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ART. PREMIERN°CL6

ASSEMBLÉE NATIONALE
10 novembre 2014

DÉLAI DE PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE DES AGRESSIONS SEXUELLES - (N° 1986)

Rejeté

AMENDEMENT N°CL6

présenté par

Mme Sonia Lagarde, rapporteure

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ARTICLE PREMIER

Avant l’alinéa 1, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° Avant le dernier alinéa de l’article 7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai de prescription de l’action publique est suspendu en cas d’obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites. Peut constituer un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites l’amnésie de la victime l’empêchant d’avoir conscience des faits qu’elle a subis. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le texte initial de la proposition de loi proposait, pour toutes les infractions sexuelles, de reporter le point de départ de la prescription de l'action publique au jour où les faits étaient apparus à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Cette règle aurait remplacé la règle actuelle du report du point de départ de la prescription pour les infractions sexuelles subies par les mineurs au jour de leur majorité.

Ce texte soulevait deux difficultés. La première difficulté tenait au fait qu’il faisait régresser la situation des victimes mineures, en supprimant le bénéfice du report de la prescription au jour de la majorité pour les mineurs, qui aujourd’hui s’applique de plein droit. La seconde difficulté tenait à la rédaction du texte, qui était insuffisamment précise et encourait un risque de censure constitutionnelle pour atteinte aux principes de légalité des délits et des peines, d’égalité devant la loi et de nécessité des peines.

Par un arrêt rendu le 7 novembre 2014, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation vient, pour la première fois en matière criminelle, d’admettre qu’un « obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites » avait pour effet de suspendre le délai de prescription. Dans l’espèce en cause, qui concernait une femme ayant tué huit de ses enfants nouveaux-nés, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’une chambre de l’instruction qui avait estimé qu’avaient constitué un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites l’obésité de la victime qui avait empêché que ses grossesses soient décelées par ses proches, le fait que les accouchements aient eu lieu sans témoin, l’absence de déclaration des enfants à l’état civil et la dissimulation des corps.

Le présent amendement propose de consacrer dans la loi cette notion d’« obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites » et de prévoir que « l’amnésie de la victime l’empêchant d’avoir conscience des faits qu’elle a subis » peut constituer un tel obstacle.

L’amendement proposé ne présente pas les mêmes défauts que la proposition de loi initiale. D’une part, il n’emporte pas de régression pour les mineurs victimes, puisque la règle du report du point de départ de la prescription au jour de la majorité demeurerait inchangée. D’autre part, l’amendement utilise des notions précises qui font disparaître tout risque constitutionnel : celle d’« obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites », issue de la jurisprudence de la Cour de cassation, et celle d’« amnésie », qu’il définit précisément comme une situation « empêchant la victime d’avoir conscience des faits qu’elle a subis ».

Comme d’autres notions du code pénal faisant référence à des notions médicales, telles que l’altération du discernement pour cause de trouble psychique ou la vulnérabilité de la victime en raison de son état de santé, l’existence de l’amnésie ferait l’objet d’une appréciation souveraine du juge pénal, qui pourra s’appuyer sur les expertises médicales ou psychiatriques réalisées.