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N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME X

SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE

Par M. Malek BOUTIH,

Député.

___

Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 46).

INTRODUCTION 7

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » POUR 2013 15

A. LES DOTATIONS DU PROGRAMME « SPORT » : UNE CERTAINE STABILITÉ 16

1. Un effort étatique en faveur du sport qui sera en partie maintenu 16

2. Des priorités réorientées 17

a) Des moyens en faveur de l’accès à la pratique sportive et la santé par le sport reconduits 18

b) Le maintien d’une ambition forte pour le sport de haut niveau 19

c) La nécessité de recentrer l’action du CNDS en faveur du sport pour tous 19

B. LES DOTATIONS DU PROGRAMME « JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » : LES ASSOCIATIONS, GRANDES OUBLIÉES DU BUDGET 21

1. La poursuite de la montée en charge du service civique 21

2. Le long abandon des associations 22

II.- LE FINANCEMENT DES ASSOCIATIONS : UN ENJEU RÉPUBLICAIN 25

A. LA VITALITÉ DE LA VIE ASSOCIATIVE : UN ATOUT MAJEUR POUR LA FRANCE 25

1. Un paysage très diversifié 26

2. Un poids économique et social considérable, notamment en période de crise 28

3. Le vecteur d’un modèle social porté vers l’innovation et la solidarité 29

B. DES RESSOURCES VARIÉES SELON LE PROFIL DES ASSOCIATIONS 30

1. Des budgets disparates selon la taille et le champ d’intervention 30

2. Bénévolat, ressources propres : des associations qui assument en grande partie leurs finances 32

a) Les financements privés 33

b) Les revenus d’origine publique 34

3. Une connaissance lacunaire du monde associatif et un suivi budgétaire approximatif par les pouvoirs publics 37

C. LES PETITES ASSOCIATIONS FACE AU MUR TECHNICO-ADMINISTRATIF 39

1. Le désengagement sensible de l’État et de certaines collectivités locales, aux prises avec la maîtrise de leurs dépenses 39

2. Un parcours kafkaïen pour obtenir des subventions 42

a) Les coups de boutoir administratifs et juridiques portés au mécanisme de subvention 42

• La déperdition des énergies du fait de la nécessité de trouver plusieurs sources publiques de financement 42

• Des procédures lourdes 42

• Une logique comptable qui s’est substituée à une logique citoyenne 44

b) Les dérives du recours à la commande publique 44

3. Une exigence de professionnalisation contradictoire avec l’esprit associatif 47

4. Des petites associations acculées et condamnées à des stratégies de survie 48

D. DES BANQUES PRIVÉES GRANDES GAGNANTES DES SUBVENTIONS PUBLIQUES 50

1. Un intérêt pécuniaire pour les clients associatifs qui ne débouche pas, pour autant, sur des prestations particulières 50

2. Des fondations trop rentables 51

3. Les difficultés à obtenir des facilités de trésorerie et des garanties 52

a) Un recours encore trop rare aux cessions Dailly 52

b) Le surcoût des garanties bancaires 53

E. 27 PROPOSITIONS POUR AIDER LES ASSOCIATIONS 54

1. Engager les pouvoirs publics en faveur des associations 54

a) Pour des initiatives fortes s’agissant des ressources 54

• Développer les subventions de fonctionnement, notamment pour les associations nationales qui travaillent sur les questions liées au plaidoyer 54

• Généraliser les conventions pluriannuelles d’objectifs, même pour les subventions de petit montant 55

• Aménager le régime fiscal des dons des particuliers pour le rendre plus juste, tout en le popularisant davantage 55

b) Des aménagements statutaires à prévoir 57

• Réfléchir à un nouveau statut pour les associations délégataires de service public 57

• Faciliter l’accès au statut d’utilité publique pour les petites associations 57

• Prévoir des clauses de responsabilité sociale pour les associations bénéficiaires de la commande publique 58

• Autoriser les demandes de subventions avec un budget excédentaire 59

c) Revaloriser l’engagement bénévole 60

• Reconnaître matériellement le temps passé au service des associations 60

• Reconnaître collectivement l’utilité républicaine des bénévoles 60

2. Une politique de subvention plus juste et plus efficace 61

a) Faciliter le contact avec les administrations pour les demandes de subvention 61

• Remplacer les délégués départementaux à la vie associative et les CRIB par des représentants associatifs élus, érigés auprès des départements en véritables interfaces de conseil aux associations 61

• Éditer un guide annuel sur les possibilités de subventions 63

b) Simplifier et alléger les contrôles pour les subventions de montant assez faible 63

• Supprimer les contrôles a posteriori pour les subventions inférieures à 23 000 euros 63

• Privilégier le suivi de la bonne tenue des projets subventionnés 63

c) Améliorer la connaissance du monde associatif et des flux financiers dont il bénéficie 64

• Accroître la lisibilité et le contrôle de l’attribution des subventions 64

• Soutenir les études et recherches relatives au secteur associatif, afin de mieux en cerner les enjeux et les ressorts 64

d) Moderniser la gouvernance du secteur associatif et des subventions qui lui sont accordées 65

• Prémunir les associations des aléas politiques, par une cogestion de leurs subventions dans les communes 65

• Limiter dans la durée les mandats des dirigeants de grosses associations 65

• Renforcer la représentation du monde associatif auprès des pouvoirs publics 66

3. Mettre les banques au service du secteur associatif 67

a) Prévoir le versement exclusif des financements publics aux associations sur des comptes de la Banque postale, avec en contrepartie des avantages en gestion auprès de cette banque 67

b) Interdire le recours aux cautions de type Sogama pour les investissements associatifs 68

c) Supprimer les avantages fiscaux inhérents aux dons d’entreprises 69

4. Rééquilibrer les modes de financement du service civique 70

a) Repenser la budgétisation de la subvention d’exploitation de l’Agence du service civique 70

b) Susciter des financements privés pour le service civique 71

c) Affecter, à compter de 2016, la taxe additionnelle sur les paris de la Française des jeux au financement du service civique 71

TRAVAUX DE LA COMMISSION 73

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 73

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 73

ANNEXE I : LISTE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 95

ANNEXE II : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 99

INTRODUCTION

La jeunesse ayant été un sujet majeur de la campagne du Président de la République, une attention particulière est naturellement portée à l’action du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. La matérialisation de cette priorité apparaît bien sûr en partie à travers la création d’un ministère de plein exercice aux compétences transversales. L’exercice attendu ici est un compte-rendu des modifications en termes de budget sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

La position du Gouvernement affirme clairement le redressement des finances publiques comme priorité. À cet égard, le projet de loi de finances pour 2013 s’attache à répartir les moyens dévolus au ministère et à ses opérateurs, dans un souci de bonne gestion. Pour autant la conjoncture ne saurait empêcher les pouvoirs publics de procéder à certains choix politiques et budgétaires forts ; ce rapport doit les interroger.

Avec une enveloppe globale de plus de 462,7 millions d’euros en crédits de paiement, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » se trouve dotée à un niveau nominal inférieur à celui de l’exercice budgétaire en cours (- 4,7 %).

Les deux programmes qui la composent connaissent des évolutions différentes : le programme « Sport » (n° 219) voit ses dotations diminuer de 9,1 % quand, dans le même temps, le programme « Jeunesse et vie associative » (n° 163) enregistre un accroissement de 6,7 % de ses crédits. Le rapporteur pour avis a décidé de s’intéresser, en particulier, à cette « hausse » qui peut prêter à confusion.

La ventilation des crédits a en effet été repensée. Le programme « Sport » maintient les subventions aux opérateurs (92,4 millions d’euros), préserve dans une large part, mais pas entièrement, le soutien aux fédérations (85,5 millions d’euros) et finance le remboursement à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de la prise en charge des cotisations de retraite des sportifs de haut niveau à faibles revenus (6,1 millions d’euros). En revanche les moyens destinés à la promotion du sport pour le plus grand nombre, à la prévention par le sport et à la protection des sportifs diminueront respectivement de 4 % et 4,2 %.

Dans le même temps, le programme « Jeunesse et vie associative » prévoit la montée en charge du service civique (160 millions d’euros) ce qui limite de fait l’accompagnement des structures associatives. Corrélativement, les crédits disponibles pour le développement de la vie associative, ainsi que les actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire accusent des baisses qui, quoique contenues, demeurent sensibles (avec respectivement - 4,1 % et - 6,7 % de leurs crédits de paiement). On peut pourtant noter que les associations resteront encouragées à la marge via le fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – FONJEP – (24,9 millions d’euros) ou les crédits d’intervention déconcentrés (18,5 millions d’euros).

Le ministère chargé de la vie associative n’est donc pas suffisamment soutenu financièrement pour pouvoir aider comme il se doit le secteur associatif.

Après des années d’abandon le secteur associatif est en attente d’un soutien affirmé de son autorité de tutelle. Cet espoir porte bien sûr sur le plan budgétaire, mais pas seulement, il recouvre aussi des souhaits en termes de mesures pratiques visant à améliorer le statut des associations, enfin il cache un besoin de reconnaissance pour ses acteurs. Un constat s’impose, les relations entre les militants associatifs et les pouvoir publics se sont peu à peu réduites à de simples pressions comptables, or sous prétexte de bonne gestion ces dernières ont fragilisé l’ensemble du secteur. La nouvelle majorité se doit maintenant de répondre aux attentes des associations.

Dans ce rapport il a donc été volontairement choisi de s’attarder sur la question du financement de la vie associative en général ; question ô combien fondamentale d’un point de vue citoyen, républicain mais aussi économique, un angle trop souvent négligé pour parler de ce domaine.

En effet, pour rappel, ce secteur concerne environ 45 % des Français (proportion d’adhérents à une association), génère un volume d’activité égal à 3,5 % du PIB (équivalent à celui du secteur de l’hôtellerie-restauration), emploie près de 1,8 million de personnes (environ 5 % de l’emploi total public et privé du pays) ; ses effets multiplicateurs sont insaisissables du fait de l’ampleur de ses ramifications et, pour autant, il se voit méprisé à la fois administrativement, politiquement et médiatiquement.

On rappellera d’ailleurs à bon escient que les fonds publics ne constituent pas la majorité des financements des associations, ces dernières ayant comme principal revenu les deniers issus de leurs activités et des cotisations qu’elles instaurent. Il ne s’agira donc pas ici d’implorer la miséricordieuse puissance étatique mais plutôt de rappeler qu’un secteur générant autant d’activité, d’utilité sociale et coûtant très peu à l’État ne peut systématiquement être renvoyé d’un revers de main.

En temps de crise il apparaîtrait dès lors judicieux de lui accorder un coup de pouce salutaire. D’autant que le secteur associatif a déjà absorbé depuis plusieurs années des coupes budgétaires, l’effort dit de rationalisation lui a déjà été imposé.

Bien sûr il y en aura pour récriminer contre l’idée de soutenir les associations.

Peut-être est-il temps qu’ils comprennent l’ampleur du maillage associatif que forment les associations ? Peut-être est-il temps de leurs demander à qui laissent-ils leurs enfants le mercredi après-midi, à qui confient-ils leurs parents âgés, qui leur permet de faire du sport ?

Peut-être faut-il tout simplement leur marteler que si les professeurs ont été les hussards de la République, ils partagent aujourd’hui ce rôle avec les associations. Car ce sont elles les gardiennes vigilantes des grands principes de notre Nation, à travers l’éducation populaire bien sûr, mais aussi la défense des minorités, celle des exclus, des laissés-pour-compte de ce pays.

Aujourd’hui, et en dehors des maires, qui leur est reconnaissant ?

* *

*

Cette question du monde associatif, si elle a pu trop souvent être remisée du fait de son manque de lisibilité, de la disparité de ses acteurs, de la percolation de son action, mérite amplement qu’un parlementaire y consacre un rapport, quand bien même celui-ci dépasserait les limites du cadre imposé. Il s’agira ici de s’interroger sur ce que pourrait être une politique de Gauche volontariste envers le secteur associatif.

L’approche adoptée dans ce rapport relève avant tout du concret, de la rencontre ; il a semblé important de replacer la vie associative dans un contexte qui ne peut s’émanciper de son acteur principal : les porteurs d’associations.

C’est pourquoi ce rapport se nourrit d’entretiens, de rencontres avec des meneurs de cette vie associative, des « crève-la-misère » de la subvention, des retraités épuisés par des semaines de 70 heures dans des banques alimentaires, des professeurs d’université ulcérés par les démissions du préfet quant au sort de familles sans papiers, des chômeurs qui sauvent l’idée du sport pour tous. Des citoyens qui tous les jours permettent, par leur engagement, de faire vivre la vie associative.

Tous sont convaincus de leur utilité, tous pensent que les pouvoirs publics leur doivent désormais des comptes.

Mener ces entretiens c’est découvrir une stratification de la vie associative relevant plus du « Pot-Bouille administratif » que de la bonne gestion de partenaires de politiques publiques : à chaque étage son lot de problèmes, on se croise à l’entrée mais chacun reste enferré dans sa catégorie sociale. Aucun front commun chez les associations, très peu de porte-voix et pour cause, la nature de ce secteur est si diverse.

Pourtant, de l’association de plaidoyer antiraciste à dimension nationale qui perd chaque année plus de subventions d’État au petit club de foot qui dépend de la pythie électorale, à l’association d’aide aux devoirs qui bute sur les dossiers de subvention du conseil général, la même question : comment maintenir son activité ?

L’inégalité entre les situations des grosses associations (disons au-dessus de 500 000 euros de budget) et celles des associations locales est bien sûr criante. Il faudra se pencher sur les raisons de ces disparités. Cependant il ne s’agira pas ici d’opposer les gros aux petits. Ce qui nous intéresse, nous, c’est la bataille des forces vives associatives contre la précarité, contre les exigences des banques, contre l’ineptie de la bureaucratie, contre l’oubli des services rendus à la Nation.

Alors premier constat : ce monde associatif fatigue, il s’épuise. Les entretiens menés suintaient cette réalité, les associations font face à un essoufflement de l’engagement associatif et on les comprend : comment continuer à se mobiliser pour un secteur si peu valorisé, qui assiste impuissant aux coups de boutoir dans les subventions publiques, qui se heurte toujours plus aux contraintes administratives ?

Or cette question des contraintes administratives est loin d’être anodine. C’est un sujet qui revient systématiquement dans la bouche des dirigeants associatifs : l’exigence administrative pour obtenir des financements publics est hors de la portée du béotien à la recherche de subventions.

Un simple exemple pour illustrer le pointillisme des ministères : lors d’une demande de subventions, ce n’est pas un contrôle qui est effectué mais quatre. Un premier niveau est effectué par le service qui reçoit la demande ; celui-ci s’assure que l’association répond bien aux objectifs de la politique dont il a la responsabilité et opère différentes vérifications (statuts du demandeur, localisation, etc.). La convention est ensuite transmise au service ordonnateur qui exerce un contrôle de deuxième niveau (existence de la structure, documents financiers) afin d’effectuer l’engagement puis le paiement de la subvention. À l’issue du versement de la subvention, intervient dans l’année ou sur la période du partenariat avec l’association un contrôle budgétaire et comptable de celle-ci. Enfin, après la réalisation par l’association bénéficiaire de ses projets, un dernier contrôle est effectué afin de vérifier que les objectifs initiaux ont bien été atteints.

Pour des subventions qui peuvent parfois représenter quelques milliers d’euros est ainsi mis en place un système kafkaïen de recherche de financements, d’émission de documents comptables, de fixation et de réalisation d’objectifs. Il est évident que les bénévoles associatifs lambdas sont dans l’incapacité totale de réaliser l’ensemble de ces démarches. Ces subventions se voient peu à peu réservées aux professionnels de la recherche de financements.

Il apparaît alors impératif de simplifier en partie ces démarches, au moins pour les petites associations qui rassemblent souvent uniquement des bénévoles.

Surtout que ce coup de boutoir administratif s’accompagne d’un désengagement progressif de l’État qui délègue de plus en plus aux collectivités territoriales la tâche de financer les associations. Cela ne va pas sans dérives, et l’une d’entre elles prend le visage de la dépendance politique. En effet l’État se déchargeant sur les collectivités, il était à attendre que l’obtention de subventions devienne une monnaie d’échange pour certains.

Deuxième constat : le soutien aux associations ne peut dans les faits se poser en termes de choix, on court à l’impasse quand on se demande s’il est encore possible de financer des acteurs qui portent quasiment seuls la moitié des crèches, l’intégralité de l’éducation populaire, les activités parascolaires, l’aide aux sans-abris, etc…

La vérité est que l’État s’est délesté d’une partie de son devoir social sur des porteurs associatifs et qu’il mène aujourd’hui une politique indécente de pression sur les coûts, digne des pires dérives de la sous-traitance industrielle.

Il faut être réaliste, le temps est loin de l’association subventionnée à volonté, aujourd’hui et de plus en plus souvent c’est le marché qui s’impose, la commande publique, la mission que l’État ou la collectivité ne peut (ne veut ?) plus assumer et qu’ils confient à une association. Dans leur étude « Associations, comment faites-vous face à la crise ? », la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) et France Active ont mis en exergue que plus de 21 % des associations qu’elles ont interrogées à ce sujet ont conclu, en 2010, au moins un marché public avec une personne publique.

Il est impératif de s’interroger sur les conséquences à venir en termes d’action publique et de structuration des associations. En effet on assiste à la création de holdings associatives gérant des budgets colossaux (parfois plusieurs millions d’euros), employant des milliers de salariés et cherchant à réduire systématiquement leurs coûts du fait d’une pression à la baisse des cahiers des charges de commandes publiques. Ainsi un grand dirigeant associatif expliquait-il lors de son audition par le rapporteur pour avis que le salaire moyen dans son association était de 800 euros mensuels, avec des horaires fragmentés, une incertitude sur l’avenir, etc… Or ces faits concernent les employés d’une association à laquelle l’État confie de l’éducation populaire mais également la gestion de certaines prestations d’accompagnement social en prison ou encore de l’aide aux SDF. Le temps est venu où les précaires s’occupent des précaires.

Il est donc fondamental de repenser notre gestion publique et de dénoncer ce biais inquiétant de la sous-traitance et de la pénétration d’une idéologie néolibérale véhiculée en partie par des règles de la Commission européenne (on notera en effet que la terminologie communautaire ignore souvent aujourd’hui le terme d’associations et lui préfère celui « d’opérateurs économiques »). Une question se pose alors : ces associations géantes ont-elles vocation à rester des associations ? Ne faut-il pas envisager un changement de statut pour ces dernières afin de leur permettre de conserver leurs valeurs d’engagement et leur efficacité d’action ?

L’ensemble du système de subventions aux associations est donc à revoir : les démarches administratives, les modalités d’attribution, les conventions adoptées, le statut des partenaires.

Troisième constat : le secteur bancaire s’est rué sur la proie facile que sont les associatifs. Il s’avère que trois ou quatre banques rassemblent les dépôts de la grande majorité des associations qui, pour certaines, représentent des centaines de milliers de clients de ces établissements.

En effet il faut bien comprendre que la quasi-totalité des associations disposant d’un budget sont titulaires d’un compte bancaire. D’après les chiffres de la Banque de France, le marché des « clients associatifs » – selon l’expression même des établissements de crédit – pèse 42 milliards d’euros pour ce qui concerne les dépôts et 12 milliards d’euros s’agissant des crédits octroyés. Les associations apportent donc davantage d’argent à leurs banques qu’elles ne leur en réclament.

Or aucune aide ne leur est apportée, aucun geste commercial, aucun avantage pécuniaire, rien. Des prêts à moyen-terme sont tout juste accordés pour les associations dépassant les 500 000 euros de budget annuel ; pour les autres, il n’en est même pas question. Et ce alors même que le taux de risque sur cette clientèle (inférieur à 2 %) est moins élevé que celui des PME (de l’ordre de 4 %) ou des crédits immobiliers (entre 2 et 2,5 %).

Plus encore, non seulement ces banques bénéficient de l’encours d’épargne colossal qu’apportent les associations (donc en partie des fonds publics à travers les subventions) et des frais bancaires de base qu’elles leur appliquent, mais en plus il s’avère qu’elles profitent des difficultés de trésorerie que certaines subissent. En effet, à travers une pernicieuse politique de refus de prêts, les associations sont poussées au « crédit de court-terme », rien de moins qu’un découvert, ce qui ne va pas sans coûts supplémentaires. Les associations paient donc de fait des intérêts colossaux pour des petits prêts qu’elles s’arrogent parfois en guise de comblement de déficit.

Enfin, cerise sur le gâteau, la plupart de ces établissements bancaires ont eu l’ingéniosité de créer des fondations destinées à financer des projets associatifs ; fondations qu’ils abondent eux-mêmes, réduisant du même coup leur base d’imposition (grâce à la règle des 60 % de réduction d’impôt sur les sociétés pour les dons aux associations poursuivant un but d’intérêt général), leur permettant ainsi à peu de frais de fidéliser leurs clients et de s’offrir des campagnes de publicité financées à 60 % par les deniers publics…

Il ne faut pas se tromper : cette exonération fiscale accordée à des banques c’est de l’argent public que l’on dispense à des acteurs privés pour choisir eux-mêmes dans quelle direction souffleront leurs impôts. Ils ont choisi la publicité à coût réduit, on les comprend.

Cette question des ressources bancaires pour les associations constitue donc un impératif dans les réflexions à mener.

De manière générale et au-delà de la pure problématique bancaire le système français, qui offre actuellement une réduction d’impôts égale à 66 % ou 75 %, selon la nature de l’association, du don pour les ménages et à 60 %, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires, pour les entreprises, est devenu l’un des plus incitatifs au monde mais pose la question de la gestion des ressources de l’État.

* *

*

Pour finir cette introduction et répondre aux pistes soulevées ci-dessus, voici donc quelques suggestions qui seront largement détaillées dans la partie concluant le rapport.

Pour aider les associations sur les plans administratif, statutaire et budgétaire, on pourrait :

– supprimer les contrôles budgétaires a posteriori pour les subventions inférieures à 23 000 euros et les remplacer par des contrôles de visu ;

– remplacer les délégués départementaux à la vie associative et les centres de ressources et d’information des bénévoles (CRIB) par des représentants associatifs élus, érigés auprès des départements en véritables interfaces de conseil aux associations ;

– éditer un guide annuel sur les possibilités de subventions quelles qu’elles soient par niveau de collectivités ou d’établissements publics et transformer le portail « Associations.gouv.fr » en un outil internet interactif permettant de répondre de manière individualisée aux demandes de renseignements des associations ;

– soutenir les études et recherches relatives au secteur associatif dans les universités et à l’INSEE ;

– moduler les taux de réduction d’impôt pour les dons de particuliers aux associations pour favoriser les « petites » associations locales. Ces taux pourraient être maintenus à 66 % pour les associations présentant un budget annuel inférieur à 100 000 euros et fixés à 33 % pour les dons aux associations à budget supérieur ;

– concernant le service civique, il faudrait :

• le faire financer par l’ensemble des ministères bénéficiant de sa création ;

• affecter à son financement, à compter de 2016, la taxe additionnelle sur les paris de la Française des jeux finançant les stades de l’Euro ;

– encourager la création d’un grand syndicat associatif français qui défendrait le secteur, notamment à Bruxelles où le statut des entités associatives n’est pas suffisamment défendu et mis en valeur ;

– reconnaitre matériellement le temps des bénévoles passé au service des associations, par exemple à travers une validation de trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse ou une prorogation des droits à l’assurance chômage ;

– reconnaitre collectivement l’utilité républicaine des bénévoles en instaurant par décret une médaille du mérite associatif pour celles et ceux qui se sont distingués par leur engagement désintéressé ;

– imposer dans les mairies une gestion par l’opposition de 20 %, du budget de subventionnement des associations, au prorata des différentes composantes de ladite opposition ;

– prévoir des clauses de responsabilité sociale pour les associations bénéficiaires de la commande publique ;

– limiter dans la durée les mandats des dirigeants de grosses associations : pas plus de dix ans pour des associations gérant plus de 1 million d’euros de budget annuel ;

– imposer le versement exclusif des financements publics aux associations sur des comptes de la Banque postale, avec en contrepartie des avantages en gestion pour les associations auprès de cette banque ;

– supprimer les avantages fiscaux inhérents aux fondations d’entreprises.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 50 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

Le 29 octobre 2012, jour de l’examen des crédits en commission élargie, 92,5 % des réponses lui avaient été adressées.

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « SPORT, JEUNESSE
ET VIE ASSOCIATIVE » POUR 2013

A l’occasion des échéances électorales du printemps dernier, le Président de la République puis son Gouvernement ont clairement indiqué que le redressement budgétaire de la France exigerait des efforts au niveau des dépenses de l’État dès l’exercice 2013, excepté pour les priorités de l’éducation nationale, de la sécurité et de la justice. Dans ce contexte, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » voit ses dotations, hors fonds de concours du centre national pour le développement du sport (CNDS), diminuer de 5,4 % en autorisations d’engagement et de 4,7 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » en 2013

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes et actions

LFI 2012

PLF 2013

FDC et ADP 2013

Évolution, hors FDC ou ADC

LFI 2012

PLF 2013

FDC et ADP 2013

Évolution, hors FDC ou ADC

Sport (n° 219) :

252,28

225,49

19,60

- 10,6 %

255,44

232,24

19,97

- 9,1 %

-Promotion du sport pour le plus grand nombre

16,58

8,24

19,50

- 50,3 %

16,73

8,24

19,50

- 50,7 %

-Développement du sport de haut niveau

182,88

167,07

0,08

- 8,6 %

185,89

173,82

0,45

- 6,5 %

-Prévention par le sport et protection des sportifs

19,45

19,08

0,02

- 1,9 %

19,45

19,08

0,02

- 1,9 %

-Promotion des métiers du sport

33,37

31,10

- 6,8 %

33,37

31,10

- 6,8 %

Jeunesse et vie associative (n° 163) :

229,97

230,52

15,00

+ 0,2 %

229,97

230,52

15,00

+ 0,2 %

-Développement de la vie associative

13,25

12,70

- 4,1 %

13,25

12,70

- 4,1 %

-Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

78,07

72,82

- 6,7 %

78,07

72,82

- 6,7 %

-Actions particulières en faveur de la jeunesse

138,65

145,00

15,00

+ 4,6 %

138,65

145,00

15,00

+ 4,6 %

Total

482,25

456,01

34,60

- 5,4 %

485,41

462,76

34,97

- 4,7 %

LFI : loi de finances initiale ; PLF : projet de loi de finances ; FDC : fonds de concours ; ADP : autorisations de programme.

Si la nomenclature interne des deux programmes composant la mission budgétaire n’évolue pas et traduit, de ce fait, la poursuite des sept grandes priorités affichées jusqu’alors (quatre pour le sport et trois pour la jeunesse et la vie associative), le Gouvernement affiche quelques inflexions dans la ventilation des crédits : tout d’abord, certains engagements pris par l’État en direction des sportifs de haut niveau – à l’instar du financement de leur cotisations de retraite, en application de la réforme de l’automne 2011 – et qui n’étaient pas honorés par le pouvoir précédent le seront ; ensuite, les moyens consacrés à la santé par le sport se verront sanctuarisés, ce qui représente un réel effort dans un contexte de déflation budgétaire ; ensuite, plusieurs dépenses discutables feront l’objet d’une profonde réévaluation, à l’instar des conditions d’implantation du musée national du sport à Nice ou, plus encore, de l’indemnité pour absence de club résident au stade de France. Au total, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » poursuit des objectifs notables pour le sport en France mais se trouve bien sûr confrontée aux difficultés financières.

A. LES DOTATIONS DU PROGRAMME « SPORT » : UNE CERTAINE STABILITÉ

Les crédits inscrits sur le programme n° 219 sont incontestablement ceux qui subissent le plus, optiquement du moins, les réductions appliquées à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Cette appréciation mérite toutefois d’être nuancée pour au moins trois raisons : d’abord, les réductions observées sont assez limitées si l’on procède par comparaison à périmètres constants, c’est-à-dire hors abondements des réserves parlementaire et présidentielle (- 6,5 % en autorisations d’engagement et - 5 % en crédits de paiement) ; ensuite, ces crédits ne retracent pas l’intégralité de l’effort de l’État pour la conduite des politiques sportives qui, dans leur globalité, resteront plutôt stables ; enfin, le ministère a saisi l’opportunité de la conjoncture actuelle pour remettre à plat un certain nombre d’orientations coûteuses et contestables (à l’instar des 7 millions d’euros nécessaires à l’installation du musée national du sport à Nice, dans des conditions défavorables à l’État, ou de l’indemnité pour absence de club résident au stade de France, d’un montant de 12 millions d’euros, alors que l’emprunt du consortium arrive à échéance et que l’exploitation du stade est bénéficiaire), de sorte qu’il est préférable de parler d’un choix sur les dépenses que d’une réduction nette.

