Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

ogo2003modif

N° 3114

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME IV

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

SOLIDARITÉ

PAR Mme Luce PANE,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 45).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES 304, 137 ET 124 : UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ ET DE L’INCLUSION SOCIALE 7

A. LE PROGRAMME 304 : DES CRÉDITS EN NETTE AUGMENTATION ET DE NOUVEAUX DISPOSITIFS AU SERVICE DES PERSONNES LES PLUS DÉMUNIES 7

1. L’action n° 11 : la prime d’activité, une réforme attendue des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes 8

2. L’action n° 18 : la mise en place de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (ARFS) 9

3. Les autres actions du programme : un bilan globalement positif 10

a. L’action n° 13 : des crédits en baisse pour la troisième année consécutive 10

b. L’action n° 14 : des crédits stables en faveur de l’aide alimentaire 10

c. L’action n° 15 : des crédits en nette hausse pour les dispositifs de qualification en travail social 11

d. L’action n° 16 : une simplification du financement du dispositif de protection juridique des majeurs 11

e. L’action n° 17 : une rationalisation des crédits en faveur de la protection et de l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables 12

B. LE PROGRAMME 137 : UNE HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES 12

C. LE PROGRAMME 124 : UN PROGRAMME SUPPORT TOURNÉ VERS LA QUALITÉ DES SERVICES ET L’OPTIMISATION DES MOYENS 15

II. LE DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS 19

A. LA LOI DU 5 MARS 2007 : UNE RÉFORME ATTENDUE DU DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS 19

1. Le renforcement des droits de la personne protégée 19

2. Une meilleure articulation entre mesures sociales et mesures judiciaires 21

a. Le recentrage des mesures judiciaires de protection des majeurs sur les personnes souffrant d’une altération de leurs facultés 21

b. La mise en place d’un système gradué de mesures d’accompagnement social pour les majeurs vulnérables 22

3. La professionnalisation de l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs 23

B. DES AJUSTEMENTS SONT NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA MISE EN œUVRE ET L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF 25

1. Des difficultés persistantes dans la mise en œuvre de la réforme de 2007 25

a. L’objectif de diversification des mesures n’est que partiellement atteint 25

b. Des moyens humains insuffisants 26

c. Des modalités de financement jusqu’à présent complexes et coûteuses, en particulier pour les organismes de sécurité sociale 27

d. Les inquiétudes liées à l’allongement de la durée des mesures prononcées par le juge 30

2. Améliorer la mise en œuvre et l’efficacité du dispositif 31

a. Élargir l’accès à la mesure d’accompagnement social personnalisé et à la mesure d’accompagnement judiciaire à des publics fragiles qui en sont aujourd’hui exclus 31

b. Renforcer l’information du public 31

c. Améliorer la formation et clarifier le statut des mandataires judiciaires à la protection des majeurs 33

d. Simplifier les modalités de financement du dispositif 34

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 39

INTRODUCTION

Avec 18,25 milliards d’euros de crédit demandés pour 2016, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », en nette augmentation par rapport à l’année 2015, témoigne de l’importance de l’engagement de l’État envers les personnes les plus vulnérables.

Si le périmètre de certains programmes a été modifié, les contours généraux de la mission restent inchangés. Elle se compose de quatre programmes :

– le programme 304, désormais intitulé « Inclusion sociale et protection des personnes », dont les crédits s’élèvent à 5 129,86 millions d’euros ;

– le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », doté de 26,96 millions d’euros ;

– le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », programme support de la mission, auquel sont alloués 1 495,80 millions d’euros.

À ces trois programmes, auxquels ce rapport va plus particulièrement s’attacher, s’ajoute le programme 157 « Handicap et dépendance », qui concentre à lui seul 64 % des crédits de la mission. Il fait l’objet d’un avis budgétaire spécifique, présenté par notre collègue Philip Cordery.

Signe de la priorité accordée par le Gouvernement aux problématiques d’insertion et de lutte contre la pauvreté, tous les programmes bénéficient d’une augmentation des moyens alloués. Le programme 304, essentiellement consacré à la lutte contre la pauvreté, est celui qui connaît la progression de crédits la plus forte, principalement en raison de la création de la prime d’activité qui se substitue à la prime pour l’emploi (PPE) et à la partie « activité » du revenu de solidarité active (RSA), à compter de 2016.

Dans un contexte économique et budgétaire très contraint, l’effort financier ainsi consenti, au nom des valeurs de solidarité et d’égalité, mérite d’être salué. L’engagement volontariste du Gouvernement avait trouvé, dès le début du quinquennat, une traduction particulièrement forte dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, présenté en janvier 2013 et dont les principes ont été réaffirmés dans le cadre de la feuille de route pour 2015-2017.

