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APRÈS ART. 2N°1

ASSEMBLÉE NATIONALE
19 juillet 2016

PROROGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE - (N° 3978)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°1

présenté par

M. Gosselin, M. Abad, M. Dive, Mme Pernod Beaudon, M. Mariani, M. Straumann, M. Furst, M. Gérard, Mme Duby-Muller, M. Verchère, M. Vitel, M. Hetzel, Mme Boyer, M. Guibal, M. Le Fur, M. Teissier, M. Fromion, M. Leboeuf, M. Morel-A-L'Huissier, M. Suguenot, M. Christ, M. Voisin, M. Herbillon, M. Tardy, Mme Poletti, Mme Lacroute, Mme Dion, M. Reiss, M. Martin-Lalande, M. Mariton, M. Courtial, M. Lurton, M. Moreau, M. Quentin, M. Myard et M. Larrivé

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE 2, insérer l'article suivant:

I. – Après l’article 58 de la loi n° 2009‑1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un article 58‑1 ainsi rédigé :

« Art. 58‑1. – La direction de l’administration pénitentiaire peut mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatifs aux systèmes de vidéosurveillance de cellules de détention au sein des établissements pénitentiaires.

Ces traitements ont pour finalité le contrôle sous vidéosurveillance des cellules de détention dans lesquelles sont affectées les personnes placées sous main de justice, faisant l’objet d’une mesure d’isolement, dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et l’impact de celles-ci sur l’opinion publique.

Ces traitements garantissent la sécurité au sein de l’établissement en cas de risque d’évasion et celle de la personne placée dans l’éventualité d’un risque de passage à l’acte suicidaire. Ils se distinguent des traitements actuellement proposés pour les cas particuliers des cellules de protection d’urgence.

Ces traitements ne peuvent concerner que les cellules de détention hébergeant des personnes placées en détention provisoire, faisant l’objet d’un mandat de dépôt criminel.
Ils ne peuvent être mis en œuvre qu’à titre exceptionnel.

La personne détenue est informée du projet de la décision de placement sous vidéosurveillance et dispose de la faculté de produire des observations écrites et orales, dans le cadre d’une procédure contradictoire. À cette occasion, la personne détenue peut être assistée d’un avocat.

En cas d’urgence, le garde des sceaux peut décider du placement provisoire sous vidéosurveillance de la personne détenue, si la mesure est l’unique moyen d’éviter l’évasion ou le suicide de l’intéressée. Le placement provisoire ne peut excéder cinq jours. À l’issue du délai de cinq jours, si aucune décision de placement sous vidéosurveillance, prise dans les conditions ci-dessus décrites, n’est intervenue, il est mis fin à la mesure de vidéosurveillance. La durée du placement provisoire s’impute sur la durée totale de la mesure de vidéosurveillance.

Le placement de la personne détenue sous vidéosurveillance fait l’objet d’une décision spécialement motivée prise par le garde des sceaux pour une durée de trois mois, renouvelable. Cette décision est notifiée à la personne détenue.

L’avis écrit du médecin intervenant dans l’établissement peut être recueilli à tout moment, notamment avant toute décision de renouvellement de la mesure.

Le système de vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de l’intéressé. Un pare-vue fixé dans la cellule garantit l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées. L’emplacement des caméras est visible.

Est enregistré dans ces traitements l’ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéosurveillance des cellules concernées.

Il n’y a ni transmission ni enregistrement sonore.

Aucun dispositif biométrique n’est couplé avec ces traitements de vidéosurveillance.

Les images enregistrées faisant l’objet de ces traitements sont conservées sur support numérique pendant un délai d’un mois.

S’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne détenue présente des risques de passage à l’acte suicidaire ou d’évasion, le chef d’établissement ou son représentant peut consulter les données de la vidéosurveillance pendant un délai de sept jours à compter de l’enregistrement.
Au-delà de ce délai de sept jours, les données ne peuvent être visionnées que dans le cadre d’une enquête judiciaire ou administrative.

