzeau. Après dix ans de pleins pouvoirs, nos collègues de la majorité font aujourd’hui les comptes et s’aperçoivent qu’ils ne sont pas bons, à tel point qu’ils craignent les effets de leur politique sur l’opinion publique.

J’ai connu Yves Bur beaucoup plus à son aise en commission. C’est qu’en effet il est en service politique commandé et essaie de vendre à la majorité des mesures qui, objectivement, l’embarrassent. Je comprends d’ailleurs la défense confuse qu’il en fait tant il connaît parfaitement les questions qui se posent. En 2008, il dénonçait ainsi dans un rapport d’information les exonérations jouant comme « des trappes à bas salaires » jusqu’à 1,3 SMIC et appelait à un recentrement de tels dispositifs sur les petites entreprises.

L’ultra-libéral M. Alain Madelin, quant à lui, vient de dénoncer une mesure qui profitera « en priorité aux secteurs bancaire et financier » et aux grandes entreprises comme, par exemple, Total.

Le président de Renault, M. Carlos Ghosn, lui, a indiqué le 25 janvier dernier que « le coût du travail est identique en France et en Allemagne » et, en effet, tel est bien le cas – quoi que vous prétendiez – dans l’industrie manufacturière comme l’attestent les statistiques de l’INSEE ou d’Eurostat.

Par ailleurs, les bas salaires, jusqu’à 1,6 SMIC, sont déjà exonérés de cotisations sociales – je songe aux fameux allégements « Fillon », ce qui représente 22 milliards sur un total de 30 milliards d’allégements.

La TVA sociale, quelles que soient les contorsions auxquelles vous vous livrez, entraînera une diminution du pouvoir d’achat. La TVA constitue l’impôt le plus injuste qui soit car il pèse massivement sur les personnes dont les revenus sont les plus modestes. Je rappelle que son poids représente 14 % des revenus des 10 % les familles les plus pauvres contre 5 % de celles qui sont les plus aisées. Les couches populaires et moyennes de la population seront donc les victimes de votre politique.

De plus, le plan d’urgence pour l’emploi n’est pas financé. Il faudra que vous expliquiez à ce propos comment vous réussirez à redéployer 430 millions au sein de la mission « Travail et Emploi » alors que le budget de l’emploi pour 2012 a baissé de 12 %.

Tout cela témoigne combien ni les Français ni l’opposition ne sont disposés à croire des affirmations infondées. Vous appauvrirez une majorité de nos concitoyens sans améliorer notre compétitivité, les exonérations supplémentaires contribuant à financer non l’investissement et l’emploi mais la spéculation et les marchés financiers.

M. Jean-Patrick Gille. Je rappelle que les 13 milliards transférés correspondent à peu près au montant des allocations familiales. En outre, quelle garantie avons-nous de leur affectation à la branche famille, d’autant que certains financements qui devaient lui être attribués ne l’ont pas été ? Yves Bur n’était d’ailleurs pas très à son aise lorsqu’une petite partie de la CSG a été affectée au financement de la CADES, ce qui a contribué à aggraver la situation de la branche famille, aujourd’hui déficitaire.

De plus, le calendrier que vous proposez entraînera un manque à gagner qui peut être évalué à un milliard par mois dès lors que la baisse des cotisations interviendra rapidement et que l’augmentation de la TVA n’est quant à elle prévue qu’au mois d’octobre.

Par ailleurs, comment cette mesure entraînera-t-elle la création de 100 000 emplois ?

De même, rien ne garantit, contrairement à ce que vous prétendez, que les marges récupérées par les entreprises seront réinvesties dans les salaires ou favoriseront la baisse des prix. Elles profiteront bien plutôt aux marchés financiers ou aux fonds propres des entreprises.

Marisol Touraine a également expliqué pourquoi il fallait moins s’attendre à une hausse de la croissance qu’à une récession.

Procès d’intention, direz-vous ? Ce à quoi je vous répondrai que la baisse de 15 % de la TVA dans la restauration n’a eu que des effets limités sur l’emploi alors qu’elle a coûté 3 à 4 milliards d’euros.

