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N° 3114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME I

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET
INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

PAR Mme Dominique ORLIAC,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 23).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2016 7

A. L’EXERCICE 2015 EST MARQUÉ PAR UNE TENSION CROISSANTE SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 7

1. Un budget systématiquement sous-doté 7

2. Un exercice 2015 marqué par une nouvelle insuffisance des crédits initiaux 8

B. LES RESSOURCES POUR 2016 SONT EN LÉGÈRE PROGRESSION 9

1. L’augmentation de la dotation budgétaire de l’action « Hébergement et logement adapté » est absorbée par des dépenses d’urgence difficilement maîtrisables 9

a. La veille sociale : un financement globalement stabilisé 10

b. Les structures d’hébergement d’urgence : une volonté de favoriser l’autonomisation contrariée par l’urgence sociale 11

c. Des dispositifs « passerelles » vers le logement renforcés 16

2. Les crédits des autres actions sont reconduits à un niveau comparable 19

a. L’action « Prévention de l’exclusion » 20

b. L’action « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale » 21

II. L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS, UNE OPPORTUNITÉ DE REPENSER LE PROGRAMME 177 23

A. LA POROSITÉ HISTORIQUE ENTRE LES PROGRAMMES 177 ET 303 PERSISTE 23

1. De forts mécanismes de substitution 24

2. Une réforme du droit d’asile contrastée 24

B. LA CRISE MIGRATOIRE AURA UN IMPACT IMPORTANT SUR LE PROGRAMME 177 25

1. L’augmentation des flux de réfugiés originaires de pays en guerre 25

2. Le programme 177 est mis à contribution par les mesures gouvernementales annoncées 26

a. Les mesures répondant à l’augmentation des flux migratoires depuis 2014 27

b. Les mesures répondant à l’annonce du dispositif européen de relocalisation des réfugiés 28

C. L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS, SANS PESER SUR LE PROGRAMME 177, PEUT CONSTITUER UNE OPPORTUNITÉ DE REPENSER L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET D’INSERTION 31

1. L’accueil des réfugiés ne dégrade pas la situation des bénéficiaires du programme 177 31

a. Un faible impact sur les effets de substitution des programmes 177 et 303 31

b. La mise en concurrence des publics français et réfugiés est au contraire évitée 32

2. L’accueil des réfugiés, une opportunité de repenser le programme 177 32

a. Une opportunité de rebaser les crédits du programme 177 32

b. Une opportunité de repenser l’organisation du programme 177 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 35

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 37

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le programme 177 change d’intitulé dans le projet de loi de finances pour 2016, devenant le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Ce changement traduit une volonté de recentrage du programme 177 sur les missions d’hébergement et d’accompagnement vers le logement dont il regroupe en effet une partie des crédits, en l’occurrence ceux dévolus aux personnes en situation de grande vulnérabilité, sans abris ou mal logées.

Les crédits de ce programme se déclinent sur trois actions :

– l’action 11, « Prévention de l’exclusion », rassemble les crédits alloués à l’accompagnement de publics spécifiques, parmi lesquels les personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap, ou encore les gens du voyage ;

– l’action 12, « Hébergement et logement adapté », regroupe les crédits finançant différentes structures d’hébergement, mais aussi diverses formes de logement adapté ;

– l’action 14, « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale », réunit les crédits dédiés à divers acteurs intervenant dans les domaines de la lutte contre l’exclusion et du maintien du lien social.

Ces crédits s’élèvent à 1,440 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 1,366 milliard d’euros en loi de finances initiale pour 2015, soit une hausse de 5,1 %.

Il existe une certaine tension entre les deux objectifs du programme, d’une part permettre aux personnes en situation d’exclusion de faire face à l’urgence, et d’autre part les accompagner dans le retour au logement, notamment vers le parc social. Bien qu’en constante augmentation, les ressources sont en effet principalement absorbées par l’hébergement d’urgence – dont les moyens financiers devraient augmenter de 15 % –, qui fait face à une demande accrue résultant de la conjonction de plusieurs facteurs : l’augmentation générale de la précarité à la suite de la crise économique de 2008, les besoins de prise en charge de familles avec enfants en bas âge, l’augmentation des flux migratoires, etc.

Bien que consciente à la fois de cette nécessité absolue de mise à l’abri des personnes vulnérables et du contexte budgétaire restreint auquel la puissance publique fait face, la rapporteure pour avis tient à souligner le caractère vain d’une telle dynamique : sans augmentation drastique du nombre de places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et en logement adapté, le parcours des personnes concernées vers le retour au logement ne peut se faire, et la demande d’hébergement d’urgence est vouée à s’accroître toujours plus. À cet égard, les nombreuses créations de places en logements adaptés induites par le plan de lutte contre la pauvreté et le plan de réduction du recours aux nuitées hôtelières sont les bienvenues.

La rapporteure pour avis, qui souhaitait à l’origine traiter les questions de santé en hébergement d’urgence, a finalement décidé de consacrer la partie thématique de son rapport à l’impact de l’accueil des réfugiés sur le programme 177. Alors que l’idée d’une concurrence des publics entre personnes sans abri de nationalité française et d’origine étrangère est régulièrement évoquée dans le débat public, ce développement montre que l’accueil des réfugiés ne se fera pas au détriment de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri. La rapporteure pour avis a pu s’en assurer elle-même en visitant un centre provisoire d’accueil de réfugiés. Le dynamisme déployé par les services de l’État et la société civile pourrait au contraire constituer l’opportunité de repenser l’organisation du programme 177 et les crédits qui y sont alloués.

La rapporteure pour avis tient néanmoins à souligner l’importance cruciale des questions de santé en hébergement d’urgence. Il s’agit en effet d’une problématique essentielle au regard de l’état de santé physique et psychique des personnes sans domicile : un tiers de ces personnes souffre de troubles psychiatriques sévères (1), et leur espérance de vie est estimée à 45 ans seulement (2) (contre 83 ans pour l’ensemble de la population). Bien que connue, cette réalité n’est pas suffisamment prise en compte et souffre du cloisonnement entre les secteurs médical et social. Les centres comprenant des structures médico-sociales, tels que celui que la rapporteure pour avis a visité à Ivry-sur-Seine, restent encore trop peu développés, alors même que les auditions des associations du secteur ont mis en lumière le caractère essentiel du suivi médical dans la réinsertion des personnes concernées.

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 POUR 2016

Le montant des crédits alloués au programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » continue de progresser, et atteint la somme de 1,44 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016.

A. L’EXERCICE 2015 EST MARQUÉ PAR UNE TENSION CROISSANTE SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177

Le programme 177 n’a pas connu d’évolution de périmètre majeure depuis le transfert de l’action 15 « Rapatriés » à la mission « Anciens combattants » en 2014. Il voit ses crédits progresser de 5,4 % dans ce projet de loi de finances, passant de 1,366 milliard d’euros en loi de finances initiale pour 2015 à 1,44 milliard d’euros.

Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, cette hausse constitue un effort certain. Elle s’inscrit dans la dynamique de lente progression des crédits enregistrée en loi de finances initiales pour 2015, après le « rebasage » des crédits intervenu dans la loi de finances initiales pour 2014. Les ressources du budget opérationnel de programme (BOP) 177 avaient alors été largement réévaluées (+ 9 %), dépassant le montant des dépenses effectivement constatées lors du dernier exercice connu, l’année 2012, pour la première fois depuis 10 ans.

Néanmoins, la rapporteure pour avis craint que cette augmentation des crédits alloués au programme 177 ne permette pas d’atteindre les objectifs de création de places annoncés par le Gouvernement – notamment celles du « Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » de janvier 2013, et celles du « Plan triennal de réduction du recours aux nuitées hôtelières » 2015-2017.

1. Un budget systématiquement sous-doté

La rapporteure pour avis, à l’instar de ses prédécesseurs, tient à souligner la sous-dotation chronique du programme 177 en loi de finances initiale, à l’exception notable de l’année 2014, comme le détaille le tableau ci-après.

Ainsi, les dotations du programme sont systématiquement abondées en cours et en fin d’exercice, généralement à l’approche de la période hivernale, pour faire face aux dépenses contraintes de mise à l’abri en centres d’hébergement d’urgence ou au moyen des nuitées hôtelières. La généralisation du recours à ces dernières provoque une forte augmentation des besoins financiers, en réponse à une demande toujours croissante et faute de mode alternatif de prise en charge des demandeurs d’asile déboutés : certaines de ces personnes, qui demeurent sur le territoire sans avoir le droit de travailler, sont hébergées dans des centres de droit commun financés sur le programme 177.

Ces dépenses contraintes se font souvent au détriment des dispositifs pérennes d’insertion de moyen et long terme qui, faute de sécurisation des financements, sont les structures qui pâtissent le plus de cette insuffisance de crédits initiaux. En 2015, par exemple, les responsables des budgets opérationnels régionaux de programme ont été autorisés à redéployer une partie des dotations versées aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale vers les dispositifs d’hébergement d’urgence et de veille sociale.

CRÉDITS DE PAIEMENT INITIAUX ET CRÉDITS EXÉCUTÉS DU PROGRAMME 177
(2008-2014)

(En millions d’euros)

Programme 177

Crédits de paiement

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Loi de finances initiale

994,55

1 118,78

1 101,74

1 204,17

1 206,25

1 223,0

1 315,84

Exécution (1)

1 241,51

1 295,23

1 285,15

1 260,80

1 300,70

1 414,6

1 469,42

Taux d’exécution (%)

124,83

115,77

116,65

104,70

107,83

115,82

111,67

(1) Hors dépenses de « primes de Noël » pour les personnes aux minima sociaux.