ÉVOLUTION ET RÉPARTITION PAR PROGRAMME DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2016
AU TITRE DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES »

(En millions d’euros et en crédits de paiement)

Numéro et intitulé du programme

Crédits ouverts en LFI 2015

Projet de loi de finances pour 2016

Évolution 2016/2015
(en %)

(en montant)

(en % des crédits de la mission)

304. Inclusion sociale et protection des personnes (libellé modifié)

2 630,63

5 129,86

28,11 %

+ 95,01

157. Handicap et dépendance

11 591,25

11 597,55

63,55 %

+ 0,05

137. Égalité entre les femmes et les hommes

25,30

26,96

0,15 %

+ 6,57

124. Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 491,72

1 495,80

8,20 %

+ 0,27

Total des crédits de la mission

15 738,89

18 250,18

100

+ 15,96

LFI : loi de finances initiale.

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Les crédits de la mission représentent une part importante mais non exhaustive de la politique sociale mise en œuvre par l’État. Ainsi, l’effort financier total de l’État en matière d’inclusion sociale est réparti au sein de trente programmes différents. Il concerne notamment la santé pour les personnes démunies, le logement et l’hébergement, ou encore l’accès à la justice. Les collectivités territoriales, en particulier les départements, financent également d’importantes prestations sociales, comme la prestation de compensation du handicap (PCH). Les administrations de sécurité sociale, enfin, participent à la politique de solidarité, qu’il s’agisse de l’assurance maladie pour la dépendance et le handicap ou encore de la branche famille pour l’aide aux familles.

L’analyse détaillée des crédits relevant de la compétence du rapporteur spécial de la commission des finances, la rapporteure pour avis a choisi de s’intéresser plus particulièrement, dans cet avis budgétaire, au dispositif de protection des majeurs. Si le bilan de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs est globalement positif, des ajustements sont nécessaires pour améliorer la mise en œuvre et l’efficacité du dispositif. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit à cet égard de simplifier son financement.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, seulement 33 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis.

I. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES 304, 137 ET 124 : UN EFFORT BUDGÉTAIRE IMPORTANT EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ ET DE L’INCLUSION SOCIALE

A. LE PROGRAMME 304 : DES CRÉDITS EN NETTE AUGMENTATION ET DE NOUVEAUX DISPOSITIFS AU SERVICE DES PERSONNES LES PLUS DÉMUNIES

Les crédits du programme 304, qui s’élèvent à 5,13 milliards d’euros en 2016, connaissent une augmentation de 88 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Ce quasi-doublement du budget du programme s’explique principalement par l’introduction de la prime d’activité, mais également par le transfert à l’État des crédits versés aux organismes de sécurité sociale au titre des dépenses de protection juridique des majeurs et par le financement de la nouvelle aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (nouvelle action n° 18).

Le programme connaît en outre une modification de son périmètre liée au transfert des crédits destinés à l’économie sociale et solidaire (ancienne action n° 12) vers le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ». Le choix de rattacher ces crédits au sein d’une mission correspondant à des enjeux économiques est tout à fait pertinent dans la mesure où il permet de resituer l’économie sociale et solidaire non pas dans des problématiques exclusivement liées aux personnes en situation de fragilité, mais dans une forme d’économie qui doit être soutenue. Compte tenu de ce transfert, le programme 304 est désormais intitulé « Inclusion sociale et protection des personnes ».

Les crédits du programme 304 apportent également un soutien à d’autres dispositifs, comme l’aide alimentaire, la qualification en travail social, la protection juridique des majeurs et la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables.

ÉVOLUTION ET RÉPARTITION PAR ACTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2016
AU TITRE DU PROGRAMME N° 304 « INCLUSION SOCIALE ET PROTECTION DES PERSONNES »

(En millions d’euros et en crédits de paiement)

Numéro et intitulé de l’action

Crédits ouverts en LFI 2015

Projet de loi de finances pour 2016

Évolution 2016/2015
(en %)

(En montant)

(En % des crédits du programme)

11. Prime d’activité et autres dispositifs (libellé modifié)

2 329, 08

4 376, 00

85,30

+ 87,89

12. Économie sociale et solidaire

4,73

-

-

-

13. Autres expérimentations

0,90

0,81

0,02

– 9,51

14. Aide alimentaire

33,64

34,66

0,68

+ 3,04

15. Qualification en travail social

5,24

6,52

0,13

+ 24,48

16. Protection juridique des majeurs

241,27

637,36

12,42

+ 164,17

17. Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

15,76

14,51

0,28

– 7,96

18. Aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (nouveau)

-

60,00

1,17

-

Total des crédits du programme

2 630,63

5 129,86

100

+ 95,01

LFI : loi de finances initiale.

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2016.

1. L’action n° 11 : la prime d’activité, une réforme attendue des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes

Notre collègue Christophe Sirugue a remis, le 15 juillet 2013, un rapport proposant une réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes, dans la mesure où ni la partie « activité » du revenu de solidarité active (RSA), ni la prime pour l’emploi (PPE) ne répondaient pleinement à leurs objectifs initiaux. Le RSA-activité connaissait en effet un taux de non-recours de près de 70 % et excluait les jeunes de moins de 25 ans, alors que la prime pour l’emploi s’est avérée trop peu ciblée.

