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ART. 96N°SPE697

ASSEMBLÉE NATIONALE
11 juin 2015

CROISSANCE, ACTIVITÉ ET ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES - (N° 2765)

Adopté

AMENDEMENT N°SPE697

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE 96

1) Insérer au début du premier alinéa, la référence : « I. - » et, au même alinéa, remplacer la référence : « L. 1263‑6 », par la référence :« L. 1263‑7 » ;

2) Au deuxième alinéa, après les mots : « durée hebdomadaire maximale de travail, », insérer les mots : « constate un manquement de l’employeur ou de son représentant à l’obligation mentionnée à l’article L. 1263‑7 en vue du contrôle du respect des dispositions des articles L. 3231‑2, L. 3131‑1, L. 3132‑2, L. 3121‑34 et L. 3121‑35, ».

3) Après le troisième alinéa, insérer l’alinéa suivant :

« Le fait pour l’employeur d’avoir à dessein communiqué à l’agent de contrôle des informations délibérément erronées constitue un manquement grave au sens du premier alinéa. »

4) Compléter l’article 96 par des alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1263‑7. - L’employeur détachant temporairement des salariés sur le territoire national, ou son représentant mentionné au II de l’article L. 1262‑2‑1, présente sur le lieu de réalisation de la prestation à l’inspection du travail des documents traduits en langue française permettant de vérifier le respect des dispositions du présent titre.

« II. - Le chapitre II du même titre VI est ainsi modifié :

« 2° Le 8° de l’article L. 1262‑4 du code du travail est complété par les mots : « , ainsi que les accessoires de salaire tels que les primes, indemnités et majorations de toutes natures y afférentes ».

« 3° L’article L. 1262‑4‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A défaut de s’être fait remettre par son cocontractant une copie de la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262‑2‑1, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre adresse, dans les quarante-huit heures suivant le début du détachement, une déclaration à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation. Un décret détermine les informations que comporte cette déclaration. » 

« 4° Après l’article L. 1262‑4‑2, il est inséré un article L. 1262‑4‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 1262‑4‑3. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271‑1‑2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié, détaché au sens de l’article L. 1261‑3, par son cocontractant, par un sous-traitant direct ou indirect ou par un cocontractant d’un sous-traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant ou à ce cocontractant, ainsi qu’au donneur d’ordre immédiat de ce dernier, de faire cesser sans délai cette situation.

« A défaut de régularisation de la situation signalée dans un délai fixé par décret, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, s’il ne dénonce pas le contrat de prestation de service, est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire auquel il lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin ou de ses ascendants ou descendants. » ;

« 5° L’article L. 1262‑5 est ainsi modifié :

« a)Les mots : « sont effectuées les vérifications », sont remplacés par les mots : « sont satisfaites les obligations » ;

« b) Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :

« 7° Les conditions d’application de l’article L. 1263‑7, notamment la nature des documents devant être traduits en langue française et leurs modalités de conservation sur le territoire national. »

« III. Le chapitre IV du même titre VI est ainsi modifié :

« 1° A l’article L. 1264‑1, après la référence : « L. 1262‑2‑1 », est insérée la référence : « L. 1263‑7 » ;

« 2° A l’article L. 1264‑2, les mots : « de vérification » sont supprimés. 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement a pour but de renforcer la lutte contre les fraudes au détachement, pour garantir aux TPE-PME des conditions de concurrence loyale avec les autres entreprises. Pour cela, il prévoit de renforcer les mesures administratives et les sanctions à l’encontre des entreprises qui contournent les règles du détachement et de leurs donneurs d’ordres, de plusieurs points de vue :

1. Lorsque les documents utiles au contrôle de la régularité du détachement, exigibles en langue française, ne sont pas présentés par l’employeur à l’inspection du travail, ce dernier sera passible d’une amende administrative de 2 000 euros au maximum par salarié détaché, avec un plafond de 500 000 euros.

En effet, les agents de contrôle constatent une augmentation forte des fraudes au détachement de travailleurs, de la part de prestataires établis hors de France et qui adoptent des stratégies de contournement de la réglementation sociale, aussi bien en droit communautaire qu’en droit français. Des contrôles ont mis en évidence le fait que ces prestataires refusaient de communiquer les documents permettant de vérifier les heures de travail effectuées par leurs salariés détachés ou les bulletins de paie nécessaires pour vérifier le paiement des rémunérations réellement versés à ces travailleurs. Par ailleurs, les services d’inspection du travail ou les services de protection sociale, se heurtent souvent lors de leurs activités de contrôle à la barrière de la langue, notamment celle des documents.

Le présent amendement a pour objet d’élargir la sanction financière applicable en cas de non respect de l’obligation de déclaration préalable du détachement (2000 € par salarié détaché, 4000 en cas de réitération dans un délai d’un an) au manquement, par les employeurs détachant des salariés en France, à leur obligation de présentation à l’inspection du travail, d’un certain nombre de documents utiles à leur contrôle.

