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Amendement permettant l'application des dispositions
des deux derniers alinéas de l'article 99 du Règlement


ART. 3N°37

ASSEMBLÉE NATIONALE
2 mai 2014

DROIT À L'INFORMATION DANS LE CADRE DES PROCÉDURES PÉNALES - (N° 1895)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°37

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE 3

Substituer aux alinéas 13 et 14 l’alinéa suivant :

« 1° À la première phrase, les mots : « du dernier » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier » ; ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

La commission des lois a adopté un amendement permettant à l’avocat d’une personne gardée à vue de consulter l’ensemble des pièces du dossier utiles à la manifestation de la vérité et indispensables à l’exercice des droits de la défense, alors qu’actuellement l’avocat a accès au procès-verbal de notification des droits à la personne, aux procès-verbaux d’audition et au certificat médical.

Cette modification n’est toutefois justifiée ni en droit ni en opportunité.

Juridiquement, il n’est pas sérieusement contestable que la directive B n’exige pas l’accès à l’entier dossier lors de la garde à vue.

L’accès intégral du dossier doit en effet intervenir, dit l’article 7.2 de la Directive « au plus tard lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien fondé de l’accusation ».

En cas de privation de liberté, l’article 7 n’exige que l’accès aux pièces permettant de contester la légalité de la mesure, et non l’accès à l’entier dossier.

C’est pourquoi le projet complète les informations figurant dans le PV de notification, et permet à la personne d’y avoir accès. Ces documents permettront, à elle ou à son avocat, de contester la légalité de la mesure devant le procureur de la République.

En tout état de cause, il est clair que la directive B n’exige pas un accès à l’entier dossier.

C’est du reste l’analyse non seulement du Conseil d’État, qui a donné un avis favorable au présent projet de loi de transposition, mais c’est aussi l’analyse figurant- dans le jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 30 décembre 2013, jugement qui indiqué que ce n’est pas la directive qui exigerait cet accès, mais l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable.

Pour autant, même si cette décision soutient le contraire, il ne fait pas non plus de doute que l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme relatif au procès équitable, tel qu’interprété par la Cour de Strasbourg, n’exige pas un accès intégral au dossier au cours de la garde à vue.

La Cour de cassation l’a clairement dit dans son arrêt du 19 septembre 2012, qui a cassé une décision de la cour d’appel d’Agen du 24 octobre 2011 ayant retenu une analyse inverse. Elle l’a confirmé dans un arrêt du 6 novembre 2013.

Le Conseil d’État l’a également affirmé dans un arrêt du 11 juillet 2012, en rejetant un recours pour excès de pouvoir formée contre la circulaire du 23 mai 2011 qui présentait la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue.

En effet, la Cour de Strasbourg, si elle indique, notamment dans son arrêt Dayanan contre Turquie du 13 octobre 2009, que l’équité de la procédure impose que l’avocat de l’accusé doit évidemment, sauf exception, pouvoir avoir accès au dossier, elle n’exige pas que cet accès intervienne dès le placement en garde à vue.

Enfin, le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision QPC du 11 novembre 2011, que le droit actuel, même s’il ne permet pas un accès intégral au dossier dès la garde à vue, était conforme à la Constitution.

En opportunité, prévoir un accès intégral au dossier dès le placement en garde à vue déséquilibrerait notre procédure pénale, car cela constituerait un très important obstacle à l’efficacité des enquêtes.

Il ne faut pas confondre la phase policière de la procédure pénale et sa phase juridictionnelle et contradictoire, qui commence lorsque l’action publique est mise en mouvement, soit devant un juge d’instruction, soit devant la juridiction.

Dans cette deuxième phase, l’avocat de la personne poursuivie a droit à l’accès à l’intégralité du dossier.

Le texte adopté par la commission est à ce titre doublement contestable car :

-Il prévoit l’accès aux seules pièces considérées comme « utiles à la manifestation de la vérité et indispensables à l’exercice des droits de la défense », ce qui source de complexité et donnera lieu à des contestations permanentes et à des contentieux insolubles : qui devra en effet apprécier que telle ou telle pièces est ou non utile à la manifestation de la vérité et indispensables à l’exercice des droits de la défense.

-Il ne prévoit aucune possibilité pour l’autorité judiciaire de refuser l’accès à ces pièces en raison de nécessité de l’enquête.

Il convient donc d’en rester aux deux améliorations apportées par le projet de loi, qui sont déjà significatives :

- Le projet prévoit que la personne gardée à vue aura désormais elle-même accès, comme son avocat – et notamment si elle n’est pas assistée par un avocat – à certaines pièces du dossier.

- Le projet complète sur plusieurs points les informations devant être notifiées à la personne, et qui figureront donc dans le procès-verbal de notification, en prévoyant notamment que les motifs de la garde à vue devront être précisés. L’avocat et la personne en seront donc informés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Pour ces différentes raisons, le présent amendement propose de rétablir le texte adopté par le Sénat.

Il peut cependant être observé que, même si ni la directive, ni la convention, ni la Constitution ne nous l’imposent, il demeurent possible et souhaitable d’améliorer encore notre procédure pénale, en renforçant le caractère contradictoire de la phase d’enquête, selon des modalités équilibrées qui permettront à la personne suspecte et son avocat d’avoir plus de droits, et notamment d’avoir si nécessaire l’accès à l’entier dossier.

C’est pourquoi le Gouvernement a confié une mission à Monsieur le procureur général Beaume, afin de faire des propositions en ce sens pour juin prochain. Mais il s’agit là d’une réforme d’une plus grande ampleur, qui n’a pas à être abordée dans le présent projet de loi.

Cette réforme est par ailleurs distincte de la question de la garde à vue, puisque cet accès renforcé au dossier devrait intervenir que la personne suspectée soit ou non placée en garde à vue.