Conformément aux préconisations de ce rapport, le titre IV de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, instaure une nouvelle prestation, la prime d’activité, qui se substitue, à compter du 1er janvier 2016, à la PPE et au volet « activité » du RSA.

Cette réforme poursuit une double ambition :

– encourager l’activité en soutenant le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, de façon simple et lisible, avec une prime mensuelle dont le montant est étroitement lié aux revenus d’activité des bénéficiaires. Comme le RSA-activité, la prime d’activité se déclenche dès le premier euro de revenu d’activité ;

– ouvrir ce droit nouveau aux jeunes actifs dès 18 ans, qui s’insèrent souvent dans l’emploi dans le cadre de contrats précaires et/ou à temps partiel, avec des rémunérations modestes.

L’action n° 11, rebaptisée « Prime d’activité et autres dispositifs », est dotée de 4,38 milliards d’euros de crédits en 2016. Elle finance ce nouveau dispositif à hauteur de 3,95 milliards d’euros. À la différence du RSA-activité, la prime d’activité est directement financée par le programme 304 et non par le Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui finançait le RSA-activité jusqu’en 2015. L’enveloppe budgétaire prévue pour la prime d’activité est équivalente à celle des deux dispositifs qu’elle remplace, le taux de recours à la prime d’activité étant quant à lui estimé à 50 % pour 2016.

Restent à la charge du FNSA, qui bénéficie de 426 millions d’euros au titre de l’action n° 11, les aides exceptionnelles versées en fin d’année aux bénéficiaires du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), les frais de gestion afférents à la prime d’activité, ainsi que le RSA « jeunes », dont le mode de financement dérogatoire est pérennisé en 2016.

2. L’action n° 18 : la mise en place de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (ARFS)

Environ 35 000 personnes ressortissantes de pays tiers, âgées de plus de 65 ans, résident en foyer de travailleurs migrants ou en résidence sociale. Or, la condition de résidence associée au versement de certaines prestations ne leur permet pas, au moment où ils vieillissent, d’effectuer des rapprochements familiaux en séjournant plus longuement dans leur pays d’origine, tandis que les établissements dans lesquels ils résident se révèlent souvent peu adaptés à l’accueil de personnes vieillissantes.

C’est pourquoi la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », a institué le principe d’une aide financière spécifique, exclusive des aides au logement et des minima sociaux, intitulée « aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine » (ARFS).

Sept ans plus tard, la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a levé les difficultés posées par ces dispositions au regard du droit de l’Union européenne.

Les crédits de la nouvelle action n° 18 permettent de financer cette aide nouvelle à hauteur de 60 millions, conformément aux préconisations du rapport d’information de notre collègue Alexis Bachelay sur les immigrés âgés, rendu public le 5 juillet 2013. (1)

3. Les autres actions du programme : un bilan globalement positif

a. L’action n° 13 : des crédits en baisse pour la troisième année consécutive

Les crédits de l’action n° 13 « Autres expérimentations » s’élèvent à 811 639 euros pour 2016. Ils permettent d’apporter un soutien aux associations têtes de réseau, notamment l’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA), en matière d’expérimentations, de mutualisation et de diffusion des bonnes pratiques en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Ils doivent également favoriser, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, et au travers de l’expérimentation AGILLE (« Améliorer la Gouvernance et développer l’Initiative Locale pour mieux Lutter contre l’Exclusion ») lancée en février 2014, le développement de démarches d’ingénierie sociale au profit des services déconcentrés et décentralisés pour renforcer leur capacité d’appui aux initiatives visant à renforcer le lien social dans les territoires.

La rapporteure pour avis regrette que le présent projet de loi de finances propose une diminution des crédits de l’action n° 13, qui finance des expérimentations intéressantes et qui pourront se révéler utiles.

b. L’action n° 14 : des crédits stables en faveur de l’aide alimentaire

L’action n° 14 « Aide alimentaire » se voit attribuer 34,66 millions d’euros de crédits pour 2016, ce qui correspond à une hausse de 3 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Cette augmentation est en réalité due au transfert, entre le programme 154 et le programme 134, des crédits destinés à compenser les charges de service public de France Agrimer dans le cadre du fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD).

Depuis 2014, le financement public de l’aide fournie par plusieurs associations nationales et locales repose à la fois sur le fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et sur des crédits nationaux. La dotation pour 2016 permet de financer la contribution de la France au FEAD, qui s’élève à 12,33 millions d’euros. Par ailleurs, 7,77 millions d’euros sont destinés aux services déconcentrés pour le soutien de la mise en œuvre locale de l’aide alimentaire et 4,47 millions d’euros reviennent aux associations nationales.

Les épiceries sociales, qui ne peuvent pas bénéficier du programme européen compte tenu du principe de gratuité de distribution dans le cadre du FEAD, reçoivent quant à elles 8,07 millions d’euros.

c. L’action n° 15 : des crédits en nette hausse pour les dispositifs de qualification en travail social

L’action n° 15 « Qualification en travail social » bénéficie pour 2016 de 6,52 millions d’euros, soit une augmentation de 24,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015.

