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N° 4398

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE EN VUE DE LA LECTURE DÉFINITIVE DE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE (N° 4393) relative à la protection de l’identité,

PAR M. Philippe GOUJON,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 1re lecture : 682 (2009-2010), 432, 433 et T.A. 126 (2010-2011).

2e lecture : 744 (2010-2011), 39, 40 et T.A. 9 (2011-2012).

3e lecture : 196 (2011-2012).

CMP : 237 et 238 et T.A. 56 (2011-2012).

Nouvelle lecture : 332, 339, 340 et T.A. 81 (2001-2012).

Assemblée nationale : 1re lecture : 3471, 3599 et T.A. 713.

2e lecture : 3887, 4016 et T.A. 798.

CMP : 4143 et T.A. 818.

Nouvelle lecture: 4223, 4229 et T.A. 838.

INTRODUCTION 5

EXAMEN EN COMMISSION 7

MESDAMES, MESSIEURS,

L’Assemblée nationale est saisie, en lecture définitive, de la proposition de loi relative à la protection de l’identité.

En application du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution et du troisième alinéa de l’article 114 du Règlement, l’Assemblée peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte paritaire soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat.

Conformément à ses précédentes positions, la commission des Lois a choisi de reprendre le texte que l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture et non pas celui de la commission mixte paritaire, ce dernier correspondant à la position du Sénat, qu’il a d’ailleurs une fois de plus confirmée en nouvelle lecture.

Pourtant, l’Assemblée nationale avait, dès la deuxième lecture, assorti la base « à lien fort » de garanties juridiques limitant sa consultation, en matière judiciaire et sous le contrôle d’un magistrat, aux seules infractions relatives à l’usurpation d’identité et aux recherches de corps de victimes de catastrophes collectives. De même, dans le respect des recommandations de la Commission nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL) et du Conseil d’État, le texte adopté par l’Assemblée nationale a limité à deux le nombre d’empreintes enregistrées dans la base et a interdit l’utilisation de procédés de reconnaissance faciale.

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* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 22 février 2012, la Commission examine, en lecture définitive, la proposition de loi relative à la protection de l’identité.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je rappellerai, quant à moi, au nom du groupe SRC, les fortes réticences que nous inspire ce texte.

D’abord, il ne correspond plus à l’objectif initial de la proposition déposée au Sénat, qui était de lutter contre l’usurpation d’identité. Vous avez en effet ouvert la possibilité de recourir à un fichier créé pour des enquêtes ne présentant pas forcément de lien avec cet objet – je pense notamment à un amendement que vous avez déposé lors de la précédente lecture, monsieur le rapporteur, autorisant l’utilisation de cette base de données pour l’identification d’un cadavre à partir de ses empreintes digitales. Je ne dis pas que la cause n’est pas louable, mais nous sommes loin de la lutte contre l’usurpation d’identité !

Ce faisant, vous tendez à élargir, de façon lente mais continue, l’utilisation de ce fichier central biométrique – lequel va concerner l’ensemble de la population française.

En outre, notre pays se singulariserait en Europe s’il se dotait d’un tel fichier. Si cela n’est pas en soi infamant, aucune démocratie occidentale ne l’a fait, a fortiori en retenant la technique des bases biométriques dites à « lien fort », associant une identité à une empreinte donnée. Récemment, les Pays-Bas, qui avaient un fichier de moindre importance pour les passeports biométriques, ont d’ailleurs décidé d’effacer l’ensemble des six millions d’empreintes qui y étaient enregistrées, faute de garanties suffisantes.

Pourtant, vous vous apprêtez à adopter à nouveau ce texte et ce, en dépit de l’hostilité de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En effet, si nous avons pu avoir un temps le sentiment que celle-ci n’était pas opposée à la création de ce fichier, sa présidente, Mme Isabelle Falque-Pierrotin, a dit il y a quelques jours devant le Sénat la vive inquiétude que suscitait chez elle une telle mesure.