1. Un effort étatique en faveur du sport qui sera en partie maintenu

Les moyens des politiques de l’État en faveur du sport relèvent de deux canaux budgétaires, le programme n° 219 mais aussi les dépenses indirectes du programme support n° 124 relatives à la conduite et au soutien des politiques sportives, ainsi que d’un canal extrabudgétaire, le CNDS qui est un établissement public doté de ressources propres placé sous la tutelle de la ministre des sports. Cumulés, ces financements représentent non pas 232 millions d’euros de crédits de paiement (enveloppe du seul programme n° 219 hors fonds de concours), mais presque 847 millions d’euros.

Or, ainsi que le montre le tableau ci-après, la somme de ces dotations progressera de 1,06 % l’an prochain. Cette évolution générale masque des disparités puisque les moyens destinés à la promotion du sport pour le plus grand nombre, à la prévention par le sport et à la protection des sportifs diminueront respectivement de 4 % et 4,2 %, tandis que ceux dévolus au développement du sport de haut niveau et à la promotion des métiers du sport augmenteront de 8,4 % et de près de 1 %.

À la lumière de ces chiffres, le Parlement ne peut que constater que l’action de l’État en faveur du sport de haut niveau ne se trouvera pas obérée par les inflexions apportées sur les dotations du programme n° 219.

Évolution de l’intégralité des moyens consacrés aux politiques sportives

(en millions d’euros)

 

Promotion du sport pour le plus grand nombre

Développement du sport de haut niveau

Prévention par le sport et protection des sportifs

Promotion des métiers du sport

Total

LFI 2012

Programme n° 219

16,74

185,89

19,45

33,37

225,44

Fonds de concours

19,50

0,50

0,05

20,05

CNDS

207,20

45,50

252,70

Programme n° 124

114,35

65,63

52,65

77,17

309,80

Total 2012

357,79

297,51

72,14

110,54

837,98

PLF 2013

Programme n° 219

8,24

173,82

19,08

31,09

232,24

Fonds de concours

19,50

0,45

0,03

19,97

CNDS

204,70

45,50

250,20

Programme n° 124

111,15

102,80

50,02

80,48

344,44

Total 2013

343,59

322,56

69,12

111,58

846,85

Écart 2012-2013

- 14,20

+ 25,06

- 3,02

+ 1,04

+ 8,87

Évolution en %

- 3,97 %

+ 8,42 %

- 4,19 %

+ 0,94 %

+ 1,06 %

Sur le plan des effectifs, la réduction appliquée au ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative sera limitée à 126 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une baisse de 1,1 %, quand dans le même temps la réduction moyenne des effectifs des ministères non prioritaires sera de l’ordre de 2,5 %. Reposant sur 5 374 ETPT (dont 1 196 en services déconcentrés, 1 282 conseillers techniques sportifs et 425 conseillers sportifs sur préparation olympique de haut niveau), la capacité opérationnelle de l’État à mettre en œuvre les politiques sportives se trouvera donc préservée.

2. Des priorités réorientées

Les ajustements apportés à l’enveloppe du programme n° 219 conduisent le Gouvernement à revoir les priorités de l’action de l’État : si le développement du sport de haut niveau continuera à occuper une place importante, une attention particulière sera aussi portée à l’accès à la pratique sportive et la protection des sportifs. De même, le CNDS, qui était essentiellement devenu le principal levier d’une politique de grands équipements sportifs dispendieux, verra-t-il ses missions et ses moyens recentrés sur ses objectifs initiaux, à savoir le rétablissement de l’égalité des chances entre citoyens et entre territoires dans l’accès au sport.

a) Des moyens en faveur de l’accès à la pratique sportive et la santé par le sport reconduits

Alors que le bilan de l’exécutif précédent et de sa majorité en matière de politique sportive se résume principalement à des mesures destinées à promouvoir le « sport business » et les grandes installations sportives, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault entend privilégier une vision plus équilibrée et harmonieuse, volontairement tournée vers les sportifs amateurs et les sportifs de haut niveau des disciplines les moins médiatiques. Le projet de loi de finances pour 2013 amorce la concrétisation de cette réorientation politique, même s’il ne peut s’abstraire du contexte budgétaire et de certains engagements antérieurs de longue haleine.

L’effort en faveur de la promotion du sport pour tous, à la base de toute politique sportive digne de ce nom, ne saurait être apprécié à la seule aune des dotations du programme n° 219 qui figurent dans le projet de budget. Les quelque 8 millions d’euros inscrits ne tiennent pas compte, en effet, des probables abondements qui résulteront de compléments de financement du CNDS (19,5 millions d’euros de fonds de concours, auxquels s’ajoutent au final plus de 207 millions d’euros).

Preuve de la considération apportée à ces volets essentiels de la politique sportive, la ministre chargée des sports, Mme Valérie Fourneyron, a elle-même mis en avant, lors de sa conférence de presse du 2 octobre 2012, la reconduction à l’euro près des soutiens aux fédérations sportives plus particulièrement dédiés au sport pour tous, à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage : ceux-ci s’établiront ainsi à 28,6 millions d’euros au total, répartis entre 21,55 millions budgétés sur les subventions prévues dans le cadre des conventions d’objectifs et 7,02 millions de subventions pour la structuration et le développement des activités médicales.

De même, la subvention pour charges de service public versée à l’Agence française de lutte contre le dopage-AFLD (7,8 millions d’euros), dont la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs et la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles ont sensiblement renforcé le rôle et l’action, ainsi que la contribution de l’État à l’Agence mondiale de lutte antidopage-AMA (560 000 euros) seront elles aussi maintenues. Toutefois, il apparaît d’ores et déjà que l’AFLD pourrait connaître des difficultés dans la mesure où, depuis 2011, elle est régulièrement amenée à effectuer des prélèvements sur son fonds de roulement (410 133 euros en 2011, 750 010 euros en 2012, estimation de 799 510 euros en 2013). La stabilité du financement de l’AFLD ne répond donc pas aux objectifs toujours plus ambitieux assignés à l’agence qui épuise peu à peu son fonds de roulement et, à terme, devra immanquablement bénéficier de ressources complémentaires.

b) Le maintien d’une ambition forte pour le sport de haut niveau

Le sport de haut niveau, qui concerne 7 000 sportifs de haut niveau et 7 800 sportifs classés « espoirs », auxquels s’ajoutent 250 partenaires d’entraînement et les sportifs hors liste ministérielle appartenant aux structures retenues dans les parcours de l’excellence sportive, représente un enjeu de rayonnement international. En dépit d’une baisse de 6,5 %, à 173,8 millions d’euros, les dotations destinées à son développement représentent près des trois-quarts de l’enveloppe totale du programme n° 219 (74,8 %). L’essentiel de ces crédits doit servir à financer :

– les subventions pour charges de service public de l’institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), à hauteur de 21,67 millions d’euros, ainsi que celles des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS) et des écoles nationales (institut français du cheval et de l’équitation, école nationale des sports de montagne, école nationale de voile et des sports nautiques), à hauteur de 5,37 millions d’euros ;

– les dépenses d’investissement nécessaires pour honorer les charges du partenariat public-privé relatif à la partie nord de l’INSEP, les travaux de rénovation de la partie sud de ce même institut (15,86 millions d’euros) et ceux de la modernisation des CREPS ainsi que des écoles nationales (8,56 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– les subventions de l’État aux fédérations sportives dans le cadre de conventions d’objectifs pour la préparation et la participation aux stages et compétitions des équipes de France, l’enveloppe de 48,9 millions d’euros traduisant à cet égard une diminution de 4,46 millions d’euros (soit 8 %), ainsi que les aides personnalisées aux sportifs de haut niveau inscrits sur liste ministérielle (8,27 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2012) ;

– enfin, la prise en charge, à hauteur de 6,1 millions d’euros, des cotisations retraite des quelque 1 800 sportifs de haut niveau aux revenus inférieurs à 75 % du plafond de la sécurité sociale, éligibles aux conditions posées par l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, cette réforme votée à l’unanimité lors de l’adoption de l’article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 n’ayant pas été budgétée par le gouvernement précédent.

c) La nécessité de recentrer l’action du CNDS en faveur du sport pour tous

Créé par le décret n° 2006-248 du 2 mars 2006, le CNDS a pour mission générale de contribuer au développement du sport et de la pratique sportive par l’attribution de concours financiers, sous forme de subventions d’équipement ou de fonctionnement, à quelque 35 000 associations ou sections sportives, aux collectivités territoriales, aux organismes assurant le fonctionnement des antennes médicales de prévention du dopage ainsi qu’aux groupements d’intérêt public qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives. Il contribue également au financement des projets de construction ou de rénovation des enceintes sportives de l’Euro 2016, pour lequel l’État a arrêté un plan de 160 millions d’euros.

Les ressources de l’établissement, dont le plafond pour 2013 sera reconduit à 272 millions d’euros, ne relèvent pas de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Toutefois, elles interviennent en complément et se décomposent en :

– un prélèvement de 1,8 % sur les sommes misées sur les jeux, hors paris sportifs, exploités par la Française des jeux dans la limite d’un plafond de 173,8 millions d’euros, assorti d’un prélèvement complémentaire sur ces mêmes mises de 0,3 %, plafonné à 24 millions d’euros par an sur la période 2011-2015, pour le financement de la construction ou la rénovation des stades de l’Euro 2016 (article 1609 novovicies du code général des impôts) ;

– une contribution de 1,8 % sur les mises jouées sur les paris de la Française des jeux et des opérateurs agréés pour les paris sportifs en ligne, soit environ 31 millions d’euros (article 1609 tricies du code général des impôts) ;

– le produit de la contribution de 5 % sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives (article 302 bis ZE du code général des impôts), dont le montant devrait diminuer de 2,5 millions d’euros pour s’établir à 40,9 millions d’euros, compte tenu des évolutions des contrats avec les diffuseurs, notamment pour les retransmissions des compétitions de football.

Alors que le CNDS présentait un fonds de roulement positif ces dernières années, la situation de sa trésorerie s’est rapidement détériorée du fait de son implication dans le lancement de nombreuses grandes infrastructures sportives, au détriment de ses autres missions. Ainsi, à la fin de 2012, le fonds de roulement de l’établissement devrait être épuisé, la dette du CNDS s’élevant elle-même à 32 millions d’euros (sans compter des engagements à hauteur de 480 millions d’euros n’ayant pas encore fait l’objet de paiement). En l’état, la configuration des dépenses du centre excède de 100 millions d’euros ses recettes, de sorte qu’il est devenu urgent de réagir sous peine d’obérer gravement les capacités d’action de ce levier indispensable de la politique sportive en France.

La ministre des sports est résolue à préserver le CNDS. À la fin de l’année, elle devrait soumettre à son conseil d’administration un plan de redressement de 30 millions d’euros, assorti d’une inflexion de ses axes d’intervention afin de privilégier, à l’avenir, les actions en faveur du sport pour tous dans les territoires qui en ont le plus besoin.

B. LES DOTATIONS DU PROGRAMME « JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » : LES ASSOCIATIONS, GRANDES OUBLIÉES DU BUDGET

L’enveloppe dévolue au programme n° 163 en 2013 affiche une légère progression par rapport à l’exercice actuel (+ 0,2 %), ce qui illustre en soi son caractère prioritaire pour l’exécutif mais ne reflète pas une volonté de soutien fort au monde associatif. L’explication de ce constat tient à la poursuite du déploiement du service civique, qui devrait concerner 30 000 volontaires l’an prochain : à lui seul, le développement du service civique mobilisera 160 millions d’euros de crédits de paiement, fonds de concours inclus. Corrélativement, les crédits disponibles pour le développement de la vie associative, ainsi que les actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire accusent des baisses nettes qui risquent, à terme, de dégrader un peu plus la situation financière du monde associatif (avec respectivement - 4,1 % et - 6,7 % de leurs crédits de paiement).

1. La poursuite de la montée en charge du service civique

Inspiré par le monde associatif et adopté de manière consensuelle sous la précédente législature, le service civique est un dispositif permettant aux jeunes de plus de 16 ans qui le souhaitent de s’engager pour une durée de 6 à 12 mois ou, s’agissant des jeunes de plus de 25 ans, pour une durée de 6 à 24 mois à accomplir une mission d’intérêt général, dans le cadre d’une association, d’un établissement public ou d’une collectivité territoriale. En contrepartie de ce don de temps et d’énergie à la collectivité, les structures d’accueil assurent un tutorat, un accompagnement sur le projet d’avenir ainsi qu’une formation civique et citoyenne. L’État accorde également aux intéressés une indemnisation, abondée par la structure d’accueil, ainsi qu’une couverture sociale ; une aide financière au titre de l’accompagnement des volontaires est aussi versée aux seules structures à but non lucratif.

Au second semestre 2010, 6 008 contrats de volontaires ont été signés ; le nombre a atteint 13 402 en 2011 et devrait avoisiner 25 000 fin 2012, avec toutefois un taux de rupture anticipée atteignant 25 %. Le projet de loi de finances pour 2013 fixe un objectif de 30 000 volontaires, l’exécutif tablant sur 50 000 en 2015 et 100 000 à la fin du quinquennat. Pour faire face à cette montée en puissance du dispositif, le Gouvernement a inscrit dans le projet de budget 116 millions d’euros de crédits de paiement en subvention pour charges de service public à l’Agence du service civique (ASC) et 29 millions d’euros en transfert à l’ACOSS pour la validation d’une partie des cotisations retraite des volontaires ; 15 millions d’euros de crédits non consommés du fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) viendront compléter le tout, portant le total de l’enveloppe à 160 millions d’euros.

Eu égard aux ajustements déjà constatés sur les autres actions budgétaires, alors que le service civique absorbe 56,4 % des crédits de paiement du programme n° 163, il est permis de s’inquiéter des répercussions collatérales potentielles de son expansion, notamment sur l’enveloppe dévolue au développement de la vie associative. En prenant en compte un coût global de 987 euros par mois et par jeune, et de 150 euros par mission au titre de la formation civique et citoyenne, l’accueil de 100 000 volontaires nécessiterait de mobiliser environ 706 millions d’euros chaque année. Or, par un raccourci conceptuel dont ils ont le secret, les services du ministère des finances ont une fâcheuse tendance à considérer que le volontariat du service civique, effectué à 85 % dans des associations, constitue par lui-même un levier de développement du monde associatif et que, par conséquent, l’action budgétaire idoine (poursuivant pourtant un objet bien distinct) peut être réduite dans des proportions significatives.

Les faits sont pourtant plus nuancés. S’il est certain que le service civique est de nature à entretenir la fibre bénévole parmi les jeunes générations, alors même que le bénévolat s’essouffle, il faut constater qu’en l’état actuel, il bénéficie surtout à des grosses associations : sur les 3 000 organismes agréés par l’ASC, deux ont signé plus de 1 000 contrats avec des volontaires et restent très actifs dans les recrutements. De surcroît, il serait vain de nier que la conjoncture dénature quelque peu les motivations des volontaires : avec ce dispositif – mais ce sera, sans doute, un peu moins vrai après l’entrée en vigueur des emplois d’avenir –, les jeunes ont la possibilité d’obtenir une rémunération et de valoriser une première expérience avant de se présenter sur le marché du travail. Aussi, le service civique remplit des fonctions qui excédent le seul cadre de la vie associative et de l’éducation populaire.

Pour mémoire, les dotations du programme n° 163 destinées à l’éducation populaire et à la vie associative ont diminué de 30 % depuis 2008 et de 16 % depuis 2010. Poursuivre dans cette voie serait très préjudiciable et contribuerait à affaiblir les structures d’accueil des volontaires du service civique. Comme les besoins en financement du dispositif sont appelés à prendre une envergure plus grande encore, le moment est sans doute venu de réfléchir aux moyens de diversifier les ressources affectées au développement du service civique, afin de ne pas hypothéquer les autres volets de la politique du ministère en faveur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

2. Le long abandon des associations

Un rappel s’impose à titre liminaire : les subventions à la vie associative sur le programme n° 163 ont baissé de manière constante sur les dernières années. Pour illustration, les dotations dévolues au développement de la vie associative sont passées de 18,3 millions d’euros en 2008, à 12,7 millions d’euros en 2012, soit une baisse de 30 %. Celles accordées aux actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire ont elles-mêmes diminué, sur la même période, de 115,7 millions à 77,3 millions d’euros (- 33%). Sur cette dernière enveloppe, le soutien aux associations agréées jeunesse et éducation populaire est passé de 12 millions à 9,13 millions d’euros, soit une baisse de 24 %.

Au-delà des baisses chroniques de leurs financements, les associations ont également dû faire face à des contraintes administratives et réglementaires toujours plus grandes, ainsi qu’à de perpétuelles refontes de leurs financeurs (du fonds d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles  – FASTIF – au fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations – FASILD –, à la gestion de certaines missions par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – ACSé –, tout cela dans un contexte de cures budgétaires pour ces établissements).

C’est donc après des années difficiles que l’on attendait le retour de la Gauche comme une bouffée d’air frais. Ce secteur ayant par le passé lourdement contribué au redressement des comptes de la Nation et présentant un ratio coût/avantages sociaux plus qu’attractif, il semblait évident que le changement de gouvernement marquerait la reconnaissance de son action.

Les dotations inscrites dans le projet de budget pour 2013 marquent à cet égard une regrettable absence de rupture par rapport aux années antérieures.

Quand, dans un contexte général de baisse des aides à la vie associative, le programme intitulé « Jeunesse et vie associative » ne lui vient pas suffisamment en aide, il semble légitime de s’interroger plus généralement sur les conditions de sa survie.

En ce qui concerne les dotations pour 2013 du programme n°163, pour les crédits afférents au développement de la vie associative (12,7 millions d’euros), on rappellera que ceux-ci servent principalement à payer la formation de bénévoles, pour laquelle 10,8 millions d’euros sont prévus, comme en 2011 et 2012. L’an passé, 189 600 bénévoles ont été bénéficiaires de ce type de formations, à travers 1 740 associations (dont 60 % d’éducation populaire). Le reste de l’enveloppe est essentiellement destiné à la prise en charge, via les délégués départementaux à la vie associative, des frais d’animation et de communication des missions d’accueil et d’information des associations (300 000 euros) et aux subventions par le FONJEP des centres de ressources et d’information des bénévoles labellisés par l’État (1,17 million d’euros).

Les actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, pour leur part, mobilisent des montants plus conséquents (72,8 millions d’euros au total). Sur ceux-ci, les crédits destinés, sur le fondement d’engagements internationaux bilatéraux, à l’office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et à l’office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) demeurent intangibles, à respectivement 10,55 millions et 1,96 million d’euros. Restent les autres lignes budgétaires, régulièrement exposées à des mesures de régulation alors même qu’elles poursuivent des buts prioritaires.

Au premier rang d’entre elles, figure le soutien à la structuration du tissu associatif. En 2013, 24,9 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés, par l’intermédiaire du FONJEP, à l’aide à la pérennisation des emplois associatifs, soit un montant sensiblement équivalent à l’exercice actuel (25 millions d’euros) ; la subvention – 2 850 entités, employant le plus souvent un seul salarié, en bénéficient – correspond en général au septième du coût du salaire moyen. Une enveloppe de 9,1 millions d’euros est également dévolue au soutien de quelque 190 associations agréées jeunesse et éducation populaire, qui accompagnent et structurent leurs propres réseaux. Enfin, 7,7 millions d’euros permettront de subventionner des actions associatives locales, par l’intermédiaire des services déconcentrés de l’État.

L’information des jeunes est une autre grande politique financée sur ces crédits. Les dotations de l’État concernent seulement les têtes de réseaux des 1 600 structures de proximité (bureaux et points d’information jeunesse, notamment) réparties dans toute la France : ainsi, une subvention de 2,5 millions d’euros alimentera le fonctionnement du centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ), de statut associatif et qui remplit tout à la fois un rôle d’animation du réseau national et de centre régional d’information pour l’Ile-de-France ; de même, les quelque 30 centres régionaux d’information jeunesse (CRIJ) se verront répartir, à leur niveau, 5,6 millions d’euros de subventions.

À titre plus marginal, enfin, il convient de préciser que l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), établissement public administratif ayant pour mission d’observer et d’analyser les attentes des jeunes, ainsi que d’évaluer les politiques publiques mises en œuvre, se verra allouer 3,3 millions d’euros en subvention pour charges de service public.

En définitive, l’essentiel des réductions budgétaires affectant en 2013 les actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire se répartira entre 4,5 millions d’euros de réduction des crédits déconcentrés alloués aux associations, le ministère mettant en avant la prise en compte de l’engagement des collectivités territoriales auprès de celles-ci parmi ses critères de sélection, et la non-reconduction de 5 millions d’euros pour le FEJ, celui-ci ayant achevé ses expérimentations et abordant une phase d’essaimage des projets ayant reçu une évaluation positive. Si le redéploiement affectant le FEJ apparaît justifié, la contraction, même limitée, des crédits déconcentrés vient s’ajouter à une dynamique déflationniste très marquée sous les législatures précédentes. S’inscrivant dans la durée elle a désormais un goût amer.

II.- LE FINANCEMENT DES ASSOCIATIONS :
UN ENJEU RÉPUBLICAIN

Les associations occupent une place importante dans la République. Elles mobilisent les citoyens sur des projets porteurs de solidarité, de respect, de partage avec les moins favorisés. Cette singularité française doit absolument être préservée, ce qui justifie qu’une attention particulière soit apportée aux problèmes que les acteurs de la vie associative rencontrent, notamment dans leur fonctionnement courant, autrement dit à la question de leurs ressources.

Ce besoin de financement des associations est aujourd’hui criant. Or il fait face à une fin de non-recevoir des pouvoirs publics, illustrée par ce budget.

Pourtant, au-delà d’une vision du monde associatif que certains pourraient percevoir comme naïve, il semble utile de rappeler que les associations en France représentent aujourd’hui un large secteur d’emplois, qui génère un volume d’activité égal à 3,5 % du PIB (équivalent à celui du secteur de l’hôtellerie-restauration), qui recourt à près de 1,8 million de personnes, et qui assure le maintien d’un service public que l’État préfère déléguer à ces petites mains fatiguées que sont les associations.

Or pour la première fois depuis 10 ans, et crise oblige, l’activité du secteur associatif a ralenti ; son financement mériterait donc a minima un engagement plus affirmé du ministère chargé de la vie associative.

A. LA VITALITÉ DE LA VIE ASSOCIATIVE : UN ATOUT MAJEUR POUR LA FRANCE

Si, ainsi que l’a déclaré, le 10 mars 2012 devant la Conférence permanente des coordinations associatives, François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, « La plus belle des associations, c’est la République qui rassemble l’ensemble des Français et vise l’intérêt général », force est de constater que le visage de la France ne serait pas le même sans la multitude et la diversité des associations qui animent nos territoires. Cette vitalité ne s’est pas même démentie avec l’éclatement de la crise des subprimes en 2008, puisque 66 939 associations ont été créées cette année-là selon le dernier bilan du Conseil national de la vie associative (1).

Le fait est, néanmoins, que la conjoncture de ces derniers mois a pesé sur le rythme des créations (- 3,3 % en glissement de septembre 2010 à septembre 2011 (2)). Or, il importe que les pouvoirs publics restent vigilants sur cette évolution, dans la mesure où le secteur associatif représente un gisement très significatif d’activités et d’emplois, ainsi qu’un amortisseur social essentiel en période de difficultés.

1. Un paysage très diversifié

Le secteur associatif échappe au système officiel d’observation statistique et de comptabilité nationale. La connaissance de la vie associative repose ainsi principalement sur des estimations et des enquêtes universitaires, établies sur la base de recoupements de données diverses telles que le nombre de déclarations auprès des préfectures (2 millions) ou celui des organismes en activité recensés par les mairies (plus de 1 million).

Dans son rapport remis en juin 2008 à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative (3), l’inspecteur général de l’administration honoraire Jean-Louis Langlais estimait possible de dépasser cet état des choses sans porter atteinte à la liberté d’association, notamment à travers la mise en place d’un compte satellite de l’INSEE et d’un observatoire de la vie associative. Quatre ans plus tard, il faut bien constater que le suivi demeure parcellaire, de sorte que l’essentiel des informations disponibles aujourd’hui repose sur l’enquête du CNRS et du centre d’économie de la Sorbonne, conduite tous les cinq ans sous l’égide de Mme Viviane Tchernonog (4), ainsi que sur la documentation d’observatoires associatifs indépendants, tel Recherches et Solidarités.

Les estimations relatives au nombre d’associations en activité en France oscillent entre 1,1 million (5) et 1,3 million (6). Sur ce total, entre 172 000 et 182 000 seulement auraient recours à des salariés, la grande majorité des entités s’appuyant sur l’action bénévole de leurs membres. Le solde annuel entre créations et disparitions d’associations est évalué à 37 000, ce qui illustre de la vitalité du secteur.

Les champs d’intervention les plus fréquents restent le sport (près du quart des associations en activité), la culture (19 %), les loisirs (18 %) et la défense des droits et causes (15 %). À eux quatre, ces différents domaines concentrent plus des deux-tiers des associations existantes.

Répartition des associations en fonction de leur secteur d’activité

 

Associations sans salarié

Associations avec salarié

Total

Ensemble
(en %)

Action humanitaire

35 400

5 400

40 800

4 %

Action sociale / santé

88 100

35 700

123 800

11 %

Défense des droits et causes

163 600

7 100

170 700

15 %

Éducation, formation, insertion

29 300

15 500

44 800

4 %

Sports

216 200

48 500

264 700

24 %

Culture

173 400

31 400

204 800

19 %

Loisirs

179 900

16 200

196 100

18 %

Économie, développement local

29 600

11 000

40 600

4 %

Autres

12 500

1 200

13 700

1 %

TOTAL

928 000

172 000

1 100 000

100 %

Source : Enquête CNRS Matisse-Centre d’économie de la Sorbonne, 2005-2006.

Cette hiérarchie se retrouve assez logiquement dans les enregistrements d’associations nouvelles, à quelques nuances près puisque les associations à objet culturel ont représenté 22,6 % des inscriptions entre 2007 et 2011, contre 15,5 % pour les associations sportives et 13,7 % pour les associations liées aux loisirs ; de même, les créations d’associations de défense des droits ont été moindres que celles poursuivant une mission à caractère social (7).

Répartition, en fonction de leur secteur d’activité,
des enregistrements d’associations nouvelles entre 2007 et 2011

Culture

22,6 %

Sports

15,5 %

Loisirs

13,7 %

Social

7,8 %

Santé

4,2 %

Enseignement

5,9 %

Économie

4,2 %

Aide à l’emploi, développement local

2,5 %

Environnement

3,8 %

Autres (1)

19,9 %

(1) Information, communication, activités politiques, défense des droits fondamentaux, activités civiques, spirituelles ou philosophiques, recherche, anciens combattants, tourisme, justice, amicales, groupements d’entraide, cercles de réflexion, logement, sécurité civile, préservation du patrimoine.

Source : Journal Officiel.

De fait, le paysage associatif en France embrasse des domaines d’activités multiples mais ô combien importants. Son renouvellement est continuel et il reflète les évolutions des priorités de la société française.

2. Un poids économique et social considérable, notamment en période de crise

Les associations jouent un rôle économique et social d’autant plus majeur qu’elles drainent un volume global de financements de l’ordre de 70 milliards d’euros (soit un volume d’activité égal à 3,5 % du PIB, équivalent à celui du secteur de l’hôtellerie-restauration) et qu’elles emploient, secteur agricole inclus, près de 1,8 million de personnes à titre principal ou occasionnel (soit 1,05 million d’équivalents temps plein - ETP), ce qui représente environ 5 % de l’emploi total public et privé du pays. La masse salariale ainsi distribuée est de l’ordre de 37 milliards d’euros par an (8). Aux emplois rémunérés s’ajoute le travail des quelque 16 millions de bénévoles actifs au sein d’une association, soit plus de 1,06 million d’ETP.

Près de la moitié des associations qui recourent à l’emploi salarié n’embauchent qu’une à deux personnes. De fait, l’emploi associatif apparaît très concentré dans les grandes associations puisque 74 % des associations employeurs déclarent moins de 10 salariés (soit 17 % de l’emploi associatif), alors que les quelque 3 000 plus grandes associations emploient plus de 100 salariés et concentrent plus du tiers de l’emploi associatif. L’action sociale (en direction de la grande pauvreté, des sans-papiers, des handicapés), la santé, la formation et l’insertion sont les secteurs les plus pourvoyeurs en emplois.