Source : rapports de performances.

Cette année encore, les associations auditionnées par la rapporteure pour avis ont dénoncé les effets pervers de cette situation, et notamment le manque de visibilité sur les crédits qui seront effectivement alloués pendant l’exercice. Celui-ci affecte, d’une part, les opérateurs du secteur qui ne peuvent pas s’engager sur des actions à long terme, mais également les services déconcentrés de l’État qui subissent des délégations de crédits fractionnées ou tardives et qui, par crainte de ne pas pouvoir faire face aux dépenses urgentes en période hivernale, retardent l’engagement effectif des crédits.

2. Un exercice 2015 marqué par une nouvelle insuffisance des crédits initiaux

Le montant des crédits effectivement consommés lors du dernier exercice connu (2014) s’élève à 1,469 milliard d’euros, contre 1,316 milliard d’euros prévus en loi de finances initiale. C’est donc à l’aune de ces crédits exécutés qu’il convient d’analyser les montants alloués à l’exercice en cours, et ceux qu’il est proposé d’adopter pour 2016.

Une enveloppe de 1,366 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de crédits de paiement a été votée pour l’exercice 2015, soit un calibrage intermédiaire entre la loi de finances initiale pour 2014 et son exécution. Néanmoins, bien qu’en augmentation sensible par rapport à la première (+ 3,7 %), ce montant reste bien en deçà des dépenses effectivement constatées.

La réserve de précaution a été limitée en 2015 à 40,9 millions d’euros, et porte principalement sur les dispositifs d’aide au logement temporaire (ALT) 1 et 2. Le programme a également bénéficié de près de 3 millions d’euros de reports de crédits entre 2014 et 2015 et, si l’on prend en compte l’ensemble des mouvements de crédits, les montants disponibles au 31 août 2015 s’élèvent à 1,370 milliard d’euros.

Compte tenu des fortes tensions constatées sur les dispositifs de l’hébergement d’urgence, et en particulier sur l’hébergement en hôtel (notamment du fait de la nécessité de reloger les personnes suites aux différentes évacuations de campements illicites en Île-de-France (3), la réserve de précaution de 40,9 millions d’euros a été levée en août.

Dans ce contexte, un décret d’avance de 130 millions d’euros devrait être pris avant la fin du mois d’octobre 2015, rehaussant l’enveloppe exécutée à 1,5 milliard d’euros – soit un montant plus élevé que les crédits exécutés en 2014.

B. LES RESSOURCES POUR 2016 SONT EN LÉGÈRE PROGRESSION

Les crédits prévus pour le programme 177 s’élèvent à 1,44 milliard d’euros en 2016, contre 1,366 milliard d’euros en loi de finances initiale pour 2015, soit une progression de 5,1 %.

1. L’augmentation de la dotation budgétaire de l’action « Hébergement et logement adapté » est absorbée par des dépenses d’urgence difficilement maîtrisables

L’action 12 « Hébergement et logement adapté » contribue à la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, et d’accompagnement individualisé vers l’autonomie par une insertion sociale durable : les crédits programmés sur cette action permettent de financer différentes structures d’hébergement, ainsi que de développer plusieurs formes de logement accompagné. Cette action concentre l’essentiel des crédits du programme 177 (95,1 % des crédits totaux).

Les crédits alloués à cette action devraient atteindre en 2016 la somme de 1,37 milliard d’euros, en hausse sensible de 6,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Ils restent néanmoins inférieurs aux crédits exécutés en 2014, qui s’élèvent à 1,387 milliard d’euros : comme à l’accoutumée, ces sommes ne seront probablement pas suffisantes pour couvrir les besoins constatés. En outre, la rapporteure pour avis craint qu’elles ne puissent satisfaire les ambitions affichées par le Gouvernement en termes de création de places, notamment dans le cadre du Plan triennal de réduction du recours aux nuitées hôtelières et du Plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale – l’impact de ce dernier sur le programme en 2016 ayant été évalué à 103 millions d’euros.

Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale

Répondant à un engagement du président de la République, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale est le fruit d’un travail de concertation approfondi avec l’ensemble des acteurs des politiques de solidarité (associations, services de l’État, personnes en situation de pauvreté, etc.) Son élaboration a mobilisé plus de vingt ministères.

Adopté à la suite d’un comité interministériel de lutte contre l’exclusion le 21 janvier 2013, il s’articule autour de trois axes :

1) réduire les inégalités et prévenir les ruptures ;

2) venir en aide et accompagner vers l’insertion ;

3) coordonner l’action sociale et valoriser ses acteurs.

Parmi le train de mesures adoptées, un certain nombre de dispositions du deuxième axe concerne directement l’offre de structures financées par le programme 177 :

– le renforcement des moyens des services intégrés d’accueil et d’orientation et des SAMU sociaux ;

– la création ou pérennisation de 5 000 places d’hébergement d’urgence dès 2013, dont un tiers réservées aux femmes (environ 1 600) ;

– le renforcement de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS) ;

– la création de 14 000 places d’intermédiation locative et en pensions de famille.

Le rapport de la mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) d’évaluation de la deuxième année de la mise en œuvre du plan, remis par M. Chérèque le 26 janvier 2015 (4), dresse un bilan de ces mesures :

– 7 000 places d’hébergement d’urgence ont été créées en 2013 : l’objectif de 5 000 places a donc été atteint et même dépassé, et ce dès la première année.

Néanmoins, un nouvel objectif a été fixé pour 2016, avec la pérennisation de 4 500 places d’hébergement d’urgence sur l’année, pour éviter la remise à la rue à la sortie de l’hiver et mettre fin à la gestion de l’hébergement au thermomètre.

– 7 630 places en logement adapté ont été créées, dont 1 500 en pensions de famille : 6 300 places nouvelles restent donc à créer.

Malgré la volonté plusieurs fois réaffirmée par le Gouvernement de privilégier les logements adaptés permettant une meilleure autonomisation des personnes concernées, cette augmentation est principalement absorbée par l’hébergement d’urgence, sur lequel pèsent l’augmentation générale de la précarité, les besoins de prise en charge de familles avec des enfants en bas âge et l’augmentation des flux migratoires.

a. La veille sociale : un financement globalement stabilisé

La veille sociale constitue le premier niveau de prise en charge des personnes sans abri ou mal logées : elle permet d’établir un premier contact avec elles, de leur proposer des aides matérielles, de connaître leur besoin d’hébergement et de leur proposer une solution adaptée.

Les crédits de la veille sociale sont alloués, d’une part, aux différentes structures de proximité telles que les services d’accueil et d’orientation (SAO), ou les équipes assurant le service du numéro vert « 115 » destiné aux personnes sans abri. Les SAMU sociaux et autres équipes mobiles jouent également un rôle primordial en effectuant des « maraudes » à la rencontre des personnes les plus exclues, afin d’établir un premier contact et de leur proposer une orientation. On compte également les accueils de jour, qui proposent un premier accueil et diverses aides matérielles (douche, vestiaire, restauration), offrant ainsi aux personnes concernées autant de services indispensables – notamment à celles qui, bien que sans domicile, exercent un emploi salarié.

Ces crédits financent, d’autre part, les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), plateformes départementales centralisées qui coordonnent l’action des opérateurs du secteur afin de mieux accueillir, orienter et proposer une solution d’hébergement aux personnes sans domicile. Mis en place en 2010, ce dispositif est monté en puissance et exige un financement croissant. Si son utilité globale est reconnue par l’ensemble des associations entendues par la rapporteure pour avis, certaines relèvent un problème récurrent, lié à la fois aux services intégrés d’accueil et d’orientation et aux acteurs du secteur. En effet, il arrive parfois aux SIAO de ne pas respecter les spécificités de certaines structures, par exemple des centres d’hébergement d’urgence réservés aux femmes ou aux familles ; d’autre part, certaines structures d’hébergement ne jouent pas le jeu, refusant les personnes envoyées par les SIAO.

Les crédits alloués à la veille sociale en 2016 s’élèvent à 90 millions d’euros, en hausse de près de 2,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette légère croissance permettra de faire face à l’augmentation des flux et à la prise en charge et l’orientation de publics spécifiques (femmes avec enfants et personnes à droits administratifs incomplets). Elle permettra, en outre, de poursuivre la consolidation des services intégrés d’accueil et d’orientation, ainsi que la convergence vers une organisation commune à l’ensemble des départements sous la forme d’un SIAO unique intégrant le 115.

b. Les structures d’hébergement d’urgence : une volonté de favoriser l’autonomisation contrariée par l’urgence sociale

Les crédits alloués aux structures d’hébergement d’urgence, qui devraient s’élever à 1,076 milliard d’euros en 2016, représentent 74,7 % du budget du programme 177. Le montant des crédits exécutés en 2014, de 1,098 milliard d’euros, témoigne du poids important des dépenses contraintes dans le financement de ce type d’hébergement.