À l’article 8, le passage à 5 % du quota d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés relève de l’effet d’annonce. En 2006, le seuil était de 3 % ; au mois de juillet dernier, il a été porté à 4 % ; or aucune évaluation de ce dispositif n’a été réalisée. Lors des questions au Gouvernement, le ministre a fait état d’une augmentation de 7 % du nombre d’alternants mais celle-ci s’explique à hauteur de 80 % par la délivrance de primes supplémentaires proposée dans la « loi Cherpion » dans le cadre de la reprise des contrats de professionnalisation – ce dont nous nous félicitons – et ne saurait être imputée à la politique des quotas.

J’ajoute que le passage à 5 % étant prévu pour 2015 et le doublement des pénalités en cas de non-respect étant effectif au moins un an plus tard, les effets supposés ne seront pas immédiats. Enfin, si la preuve est apportée au sein de l’entreprise ou de la branche que les embauches d’alternants ont augmenté de 10 %, les pénalités ne s’appliqueront pas : or, pour une entreprise de 300 salariés, l’embauche d’un seul apprenti suffira !

M. Jean Mallot. Je tiens à souligner combien les conditions dans lesquelles nous travaillons sont déplorables. Adopté en Conseil des ministres ce matin, ce texte sera discuté en séance publique lundi prochain à 17 heures et nous n’avons pas pu déposer nos amendements dans les délais réglementaires – ils seront donc seulement discutés dans le cadre de l’article 88 du Règlement, ce qui n’est pas de bonne politique alors que le Président de la République ambitionnait de revaloriser le travail parlementaire. Enfin, nous ne pouvons pas procéder aux auditions des partenaires sociaux, notamment du patronat et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), alors qu’elles auraient été particulièrement utiles.

Par ailleurs, à quel moment le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale sera-t-il discuté ? Il est évident, en effet, que le Gouvernement est en train d’y travailler puisque les ressources de la branche famille disparaîtront avant que le produit de la TVA ne vienne à nouveau abonder cette dernière. De surcroît, une partie de ce collectif vise à répercuter dans le budget de l’État et dans les finances publiques en général la modification de 1 % à 0,5 % de l’hypothèse de croissance.

Le rapporteur pour avis a souligné qu’il y a dix ans la compétitivité française était meilleure que celle de l’Allemagne. Que s’est-il donc passé pendant cette période où vous avez été et où vous êtes encore au pouvoir ?

J’ai bien noté que vous comprenez le problème de la compétitivité par rapport à l’Allemagne et à nos concurrents directs en Europe mais la prospérité allemande reposant largement sur ses exportations intra-européennes, nous devrons tous apprendre à exporter hors du continent si nous voulons tendre vers un modèle satisfaisant.

En outre, si nous voulons travailler à améliorer notre compétitivité, nous devons savoir quelles entreprises seront concernées par votre réforme, en particulier parmi celles qui sont soumises à la concurrence. Or la majeure partie des entreprises bénéficiaires de cette mesure n’y étant pas exposées, elles bénéficieront d’un splendide effet d’aubaine qui leur permettra d’accroître leurs marges et, donc, à rémunérer le capital.

L’augmentation de la TVA, quant à elle, aura des répercussions sensibles sur l’inflation comme l’ont montré les expériences allemande et française. Le pouvoir d’achat des salariés sera donc sérieusement amputé.

Le président Méhaignerie et moi-même sommes très attachés à l’évaluation des politiques publiques. Nous devons donc connaître les objectifs et les effets réels de cette mesure afin de pouvoir procéder à une évaluation dans quelques années, laquelle sera sans doute assez intéressante. Vous voulez améliorer la compétitivité des entreprises, le pouvoir d’achat et créer des emplois mais nous nourrissons à cet égard de sérieux doutes.

Mme Anny Poursinoff. En tant qu’écologistes, nous considérons qu’il importe d’adapter le financement de la protection sociale à un monde qui a beaucoup changé depuis l’après-guerre puisque nos sociétés ont de moins en moins besoin de main-d’œuvre.

Malheureusement, les gouvernements successifs ont échoué à partager le travail – alors qu’il aurait été possible d’assurer ainsi le plein emploi – en dehors de la période, tant décriée par la majorité, au cours de laquelle Mme Aubry a eu le courage de mettre en œuvre les 35 heures.