Au terme du délai d’un mois, les données qui n’ont pas fait l’objet d’une transmission à l’autorité judiciaire ou d’une enquête administrative sont effacées.

Les personnes ou catégories de personnes qui, à raison de leurs fonctions ou pour les besoins du service, ont accès aux données à caractère personnel susmentionnées sont :
- les agents de l’administration pénitentiaire individuellement désignés et dûment habilités par le chef d’établissement pour les données visionnées en temps réel ;

- le chef d’établissement ou son représentant pour la consultation, dans le délai de sept jours, des données enregistrées ;

- le correspondant local informatique individuellement désigné et dûment habilité par le chef d’établissement.

Le droit d’opposition prévu à l’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés susvisée ne s’applique pas aux traitements susmentionnés.

Les droits d’accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 précitée s’exercent auprès du chef d’établissement de l’administration pénitentiaire où sont mis en œuvre les traitements de vidéosurveillance.

Une affiche apposée à l’entrée de la cellule équipée d’un système de vidéosurveillance informe de l’existence dudit système ainsi que des modalités d’accès et de rectification des données recueillies.

Le traitement fait l’objet d’une journalisation concernant les consultations, les créations et les mises à jour. Ces journalisations sont conservées pour une durée de trois mois.
Le traitement fait l’objet d’une journalisation des extractions des séquences vidéo enregistrées. Cette journalisation est conservée pour une durée d’un an.

Les dispositions du présent article sont applicables sur tout le territoire de la République française. »

II. – Après l’article 716 du code de procédure pénale, il est inséré un article 716‑1 A ainsi rédigé :

« Art. 716‑1 A. – Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, faisant l’objet d’un mandat de dépôt criminel et d’une mesure d’isolement, dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et à l’impact de celles-ci sur l’opinion publique, peuvent faire l’objet des mesures de vidéosurveillance prévues à l’article 58‑1 de la loi n° 2009‑1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Un arrêté pris par le Garde des Sceaux le 9 juin dernier, a permis la mise en place sous certaines conditions de la vidéosurveillance des personnes en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, faisant l’objet d’un mandat de dépôt criminel et d’une mesure d’isolement, dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et l’impact de celles-ci sur l’opinion publique. 

Cette procédure vise en premier lieu le dernier survivant des terroristes du 13 novembre 2015, Salah Abdeslam, qui est visé par une telle mesure depuis une décision du Garde des Sceaux du 17 juin 2016. 

Cet arrêté a été pris après avis de la CNIL qui, conformément aux arrêts de la CEDH, affirme que l’atteinte à la vie privée qui pourrait en découler saurait être admise dès lors qu’elle apparaît nécessaire et proportionnée au but poursuivi et si des garanties suffisantes sont prévues. 

Pour une partie de la doctrine et certains juristes, un doute subsiste sur la réalité de la base légale de cette procédure de vidéosurveillance. 

C’est ainsi que le tribunal administratif de Versailles a récemment été saisi, en référé-liberté, par l’avocat d’Abdeslam pour se prononcer sur la légalité des mesures de vidéosurveillance des cellules de détention, au motif qu’aucune base légale ne prévoit de telles mesures et qu’il y a une atteinte manifeste à ses droits fondamentaux. 

Dans un jugement rendu le 15 juillet, le tribunal a considéré que le dispositif ne constitue pas une atteinte aux droits fondamentaux et que les attentats de novembre, les pires commis en France, « nécessitent la prise de dispositions exceptionnelles en vue de s’assurer contre les risques » d’évasion ou de suicide. 

La menace terroriste que connaît notre pays justifie pleinement la surveillance accrue des individus placés en détention provisoire et suspectés d’actes terroristes sur notre sol. 

On ne saurait laisser planer le moindre doute sur la base légale.

Dès lors, le présent amendement vise donc à pérenniser la possibilité, pour l’administration pénitentiaire, de prendre des mesures de vidéosurveillance des cellules de détention, en précisant cette base légale.