Au sein de cette action, les crédits consacrés à l’amélioration de la qualité des formations en travail social s’élèvent à 1,9 million d’euros. L’action n° 15 intègre également depuis 2015 les dépenses liées au processus de certification professionnelle du travail social, pour un montant de 4,6 millions d’euros. Cette enveloppe comprend l’indemnisation des membres de jury et, s’agissant de la validation des acquis de l’expérience, la gestion administrative des dossiers des candidats.

Face à l’évolution des politiques sociales et aux difficultés d’inclusion sociale d’un grand nombre de personnes, le Gouvernement a mis en place en 2013 des États généraux du travail social. Cinq groupes de travail nationaux ont été chargés de synthétiser les travaux menés dans le cadre d’assises régionales en 2014 et de formuler des propositions sur les cinq thèmes suivants : coordination des acteurs, formation initiale et formation continue, métiers et complémentarités, place des usagers, développement social et travail social collectif. Ces travaux permettront d’adapter les qualifications des travailleurs sociaux afin de garantir une adéquation de leurs pratiques professionnelles aux besoins des usagers.

d. L’action n° 16 : une simplification du financement du dispositif de protection juridique des majeurs

L’action n° 16 « Protection des majeurs » est dotée pour 2016 de 637,36 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 164 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse importante des crédits s’explique par le transfert à l’État du financement des mesures auparavant prises en charge par les organismes de sécurité sociale, pour un montant de 390 millions d’euros. La rapporteure reviendra de manière détaillée sur cette réforme dans la deuxième partie de cet avis, consacrée au dispositif de prise en charge des majeurs protégés.

Les crédits consacrés au financement de ce dispositif par l’État sont répartis entre deux catégories d’intervenants : les services mandataires, financés sous forme de dotation globale et qui bénéficient de 575,9 millions d’euros pour 2016, et les mandataires exerçant à titre individuel, qui sont rémunérés sur la base de forfaits mensuels. Ces derniers se voient attribuer une dotation de 61,4 millions d’euros en 2016.

e. L’action n° 17 : une rationalisation des crédits en faveur de la protection et de l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

L’action n° 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables », bénéficie de 14,51 millions d’euros de crédits pour 2016.

Ces crédits sont tout d’abord constitués d’une subvention à l’agence française de l’adoption (AFA), pour un montant de 2,7 millions d’euros. Outre un rôle d’information et de conseil, l’AFA remplit une mission d’intermédiaire pour l’adoption des mineurs étrangers âgés de moins de 15 ans. Le groupement d’intérêt public « enfance en danger » (GIPED), qui regroupe le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED) et l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED), bénéficie quant à lui de 2,34 millions d’euros.

La diminution des crédits attribués à l’AFA et au GIPED tient au processus de rapprochement entre ces deux structures, entamé en 2015 et qui doit se poursuivre en 2016.

Les crédits destinés aux établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF), qui s’élèvent à 2,77 millions d’euros, et ceux bénéficiant aux points accueil écoute jeunes (PAEJ), d’un montant de 5,36 millions d’euros, sont quant à eux préservés en 2016 par rapport à leur niveau de 2015.

Une dotation de 1,2 million d’euros permet enfin à l’État de participer au financement des têtes de réseau des associations œuvrant dans le domaine de la protection des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, de cofinancer, avec les départements, les organisations régionales de concertation sur l’adoption (ORCA), services interdépartementaux spécialisés dans la préparation d’adoption d’enfants grands ou handicapés, et de financer le dispositif du numéro d’appel d’urgence européen « 116 000 » destiné à traiter les appels relatifs aux disparitions d’enfants.

B. LE PROGRAMME 137 : UNE HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

La dotation pour 2016 témoigne de la priorité accordée par le Président de la République et le Gouvernement à l’égalité entre les femmes et les hommes. En effet, en dépit d’un contexte budgétaire contraint, le programme 137 voit ses crédits augmenter de 6,57 % pour atteindre 26,96 millions d’euros. Cette hausse s’explique en grande partie par la mise en place d’un fonds interministériel pour les victimes de la traite et l’insertion des personnes prostituées.

Comme en témoigne la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, première loi-cadre pour les droits des femmes, une approche transversale et intégrée de cette politique, portée par l’ensemble des ministères, est privilégiée. Les crédits du programme 137 permettront non seulement de favoriser l’égalité professionnelle et l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités et à l’espace public, mais également de faire reculer les stéréotypes et le sexisme et de lutter contre les violences faites aux femmes. L’ensemble des actions sont d’ailleurs conduites dans le cadre de partenariats, les crédits d’intervention du programme ayant un effet levier d’autant plus important qu’ils permettent d’engager des acteurs et des financements non seulement nationaux (ministères, instituts de recherche) mais aussi européens, régionaux, départementaux et locaux, dans une dynamique d’action pour l’égalité réelle.