Autre caractéristique importante, le secteur associatif apparaît un peu moins sensible aux aléas de la conjoncture (grâce notamment à l’apport essentiel du bénévolat), même si ceux-ci finissent aujourd’hui par se faire sentir. A titre d’illustration, entre le premier trimestre 2007 et le troisième trimestre 2010, l’emploi associatif a connu une augmentation de 115 000 postes, quand, dans le même temps, le chômage amorçait une recrudescence sévère ; reste que, du milieu de l’année 2010 au milieu de celle de 2011, 22 000 emplois ont été perdus pour l’ensemble du secteur.

Au-delà du seul critère de l’emploi, le secteur associatif occupe une place redistributive essentielle du fait de ses dépenses d’investissement et d’intervention en direction des jeunes et des populations les plus fragiles sur les plans sanitaire et social. Ce faisant, il assume une mission de relais de terrain indispensable aux pouvoirs publics, trop souvent négligée dans la conduite et l’évaluation des politiques de ces derniers.

3. Le vecteur d’un modèle social porté vers l’innovation et la solidarité

La force des associations, depuis plus d’un siècle, est leur grande proximité avec les réalités sociales. De ce lien étroit, elles puisent toute leur créativité pour trouver des réponses adaptées, souples et économes aux difficultés ou aux besoins qui se font jour.

Nombre de politiques publiques formalisées par l’État ou les collectivités territoriales ont pour origine des expérimentations menées auparavant par des bénévoles, au plus près de nos concitoyens. Qu’il s’agisse de la politique de la ville, de la création culturelle, du développement du sport auprès du plus grand nombre ou encore de la prise en charge de publics spécifiques (handicapés, personnes âgées, etc.), à chaque fois les associations ont défriché les réponses à apporter aux problèmes rencontrés. Sans elles, aujourd’hui, l’action publique se révèlerait incontestablement moins efficace.

Pour mémoire, les associations représentent désormais la quasi-totalité des structures d’accueil d’urgence des personnes en détresse, les trois-quarts de l’hébergement médico-social privé (maisons de retraite, hôpitaux, foyers de jeunes travailleurs), la moitié des crèches, 250 000 clubs sportifs, des dizaines de milliers d’amicales, des milliers de théâtres, musées ou salles de concert, des milliers de bibliothèques et maisons de la jeunesse et de la culture, sur lesquels repose une large part de l’animation socio-culturelle locale et de la démocratisation de l’accès aux loisirs. Les associations, ce sont également des syndicats d’initiative, des services de transport et des structures investies dans la formation professionnelle et la réinsertion des chômeurs. Certaines, plus particulièrement dévolues à la défense d’intérêts professionnels, déontologiques ou catégoriels, participent ainsi à la préservation du bien public. Plus généralement, enfin, en identifiant les premières les besoins émergents et en militant pour les causes les plus diverses, tel l’environnement, elles s’affirment comme des agents actifs du changement des mentalités et de la société.

Cette démarche d’innovation dans tous les champs de l’action sociale est consubstantielle aux associations. Elle les distingue des entités à but lucratif car, même si les acteurs associatifs ont aussi des préoccupations économiques et financières, celles-ci ne constituent pas leur finalité première mais plutôt une contingence matérielle qui influe sur leur capacité à durer et à agir. Autrement dit, les associations ne se résument pas à des prestataires de services bon marché ; elles défrichent des problématiques sociétales, canalisent les énergies.

Ces spécificités, que la terminologie communautaire ignore dès lors qu’elle assimile les associations à des opérateurs économiques, constituent une singularité inestimable qu’il convient de défendre et de préserver. La collectivité nationale, fortement investie dans le secteur associatif puisque 23 millions de Français de plus de 18 ans étaient adhérents d’au moins une association en 2010, y a tout intérêt et le souhaite ardemment.

B. DES RESSOURCES VARIÉES SELON LE PROFIL DES ASSOCIATIONS

La diversité du secteur associatif, qui fait sa richesse, conduit à une forte hétérogénéité de moyens pour les entités qui le composent. Non seulement les associations n’ont pas toutes le même niveau de ressources, d’un secteur à l’autre et aussi au sein d’un même domaine d’action, mais de surcroît l’origine de leurs financements est également très fluctuante.

1. Des budgets disparates selon la taille et le champ d’intervention

Plus de 60 % des associations fonctionnent avec un budget annuel inférieur à 10 000 euros et 16 % avec des ressources n’excédant pas 1 000 euros, ce qui montre que le dynamisme du secteur repose essentiellement sur de petites structures, par définition fragiles et plus exposées aux aléas financiers. Bien souvent, la taille du budget annuel des associations varie selon que celles-ci emploient ou non des personnels : ainsi, les 5 % d’associations gérant un budget annuel de plus de 200 000 euros recourent toutes à des salariés (elles représentent même le quart de la catégorie des associations employeurs). Plus généralement, 81,7 % du montant global des financements aux associations sont actuellement absorbés par les 15,6 % d’associations employeurs.

Répartition des associations selon la taille de leur budget annuel

Total des ressources courantes annuelles

Associations sans salarié

Associations employeurs

Ensemble

Moins de 1 000 €

18 %

1 %

16 %

De 1 000 à 5 000 €

37 %

6 %

32 %

De 5 000 à 10 000 €

16 %

8 %

15 %

De 10 000 à 50 000 €

25 %

30 %

26 %

De 50 000 à 100 000 €

2 %

14 %

4 %

De 100 000 à 200 000 €

1 %

14 %

3 %

De 200 000 à 500 000 €

0 %

15 %

3 %

Plus de 500 000 €

0 %

13 %

2 %

TOTAL

100 %

100 %

100 %

Naturellement, la taille des associations ne saurait se limiter à l’importance de leur budget annuel, dans la mesure où certaines associations recourent quasi-exclusivement au bénévolat sans que cela les empêche d’avoir un certain rayonnement territorial.

L’examen des budgets moyens des entités qui composent le secteur associatif met aussi en évidence une très forte différence de ressources selon les activités menées. En l’espèce, les associations œuvrant dans le domaine de l’action sociale et la santé représentent plus du tiers du budget cumulé du secteur associatif, cette proportion atteignant même 42 % du montant enregistré pour toutes les associations employeurs de France ; viennent assez logiquement ensuite les associations qui interviennent dans les domaines de l’éducation, la formation et l’insertion (15 %), les associations sportives (15 %), puis les associations culturelles et de loisirs (9 % dans chaque cas).

Les différences de moyens peuvent en outre se révéler assez flagrantes au sein d’un même secteur d’intervention, tout particulièrement s’agissant des domaines de l’action sociale, de la santé, de l’éducation, de la formation et de l’insertion ou de la défense des droits et causes. Le recours à des salariés constitue souvent, là encore, le critère explicatif des écarts constatés.

Budget moyen des associations par secteur et en fonction des emplois

Secteurs

Associations sans salarié

Associations employeurs

Moyenne pondérée

Ratio employeurs /
sans salarié

Action humanitaire

15 936 €

388 517 €

65 259 €

24

Action sociale, santé

14 055 €

567 633 €

173 868 €

40

Défense des droits et causes

4 871 €

256 522 €

15 290 €

53

Éducation, formation, insertion

10 693 €

553 895 €

198 310 €

52

Sports

17 124 €

104 608 €

33 169 €

6

Culture

9 601 €

123 475 €

27 064 €

13

Loisirs et vie sociale

11 648 €

195 862 €

26 844 €

17

Défense des intérêts économiques

11 553 €

315 821 €

94 210 €

27

Autres

12 376 €

130 607 €

22 713 €

11

Moyenne pondérée

11 715 €

282 091 €

53 992 €

24

Au total, une césure assez nette s’est faite jour, au sein du secteur associatif, entre les associations prestataires de services marchands (mais à objet non lucratif), dotées de moyens financiers conséquents lorsqu’elles s’appuient sur des personnels salariés, et les associations plus orientées vers l’intérêt de leurs membres ou la pratique d’une activité donnée (sport, loisirs, culture), plus petites et davantage tournées vers le bénévolat. Les problèmes de financement qui se posent apparaissent dès lors sensiblement différents, la nature de ces financements fluctuant elle-même fortement selon l’objet poursuivi.

2. Bénévolat, ressources propres : des associations qui assument en grande partie leurs finances

L’origine des ressources des associations apparaît, d’un point de vue global, équilibrée : 49 % résultent de cotisations et de recettes liées à certaines prestations (services s’adressant aux adhérents) ou manifestations (kermesses, tombolas, etc.) ; 51 % sont issues de fonds publics et se répartissent entre subventions et rémunérations d’activités accomplies dans le cadre de marchés publics ou de délégations de services. Ce constat, néanmoins, ne saurait masquer de grandes disparités entre associations, selon leur taille et leur domaine d’intervention.

S’il n’existe aucune statistique officielle sur la proportion des associations qui bénéficient de subventions, ne serait-ce qu’en raison des incertitudes entourant le nombre exact d’associations en activité en France, d’associations de fait et non déclarées, le ministère chargé de la vie associative atteste que 84 % de celles-ci (essentiellement, les associations non employeurs) vivent majoritairement de ressources d’origine privée. Au demeurant, il est quasi-certain que les 16 % d’associations présentant un budget annuel inférieur à 1 000 euros ne reçoivent aucun subside public.

Il importe également de rappeler que 16 millions de bénévoles, soit plus de 1,06 million d’ETP, assurent le fonctionnement permanent du monde associatif. Bien qu’elle ne fasse pas l’objet d’une quelconque valorisation comptable, cette « masse non-salarié » représente en fait un actif considérable.

Il faut donc d’emblée mettre fin au mythe de l’association profiteuse des fonds publics : ceux-ci ne représentent en réalité que la moitié des financements totaux des associations, et ce uniquement du fait que le poids du bénévolat n’est par nature pas comptabilisé ; enfin ils ne touchent pas la totalité des associations.

Cette réalité repose principalement sur le fait que les pouvoirs publics se sont peu à peu désengagés, obligeant les associations à repenser leurs sources de financement. S’ils montrent la capacité de résilience des associations, ces chiffres, ne doivent pas faire perdre de vue que les fonds publics constituent un carburant nécessaire à la vie associative et une reconnaissance symbolique fondamentale pour ses acteurs.

a) Les financements privés

Les recettes privées des associations tirent leur origine de plusieurs flux financiers :

– en premier lieu, les cotisations des membres, si les statuts le prévoient. Ces contributions ne sont pas systématiques et représentent, à l’échelle de l’ensemble du secteur, une proportion assez marginale des financements (12 %). Toutefois, il convient de souligner que, pour les associations reposant essentiellement sur le principe du bénévolat et tournées essentiellement vers l’activité de leurs membres, elles prennent une importance supérieure (38 % pour les associations sportives, 24 % pour les associations de défense des droits et causes, 18 % pour les associations de loisirs et 17 % pour les associations culturelles). De même, dans le cas des organisations syndicales représentatives de salariés, le principe de la cotisation se trouve encouragé par un mécanisme de réduction fiscale prévu à l’article 199 quater C du code général des impôts et bénéficiant à environ 1,5 million de ménages ;

– en deuxième lieu, les dons ou legs des personnes physiques (3,5 % du montant global des financements) et le mécénat des entreprises (1,5 %). Ces apports en numéraire ou en nature sont le plus souvent encouragés par des mécanismes de réduction d’impôt pour les associations poursuivant un but d’intérêt général ou reconnues d’utilité publique (articles 200, 238 bis-1 et 4, 885-0 V bis A-I, II, IV et V du code général des impôts, notamment). Les associations dont le montant total des dons atteint 153 000 euros au cours d’une même année doivent publier leurs comptes dans les trois mois qui suivent leur approbation, sous le contrôle d’un commissaire aux comptes. Dans les faits, ce type de ressources est inférieur aux cotisations, excepté pour les associations humanitaires pour qui elles représentent près du quart de leurs financements ;

– enfin, les recettes d’activités privées, qui regroupent tout à la fois les ressources tirées de manifestations ponctuelles destinées à procurer des financements complémentaires (kermesses, tombolas, représentations culturelles etc.), celles de prestations plus régulières donnant lieu à une facturation aux adhérents ou à des clients (aide à domicile, accompagnement scolaire, formation, etc.) et les revenus de placement (exclusivement pour les plus grosses entités, dont le budget excède 2 millions d’euros). Ces recettes d’activité représentent la plus forte proportion des financements privés des associations, puisqu’elles atteignent, en moyenne, le tiers des budgets associatifs (32 % exactement). Les pourcentages peuvent même atteindre des niveaux bien supérieurs, notamment dans les secteurs de l’éducation, la formation et l’insertion ou des loisirs, où les recettes de prestations privées avoisinent alors le total des financements publics.

Ventilation des ressources privées des associations

 

Action humanitaire

Action sociale, santé

Défense des causes et droits

Éducation, formation, insertion

Sports

Culture

Loisirs

Économie, développement local

Autres

Total

Cotisations

2 %

3 %

24 %

4 %

38 %

17 %

18 %

11 %

11 %

12 %

Dons et mécénat

26 %

4 %

7 %

2 %

6 %

5 %

2 %

2 %

9 %

5 %

Recettes d’activité privées

32 %

27 %

30 %

47 %

23 %

31 %

44 %

39 %

56 %

32 %

TOTAL

59 %

33 %

61 %

52 %

67 %

53 %

64 %

52 %

75 %

49 %

Source : Enquête CNRS – Centre d’économie de la Sorbonne.

Dans l’ensemble, contrairement à une idée reçue et comme le rapporteur pour avis l’a affirmé en introduction, les chiffres montrent que le secteur associatif ne vit pas principalement grâce aux fonds publics : c’est même le contraire pour la plupart des associations humanitaires (59 % de fonds d’origine privée), sportives (67 %), de loisirs (64 %) ou de défense des droits et causes (61 %). Sans doute faut-il y voir la résultante d’un certain désengagement de la puissance publique sous la décennie passée, celle-ci n’hésitant à pas enjoindre aux intéressés de diversifier leurs ressources quand elle réduisait ses subventions.

b) Les revenus d’origine publique

Ainsi que le soulignent la CPCA et France Active, dans un document consécutif à leur enquête de septembre 2011 sur le financement des associations : « Le financement public est une reconnaissance de la contribution des initiatives associatives à l’intérêt général dont l’État est le garant. Il est le signe que les projets associatifs, à tous les niveaux des territoires, sont essentiels à la vie quotidienne de nos concitoyens » (9). Et celles-ci d’ajouter que le soutien de l’État et des collectivités locales aux associations est « facteur de cohésion sociale », « favorise la mixité sociale des publics bénéficiaires des associations » en orientant leur action vers les publics non forcément solvables et, enfin, constitue « une garantie de richesse et de diversité du tissu associatif », condition indispensable pour permettre aux associations d’être innovantes, de détecter les nouveaux besoins et de définir des réponses adaptées.

Dans les faits, les financements publics dont bénéficient les associations revêtent deux formes principales.

La première est celle des subventions (30 %, environ, du montant global des financements des associations). Au regard du droit communautaire (article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et paquet dit « Almunia » (10)), ne sont pas qualifiés d’aides d’État – aides publiques à des services ou productions interdites au motif qu’elles faussent les échanges entre États membres – les concours financiers versés directement par une collectivité publique à une association exerçant une activité d’intérêt général dont le montant est inférieur à 500 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs (aides dites « de minimis ») (11). Au-delà de ce seuil, seules peuvent échapper à la qualification d’aides d’État les subventions relevant du régime de la compensation de service public (obligations clairement définies dans un mandatement de service public, compensation strictement proportionnée aux coûts occasionnés et assortie de contrôles, notification préalable à la Commission européenne).

L’annexe 1 de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations est venue préciser, en droit français, le cadre applicable : au regard de la réglementation nationale, la subvention caractérise la situation dans laquelle une collectivité apporte son concours financier à une action initiée et menée par une personne publique ou privée poursuivant des objectifs propres, auxquels l’administration qui y trouve un intérêt apporte son soutien. Ce faisant, l’association doit être à l’origine du projet ou répondre à un appel à projets dont les résultats ne sont pas prédéfinis.

La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations impose à ces dernières, lorsqu’elles prennent la décision d’octroyer une subvention supérieure à 23 000 euros annuels (soit un seuil très inférieur au plafond du règlement européen « de minimis »), de conclure avec l’organisme privé qui en bénéficie une convention « définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée ». La traduction concrète de cette obligation se trouve dans la mise en place progressive de différents modes de conventionnement (à l’exemple notamment des conventions pluriannuelles d’objectifs – CPO – ou des contrats de progrès pluriannuels) qui fixent les termes du service confié et de sa compensation.

Tout en relevant d’un régime distinct de celui des subventions de l’État, en raison du caractère constitutionnel de leur libre administration, les collectivités locales obéissent à des principes similaires (12).

Le régime des subventions dites d’investissement diffère de ce cadre général compte tenu de l’objet qui s’y attache. Ces subventions permettent aux associations qui en bénéficient d’acquérir ou de créer des valeurs immobilisées ou de financer des activités à long terme. Le versement par l’État de subventions d’investissement aux associations est régi par le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 et sa circulaire d’application du 19 octobre 2000 : en l’espèce, chaque dossier doit faire l’objet d’une demande formelle, ne peut être subventionné à plus de 80 % de la dépense et ne peut faire l’objet d’avances supérieures à 5 % du montant prévisionnel de la subvention.

La seconde forme prise par les concours financiers publics aux associations est principalement celle de la rémunération de prestations fournies dans le cadre formalisé de la commande publique (20 %, environ, du montant global des financements des associations), sur la base de marchés publics consécutifs à des appels d’offres avec publicité et mise en concurrence au-delà de certains seuils ou de délégations de service public, au sens de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et au sens des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, notamment. Ces modalités, qui s’imposent lorsque la collectivité publique prend l’initiative d’un projet confié au secteur associatif, sont par nature moins sécurisantes pour les associations car elles impliquent un formalisme important et ne garantissent pas à coup sûr l’octroi des financements nécessaires.

Si les subventions contractualisées reposent le plus souvent sur un partenariat avec des objectifs partagés entre collectivités et associations, il en va différemment des relations nouées dans le cadre du régime de la commande publique, qui relèguent les associations à un rôle d’exécutant des choix de la collectivité maître d’œuvre.

Ainsi que le détaille le tableau ci-dessous, les collectivités liées au secteur associatif sont multiples.

Ventilation des ressources publiques des associations

 

Action humanitaire

Action sociale, santé

Défense des causes et droits

Éducation, formation, insertion

Sports

Culture

Loisirs

Économie, développement local

Autres

Total

Communes

6 %

11 %

6 %

6 %

20 %

22 %

25 %

21 %

9 %

14 %

Conseils généraux

14 %

17 %

6 %

8 %

5 %

6 %

2 %

5 %

4 %

10 %

Conseils régionaux

1 %

2 %

2 %

7 %

2 %

7 %

1 %

10 %

1 %

4 %

État

13 %

18 %

10 %

19 %

4 %

9 %

4 %

4 %

6 %

12 %

Europe

1 %

1 %

1 %

3 %

2 %

1 %

Organismes sociaux

4 %

15 %

12 %

2 %

1 %

1 %

2 %

2 %

4 %

7 %

Autres

2 %

4 %

2 %

4 %

2 %

3 %

2 %

5 %

1 %

3 %

TOTAL

41 %

67 %

39 %

48 %

33 %

47 %

36 %

49 %

25 %

51 %

Source : Enquête CNRS – Centre d’économie de la Sorbonne.

L’État est loin d’occuper le premier rang en la matière, son soutien direct excédant rarement 10 %, excepté pour les secteurs de l’humanitaire, de l’action sociale et de l’éducation ; il est vrai que, en plus de son concours direct, il incite les personnes privées, par ses dépenses fiscales en faveur des dons et du mécénat, à contribuer aux besoins du secteur associatif.

Les principaux contributeurs publics au financement des associations sont en fait les communes, les conseils généraux et les régions, particulièrement dans leurs domaines de compétences respectifs (sports, loisirs, développement local pour les premières ; action sociale et santé pour les deuxièmes ; animation économique des territoires pour les dernières). Cumulant près de 30 % du total des financements des acteurs associatifs – auxquels s’ajoutent des avantages matériels non consolidés sur le plan comptable, telle la mise à disposition de locaux ou la participation de services municipaux à l’organisation pratique d’événements, par exemple –, les collectivités locales leur accordent ainsi près du double des financements de l’État : il faut y voir tout à la fois le résultat d’un désengagement de la puissance publique et, en même temps, l’illustration d’une attention grandissante des collectivités territoriales à l’égard de la vie associative locale, dans la logique de la décentralisation de même que la volonté de pallier, au moins partiellement, l’absence de l’État.

3. Une connaissance lacunaire du monde associatif et un suivi budgétaire approximatif par les pouvoirs publics

Il apparaît pour le moins étonnant que, plus d’un siècle après la création du cadre juridique des associations, la puissance publique dispose de données aussi peu précises sur le secteur associatif, son poids social et économique ou encore les flux financiers que les collectivités entretiennent avec lui. Certes, la liberté d’association constitue un droit fondamental et ne saurait conduire à la multiplication des contrôles. Il n’en demeure pas moins patent que le monde associatif est sans doute aujourd’hui mal ou insuffisamment connu, ce qui est préjudiciable tout à la fois aux pouvoirs publics et aux associations elles-mêmes.

Ainsi que cela a précédemment été souligné, les déclarations enregistrées en préfectures ne constituent pas un critère pertinent pour apprécier le nombre d’associations actives en France. Les seules données réellement illustratives résultent d’enquêtes menées tous les cinq ans sous l’égide de la chercheuse Viviane Tchernonog. Du côté des administrations publiques, il semble que l’INSEE doive inscrire à son programme de travail une étude statistique sur le sujet, mais sa publication ne devrait pas intervenir avant 2014 ; ceci n’a rien de très étonnant lorsque l’on sait que seules 4 personnes suivent le secteur non-marchand au sein de cet organisme, contre une centaine pour le secteur agricole, ce qui démontre malheureusement un réel défaut de prise en compte des enjeux y afférant et l’existence de besoins criants en moyens humains et matériels dédiés.

Ce constat d’informations lacunaires vaut tout autant pour les données afférentes aux concours financiers publics accordés aux associations. En application des dispositions de l’article 186 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, trois annexes (documents « jaunes ») intitulées « Effort financier de l’État en faveur des associations » accompagnent les projets de loi de finances initiale. Ces documents présentent de manière succincte les orientations stratégiques de la politique nationale en faveur du secteur associatif (une page sur les trois tomes) et la liste des dépenses fiscales relatives aux associations (quelques pages seulement). Ils dressent ensuite, pour chaque ministère et par programme, conformément à la nomenclature de l’exercice budgétaire clos, la liste des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant reçu, au cours de ce même exercice, une subvention à quelque titre que ce soit, en précisant l’objet de chaque subvention.

En dépit de leur caractère volumineux (plus de 1 200 pages au total) et de l’indéniable transparence qu’ils apportent, ces documents livrent en définitive des informations assez sommaires et peu exploitables.

En premier lieu, ils ne dévoilent que les subventions versées par l’État alors que les associations bénéficient pour une part non négligeable de subventions d’autres collectivités publiques (régions, départements, communes). Ce faisant, leur portée est nécessairement partielle. En deuxième lieu, le listing alphabétique des associations bénéficiaires de subventions de l’État apparaît bien moins pertinent qu’un classement réalisé en fonction de l’objet poursuivi par les associations, même si le rattachement aux programmes budgétaires et aux ministères donne une première cohérence. En outre, les mentions relatives à l’objet des subventions et plus encore celles relatives à l’évaluation de leurs effets dans le cas de la conclusion de CPO ne tiennent le plus souvent qu’en quelques lignes, ce qui ne permet pas de porter une appréciation objective.

Ces critiques ont été relayées par le rapport du groupe de travail du conseil national de l’information statistique sur la connaissance des associations, paru en décembre 2010, qui a conclu : « Dans l’état actuel, le jaune Associations ne répond pas aux besoins et aux attentes des acteurs que sont les chercheurs, le monde associatif, le système statistique public. Il faut faire du “jaune” budgétaire un document lisible et utilisable, offrant une vision claire et exhaustive du montant des subventions accordées par l’État. Ces avancées nécessitent des efforts de coordination et passent par une harmonisation des méthodes au sein des différents ministères concernés, avec la proposition d’un modèle de classification standardisé et la gestion centralisée des informations sur une base de données. Les informations sur les subventions publiques aux associations pourront alors être valorisées par le SSP, la DGFIP et les différents ministères » (13).

De fait, il manque une analyse d’ensemble plus fournie que la simple présentation, en une page, des orientations stratégiques de la politique nationale en faveur du secteur associatif. Dans ces conditions, il apparaît difficile pour le Parlement d’évaluer la pertinence des moyens publics alloués et des politiques menées en direction du secteur associatif.

C. LES PETITES ASSOCIATIONS FACE AU MUR TECHNICO-ADMINISTRATIF

Depuis 2010, le rythme de création d’associations a singulièrement ralenti et, pire encore, le nombre d’emplois a diminué de quelques 22 000 unités. Il s’agit d’une première d’autant plus inquiétante que, selon la dernière étude de conjoncture de Recherches et Solidarité, près de 150 000 associations connaissent actuellement des situations financières très difficiles : parmi elles, on trouve près de 14 000 entités employant jusqu’à 5 salariés et environ 7 000 associations recourant à plus de 5 emplois (14).

Cette conjoncture délicate se trouve aggravée par des difficultés d’ordre structurel. En effet, le financement du secteur associatif pâtit énormément des réductions de subventions de l’État et de certaines collectivités locales, ainsi que des frilosités des banques, peu enclines à soutenir les associations de petite ou moyenne envergure. Parallèlement, le cadre juridique et administratif applicable aux aides publiques apportées aux associations et le formalisme qui en découle ne contribuent pas à sécuriser les ressources des acteurs les plus fragiles.

1. Le désengagement sensible de l’État et de certaines collectivités locales, aux prises avec la maîtrise de leurs dépenses

Avec la crise économique, l’État et les collectivités locales ont vu leurs ressources et leurs perspectives de recettes diminuer, alors que dans le même temps leurs dépenses obligatoires d’action sociale (indemnisation des chômeurs, revenu de solidarité active, etc.) augmentent. Pourtant la conjoncture n’explique pas à elle seule la baisse constante des subventions de l’État. L’observation sur plusieurs années du financement des associations démontre de fait un désengagement de celui-ci dans le fonctionnement de la vie associative, en particulier envers les petites et les moyennes associations, qui va au-delà des secousses de la crise économique : en effet, les financements de l’État, qui représentaient 15 % du budget cumulé du secteur associatif en 1999, ont décru de 5 % en volume jusqu’à 2005, pour atteindre cette année-là le seuil de 12 % (15) ; en 2012, ils s’établissent aux alentours de 10 %, ce qui montre que la diminution s’est poursuivie.

Une récente enquête, réalisée à l’automne 2011 et publiée le 16 janvier 2012 par la CPCA et France Active, met en évidence que 69 % des associations interrogées ont vu au moins un de leurs financements publics baisser.

Ainsi que l’illustre le tableau ci-dessous, l’État a diminué ses financements à plus de la moitié des associations interrogées (56 %), les conseils régionaux et généraux ayant suivi un comportement similaire dans une moindre mesure en baissant leurs subventions à respectivement 41 % et 39 % des entités du panel. Les communes et intercommunalités apparaissent comme les seules collectivités ayant majoritairement maintenu leurs concours à la vie associative, avec 53 % de financements du même ordre et 22 % en hausse.

Évolution, par collectivité, des financements publics
aux associations en 2010-2011

 

Financements en hausse

Financements
du même ordre

Financements en baisse

État

14 %

31 %

56 %

Conseils régionaux

21 %

39 %

41 %

Conseils généraux

13 %

47 %

39 %

Communes et intercommunalités

22 %

53 %

25 %

Autres organismes publics (CAF, CPAM, etc.)

17 %

47 %

36 %

Europe

31 %

38 %

32 %

Source : « Associations, comment faites-vous face à la crise ? », CPCA-France Active, janvier 2012.

L’étude de la CPCA et de France Active ne se borne pas à donner un aperçu général sur le comportement actuel des collectivités publiques à l’égard du financement des associations. Elle met en évidence que les acteurs associatifs ne se trouvent pas dans la même situation, ne serait-ce que parce que les diminutions des subventions ne s’expliquent pas uniquement par les difficultés budgétaires de l’État et des collectivités territoriales, mais répondent également à un recentrage de certaines politiques publiques et à une volonté de traçabilité plus grande des financements consentis par les acteurs locaux.