2. Lorsque les documents et informations permettant de vérifier le respect des règles relatives au droit du travail ne sont pas présentés ou sont volontairement erronés, la procédure de suspension administrative de la prestation de service pourra être appliquée jusqu’à obtention des éléments nécessaires à la réalisation du contrôle.

Le présent amendement étend le champ d’application de la suspension de la prestation de service au défaut de présentation par l’employeur des documents, rédigés en langue française, devant permettre à l’agent de contrôle de vérifier le respect des règles dont le manquement justifie lui même une décision de suspension c’est à dire le respect du SMIC, du repos quotidien et hebdomadaire ainsi que des limites de durée maximale de travail (quotidienne ou hebdomadaire). Il propose par ailleurs de considérer la transmission par l’employeur d’informations volontairement erronées - tels que des relevés d’heures falsifiés - comme un manquement grave justifiant la mise en œuvre de la mesure du suspension de la prestation de service.

La suspension de la prestation de service est une mesure conservatoire qui est levée dès que l’employeur régularise sa situation. Elle constituera donc un moyen de pression efficace pour l’inspection du travail afin d’obtenir dans les délais les éléments nécessaires à la réalisation de son contrôle.

3. Lorsque l’employeur de salariés détachés en France ne se conforme pas à son obligation de déclaration préalable de détachement, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre pourra être rendu responsable de la transmission de la déclaration de détachement à l’inspection du travail.

En vertu du droit actuel, tel qu’issu de la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage doit vérifier que l’entreprise étrangère contractante s’est bien acquittée de son obligation de déclaration préalable du détachement auprès de l’inspection du travail. A défaut d’avoir réalisé cette vérification, et seulement dans l’hypothèse où la déclaration n’aurait pas été effectuée par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage encourt une amende administrative de 2 000 € par salarié (4 000 € en cas de réitération) dans la limite d’un plafond que le présent projet de loi prévoit d’élever à 500 000 €.

Le présent amendement va plus loin : si l’entreprise étrangère ne transmet pas la déclaration, il incombera au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre de procéder lui même à une déclaration spécifique auprès de l’inspection du travail. Un décret précisera les éléments d’information contenus dans cette déclaration afin de permettre un contrôle effectif de l’employeur défaillant et notamment celui de l’identité des salariés concernés.

Le défaut de réalisation de cette déclaration spécifique par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera passible d’une amende administrative de même montant que celle auparavant prévue pour le défaut de vérification de la déclaration.

4. Lorsque l’employeur de salariés détachés en France ne se conforme pas à l’obligation de rémunérer ses salariés au salaire minimum, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera systématiquement tenu, de manière solidaire avec l’employeur des salariés détachés, au paiement des rémunérations. Selon le droit actuel, le MO/DO n’est tenu solidairement au paiement des salaires et charges des salariés que s’il n’a pas formellement enjoint à l’employeur de les payer et s’il n’a pas informé l’agent de contrôle sur les suites données.

En conformité avec la Directive 2014/67/UE du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs, le présent amendement vise à étendre la responsabilité du MO/DO lorsqu’il fait appel à un sous-traitant ou un cocontractant qui emploie des travailleurs détachés, et de lui assigner une obligation de résultat.

Cette obligation de résultat pourra être remplie par le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre soit en obtenant, par injonction, le paiement des salaires par l’entreprise concernée, soit en dénonçant le contrat de prestation de services, soit en assurant lui-même le paiement des salaires.

5. Enfin, cet amendement clarifie les composantes du salaire minimum devant être versé par l’employeur étranger à un salarié détaché en France : l’article L. 1262‑4 du code du travail tel que rédigé actuellement reprend les termes de l’article 3 de la directive 96/71/CE relative au détachement des travailleurs, et rend obligatoire pour les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national les dispositions légales et conventionnelles concernant « le salaire minimum et le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ». Toutefois, aucune clarification n’avait jusqu’alors été effectuée sur le plan européen, sur le fait de savoir si la notion de « taux de salaire minimal » au sens de la directive incluait seulement le salaire minimum légal ou conventionnel, ou englobait également des accessoires du salaire.

Dans le prolongement de la décision du 15 février 2015 (Sähköalojen ammattiliitto) de la CJUE, qui identifie avec précision des éléments de rémunération prévus par le droit finlandais ayant vocation à être notamment inclus dans la notion de salaire minimum au sens de la directive 96/71/CE, il apparaît utile de clarifier dans notre droit national les obligations auxquelles sont soumis les employeurs de salariés détachés en France quant au paiement du salaire minimum : ceux ci ne sont pas tenus au seul respect du SMIC, des minima conventionnels et des majorations pour heures supplémentaires mais également au paiement de tous les accessoires de salaire prévu par les conventions collectives.