ÉVOLUTION ET RÉPARTITION PAR ACTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2016
AU TITRE DU PROGRAMME N° 137 « ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES »

(En millions d’euros et en crédits de paiement)

Numéro et intitulé de l’action

Crédits ouverts en LFI 2015

Projet de loi de finances pour 2016

Évolution 2016/2015
(en %)

(en montant)

(en % des crédits du programme)

11. Actions et expérimentations pour la culture de l’égalité et en faveur de l’égalité professionnelle, politique et sociale (libellé modifié)

2,12

5,02

18,64

+ 137,5

12. Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes

15,18

15,76

58,44

+ 3,81

13. Soutien du programme Égalité entre les femmes et les hommes

1,39

1,20

4,43

- 13,87

14. Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes

4,38

-

-

-

15. Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains

2,24

4,98

18,49

+ 122,73

Total des crédits du programme

25,30

26,96

100

+ 6,57

LFI : loi de finances initiale.

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2016.

 L’action n° 11 « Actions et expérimentations pour la culture de l’égalité et en faveur de l’égalité professionnelle, politique et sociale » résulte de la fusion entre les anciennes actions n° 11 et n° 14. Cette évolution de périmètre permet, dans un souci de lisibilité, de regrouper au sein d’une même action les crédits consacrés à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (ancienne action n° 11) et ceux destinés à la conduite d’expérimentations en faveur de l’égalité (ancienne action n° 14).

Dotée de 5,02 millions d’euros pour 2016 – contre 6,50 millions en 2015 si l’on additionne les crédits des deux actions qu’elle regroupe, les crédits de l’action n° 11 connaissent une baisse, à périmètre constant, par rapport à l’année précédente. 3,99 millions d’euros sont consacrés au soutien aux associations favorisant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les stéréotypes liés au sexe, que ce soit à l’école, dans l’enseignement supérieur ou sur le marché du travail. Des plans d’action « mixité » sont notamment lancés dans différents secteurs (transport, bâtiment…) afin de faire en sorte qu’un tiers des métiers deviennent mixtes d’ici 2025. Parmi les structures aidées, les centres d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF) bénéficient de 0,91 million d’euros pour l’accompagnement personnalisé des femmes les plus éloignées de l’emploi. L’action n° 11 finance également, à hauteur de 0,15 million d’euros, différentes actions destinées à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans des domaines variés, en particulier dans le monde politique, les milieux associatifs et syndicaux, celui sport ou encore au sein des programmes des médias audiovisuels. Enfin, 0,89 million d’euros sont consacrés au financement d’études, de recherches et d’expérimentations en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Les expérimentations sont particulièrement encouragées dans les petites et moyennes entreprises, au sein desquelles les outils et dispositifs de négociation sur l’égalité professionnelle sont peu répandus.

 Les crédits de l’action n° 12 « Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes » s’élèvent pour 2016 à 15,76 millions d’euros, soit une augmentation de 3,81 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Ils sont destinés à des actions de prévention, d’accompagnement et de prise en charge des femmes victimes de violence, mais aussi à l’information et l’orientation des femmes en matière de santé génésique et d’interruption volontaire de grossesse. 2,35 millions d’euros sont plus particulièrement consacrés au financement d’associations nationales, en particulier le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), l’association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT), le collectif féministe contre le viol (CFCV) et le mouvement français pour le planning familial (MFPF). Au niveau local, les CIDFF sont financés à hauteur de 4,42 millions d’euros.

Par ailleurs, 8,14 millions d’euros sont destinés au financement de différents dispositifs inscrits dans le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes : le dispositif de l’accueil de jour et les 180 lieux d’accueil, d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violence, le numéro national de référence d’accueil téléphonique et d’orientation des femmes victimes de violences « violences femmes info », le dispositif de téléprotection d’alerte grave danger (TGD), mais aussi des actions locales de formation et de prévention en faveur de la lutte contre la récidive des auteurs de violence.

– Les crédits inscrits au titre de l’action n° 13 « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes », d’un montant de 1,20 million d’euros pour 2016, permettent de financer les dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes, les dépenses liées aux actions de communication autour des politiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi, de manière plus surprenante, celles liées à l’accueil de jeunes en service civique. La diminution des crédits de 13,87 % par rapport à 2015, alors même que le périmètre des actions financées est étendu, s’explique par les économies générées par la réforme territoriale sur les dépenses de fonctionnement courant et par la diminution des prévisions de dépenses de communication.

 L’action n° 15 « prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » est dotée pour 2016 de 4,98 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 122,73 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse importante des crédits résulte d’un transfert de 2,8 millions d’euros provenant des programmes n° 204 « Santé », n° 101 « Justice » et n° 176 « Intérieur ».

Ces crédits permettront d’alimenter le fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, prévu à l’article 4 de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée en deuxième lecture au Sénat le 14 octobre 2015. La création de ce fonds, qui correspond à la mesure 21 du plan d’action contre la traite des êtres humains pour 2014-2016, permettra à titre principal de financer le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle prévu par la proposition de loi précitée.

Par ailleurs, 4,57 millions d’euros sont destinés au financement d’actions locales de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, et 0,41 million d’euros à celui des associations têtes de réseau (mouvement du Nid, comité contre l’esclavage moderne…).