Face au chômage et à la hausse des dépenses de santé due notamment à l’augmentation des maladies chroniques, il importe de trouver d’autres sources de financement pour la protection sociale. L’augmentation de l’impôt le plus injuste qu’est la TVA, sans la mise en place d’une réforme générale de la fiscalité ni l’organisation d’une réflexion à long terme, risque de pénaliser les plus fragiles sans pour autant améliorer la compétitivité.

M. Michel Issindou. Nous nourrissons en effet de sérieux doutes sur cette mesure.

La création de 100 000 emplois est très incertaine. Yves Bur évaluait d’ailleurs le gain ou le nombre d’emplois sauvegardés suite aux exonérations précédentes entre 300 000 et 1,5 million, preuve qu’il n’en sait précisément rien lui-même. Je gage, de plus, que cela a largement résulté d’un effet d’aubaine. Enfin, quand bien même 100 000 emplois seraient créés, je vous rappelle que notre pays compte 4 millions de chômeurs…

Je ne crois que très moyennement à l’amélioration de la compétitivité par rapport à nos concurrents européens grâce à la baisse des charges. Les Allemands disposent en effet d’un modèle économique différent puisqu’ils ont développé depuis longtemps un tissu de PME et des produits phares dans des secteurs comme l’électroménager, les machines-outils et l’automobile. Ils exportent à tout va dans le monde, et je ne suis pas sûr que nous puissions en faire autant demain.

M. le rapporteur pour avis. Il faut avoir de l’ambition ! Défaitiste !

M. Michel Issindou. Certes, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, la compétitivité ne relève pas que des coûts : elle dépend également de la recherche, de l’innovation et de bien d’autres facteurs dont la mobilisation requiert du temps.

En revanche, nous sommes certains que le pouvoir d’achat des consommateurs sera amputé, même si le Président de la République s’est quelque peu embrouillé en prétendant à la fois que les prix n’augmenteraient pas et qu’il fallait se dépêcher de consommer avant le mois d’octobre…

Cette situation est d’autant plus dommageable que nous avons besoin de croissance et que celle-ci est tirée par la consommation. Le risque de récession est donc bel et bien présent.

Si la taxe professionnelle constituait en effet un impôt « imbécile », acceptez de considérer que la TVA est un impôt injuste puisqu’il touche ceux qui sont contraints de consommer et non les épargnants.

Enfin, nous n’avons jamais contesté le principe de la formation en alternance mais ce n’est pas lui qui créé des emplois : ce sont les carnets de commandes des entreprises. Ce n’est pas ainsi que vous créerez de la croissance même s’il est vrai que les apprentis peuvent s’insérer plus facilement dans l’industrie ou les services.

Mme Valérie Rosso-Debord. Le rapporteur pour avis a évoqué les allégements de charges sur les salaires de moins de 1,6 SMIC. La suppression totale des cotisations patronales concernant la branche famille pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC permettra également de valoriser la production des entreprises.

Par ailleurs, je vous rappelle que la TVA qui frappe les abonnements de téléphonie mobile est passée de 5,5 % à 19,6 % et que l’ensemble des abonnements a baissé alors que les opérateurs promettaient de reporter l’intégralité de la hausse sur les consommateurs. Que s’est-il passé ? Grâce à une saine concurrence, aucun des opérateurs n’a été en mesure de le faire. Je gage qu’il en sera de même dans les autres secteurs grâce au dispositif que nous proposons.

Enfin, les pensions de retraite étant indexées sur les prix, les retraités ne sont pas touchés par la hausse de la TVA.

M. Michel Liebgott. En Lorraine, 33 % des investissements étrangers sont allemands, preuve que les entreprises d’outre-Rhin trouvent des conditions favorables de développement, y compris dans ma propre commune avec le groupe ThyssenKrupp. Je ne crois donc pas que la mesure que vous proposez entraînera une augmentation massive de ces investissements.

De surcroît, en Allemagne, le taux de TVA est de 19 %. Chez nous, il serait de 21,2 % si votre projet devait s’appliquer.

