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ART. PREMIERN°1

ASSEMBLÉE NATIONALE
31 mai 2013

ENCADREMENT DE LA RÉTROACTIVITÉ DES LOIS FISCALES - (N° 568)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°1

présenté par

M. Dassault

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ARTICLE PREMIER

I. – Rédiger ainsi cet article :

« Les lois relatives à l’assiette et au taux des impositions de toutes natures ne disposent que pour l’avenir.

« Toutefois, peuvent avoir une portée rétroactive :

« 1° Les dispositions législatives diminuant l’assiette ou le taux des impôts indirects, des droits d’enregistrement ou des droits de mutation ;

« 2° Les dispositions législatives concernant l’assiette des impositions, lorsqu’un motif d’intérêt général suffisant le justifie ;

« 3° Les dispositions législatives concernant les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

« Aucune disposition législative modifiant de façon rétroactive le taux ou l’assiette d’impositions de toutes natures ne peut s’appliquer aux contrats qui ont été conclus avant son entrée en vigueur et dont la durée d’exécution est comprise entre un an et quinze ans, lorsqu’elle a pour effet de bouleverser l’équilibre financier de ces contrats. Le régime fiscal applicable à ces derniers est celui en vigueur à la date de leur conclusion.

« Aucune disposition législative ne peut modifier un dispositif fiscal incitatif institué pour une durée déterminée ou jusqu’à une date déterminée, sauf à rendre ce dispositif plus favorable au contribuable, avant le terme prévu.

« Aucune disposition législative ne peut s’appliquer de façon rétroactive aux réclamations et litiges en cours, sauf si elle est plus favorable au contribuable que la disposition ancienne. ».

« II. –  La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« III.  – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« IV. –  La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’annonce d’une baisse des droits d’enregistrement ou des droits de mutation peut avoir les mêmes effets sur le comportement des contribuables et consommateurs et encourager des reports d’opérations aussi nuisibles à l’économie que peut le faire l’annonce d’une baisse des impôts indirects. Il conviendrait donc de compléter la rédaction actuelle de l’article 1er de la proposition de loi organique pour y faire référence.

En outre, il serait utile de préciser que le motif d’intérêt général susceptible de justifier la rétroactivité de dispositions législatives concernant l’assiette des impositions doit être suffisant, afin de tenir compte de l’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis 1998 (décision n° 98‑404 DC du 18 décembre 1998, considérant n° 5). En effet, le juge constitutionnel a opéré un renforcement de son contrôle sur les lois fiscales rétroactives en exigeant que cette rétroactivité satisfasse un « motif d’intérêt général suffisant », qui ne saurait s’entendre d’un motif purement financier (décision n° 2012‑662 DC du 29 décembre 2012, considérant n° 44).

Qui plus est, les dispositions rétroactives intervenant en matière de procédure d’imposition doivent être admises, dans la mesure où elles ne nuisent pas directement aux intérêts pécuniaires du contribuable.

En revanche, les dispositions « économiquement » rétroactives sont épargnées par la rédaction actuelle de l’article 1er de la proposition de loi organique. Or, comme l’a écrit notre collègue Jean-Luc Warsmann en 1998, « les mesures les plus mal ressenties sont économiquement rétroactives […] Ne disposant que pour l’avenir, elles modifient le traitement fiscal de situations – parfois contractuelles – en cours […] Le législateur peut donc à tout moment porter atteinte à la sécurité juridique des contribuables, soit en affectant l’économie de contrats en cours, soit en portant atteinte à des situations établies en fonction de dispositions fiscales à terme fixé par la loi ou considérées comme pérennes. Le plus surprenant est qu’il soit pleinement admis que soient remis en cause des dispositifs fiscaux incitatifs qui avaient été mis en place pour une durée déterminée afin de contribuer à la rationalité des décisions de moyen ou long terme des agents économiques » (Rapport n° 1191 fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi organique n° 1151 de M. Nicolas Sarkozy et plusieurs de ses collègues, modifiant l’ordonnance n° 59‑2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, p. 14).

L’établissement d’un impôt économiquement rétroactif est contraire à la liberté fondamentale qu’ont nos concitoyens de pouvoir déterminer leurs actes en fonction d’un état du droit. C’est la raison pour laquelle votre rapporteur propose de compléter l’article 1er de la proposition de loi organique, qui, dans sa rédaction actuelle, ne prohibe pas la rétroactivité « économique » par deux dispositions visant à intégrer cette forme de rétroactivité dans le champ des dispositions fiscales prohibées.

La première tend à écarter l’application aux contrats en cours de dispositions fiscales qui, quoique non-rétroactives juridiquement, auraient pour effet d’en bouleverser l’équilibre financier.

La seconde, inspirée par les propositions de loi déposées respectivement en 1998 et en 1999 par les Présidents Nicolas Sarkozy et Philippe Marini, a pour objet d’interdire la remise en cause par une loi ultérieure d’un dispositif fiscal incitatif qu’une loi antérieure a institué pour une durée précisément déterminée, sauf s’il s’agit de le rendre plus favorable au contribuable avant le terme initialement fixé.

S’il convient de mettre un terme aux lois de validation fiscales qui nourrissent chez nos concitoyens des sentiments à la fois d’injustice et d’insécurité juridique, il faut toutefois réserver le cas où ces lois sont favorables au contribuable, car, comme l’a expliqué notre collègue Jean-Luc Warsmann en 1998, « une validation ou une régularisation rétroactives peuvent être la meilleure, sinon la seule solution » en cas de remise en cause jurisprudentielle du fondement politique d’impositions ou de règles fiscales.