Ces crédits financent les structures d’hébergement suivantes :

– des centres d’hébergement d’urgence (CHU), structures accueillant les personnes et les familles sans abri pour des séjours de courte durée, fonctionnant essentiellement la nuit ;

– des places d’hébergement de stabilisation et d’insertion, ouvertes jour et nuit, pour des durées plus longues et avec un accompagnement plus développé visant à l’autonomisation du public accueilli ;

– des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui accueillent et hébergent des personnes en grande difficulté, et proposent un accompagnement social renforcé permettant l’autonomisation et l’insertion sociale et professionnelle des personnes concernées ;

– des nuitées d’hôtel, à défaut de places disponibles en CHU et en CHRS ;

– et des places exceptionnelles, pour faire aux situations telles que le grand froid.

Le tableau ci-dessous décrit l’évolution des places d’hébergement financées par le programme 177 entre 2010 et 2014.

PLACES FINANCÉES EN STRUCTURES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE (2010-2014)

Années

CHU

Hôtels

CHRS

2010

18 593

13 948

39 525

2011

19 766

16 235

39 346

2012

22 091

20 727

39 142

2013

28 692

25 496

39 145

2014

30 537

32 300

40 960

Source : Projet annuel de performances pour 2016.

Si le nombre de places en CHRS a légèrement augmenté cette année, la tendance sur cinq ans est stable au regard de l’explosion du recours aux CHU, en augmentation de près de 12 000 places sur la même période. Le phénomène est encore plus marqué pour les nuitées hôtelières dont le nombre a plus que doublé. Ainsi, la progression du nombre de places, qui ne concerne pas les CHRS, permet de répondre à l’urgence et de faire face à des situations de plus en plus complexes. Le coût moyen de l’hébergement en CHRS est de 15 570 euros par an et par place, contre 8 760 euros en CHU et 6 240 en hôtel.

L’hébergement d’urgence : des dépenses en forte croissance pour répondre à l’urgence sociale

Le parc d’hébergement d’urgence permet d’accueillir inconditionnellement les personnes sans domicile dans le respect de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles, selon lequel « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».

Malgré la hausse substantielle des capacités d’accueil depuis 2010, le parc d’hébergement d’urgence subit une forte pression. Il doit tout d’abord faire face à des situations nouvelles, comme des besoins de prise en charge de familles avec des enfants en bas âge exigeant une adaptation du dispositif. En outre, il est également impacté par l’augmentation des flux migratoires (5), avec une forte augmentation des publics à situations administratives complexes (demandeurs de titre de séjour, personnes déboutées du droit d’asile). Enfin, dans un contexte économique dégradé, les besoins d’hébergement sont également accrus du fait du niveau des loyers dans le parc privé et du nombre d’expulsions locatives, des phénomènes anciens qui continuent de s’accroître.

C’est pour cette raison que ce budget présente une augmentation substantielle des crédits de l’hébergement d’urgence de près de 15 %, atteignant 440 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016. Cette progression tient compte, en outre, de deux facteurs :

– il s’agit, en premier lieu, de la pérennisation en 2016 de 2 000 places d’hébergement d’urgence ouvertes durant l’hiver 2014-2015, dans la continuité du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013 (comme le montre l’encadré ci-après). Ce plan, qui prévoyait notamment la création ou la pérennisation de 5 000 places d’hébergement d’urgence, a vu cet objectif atteint et même dépassé dès la première année, 7 000 places ayant été créées dès 2013 ;

– cette augmentation découle, en second lieu, du plan triennal 2015-2017 de réduction du recours aux nuitées hôtelières de février 2015, avec notamment l’ouverture prévue d’ici la fin de l’année 2016 de près de 1 700 places supplémentaires en CHU pour des familles (correspondant à l’objectif des deux premières années du plan).

Le plan triennal de réduction du recours aux nuitées hôtelières 2015-2017

L’un des visages de la crise du logement et de l’hébergement est le recours aux nuitées hôtelières, qui a fortement augmenté au cours des dernières années au détriment de modes d’hébergement plus pérennes : le nombre de places en hôtel financées a quasiment doublé, passant de 13 948 en 2010 à 32 300 en 2014. En juin 2015, les nuitées hôtelières représentaient 77 % des capacités d’hébergement d’urgence en Île-de-France : cette mobilisation de places en hôtel arrive aujourd’hui à saturation.

Cette situation n’est pas satisfaisante, car l’hébergement en hôtel ne permet pas une bonne insertion des personnes vers le logement ; elle doit rester une solution d’urgence, ponctuelle et limitée, par exemple en cas d’éloignement du domicile d’une personne victime de violences. Cependant, certaines personnes sont parfois contraintes, faute de dispositifs alternatifs en nombre suffisant, d’y vivre plusieurs années dans des conditions parfois indignes et sans accompagnement social.

Afin d’en finir avec l’hébergement durable à l’hôtel, le Gouvernement a engagé en février 2015 un plan triennal qui vise à limiter le recours à l’hôtel par des solutions d’hébergement alternatives, mais aussi à favoriser l’accès plus rapide au logement adapté et au logement de droit commun. Cet objectif a été salué par l’ensemble des associations auditionnées par la rapporteure pour avis. Ce plan a pour objectif, d’ici 2017, de :

1. Créer 13 000 places en dispositifs alternatifs sur trois ans, en réorientant les crédits destinés à financer de nouvelles nuitées hôtelières :

– 9 000 places en intermédiation locative ;

– 1 500 places en logement adapté, notamment en maisons relais ou en pensions de familles ;

– et 2 500 places d’hébergement d’urgence dans des centres dédiés aux familles, ou dans des logements sociaux vacants.

Les 66 millions d’euros nécessaires à la création de ces places seront dégagés des crédits de 10 000 nuitées sur trois ans : au vu de la tendance actuelle, les nuitées augmenteraient de 6 000 places par an.

2. Proposer des hébergements alternatifs aux 6 000 demandeurs d’asile actuellement hébergés à l’hôtel.

38,7 millions d’euros seront réorientés sur trois ans afin d’accomplir cet objectif.

3. Renforcer l’accompagnement social des personnes actuellement hébergées à l’hôtel.

Au total, l’État mobilisera donc un budget de 105 millions d’euros sur trois ans afin de mettre en œuvre ce plan.

Cette progression dynamique des dépenses d’hébergement d’urgence, due à leur nature difficilement maîtrisable, contraste avec l’évolution modérée des dépenses de CHRS : à titre d’exemple, les premières ont connu une hausse de 165 millions d’euros depuis 2012 (de 275 millions en loi de finances pour 2013 à 440 millions dans le présent projet de loi), alors que les dernières n’ont progressé « que » de 26,3 millions, passant dans le même temps de 610 millions à 636,3 millions. Il convient cependant de souligner que malgré cela, les crédits alloués à l’hébergement d’urgence restent inférieurs aux montants exécutés en 2014 (475 millions d’euros).

Les organisations auditionnées par la rapporteure pour avis soulignent l’importance de l’accompagnement social et de l’insertion des personnes accueillies : des structures proposant un suivi poussé, telles que le centre Jean Rostand, à Ivry-sur-Seine, sont encore trop peu nombreuses.

Le centre Jean Rostand

Ce centre géré par le Samu Social de Paris, qui occupe les locaux de l’ancien hôpital Jean Rostand à Ivry-sur-Seine, regroupe plusieurs structures en un seul lieu que la rapporteure pour avis a pu visiter :

– un centre d’hébergement d’urgence pour femmes de 52 places. Ouvert 24 heures sur 24, ce centre accueille des femmes pour une durée moyenne d’hébergement de 33,2 nuits, proposant des consultations sociales et médicales. La majorité des demandes sont d’ordre administratif, car la plupart d’entre elles sont des migrantes entravées dans leurs démarches par des problèmes de régularisation de leur séjour en France ;

– un centre d’hébergement d’urgence hivernal pour familles de 50 places, réparties en 17 chambres. Ce centre permet aux familles d’être mises à l’abri, en théorie pour une durée relativement courte, avant une orientation vers un autre type de structures (hôtel ou centre d’hébergement d’urgence) ;

– 33 lits halte soins santé (LHSS), structures médico-sociales hébergeant à temps complet des personnes sans domicile présentant une pathologie aiguë. La prise en charge, qui vise à améliorer l’état général du patient, est effectuée par une équipe médicale et soignante composée d’un médecin référent, d’infirmières et d’aides-soignantes. À cette prise en charge médicale s’ajoute une prise en charge sociale, grâce au travail d’une assistante sociale, et une attention globale portée par des personnels non spécialisés tels que des animateurs ;

– 24 lits d’accueil médicalisés (LAM), structures médico-sociales destinées à la prise en charge de toute personne à la rue présentant des pathologies lourdes de pronostic sombre la privant d’autonomie, la plupart orientée directement par les LHSS. Ces structures disposent d’une équipe similaire à celle des LHSS.

Ce type de structures, qui créent un lien entre les domaines sanitaire et social, répond à des besoins très importants : leur développement doit constituer une priorité de la politique de lutte contre l’exclusion.

Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) : un financement stabilisé

Établissements sociaux au sens de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, les CHRS sont les structures offrant aux personnes victimes d’exclusion les meilleures chances d’atteindre l’autonomie. Ils assurent quatre missions, même si tous n’assurent pas nécessairement l’ensemble de celles-ci :

– l’accueil des personnes, notamment en urgence ;

– l’hébergement sous diverses formes, y compris des formes de logement diffus dans le parc privé, ou encore des logements individuels en résidences sociales ;

– l’accompagnement social ;

– l’adaptation à la vie active, et l’insertion sociale et professionnelle.

Fonctionnant sur admission, ils proposent un véritable encadrement des personnes permettant de les accompagner vers une situation sociale plus stable et un logement.