C. LE PROGRAMME 124 : UN PROGRAMME SUPPORT TOURNÉ VERS LA QUALITÉ DES SERVICES ET L’OPTIMISATION DES MOYENS

Le programme 124 regroupe l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations du secteur des affaires sociales, de la santé, du sport, de la jeunesse, de la vie associative et de la ville, ainsi que les dépenses de personnels mettant en œuvre les politiques relatives aux droits des femmes et une partie des emplois consacrés à la politique de la ville, du logement et de l’hébergement d’urgence. Il permet de financer, sur le terrain, le fonctionnement des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des agences régionales de santé, ainsi qu’une partie de celui des directions départementales interministérielles de la cohésion sociale et de la protection des populations.

Ce programme vise à fournir aux services un appui de qualité dans l’exercice de leurs missions, en termes de ressources humaines, de moyens de fonctionnement, de systèmes d’information, de politique immobilière, de conseil juridique, de documentation, de logistique, ainsi qu’en matière d’études et de recherche, de communication et d’affaires internationales et européennes. Il participe, dans le cadre du plan de modernisation de l’action publique, à l’objectif gouvernemental d’amélioration de la qualité du service public, tout en optimisant le pilotage des moyens, dans une logique d’efficacité.

Le programme 124 est doté pour 2016 de 1 495,80 millions d’euros de crédits, ce qui correspond à une hausse de 0,27 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015.

ÉVOLUTION ET RÉPARTITION PAR ACTION DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2016
AU TITRE DU PROGRAMME N° 124 « CONDUITE ET SOUTIEN DES POLITIQUES SANITAIRES, SOCIALES, DU SPORT, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE »

(En millions d’euros et en crédits de paiement)

Numéro et intitulé de l’action

Crédits ouverts en LFI 2015

Projet de loi de finances pour 2016

Évolution 2016/2015
(en %)

(en montant)

(en % des crédits du programme)

10. Fonctionnement des services

19,98

18,75

1,25

– 6,14

11. Systèmes d’information

27,30

27,90

1,86

+ 2,28

12. Affaires immobilières

73,68

73,75

4,93

+ 0,09

14. Communication

5,76

5,74

0,38

– 0,31

15. Affaires européennes et internationales

6,43

5,95

0,40

– 7,44

16. Statistiques, études et recherche

9,96

9,96

0,67

– 0,03

17. Financement des agences régionales de santé

599,38

598,43

40,01

– 0,16

18. Personnels mettant en œuvre les politiques sociales et de la santé

245,77

233,83

15,63

– 4,86

19. Personnels mettant en œuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

298,31

321,96

21,52

+ 7,93

20. Personnels mettant en œuvre les politiques pour les droits des femmes

14,02

14,28

0,95

+ 1,85

21. Personnels mettant en œuvre les politiques de la ville, du logement et de l’hébergement

43,62

43,35

2,90

– 0,62

22. Personnels transversaux de soutien

125,68

115,12

7,70

– 8,41

23. Autres dépenses de personnel

21,85

26,81

1,79

+ 22,70

Total des crédits du programme

1 491,72

1 495,80

100

+ 0,27

LFI : loi de finances initiale.

Source : tableau réalisé d’après les données présentées dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Les crédits demandés pour les dépenses de personnel (actions n° 18 à 22) s’élèvent à 728,5 millions d’euros en 2016, à un niveau quasiment stable par rapport à 2015. Le plafond d’emploi est fixé à 10 206 équivalents temps plein (ETP), soit une diminution de 99 ETP par rapport à 2015.

Les dépenses de fonctionnement courant participent à l’effort de maîtrise de la dépense publique, en particulier à travers les crédits consacrés au « fonctionnement des services » (action n° 10) et aux « affaires européennes et internationales » (action n° 15), qui connaissent respectivement une baisse de 6,1 % et 7,4 % par rapport à 2015.

En revanche, les crédits destinés aux « systèmes d’information » (action n° 12) sont en augmentation pour 2016 afin de permettre la poursuite du renouvellement de l’infrastructure technique et informatique des ministères, devenue obsolète. Les crédits concourant au « financement des agences régionales de santé » (action n° 17), qui représentent 40 % des crédits du programme, sont stables, alors que sept ARS seront créées au 1er janvier 2016 par la fusion de seize ARS existantes, dans le cadre de la réforme territoriale.

Enfin, la hausse de 22,7 % des « autres dépenses de personnel » (action n° 23) est en réalité liée à un changement de périmètre : le remboursement des agents de la fonction publique hospitalière mis à la disposition du ministère des affaires sociales, auparavant pris en charge par des crédits de l’Assurance maladie, sera effectué par des crédits de l’État à compter de 2016.

II. LE DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

Le nombre de personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique a connu une croissance particulièrement élevée au cours des dernières décennies, passant de 85 000 en 1968 à près de 800 000 en 2014, soit près de 1,5 % de la population française. Le taux de croissance du nombre de mesures, qui s’est récemment stabilisé, pouvait atteindre 8 % par an dans les années 2000.