Si l’économie allemande se porte bien, c’est aussi parce qu’il existe un véritable dialogue social – le rapporteur pour avis a évoqué les lois dites « Hartz ». Les négociations qui ont eu lieu ont abouti à une certaine modération salariale mais celle-ci était assortie de compensations qui se traduisent aujourd’hui par des augmentations de salaires et un chômage partiel intelligemment pensé.

Sur un plan institutionnel, l’Allemagne diffère également de la France. Chez nous, les régions sont exsangues faute d’autonomie financière alors qu’il n’en est pas de même des Länder. L’État français est hyper-centralisé, comme vous en témoignez encore aujourd’hui, puisqu’à trois mois d’une échéance nationale vous pensez pouvoir régler l’ensemble des problèmes de notre pays par une mesure étatique. C’est dire à quel point vous êtes coupés de la réalité et de la logique économiques ! Alors que le Gouvernement aura changé dans trois mois, pas un patron ne pense que ce type de mesures pourrait changer quoi que ce soit.

M. Arnaud Robinet. Notre discussion s’inscrit en effet, madame Poursinoff, dans le débat sur le financement de la protection sociale. Sur les 650 milliards d’euros annuels, la branche famille représente 73 milliards, dont 50 milliards redistribués directement aux familles.

Depuis 1975, ce financement se fait en partie par le recours à la dette et par un alourdissement du coût du travail. Aussi ce projet de loi de finances rectificative va-t-il dans le bon sens. Les mesures courageuses et responsables qu’il comporte s’inscrivent dans la politique que le Gouvernement et le Président de la République mènent depuis cinq ans en faveur de la compétitivité de nos entreprises, avec notamment la suppression de la taxe professionnelle.

Mais la baisse du coût du travail n’est pas le seul moyen. Sur ce plan, nous ne serons jamais compétitifs par rapport à des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, et c’est heureux pour les entreprises et les salariés français. Notre compétitivité se trouvera aussi améliorée par la recherche et l’innovation, pour lesquelles le Gouvernement a également montré sa détermination depuis cinq ans – autonomie des universités, plans d’investissement, etc.

Bref, ce transfert de fiscalité – terme que je préfère à ceux de « TVA sociale » ou de « TVA anti-délocalisations » – s’inscrit dans la bonne direction. Je comprends, à cet égard, le malaise de nos collègues socialistes : non seulement un de leurs candidats à la primaire a fait toute sa campagne sur le thème de la TVA sociale, mais un socialiste soutenu par Marisol Touraine et présenté il y a quelques mois comme le prochain Président de la République déclarait : « Mon idée est d’utiliser les points forts de la TVA pour poursuivre un objectif clair : la lutte contre les conséquences des délocalisations et la défense de l’emploi. » Ainsi s’exprimait M. Strauss-Kahn lorsqu’il était encore candidat potentiel à l’élection présidentielle.

M. Étienne Pinte. L’objectif du Gouvernement est d’arriver en 2015 à 800 000 contrats de formation en alternance, dont 600 000 contrats d’apprentissage. Même si cela n’est pas précisé, j’imagine que les 200 000 restants sont des contrats de professionnalisation des salariés.

À l’heure actuelle, combien de jeunes en apprentissage et combien de salariés en contrat de professionnalisation bénéficient-ils d’une formation en alternance ?

Il est prévu de relever progressivement de 4 à 5 % le nombre d’alternants d’ici à 2015, pour arriver à 270 000 alternants supplémentaires. Comment cette hausse se répartira-t-elle entre contrats d’apprentissage et contrats de professionnalisation ?

M. Gérard Cherpion. À mes collègues de l’opposition qui affirment que les dispositions de l’article 1er appauvriront les Français, je me permets de signaler que la politique mise en place depuis 2007 a produit des résultats et que ni les salaires, ni les retraites, ni les prestations sociales n’ont baissé, contrairement à ce que l’on a vu dans d’autres pays européens.

M. Michel Issindou. Et le chômage ?

M. Gérard Cherpion. La France a mieux résisté à la crise.

De même, alors que les recettes de l’État diminuaient de 25 %, les dotations aux collectivités locales ont été maintenues – ce qui, d’ailleurs, n’était pas la meilleure des choses selon moi !

