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APRÈS ART. 4N°AS1207

ASSEMBLÉE NATIONALE
13 mars 2015

SANTÉ - (N° 2302)

Adopté

AMENDEMENT N°AS1207

présenté par

M. Robiliard, M. Sebaoun, Mme Le Houerou, Mme Françoise Dumas et Mme Laclais, rapporteure

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 4, insérer l'article suivant:

L’article L. 3323‑3 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« On entend par propagande ou publicité, au sens du présent livre III, un acte de promotion effectué en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou service et susceptible d’être perçu comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne. 

« Toute propagande ou publicité en faveur d’une boisson alcoolique ne doit pas inciter à un excès de consommation, en particulier chez les jeunes. »

« La publicité ou la propagande est directe lorsqu’elle est effectuée en faveur d’une boisson alcoolique » ;

2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité effectuée en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle effectivement ou a pour but de rappeler une boisson alcoolique » ;

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Seuls les éléments de la publicité consacrée à un organisme, un service, une activité, un article autre qu’une boisson alcoolique qui rappellent effectivement ou ont pour but de rappeler une boisson alcoolique doivent être conformes aux dispositions de l’article L. 3323‑4. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le Conseil Constitutionnel a jugé le 8 janvier 1991 que l’objectif de la loi Evin est « de lutter contre les excès de consommation d’alcool et de protéger les populations à risque ». Par ailleurs, sa validation par le juge constitutionnel repose sur le fait que « le législateur qui a entendu prévenir une consommation excessive d'alcool, s'est borné à limiter la publicité en ce domaine, sans la prohiber de façon générale et absolue » [1]

Pourtant, force est de constater  que la jurisprudence judiciaire s’est totalement écartée de ces considérants. La principale explication en est que la loi Evin vise à encadrer la publicité et la propagande en faveur de l’alcool sans toutefois en avoir  donné une définition 

Face à ce vide, les juges se sont substitués au législateur et ont donné leur propre interprétation de ce qui relevait de la publicité.

En 2004, la Cour de Cassation a défini la publicité comme : « Tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique »[2].

Cette définition de la publicité va bien au-delà de l’esprit initial des dispositions de la loi Evin et entraine de fait l’assimilation d’un contenu journalistique, culturel ou artistique à de la publicité.

En 2007, un jugement prononcé contre le journal Le Parisien a ainsi jugé que les articles incriminés « constituaient des publicités sans pour autant que soit exigé un achat effectif d’espace publicitaire, […] destinées à promouvoir la vente d’une boisson alcoolique en exerçant sur le lecteur une action psychologique de nature à l’inciter à la consommation »[3].

Ce jugement fait concrètement tomber les articles rédactionnels sous les exigences de la loi Evin.

En 2013, une condamnation à l’encontre du journal Paris Match était prononcée au motif que « la loi n’exclut en effet pas les articles rédactionnels de la définition des publicités, et n’exige pas que celles-ci aient un caractère onéreux pour la marque qui en est l’objet. Il suffit que l’article mette en valeur une boisson alcoolisée (…) en associant l’alcool à un contexte festif ou à des personnalités valorisantes pour que l’infraction aux dispositions légales soit constituée »[4]. Cette condamnation confirmait l’application extensive de la loi Evin  à tout contenu faisant référence au vin et à sa culture.

Cette jurisprudence a créé une insécurité juridique qui met en cause la liberté d’expression des journalistes et développe une forme d’autocensure de la part de médias et d’opérateurs.

Face à cette situation, plus de vingt ans après son adoption,  il convient de rétablir la portée de la loi Evin dans ses limites constitutionnelles. Pour ce faire, il ne s’agit pas d’assouplir l’encadrement de la publicité mais bien de définir le champ d’application de la loi et donc sa notion de publicité.

Le dispositif proposé vise ainsi à établir les critères permettant de caractériser ce qui relève de la publicité directe : le but (la volonté de la personne qui l’effectue), le contenu (la promotion d’une boisson alcoolique stricto sensu), l’activité (la communication effectuée dans la conduite d’une activité dédiée), le lien d’intérêt (existence d’un lien ou d’un intérêt commun, financier ou non, dans le cas d’une communication par un tiers), la perception (la publicité susceptible d’être perçue comme telle par le public).

Il est également proposé que la publicité puisse être qualifiée d’indirecte lorsque celle-ci s’applique à un produit ou service autre qu’une boisson alcoolique et que cette qualification suppose l’établissement d’un rappel effectif d’une boisson alcoolique.


[1] Conseil Constitutionnel, Décision n° 90-283 DC du 08.01.1991

[2] Cour de Cassation, arrêt du 03.11.2004

[3] Décision TGI Paris, 20.12.2007

[4] Décision TGI Paris 21.03.2013