Une analyse dans le détail des secteurs plus particulièrement touchés, illustrée par l’histogramme ci-dessous, montre que les associations d’action sociale ou œuvrant dans la santé et le médico-social sont les premières victimes des diminutions des concours de l’État et des régions. Les associations de solidarité internationale ont également enregistré une baisse drastique des subventions des collectivités territoriales. Seules les associations de développement économique et rural ont bénéficié d’un maintien du soutien des financeurs locaux, palliant ainsi le désengagement assez net de l’État à leur égard.

Ce contexte commence à peser lourdement sur l’action de certaines structures, quand il ne menace pas, à très court terme, leur pérennité (à l’instar du MRAP, par exemple). Ainsi en va-t-il, notamment, de toutes les associations aidées jusqu’alors par l’ACSé, véritable incubateur de la vie associative dans les quartiers en difficulté et pilier du fonctionnement de nombreuses têtes de réseau consacrées à la défense des droits, à la lutte contre le racisme et les discriminations. L’ACSé a vu son budget global diminuer de 540 millions d’euros, en 2009, à 410 millions d’euros en 2012 : conséquence directe, les crédits déconcentrés (dont 36 % sont alloués à quelque 6 950 associations) ont eux aussi diminué fortement, tandis que les aides destinées aux têtes de réseaux associatives ont été divisées par trois (en passant de 30 à 9 millions d’euros).

2. Un parcours kafkaïen pour obtenir des subventions

Indispensables à l’équilibre financier de la vie associative, les financements publics n’en sont pas moins accordés sous des conditions parfois très contraignantes. Nonobstant les délais de versement, qui obèrent dans beaucoup de cas la constitution d’une trésorerie suffisante, les concours financiers publics s’inscrivent trop souvent dans un cadre juridique inapproprié, la subvention étant peu à peu délaissée au profit de la commande publique.

a) Les coups de boutoir administratifs et juridiques portés au mécanisme de subvention

L’allocation de subventions constitue le soutien matériel le plus direct et efficace à la vie associative. Le procédé s’avère néanmoins de plus en plus encadré et il fait l’objet de contraintes formelles et administratives assez importantes.

• La déperdition des énergies du fait de la nécessité de trouver plusieurs sources publiques de financement

La diminution des enveloppes consacrées par chaque niveau de collectivités publiques au soutien du secteur associatif induit que les responsables d’associations se tournent de plus en plus vers plusieurs interlocuteurs pour obtenir les aides financières nécessaires à leur fonctionnement et à l’accomplissement de leurs projets. Or, de telles démarches sont par nature fastidieuses et prennent beaucoup de temps car il faut multiplier les demandes, se plier à des procédures souvent différentes, répondre aux demandes de précisions et aux exigences administratives de chaque collectivité.

Dans ce schéma, les demandes de subventions communautaires tiennent une place à part, en raison de la grande complexité des circuits administratifs (qui passent tantôt par un guichet propre à la Commission européenne, tantôt par des relais administratifs nationaux). Nombre d’associations de terrain hésitent donc à se tourner vers les financements européens ; les têtes de réseau, elles-mêmes, tentent d’unir leurs forces pour présenter des dossiers éligibles, mais elles se heurtent souvent au fait que leur dimensionnement administratif, réduit par les nécessités de la conjoncture, n’apparaît pas suffisamment adéquat aux instances communautaires.

• Des procédures lourdes

Légitime dans son principe, le processus d’instruction et de contrôle des demandes, commun à l’ensemble des ministères pour ce qui concerne les subventions d’État, est symptomatique d’un pointillisme parfois exagéré. Il se décompose en pas moins de quatre stades :

– un contrôle de premier niveau est effectué par le service qui reçoit la demande. Celui-ci s’assure que celle-ci répond bien aux objectifs de la politique dont il a la responsabilité et opère différentes vérifications (statuts du demandeur, localisation, etc.). À cette occasion, il réalise une analyse de son bilan financier, de son compte de résultat de l’année précédente et du budget prévisionnel, afin d’apprécier l’opportunité d’accorder la subvention. L’acceptation de la demande débouche alors sur l’élaboration de la convention liant les parties et définissant les justificatifs qui devront être transmis à l’administration pour vérifier la bonne réalisation de la mission ;

– la convention est ensuite transmise au service ordonnateur qui exerce un contrôle de deuxième niveau (existence de la structure, documents financiers) afin d’effectuer l’engagement puis le paiement de la subvention ;

– à l’issu du versement de la subvention, intervient dans l’année ou sur la période du partenariat avec l’association un contrôle budgétaire et comptable de celle-ci ;

– enfin, après la réalisation par l’association bénéficiaire de ses projets, un dernier contrôle est effectué afin de vérifier que les objectifs initiaux ont bien été atteints. Si une sous-réalisation ou une irrégularité est constatée, l’administration émet un titre de perception pour récupérer les crédits considérés comme trop versés.

Il va sans dire que ces procédés s’avèrent très lourds pour la grande majorité des associations. Certes, sous l’impulsion du mouvement associatif, quelques améliorations ont été enregistrées. Dans un souci de simplification administrative, un document unique de demande de subvention (Cerfa n° 12156) a ainsi été institué par la circulaire du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l’État aux associations. Depuis lors, les administrations de l’État et des collectivités doivent recourir à ce formulaire unique et ne pas demander la communication de documents comptables lors d’une première sollicitation pour un montant inférieur à 23 000 euros. Pour donner plus d’effectivité à ces avancées, un portail de télétransmission des demandes (e-subvention) a même été mis en place, permettant ainsi le dépôt de demandes standardisées assorti de la fourniture, en une seule occurrence, des pièces justificatives. Ce dispositif reste néanmoins encore au stade expérimental et limité dans sa portée (le CNDS, essentiellement).

Pour bon nombre de responsables associatifs, cette lourdeur administrative est d’autant plus mal vécue que la plupart des collectivités publiques se bornent, d’une année sur l’autre, à reconduire ou à ajuster à la baisse – jamais à la hausse – les montants accordés l’année précédente, sans véritable considération ni analyse détaillée des besoins, des projets et de l’évolution de la situation de chaque entité demandeuse. Cette inertie conduit à cantonner les associations dans certains créneaux de subventionnement, indépendamment de toute appréciation dynamique et pragmatique de leur état.

S’y ajoutent des délais de signature et de paiement trop souvent affectés de retards – 23 % des structures interrogées selon une récente enquête déclaraient rencontrer de tels problèmes (16) –, ce qui amène les associations soit à avancer les fonds sur la base de financements prévisionnels non encore certains, fragilisant ainsi un peu plus leur trésorerie, soit à reporter leurs projets.

• Une logique comptable qui s’est substituée à une logique citoyenne

Depuis une dizaine d’années, la nature du contrôle exercé par les entités qui accordent des subventions aux associations a profondément changé. Cette évolution est à mettre en relation avec l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui assortit les dotations de l’État d’objectifs de performance et de critères d’évaluation comptable ou quantitative. Peu à peu, les collectivités locales se sont elles-mêmes inscrites dans cette démarche, y voyant un moyen de reprendre une certaine maîtrise sur les orientations suivies par les associations qu’elles aident.

La déclinaison, pour les subventions de l’État, des enveloppes en budgets opérationnels de programme, ainsi que l’instauration de critères annuels d’évaluation des résultats (justification des crédits utilisés, nombre de projets menés, coûts de fonctionnement, etc.) ont peu à peu conduit à perdre de vue la spécificité de l’action associative, notamment dans des domaines où la performance ne peut se juger à l’aune d’indicateurs financiers. Ainsi, comment apprécier financièrement les résultats d’associations de prévention, de dialogue ou de défense des droits ?

L’efficacité des associations est avant tout sociale et elle ne peut se résumer à des critères financiers. En généralisant l’évaluation sur la base de résultats comptables ou quantitatifs et non qualitatifs, les financeurs publics ont commis deux erreurs : en premier lieu, ils ont privilégié – sans doute de manière involontaire – un modèle associatif inspiré par le secteur marchand, alors que l’esprit originel du statut associatif est la poursuite d’un but non lucratif ; en deuxième lieu, ils ont favorisé l’institution insidieuse d’un mécanisme de reconduction quasi-automatique des porteurs de projets et des aides allouées, seules les associations rompues à certaines exigences comptables et financières étant assurées de conserver leurs financements publics.

Au total, qu’il s’agisse de l’interprétation des règles applicables ou de la résultante de pratiques administratives, dans tous les cas, c’est le principe même de la subvention aux associations qui s’est trouvé affaibli dans sa portée.

b) Les dérives du recours à la commande publique

Ainsi que le souligne l’annexe 1 de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations, le développement de relations entre une collectivité et un acteur associatif dans le cadre de la commande publique n’est impératif, au regard des réglementations communautaire et nationale, que lorsque la collectivité a défini elle-même le projet mis en œuvre, qui répond à ses propres besoins. Le procédé, qui n’est pas en soi condamnable mais présente l’inconvénient de privilégier la question des coûts sur toute autre considération, repose sur deux types de mécanismes juridiques :

– en premier lieu, majoritairement d’ailleurs, les marchés publics. Contrats conclus à titre onéreux entre une collectivité adjudicatrice et une association après appel d’offres, publicité et mise en concurrence, conformément au code des marchés publics, ils impliquent un lien direct entre les paiements et prestations accomplies ;

– en second lieu, les délégations de service public, plus minoritaires. Ces dernières consistent à confier, sous la responsabilité de la collectivité délégante, l’exercice de certaines missions dont la rémunération est tirée de l’exploitation du service par le délégataire, qui en assume ainsi les risques.

On le voit assez clairement, les procédures de la commande publique sont intrinsèquement déstabilisantes pour les associations de petite ou moyenne envergure, en ce qu’elles exigent d’elles le respect d’un grand nombre de contraintes formelles (fourniture de dossiers dans des délais et selon des formes précises, suivi d’exécution, etc.), créent une incertitude dans l’attribution du contrat (et donc des financements) et inscrivent les partenariats dans une durée limitée. Pourtant, toutes les études et recherches effectuées sur le financement des associations ces dernières années confirment le constat des acteurs de terrain : le soutien public à la vie associative prend de plus en plus la forme de commandes publiques, par nature plus complexes à obtenir et à gérer, ce qui favorise les grandes entités et pénalise les autres, insuffisamment outillées en interne.

Dans leur étude « Associations, comment faites-vous face à la crise ? », la CPCA et France Active ont mis en exergue que plus de 21 % des associations qu’elles ont interrogées à ce sujet ont conclu, en 2010, au moins un marché public avec une personne publique. Les communes et intercommunalités apparaissent logiquement comme le premier des contractants avec le secteur associatif (46 % des associations interrogées ont conclu au moins un marché avec elles), devant les départements (35 %), les régions (25 %) et l’État (21 %). De fait, l’importance du recours aux marchés publics augmente avec la taille des associations : 35 % de celles disposant d’un budget supérieur à 500 000 euros ont ainsi conclu ce type de contrats. De même, la fréquence de ce procédé est plus particulièrement corrélée à certains secteurs, tels l’environnement (55 %), le développement économique (39 %) ou l’action sociale (26 %).

Cette propension à l’extension du recours à la commande publique – on rappellera que cette dernière vise avant tout à régir les rapports entre les personnes publiques (État, collectivités) et les opérateurs économiques – soulève un certain nombre d’interrogations essentielles.

Tout d’abord, elle pose clairement la question des limites du champ d’intervention du secteur associatif. Juridiquement, le législateur et le pouvoir règlementaire ont laissé une très grande latitude en la matière aux acteurs. En effet, l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 dispose seulement qu’une association « est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Il est toutefois permis de se demander si, philosophiquement, des associations qui remplissent une activité concurrentielle ou interviennent en sous-traitants pour des programmes spécifiques au sein de structures privés (programmes d’éducation et d’insertion de détenus en prisons privées, sous forme de partenariat public-privé, par exemple) n’excèdent pas, ce faisant, le cadre originel pour lequel le statut associatif a été créé.

Ensuite, la tendance à privilégier des alternatives contractuelles à la subvention du secteur associatif, en ce qu’elle place le critère des coûts au centre de la relation nouée, fait de l’emploi associatif une véritable variable d’ajustement. Jusqu’à 2011, la part du bénévolat a permis d’amortir le processus ; mais, depuis lors, la tension s’exerce sur le niveau de rémunération des salariés associatifs, déjà moindre que celui des entreprises commerciales du fait d’une plus forte proportion de contrats à durée déterminée, de contrats aidés ou de temps partiels. L’externalisation croissante de services publics en direction des acteurs associatifs ne saurait donc masquer la triste réalité d’une précarisation en cours des acteurs chargés de s’occuper des plus précaires.

Enfin, le recours accru des collectivités à la commande publique pour financer les associations interpelle sur la pertinence du statut retenu par certaines entités qui accomplissent, de fait, de véritables prestations économiques et conservent un lien ténu avec leur objet associatif initial. En effet, certaines associations, par leur budget, le nombre de leurs salariés et l’éventail de leurs activités, s’apparentent davantage à des entreprises qu’à des groupements sans but lucratif. C’est tout particulièrement vrai dans les secteurs de l’action sociale (gestion de crèches, de lits de maisons de retraite, de centres de vacances) ou du développement économique (services publics), qui sont justement ceux qui donnent le plus lieu à des marchés publics. Dans leur cas, on voit mal l’intérêt d’un régime juridique qui les empêche de réaliser quelques bénéfices susceptibles de leur assurer une réserve de trésorerie, alors que l’économie sociale et solidaire leur offre, notamment via le statut coopératif, des alternatives tout aussi séduisantes sur le plan éthique et plus adaptées du point de vue économique. Il y a sans doute là des passerelles à prévoir et à favoriser, notamment à l’occasion de la modernisation du droit des sociétés coopératives annoncée par le ministre en charge de l’économie sociale et solidaire à l’horizon de 2013.

3. Une exigence de professionnalisation contradictoire avec l’esprit associatif

S’il ne fait pas l’objet d’une valorisation comptable à part entière, le travail bénévole constitue lui aussi une forme de ressource pour les associations : au moins 16 millions de Français (32 % de la population majeure) apportent en effet gratuitement leur concours à la vie de ces entités, leur évitant ainsi de salarier une main-d’œuvre nécessairement coûteuse. Cette force, hélas, tend à se tarir car les jeunes générations semblent moins enclines à ce type de don citoyen : 16 % des bénévoles associatifs ont entre 15 et 24 ans et 64 % ont plus de 50 ans, selon une enquête de l’IFOP de juin 2010 (17).

Analyse de l’engagement bénévole, en fonction de l’âge

Tranches d’âge

Taux global d’engagement

Bénévolat associatif

15-24 ans

29 %

16 %

25-34 ans

25 %

15 %

35-49 ans

30 %

17 %

50-64 ans

45 %

26 %

Plus de 65 ans

51 %

38 %

Moyenne générale

36 %

23 %

Source : La situation du bénévolat en France en 2010, France Bénévolat.

Ces difficultés de renouvellement du bénévolat ne s’expliquent pas par le manque d’envie, puisque d’autres formes d’engagement gratuit existent (la proportion des jeunes des moins de 24 ans concernés montant alors à 29 %), mais plutôt par l’accroissement très sensible du travail lié à la gestion courante des associations.

Alors que, par l’adoption de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, le législateur s’est voulu extrêmement permissif pour la création et le fonctionnement des associations, la multiplication des exigences et des contingences gestionnaires ont progressivement transformé le rôle des dirigeants de ces entités. Désormais, le quotidien d’une association n’a plus rien à voir avec ce qu’il a pu être il y a plusieurs décennies.

Qu’il s’agisse des formalités déclaratives, des actes de procédure liés à la tenue des assemblées générales et surtout des obligations administratives, comptables ou même – lorsque l’association salarie une ou plusieurs personnes – sociales, les présidents et trésoriers croulent sous les formalités. De l’aveu de ceux que le rapporteur pour avis a entendus, notamment pour ce qui concerne les plus petites entités, cette charge de travail est très prenante et se heurte bien souvent à l’absence d’informations intelligibles sur la marche à suivre, alors même que l’État finance à cet effet, à hauteur de 1,5 million d’euros, des délégués départementaux à la vie associative et 170 centres de ressources et d’information des bénévoles.

Dans de nombreux cas, l’ampleur et l’aridité de la tâche n’est pas sans effrayer des bénévoles qui n’ont pas été préparés à la rédaction de demandes de subventions, de rapports d’activité ou à la remise de comptes et qui ne se sont pas engagés à cette fin. De plus, faute de moyens, il n’est pas toujours possible de recourir aux prestations d’un commissaire aux comptes ou à l’aide bienvenue d’un salarié, même à mi-temps.

La motivation et la débrouillardise individuelle permettent parfois de surmonter ces difficultés ; certains responsables qui essuient des refus ou des échecs, forts de l’expérience acquise, s’adressent ultérieurement aux guichets appropriés ou les plus attentifs à leur situation. Il n’en demeure pas moins que l’impression de solitude institutionnelle qui entoure les dirigeants de petites associations n’est pas satisfaisante, non seulement parce qu’elle fait peser des risques évitables sur leurs épaules (en leur laissant commettre des vices de procédures involontaires) mais aussi parce qu’elle décourage bien souvent l’engagement associatif.

Ce problème, qui n’a pas une origine financière mais peut engendrer des conséquences matérielles significatives en cas de recours à un prestataire extérieur ou à un salarié, souligne tout l’enjeu de la simplification des démarches pour le secteur associatif. A défaut de s’engager dans cette voie, notre pays pourrait rapidement mesurer les effets dissuasifs de cette « bureaucratisation » grandissante du fonctionnement des associations sur les vocations bénévoles.

4. Des petites associations acculées et condamnées à des stratégies de survie

La diversité du monde associatif conduit nécessairement à éviter toute généralisation quant aux difficultés de financement rencontrées par ses différentes composantes. Sans qu’il soit question d’opposer les entités en fonction de leur taille ou de leur budget, il faut reconnaître que les plus petites d’entre elles, celles qui présentent des budgets annuels inférieurs à 50 000 euros et recourent à moins d’un salarié (soit 75 % des associations françaises), font face à des difficultés plus prégnantes que les associations institutionnelles et les fédérations d’associations, dont les budgets sont plus conséquents et qui emploient des personnels bien plus nombreux.

Compte tenu de la complexité des guichets administratifs nationaux et européens, il est patent que les structures disposant à temps plein de juristes et de comptables sont mieux armées que les petites associations reposant exclusivement sur le dévouement de leurs bénévoles pour établir leurs dossiers de demande de subventions ou, le cas échéant, solliciter des CPO. Ainsi, il n’est guère étonnant, s’agissant de l’octroi de subventions pluriannuelles, que les CPO soient le plus souvent conclues avec l’État (42 %) ou les communes et intercommunalités (33 %), au bénéfice d’entités disposant d’un budget supérieur à 150 000 euros (18).

De la même manière, il n’est pas anodin de constater que le régime fiscal des dons de particuliers ou du mécénat d’entreprise favorise surtout des associations à forte notoriété, essentiellement dans les secteurs humanitaire et social ou culturel. En effet, l’exigence administrative de la reconnaissance de l’objet d’intérêt général ou de l’utilité publique des associations bénéficiaires oriente nécessairement les quelque 3,3 milliards d’euros de dons des 5,3 millions de foyers fiscaux bénéficiaires du régime de la réduction d’impôt qui y est associé (19) vers les entités les plus visibles et disposant déjà de ressources conséquentes (telles la Fondation de France, la Croix rouge française, etc.), et non vers les associations locales. Individuellement, ces ressources peuvent représenter des sommes très conséquentes : Médecins sans frontières récolte ainsi 60 millions d’euros par an (10 % de legs et 90 % de dons).

Ce hiatus dans l’accès aux sources de financement entre petites et grandes associations a pour conséquence de placer les premières dans une certaine dépendance à l’égard des collectivités locales (communes, intercommunalités et départements, essentiellement). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les municipalités sont les premiers financeurs publics du monde associatif. En règle générale, les rapports entre élus et responsables des associations sont directs et assez faciles, notamment grâce à la mise à disposition de locaux des permanences régulières. Il arrive également que les communes centralisent les demandes de subventions auprès d’autres collectivités, afin de simplifier les démarches des associations qui sollicitent une aide publique.

Il reste que cette proximité peut aussi engendrer des risques d’instrumentalisation des aides, en fonction de priorités ou d’orientations politiques divergentes. Il n’est pas rare, ainsi que le rapporteur pour avis a pu en juger lors de ses auditions, qu’une alternance municipale se traduise par une évolution, généralement à la baisse, des moyens accordés à certaines associations très engagées. Cumulé avec l’extension des financements contractualisés, sur des objectifs et des critères précis, ce phénomène tend à restreindre l’autonomie associative, pourtant si nécessaire à la fertilité du secteur. Ceci est d’autant plus regrettable que ce sont les petites associations de terrain qui, aujourd’hui, innovent le plus pour remédier aux difficultés territoriales et intergénérationnelles.

D. DES BANQUES PRIVÉES GRANDES GAGNANTES DES SUBVENTIONS PUBLIQUES

Si les collectivités publiques, d’un côté, et les bénévoles, de l’autre, constituent les deux piliers du fonctionnement des associations, on pourrait penser que les établissements de crédit, à l’instar du soutien qu’ils apportent aux particuliers ou aux entreprises, accomplissent un rôle d’accompagnement des acteurs du secteur. Au jour le jour, cependant, dans leur relation bilatérale avec les associations clientes, la qualité de leurs services est plus que limitée au regard des bénéfices et du peu de risques qu’ils prennent auprès de cette clientèle. De fait il apparaît difficile de qualifier de « services bancaires » la simple réception de subventions publiques sur des comptes à destination d’associations, qui par définition relèvent du secteur non-marchand. On pourrait même penser qu’il s’agit là ni plus ni moins que d’une forme de taxe imposée par un simple intermédiaire de fonds publics.

1. Un intérêt pécuniaire pour les clients associatifs qui ne débouche pas, pour autant, sur des prestations particulières

La quasi-totalité des associations disposant d’un budget sont titulaires d’un compte bancaire. D’après les chiffres de la Banque de France, le marché des « clients associatifs » – selon l’expression même des établissements de crédit – pèse 42 milliards d’euros pour ce qui concerne les dépôts et 12 milliards d’euros s’agissant des crédits octroyés. Les associations apportent donc davantage d’argent à leurs banques qu’elles ne leur en réclament.

Les banques elles-mêmes conviennent que leur clientèle associative n’est pas négligeable. Ainsi, le Crédit Coopératif compte-t-il 60 000 associations parmi ses 272 000 clients (soit un ratio de 22 %), celles-ci ayant déposé 27,5 % des fonds collectés. Le Crédit Mutuel, pour sa part, dénombre 420 000 associations sur 22 millions de clients (1,8 %), 6 % des fonds déposés émanant de cette clientèle. Enfin, le Crédit Agricole recense 350 000 associations sur 20 millions de clients (1,7 %), pour un volume de dépôts équivalent à 1,3 % du total.

Pour autant, qu’il s’agisse de la tenue du compte ou de la mise à disposition d’instruments de paiement (chéquier ou carte bancaire), les établissements de crédit partenaires facturent des frais, comme pour tout particulier ou toute entreprise. Ceux-ci s’élèvent le plus souvent à quelques dizaines d’euros par mois, ce qui peut représenter un montant non négligeable pour des entités, nombreuses, dont le budget est inférieur à 1 000 euros. De même, lorsque les associations rencontrent des difficultés ponctuelles de trésorerie, les banques ne se montrent pas particulièrement bienveillantes, en exigeant la régularisation des découverts au plus tôt.

Selon l’enquête de la CPCA et de France Active publiée en 2012, mentionnée précédemment, 48 % des associations déclarent bénéficier d’une relation de qualité avec leur banquier, ce qui s’explique sans doute par le fait que les associations de taille réduite n’ont souvent qu’une relation peu suivie avec leur banque. Cette appréciation a priori positive est donc certainement basée sur le fait que ces associations sont quelque part plus ou moins contraintes de conserver ces « bonnes relations », aucune stratégie de mise en concurrence ne leur étant permise du fait de leur faible trésorerie.

De même, 2 % des associations du panel, essentiellement dotées d’un budget oscillant entre 500 000 et 1 million d’euros, entretiennent des relations tendues avec leur établissement de crédit, du fait de difficultés financières, tandis qu’une proportion identique a vu ses demandes de crédit refusées.

De plus, il existe une inégalité d’accès aux produits bancaires en fonction de l’envergure financière des associations. Ainsi, une majorité des très petites entités associatives (60 % de celles disposant d’un budget inférieur à 150 000 euros) n’utilise aucun produit d’épargne, ni aucun crédit. Les autres associations recourent majoritairement au crédit de court terme, du type découvert – ce qui explique le fait que 45 % des associations rencontrent des difficultés de trésorerie. Seules les associations disposant d’un budget annuel supérieur à 500 000 euros ont parfois la possibilité de souscrire des crédits à moyen terme, tandis que les crédits immobiliers sont l’apanage des associations les plus importantes, au budget supérieur à 2 millions d’euros.

La frilosité des banques à l’égard des petites et moyennes associations apparaît d’autant moins justifiée que, de l’aveu même de leurs représentants, le taux de risque sur cette clientèle (inférieur à 2 %) est moins élevé que celui des PME (de l’ordre de 4 %) ou des crédits immobiliers (entre 2 et 2,5 %). Elle n’en constitue pas moins, surtout dans la période actuelle, un frein objectif au développement de la vie associative.

2. Des fondations trop rentables

A l’appui de leur plaidoyer en faveur de leur action matérielle en direction des associations, les établissements de crédit mettent en avant le fait qu’ils accordent, via des fondations, des financements au secteur associatif.

Certes, de tels financements existent. Lors des auditions, les représentants du Crédit Agricole ont par exemple fait valoir que celui-ci s’était doté en 1983 d’une association dénommée « Crédit Agricole solidarité et développement », qui a permis de distribuer à ce jour quelque 14 millions d’euros de fonds de la banque, sous le régime fiscal du mécénat.

Cette redistribution de fonds détenus par les banques appelle néanmoins quelques observations.

En premier lieu, elle apparaît moins guidée par la philanthropie que par le souci de promouvoir l’image des établissements concernés auprès du public, tout en bénéficiant d’un régime de défiscalisation intéressant – 60 % de réduction d’impôt sur les sociétés, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxes –, soit aux frais de l’État.

En deuxième lieu, les flux financiers vers le secteur associatif restent à la discrétion des établissements de crédit, qui fixent leurs propres priorités et qui créent le plus souvent des structures destinées à réceptionner les fonds. Tout se passe donc en vase clos, puisque les associations ou fondations par qui transitent les montants mis en avant demeurent dans le giron des banques (même si elles en sont juridiquement distinctes).

Enfin, il convient de souligner que la création de fondations ou d’associations par les groupes bancaires s’accompagne parfois d’honneurs institutionnels qui ne sont pas insignifiants pour leur image de marque. À titre d’illustration, le Crédit coopératif ne vient-il pas d’être récemment désigné Grand mécène du ministère de la culture et de la communication ?

3. Les difficultés à obtenir des facilités de trésorerie et des garanties

Le problème de la disponibilité des ressources des associations est tout aussi fondamental que celui de leur montant. Il conditionne, pour une large part, la conduite et la concrétisation des projets. Dans les faits, les petites associations se trouvent assez rarement en difficultés de trésorerie pour une simple et bonne raison : elles n’engagent leurs fonds qu’une fois que ceux-ci leur ont été versés, même si cela doit induire un décalage dans la traduction de leur action sur le terrain. Ce souci d’éviter les découverts bancaires, s’il manifeste d’abord la volonté de ne pas exposer la pérennité de chaque association à des risques de gestion jugés rédhibitoires, traduit également les limites du soutien des établissements bancaires, qui exigent le plus souvent la régularisation rapide des déficits.

a) Un recours encore trop rare aux cessions Dailly

Pour combler certaines attentes de trésorerie, des services existent : c’est le cas, notamment, des cessions Dailly. Concrètement, l’association bénéficiaire d’une subvention non encore versée peut demander à son banquier :

– soit une avance de trésorerie (escompte), la banque créditant le compte de l’association de tout ou partie du montant de la subvention devant lui être versée ;

– soit une garantie, l’association bénéficiant dans ce cas d’une autorisation de découvert garantie par la subvention à venir.

La cession donne lieu au paiement d’intérêts calculés en fonction des avances ou garanties réalisées sur la base d’un indice de référence (Euribor) ou sur le taux de base bancaire, auquel s’ajoute une marge, et en fonction de certaines commissions (commissions sur factures et bordereaux de remise, dont les coûts varient en fonction du mode de transmission papier, télétransmission ou internet), ainsi que de frais divers (courriers recommandés, dans certains cas, etc.).