Dans ce contexte, la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs s’est révélée inadaptée. Le Conseil économique et social, dans un rapport de 2006 consacré aux tutelles (2) constatait ainsi que le dispositif était « insuffisamment régulé et contrôlé » et que « la pratique s’est peu à peu écartée des grands principes fondateurs du système de protection. Davantage conçu pour assurer la protection des biens du majeur protégé, le droit tutélaire comporte des dispositions trop parcellaires concernant le droit des personnes ».

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a procédé à une réforme d’ampleur du dispositif. Si son bilan est globalement positif, des ajustements sont encore nécessaires pour améliorer la mise en œuvre et l’efficacité de la prise en charge des majeurs protégés.

A. LA LOI DU 5 MARS 2007 : UNE RÉFORME ATTENDUE DU DISPOSITIF DE PROTECTION JURIDIQUE DES MAJEURS

La loi du 5 mars 2007 a permis de renforcer les droits de la personne protégée, d’améliorer l’articulation entre mesures sociales et judiciaires et de professionnaliser l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM).

1. Le renforcement des droits de la personne protégée

La loi du 5 mars 2007 a eu pour objectif de placer la personne protégée et ses intérêts au cœur du dispositif de protection. L’article 415 du code civil tel que modifié par cette loi dispose ainsi que « les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire […]. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique ».

Cet accent mis sur les droits de la personne et sur la préservation de son autonomie s’inscrit dans la lignée de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé et de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En plaçant la personne protégée au centre du dispositif, la loi du 5 mars 2007 précitée traduit également les principes énoncés par la Convention de l’Organisation des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006. Cette Convention, qui « a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque » constitue un véritable changement de paradigme, en passant d’une approche caritative et médicale du handicap à une approche privilégiant le respect des droits de l’homme.

Plusieurs dispositions de la loi du 5 mars 2007 traduisent cette évolution favorable aux droits des personnes protégées.

Ainsi, le principe de protection de la personne, et non plus seulement de son patrimoine, est clairement affirmé. Dans le cadre de la procédure judiciaire, la personne protégée est systématiquement entendue, en particulier sur l’opportunité de l’ouverture d’une mesure et sur le choix de la personne chargée d’en assurer l’exécution. La loi de 2007 prévoit en outre que les mesures prises doivent être révisées tous les cinq ans.

Par ailleurs, la création du mandat de protection future permet au majeur d’organiser sa propre protection juridique en désignant à l’avance un tiers de confiance chargé de veiller sur ses intérêts et sur sa personne pour le jour où l’âge ou la maladie nécessiteront sa protection. Le mandant peut établir ce mandat pour lui-même mais également pour autrui lorsqu’il est le parent d’un enfant dont il souhaite organiser par avance la défense des intérêts. Ce procédé est particulièrement utile pour les parents âgés d’un enfant majeur handicapé. Le mandat peut être mis en œuvre lorsque l’altération des facultés aura été constatée, sans nécessiter l’intervention du juge.

Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 16 septembre 2015, contribue également à améliorer la prise en compte de la volonté des personnes protégées. Il prévoit ainsi d’étendre l’obligation de formalisation d’un document individuel de protection des majeurs (DIPM) à l’ensemble des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le document individuel, aujourd’hui utilisé seulement par les services mandataires, est un outil au service de la garantie des droits et libertés individuelles de la personne prise en charge : il présente l’avantage d’être personnalisé et permet de prendre en compte les attentes du majeur protégé dans la construction des mesures qui lui sont appliquées. Or cette obligation applicable aux services mandataires de la protection judiciaires des majeurs n’a pas été étendue à l’ensemble des mandataires par la loi du 5 mars 2007. En généralisant ce document, le projet de loi précité va dans le sens d’une meilleure participation du majeur, du respect de son autonomie et de la prise en considération de ses besoins. Il précise en outre que la remise du DIPM doit répondre, pour l’ensemble des mandataires judiciaires, à l’objectif de « garantir l’exercice effectif des droits et libertés de la personne protégée, notamment de prévenir tout risque de maltraitance ».

2. Une meilleure articulation entre mesures sociales et mesures judiciaires

Il existe deux types de mesures de protection des majeurs vulnérables : les mesures de nature sociale, qui préservent la capacité juridique de la personne qui en fait l’objet, et les mesures de nature civile, prononcées par le juge des tutelles. La loi du 5 mars 2007 précitée a cherché à mieux articuler ces deux types de mesures, en privilégiant des réponses graduées et adaptées à chaque situation, à partir d’un double constat : l’absence d’accompagnement social pour certains individus et le caractère disproportionné, pour ces derniers, des mesures de protection judiciaire.

a. Le recentrage des mesures judiciaires de protection des majeurs sur les personnes souffrant d’une altération de leurs facultés

Conformément aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité qui régissent la politique de protection des majeurs, une personne ne devrait se voir restreindre ses capacités juridiques que si une altération de ses capacités physiques ou mentales est médicalement constatée. Or, avant la loi du 5 mars 2007, les mesures prises en faveur des personnes protégées apparaissaient disproportionnées au regard de la réalité de leur situation. De surcroît, les tribunaux et les tuteurs devaient traiter un nombre croissant de dossiers ne relevant pas de leur compétence.