Ces établissements sont financés au moyen d’une dotation globale de fonctionnement qui leur est versée, et une part croissante d’entre eux développe une contractualisation avec l’État au moyen des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).

Les crédits qui devraient être consacrés aux CHRS en 2016 sont stables par rapport à ceux de 2015, à hauteur de 636 millions d’euros. Ce chiffre, il convient de le souligner, est plus élevé que celui de l’exécution 2014 (623 millions d’euros). Cette stabilité s’explique en premier lieu par la contractualisation croissante, au moyen des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). En outre, le Gouvernement a entrepris de mettre sous statut d’établissement social (dit « statut CHRS ») des places d’hébergement d’urgence précédemment financées par subvention : cette démarche permet d’accroître la régulation des dépenses, et donc de stabiliser les crédits alloués aux CHRS. Ainsi, 2 893 places d’hébergement ont été mises sous statut d’établissement social depuis 2013, et les crédits alloués aux CHRS pour 2016 pourront être majorés, le cas échéant, afin d’y inclure de nouvelles places.

Enfin, il est à noter que la question d’un statut unique est régulièrement posée par les opérateurs du secteur, qui dénoncent, au-delà du manque de lisibilité des multiples structures, la segmentation de l’hébergement d’urgence et l’hétérogénéité de la qualité de l’intervention sociale. Afin d’étudier cette idée, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (6) (ALUR) demandait au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur les conditions et modalités de mise en œuvre d’un tel statut, avant le 31 décembre 2014. À ce jour, ce rapport n’a pas encore été remis ; un groupe de travail rassemblant les administrations centrales, les services déconcentrés et les associations du secteur a néanmoins été constitué.

c. Des dispositifs « passerelles » vers le logement renforcés

Les dispositifs « passerelles » vers le logement, ou logements adaptés, sont mis à disposition des personnes n’étant pas en situation d’occuper un logement ordinaire, mais dont la situation nécessite néanmoins une solution alternative à l’hébergement. Ils sont, en théorie, la dernière étape du parcours de réinsertion des personnes en situation d’exclusion, avant le retour à un logement de droit commun. En pratique, ce parcours idéal rencontre cependant des difficultés : en amont, où le nombre et la situation administrative des demandeurs sont de plus en plus difficiles à gérer, et en aval, où les bailleurs peinent toujours plus à offrir des solutions de logement pérenne aux publics fragiles.

Les crédits alloués à ces différentes formes de logement adapté s’élèvent à 203 millions d’euros, en hausse de 4,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette augmentation doit permettre de financer les 7 000 places du plan de réduction du recours aux nuitées hôtelières, correspondant aux objectifs des années 2015-2016 concernant la création de places additionnelles en pensions de famille, maisons relais et intermédiation locative. Elle doit également continuer à financer les différentes créations de places du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, notamment les places d’intermédiation locatives restant à créer.

Les crédits exécutés en 2014 s’élèvent à 179 millions d’euros, en deçà de la loi de finances initiale (209 millions d’euros). Contrairement à l’hébergement d’urgence, et de la même façon que pour les CHRS, cette différence met en évidence un problème de sous-évaluation qui est la conséquence des transferts de crédits vers l’hébergement d’urgence.

L’intermédiation locative

L’intermédiation locative est un dispositif permettant à des ménages défavorisés, qui ne peuvent se loger dans le parc privé, de louer un logement à un tarif « social » inférieur au prix du marché. La location se fait par l’intermédiaire d’associations ou d’organismes de logement social, qui contractent le bail et sous-louent ensuite le logement aux personnes concernées. En Île-de-France et dans d’autres régions telles que les Pays de la Loire, le dispositif « Solibail » constitue la déclinaison territoriale de l’intermédiation locative ; dans les autres départements, c’est le dispositif « Louez solidaire ».

Le financement public du dispositif couvre ainsi le différentiel entre le loyer social et le prix du marché, les charges de fonctionnement des opérateurs (prospection, prise à bail, gestion sociale, équipement des logements, etc.) et l’accompagnement social des ménages concernés, qui ont vocation à occuper un logement autonome à court terme. Au 31 décembre 2014, 8 404 logements représentant 21 617 places ont bénéficié du dispositif d’intermédiation locative.

L’enveloppe prévue pour l’intermédiation locative dans le projet de loi de finances s’élève à 65 millions d’euros, en hausse de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse tient compte des différents objectifs de création de places d’intermédiation locative fixés par les différents plans gouvernementaux : 6 000 places doivent en effet être créées en 2016 dans le cadre du plan de réduction du recours aux nuitées hôtelières, et 1 000 places doivent l’être dans le cadre du plan « Répondre au défi des migrations – Respecter les droits, faire respecter le droit » (7). Enfin, une partie des 6 300 places en logement accompagné restant à créer dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale le seront en intermédiation locative. La rapporteure pour avis émet néanmoins quelques doutes sur la possibilité d’atteindre ces objectifs sans que des crédits supplémentaires soient débloqués.

L’expérimentation « Un chez soi d’abord », qui constitue une déclinaison spécifique de l’intermédiation locative, est perçue de façon très positive par l’ensemble associations du secteur.

L’expérimentation « Un chez soi d’abord »

Inspirée des opérations « Housing first » menées aux États-Unis et au Canada à partir des années 1990, l’expérimentation « Un chez soi d’abord » est menée en France depuis 2011.

Elle vise à permettre à des personnes sans abri souffrant de troubles psychiques sévères (schizophrénie, troubles bipolaires, addictions) d’accéder à un logement et de s’y maintenir. Les résidents bénéficient également d’un accompagnement social et médical adapté pour faciliter leur accès aux droits et à des soins efficients.

L’expérimentation « Un chez soi d’abord » est menée dans quatre villes, Paris, Toulouse, Marseille et Lille, sous la forme de baux glissants contractés par les associations via le dispositif d’intermédiation locative, avec l’objectif que les résidents reprennent le bail au bout de deux ans.

D’après les auditions menées par la rapporteure pour avis, les résultats sont globalement positifs : les bénéficiaires se maintiennent dans leurs logements, utilisent moins les services d’urgences hospitalières et reprennent contact avec les équipes de soins.

Les maisons relais et pensions de famille

Les maisons relais et les pensions de famille sont des structures de petite taille – une vingtaine de logements – combinant logements particuliers et espaces collectifs. Elles sont destinées à accueillir des personnes en forte exclusion pour une durée indéterminée, et permettent de favoriser l’autonomisation tout en offrant la présence d’un hôte chargé d’assurer une présence et d’accompagner les locataires sur le plan social. Au 31 décembre 2014, 14 038 places étaient ouvertes via ce dispositif.

Les crédits du programme 177 ne subventionnent que marginalement ces structures, contrairement aux centres d’hébergement d’urgence qu’ils financent presque exclusivement : ils rémunèrent l’hôte, ou le couple d’hôtes, pour un montant maximal de 16 euros par jour et par place.

Les crédits alloués aux maisons relais et pensions de familles devraient être de 86 millions d’euros en 2016, soit une augmentation de plus de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette progression significative prend notamment en compte les effets du plan de résorption des nuitées hôtelières, qui prévoit fin 2016 la création de 1 000 places supplémentaires (1 500 fin 2017) : ces crédits devraient suffire, car ce poste est nettement sous-consommé depuis plusieurs années (77 millions d’euros exécutés en 2014, contre 80 millions d’euros en loi de finances initiale). La rapporteure pour avis suggère que ces crédits soient utilisés pour actualiser le plafond de 16 euros et en faire un minimum garanti, les opérateurs du secteur estimant qu’en deçà de ce niveau, la sécurité financière des pensions de famille n’est pas assurée.

L’aide à la gestion locative des résidences sociales (AGLS)

Les crédits de l’aide à la gestion locative (AGLS) sont alloués aux gestionnaires de résidences sociales, qu’elles soient nouvelles ou issues de la transformation des foyers de jeunes travailleurs (FJT) ou des foyers de travailleurs migrants (FTM), qui accueillent des publics très divers (personnes isolées, jeunes en insertion professionnelle, travailleurs migrants, etc.). Il s’agit d’une aide partielle, conditionnée à la mise en place d’un projet social apportant des réponses adaptées (retour à l’autonomie, accompagnement dans le parcours résidentiel, aide à l’accès au logement, etc.).

Les aides, calculées selon un barème prenant en compte le nombre de logements de la structure, sont comprises entre 12 200 euros et 25 000 euros. Le montant des crédits alloués à l’AGLS dans le projet de loi de finances pour 2016 s’élève à 15 millions d’euros, en augmentation de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 et dans la continuité du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Cette enveloppe permettra la poursuite des actions de transformation de FJT et de FTM, afin de favoriser les sorties des dispositifs d’hébergement jusqu’au logement ordinaire.

Au 31 décembre 2014, 1 012 résidences sociales offraient 111 548 places, auxquelles s’ajoutent 62 520 places en foyer ayant vocation à être transformées à moyen terme en résidence sociale.

L’aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées (ALT 1)

Ces aides sont destinées aux organismes logeant temporairement des personnes défavorisées ne pouvant être hébergées en CHRS afin de couvrir, au moins partiellement, le loyer et les charges.

Il s’agit d’aides forfaitaires, fixées selon un barème déterminé par la taille du logement et sa localisation. Les crédits dans le projet de loi de finances pour 2016 atteignent 37,3 millions d’euros, un montant stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, et seront complétés par des financements de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ils permettront de maintenir le parc conventionné, de 39 865 places au 31 décembre 2014.