Le procédé s’avère néanmoins dispendieux puisque, selon un article paru dans ECL Direct et s’adressant avant tout aux entreprises (20), le coût global représenterait au moins 7 % du montant hors taxe des créances financées, en fonction des banques, du nombre et du montant moyen des créances cédées. De surcroît, les banques elles-mêmes rechignent de plus en plus à offrir de telles facilités de trésorerie, arguant des frais des formalités et des risques encourus à l’égard des associations débitrices.

b) Le surcoût des garanties bancaires

Chaque prêt accordé à une association comporte des coûts importants pour celle-ci : outre le taux d’intérêt, qui détermine la rémunération de la banque, ces coûts comprennent l’assurance emprunteur, les frais de dossier et, le cas échéant, les frais liés aux garanties exigées par les établissements créanciers.

En effet, il n’est pas rare que les banques demandent des garanties pour accorder un prêt aux associations. Cela implique alors que l’association débitrice paie, en plus de ses échéances (capital, intérêts et assurance), une prestation de garantie. Qu’il s’agisse d’avance sur subvention, dans la limite de 130 000 euros pour une durée de deux à douze mois, ou de de crédits d’investissement, mobilier et immobilier, les associations peuvent recourir aux services de Sogama-Crédit associatif, organisme s’appuyant sur un fonds de garantie doté par la Caisse des dépôts et consignations.

La garantie est généralement plafonnée à 70 % du découvert autorisé ou de l’encours du prêt accordé ; dans ce dernier cas, le coût, pour une garantie à 50 %, se répartit entre des charges financières "flat" (perception unique en début de crédit), de 0,55 à 0,75 % du montant du prêt, et une commission prorata temporis, de 0,5 % par an sur l’encours restant dû. En 2011, Sogama-Crédit associatif a délivré 46,1 millions d’euros de garanties, ce montant progressant de 11 % par rapport à 2010.

Le réseau de financement solidaire France Active, créé en 1988, permet également d’apporter une caution à des prêteurs aux acteurs de l’économie solidaire ou des quasi-fonds propres à ces mêmes acteurs : en 2011, ce sont quelque 204 millions d’euros de fonds privés qui ont ainsi pu être levés pour des associations, des coopératives et des créateurs d’entreprises. Cependant, les critères de sélection des dossiers restent exigeants et ils portent le plus souvent sur la dimension de l’emploi, ce qui exclut un certain nombre d’associations du dispositif.

En l’espèce, une implication plus directe des banques elles-mêmes apparaît souhaitable, d’autant que les risques de défaut demeurent mesurés et qu’il s’agit le plus souvent de pallier des défaillances ponctuelles et occasionnelles de trésorerie.

E. 27 PROPOSITIONS POUR AIDER LES ASSOCIATIONS

Dans un contexte de réduction sévère des dépenses publiques, le monde associatif, déjà fragilisé économiquement, est en réel danger. Si les associations bénéficient d’un capital sympathie important, elles restent fondamentalement invisibles aux yeux des pouvoirs publics et semblent vouées à demeurer les premières victimes des arbitrages budgétaires. Par pur automatisme budgétaire, dans une simple logique de chiffres, l’État et les collectivités locales pourraient défaire l’un des points fondamentaux du tissu républicain.

1. Engager les pouvoirs publics en faveur des associations

Le soutien des pouvoirs publics aux associations est vital. Depuis de nombreuses années, il ne s’est pourtant jamais manifesté autrement que par des réformes ponctuelles et partielles. Or, la crise actuelle, qui menace les fondements mêmes du monde associatif, appelle désormais un sursaut d’envergure.

a) Pour des initiatives fortes s’agissant des ressources

Agir sur les ressources des associations doit constituer une priorité pour contrecarrer les effets de la lente érosion de ces dix dernières années. A cet effet, plusieurs leviers sont à la disposition de l’État.

• Développer les subventions de fonctionnement, notamment pour les associations nationales qui travaillent sur les questions liées au plaidoyer

Certaines associations têtes de réseaux, notamment celles qui œuvrent à la défense des droits et au plaidoyer, éprouvent depuis quelques années de très sérieuses difficultés à obtenir des financements publics : c’est le cas, tout particulièrement d’associations de défense des étrangers, et, en réalité, de toutes celles qui portent des enjeux de société non-consensuels (sur des thèmes comme la prison, la drogue, la prostitution, etc…). Parce qu’elles peuvent déranger et parce que leur champ d’intervention recouvre rarement une dimension économique, leur sort intéresse peu les pouvoirs publics. Pourtant, leur action est souvent indispensable à la préservation du pacte républicain, à la défense de valeurs intrinsèques au vivre ensemble. Les auditions menées pour ce rapport ont d’ailleurs largement montré toute la valeur d’associations comme le MRAP par exemple, qui assument leur rôle de conscience républicaine.

L’État, que ce soit par l’intermédiaire des services préposés à l’égalité des chances ou par celui du ministère de l’intérieur, en charge de la concorde publique, doit donc veiller plus que jamais à préserver la pérennité de ces structures. Cela suppose qu’il revoie sa politique de subventionnement, en accordant davantage d’aides de fonctionnement à ces associations.

À cet effet et de manière plus générale, les subventions publiques de fonctionnement aux associations doivent être encouragées, dans la limite d’un montant annuel de 15 000 euros. En effet, parce qu’elles ne font pas l’objet de contreparties particulières, elles contribuent grandement à préserver la liberté et les capacités d’innovation des acteurs associatifs.

• Généraliser les conventions pluriannuelles d’objectifs, même pour les subventions de petit montant

La contractualisation des relations financières avec les collectivités publiques est un procédé jugé positivement par le monde associatif. Celle-ci n’est actuellement obligatoire que pour les subventions supérieures à 23 000 euros, en vertu de l’article 1er du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques.

Si les collectivités publiques y trouvent leur compte, grâce à la formalisation de l’objet, du montant et des conditions d’utilisation des financements attribués, les associations y ont également intérêt lorsque le partenariat s’inscrit sur une durée pluriannuelle ; or, la loi du 12 avril 2000 se borne à prévoir le conventionnement sans imposer son caractère annuel ou pluriannuel. Ce dernier présente pourtant l’avantage de sécuriser dans le temps les concours financiers accordés aux associations et de limiter, au moins en théorie (chaque renouvellement annuel se trouvant trop souvent assorti de formalités administratives excessives), les phases de négociation et l’incertitude qui les entoure.

Actuellement l’État et les collectivités territoriales continuent à recourir aux concours annuels dans de fortes proportions. Pour donner un minimum de visibilité et de perspectives, particulièrement en cette période de tensions budgétaires, il convient d’infléchir cette démarche, y compris pour les subventions de montant inférieur à 23 000 euros. Pour l’État, il ne serait pas indispensable de modifier la loi du 12 avril 2000, ni même le décret du 6 juin 2001 ; une simple circulaire incitant les services centraux et déconcentrés compétents à privilégier les CPO pourrait suffire.

• Aménager le régime fiscal des dons des particuliers pour le rendre plus juste, tout en le popularisant davantage

La philanthropie est encouragée dans un grand nombre de pays, par l’intermédiaire d’avantages fiscaux accordés aux donateurs. Ce type d’incitations a connu récemment un regain d’intérêt en France, afin de développer le financement privé de certains domaines d’activité, par exemple l’éducation, la recherche ou encore la culture.

Le système français, qui offre actuellement une réduction d’impôts égale à 66 % ou 75 % – selon la nature de l’association – du don pour les ménages est devenu l’un des plus incitatifs au monde. En effet, la majorité des pays (Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni, Belgique, Norvège, Japon, etc.) offre la possibilité de déduire les dons du revenu imposable, ce qui implique que leur taux de réduction maximal est égal au taux marginal d’imposition le plus élevé, rarement supérieur à 50 %. De plus, les pays qui ont un système de réduction d’impôt présentent des taux de réduction beaucoup plus faibles que la France (19 % en Italie, 25 % en Espagne et au Portugal, 29 % au Canada et 33 % en Nouvelle-Zélande, par exemple).

L’effort fiscal consenti par l’État pour encourager nos concitoyens à la philanthropie est donc substantiel, comme le souligne le tableau ci-après.

Évolution des dons de particuliers aux associations et
du coût de l’avantage fiscal y afférant de 2003 à 2010

Années

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Montant des dons
(en millions d’euros)

1 136

1 373

1 468

1 535

1 650

1 855

1 885

1 955

Dépense fiscale correspondant aux réductions d’impôt
(en millions d’euros)

460

700

820

835

925

989

1 036

1 122

Part de la réduction d’impôt par rapport aux dons

40,5 %

51 %

55,8 %

54,4 %

56 %

53,3 %

55 %

57,4 %

Sources : étude annuelle de Recherches et Solidarités « La générosité des Français » et rapports annuels de performance.

Il reste qu’en l’état, les mécanismes existants bénéficient diversement au secteur associatif : les principaux bénéficiaires des dons de particuliers sont les associations humanitaires (33 %), ainsi que celles intervenant dans les champs de la santé (22 %) et de l’action sociale (12 %). De même, compte tenu des critères exigés (reconnaissance de l’objet d’intérêt général ou de l’utilité publique), le mécanisme privilégie nécessairement les grosses structures, qui disposent déjà d’une forte visibilité et de ressources conséquentes, sur les petites.

Ce dispositif fiscal, qui a fait la preuve de sa capacité à lever les financements privés, gagnerait donc à un rééquilibrage en direction des associations de plus petite dimension qui concourent à des actions d’intérêt général. La solution passe donc sans doute par une modulation des taux de réduction en fonction de l’importance du budget des associations bénéficiaires des dons : ainsi, le taux de la réduction d’impôt sur le revenu pourrait être maintenu à 66 % pour les dons aux associations présentant un budget annuel inférieur à 100 000 euros et fixé à 33 % pour les dons aux associations à budget supérieur.

Ce changement doit bien sûr s’accompagner d’une réflexion sur l’acquisition du statut d’associations reconnues « d’utilité publique », ainsi que l’explicite la partie suivante.

Parallèlement, il serait sans doute opportun d’engager une campagne d’information du public, afin de l’aviser plus complètement sur les possibilités s’offrant à lui lorsqu’il aide le monde associatif. L’enjeu n’est rien moins que d’élargir le socle des contributeurs privés au secteur associatif, le dernier baromètre sur la générosité des Français laissant entrevoir une stagnation du nombre de donateurs depuis 2007 après une progression de 16 points à compter de 2002 (21).

b) Des aménagements statutaires à prévoir

La loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association est l’un de ces textes législatifs qui a su traverser les âges pour structurer durablement la société française. Mais si le statut des associations reste assurément un monument de l’édifice normatif national, il n’en demeure pas moins perfectible par bien de ses aspects. À cet égard, plusieurs débats mériteraient d’être ouverts.

• Réfléchir à un nouveau statut pour les associations délégataires de service public

Aujourd’hui, le statut associatif recouvre des réalités multiples. S’il est incontestable que sa souplesse est à l’origine de son succès, il apparaît aujourd’hui nécessaire de clarifier certaines situations tant est grand le fossé entre des petites associations locales ou de quartier et des quasi-entreprises délégataires de services d’intérêt général. Pour ces dernières, il semble opportun de réfléchir, dans la perspective de la réforme du secteur de l’économie sociale et solidaire annoncée pour 2013, à un statut nouveau, à mi-chemin entre la simplicité du modèle associatif et les atouts du statut coopératif et mutualiste, notamment s’agissant de l’obtention de bénéfices.

C’est particulièrement vrai pour les associations qui interviennent dans le secteur sanitaire et social, dont la dimension a pris une envergure nouvelle avec le vieillissement de la population (maisons de retraite) et l’évolution de la société.

C’est donc l’idée de passerelle vers le statut « d’entreprise sociale » qui doit être creusée pour ces associations, ce qui poserait bien sûr la question de la continuité juridique lors de ce changement, continuité qui n’est pour l’instant pas autorisée.

• Faciliter l’accès au statut d’utilité publique pour les petites associations

Pour mémoire, l’intérêt général lorsqu’il s’applique aux associations est une notion fiscale et non un statut à proprement parler : seule une association reconnue d’intérêt général peut délivrer des reçus de dons aux particuliers ou aux entreprises, permettant de déduire une partie de ces dons du montant des impôts dus. Pour être reconnue d’intérêt général, une association doit satisfaire à un certain nombre d’exigences ayant trait à ses buts – elle ne bénéficie pas à un cercle restreint de personnes et a une vocation non lucrative – et à sa gestion désintéressée.

La reconnaissance par l’État de l’utilité publique – notion plus forte encore que l’intérêt général – de certaines associations permet à celles-ci de bénéficier d’avantages financiers spécifiques puisqu’elles peuvent, en plus des dons manuels, bénéficier de legs et donations (c’est-à-dire de la transmission de patrimoines) et leur confère aussi une légitimité particulière.

En l’état de la procédure, seules les associations déclarées en préfecture peuvent être reconnues d’utilité publique par décret en Conseil d’État. Aucun texte ne définit ni le contenu, ni les critères examinés ; toutefois, la pratique administrative prend plus particulièrement en considération : le but d’intérêt général (philanthropique, social, sanitaire, éducatif, scientifique, culturel ou relatif à la défense de l’environnement, par exemple) ; l’influence et le rayonnement en dehors du seul cadre local ; un nombre d’adhérents au moins supérieur à 200 ; la solidité financière, qui se traduit notamment par un montant annuel minimum de ressources estimé à 46 000 euros et trois derniers exercices non-déficitaires ; la conformité des statuts aux statuts-types approuvés par le Conseil d’État pour les associations déjà reconnues d’utilité publique ; enfin, une période d’existence et de fonctionnement d’au moins trois ans.

Ces critères cumulés font que seulement une dizaine d’associations se trouvent reconnues d’utilité publique chaque année. Elles avoisinent actuellement le chiffre de 2 000. Au regard du nombre total d’associations en France, il va sans dire que ce chiffre apparaît presque dérisoire. Autrement dit, une sérieuse réévaluation des procédures suivies actuellement apparaît indispensable, afin d’ouvrir plus largement, notamment en direction d’associations plus petites, le bénéfice de la reconnaissance d’utilité publique. Cette évolution doit être pensée en lien avec la proposition précédente relative à l’aménagement du régime fiscal des dons afin de favoriser les « petites » associations.

• Prévoir des clauses de responsabilité sociale pour les associations bénéficiaires de la commande publique

Le code des marchés publics dispose, en son article 14, que les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social. Toutefois, ces conditions d’exécution ne peuvent pas avoir d’effet discriminatoire à l’égard des candidats potentiels.

Cette possibilité d’inclure des conditions relatives à la responsabilité sociale du délégataire d’un marché public est trop peu utilisée par les collectivités qui recourent aux associations, notamment au regard du positionnement concurrentiel de celles-ci en matière de coûts. Or, à privilégier quasi-systématiquement le moins-disant sur le mieux-disant, les acteurs publics conduisent de facto les associations à la recherche de marchés publics à ne pas améliorer les conditions sociales de leurs employés pour rester compétitives : il y a là un risque majeur de précarisation accrue des salariés chargés de s’occuper, entre autres, des plus fragiles et précaires de notre société.

Pour remédier à cette dérive, il serait utile que les collectivités soient incitées à prévoir, parmi les conditions d’exécution de leurs marchés publics d’un montant supérieur à 1 million d’euros en valeur, des exigences en matière de responsabilité sociale pour les candidats : pourraient ainsi être prises en considération la politique des entités soumissionnaires en matière de statut de leur salariés (de manière à éviter qu’ils ne recourent dans de trop fortes proportions aux contrats à durée déterminée), leur lutte contre les horaires fragmentés ou leur politique salariale, notamment.

• Autoriser les demandes de subventions avec un budget excédentaire

Aux termes de la loi du 1er juillet 1901, une association ne peut poursuivre une activité procurant un intérêt à ses dirigeants ou à ses membres, directement (distribution de bénéfice, rémunération, économies induites) ou par personne interposée (par exemple augmentation des résultats d’une entité dans laquelle un dirigeant aurait des intérêts). Toutefois, c’est la recherche, statutaire ou factuelle, de bénéfices qui est prohibée et non leur réalisation. D’ailleurs, rien n’interdit aux associations dont les statuts ou une délibération d’assemblée générale le prévoient de provisionner des réserves en vue de la réalisation d’un projet coûteux ou de leur propre sauvegarde.

Or, alors que la pérennité des associations nécessite, comme pour les autres personnes morales de droit privé, la couverture de besoins financiers permanents et d’exploitation, la plupart des partenaires publics considèrent que toutes celles qui présenteraient des projets de budgets prévisionnels engendrant un excédent de gestion, même potentiel, ne peuvent être éligibles à des subventionnements. Par voie de conséquence, les dirigeants associatifs qui sollicitent des aides publiques bâtissent systématiquement des budgets à l’équilibre.

Il s’agit là d’un cercle vicieux car les associations ne sauraient être pénalisées, au motif qu’elles poursuivent un but non-lucratif, par une gestion précautionneuse destinée à les prémunir de tout aléa de trésorerie. Pour cette raison, il apparaît nécessaire de consacrer explicitement, dans la loi de 1901, la possibilité pour celles qui formulent une demande de subvention de prévoir dans leur dossier des excédents « raisonnables » (c’est-à-dire inférieurs à 5 % du montant de leur budget), sous réserve qu’ils soient destinés à consolider leur existence ou à assurer la continuité de leur trésorerie, sans que cela n’obère leurs chances d’obtenir une aide publique déterminante pour l’équilibre de leurs comptes.

c) Revaloriser l’engagement bénévole

Si rien n’est fait pour le contrecarrer, l’effritement de l’implication bénévole dans le monde associatif représentera rapidement une menace très dangereuse pour l’avenir du secteur. Susciter les vocations n’est certes pas facile pour les pouvoirs publics, mais ceux-ci disposent malgré tout de moyens à leur disposition pour mieux valoriser et reconnaître l’apport du bénévolat au pays.

• Reconnaître matériellement le temps passé au service des associations

L’engagement bénévole est à la fois une caractéristique essentielle et une ressource précieuse pour le monde associatif. Il tend néanmoins à se tarir, notamment auprès des jeunes générations et des actifs de moins de 50 ans, qui représentent pourtant la relève de la grande majorité des bénévoles actuels.

À plusieurs reprises, l’État n’a pas hésité à consentir des efforts matériels de reconnaissance de l’investissement personnel en faveur de la France. Le dernier exemple en date concerne les sportifs de haut niveau, dont les revenus sont parfois modestes alors même qu’ils portent haut les couleurs de la Nation : fin 2011, l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale a ainsi été modifié afin de valider des trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse (seize au maximum) pour les sportifs de plus de 20 ans dont les ressources n’excèdent pas 75 % du plafond de la sécurité sociale (près de 2 300 euros par mois).

Ce qui a été rendu possible pour les sportifs de haut niveau devrait pouvoir l’être pour les bénévoles qui, en dépit de ressources personnelles minimes (du fait d’une période de chômage ou d’un temps partiel), œuvrent au quotidien à maintenir le pacte républicain et la cohésion sociale. Cette reconnaissance pourrait prendre la forme, pour les bénévoles dont les ressources sont très faibles, d’une validation de trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse ou d’une prorogation des droits à l’assurance chômage. En tout état de cause, elle constituerait un signal fort de la collectivité nationale à l’égard de celles et ceux qui, en dépit d’un statut social fragile ou précaire, donnent gracieusement de leur temps aux autres.

• Reconnaître collectivement l’utilité républicaine des bénévoles

La reconnaissance symbolique de l’utilité sociale et collective de l’engagement bénévole est également un ressort trop négligé par les pouvoirs publics. Pourtant, ce ne sont pas les décorations, médailles et récompenses officielles qui manquent en France : une petite vingtaine de médailles, instituées par décret, servent notamment à marquer les parcours individuels exemplaires de nos concitoyens en diverses occasions. On mentionnera notamment, à cet égard, les médailles d’honneur du travail, de la police nationale et des sapeurs-pompiers, mais aussi celles des chemins de fer, des mines, du tourisme ou des travaux publics.

Il existe même une médaille de la jeunesse et des sports, instituée par le décret n° 69-942 du 14 octobre 1969, dont les deux niveaux les plus élevés (or et argent, déterminés par l’ancienneté ou le caractère exceptionnel des services rendus) sont attribués par le ministre compétent à l’occasion de deux promotions annuelles, les 1er janvier et 14 juillet, les médailles de bronze étant décernées par les préfets. Cette médaille de la jeunesse et des sports est destinée à récompenser les personnes qui se sont distinguées d’une manière particulièrement honorable au service de l’éducation physique et des sports, des mouvements de jeunesse et des activités socio-éducatives et des colonies de vacances, œuvres de plein air, activités de loisir social et d’éducation populaire. De fait, elle ne recouvre que partiellement l’engagement bénévole.

Force est donc de constater le manque criant d’un instrument de reconnaissance officielle, par la République, de l’engagement bénévole dans le monde associatif, en tant que tel. Il est impératif de combler cette lacune – même si les bénévoles ne s’investissent pas pour rechercher de quelconques honneurs –, en instaurant par décret une médaille du mérite associatif pour celles et ceux qui se sont distingués par leur engagement désintéressé un certain nombre d’années. Elle pourrait être accordée à l’occasion du 14 juillet, fête de la cohésion nationale à laquelle les bénévoles apportent tant. Cela permettrait une remise de la médaille à ses bénéficiaires par les maires, en septembre, à l’occasion des forums associatifs organisés par les communes ; une semaine de la vie associative pourrait d’ailleurs être mise en place concomitamment, en remplacement de la journée du bénévolat.

2. Une politique de subvention plus juste et plus efficace

Le manque de marges de manœuvre financières importantes, ne doit pas empêcher les pouvoirs publics d’accroître leur soutien aux associations en optimisant les circuits de délivrance des financements publics et en simplifiant les contrôles, c’est-à-dire en allégeant les coûts de fonctionnement des mécanismes administratifs entourant l’octroi, le versement et les contrôles de ces financements.

a) Faciliter le contact avec les administrations pour les demandes de subvention

Il est devenu indispensable de combler les lacunes administratives actuelles dans l’accompagnement des associations dans leurs démarches formelles et financières.

• Remplacer les délégués départementaux à la vie associative et les CRIB par des représentants associatifs élus, érigés auprès des départements en véritables interfaces de conseil aux associations

La grande majorité des associations fonctionnent aujourd’hui grâce à l’engagement bénévole de personnes qui consacrent une part de leur temps libre à des actions citoyennes. Or, la part des démarches administratives, en raison de leur complexification mais aussi des lacunes des modalités actuelles d’accès aux informations utiles pour les intéressés, apparaît à la fois chronophage et décourageante : à mesure que l’interlocuteur de l’association s’éloigne de l’implantation territoriale de celle-ci, les difficultés pour entrer en relations et présenter ou défendre des projets augmentent. C’est notamment vrai pour la Région et l’État ; ça l’est encore plus pour l’Union européenne.

Il faut bien reconnaître, à cet égard, que la réorganisation des services déconcentrés compétents à l’égard de la vie associative, depuis 2010, au sein des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, a eu pour effet de distendre les liens qui existaient auparavant entre les services de l’État et les structures associatives. Si une centaine de délégués départementaux est officiellement chargée d’animer et coordonner les services déconcentrés de l’État afin d’assurer une meilleure information des associations, une simplification des procédures et une clarification des relations, les associations sont rarement au fait de leur existence. Quant au portail gouvernemental « Associations.gouv.fr », il ne peut remplacer l’utilité d’un interlocuteur facilement accessible.

Par voie de conséquence, il apparaît nécessaire de repenser entièrement ce système.

Une solution pourrait être de remplacer les délégués départementaux et les CRIB par des responsables associatifs qui seraient élus par leurs pairs pour un mandat de 5 ans durant lequel ils assureraient l’interface avec le secteur associatif dans les conseils généraux. Chaque conseil général leur assurerait en échange une indemnité de représentation et mettrait à leur disposition des locaux adaptés.

Ces élus associatifs seraient chargés d’accompagner les associations dans leurs démarches et de les orienter vers les solutions les plus appropriées. Concrètement, il apparaît bien sûr nécessaire que ces délégués se voient aider par le conseil général pour se renseigner sur l’ensemble des subventions disponibles, que ce soit à l’échelle nationale, régionale ou locale ou, en lien avec les services du ministère chargé des affaires européennes et la représentation permanente de la France à Bruxelles, à l’échelon de l’Union européenne, et qu’ils puissent ainsi aider les petites associations s’adressant à eux dans la constitution de leurs dossiers de demande de subventions. Pour être pleinement efficace, un tel service devrait être plus adapté au contexte spécifique de la vie associative, en offrant, par exemple, des possibilités de rencontre en dehors des heures de travail, pour éviter de pénaliser les bénévoles actifs.

Ce « pôle vie associative » pourrait également offrir diagnostics et conseils personnalisés aux associations, ainsi qu’une aide technique basée sur des pôles ressources : obtention de subventions, gestion comptable (avec un comptable à disposition facturant à la tâche), notamment.

Dans ce cadre, en lien avec le portail « Associations.gouv.fr », un outil internet interactif pourrait permettre de répondre de manière individualisée aux demandes de renseignements, tout en explicitant l’ensemble des subventions françaises et européennes disponibles. Ce serait, assurément, une manière moderne et adaptée d’alléger les contraintes des responsables associatifs, en leur permettant de consacrer davantage de leur temps à leurs missions de terrain.

• Éditer un guide annuel sur les possibilités de subventions

Bon nombre d’associations n’ont pas accès à des informations pertinentes et simples s’agissant des procédés de subvention. Il existe bien, sur le portail dédié aux associations, un mode d’emploi sur la subvention, le marché public et la délégation de service public. Pour autant, ce document ne se réfère pas à la circulaire de 2010 et il fait l’objet d’une présentation difficilement intelligible pour des béotiens. Pour cette raison, il est devenu indispensable d’éditer un guide sur les subventions, qui présente de manière claire et simple les possibilités s’offrant aux associations quelles qu’elles soient par niveau de collectivités ou d’établissements publics. Sa mise à jour serait annuelle, de manière à garantir sa pertinence et son utilité.

b) Simplifier et alléger les contrôles pour les subventions de montant assez faible

Si les contrôles portant sur l’utilisation de subventions publiques sont nécessaires, ne serait-ce qu’en raison de l’exigence constitutionnelle du bon usage des deniers publics, force est de reconnaître qu’ils ont été démultipliés et ont peu à peu perdu de leur justification originelle en se transformant davantage en contrôles sur les associations elles-mêmes. Il convient donc d’y remédier, ce qui permettrait au passage des rationalisations administratives à tous les échelons.

• Supprimer les contrôles a posteriori pour les subventions inférieures à 23 000 euros

De la phase d’instruction des demandes de subvention à la celle de la clôture des projets, les associations sollicitant un financement public font l’objet de pas moins de quatre type de contrôles, ainsi que cela a précédemment été indiqué. Si ceux relatifs à l’instruction de la pertinence des demandes et à la réalisation des actions au financement desquelles les collectivités participent sont justifiés, ceux qui consistent à vérifier annuellement et à l’issue des projets les comptes, les rapports d’activité, le compte-rendu financier des associations sont plus discutables s’agissant des associations qui accomplissent une activité d’intérêt général et se trouvent en deçà des seuils de minimis. Supprimer cette strate de contrôle, par essence lourde en paperasserie et en temps passé auprès des services administratifs compétents, constituerait donc en soi une avancée, dès lors que lui serait substitué un contrôle plus pragmatique sur la réalisation des projets financés.

• Privilégier le suivi de la bonne tenue des projets subventionnés

Le contrôle budgétaire des associations bénéficiant de subventions de montant assez faible et ne relevant pas des aides d’État au sens communautaire traduit davantage une mainmise administrative sur la vie des associations et leur santé financière qu’une vérification de la réalité des engagements pris à l’occasion du versement d’une subvention publique. Il convient donc d’en revenir à la vocation première du contrôle, en prévoyant que les services des collectivités qui accordent des subventions de moins de 23 000 euros à des associations se contentent d’en suivre concrètement les réalisations plutôt que de procéder aux vérifications comptables actuelles.

c) Améliorer la connaissance du monde associatif et des flux financiers dont il bénéficie

Paradoxalement, alors que tout le monde s’accorde à reconnaître que les associations jouent un rôle essentiel en France, pèsent beaucoup sur le plan économique et social et drainent des financements publics conséquents, peu de données précises et incontestables viennent conforter ces constats. L’efficacité des politiques publiques à l’égard du monde associatif ne peut elle-même qu’en être relativisée, dès lors que leur évaluation est nécessairement partielle. Sur ce plan aussi, des efforts doivent donc être faits.