Enfin, il est une question à laquelle ni le Gouvernement ni l’Assemblée nationale ne répondent, qui porte sur la possibilité, ouverte par voie d’amendement, aux services chargés de lutter contre le terrorisme, d’utiliser ce fichier en dehors de tout contrôle judiciaire. Mesurez-vous bien toute la portée de cette disposition ? Si oui, n’envisagez-vous pas de la revoir ?

En bref, le groupe SRC s’oppose à un texte qui va créer un fichier ayant vocation à recueillir la totalité des données biométriques de la population. Nous estimons que, si tel devait être le cas, il faudrait assortir la mesure de garanties techniques de protection, définitives et irréversibles. Or vous vous contentez de garanties juridiques, que nous ne trouvons pas suffisamment solides. C’est la raison pour laquelle nous voterons à nouveau contre ce texte.

M. Philippe Goujon, rapporteur. On connaît bien les arguments qui viennent d’être développés, pour les avoir déjà entendus lors des quatre examens précédents par notre assemblée.

Je le redis : je propose de reprendre le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, et non celui élaboré par la commission mixte paritaire – je ne rappellerai pas dans quelles conditions une majorité de circonstance a cru devoir, au sein de cette commission mixte paritaire, adopter une version qui n’avait pas fait l’objet d’un compromis, alors que le principe des commissions mixtes paritaires est d’essayer, au contraire, de rapprocher les points de vue ! Outre que la commission mixte paritaire n’a pas permis un tel rapprochement – bien au contraire –, elle n’a été suivie d’aucune avancée de la part de la majorité du Sénat alors que la majorité de l’Assemblée nationale avait fait, elle, d’importantes concessions, comme l’ont d’ailleurs reconnu le président et le rapporteur de la commission des Lois de la Haute assemblée

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous pouvez faire encore un effort !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Non, parce que la majorité sénatoriale et vous-mêmes voudriez supprimer le « lien fort », alors qu’il constitue l’un des points essentiels du texte ! Certes, la technique du « lien faible » – associant à une empreinte donnée un ensemble d’identités – permet de reconnaître une usurpation d’identité, mais en aucune façon d’identifier l’usurpateur !

Concernant cet article 5 qui reste seul en discussion, les garanties offertes sont nombreuses : si nous avons rétabli le « lien fort » supprimé par le Sénat, nous l’avons assorti de garanties juridiques en plaçant la consultation du fichier biométrique sous le contrôle d’un magistrat et en limitant la consultation judiciaire de la base centrale aux cas d’infractions relatives à l’usurpation de l’identité et, à la suite d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, aux recherches de corps de victimes de catastrophes collectives ou naturelles – cela en respectant les recommandations de la CNIL et du Conseil d’État. Quant au nombre d’empreintes individuelles enregistrées dans la base, nous sommes passés de huit à deux. Nous avons de plus formellement interdit l’utilisation des procédés de reconnaissance faciale. Nous sommes donc allés aussi loin qu’il était possible d’aller sans altérer l’efficacité du dispositif retenu – lequel doit permettre de rechercher les usurpateurs d’identité dont sont victimes des dizaines de milliers de nos concitoyens.

Je rappelle enfin que la CNIL estime que l’introduction dans les titres d’identité et de voyage d’un composant électronique comportant des données biométriques est proportionnée à l’objectif du texte. Deuxièmement, elle admet que le traitement sous une forme automatisée et centralisée de ces données peut être autorisé à condition que des exigences en matière de sécurité ou d’ordre public le justifient. Or personne ne nie l’intérêt de dispositions protectrices de l’identité de nos concitoyens.

Suivant la proposition de son rapporteur, selon laquelle l’Assemblée doit examiner le dernier texte voté par elle et non celui établi par la commission mixte paritaire, la Commission adopte la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

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En conséquence, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution et en application de l’article 114, alinéa 3, du Règlement, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République demande à l’Assemblée nationale d’adopter le texte voté par elle en nouvelle lecture.

© Assemblée nationale