2. Les crédits des autres actions sont reconduits à un niveau comparable

Les deux autres actions, « Prévention de l’exclusion » et « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale », représentent à elles deux 4,9 % des crédits du programme 177.

a. L’action « Prévention de l’exclusion »

Les crédits de l’action 11 financent, d’une part, des prestations d’aide sociale à destination des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap et, d’autre part, des actions diverses à destination des gens du voyage. Ils devraient s’élever en 2016 à 60,5 millions (soit 4,2 % des crédits du programme), un montant en légère augmentation par rapport à 2015, soit une augmentation de 2,1 %.

Les allocations et prestations d’aide sociale versées aux personnes âgées et handicapées

Il s’agit, pour l’essentiel, de la prise en charge de frais de séjour en établissement d’hébergement de personnes âgées sans domiciles, une mission assurée par l’État à titre dérogatoire à la compétence d’aide sociale exercée par les départements (8). Les bénéficiaires de cette aide sont les personnes dont la domiciliation de secours n’est pas dans le département où elles se trouvent, celles dont la présence sur le territoire résulte de circonstances exceptionnelles qui ne leur ont pas permis de choisir librement leur lieu de résidence, et enfin celles pour lesquelles aucun domicile fixe n’a pu être déterminé. Sont également financées certaines prestations d’aide-ménagère, de frais de repas et d’allocation personnalisée d’autonomie.

Ces crédits financent par ailleurs deux autres allocations individuelles relevant de l’aide sociale et permettant de prévenir des situations de rupture : l’allocation différentielle pour personne handicapée (en extinction depuis la mise en place de l’allocation pour adulte handicapé) et l’allocation simple d’aide à domicile pour les personnes âgées, versée à des personnes n’ayant pas droit à une pension ou à un avantage de retraite.

40 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances, un montant stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Ce montant permet de tenir compte de la réalité des dépenses constatées, qui se caractérisent à la fois par la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires toutes prestations confondues (hormis ceux de l’allocation simple, en progression), et par une augmentation du coût des frais d’hébergement.

Les actions de prévention et d’accès aux droits à destination des gens du voyage

Ces crédits financent diverses actions destinées aux gens du voyage : accès aux droits, information, aide à l’insertion et prévention de l’exclusion.

Ils recouvrent pour l’essentiel la participation au financement des aires d’accueil des gens du voyage, en partenariat avec la branche famille de la sécurité sociale, via une aide au logement temporaire (dite « ALT 2 ») servie aux gestionnaires des aires. Le fonctionnement de ce dispositif, qui a fortement crû dans les années récentes parallèlement au développement des aires d’accueil, a été réformé en 2015 (9): l’aide forfaitaire a été transformée en aide modulable, déterminée en fonction du niveau d’occupation de l’aire afin d’inciter les gestionnaires à renforcer leur attractivité. Compte tenu du taux moyen d’occupation des aires (55 %), l’enveloppe prévue pour couvrir le montant des dépenses à la charge de l’État, conformément aux nouvelles modalités, s’élève à 17,8 millions d’euros en 2016 (en hausse de plus de 8 % par rapport à 2015).

En outre, ces crédits permettent également de verser des subventions aux associations « têtes de réseaux » œuvrant dans le secteur social de proximité. Les subventions de l’année 2015 seraient reconduites à hauteur de 2,7 millions d’euros, afin de préserver la continuité des actions concernées.

b. L’action « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale »

Les crédits de l’action 14, « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale », financent divers acteurs intervenant dans la lutte contre l’exclusion. La diversité et la complémentarité de ces acteurs constituent la spécificité de l’approche française dans la lutte contre la précarité et l’exclusion : leur mobilisation est donc un enjeu majeur de cette politique. Ils suivent les orientations de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), responsable du programme, qui les définit en concertation avec eux et avec d’autres organismes tels que le comité interministériel de lutte contre l’exclusion.

Ces crédits devraient s’élever en 2016 à 10,2 millions d’euros (soit 0,7 % des crédits du programme), en forte baisse par rapport aux 15,9 millions d’euros alloués en loi de finances initiale pour 2015 (– 36 %). Cette diminution s’explique par le transfert budgétaire de 3,8 millions d’euros dédiés au Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) vers le programme 163, « Jeunesse et vie associative », porté par le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports. Ce transfert est justifié par la mise en place d’un pilotage financier unifié pour le FONJEP, et par le recentrage du programme 177 sur les missions d’hébergement et d’accompagnement vers le logement.

● Un montant de 0,2 million d’euros est prévu au titre d’une dotation « contentieux » pour le paiement de frais de justice ou de condamnations en lien avec les actions du programme.

● Les crédits dédiés aux actions de pilotage et d’animation du secteur de l’hébergement et de l’inclusion sociale, qui devraient s’élever à 9,6 millions d’euros, sont destinés à accompagner le changement et la modernisation du secteur.

Trois millions sont consacrés aux actions dites d’« ingénierie », c’est-à-dire d’animation, d’expérimentation, d’évaluation d’impact des politiques publiques menées et d’élaboration d’outils de gouvernance : la nécessité d’une action publique efficace appelle en effet un suivi quantitatif et qualitatif des dispositifs de lutte contre l’exclusion. Ces crédits permettront en particulier de poursuivre le déploiement des outils informatiques permettant de conduire la réforme du secteur de l’hébergement et de l’inclusion sociale, notamment les systèmes d’information des services intégrés d’accueil et d’orientation (SI-SIAO) et de l’étude nationale des coûts (SI-ENC). En outre, ils continueront de financer l’expérimentation « Un chez soi d’abord », qui doit faire l’objet d’une évaluation approfondie avant d’être éventuellement généralisée à l’ensemble du territoire.

D’autres crédits devraient permettre de soutenir les associations « têtes de réseau » intervenant dans le domaine de la lutte contre les exclusions et du maintien du lien social, à hauteur de 6,6 millions d’euros. Plus de quarante associations sont ainsi subventionnées, dont plus de la moitié dans le cadre d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens (CPOM). Ce nombre est en recul, traduisant un relatif désengagement de l’État : à titre de comparaison, 61 associations avaient été subventionnées en 2012.

● L’action devrait financer, en outre, les fédérations locales des centres sociaux à hauteur de 0,4 million d’euros. Il s’agit d’accompagner la démarche de développement de ces centres et d’amélioration de la qualité de leur projet social (appui au diagnostic, aide méthodologique, etc.). Quinze régions bénéficient de ces crédits.

II. L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS, UNE OPPORTUNITÉ DE REPENSER LE PROGRAMME 177

En conséquence de l’intensification de la crise migratoire européenne et de la montée en puissance des questionnements relatifs à la « concurrence des publics » dans le débat politique, la rapporteure pour avis a souhaité consacrer la partie thématique de son avis budgétaire à l’impact de la crise migratoire sur le programme 177. Ce développement a pour but de mettre en lumière les implications concrètes des mesures annoncées par le Gouvernement, en réponse à cette crise, sur l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Ce travail lui donne par ailleurs l’occasion de faire le point sur la porosité de longue date entre les programmes 177 et 303 (« Immigration, asile et intégration »). Enfin, il permettra d’esquisser une réflexion sur la façon dont l’accueil des migrants pourrait être l’opportunité de repenser l’organisation du programme 177 et des crédits qui y sont alloués.

A. LA POROSITÉ HISTORIQUE ENTRE LES PROGRAMMES 177 ET 303 PERSISTE

En théorie, l’hébergement dédié aux demandeurs d’asile et l’hébergement d’urgence de droit commun (centres d’hébergement d’urgence, CHRS et nuitées hôtelières) sont distincts, tant sur le plan administratif que sur le plan financier. Ces deux dispositifs sont en effet financés par deux budgets différents : le programme 177 pour le premier, qui relève du ministère du Logement, et le programme 303, « Immigration, asile et intégration » pour le second, qui relève du ministère de l’Intérieur.

En effet, les personnes immigrant en France sont censées suivre un parcours précis, dont chacune des phases est financée par l’un ou l’autre des budgets précités :

– Lorsqu’elles arrivent en France et qu’elles n’ont pas encore effectué de demande de régularisation, elles sont en tout premier recours hébergées dans les structures du dispositif de droit commun du programme 177, au titre de l’article L. 345-2-2 précité du code de l’action sociale et des familles ;

– Une fois leur demande d’asile déposée, et en l’attente d’une décision, elles sont prises en charge par les structures d’hébergement du programme 303. Centralisées au sein du dispositif national d’accueil (DNA), il s’agit des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), mais aussi de l’hébergement d’urgence dédié aux demandeurs d’asile (HUDA) – qui comporte notamment des places en dispositif « Accueil Temporaire Service de l’Asile » (ATSA) ou encore des nuitées hôtelières ;

– Enfin, une fois la demande d’asile accordée, et si leur situation sociale l’exige, ces personnes peuvent être redirigées vers les structures d’hébergement d’urgence de droit commun.

1. De forts mécanismes de substitution

En réalité, il existe d’importants mécanismes de substitution de l’hébergement d’urgence de droit commun à l’hébergement dédié aux demandeurs d’asile : de facto, ces structures sont fortement liées et accueillent, sur le terrain, des publics similaires. On observe ainsi une forte fongibilité financière entre les programmes 177 et 303, une situation qui a été soulignée à de nombreuses occasions (10).

