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ART. 54N°2209

ASSEMBLÉE NATIONALE
29 avril 2016

NOUVELLES LIBERTÉS ET DE NOUVELLES PROTECTIONS POUR LES ENTREPRISES ET LES ACTIFS - (N° 3675)

Commission
 
Gouvernement
 

Tombé

AMENDEMENT N°2209

présenté par

Mme Coutelle, Mme Battistel, Mme Olivier, Mme Mazetier, Mme Khirouni, Mme Quéré, Mme Gueugneau, Mme Crozon, M. Denaja, M. Rouillard, Mme Romagnan, Mme Lacuey, Mme Tolmont, Mme Orphé, M. Muet, Mme Lepetit, M. Germain, Mme Lignières-Cassou, Mme Carlotti, Mme Le Dissez, Mme Le Dain, M. Letchimy, Mme Troallic, Mme Maquet, Mme Langlade, M. Premat, Mme Fabre, Mme Clergeau, Mme Marcel, Mme Martinel, Mme Bruneau, Mme Zanetti, Mme Lousteau, M. Cherki, Mme Le Loch, Mme Carrey-Conte, M. Ballay, M. Aboubacar, M. Mennucci, M. Roig, M. Cordery, M. Plisson, M. Burroni, M. Juanico, Mme Récalde, M. Lesage, M. Pouzol, Mme Imbert, M. Bies, Mme Povéda, M. Amirshahi et Mme Sommaruga

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ARTICLE 54

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer au nombre :

« six »

le nombre :

« douze ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’article 54 du projet de loi est issu d’un amendement portant article additionnel qui été adopté par la commission des Affaires sociales dans le prolongement des travaux de la Délégation aux droits des femmes, et sous-amendé par le rapporteur Christophe Sirugue.

Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que lorsque le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des « six » derniers mois – dispositions issues du sous-amendement adopté en commission, tandis que l’amendement initial prévoyait l’instauration d’un plancher d’indemnisation de « douze » mois, suite à la recommandation n° 25 adoptée par la Délégation – lorsque le juge constate :

– que le licenciement est intervenu en méconnaissances des articles L. 1132‑1 (ensemble des motifs de discriminations), L. 1153‑2 (sanction, licenciement ou mesure discriminatoire suite à des faits de harcèlement sexuel), L. 1225‑4 (protection légale contre le licenciement lors de la grossesse et maternité) et L. 1225‑5 (annulation du licenciement d’une salariée lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte) ;

– et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible.

L’article 54 (nouveau) du projet de loi prévoit par ailleurs que cette indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période écoulée entre le licenciement et la décision de justice définitive et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement (article L. 1235‑3‑1).

Il convient à cet égard de rappeler que dans le droit actuel, en matière d’indemnisation :

– pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse : les salarié.e.s de plus de deux ans d’ancienneté et ceux travaillant dans une entreprise de plus de 11 salarié.e.s bénéficient d’une indemnisation qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (L. 1235‑3) ; en revanche pour les salarié.e.s de moins de deux ans d’ancienneté et pour un licenciement opéré dans les entreprise de moins de 11 salarié.e.s, aucun minimum n’est prévu par la loi (l’indemnité de licenciement correspond au « préjudice subi », selon l’article L. 1235‑5) ;

– pour les licenciements nuls, et notamment ceux intervenus en violation des dispositions relatives au harcèlement sexuel (victimes de harcèlement ou salarié.e.s ayant témoigné en leur faveur), la loi ne prévoit rien. La Cour de cassation a toutefois pallié ce manque en décidant, dans une jurisprudence constante, que le préjudice découlant d’un licenciement déclaré nul lorsque le/la salarié.e ne réintégrait pas l’entreprise, devait être indemnisé par une somme ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois, et ce, quels que soient le nombre de salarié.e.s dans l’entreprise et leur ancienneté (Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2005 et 6 octobre 2010). La Cour de cassation a donc institué une protection plus importante pour les salarié.e.s victimes d’un licenciement discriminatoire, et en toute logique, puisque ce sont les licenciements considérés comme les plus graves et les plus attentatoires à l’ordre public.

Le présent amendement propose de rétablir la référence à une indemnité minimale correspondant aux salaires des « douze » derniers mois, et ce pour plusieurs raisons :

– d’une part, l’amendement présenté en commission reprenait à l’identique les dispositions qui avaient déjà été adoptées par le Parlement en 2014, avec le soutien du Gouvernement, dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et qui prévoyaient notamment une indemnité minimale correspondant aux douze mois de salaires (dispositions annulées ensuite par le Conseil constitutionnel mais uniquement pour des raisons liées à la procédure parlementaire) – autrement dit, le législateur avait déjà considéré que six mois n’étaient pas suffisants pour indemniser les salarié.e.s concerné.e.s – ; lors de son audition par la Délégation en juin 2015, le Défenseur des droits avait d’ailleurs soutenu le rétablissement des dispositions prévues par cet article de la loi pour l’égalité réelle femmes-hommes ;

– d’autre part, le minimum actuel de six mois ne contraint pas les employeurs à mettre en place la prévention du harcèlement sexuel, alors qu’il s’agit d’une obligation légale (l’article L. 1153‑5 du code du travail prévoit en effet que « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ») ; or rares sont les entreprises françaises qui se conforment à ces dispositions : pour changer la donne, le risque pour les entreprises de se voir condamnées à des dommages et intérêts dissuasifs permettrait d’inciter plus efficacement au développement de politiques de prévention en entreprise ;

– enfin, comme l’a souligné à juste titre l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) lors des travaux de la Délégation, ce minimum de six mois ne répare pas le cataclysme que les violences sexuelles au travail ont provoqué dans la vie des victimes : atteintes à la santé, dislocation de la vie de famille, perte de chance de retrouver un emploi équivalent, ou même de retrouver un emploi, désocialisation, etc.