• Accroître la lisibilité et le contrôle de l’attribution des subventions

Les annexes aux projets de loi de finances relatives à l’effort de l’État en faveur des associations ne sont, en l’état, pas satisfaisantes. Il serait en effet plus pertinent, pour le Parlement, de disposer de données consolidées, retraçant à la fois l’effort total de l’État en faveur des associations et présentant les secteurs du champ associatif, ainsi que le profil des acteurs (taille, recours ou non à des emplois, etc.) plus particulièrement soutenus par la puissance publique. À tout le moins, le contenu de ces annexes doit donc évoluer afin d’expliciter davantage les évolutions de l’effort de l’État. Peut-être le Conseil économique, social et environnemental pourrait-il d’ailleurs être associé à cette démarche ?

S’agissant du contrôle parlementaire, il n’est pas sûr qu’il soit suffisant de s’en remettre à la sagacité de chacun. Une formalisation plus étroite du suivi, au sein d’une délégation spécifiquement chargée de la vie associative (à l’instar, au sein de l’Assemblée nationale, de la délégation aux droits des femmes ou, récemment, de la délégation aux outre-mer), associant la majorité et l’opposition, semblerait utile.

• Soutenir les études et recherches relatives au secteur associatif, afin de mieux en cerner les enjeux et les ressorts

L’État semble enfin avoir pris conscience de son intérêt à mieux apprécier les contours et les enjeux relatifs au monde associatif. Une étude de l’INSEE sur le sujet est prévue à l’horizon 2014, ce qui constituera un complément bienvenu aux recherches menées sous l’égide du CNRS et du centre d’économie de la Sorbonne par Mme Viviane Tchernonog. Il n’en demeure pas moins que la recherche sur le sujet apparaît aujourd’hui encore très restreinte au regard d’autres champ de l’activité sociale. Il serait souhaitable de combler cette lacune, en incitant notamment les conseils d’administration de certaines universités à instituer, comme cela est désormais de leur compétence en vertu de l’article L. 713-1 du code de l’éducation, un département d’études sur le secteur non marchand.

Les chercheurs en cette matière pourraient ainsi, en lien avec les communes (qui connaissent les associations de leur ressort) et les préfectures (qui enregistrent les associations déclarées), dresser une cartographie exhaustive, qu’il ne faudrait qu’actualiser régulièrement par la suite.

d) Moderniser la gouvernance du secteur associatif et des subventions qui lui sont accordées

Les processus politiques d’attribution des aides au monde associatif et la gouvernance des associations doivent faire l’objet de certains aménagements car l’expérience montre qu’ils peuvent avoir de lourdes implications matérielles.

• Prémunir les associations des aléas politiques, par une cogestion de leurs subventions dans les communes

Les financements communaux octroyés aux associations représentent 14 % du budget global de celles-ci, un tiers sous forme de marchés publics et deux-tiers sous forme de subventions. Ce sont donc près de 6,5 milliards d’euros de subventionnements aux acteurs associatifs qui sont ainsi décidés chaque année par les municipalités. L’attribution de ces aides financières à des associations œuvrant dans l’intérêt général, à l’échelon territorial, ne saurait être l’apanage exclusif d’une majorité. Or, dans de nombreuses villes on sait aujourd’hui que l’attribution de subventions relève parfois directement ou indirectement d’une forme de vassalisation des associations.

Il apparaîtrait donc sain, dans le cadre d’une démocratie locale moderne et apaisée, que l’opposition puisse avoir davantage voix au chapitre. Dans cette optique, une proportion non négligeable du budget de subventionnement des associations (de l’ordre de 20 %, par exemple) pourrait être affectée sur proposition de l’opposition, au prorata de ses différentes composantes, aux entités de son choix.

De même, les commissions d’attribution des subventions devraient systématiquement consulter les instances de démocratie locale comme le conseil des séniors, les conseils de quartiers, les conseils de la jeunesse ou encore le conseil des étrangers extra-communautaires.

• Limiter dans la durée les mandats des dirigeants de grosses associations

De l’ordre de 2 % des associations gèrent un budget annuel supérieur à 500 000 euros. Certaines d’entre elles excèdent de loin ce plancher et emploient des milliers de salariés. Il s’agit, pour leurs dirigeants, de responsabilités éminentes et exigeantes.

Afin d’éviter une certaine sclérose gestionnaire de ces structures, il semble opportun d’envisager de limiter, par la loi, à deux mandats seulement le nombre de mandats consécutifs pouvant être exercés par leurs dirigeants. Cette disposition pourrait trouver à s’appliquer aux associations présentant un budget annuel supérieur à 1 million d’euros.

Une respiration des instances des associations plus petites est également souhaitable. Cependant, au regard des difficultés soulevées par l’insuffisant renouvellement du bénévolat, il serait sans doute problématique de les inclure dans le champ d’une telle réforme.

• Renforcer la représentation du monde associatif auprès des pouvoirs publics

La représentation du monde associatif auprès des pouvoirs publics s’appuie sur deux canaux :

– d’une part, des institutions officielles, avec notamment le Conseil économique, social et environnemental (CESE), où siègent depuis sa réforme en 2010, 10 représentants des associations familiales, 8 représentants de la vie associative et des fondations et 18 représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement, et également avec le Haut conseil à la vie associative (HCVA), issu de l’ancien conseil national à la vie associative et recentré sur l’expertise des mesures envisagées par les pouvoirs publics à l’égard du monde associatif ;

– d’autre part, des organismes propres au secteur, fédérant plusieurs de ses branches, telle la conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) (22) ou, dans le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire, le comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) et, dans celui du sport, le comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Depuis la création du HCVA, ce sont la CPCA et les coordinations sectorielles qui ont la lourde tâche de relayer les préoccupations des associations auprès de l’État et des collectivités publiques. Or, plus de 40 % des associations n’appartiennent à aucun réseau. Une grande partie du secteur associatif ne se sent donc pas représentée. De surcroît, les coordinations existantes n’apportent pas nécessairement leur appui aux démarches de leurs membres dans la sollicitation de subventions, notamment à l’échelon européen où de plus en plus de choses se jouent.

Pour toutes ces raisons, il semble nécessaire que les pouvoirs publics encouragent la mise en place d’une nouvelle instance dédiée à l’appui de l’intégralité du monde associatif, notamment dans ses démarches auprès des collectivités, de l’État et de l’Union européenne. Cette structure, pouvant être de statut associatif comme toute organisation représentative d’intérêts spécifiques, aurait une vocation tout à la fois pratique, dans l’accompagnement des associations, et représentative, notamment à Bruxelles où le statut des entités associatives ne semble pas suffisamment défendu et mis en valeur. Au regard des défis qui s’annoncent, un nouveau pas doit en effet être franchi en la matière et il pourrait prendre la forme d’un grand syndicat associatif français.

3. Mettre les banques au service du secteur associatif

Les pouvoirs publics ne doivent pas être seuls à agir pour la consolidation du secteur associatif. La finance elle-même doit également être mise à contribution et ce d’autant plus qu’elle traite dans le cas présent avec un secteur « non-marchand ».

Cette attention particulière serait d’autant plus compréhensible que le secteur bancaire a lui-même été largement soutenu ces dernières années et parfois financièrement par les pouvoirs publics. Il est grand temps qu’un mouvement de balancier se mette en place.

a) Prévoir le versement exclusif des financements publics aux associations sur des comptes de la Banque postale, avec en contrepartie des avantages en gestion auprès de cette banque

Le fait que les subventions publiques allouées aux associations par les collectivités viennent alimenter les encours d’épargne des établissements bancaires privés a de quoi choquer, surtout quand l’on voit le peu d’empressement de ces banques à faciliter certaines fins de mois difficiles ou la réalisation de certains projets des acteurs associatifs. Certes, les associations ont le droit de choisir leur partenaire bancaire pour l’ouverture d’un compte et cette faculté ne saurait leur être retirée, ne serait-ce que pour des raisons tenant au droit communautaire ; pour autant, l’expérience montre que cette décision est le plus souvent le fruit du hasard, et non le résultat d’une politique commerciale attractive des établissements de crédit.

De par leur nature, les subventions accordées aux associations, ainsi que les rémunérations issues de marchés publics, devraient être versées sur des comptes au nom des associations récipiendaires ouverts auprès d’un établissement public présentant toutes les garanties de sérieux, d’impartialité et d’efficacité. Un tel établissement existe : il s’agit de la Banque postale.

Née le 1er janvier 2006 en application de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, la Banque postale est une filiale du groupe La Poste, dont l’intégralité du capital est détenue par des acteurs publics (la Caisse des dépôts et consignations étant l’actionnaire principal). Elle est investie, par la loi, d’une mission de service public dans les domaines bancaires, financiers et d’assurance, obligation lui étant faite de proposer des produits et services au plus grand nombre et d’assurer une accessibilité bancaire : à cette fin, elle reçoit ses clients dans 10 300 bureaux et emploie quelque 9 700 conseillers.

Faire transiter, par le biais d’un complément apporté aux dispositions du chapitre VIII du titre Ier du livre V du code monétaire et financier (modification de l’article L. 518-25 ou création d’un article L. 518-25-2 ad hoc), les subventions publiques aux associations par la Banque postale ne serait pas contraire aux exigences communautaires, dès lors que cette mission nouvelle serait assortie de précautions répondant aux prescriptions des articles 106 et 107-1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Tout d’abord, rien ne s’opposerait à ce que les associations conservent des comptes dans d’autres établissements bancaires ; ensuite, la centralisation des montants accordés par l’État ou par des collectivités publiques aux associations devrait être conçue comme la contrepartie de missions particulières d’intérêt économique général consistant, en l’espèce, à faciliter la pérennité financière d’organismes sans but lucratif assumant des missions de service public.

En effet, grâce aux flux engendrés par les versements de subventions ou de rémunérations de marchés publics, la Banque postale serait en mesure, par exemple, d’accorder aux associations disposant d’un compte auprès d’elle et justifiant de futures subventions une avance de trésorerie de type « Dailly », selon des frais calculés au plus près des coûts réels de ce procédé, ou de faciliter des prêts à des taux bonifiés dans la limite d’un certain montant (10 000 euros, par exemple). Il s’agirait là d’une véritable bouffée d’oxygène potentielle pour des associations poursuivant une mission d’intérêt général et rencontrant des difficultés ponctuelles.

Ce dispositif présenterait en outre l’avantage de préserver la nécessaire relation de proximité entre les acteurs associatifs et leur intermédiaire bancaire, puisque la Poste est particulièrement présente sur l’ensemble du territoire, à travers quelque 17 000 points de contact.

On notera d’ailleurs que la mise en place de ce système conforterait dans ses missions l’entité publique qu’est la Poste.

b) Interdire le recours aux cautions de type Sogama pour les investissements associatifs

Il apparaît pour le moins choquant que, pour consentir des prêts destinés à l’investissement des associations, qui leur apportent par ailleurs de l’épargne à un niveau significatif, les banques exigent une garantie. Ce procédé comporte des coûts et renchérit ainsi l’accès du monde associatif aux financements dont il peut avoir besoin.

Les banques doivent au contraire assumer les risques des prêts qu’elles consentent. C’est leur métier et elles n’ont pas à se défausser sur les associations emprunteuses. La pratique des cautions ayant tendance à se généraliser, la seule solution pour y mettre un terme réside sans doute dans son interdiction par la loi, une disposition en ce sens pouvant trouver sa place dans le chapitre III du titre Ier du livre III du code monétaire et financier.

c) Supprimer les avantages fiscaux inhérents aux dons d’entreprises

Selon une enquête publiée en 2012 par Admical et l’institut CSA, environ 40 000 entreprises de plus de 20 salariés recourent au dispositif du mécénat pour un montant global de 1,9 milliard d’euros (23). Le manque à gagner fiscal pour l’État se situe ainsi à un peu plus de 1,1 milliard d’euros.

Il ne s’agit bien évidement pas ici de revenir sur ce dispositif de don ou même sur celui de fondations d’entreprise, tout cela est bien sûr très louable. Ce qu’interroge le rapporteur pour avis c’est la question de la défiscalisation. En effet en France des entreprises souhaitant financer des fondations ou associations poursuivant un but d’intérêt général ont le loisir de réduire le montant de leur impôt sur les sociétés ou, selon l’option retenue, sur le revenu à hauteur de 60 % du montant des versements effectués dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires. Or cet « encouragement » ne va pas de soi.

Si des entreprises souhaitent investir dans des causes sociales, culturelles ou sportives les pouvoirs publics ne peuvent que saluer cet effort. Il en va autrement quand cela s’accompagne de défiscalisations. Il ne faudrait en effet pas se tromper, défiscaliser les dons d’entreprises c’est faire assumer par l’État la moitié des sommes investies ; par l’État et donc par l’ensemble des contribuables. C’est donc offrir à des chefs d’entreprise le choix d’orienter l’impôt dû vers où bon leur semble. C’est aussi du même coup décider pour l’ensemble des contribuables où se dirigeront les ressources publiques, puisque ces sommes ne sont au final que des manques à gagner pour l’État.

Cette liberté du favorisé ruine la notion même d’impôt ; elle ne peut perdurer.

Or ces dernières années la tentation a été de plus en plus grande en France de combler le désengagement des politiques sociales, conséquence inévitable de la baisse des prélèvements obligatoires, par un appel beaucoup plus soutenu à la philanthropie privée fondée sur le modèle anglo-saxon. Il est plus que temps de faire voler en éclat les deux principaux fantasmes des « réformateurs » : non, une plus grande place donnée à la philanthropie n’est pas sans coût pour l’État, et encore moins permet-elle de réduire ses dépenses ; non, la philanthropie ne peut remplacer l’État dans sa fonction de redistribution des richesses.

Le problème est d’autant plus exacerbé lorsque ces dons viennent alimenter des fondations d’entreprises. De fait, le droit actuel conduit l’État à subventionner, par une réduction d’impôt égale à 60 % du montant des versements effectués dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires, des instruments qui présentent déjà des attraits intrinsèques très importants pour leurs initiateurs, en ce qu’ils constituent un outil de communication externe privilégié et un véhicule de développement de leur image de marque et de leur notoriété. De même, ces fondations conduisent le plus souvent leurs créateurs à conserver une réelle emprise, pour ne pas dire une mainmise, sur l’utilisation de leurs financements.

Il apparaît donc souhaitable de modifier l’article 238 bis du code général des impôts afin de supprimer les avantages fiscaux inhérents aux dons d’entreprises. Le but est d’éviter que des groupes bancaires ou de grandes entreprises ne valorisent sur le dos de l’État leur image ou leurs actions.

À ceux qui s’inquiètent du manque de ressources à venir pour les associations on répondra que si ces dons d’entreprises ont une valeur philanthropique pour les dirigeants d’entreprises il n’y a pas d’inquiétude à avoir, ils poursuivront cette logique de dons, désormais devenus parfaitement généreux.

4. Rééquilibrer les modes de financement du service civique

Le service civique constitue indéniablement un support pertinent de la politique en faveur de la jeunesse, en ce qu’il donne des perspectives d’utilité sociale, ainsi qu’un substrat de formation et d’expérience, tout en répondant à des besoins réels. Sa montée en charge, progressive, ne peut se faire au détriment du soutien financier de l’État aux associations qui œuvrent pour la jeunesse et l’éducation populaire, par ailleurs partenaires essentiels du dispositif.

a) Repenser la budgétisation de la subvention d’exploitation de l’Agence du service civique

Ainsi que le retrace le tableau ci-dessous pour les années passées, l’essentiel des financements étatiques de l’ASC émane du programme « Jeunesse et vie associative », alors même que le service civique contribue à de multiples politiques publiques.

Ventilation des financements de l’ASC entre 2010 et 2011

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

Observations

Subvention d’exploitation (programme n° 163)

22,600

67,417

101,159

 

Subvention du ministère du logement

0,115

0,100

0,200

Prise en charge par le ministère du logement de la formation des volontaires intervenant en faveur des sans-abri

Subvention ACSé

0,013

0,000

0,000

Participation financière à la création du site internet de l’ASC

Produits financiers

0,002

0,005

nc

 

Si le rattachement du dispositif du service civique à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » est logique au regard des objectifs de la LOLF, il est toutefois permis de s’interroger sur les modalités de sa prise en charge. En effet, il est pour le moins curieux que seul le ministère chargé de la vie associative en assume les coûts, au risque d’obérer ses moyens d’intervention auprès des associations pour les aider dans leur fonctionnement. Pourtant, le service civique participe aussi à la mise en œuvre des politiques portées par les missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Égalité des territoires, ville et logement ». De ce fait, il semble qu’un rééquilibrage des financements de la subvention d’exploitation de l’ASC soit nécessaire pour que, à tout le moins, les enveloppes dévolues à l’action « Soutenir la structuration et le dynamisme du secteur associatif » du programme n° 163 restent préservées.

b) Susciter des financements privés pour le service civique

En application de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique, l’Agence du service civique, créée pour assurer le pilotage du dispositif, a pris la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP). En l’état, ce GIP réunit surtout des entités publiques, à savoir l’État, l’ACSé, l’INJEP, le seul partenaire de droit privé étant l’association France volontaires. La convention constitutive de l’ASC, signée le 12 mai 2010, prévoit en ses articles 10 et 11 que l’agence est dépourvue de capital et que ses membres contribuent à son fonctionnement. Alors que le statut de GIP le permet, aucun financement d’origine privé n’est prévu.

En tout état de cause, avec l’accroissement prévisible du coût du dispositif du fait de la perspective d’accueillir 100 000 jeunes volontaires chaque année, il apparaît désormais nécessaire de diversifier les ressources de l’ASC. Outre l’accueil de partenaires privés (fondations, grandes entreprises) au sein du GIP, assorti de contributions en capital ou annuelles précisées par avenant à la convention constitutive, on pourrait imaginer que l’ASC puisse recueillir des dons et des legs, de manière à lui permettre de recevoir des financements complémentaires.

c) Affecter, à compter de 2016, la taxe additionnelle sur les paris de la Française des jeux au financement du service civique

Compte tenu de la montée en charge du service civique, jusqu’en 2017, il importe dès à présent de réfléchir aux moyens de sécuriser les financements nécessaires, qui vont passer de 160 millions d’euros l’an prochain à, si l’on se borne à appliquer une règle de trois, plus de 533 millions d’euros, voire 706 millions d’euros selon l’ASC, d’ici la fin de la législature.

Une des solutions pourrait résider dans le recours à une taxe affectée à l’ASC. A minima, il serait envisageable de proroger la taxe additionnelle sur les paris de la Française des Jeux, actuellement dévolue au financement de la rénovation et de la construction des stades de l’Euro 2016 (article 1609 novovicies du code général des impôts), dont le produit cessera d’être versé au CNDS après 2015. À cette échéance, elle pourrait être affectée à l’ASC et, en fonction de son rendement, voir son plafond – actuellement fixé à 24 millions d’euros – augmenté. Aux termes de la LOLF, ce type de taxes ne se justifie que pour le financement de missions de service public exercées par les opérateurs de l’État. L’ASC entre assurément dans ce cadre et, ce faisant, l’étau du financement du service civique sur les crédits du programme n° 163 se trouverait desserré.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission procède, le lundi 29 octobre 2012, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, sur les crédits pour 2013 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (24).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mardi 6 novembre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sur le rapport de M. Malek Boutih.

M. Malek Boutih, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Comme l’a rappelé notre président, la discussion proprement budgétaire sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2013 a déjà largement eu lieu en commission élargie. Bien évidemment, j’inviterai notre Commission à donner un avis favorable à leur adoption. Je le ferai d’autant plus facilement que les crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative – ce dernier sujet étant au cœur de mon avis budgétaire – sont, à périmètre comparable, en hausse de 7 % en 2013. Si cette augmentation couvre notamment la montée en charge du service civique, il n’en demeure pas moins qu’elle permet de conforter l’éducation populaire et la vie associative, dont le financement est maintenu au même niveau qu'en 2012. Je rappelle que les crédits qui leur étaient destinés avaient subi une baisse drastique : 30 % depuis 2008, et 16 % depuis 2010. En quelques années, près de la moitié desdits crédits ont donc disparu.

Je concentrerai mon propos sur la vie associative et son financement. Ce sujet, moins connu qu'on ne le croit, correspond en effet à mon expérience personnelle : j’ai longtemps travaillé, à différents niveaux, pour le secteur associatif, qu’il s’agisse d’associations nationales ou de petites associations locales. Quand l’on s’engage dans ce secteur, on pense donner du temps à une action, aux autres, à la société, mais on se rend vite compte qu’une grande partie de ce temps est dévoré par les problèmes administratifs et financiers et les efforts consacrés à la survie de l’association. Je pense donc pouvoir donner un éclairage particulier sur cette question.

D’autant qu’il existe en France très peu de spécialistes du monde associatif. Celui-ci recouvre des secteurs et des situations extrêmement diverses : quoi de commun entre la petite amicale de philatélistes et une association qui, par sa taille, son budget ou le nombre de ses salariés, peut se comparer à une entreprise ? Une chercheuse, en particulier, tente avec ses faibles moyens de récolter des données utiles sur le secteur.

On sait ainsi qu’en France, le nombre d’associations en activité se situe entre 1,1 et 1,3 million, que 60 % d’entre elles ont un budget annuel de moins de 10 000 euros, et 16 % de moins de 1 000 euros. Cela ne les empêche pas de vivre, toutefois, car l’essentiel de leur fonctionnement continue à reposer sur le bénévolat – si peu considéré soit-il. Le volume global de leur financement atteint 70 milliards d’euros, soit 3,5 % du PIB – l’équivalent du secteur de l’hôtellerie-restauration. Elles emploient, à titre principal ou occasionnel, près de 1,8 million de personnes, et comptent 16 millions de bénévoles actifs.

Leurs ressources proviennent à 50 % du secteur public : État, collectivités locales, Union européenne. Le reste résulte des cotisations et des recettes liées à la vente de produits ou de prestations. Depuis plusieurs années, les collectivités locales, notamment les communes, contribuent pour une grande part à leur financement. Si les relations entre les associations et les pouvoirs publics en général sont plutôt difficiles, les maires font plutôt figure d’exception : en raison de leur proximité, ils sont sans doute les plus conscients du rôle extrêmement important que les associations jouent en matière de cohésion sociale, ou dans la vie culturelle ou sportive. On dénonce souvent le caractère dispendieux de ces dernières, leur supposée mauvaise gestion. Mais en réalité, compte tenu de l’impact social considérable qu’il a sur le pays, il n’y a pas plus rentable que le secteur associatif.

Les auditions auxquelles j’ai procédé montrent que la vie associative, dans notre pays, connaît un tournant, même si l’évolution est lente. Le sentiment général des acteurs du secteur est que leur rapport à la collectivité publique s’est technicisé, « comptabilisé » : il se réduit à des chiffres et à des dossiers, perdant toute densité politique. Bien souvent, l’association qui demande une subvention est mise dans une case dès la première réunion avec la collectivité publique concernée, et la gestion administrative du dossier se résume à une reconduction des montants accordés l’année précédente. Quand un changement se produit, il consiste la plupart du temps à réduire la subvention ou à poser un obstacle supplémentaire.

Nombre de responsables décrivent d'ailleurs la recherche d’une subvention publique comme un parcours kafkaïen. S’agissant des subventions d’État, le processus d’instruction et de contrôle des demandes se décompose ainsi en pas moins de quatre stades. Je me souviens des dossiers qu’il fallait remplir pour obtenir le financement d’un chantier d’été : le niveau de compétence technique et comptable qu'ils exigeaient dépassait la capacité de tous les cadres et bénévoles qui m’entouraient. C’est la raison pour laquelle une grande partie des associations renoncent à formuler des demandes, n’en font qu’un petit nombre ou se limitent au niveau communal. Dans ce dernier cas, la procédure est souvent plus simple mais les moyens également plus limités.

Et quand l’association obtient la subvention, elle est entraînée dans une logique implacable. Les exigences administratives et le poids des normes comptables sont tellement élevés qu’une grande partie du budget alloué sert à justifier l’allocation elle-même ! Ainsi, au fil du temps, la part consacrée aux actions se réduit au profit du fonctionnement et de la gestion.

Ces difficultés, les pouvoirs publics ont tenté de les surmonter en prenant plusieurs mesures, dont les plus importantes sont les conventions pluriannuelles d’objectifs et les dégrèvements fiscaux.

Les premières sont généralement signées pour trois ans et concernent les associations reconnues d’utilité publique. Or peu d’associations bénéficient de ce statut, et rares sont celles qui maîtrisent les démarches nécessaires pour l’obtenir. Rappelons que 90 % des associations ne disposent pas d’emplois salariés : elles ne peuvent donc assumer un tel travail administratif. En outre, les contrats pluriannuels d’objectifs se fondent sur un nombre de plus en plus important de critères, et la visibilité financière qu’ils offrent est de plus en plus faible.

Quant aux politiques de défiscalisation, leur principe est bon, mais elles bénéficient surtout aux plus grandes associations, celles qui font preuve du plus grand professionnalisme dans la recherche de subventions – ce qui ne saurait d’ailleurs leur être reproché. Les plus petites associations n’y ont pas accès. Par ailleurs, dans ce domaine comme dans bien d’autres, on observe des effets d’aubaine. Compte tenu du nombre de fondations qui ont été créées, en particulier dans le secteur bancaire, on a parfois le sentiment que ces politiques de défiscalisation représentent pour les entreprises privées un outil servant à financer la communication et la recherche de nouveaux clients.

Je ne veux pas noircir le tableau, mais les difficultés sont réelles. La vie des associations repose aujourd’hui en grande partie sur les retraités, parce qu’ils ont plus de temps à consacrer, bien sûr, mais peut-être aussi en raison de leur sentiment républicain plus fort, ou parce qu’ils ont une plus grande conscience de leur rôle social. Mais même eux éprouvent une certaine fatigue. Lorsque l’on entend, au détour d’une audition, un retraité bénévole auprès d’une banque alimentaire évoquer le nombre de tonnes de marchandises qu’il doit manipuler au cours de l’année, on se dit que la tâche devient trop lourde.

Je déplore l’affaiblissement du sentiment républicain et le manque de dialogue entre l’administration et le milieu associatif. Bien sûr, il faut saluer les efforts de la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative pour maintenir le niveau des crédits destinés au secteur associatif, en dépit des contraintes que fait peser la nécessité de redresser les comptes publics. Et, à la limite, même s’il convient de trouver des sources de financement nouvelles, l’essentiel n’est pas là. Il faut effectuer des réformes en profondeur afin que les associations soient destinataires des dons, que leur vie soit facilitée, qu’elles retrouvent leur dignité et que leur rôle auprès des pouvoirs publics soit réhabilité. J’en suis convaincu, les militants associatifs sont aujourd’hui, à l’instar des enseignants, les hussards de la République, ceux qui font tenir notre modèle républicain.

Pour illustrer les conséquences que peut entraîner la réduction des financements destinés aux associations, je citerai l’exemple du FAS, le Fonds d’action sociale. Cet établissement public finançait de nombreuses actions dans le domaine de l’immigration et subventionnait des associations de quartier. Il était un véritable incubateur de vie associative. Mon propre parcours a d’ailleurs commencé dans une petite association locale, qui avait reçu, sans devoir constituer des dossiers trop complexes et en se donnant des objectifs relativement simples, une petite dotation.

Or la technicité croissante des procédures, la réduction des budgets, l’absence de reconnaissance de l’engagement associatif ont eu pour conséquence de vider les quartiers de leurs associations. N’ont survécu que celles qui répondaient à des commandes publiques ou qui reposaient sur des personnalités très fortes. Quant aux autres, le vide qu’elles ont laissé a été rempli par d’autres forces, lesquelles organisent les populations de ces quartiers autour de valeurs qui sont loin d’être en phase avec celles de la République. Leur départ a laissé de l’espace au désœuvrement et à la montée de la délinquance. Même si l'on peut bien sûr leur trouver d’autres causes – économiques et sociales notamment –, une grande part des difficultés vécues par ces quartiers provient donc de l’effondrement du maillage associatif.

Le même phénomène se reproduit dans d’autres parties du territoire, et en particulier dans les zones rurales, trop souvent oubliées. Là aussi, le tissu associatif se délite : il ne reste que les organisations les plus anciennes et les plus structurées, ou les petites associations vivant de la solidarité locale. La jeunesse se sent totalement abandonnée. Elle est confrontée à l’oisiveté, aux problèmes de drogue ou d’alcoolisme, à la destruction sociale. Cette situation doit nous inciter à effectuer des réformes majeures.

C'est pourquoi je conclus mon rapport par vingt-sept propositions, dont la plupart ne passent pas par une augmentation des crédits budgétaires. Certaines sont très simples, comme le fait de moduler le taux des réductions d’impôts liées aux dons aux associations par les particuliers, en le maintenant à 66 % pour les dons aux plus petites organisations et en le réduisant à 33 % pour les dons aux plus grandes.