En premier lieu, la forte croissance des demandes d’asile et le nombre insuffisant de places d’hébergement qui leur sont dédiées provoquent un véritable effet de « débord » sur l’hébergement d’urgence de droit commun. Ainsi, des personnes demandeuses d’asile, en attente d’une place en CADA, peuvent par exemple continuer à être hébergées dans un centre d’hébergement relevant du programme 177 ; d’autres personnes peuvent y être hébergées si elles se trouvent en situation de détresse avérée. On estime ainsi que les demandeurs d’asile représentent 3 % du nombre de personnes accueillies en nuitées hôtelières.

En second lieu, la réponse administrative apportée à certaines personnes « déboutées » du droit d’asile accentue cette porosité. En conséquence de délais de traitement extrêmement longs des demandes d’asile, parfois de plusieurs années, le système français permet le maintien sur le territoire national de personnes dont la reconduite à la frontière est complexe car leur situation a évolué (enfants scolarisés, personnes malades, etc.). Néanmoins ces personnes, par définition en situation irrégulière, ne peuvent ni accéder à un logement social, ni travailler ; elles sont ainsi vouées à demeurer dans une situation de précarité, et « basculent » de l’hébergement réservé aux demandeurs d’asile à l’hébergement d’urgence. Bien qu’il n’existe pas de chiffres sur la part des personnes déboutées de leur demande d’asile et demeurant sur le territoire national, il semble que cette proportion soit importante, et que ce système fasse peser une charge importante sur l’hébergement d’urgence.

Au total, on estime ainsi que les demandeurs d’asile au sens large
– demandeurs et déboutés – constitueraient jusqu’à 50 % des personnes hébergées en centres d’hébergement d’urgence et en CHRS (
11).

2. Une réforme du droit d’asile contrastée

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile (12) devait produire des effets contrastés sur l’hébergement d’urgence de droit commun.

En premier lieu, le Gouvernement a adopté une attitude volontariste vis-à-vis de la réduction des délais d’enregistrement et d’instruction des demandes d’asile : la loi fixe un objectif de délai de traitement moyen des dossiers de 9 mois, contre deux années auparavant. Cette mesure devrait produire deux effets sur l’hébergement d’urgence. À court terme, elle devrait conduire à une accélération immédiate du traitement des demandes d’asile, et donc à un afflux supplémentaire de personnes déboutées sur l’hébergement d’urgence de droit commun. Néanmoins à moyen terme, la réduction des délais devrait limiter le développement de situations complexes empêchant les reconduites à la frontière, et le nombre de déboutés demeurant sur le territoire national devrait se réduire, diminuant ainsi la pression sur l’hébergement d’urgence.

Autre mesure notable, la loi favorise l’orientation des demandeurs d’asile vers des centres d’hébergement répartis sur l’ensemble du territoire national, en conditionnant le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) à l’acceptation de la solution d’hébergement proposée à ces personnes. Cette disposition, qui devrait favoriser une répartition des demandeurs d’asile plus judicieuse et donc desserrer l’étau sur l’hébergement d’urgence, pourrait également provoquer l’effet contraire, en conduisant certains demandeurs d’asile à refuser cette allocation – et ainsi à être hébergés en hébergement d’urgence, toujours au titre de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles.

Enfin, la réforme du droit d’asile prévoit qu’en cas d’absence de place en hébergement financée par le programme 303, les personnes demandeuses d’asile seront orientées vers le dispositif de droit commun, ce qui viendra renforcer les mécanismes de substitution évoqués précédemment.

B. LA CRISE MIGRATOIRE AURA UN IMPACT IMPORTANT SUR LE PROGRAMME 177

Depuis 2014, L’Union européenne fait face au défi d’une forte hausse des flux migratoires, une situation qui s’est intensifiée à l’été 2015 : 710 000 migrants sont entrés en Europe de janvier à septembre 2015, contre 282 000 entrées enregistrées en 2014 (13). Plusieurs milliers de personnes débarquent chaque mois sur les côtes européennes, dont une partie arrive de pays en guerre tels que la Syrie, l’Érythrée ou encore l’Irak.

1. L’augmentation des flux de réfugiés originaires de pays en guerre

En France, 65 000 demandes d’asile ont été déposées en 2015, un chiffre stable par rapport à 2014 (14). Cependant, 14 500 d’entre elles ont été accordées, soit une augmentation de 27,7 % par rapport à 2013 : cette progression témoigne de l’impact de la crise actuelle. Si les données ne sont pas encore disponibles pour 2015, plusieurs éléments laissent présager une forte hausse des demandes d’asile pour l’année en cours, ainsi que pour les années 2016 et 2017 :

– 6 700 arrivées supplémentaires ont été actées au mois de mai, en addition aux flux habituellement constatés ;

– le 7 septembre dernier, le président de la République a annoncé que la France accueillerait 24 000 nouveaux demandeurs d’asile sur une période deux ans, de fin 2015 à fin 2017, conformément au plan européen de « relocalisation » des migrants. Pour le moment, environ 600 personnes en provenance d’Allemagne ont d’ores et déjà été accueillies.

Le dispositif européen de relocalisation, voté le 22 septembre dernier par les ministres européens de l’intérieur, prévoit la répartition de 120 000 migrants dans les différents pays de l’Union européenne. Cette relocalisation se fera en deux temps : en premier lieu celle de 66 000 migrants actuellement présents en Grèce et en Italie, et, en second lieu, celle des 54 000 migrants restants. La répartition des migrants se fait sur une base obligatoire, au moyen d’une clé de répartition qui se base notamment sur le PIB du pays récipiendaire et sur le nombre de réfugiés qu’il a déjà accueillis.

C’est donc en accord avec ces critères que 30 000 demandeurs d’asile supplémentaires seront pris en charge par l’État entre 2015 et 2017, soit entre 1 200 et 1 300 arrivées par mois. Ces personnes devraient en premier lieu être hébergées, au sein des pays dans lesquels ils se trouvent, dans des « hot spots » qui auront deux fonctions : identifier les véritables réfugiés au sein des migrants avant de les relocaliser dans d’autres États membres en fonction des quotas prédéterminés et, parallèlement, distinguer les migrants économiques illégaux et accélérer leur retour vers leurs pays d’origine.

Par ailleurs, il convient de souligner que cette intensification des flux migratoires a conduit à la multiplication des campements à Paris et à Calais, ainsi qu’à la croissance du nombre de personnes y vivant. À Calais, les chiffres varient entre 3 000 et 3 500 migrants répartis entre plusieurs campements, originaires notamment d’Afrique de l’Est, d’Afghanistan et de Syrie. À Paris, il s’agit de personnes en grande majorité isolées, de nationalités diverses (dont des Syriens et des Irakiens), et dont la répartition dans les différents campements évolue rapidement (La Chapelle, la halle Pajol, la gare d’Austerlitz, la mairie du 18e arrondissement, le lycée Jean Quarré, etc.).

2. Le programme 177 est mis à contribution par les mesures gouvernementales annoncées

Le Gouvernement a annoncé, au cours de l’année 2015, un train de mesures répondant, d’une part, à l’augmentation des flux migratoires constatée depuis 2014 et, d’autre part, à l’annonce du dispositif européen de relocalisation des réfugiés. Parmi ces annonces, de nombreuses mesures mettent à contribution le programme 177.

a. Les mesures répondant à l’augmentation des flux migratoires depuis 2014

Le plan « Répondre au défi des migrations »

Répondant à l’afflux de migrants constaté en mai 2015, le Gouvernement a présenté, le 17 juin dernier, un plan intitulé « Répondre au défi des migrations
– Respecter les droits, faire respecter le droit ». Plusieurs mesures relatives à l’hébergement y sont prévues, devant aboutir à la création de 11 000 places d’hébergement supplémentaires visant spécifiquement ce public, et réparties entre divers types de structures :

– 4 000 places supplémentaires d’hébergement des demandeurs d’asile de type ATSA devraient être créées, d’ici 2016, financées sur le programme 303 ;

– 500 places supplémentaires en centre provisoire d’hébergement d’ici la fin de l’année 2015, financées sur le programme 303 devraient être financées. Ces places sont à destination de réfugiés ou de bénéficiaires d’une protection subsidiaire, vulnérables ou en difficulté d’insertion ;

– 5 000 places destinées à favoriser l’accès au logement autonome des personnes réfugiées ou bénéficiaires d’une protection subsidiaire d’ici 2017 seraient créées, réparties comme suit :

o 3 000 places en logements sociaux vacants, situés en zones détendues (notamment via le dispositif ALT 1) ;

o 1 000 places en logements du secteur privé via l’intermédiation locative ;

o 1 000 places en résidence sociale.

Ces logements sont pris en charge par le programme 177, à l’exception d’une part des résidences sociales dont la réalisation s’appuiera, pour ce qui est de l’investissement, sur la mobilisation du programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

– 1 500 places d’hébergement d’urgence seraient créées, d’ici fin 2015, destinées à renforcer la capacité de l’hébergement d’urgence pour l’accueil du public vivant dans les campements, notamment de la capitale ou à Calais. Ces créations, qui se feront via la mobilisation du foncier public, seront financées sur le programme 177.

Ces places transitoires sont destinées à mettre à l’abri les migrants arrivants sur le territoire, le temps qu’il soit procédé à une évaluation de leur situation et de leur projet par les équipes mobiles spécialisées de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ; celle-ci aboutira soit vers le dispositif national d’accueil (DNA) s’ils engagent une demande d’asile en France, soit vers un processus de retour ou d’éloignement.