Quant à la mesure de « courage » de Mme Aubry, madame Poursinoff, elle s’est immédiatement traduite par 11 points de différentiel de compétitivité par rapport aux autres économies ! Nous ne nous en sommes pas encore remis. Mais ce que nous avons pu rattraper, nous le devons au travail des Français qui se sont battus pour la compétitivité.

L’article 8 s’inscrit dans la continuité de la volonté gouvernementale de développer l’alternance. Le dispositif d’exonération concerne les entreprises qui ont augmenté leur nombre d’alternants d’au moins 10 %, ou celles couvertes par un accord de branche prévoyant une progression aussi importante pour l’ensemble de la branche et ayant réalisé cet objectif.

Quoi qu’en dise l’opposition, l’alternance repose dans tous les cas sur un contrat de travail. Et ce contrat se traduit souvent par l’embauche de la personne et par une rémunération plus élevée que la moyenne.

Bref, il me paraît important de favoriser par tous les moyens l’alternance dans notre pays. Les chiffres actuels, pour répondre à Étienne Pinte, sont d’environ 400 000 contrats d’apprentissage pour 200 000 contrats de professionnalisation.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il faut rappeler une tradition française : par le passé, le différentiel de compétitivité s’est trouvé « corrigé » par des dévaluations successives et des pertes de pouvoir d’achat, en particulier en 1982 et en 1983. Chacun en porte une part de responsabilité.

Par ailleurs, tous les rapports montrent que les cotisations pesant sur le travail sont un problème réel et spécifique à la France. Les organisations syndicales en conviennent, même si elles n’aboutissent pas aux mêmes conclusions : la CFDT, notamment, préfère une réponse passant par la CSG plutôt que par la TVA.

On peut regretter que le problème n’ait pas été posé il y a deux ans. Comme je l’ai écrit, si les marqueurs d’avant la crise – 2,5 à 3 % de croissance – ne justifiaient pas une politique de l’offre, cette politique devenait en revanche nécessaire au moment où le Président de la République, s’exprimant à Versailles, constatait que l’ampleur de la crise appelait une remise en cause profonde. Cependant, il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Le coût du travail est un facteur de compétitivité parmi d’autres. Il faut donner acte au Gouvernement de l’effort que constituent la suppression de la taxe professionnelle et l’augmentation du montant du crédit d’impôt recherche. La mesure proposée dans le texte aura-t-elle des conséquences sur le pouvoir d’achat ? Autant que je sache, il existe en France des systèmes d’indexations tant pour le SMIC que pour les prestations sociales.

M. Jean Mallot. Donc vous admettez une hausse de l’inflation.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le rétablissement de la compétitivité suppose également un assouplissement du droit du travail, dont la rigidité est une des causes de notre affaiblissement. Si le groupe danois ISS, la plus grande société européenne de services dont j’avais rencontré le président lors d’un déplacement au Danemark, rachète un grand nombre d’entreprises françaises, c’est que celles-ci ont intérêt à vendre plutôt qu’à se développer tant notre système de transmission est coûteux et complexe.

Enfin, notre système de formation n’oriente pas les jeunes vers l’industrie.

La mesure du texte concernant le coût du travail est positive, mais ce n’est pas le seul élément de la compétitivité.

Concernant la cotisation supplémentaire à l’apprentissage, j’estime
– comme, je crois, Gérard Cherpion – qu’elle a déjà fait l’objet d’une augmentation. Je ne suis pas sûr qu’une incitation négative ait beaucoup d’efficacité. J’aurais préféré une incitation positive, même si la majoration prévue par le texte ne doit intervenir qu’en 2015.

M. Étienne Pinte. Parmi les entraves à la compétitivité, vous évoquez les contraintes administratives. Ayant été le rapporteur des deux lois sur la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, je me dois de rappeler que ces textes n’ont donné lieu à aucune création d’emploi alors qu’ils étaient censés en entraîner 450 000. Il y a eu, tout au plus, un maintien de l’emploi. S’il doit y avoir des assouplissements, nous devons veiller à leur efficacité !