Certaines propositions concernent les banques, grandes bénéficiaires des flux financiers engendrés par le versement de subventions publiques aux associations. Pour les établissements financiers, le secteur associatif représente en effet le meilleur rapport bénéfices/risques. Pour autant, et en dépit de ce que voudraient faire croire certaines opérations de communication, il n'existe pas de véritable service bancaire répondant aux besoins des associations. C'est donc indûment que les subventions viennent alimenter l'encours d'épargne des établissements financiers. Je propose donc que les financements publics aux associations soient versés exclusivement sur des comptes ouverts dans la banque publique au maillage territorial le plus important, la Banque postale. En contrepartie, celle-ci aurait l'obligation de proposer certains services spécifiques.

Nous sommes tous mobilisés pour lutter contre la crise économique et sociale que connaît notre pays. Mais la nécessaire reprise économique et la croissance de l'emploi doivent s'accompagner d'une plus grande égalité sociale et d'une reprise de l'esprit citoyen, de l'esprit d'engagement. Il existe une spécificité française ; la France n'est pas un pays comme les autres. Or le monde associatif y est pour beaucoup.

M. Pascal Deguilhem. Pour beaucoup d'entre nous, l'engagement dans l'espace public trouve ses fondations dans un parcours au sein du secteur associatif. Cet héritage explique en partie pourquoi nous sommes ici et ce que nous voulons défendre. Et c'est pourquoi nous pouvons comprendre le rapport passionnel et passionné que notre rapporteur entretient avec le monde associatif. Son intervention constituait un véritable plaidoyer en faveur du secteur, ce que je trouve légitime. Je le remercie pour ses nombreuses propositions, dont le groupe SRC est prêt à débattre.

Le rapport de M. Malek Boutih pose les bases d'un travail nécessaire, à l'instar des Assises nationales de la vie associative organisées par Mme Marie-George Buffet il y a treize ans. Malheureusement, ce type de travail est souvent abandonné aussitôt après avoir été entamé. Ce plaidoyer était nécessaire parce que, comme l’a dit notre rapporteur, le monde associatif se sent souvent abandonné, insuffisamment soutenu par les pouvoirs publics – au sens large – alors que nous serions incapables de le suppléer s’il n’accomplissait l’ensemble des missions qui sont les siennes. Ce plaidoyer était donc nécessaire mais il soulève également des questions qui dépassent le cadre strict de l’examen des crédits budgétaires, sur lequel je souhaite maintenant revenir.

Ce budget est certes toujours modeste mais il est aussi responsable en ce qu’il témoigne d’un véritable engagement en faveur du secteur associatif, de la jeunesse et des collectivités territoriales, notamment en favorisant la codirection en matière de politique sportive.

Il s’agit également d’un budget de solidarité en direction des publics les plus éloignés de la pratique du sport pour tous, mais aussi en faveur de l’emploi et, plus largement, de tous ceux qui sont confrontés aux inégalités sociales et territoriales.

Par ailleurs, ce budget est en effet contraint, comme Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative l’a rappelé cet après-midi dans le cadre des questions au Gouvernement. Nous connaissons l’état de nos comptes publics et nous savons combien leur maîtrise s’impose.

Nous savons également combien la situation du Centre national pour le développement du sport (CNDS) est catastrophique. Nous devons aujourd’hui gérer une dette qui s’élève à plus de 400 millions d’euros en raison de la politique irresponsable menée par la précédente majorité, notamment lors de la dernière année de la précédente législature, ce qui a conduit notre pays à abandonner des pans entiers des politiques qui devaient être nécessairement engagées. Toutefois, bien que l’exercice soit extrêmement difficile, la ministre des sports a affirmé sa volonté de conforter les dotations de la part territoriale du CNDS, ce qui montre combien ce budget est aussi courageux.

Un effort particulier est accompli en direction de la jeunesse même si, d’un point de vue budgétaire, ce n’est pas ce qui est le plus significatif. Pour 2013, les crédits augmentent ainsi de 7 % et, de 2013 à 2015, de plus de 40 % alors qu’ils n’avaient cessé de diminuer pendant les exercices précédents.

À périmètre constant, les crédits dédiés au développement de la vie associative n’ont quant à eux pas évolué. Sans doute aurions-nous aimé qu’ils soient davantage soutenus, même si cela ne relève pas exclusivement de Mme la ministre.

Les crédits dédiés à la jeunesse et à l’éducation populaire sont en légers reculs mais de façon ciblée ce qui, là encore, témoigne du courage gouvernemental. Les baisses relatives aux crédits déconcentrés concernent des domaines qui ne sont pas stratégiques tels que l’information à la jeunesse ou la rénovation des centres de vacances, secteurs qui, aujourd’hui, relèvent notamment des collectivités territoriales.

Contrairement à ce que d’aucuns ont pensé, les crédits dédiés à la jeunesse ne sont pas affectés par la montée en charge du service civique même si cela posera des problèmes dans les années à venir – je renvoie à ce sujet aux trois dernières propositions du rapport de M. Malek Boutih – et il conviendra en particulier d’en examiner le coût ainsi que sa répartition interministérielle. Par exemple, malgré les nécessaires cadrages gouvernementaux, le ministère des sports préserve intégralement les crédits du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) avec les emplois associés, mais également les crédits pour les têtes de réseaux associatifs, pour la formation des bénévoles ou pour les politiques de partenariat local. Bref, un effort réel est accompli en direction de la jeunesse comme en témoigne le maintien ou la hausse des crédits.

Enfin, n’oublions pas que les emplois d’avenir vont entrer en vigueur et qu’ils seront très largement dédiés au secteur associatif et à la jeunesse, domaines qu’ils contribueront heureusement à renforcer tant les besoins sont grands.

M. Guénhaël Huet. Le groupe UMP aurait pu soutenir le dithyrambe de M. Boutih en faveur du monde associatif sans le pessimisme dont il a parfois fait montre. Un certain nombre d’élus peuvent témoigner ici même qu’il existe fort heureusement des associations qui vivent bien et qui prennent toute leur place sur les territoires urbains ou ruraux. Ce n’est pas en noircissant le tableau que l’on règlera les problèmes.

Lundi dernier, en commission élargie, la ministre a notamment fait part de deux priorités : la jeunesse – elle a évoqué, en particulier, la montée en charge du service civique – ainsi que le sport pour tous. Elle a également indiqué que ce projet de budget était à la fois ambitieux et réaliste. Or, une analyse objective montre le grand décalage qui existe entre les intentions affichées et les réalités budgétaires.

Cela est vrai pour le programme « Jeunesse et vie associative ». Les crédits, en effet, sont stables, l’augmentation annoncée par M. le rapporteur pour avis et M. Pascal Deguilhem s’expliquant par un transfert de fonds de 15 millions d’euros. À périmètre constant, les crédits budgétaires sont les mêmes qu’en 2012 en n’augmentant en fait que de 0,2 %. En passant de 13,3 à 12,7 millions, les crédits de l’action « Développement de la vie associative » sont en légère baisse ; ceux de l’action « Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire » passent de 78 à 73 millions, ce qui représente une baisse de 6,8 %. Si les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » se maintiennent c’est très largement, contrairement à ce qui vient d’être dit, en raison de l’envolée spectaculaire – même si elle est utile – du développement du service civique.

En ce qui concerne le programme « Sport », la situation est encore plus grave. Avec 232 millions d’euros, les crédits diminuent de plus de 9 % et, si l’on retire la réserve parlementaire, de 5 % par rapport à 2012. Je signale, en particulier, la baisse importante des crédits déconcentrés, qui aura bien entendu des répercussions négatives sur les régions, les départements, les communautés de communes, les communes, lesquels devront trouver de l’argent afin de se substituer à l’État. Mme la ministre s’est inquiétée des inégalités territoriales en matière d’accès au sport : la diminution de ces crédits n’est sans doute pas la meilleure manière d’y remédier.

Le monde sportif est très inquiet quant à la retraite des sportifs de haut niveau. La majorité précédente avait souhaité que des trimestres de cotisations soient pris en charge pour des sportifs qui ont consacré leur vie au sport de haut niveau et, donc, à la renommée de notre pays. Cette mesure devait être financée au titre de la solidarité nationale mais elle le sera en fait par les sportifs eux-mêmes puisque son coût est estimé à six millions et que les crédits alloués aux fédérations sportives au titre des conventions d’objectifs et de moyens baissent quant à eux de 5,5 millions. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) l’a d’ailleurs dit clairement : c’est le monde sportif qui finance cette avancée pourtant intéressante.

Je salue enfin la continuité de l’action du ministère en matière de lutte contre le dopage et, en particulier, celle de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Il me semblerait toutefois utile que, dans ce domaine, les différents sports soient traités de façon égale et que l’on ne se focalise pas sur les plus médiatiques d’entre eux.

Malheureusement, ce budget n’est ni ambitieux, ni réaliste. À bien des égards, il est en repli par rapport à ce qui a été accompli pendant des années. Le groupe UMP ne le votera donc pas.

Mme Barbara Pompili. Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission élargie, le groupe Écologiste votera quant à lui ce budget.

Nous savons combien le tissu associatif a souffert sous le précédent gouvernement. Aujourd’hui, malgré des dotations hélas encore bien modestes, un dialogue a été amorcé afin de construire un nouveau cadre général de travail s’inscrivant dans la durée. C’est un message d’espoir qui est ainsi envoyé aux associations œuvrant quotidiennement au plus près de celles et de ceux qui en ont besoin.

Notre rapporteur pour avis vient de le dire : quel que soit leur champ d’action, les associations sont avant tout des acteurs de terrain qui assurent de nombreuses missions relevant de l’intérêt général et des services, notamment dans les secteurs sanitaire et social. Leur financement constitue donc un enjeu important. Le rapport est à cet égard très intéressant par les constats qu’il dresse et les réflexions qu’il expose.

Pour les écologistes, cet état de fait exige de reconnaître l’utilité publique des acteurs associatifs, reconnaissance qui doit aller de pair avec des financements pluriannuels. En effet, il faut sortir du système de financement par projets, la subvention devant être réaffirmée comme l’un des moyens principaux de soutien de la vie associative dès lors qu’il s’agit bien souvent de co-construire des politiques publiques.

En outre, il est nécessaire de travailler à la définition d’un cadre clair et à la simplification des modes de financement.

Le débat actuel sur l’ouverture des marchés publics doit être repris dans le cadre de cette réflexion globale sur les modes de financement car les associations ne peuvent être réduites à de simples prestataires de services. De la même manière, elles ne peuvent être évincées par les acteurs privés dès lors que des perspectives de bénéfices se font jour. La révision de la circulaire Fillon du 18 janvier 2010 est donc particulièrement attendue par les associations, qui sont inquiètes. Il importe, je le répète, de sécuriser le modèle des subventions en tant que mode de financement.

La simplification administrative, que notre rapporteur pour avis a également évoquée, constitue elle aussi un véritable enjeu. Trop d’associations, en effet, consacrent du temps et des moyens à la recherche de financements alors que leurs salariés pourraient être sur le terrain, au service de la population. Notre rapporteur suggère un contrôle budgétaire moins contraignant et moins « chronophage » pour les petites structures : c’est une première piste à explorer mais d’autres solutions doivent être également trouvées s’agissant de la recherche des financements.

Toujours d’un point de vue budgétaire, l’engagement citoyen doit être renforcé. Si les écologistes soutiennent pleinement la montée en charge du service civique, elle ne doit pas néanmoins se faire au détriment des autres dispositifs. Aussi, une revalorisation du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) pourrait être nécessaire et nous espérons que le futur « congé engagement » sera à la hauteur des attentes.

En outre, les jeunes de 16 à 18 ans semblent rencontrer des difficultés pour s’engager dans le service civique. L’évaluation des premières expériences pourrait donc se révéler intéressante. Dans ce cadre, comme l’évoque M. Régis Juanico, dans son rapport spécial au nom de la Commission des finances, l’engagement des personnes en situation de handicap et les problèmes liés à la mobilité pourraient être analysés.

J’ajoute que la stabilité des crédits du dispositif local d’accompagnement soulève des problèmes car les associations ont besoin d’appuis dans leur fonction employeuse, laquelle sera accentuée avec le développement des emplois d’avenir. Les associations doivent également pouvoir embaucher du personnel qualifié et spécialisé.

Je soutiens pleinement la nécessité de renforcer la recherche sur le monde associatif, comme l’a souligné notre rapporteur pour avis, ainsi que la recherche co-construite avec les associations.

Enfin, la réalisation d’un document de politique transversale permettrait de rendre l’action de l’État plus visible dans ce domaine. La dimension interministérielle est grande et les écologistes attendent de chaque ministère un engagement sans faille à l’endroit du secteur associatif.

Mme Marie-George Buffet. Je remercie M. le rapporteur pour avis pour ses propos. Il a su en effet poser les enjeux auxquels le monde associatif est confronté non seulement en liaison avec la jeunesse et le sport mais en tant que pilier de la vie démocratique et élément du vivre ensemble. Qui plus est, il l’a fait sans hypocrisie, en pointant les problèmes qui se posent, notamment s’agissant des rapports entre grandes associations historiques et petites associations, de la constitution des dossiers et des demandes de subventions.

Certes, tout ne dépend pas de l’argent mais la vie associative a aussi besoin de moyens. Chaque fois que nous avons essayé d’avancer, par exemple en ce qui concerne le statut du bénévole, le ministère du budget nous a opposé les coûts que cela représenterait. Un jour ou l’autre, il faudra pourtant se saisir de ce dossier à bras-le-corps et faire en sorte que le formidable plaidoyer de notre rapporteur pour avis porte ses fruits à travers des mesures en faveur des bénévoles et des associations.

Je me suis félicitée que Mme la ministre, en commission élargie, ait essayé de dépasser tout ce qui concerne les appels à projets, tout ce qui revenait en fait à instrumentaliser les associations à telle ou telle fin politique, pour tel ou tel ministre ou tel ou tel gouvernement, et qu’elle souhaite leur redonner leur indépendance grâce aux subventions pluriannuelles. Les associations, en effet, ont un rôle propre à jouer et ne doivent pas être considérées comme des appendices ministériels visant à suppléer des carences. Une association, ce sont des hommes et des femmes qui se réunissent pour réaliser des objectifs précis dans différents domaines.

Je regrette que les subventions aux associations de jeunesse et d’éducation populaire soient tout juste maintenues au très bas niveau fixé par la précédente majorité.

Si je me félicite que les sports, la jeunesse, l’éducation populaire et la vie associative aient retrouvé un ministère de plein exercice, je déplore néanmoins la très grande fragilité de ce dernier sur le plan des financements et des moyens humains. Je partage la quasi-totalité des objectifs et des ambitions dont Mme la ministre a fait part en commission élargie mais elle ne disposera hélas pas des moyens permettant de les réaliser. De la réunion que j’ai eu tout à l’heure avec l’intersyndicale des personnels du ministère, il ressort que, à coups de RGPP et de réformes, les missions et les métiers éducatifs de cette institution ont été noyés au sein des grandes directions de la cohésion sociale. Ils n’ont donc pas pu être exercés et le lien a été coupé avec, notamment, les petites associations et les élus territoriaux alors que sous savons fort bien que la force de ce ministère, qui dispose de peu de moyens, repose sur l’engagement militant de ses fonctionnaires auprès des associations et des élus. Mme la ministre m’a dit qu’elle cherche à recréer un comité technique paritaire propre au ministère afin que ses personnels retrouvent une indépendance d’action. J’espère qu’elle aura les moyens d’y parvenir.

En ce qui concerne le sport, je me félicite du travail de l’AFLD et de l’Agence mondiale antidopage pour lutter contre les dérives que nous connaissons, ainsi que du maintien des subventions qui leur sont allouées. Je regrette, en revanche, que les moyens dédiés à l’action « Prévention par le sport et protection des sportifs » aient diminué.

Mme la ministre a assuré qu’elle travaille avec ses homologues européens à la création d’une organisation internationale indépendante afin d’empêcher les mafias d’institutionnaliser les tricheries via les paris en ligne mais, compte tenu des moyens dont elle dispose, aura-t-elle l’autorité nécessaire pour mener à bien cette mission ?

Face à une telle baisse des crédits, le mouvement sportif peut être tenté de ne plus partager un certain nombre de missions de service public avec la puissance publique d’État ou des collectivités territoriales, ce qui serait dommageable tant son apport est nécessaire afin que le sport puisse conserver ses valeurs et demeure accessible à toutes et à tous.

Je regrette qu’il n’ait pas été possible de financer le système de retraite des sportifs de haut niveau autrement qu’en diminuant les subventions des fédérations.

La précédente majorité a pris une lourde responsabilité en faisant financer le réaménagement des stades pour l’Euro 2016 par le CNDS – qui a souvent été la « bouée de sauvetage » du ministère – alors que le but de cet organisme est d’œuvrer au développement de l’accès de tous au sport. Le « sur-engagement » du CNDS le met aujourd’hui en difficulté et impose la nécessité d’un plan de redressement, lequel ne manquera pas de limiter les interventions de cet organisme auprès des collectivités territoriales.

Compte tenu des missions extraordinaires de ce ministère et du discours très fort porté par Mme la ministre, il est regrettable qu’elle ne dispose pas des moyens de son action. Le groupe GDR s’abstiendra donc.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP votera quant à lui ce budget que nous jugeons positivement compte tenu des contraintes que le gouvernement a dû s’imposer pour réduire la facture laissée par la précédente majorité. Pour qu’il en soit à son tour persuadé, je conseille au représentant du groupe UMP de lire l’excellent rapport de M. Régis Juanico, rapporteur spécial de la Commission des finances. Il y verra qu’après correction de ces facteurs techniques que sont la réserve parlementaire et le fonds de concours du CNDS, les crédits de l’action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » augmentent – certes faiblement par rapport 2012, mais cela n’en est pas moins satisfaisant.

De plus, pour la première fois, une dotation de 6,1 millions est prévue pour la prise en charge des cotisations retraite des sportifs de haut niveau.

Il est vrai, en revanche, que des problèmes coûteux demeurent : la création du musée national du sport et son éventuelle implantation dans le stade de Nice alors que l’État a déjà contribué à hauteur de 20 millions d’euros, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP), à la construction de ce denier ; le Stade de France ; le CNDS, dont le stock de dettes s’élève à 400 millions d’euros. Face à de telles difficultés, le programme « Sport » dispose donc d’un bon budget.

Celui qui est dédié au programme « Jeunesse et vie associative » l’est tout autant. Il augmente d’ailleurs de façon importante, le Président de la République ayant fait de la jeunesse une priorité.

S’agissant du service civique, il est toujours gênant de constater que l’indemnité mensuelle des volontaires est inférieure au RSA.

En ce qui concerne la vie associative, le rapport de M. Malek Boutih me gêne malgré tout le respect que j’éprouve pour sa personne. J’ai la chance d’être un cumulard – dans une autre vie, j’ai notamment été responsable de la vie associative au sein d’un conseil régional – et je m’en félicite, même si ce n’est pas à la mode. En tout cas, c’est en raison de cette expérience que je peux dire que deux propositions faites dans le rapport me choquent profondément.

Vous avez parlé, monsieur le rapporteur pour avis, de modèle républicain. Or si l’année 1901 a été celle du vote de la loi sur le contrat d’association, elle a aussi été celle de la création du Parti républicain radical et radical-socialiste, parti qui, comme quasiment tous ceux qui sont ici présents, est porteur du principe de laïcité, lequel, selon moi, se définit par la neutralité des institutions… Eh bien, un élu local sait que le vote des collectivités est unanime lors des mises aux voix des subventions aux associations. Autrement dit, il n’existe pas d’associations de droite ou de gauche : il n’y a que des associations tout court. Aussi, je considère qu’attribuer 20 % du montant des subventions municipales à l’opposition, au prorata des composantes politiques représentées au sein du conseil municipal, n’est pas une bonne idée. Le travail doit se faire en amont, dans l’intérêt général, conformément à l’esprit de nos mandats.

De plus, je ne crois pas que small is always beautiful. Il n’est pas possible que de l’argent public soit attribué sans contrôle à des petites structures car ce serait la porte ouverte au grand n’importe quoi ! Au contraire, les contrôles financiers doivent être renforcés pour les petites associations tout en prenant garde qu’ils ne se traduisent pas par le renforcement des contraintes administratives. Nombre de collectivités ont fait des efforts importants pour que deux pages suffisent à formuler de telles demandes ; il ne doit pas être nécessaire pour un président ou un trésorier d’association d’être un ancien élève de Sciences-Po ou de l’ENA pour y parvenir !

Enfin, ce rapport ne fait pas état de trois points qui me semblent importants.

J’observe que certains bénévoles veulent prendre des responsabilités mais qu’ils manquent souvent de formation. Bien des collectivités travaillent isolément en la matière, et cela pose un véritable problème.

Je constate également que les réseaux d’associations qui ont vu le jour sont peu mis en valeur – je pense, mais pas seulement, à la conférence permanente des coordinations associatives (CPCA). Pourtant ces réseaux ont permis de réaliser des économies d’échelle et de présenter des projets communs.

Enfin, j’estime qu’un effort devrait être fait par l’État pour recenser les associations. J’entends parler de 1,3 ou 1,5 million d’associations déclarées alors qu’en région Rhône-Alpes, deux notes de la préfecture diffusées à trois mois d’intervalle ont fait état de 500 000 puis de 900 000 entités. Quelle estimation croire ? Si les greffes des tribunaux de commerce sont aujourd’hui informatisés, les services préfectoraux qui s’occupent de la vie associative en sont quant à eux restés aux années cinquante. Ainsi, on ignore les associations qui ont disparu ou celles qui sont en sommeil. L’absence de contrôle et de suivi soulève donc un vrai problème ; il dépasse certes le cadre purement budgétaire de notre débat mais il n’en reste pas moins que le respect des associations passe par une meilleure prise en compte par l’État.

M. Michel Ménard. Contrairement aux années précédentes, le développement du service civique ne se fait pas, dans le budget pour 2013, au détriment des autres politiques dédiées à la jeunesse et à la vie associative. Les lignes budgétaires concernant la formation des bénévoles, le soutien aux associations nationales d’éducation populaire, les postes FONJEP sont préservées.

Je partage le point de vue de Mme Marie-George Buffet sur la nécessité de favoriser les conventions pluriannuelles plutôt que de continuer à glisser sur la pente, devenue naturelle au cours des dernières années, des appels à projet. S’ils peuvent être utiles, ceux-ci ne doivent pas devenir la généralité, au contraire des conventions pluriannuelles que le rapporteur pour avis juge également extrêmement importantes.

Le programme « Sport » participe à l’effort de redressement budgétaire du pays tout en préservant les priorités fortes que sont le sport pour tous ou le sport santé. Je suis également satisfait que l’action du CNDS soit dirigée particulièrement vers les territoires et le soutien à la construction d’équipements sportifs de proximité.

Le projet de budget pour 2013 finance également la retraite des sportifs, ce qui n’était pas le cas du budget de 2012. J’en remercie le gouvernement et la ministre des sports.

Je partage la lecture des crédits qu’a faite M. Pascal Deguilhem. Au-delà de l’aspect budgétaire, l’action en faveur de la jeunesse passe aussi par les emplois d’avenir, les emplois d’avenir professeur, le service civique. C’est aussi important pour la jeunesse que pour les associations qui bénéficient également de ces politiques publiques.

M. Benoist Apparu. J’ai plusieurs observations à formuler sur la partie « vie associative » du rapport. À entendre M. le rapporteur pour avis, tout n’est pas qu’une question d’argent. Pourtant, la liste des préconisations lui fait la part belle. De ce point de vue, il serait judicieux de demander à nos divers rapporteurs de joindre à l’appui de leurs préconisations sinon des études d’impact, tout au moins des débuts de chiffrage. En l’espèce, sur vingt-sept propositions, la moitié d’entre elles entraînent un coût. Je cite pêle-mêle : développer les subventions de fonctionnement, aménager le régime fiscal des dons, faciliter l’accès au statut d’utilité publique, autoriser les demandes de subvention avec budget excédentaire, reconnaître matériellement le temps passé au service des associations... Puisque chacun est d’accord pour dire qu’il faut réduire la dépense publique, entendons-nous pour que chaque rapport produise une étude d’impact.

Certaines propositions me surprennent, en particulier celle d’un monopole bancaire pour la Banque postale. Selon le rapport, on pourrait confier les 42 milliards d’euros de dépôts bancaires et les 12 milliards d’encours de crédit à la seule Banque postale. Je sais bien que les banques sont toutes d’affreux grands méchants loups avec qui il faut arrêter de travailler, mais la préconisation est assez radicale.

L’idée de donner 20 % des subventions à l’opposition me paraît, à l’heure actuelle, tout à fait séduisante puisque la quasi-totalité des grandes collectivités locales sont gérées à gauche. Les oppositions de droite se verraient ainsi en capacité de distribuer des subventions… Soyons sérieux ! Le peuple désigne une majorité pour gérer une collectivité ou l’État. Au nom de quoi, pour le seul secteur associatif, l’opposition aurait-elle un droit ? N’hésitez pas à préconiser une telle pratique également au plan national ! Donner à l’opposition le droit d’attribuer 20 % des subventions aux associations me paraît loufoque et totalement contradictoire avec la démocratie. Qu’est-ce donc sinon du clientélisme ?

Enfin, je souhaite lever un malentendu. Présenté comme une action d’engagement citoyen, le service civique, nous le savons tous, est plutôt un mode de recrutement pour des publics en difficulté. Il se confond avec d’autres types de dispositif d’aide à la jeunesse en difficulté par rapport auxquels il serait judicieux de clarifier sa destination.

Mme Isabelle Attard. Le soutien au sport pour tous est maintenu à l’euro près, ce qui est déjà une excellente nouvelle. Je pense qu’on pourrait l’augmenter encore, car pour chaque euro investi dans ce domaine, c’est plus du double, voire le triple, d’économisé sur le budget de la sécurité sociale. Le récent bilan des Jeux olympiques peut paraître satisfaisant du point de vue de la valeur d’exemple et de l’attrait que peut avoir le sport de haut niveau pour les jeunes, comme tous les sports télévisés d’ailleurs. Toutefois, c’est la masse qui doit faire plus de sport grâce aux subventions aux associations. C’est là un moyen de prévention contre les maladies cardiovasculaires et l’obésité qu’il nous faut renforcer, car il est porteur d’énormes économies. Il n’y a donc pas d’économie à faire sur le sport pour tous.

Selon Mme Marie-George Buffet, ce rapport met fin à l’hypocrisie. Continuons donc dans cette voie s’agissant du dopage. À cet égard, on vient d’apprendre que la banque néerlandaise Rabobank, le premier équivalent au crédit agricole du monde, avait décidé de ne plus sponsoriser une équipe du Tour de France. M. Guénhaël Huet en a peut-être assez qu’on mette toujours les mêmes sports en avant, mais ce sont ceux-là qui donnent une mauvaise image des autres sports. Peut-on imaginer que nous mettrons fin au fléau du dopage en frappant là où ça fait mal, c’est-à-dire sur les finances ? Si d’autres sponsors s’avisaient d’arrêter de subventionner des équipes de dopés, ce serait le début d’énormes avancées. Agir sur l’aspect économique a plus de chance de conduire au succès que de compter sur la bonne volonté des sportifs et les contrôles d’urines.

Mme Brigitte Bourguignon. En préambule, je souligne que ses préconisations n’engagent que le rapporteur pour avis et que nous devrons en discuter entre nous.

Qui dit cadre budgétaire contraint, dit choix politiques courageux. C’est ainsi que se caractérise ce budget, en plus d’être réaliste et transparent. Nous, quand nous parlons retraites, nous mettons l’argent en face, ce qui n’était pas le cas avant. Malheureusement, c’est sur nous que ce bilan retombe : désolée, nous sommes encore en 2012.

Ce budget soutient ce qu’on n’aurait jamais dû perdre de vue, c’est-à-dire la politique du sport pour le plus grand nombre, à travers de nombreux sujets : l’éducation, la santé, les infrastructures, la jeunesse. Pour restreint qu’il soit, la jeunesse y figure comme la priorité. Une priorité transversale d’ailleurs, puisque la ministre vient de réactiver le comité interministériel de la jeunesse, dont on parle peu. Pourtant, ce comité mobilisera d’autres moyens pour financer la politique de la jeunesse sous ses autres aspects, comme la santé et l’emploi. Les militants ou dirigeants associatifs que nous sommes pour la plupart ne peuvent que s’en féliciter.

En même temps qu’il a une vision pour les trois prochaines années, ce budget fait correspondre à la réalité du moment les objectifs que nous nous sommes fixés.