On constate ici, cette fois encore, une certaine porosité entre les programmes 177 et 303, notamment car les places à destination de migrants ayant obtenu l’asile sont financées par le programme 303.

La mise à l’abri des personnes évacuées des campements parisiens

La direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) de l’Île-de-France gère en région francilienne deux dispositifs d’hébergement des migrants, « Migrants 1 » et « Migrants 2 », financés sur le programme 177.

Le plan « Migrants 1 » correspond à la mise à l’abri des personnes évacuées des campements parisiens depuis le mois de juin 2015 : celui de La Chapelle en juin, de la halle Pajol en juillet, de la gare Austerlitz et de la mairie du 18e arrondissement en septembre, etc.

Plus de 2 200 personnes se sont vues proposer une solution d’hébergement dans le cadre de l’évacuation de ces campements :

– 355 personnes ont été orientées vers le dispositif national d’accueil (DNA), bien que celui-ci peine à répondre aux besoins en raison de la situation à Calais ;

– 313 personnes sont parties volontairement ;

– plusieurs dizaines de personnes ont obtenu le statut de réfugiés ;

– et 1 500 personnes sont à ce jour hébergées dans les centres « Migrants 1 ».

Le dispositif « Migrants 1 » prévoit 35 centres, mobilisés pour l’occasion, dans lesquels ces personnes sont logées et où l’OFII intervient afin de leur permettre d’effectuer une démarche de demande d’asile, et à terme d’être orientées vers le DNA. La durée de la prise en charge dans ces centres est d’un mois, au terme duquel la prise en charge peut être renouvelée.

b. Les mesures répondant à l’annonce du dispositif européen de relocalisation des réfugiés

À la suite de l’annonce de l’accueil de 24 000 demandeurs d’asile additionnels de 2015 à 2017, un plan d’action global a été conçu et mis en place par l’État afin de préparer l’arrivée de ces personnes dans les meilleures conditions.

Le tout premier accueil des réfugiés

Le plan « Migrants 2 », géré par la DRIHL, correspond au premier accueil des migrants arrivés en Europe par les Balkans, et identifiés à Munich par l’OFII et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

À ce jour, un peu plus de 600 personnes ont été accueillies, sur un objectif initial immédiat de 1 000 en provenance d’Allemagne ; il s’agit donc des premières personnes parmi les 24 000 devant être accueillies au titre de l’engagement de la France auprès de l’Union européenne. Ces personnes sont en effet accueillies en premier lieu en région Ile-de-France, même si ce dispositif est voué à évoluer vers une répartition plus équilibrée sur le territoire dans les deux années à venir.

Il s’agit de personnes, familles ou isolées, en grande majorité de nationalité syrienne ou irakienne, ayant fui la guerre. Grâce à leur identification par les services de l’OFII et de l’OFPRA, ces migrants bénéficient d’une dérogation aux procédures du droit d’asile que n’ont pas celles relevant du plan « Migrants 1 » : cette dérogation consiste en une forte accélération du délai moyen de traitement des demandes d’asile, qui devrait atteindre deux mois seulement. En outre, la part de ces demandeurs qui se verront accorder l’asile, sous la forme du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, est estimée à plus de 90 % (contre un taux de 26 % pour l’ensemble des demandeurs d’asile).

Ces réfugiés sont hébergés dans sept centres différents, dont ce n’est pas la fonction originelle et mobilisés ad hoc, qui ont été équipés à cet effet en deux semaines par les associations du secteur. La rapporteure pour avis tient à saluer l’engagement de ces associations, parmi lesquelles Emmaüs Solidarité et Aurore, qui ont effectué un travail d’une grande qualité.

Le centre Kellerman

Le centre international de séjour de Paris Kellerman est une auberge de jeunesse dont le gestionnaire, la Ligue de l’enseignement, a accepté de mettre à disposition des réfugiés un tiers des capacités d’accueil, soit 120 lits.

Sur proposition de la rapporteure pour avis, une visite y a été organisée en présence de Mme Brocas, préfète et secrétaire générale de la préfecture de la région Île-de-France ; M. Chpilevsky, directeur de l’unité territoriale 75 de la direction régionale de l’insertion, de l’hébergement et du logement et M. Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarité.

En échangeant avec les réfugiés qui y sont accueillis, elle a pu constater l’ampleur et la qualité du travail qui y est mené : alimentation, accès aux soins, aides aux démarches administratives, apprentissage du français, etc.

Le dispositif de répartition des réfugiés sur le territoire national

Une fois leur statut de réfugié obtenu, ces personnes devraient rapidement être orientées vers une solution d’hébergement, de logement accompagné ou de logement ordinaire, dans des zones « détendues » où la pression immobilière est moins forte – c’est-à-dire hors de l’Île-de-France.

Une circulaire a été envoyée aux préfets le 12 septembre 2015 afin de mobiliser, à cet effet, l’ensemble du territoire ; les maires ont également été réunis par le Premier ministre à la même date. L’objectif est de mettre à profit les initiatives locales émanant des collectivités territoriales, des organismes publics et privés – en particulier des associations gestionnaires de structures – ainsi que de la société civile.

Ainsi au niveau local, des coordonnateurs départementaux ont été nommés afin de mettre en réseau ces initiatives ; au niveau national, M. Kléber Arhoul, nommé préfet coordonnateur, assure le lien entre ces initiatives et l’action des services de l’État.

Au-delà de cette nécessité de coordination, nombreux sont les défis à relever afin d’assurer la pleine intégration des réfugiés concernés dans la société française : apprentissage du français, éducation des enfants, prise en charge santé, ouverture des droits, etc. L’un d’entre eux, particulièrement lié à la question du logement, fait l’objet d’une attention soutenue : il s’agit de l’emploi, avec lequel il est nécessaire de mettre en adéquation la répartition des réfugiés.

En effet, il ressort des auditions menées par la rapporteure pour avis que les personnes accueillies présentent des profils professionnels extrêmement différents de ceux des demandeurs d’asile « traditionnels » : il s’agit de personnes qui, dans leur pays, exerçaient des professions correspondant à des niveaux de qualification variés, parfois élevés. Il semble donc logique que celles-ci vivent dans des zones leur offrant une opportunité de retrouver un emploi correspondant à leurs qualifications, ce qui élimine de facto un certain nombre de territoires.

Il a été fait part à la rapporteure pour avis pour avis d’un projet francilien intéressant, qui associerait les services de l’État et le mouvement des entreprises de France (Medef) (15). Ce dernier effectuerait un bilan de compétences des réfugiés par rapport aux normes françaises ; le Medef pourrait également, le cas échéant, mettre en relation les réfugiés avec des entreprises cherchant à recruter dans les secteurs concernés.

C. L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS, SANS PESER SUR LE PROGRAMME 177, PEUT CONSTITUER UNE OPPORTUNITÉ DE REPENSER L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET D’INSERTION

1. L’accueil des réfugiés ne dégrade pas la situation des bénéficiaires du programme 177

L’idée d’une concurrence des publics entre personnes sans abri de nationalité française et d’origine étrangère est régulièrement évoquée, voire exploitée, dans le débat public. Il ressort tant des auditions que de la mise en place des différents plans gouvernementaux qu’elle ne correspond pas à la réalité. En outre, l’accueil des réfugiés n’aura qu’un faible impact sur les effets de substitution des programmes 177 et 303 décrits ci-dessus.

a. Un faible impact sur les effets de substitution des programmes 177 et 303

Ces arrivées ne devraient accentuer que de façon limitée les effets de substitution du fait de trois éléments.

Le premier résulte des dérogations aux procédures du droit d’asile dont bénéficient les réfugiés, et notamment de la très forte réduction du délai moyen de traitement des dossiers (2 mois). Celle-ci permettra de ne pas peser trop fortement sur l’hébergement des demandeurs d’asile, limitant l’engorgement d’un système qui subit déjà une forte pression.

Le second élément est lié à la nature des demandeurs d’asile pris en charge : originaires de pays en guerre, l’obtention du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire pour leur très grande majorité fait que seul un nombre limité d’entre eux seront déboutés du droit d’asile.

Enfin, comme cela a déjà été mentionné ci-dessus, les personnes accueillies présentent des profils extrêmement différents de ceux des demandeurs d’asile habituellement pris en charge en France : il s’agit de personnes plus éduquées, assez aisées et venant de classes sociales moyennes sinon hautes, un constat qui ne peut qu’être confirmé par le coût des voyages qu’ils ont entrepris depuis leur pays d’origine.

Ainsi, lorsqu’ils auront acquis le statut de réfugié et comme le prévoit le plan mis en place par le Gouvernement, ces personnes ont vocation à apprendre le français, à trouver un emploi dans des délais rapides et ainsi à être rapidement orientées vers une solution d’hébergement, de logement accompagné ou de logement ordinaire, sans nécessairement bénéficier d’un hébergement d’urgence financé par le programme 177.

b. La mise en concurrence des publics français et réfugiés est au contraire évitée

En opposition à toute concurrence des publics, le plan « Répondre au défi des migrations » impulse au contraire une expansion du parc de logement financé sur le programme 177, notamment avec la création de 5 000 places supplémentaires en logement adapté et 1 500 places en hébergement d’urgence. La seule mesure impliquant une porosité entre les programmes 303 et 177 se fait au bénéfice de ce dernier : il s’agit de la création de 500 places en centres provisoires d’hébergement, destinées à des migrants réfugiés ou bénéficiant de la protection subsidiaire, mais pourtant financées sur le programme 303 et non sur le programme 177.