M. Michel Issindou. Si vous-mêmes le reconnaissez...

M. le président Pierre Méhaignerie. L’Agence française pour les investissements internationaux a mené une étude sur les conditions d’attractivité de la France. Deux éléments dissuasifs y sont soulignés : le coût et la judiciarisation du licenciement, ainsi que la complexité et l’addition des instances de concertation. Pour passer de 49 à 51 salariés, il faut du courage ! Toutes les entreprises n’ont pas un directeur des ressources humaines à disposition pour démêler la complexité du code du travail... Je crois qu’une simplification est absolument nécessaire.

M. le rapporteur pour avis. Si la majorité n’a déposé aucun amendement sur ce texte, madame Touraine, ce n’est pas qu’elle est mal à l’aise : c’est qu’elle le soutient tel qu’il est. Du reste, l’opposition n’en dépose pas davantage, pas même de suppression des articles...

M. Jean-Patrick Gille. Nous n’en avons pas eu le temps !

M. le rapporteur pour avis. Votre camp comptait des partisans convaincus de la TVA sociale. J’aurais aimé les entendre et savoir pourquoi ils ont renoncé à cette idée.

Pour ce qui est de l’effet d’aubaine, il me semble que les entreprises jugeront de ce qui leur sera utile. Certaines devront reconstituer leurs marges, donc leurs fonds propres qui leur permettront d’investir et d’innover. D’autres pourront se permettre de baisser les prix pour devenir plus compétitives sur le marché français comme sur le marché européen.

Par ailleurs, j’ai mené en 2009 une analyse de ce qui s’est passé en Allemagne en matière d’inflation. La grande coalition a annoncé la hausse de la TVA qui faisait partie de son contrat de gouvernement à l’automne 2005, après les élections. La disposition est entrée en application le 1er janvier 2007, si bien qu’il y a eu des mesures d’anticipation. On considère maintenant que l’inflation liée à cette augmentation de 3 points de la TVA s’est élevée à environ 1,4 % sur deux ans seulement.

M. Jean Mallot. Non, 2,6 %.

M. le rapporteur avis. Peut-être pour l’inflation globale, mais les études montrent que l’inflation imputable à l’augmentation de la TVA était bien de 1,4 %.

Par ailleurs, la France a longtemps adopté – à droite comme à gauche – un modèle de croissance fondé sur la consommation, qui fonctionnait essentiellement au moyen des déficits et de la dette. Une croissance moyenne comprise entre 1 et 1,5 % sur une dizaine d’années est notablement insuffisante pour financer un modèle social reposant sur la consommation. Certains projets socialistes, du reste, évoquent la possibilité d’évoluer vers un modèle plus durable fondé sur l’offre. Le chancelier Schröder ne disait-il pas, en présentant son Agenda 2010, que l’on ne peut durablement distribuer davantage de richesse que l’on n’en crée ? Ce principe, nous devrions le faire nôtre.

Pour lutter contre un tel déséquilibre de compétitivité, nous sommes d’accord, je crois, sur certains leviers de long terme : promouvoir l’innovation, éviter que la réglementation ne pénalise l’entreprise... Je note cependant que l’opposition s’est fait remarquer par son absence lorsqu’il s’est agi d’adopter les mesures prises ces dix dernières années pour soutenir durablement l’innovation – augmentation du montant du crédit d’impôt recherche, pôles de compétitivité, Grand emprunt.

On dénonce souvent l’abaissement des charges sur les salariés faiblement qualifiés comme une « trappe à bas salaires ». Mais le dispositif proposé ici permet de lisser les effets de seuil : il s’applique pleinement de 1,6 à 2,1 SMIC, puis décroît progressivement jusqu’à 2,4 SMIC de manière à ne pas constituer un frein au développement des entreprises.

S’agissant du financement de la branche famille, si le Gouvernement avait jugé nécessaire, d’un point de vue législatif, de présenter un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, il l’aurait fait. En outre, ce financement n’est nullement remis en cause. Quant au caractère pérenne de la compensation, j’observe que sur une période de dix ans, l’évolution de la valeur ajoutée est quasi identique à celle des cotisations assises sur les salaires : respectivement 134,8 et 134,7 en 2010 pour un indice 100 en 2000.