M. Frédéric Reiss. J’indique à Mme Isabelle Attard que l’expérimentation vient d’être lancée à Strasbourg de faire rembourser par la sécurité sociale la pratique du sport. Il sera intéressant de la suivre.

S’agissant des crédits, on a très peu dit que ceux du programme « Sport » étaient en nette diminution. Quant à ceux du programme « Jeunesse et vie associative », le rapporteur pour avis lui-même en a parlé comme d’une hausse qui peut prêter à confusion, et on a bien senti qu’ils suscitaient quelque gêne à travers les interventions des uns et des autres. Gouverner, c’est faire des choix. La jeunesse a été annoncée comme priorité, mais certaines mesures ont un goût amer et les choix opérés dans la mise en œuvre du système des vases communicants entre programmes et actions ne font pas l’unanimité.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez produit un rapport très fouillé, procédé a beaucoup d’auditions et rencontré nombre d’acteurs de la vie associative et d’intervenants auprès de la jeunesse. Cela dit, votre propos tourne quand même beaucoup autour des subventions, même si vous vous en défendez.

Je partage l’opinion que les maires ont conscience de l’importance de la vie associative. D’ailleurs, les conseils municipaux comptent beaucoup de représentants et de responsables associatifs qui jouent un rôle majeur. De ce fait, je ne comprends pas votre préconisation de donner davantage voix au chapitre à l’opposition : les subventions aux associations ne sont ni de droite ni de gauche, elles visent seulement à faire fonctionner la vie associative. En zone rurale, notamment, les communautés de communes ont pris ces questions à bras-le-corps. Même dans la ruralité profonde, aujourd’hui, il y a énormément d’associations, de réseaux d’animation intercommunale qui fonctionnent vraiment très bien.

Vous préconisez une politique de subventions plus juste et plus efficace, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce dont nos associations ont besoin, c’est de souplesse, de lisibilité, de programmes pluriannuels. Elles ont besoin qu’on les responsabilise, qu’on leur fasse confiance et qu’on les aide à former leurs bénévoles et leurs responsables associatifs qui œuvrent pour le plus grand bien de tous.

M. Régis Juanico, rapporteur spécial de la Commission des finances sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Ce que décrit le rapporteur pour avis de la vie associative est une réalité objective. C’est une situation de fragilité, qui a conduit au découragement de nombreux responsables bénévoles et que l’on doit à un désengagement financier de l’État sans précédent pendant cinq ans : moins 40 % pour les actions du programme « Jeunesse et vie associative » à périmètre constant. En regard, je prends comme un motif d’espoir le programme triennal qui réengage ces 40 % d’ici à 2015, même si, il ne faut pas se le cacher, l’essentiel de ces crédits ira à la montée en puissance du service civique. Cela dit, ce dispositif profitera au monde associatif grâce à l’exposition au virus de l’engagement et du bénévolat des jeunes qui effectueront des missions d’intérêt général dans une association durant neuf à douze mois. Je suis persuadé que la future évaluation du dispositif le fera apparaître comme un moyen de renforcer la vie associative.

Depuis deux ans, le nombre d’associations nouvelles est en baisse, tout comme celui des emplois associatifs – 20 000 emplois en moins en 2011. Le renforcement de la vie associative doit passer par la sécurisation et la simplification de l’environnement juridique et financier des associations. Ainsi, des chantiers sont ouverts avec l’allégement des procédures, le dossier unique de subvention. Si l’on a bien avancé du côté de l’État, les collectivités locales doivent aussi s’y mettre. Je sais que Mme la ministre a lancé un chantier pour harmoniser la contractualisation entre l’État, les collectivités et les associations.

La reconnaissance de la spécificité juridique des associations et de leur mission d’intérêt général est un autre sujet sur lequel il faut progresser, en tenant compte, d’ailleurs, de certaines directives européennes. De même, il faudra progresser en matière d’accès aux marchés publics et d’appels à projets.

Une idée force de ce budget pour 2013 est de favoriser l’emploi associatif à travers notamment les emplois d’avenir, dont 15 000 au minimum seront consacrés à la jeunesse et à la vie associative dès 2013. Un travail de stabilisation des règles relatives aux contrats aidés est en cours, qui vise à allonger les contrats plutôt que d’avoir une politique de stop and go tout au long de l’année. En 2012, 120 000 nouveaux contrats aidés ont été annoncés, car on sait qu’ils sont, pour beaucoup d’associations, le moyen de vivre, voire de survivre.

Je reviens sur les annonces faites la semaine dernière, en commission élargie, par Mme la ministre s’agissant du FONJEP. Non seulement les moyens humains mis au service de l’accompagnement de petites structures associatives sont préservés, à travers des financements de postes, mais le fonds va être amené à jouer un rôle de structuration de l’accompagnement des emplois d’avenir.

S’agissant de la reconnaissance de l’engagement associatif et du bénévolat, le service civique pourrait être une voie pour renouveler les générations de bénévoles responsables. Il faut aussi faire un peu plus pour la formation des bénévoles, dont les crédits sont préservés, à hauteur de 10 millions d’euros. Mme la ministre vient d’évoquer des pistes avec la validation des acquis de l’expérience pour les bénévoles ainsi que le contrat d’engagement bénévole pour les salariés du privé : ces chantiers concrets vont être mis en place au cours de l’année 2013.

Si l’on agit sur les trois leviers que sont la simplification, la reconnaissance de la spécificité des associations, l’emploi associatif et la reconnaissance du bénévolat, qui ne passe pas forcément par une gratification pécuniaire – car ce que souhaitent les bénévoles, c’est pratiquer leur activité sans contrainte et sans que l’administration leur mette des bâtons dans les roues –, nous réussirons à rétablir un environnement plus favorable au développement de la vie associative.

M. Jean-Pierre Giran. Personnellement, j’ai apprécié l’invitation du rapporteur pour avis à remettre les associations au cœur de la réflexion collective, cet espace intermédiaire ayant été évincé par les débats sur le rôle de l’État et sur celui de l’entreprise. Au-delà des recommandations et des aspects financiers qui peuvent prêter à discussion, la passion qui sous-tend ce rapport est indispensable pour réveiller la représentation nationale sur ce sujet essentiel, surtout dans la période que nous traversons.

Il est vrai que le débat est complexe. Les associations sont la meilleure ou la pire des choses. La meilleure, quand elles sont altruistes et animées par des bénévoles, et qu’elles nourrissent l’esprit républicain ; la pire, quand elles alimentent des rentes de situation et le clientélisme, que les 20 % proposés pour l’opposition visaient, me semble-t-il, à combattre. La distribution mécanique par les collectivités de subventions aux associations pour se garder une clientèle mérite également réflexion. Il faut plus de liberté pour plus de créativité et d’initiative, liberté d’autant plus importante quand les associations agissent en milieu défavorisé. Pour autant, les contrôles sont nécessaires parce que, s’agissant d’argent public, il faut éviter les dérives. Un équilibre doit donc être trouvé.

Comme nombre de mes collègues, je préfère les appels à projets à la reconduction mécanique de la subvention ou, à tout le moins, que les conventions pluriannuelles soient assorties d’un bilan. Les responsables souhaitent que leurs associations vieillissent en même temps qu’eux, voire soient éternelles, mais cela empêche, les budgets globaux étant limités, l’émergence de nouvelles associations plus créatives.

Un débat national ne serait-il pas nécessaire pour appréhender le statut de l’association dans la société française aujourd’hui ? Je vous remercie de nous inviter à participer à cette réflexion.

M. William Dumas. La mise en place, pour les bénévoles, d’une assurance en responsabilité civile à un coût abordable est-elle envisageable ? C’est une question qui m’est souvent posée, notamment par des associations sportives et de loisirs dont les bénévoles accompagnent ou transportent souvent des enfants. Du temps où elle était ministre, Mme Marie-George Buffet s’était intéressée au sujet sans parvenir à le faire aboutir, de même, crois-je savoir, que Mme Michèle Alliot-Marie. Je souhaite que l’on puisse reprendre ce dossier très important dont on ne parle pratiquement jamais.

Mme Sophie Dessus. À vous entendre, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez une très grande connaissance du monde associatif, dont vous nous avez parlé avec passion et conviction. Pour en être issue, tout comme vous, j’ai apprécié cela. Toutefois, vous semblez avoir une perception erronée du monde rural. Un article dans la presse, où vous expliquiez combien le monde rural pouvait être déprimant et terrible, m’avait déjà donné l’occasion de vous proposer une initiation au monde rural en Corrèze, puisque c’était le département que vous visiez. Or, une fois encore, vous venez de faire des jeunes ruraux un portrait sidérant. Je tiens à vous rassurer : non, ils ne sont ni oisifs, ni délinquants, ni drogués ; au pire, ils sont un peu éméchés lors des troisièmes mi-temps de rugby – pour cela, on n’a pas encore trouvé de solution.

La ville de 3 200 habitants dont je m’occupe compte plus de cinquante associations, c’est dire la force et la richesse du monde associatif. Élus et acteurs du monde associatif travaillent main dans la main. D’ailleurs, ayant acquis dans ce milieu l’esprit citoyen, la plupart des bénévoles acceptent, un jour ou l’autre, de devenir conseillers municipaux, élus du monde rural.

Ne créons pas de problème là où il n’y en a pas : il n’y a pas de problème entre droite et gauche. L’intérêt général guide les actions, conformément à l’enseignement de la merveilleuse école du monde associatif. En revanche, ce monde mérite, comme vous l’avez proposé, de la reconnaissance. Bien qu’elle soit un peu coûteuse, votre proposition, si elle était acceptée, aurait le mérite d’encourager et de rendre plus attractif le bénévolat dont le vivier diminue comme peau de chagrin.

J’ose une suggestion dont j’espère qu’elle ne va pas trop fâcher. Dans le monde associatif rural, la réserve parlementaire était essentielle et très attendue. Je comprends parfaitement qu’elle ne représente pas grand-chose en milieu urbain, mais en milieu rural, ces petites sommes sont très importantes pour le budget des petites associations. Dès lors, pourquoi ne pas envisager un transfert de la réserve bénéficiant au milieu urbain vers celle dévolue au milieu rural ? Je suis sûre que nos associations seraient preneuses.

M. le président Patrick Bloche. Je rassure – ou déçois – tout de suite Mme Sophie Dessus : les députés urbains soutiennent également beaucoup de petites associations qui ont besoin de beaucoup de petites subventions. La réserve parlementaire est utilisée à bon escient par chacune et chacun d’entre nous.

M. Hervé Féron.  La volonté de notre ministre de changer de cap et d’inverser la tendance est d’autant plus remarquable que l’héritage est lourd.

Ainsi, il n’est pas normal que les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » aient été absorbés par le service civique. Alors que celui-ci nous avait été présenté comme un effort supplémentaire en faveur des jeunes, il a en réalité été financé au détriment d’autres politiques. Ce sera différent désormais.

De même, le budget du CNDS est plombé, et pour longtemps, par le financement, à hauteur de 160 millions d’euros, de la construction et de la rénovation de stades pour l’Euro 2016, annoncé un beau matin par le Président de la République précédent sans même que la ministre alors en charge de ce secteur ait été prévenue.

Autre exemple, Mme Valérie Fourneyron a eu la surprise de constater, à son arrivée à la tête du ministère, qu’aucune dotation budgétaire n’avait été inscrite en loi de finances pour 2012 pour acquitter les primes dues aux médaillés des Jeux olympiques de Londres. Il a fallu bricoler une solution.

Quant aux fédérations d’éducation populaire, qui sont au cœur de ces politiques publiques, elles sont au bord du gouffre, après une décennie qui a vu leur dotation budgétaire fondre comme neige au soleil et leur budget devenir complètement illisible, du fait de l’entrecroisement de lignes budgétaires et des suppressions de postes FONJEP. Plus encore que de moyens, elles manquent cruellement de reconnaissance. Pourtant elles assurent une mission de formation, elles créent du lien, elles donnent du sens, elles organisent la réflexion, elles créent de l’emploi, elles participent à l’aménagement du territoire.

Dans ce triste contexte, ce budget permet de revenir à une politique publique ambitieuse, à la hauteur de ce qui est un grand enjeu de société.

Mme Colette Langlade. Vous avez déploré la baisse des financements en provenance des collectivités territoriales. Je suis convaincue que le tissu associatif constitue dans le monde rural un lien social et intergénérationnel essentiel. Je voudrais préciser cependant que le soutien au monde sportif n’est pas une compétence obligatoire du conseil général. En outre, ces dernières années, l’État s’est débarrassé d’un grand nombre de compétences sur les départements, qu’il s’agisse des TOS, de la voirie ou de l’action sociale, sans leur transférer les financements correspondants à l’euro près, ce qui a réduit d’autant les fonds susceptibles d’être attribués aux associations.

M. le rapporteur pour avis. Tout d’abord, je souhaite réitérer en un mot mon jugement sur les dotations de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2013. J’ai félicité Mme la ministre pour avoir réussi à préserver, en dépit des sacrifices qui ont été consentis par l’ensemble des ministères, les politiques sous sa responsabilité, dont l’enjeu est essentiel. C’est le cas du budget destiné à la vie associative, qui reste stable, après une baisse de 40 % les années précédentes.

Les propositions que je porte traduisent une véritable réflexion sur le milieu associatif. Si je les assume en tant que rapporteur pour avis, je suis tout à fait ouvert au débat, mon propos étant engagé sans être passionnel. Mon expérience du milieu associatif me donne de ce milieu une vision différente de celle qui est de mise d’ordinaire dans le débat politique, où il apparaît comme une aire de jeux où s’ébattent des gens bien gentils mais peu sérieux.

Je partage votre souci des deniers publics, mais il faut connaître d’expérience la réalité d’une association pour savoir qu’un contrôle de visu est beaucoup plus efficace, s’agissant d’une petite association, que la multiplication d’exigences comptables, qui impose le déploiement de toute une logistique, le recours à un expert-comptable, voire à un commissaire aux comptes. Le contrôle devrait se concentrer sur les entités dont les finances sont plus importantes.

Ma proposition relative à la Banque postale ne vise pas à assurer un monopole à cet établissement en mettant en cause la liberté des associations d’ouvrir un compte dans la banque de leur choix. En faisant transiter les subventions publiques aux associations par le seul réseau bancaire public couvrant l’ensemble du territoire, on ferait d’une pierre deux coups : on donnerait à la Banque postale des capacités d’investissement conformes à l’intérêt général tout en favorisant la naissance d’un service bancaire dédié au milieu associatif. En effet, les banques ordinaires n’ont pas vocation à assurer les besoins de financement de ce secteur, qui sont très spécifiques.

Ce n’est pas moi, qui ai beaucoup combattu les clichés sur la jeunesse des quartiers, qui vais me livrer à des généralités sur la jeunesse des campagnes : je pense au contraire que leur sort est lié. Je voulais simplement dire que le milieu associatif joue en milieu rural un rôle d’encadrement de la jeunesse qui est bien souvent plus important encore que dans les milieux urbains, et les symptômes que j’ai décrits, s’ils ne touchent pas l’ensemble de cette jeunesse, sont bel et bien réels.

Ma proposition de réserver 20 % du budget de subventionnement des associations à l’opposition municipale vise à garantir la place de l’opposition, quelle qu’elle soit. Je crois en effet que la démocratie n’est pas un modèle figé : c’est un perpétuel processus d’approfondissement. Tout ce qui peut assurer la participation des citoyens à la vie locale contribue à cet approfondissement de la démocratie. On n’écartera jamais tout risque de liens clientélistes avec le réseau associatif, du fait même qu’il s’agit de l’un des derniers maillages de la population. C’est la raison pour laquelle je prône l’organisation d’un débat national sur la vie associative : au-delà de la reconnaissance du service rendu par le milieu associatif, il permettrait une prise de conscience de ce que suppose le combat pour la République dans notre pays – et je pèse mes mots.

Les pouvoirs publics sont dépourvus de la souplesse, de l’ingéniosité et de la proximité qui permet au monde associatif d’assurer un maillage, un encadrement de la population et de lui dispenser toute la nourriture intellectuelle, politique et sociale dont elle a besoin. Il est de l’intérêt de tous les républicains, de tous ceux qui pensent que la population de notre pays doit partager un destin commun, de soutenir une telle démarche.

En attendant ce débat, j’invite la Commission à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2013.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

ANNEXE I :
LISTE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

I. – Engager les pouvoirs publics en faveur des associations

a) Développer et diversifier les ressources

1) Développer les subventions de fonctionnement des associations, dans la limite d’un montant annuel de 15 000 euros.

2) Maintenir et conforter les subventions attribuées aux associations nationales de plaidoyer.

3) Généraliser les conventions pluriannuelles d’objectifs, même pour les subventions inférieures à 23 000 euros, en modifiant au besoin l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et l’article 1er du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001.

4) Moduler le taux des réductions d’impôts liées aux dons aux associations par les particuliers, en le maintenant à 66 % pour les dons aux associations ayant un budget annuel inférieur à 100 000 euros et en l’abaissement à 33 % pour les dons aux associations à budget supérieur (article 200 du code général des impôts).

b) Prévoir des aménagements statutaires

5) Réfléchir, dans le cadre de la réforme annoncée pour 2013 en faveur de la modernisation de l’économie sociale et solidaire, à un nouveau statut (sorte de passerelle vers un statut d’entreprise sociale) pour les associations délégataires de service public, particulièrement celles qui interviennent dans le secteur sanitaire et social.

6) Faciliter la reconnaissance de l’utilité publique des petites associations, pour leur ouvrir plus largement les avantages y afférents en termes de legs et de donations.

7) Pour les marchés publics de plus d’1 million d’euros, insérer une condition de responsabilité sociale des soumissionnaires (limitation des contrats à durée déterminée ou précaires, lutte contre les horaires fragmentés, progression salariale, etc.).

8) Autoriser les associations sollicitant des subventions et présentant des budgets prévisionnels comportant des excédents « raisonnables », limités à 5 %, de rester éligibles aux subventionnements publics.

c) Revaloriser l’engagement bénévole

9) Reconnaître matériellement l’engagement bénévole par la prise en compte de trimestres de cotisation à l’assurance vieillesse, à l’instar de ce qui a récemment été prévu pour les sportifs de haut niveau, ou la prorogation de droits à l’assurance chômage, notamment.

10) Reconnaître symboliquement et collectivement l’engagement bénévole par la création d’une médaille du mérite associatif, décernée à l’occasion de la fête nationale et remise lors des forums associatifs municipaux, qui pourraient intervenir à l’occasion d’une semaine de la vie associative en septembre.

II. – Une politique de subvention plus juste et plus efficace

a) Faciliter le contact avec les administrations

11) Remplacer les délégués départementaux à la vie associative et les CRIB par des représentants associatifs élus pour 5 ans, dotés de moyens matériels par les conseils généraux afin d’accomplir une mission d’interface et de conseil individualisé aux associations.

12) Éditer un guide annuel, actualisé régulièrement, sur les possibilités de subventions.

b) Simplifier et alléger les contrôles

13) Supprimer les contrôles budgétaires et comptables a posteriori pour les subventions inférieures à 23 000 euros.

14) Privilégier, pour les subventions de faible montant, le suivi de la bonne tenue des projets subventionnés.

c) Améliorer la connaissance du monde associatif et de ses financements

15) Rendre plus intelligible et exploitable le contenu des annexes au projet de loi de finances (« jaunes budgétaires ») relatives à l’effort de l’État en faveur des associations, en aménageant à cet effet l’article 186 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

16) Créer, à l’Assemblée nationale, une délégation à la vie associative qui suivrait plus particulièrement l’effort consenti par les pouvoirs publics en faveur du monde associatif.

17) Susciter les recherches sur le sujet, en prévoyant une actualisation régulière de l’étude menée par l’INSEE ayant vocation à paraître en 2014 et en incitant certaines universités à créer un département d’études sur le secteur non marchand.

d) Moderniser la gouvernance du secteur

18) Prémunir les associations des aléas politiques, par une cogestion de leurs subventions municipales : 20 % du montant de celles-ci pourraient être attribués par l’opposition, au prorata de ses composantes représentées au conseil municipal.

19) Limiter à deux mandats consécutifs le nombre de mandats pouvant être exercés par les dirigeants des associations dont le budget annuel est supérieur à 1 million d’euros.

20) Encourager la mise en place d’une organisation représentative des associations (un « syndicat associatif »), capable de les appuyer dans leurs démarches concrètes – tout particulièrement la recherche de subventions et de financements publics nationaux et européens – et de relayer efficacement au plus haut niveau, notamment communautaire, leurs préoccupations, leurs besoins et la défense de leurs intérêts.

III. – Mettre les banques au service du secteur associatif

21) Prévoir le versement des financements publics accordés aux associations (subventions, marchés publics) sur un compte ouvert par elles auprès de la Banque postale, à capitaux publics.

22) En contrepartie de sa mission de centralisation des encours publics, imposer à la Banque postale l’obligation de fournir, à prix coûtant, des avances de trésorerie de type « Dailly associations » et des prêts à taux bonifiés (dans la limite d’un montant de 10 000 euros).

23) Interdire le recours aux cautions de type Sogama-Crédit associatif pour les investissements associatifs.

24) Supprimer les avantages fiscaux inhérents aux dons d’entreprises à des associations ou à des fondations (article 238 bis du code général des impôts), tout en incitant les acteurs de l’économie à privilégier le mécénat de compétences.

IV. – Revoir les modes de financement du service civique

25) Desserrer l’étau du financement du service civique par la création d’une taxe affectée à l’agence du service civique, qui pourrait être complétée à partir de 2016 par la taxe additionnelle sur les paris de la Française des Jeux arrivée à échéance avec l’achèvement de la construction et la modernisation des stades de l’Euro.

26) Susciter des financements privés (dons, donations, legs) à l’agence du service civique.

27) Rééquilibrer, entre les différents ministères, la charge budgétaire de la montée en puissance du dispositif, le service civique ne bénéficiant pas uniquement aux associations de jeunesse et d’éducation populaire.

ANNEXE II :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Amicale foot de Trie Château (AFTC) – M. Luc Esnault, président, et Mme Martine Brion, trésorière,

Ø Club de triathlon de Sainte-Geneviève-des-Bois – Mme Christine Geffroy, présidente,

Ø Agence du service civique – M. Martin Hirsch, président, et M. Jean-Benoît Dujol, directeur,

Ø Mme Viviane Tchernonog, chargée de recherche au CNRS, Paris I Panthéon-Sorbonne,

Ø Médecins sans frontières (MSF) – Dr Marie-Pierre Allié, présidente, et M. Xavier Audéon, adjoint au directeur général,

Ø Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – Direction des sports –M. Thierry Mosimann, directeur,

Ø Insertion, formation, éducation, prévention (IFEP) – Beauvais – M. Denis Flamant, administrateur représentant le président, M. Philippe Lalevée, directeur général, et M. Jaffer Sanini, directeur adjoint,

Ø Grignywood – M. Omar Forbes Dawson, membre fondateur,

Ø L’escale – Mme Marie-Thérèse Roussely, présidente, Mme Colette Jurville, trésorière, et Mme Solange Wotin, secrétaire,

Ø Association « Il était une fois » – M. Julien Lefort, président, et M. Dehays, vice-président,

Ø Groupe Crédit coopératif – M. Jean-Louis Bancel, président, et Mme Valérie Vitton, directrice des organismes et services d’intérêt général,

Ø Réseau Éducation sans frontières (RESF) de l’Oise – Association Solidarité migrants Oise – M. Francis Descroizette, trésorier, et Réseau Éducation sans frontières (RESF) de la Somme – M. Michel Ravailhe,

Ø Fédération nationale du Crédit agricole – M. Bertrand Corbeau, directeur général, M. Jean Philippe, directeur général de la Caisse régionale de Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, M. Xavier Malherbet, directeur des marchés et des offres à Crédit Agricole S.A., et M. Bertrand Schaefer, chargé des relations avec le Parlement à la Fédération nationale du Crédit Agricole,

Ø Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative – M. Yann Dyevre, directeur, Mme Sylvie Banoun, sous-directrice de la vie associative et de l’éducation populaire, et Mme Catherine Lapoix, sous-directrice des politiques de jeunesse,

Ø Le Home de l'Enfance – Association d’éducation populaire – M. Alain Guilloteau, président, et M. Bernard Beurdeley, directeur général,

Ø Centre national pour le développement du sport (CNDS) M. Julien Nizri, directeur général, Mme Martine Gustin-Fall, secrétaire générale, et Mme Francine Mary, directrice financière,

Ø Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) – Mme Irène Pequerul, présidente, et M. Benoit Mychak, délégué général,

Ø Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) –Mmes Bernadette Hetier, coprésidente, et Mme Marie-Annick Butez, trésorière,

Ø Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) Mme Brigitte Giraud, vice-présidente,

Ø Comité SOS Racisme de Reims – Mlle Tiguda Diaby, présidente,

Ø Fédération Léo LagrangeM. Yann Lasnier, secrétaire général, président du FONJEP,

Ø Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé) – M. Rémi Frentz, directeur général, et Mme Sylvie Durand-Trombetta, directrice générale ajointe par intérim, directrice de la mission de la synthèse territoriale et des partenariats institutionnels,

Ø Confédération nationale du Crédit mutuel – Mme Marie Christine Caffet, directrice du développement, Mme Martine Gendre, responsable des relations bancaires avec les OBNL, et M. Gérard Leseul, responsable des relations institutionnelles du groupe Crédit Mutuel,

Ø France Active M. Christian Sautter, président, et Mme Anne Florette, directrice générale.

© Assemblée nationale

1 () Bilan de la vie associative 2008-2010, Conseil national de la vie associative, documentation française, p. 87.

2 () « Les associations face à la conjoncture », recherche et solidarités, 2ème édition, juin 2012, p. 2.

3 () « Pour un partenariat renouvelé entre l’État et les associations », juin 2008, p. 9.

4 () La dernière a été rendue publique en 2006, après celles du même auteur de 1990 et 1999. La quatrième, effectuée en 2010, fait encore l’objet d’une exploitation.

5 () Stat-Info n° 07-04, novembre 2007 : « Le paysage associatif français ».

6 () CPCA, « Recherches et Solidarités » et « Repères sur les associations en France », mars 2012.

7 () « La France associative en mouvement », Recherches et Solidarités, 9e édition, octobre 2011.

8 () « Les associations face à la conjoncture », Recherches et Solidarités, 2e édition, juin 2012 ; « Repères sur les associations en France aujourd’hui », CPCA, mars 2012.

9 () « Le financement des associations : entre contraintes budgétaires et projets associatifs », propositions de CPCA et de France Active, 2011, p. 3.

10 () Règlement (UE) n° 360/2012 du 25 avril 2012 sur les aide de minimis aux SIEG, décision 2012/21/UE du 20 décembre 2011 relative aux compensations de service public octroyées aux SIEG et encadrement 2012/C8/03 applicable aux aides d’État non couvertes par la décision 2012/21/UE.

11 () Il convient de souligner que les avantages en nature (emplois aidés ou mise à disposition d’emplois publics, mise à disposition de locaux, notamment) relèvent du champ des subventions aux associations.

12 () Articles L. 2251-3, L. 2251-3-1, L. 2311-7 du code général des collectivités territoriales pour les communes, L. 2573-38 du même code pour la Polynésie française, L. 3231-3, L. 3231-3-1, L. 3312-7 pour les départements, L. 4253-5 et L. 4311-2 pour les régions et article L. 1611-4 du même code, relatif aux contrôles de ces subventions.

13 () « Connaissance des associations », rapport de Mme Edith Archambault et MM. Jérôme Accardo et Brahim Laouisset, Conseil national de l’information statistique, décembre 2010, p. 45.

14 () Op. cit., p. 8.

15 () Stat Info n° 07-04 : « Le paysage associatif français », novembre 2007.

16 () « Les associations entre mutations et crise économique : état des difficultés », Viviane Tchernonog et Jean-Pierre Vercamer, août 2012, p. 12.

17 () « La situation du bénévolat en France en 2010 », étude menée par France Bénévolat à partir d’une enquête de l’IFOP.

18 () « Associations, comment faites-vous face à la crise ? », CPCA et de France Active, septembre-novembre 2011.

19 () « La générosité des Français », 16ème édition, novembre 2011, Recherches et Solidarités, p. 16.

20 () « Combien coûte le financement Dailly ? », Xavier de Labarrière, ECL Direct, 24 août 2010.

21 () « La générosité des Français », Recherches et solidarité, 16ème édition, novembre 2011, p. 17.

22 () Regroupant 16 coordinations associatives nationales, représentant 700 à 800 fédérations et unions, elle revendique au total la représentation d’environ 500 000 à 600 000 associations.

23 () « Le mécénat d’entreprise en France », résultats de l’enquête Admical-CSA, 2012.

24 () Cf. compte rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/commissions_elargies/cr/C009.asp