Il est à noter que les 42 centres franciliens équipés en conséquence des plans « Migrants 1 » et « Migrants 2 » sont des hébergements de diverses natures. Certains d’entre eux ont vocation à perdurer, comme le monastère des Orantes à Bonnelles qui devrait devenir par la suite un lieu pour personnes en réinsertion professionnelle. D’autres, mobilisés ad hoc, devront être « rendus » : c’est le cas, par exemple, de la base de loisirs de Cergy-Pontoise ou encore des bâtiments gérés par la Ligue de l’enseignement, tels que le centre Kellerman.

Enfin, des places exceptionnelles, ouvertes au cours de la période hivernale 2014-2015, ont été mobilisées au printemps dernier afin de faire face à l’afflux de réfugiés : il est primordial de faire de la reconstitution de ces capacités une priorité, afin de prévenir tout risque de concurrence des publics. À ce sujet, les associations auditionnées par la rapporteure pour avis ont été rassurées par l’ampleur de la campagne hivernale annoncée par le Gouvernement, qui a prévu l’ouverture de 2 500 places supplémentaires, quand 2 200 places avaient été mobilisées l’année passée.

Il apparaît ainsi à la rapporteure pour avis que le risque de mise en concurrence des publics français et étrangers est évité, même si celle-ci sera attentive à l’évolution de la situation.

2. L’accueil des réfugiés, une opportunité de repenser le programme 177

a. Une opportunité de rebaser les crédits du programme 177

Afin de financer l’afflux de réfugiés sur deux ans, près de 600 millions d’euros supplémentaires seront débloqués : 279 millions d’euros supplémentaires sont prévus en 2016, et 334 millions en 2017. La répartition de cette enveloppe entre programme 177 et 303 n’est pas encore arbitrée.

En outre, une hausse de 250 millions d’euros des crédits dédiés à l’hébergement d’urgence et à la veille sociale entre septembre 2015 et 2016 est prévue, dont 130 millions d’euros débloqués sous forme d’un décret d’avance examiné en commission des finances le 15 octobre dernier.

Ce décret d’avance devrait donc ouvrir 130 millions d’euros au titre de l’hébergement d’urgence et de la veille sociale, répartis comme suit :

– 13 millions d’euros pour les mesures du plan Répondre aux défis des migrations financées sur le programme 177, c’est-à-dire :

o les 5 000 places en logement accompagné (mesure 3) : 6 millions d’euros ;

o les 1 500 places d’hébergement d’urgence (mesure 4) : 7 millions d’euros ;

– 62 millions d’euros pour les moyens mobilisés à Calais et en région parisienne.

Le reste des crédits permettra de mettre fin au redéploiement interne temporaire des crédits, qui avait notamment conduit à reverser une partie des dotations des CHRS aux dispositifs d’urgence et de veille sociale : 11 millions seront donc alloués au logement adapté, et 44 millions aux CHRS.

Ces financements additionnels, s’ils étaient pérennisés, pourraient permettre de réévaluer les crédits alloués au programme 177 sur la base des crédits exécutés, et ainsi d’éviter les effets pervers induits par la sous-dotation récurrente des crédits mentionnée supra.

b. Une opportunité de repenser l’organisation du programme 177

La rapporteure pour avis estime que l’élan de solidarité et le dynamisme déployé par la société civile et les services de l’État dans l’accueil des réfugiés originaires de pays en guerre pourraient constituer de réelles sources d’inspiration pour les différents acteurs du programme 177. Deux éléments ont attiré, à cet égard, son attention.

Le premier est le dispositif, élaboré par les services de l’État, de répartition des réfugiés sur le territoire national. Selon les dernières données disponibles de l’INSEE (juillet 2013), 141 500 personnes étaient sans domicile en France au début de l’année 2012. Bien qu’il n’existe pas de carte de la population sans domicile, la répartition par région des places d’hébergement permet d’avoir une idée de la concentration géographique du phénomène : les places d’hébergement en Île-de-France constituent 37,1 % du total national (16). Étant donné la forte inflation immobilière existant en région francilienne, cette concentration éloigne les publics concernés de l’accès au logement. Dans cette optique, le mécanisme de relocalisation des réfugiés vers des zones détendues, c’est-à-dire hors Île-de-France, pourrait être reproduit afin de favoriser l’accès au logement des bénéficiaires de l’hébergement d’urgence sur le reste du territoire national.

En second lieu, l’attention portée à l’adéquation entre les lieux de relocalisation des réfugiés sur le territoire et les bassins d’emploi pourrait également être adaptée à certains publics bénéficiant de l’hébergement d’urgence. En effet, on observe depuis plusieurs années une mutation profonde des publics sans domicile (rajeunissement, féminisation, etc.), avec une augmentation de la part de personnes percevant une rémunération provenant d’un emploi, mais durement touchées par la précarité : elle est estimée à 20 % (17). La rapporteure pour avis estime que l’idée de faire bénéficier ces personnes d’un mécanisme liant logement et emploi, tel qu’il est imaginé pour les réfugiés, mériterait d’être étudiée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION :

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, le mercredi 28 octobre 2015, de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité (18), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2016 du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Égalité des territoires et logement » sur le rapport de Mme Dominique Orliac.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je constate que nous ne sommes saisis d’aucun amendement. Nous allons donc procéder immédiatement au vote sur les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », la rapporteure ayant donné un avis favorable à leur adoption.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS)M. Florent Gueguen, directeur général, et M. François Bregou, responsable du service Stratégie et analyse des politiques publiques

Ø Emmaüs solidarité  M. Marc Prévot, président, et M. Bruno Morel, directeur général

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) (*) M. Claude Chaudières, administrateur, Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique pôle Lutte contre les exclusions, et M. Ronald Maire, conseiller technique Organisation territoriale – politiques sanitaires et sociales

Ø Association des cités du Secours catholique (ACSC) – M. Jean-Louis Loirat, président, M. Dominique Maniere, directeur général par intérim, et Mme Catherine Baldacci, responsable du pôle Santé

Ø Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO) – M. Gilles Desrumaux, délégué général, M. Djamel Cheridi, responsable produit habitat et hébergement de Coallia, et M. Jacques Thureau, directeur de l’unité territoriale Coallia de l’Aisne

Ø Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées – M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel

Ø Centre d’action sociale de la ville de Paris – Mme Florence Pouyol, directrice générale, et M. Cédric Heranval-Mallet, sous-directeur de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion

Ø Fédération des centres sociaux de France (FCSF) – MM. François Vercoutere et Jean-Luc Grolleau, en charge des relations institutionnelles

Ø Union sociale pour l’habitat (USH) – Mme Juliette Furet, responsable du département des politiques sociales, et Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Ø Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) M. Jean-Philippe Vinquant, directeur, M. Pierre-Yves Eyraud, adjoint à la sous-directrice de l’inclusion sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté, et M. Alexandre Picard, adjoint à la cheffe de bureau Budgets et performance

Ø Audition commune :

– Cabinet de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité – Mme Julie Lavet, conseillère parlementaire, M. Aurélien Taché, conseiller Hébergement, et M. Noam Leandri, conseiller budgétaire

– Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Cécile Lambert, sous-directrice de la sous-direction des affaires financières et de la modernisation, et M. Alexandre Picard, adjoint à la cheffe de bureau Budgets et performance

Ø Samusocial de Paris – Mme Christine Laconde, directrice générale

Ø Préfet Kléber Arhoul, préfet coordonnateur national de l’opération d’accueil des réfugiés, et Mme Marguerite de Scoraille, collaboratrice

Ø Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) – M. Jean-Martin Delorme, directeur, et Mme Marie-Françoise Lavieville, adjointe chargée de l’hébergement

Ø Association nationale Le Refuge (*) – M. Frédéric Gal, directeur général

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Enquête sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France, A. Laporte, membre de l’Observatoire du Samu Social de Paris et P. Chauvin, membre de l’INSERM (2009).

2 () « La réduction des inégalités de santé est au cœur de la cohésion sociale », M. Hirsch (2007).

3 () Voir partie II infra.

4 () « Évaluation de la 2e année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », rapport IGAS de MM. Chérèque, Abrosimov et Khennouf (janvier 2015).

5 () Cf. partie II infra.

6 () Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

7 () Cf. partie II infra.

8 () Article 62 de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986.

9 () Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, décret n° 2014-1742 du 30 décembre 2014 et arrêté interministériel du 20 décembre 2014.

10 () « Évaluation de la première année de mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », rapport Chérèque et S. Vanackere de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), janvier 2014.

« L’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile », rapport de l’inspection générale des finances (IGF), de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’IGAS, avril 2013.

11 () « Évaluation de la première année de mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », ibid, p. 45.

12 () Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

13 () Données de l’agence européenne FRONTEX : http://frontex.europa.eu/news/710-000-migrants-entered-eu-in-first-nine-months-of-2015-NUiBkk

14 () Données du ministère de l’Intérieur : http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Inforessources/Statistiques/ Tableaux-statistiques/Les-demandes-d-asile

15 () Mme Brocas, préfète et secrétaire générale de la préfecture de la région Île-de-France.

16 () « La politique publique de l’hébergement des personnes sans domicile », rapport d’évaluation de la Cour des comptes (novembre 2011).

17 () Selon une consultation menée par l’IFOP pour la Cour des comptes, ibid, p. 62.

18 () Cf. compte rendu de la commission élargie :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/
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