Pour ce qui est de la traçabilité, le Gouvernement prévoit la création d’un compte spécial par lequel transiterait l’ensemble des sommes issues de la TVA et de la CSG vers la branche famille. Ce compte servira à tous les transferts de la TVA à la sécurité sociale et fera l’avance de trésorerie pour la branche famille. Nous ferons le bilan à la fin de l’année. Je serai très vigilant : il n’est pas question que l’on appauvrisse la branche famille à l’occasion d’un changement de son mode de financement.

Le ciblage de la mesure vise à favoriser les salaires compris entre 1,4 et 2,1 SMIC. En effet, pour les salaires inférieurs à cette tranche, la suppression de la cotisation famille représente une économie limitée – de l’ordre de 20 euros au niveau du SMIC contre 80 euros à 1,4 et 158 euros à 2,1. On considère que 94 % des salariés de l’agriculture et 80 % des salariés de l’industrie seront concernés, car les salaires moyens de ces secteurs se situent autour de 1,6 SMIC. Et je partage l’idée qu’il est inutile d’exonérer encore plus des secteurs comme la distribution, où les salaires sont plus faibles et qui seront peu concernés par le dispositif.

Pour répondre précisément à la question d’Étienne Pinte, il y avait à la fin de 2011 434 000 contrats d’apprentissage et 194 000 contrats de professionnalisation, soit un total de 628 000, en augmentation de 35 000 par rapport à 2010. Il faudra environ 170 000 contrats supplémentaires pour atteindre l’objectif de 800 000 en 2015. C’est à notre portée si nous nous en donnons les moyens, pas seulement par la contrainte financière mais aussi en expliquant aux entreprises tout l’intérêt qu’elles ont à donner leur chance aux jeunes.

Enfin, je constate que la TVA est un impôt injuste pour les socialistes français alors qu’elle est pour les socialistes allemands un impôt efficace qui redonne de la compétitivité aux entreprises. Ce qui est social, c’est ce qui donne du travail : si nous partagions cet objectif, nous avancerions tous ensemble !

La Commission en vient à l’examen des articles dont elle s’est saisie pour avis.

Article 1er : Dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Article 8 : Modification des taux de la contribution supplémentaire à l’apprentissage et du quota d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

© Assemblée nationale

1 () La filière de l’enseignement professionnel propose aussi des stages en entreprise, mais sous statut scolaire.

2 () Financés sur les fonds de la formation professionnelle continue gérés par les partenaires sociaux, les contrats de professionnalisation correspondent parfois aux mêmes formations initiales que celles suivies en apprentissage. Cependant, dans l’ensemble, les contrats de professionnalisation permettent des formations plus courtes que l’apprentissage, au bénéfice de publics plus âgés (jeunes majeurs, voire demandeurs d’emploi de tous âges).

3 () 37 % des jeunes sortants d’apprentissage continuent à travailler dans la même entreprise à la fin de leur contrat (DARES, « Analyses », n° 2010-077, novembre 2010).

4 () Notamment le décret n° 2011-1936 du 23 décembre 2011 relatif au quota de la taxe d’apprentissage, le décret n° 2011-1358 du 25 octobre 2011 relatif à l’expérience professionnelle des maîtres d’apprentissage et le décret n° 2011-1924 du 21 décembre 2011 relatif à l’enregistrement des contrats d’apprentissage.

5 () Assemblée nationale, XIIIe législature, juin 2011, n° 3501.

6 () La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a augmenté le montant de la contribution à l’AGEFIPH. De plus, le mode de décompte des bénéficiaires de l’obligation d’emploi a été modifié dans un sens moins favorable aux entreprises tandis qu’il était mis fin à l’exemption d’obligation d’emploi qui s’appliquait à des « emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières » que les personnes handicapées n’étaient pas censées être en mesure d’occuper.

7 () La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 a institué un montant lourdement majoré (triplé) de pénalité pour les entreprises qui n’auraient employé aucun travailleur handicapé, passé aucun contrat de sous-traitance avec une entreprise adaptée ou un organisme du secteur protégé, ni conclu un accord concernant l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, pendant une période supérieure à trois ans.

8 () DARES, « Analyses », n° 2011-031, avril 2011.