La loi du 5 mars 2007 a donc encadré les motifs d’ouverture d’une mesure judiciaire de protection. L’article 425 du code civil prévoit désormais que pour faire l’objet d’une telle mesure, la personne concernée doit se trouver « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ». La prodigalité et l’intempérance ne constituent plus des motifs d’ouverture de tutelles ou de curatelles, alors qu’avant 2007, une personne pouvait être placée sous l’un de ces régimes, par exemple, pour dette ou pour alcoolisme. Les personnes dont la vulnérabilité résulte de difficultés sociales ou économiques sont désormais prises en charge par des dispositifs d’accompagnement social adaptés et rénovés.

Par ailleurs, le juge des tutelles ne peut plus se saisir d’office, ce qui garantit que les solutions alternatives à la tutelle sont examinées, en particulier des régimes de protection des personnes vulnérables moins contraignants et moins attentatoires aux droits de la personne.

b. La mise en place d’un système gradué de mesures d’accompagnement social pour les majeurs vulnérables

La loi du 5 mars 2007 repose notamment sur le constat que certaines personnes ne bénéficient pas d’un accompagnement social adéquat, notamment pour la gestion de leurs ressources. Or ces personnes ne doivent pas pour autant être orientées vers une mesure de protection juridique, puisqu’elles ne présentent aucune altération de leurs facultés physiques ou mentales.

C’est pourquoi, parallèlement au recentrage des mesures judiciaires de protection des majeurs sur les cas d’altération des facultés personnelles, la loi du 5 mars 2007 a mis en place un dispositif d’accompagnement social et budgétaire en faveur de personnes qui bénéficient de prestations sociales mais dont la santé ou la sécurité est menacée ou compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à les gérer. Ce dispositif comporte deux mesures distinctes : les mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP), graduées selon trois niveaux (1, 2 et 3), et les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ).

La MASP comporte une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé.

Cette mesure prend la forme d’un contrat conclu entre l’intéressé et le département, représenté par le président du conseil départemental, pour une durée de six mois à deux ans renouvelable dans la limite d’une durée totale de quatre ans. Elle permet la mise en œuvre d’actions en faveur de l’insertion sociale et vise à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales. Les services sociaux compétents doivent s’assurer que les mesures sont coordonnées avec les autres actions sociales dont l’intéressé bénéficie ou pourra bénéficier.

Le département peut, par convention, déléguer la mise en œuvre de la MASP à une autre collectivité territoriale ainsi qu’à un établissement public ou privé, y compris un organisme tutélaire.

La loi du 5 mars 2007 a prévu que cette mesure peut comporter trois degrés, pour mieux l’adapter aux besoins des majeurs concernés :

– le premier degré (dit « MASP 1 ») consiste en une simple aide fournie à la personne vulnérable dans la gestion de son budget ;

– le deuxième degré (dit « MASP 2 ») consiste en une gestion directe de tout ou partie des prestations sociales auxquelles a droit le majeur, avec son accord, par le département ;

– le troisième degré (dit « MASP 3 ») consiste en une gestion directe de tout ou partie des prestations sociales du majeur sous contrainte, c’est-à-dire sans son accord, afin notamment de prévenir une expulsion locative. Dans ce cas, lorsque l’intéressé refuse de signer le contrat mettant en œuvre la mesure d’accompagnement ou ne respecte pas ses clauses, le président du conseil départemental peut demander au juge d’ordonner le versement direct des prestations sociales au bailleur, à hauteur du montant du loyer et des charges locatives. Le juge fixe la durée de cette mesure, dans la limite de deux ans, renouvelable une fois.

Pour les cas où la mesure d’accompagnement n’a pas permis à son bénéficiaire de surmonter ses difficultés à gérer ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise, le président du conseil départemental peut transmettre au procureur de la République un rapport circonstancié d’évaluation de la situation sociale et pécuniaire de l’intéressé ainsi qu’un bilan des actions menées dans le cadre de la mesure. En cas d’échec des différents niveaux de MASP, le procureur, dont l’intervention constitue une sorte de filtre dans la procédure, peut alors décider de demander au juge des tutelles de prononcer une sauvegarde de justice, d’ouvrir une curatelle ou une tutelle, ou encore d’ouvrir une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ).

Cette dernière mesure, mise en place par la loi du 5 mars 2007 pour remplacer la tutelle aux prestations sociales pour adultes, est un simple dispositif de gestion budgétaire contrainte et d’accompagnement social, qui n’entraîne aucune des incapacités juridiques attachées à la curatelle ou à la tutelle. Elle répond ainsi aux situations de précarité et d’exclusion que la MASP n’a pas suffi à traiter. Elle se distingue donc nettement des régimes de protection civile par son objet social et par le public qu’elle vise, constitué de personnes dont les facultés personnelles ne sont pas nécessairement altérées mais dont la santé ou la sécurité est compromise du fait des difficultés qu’elles éprouvent à gérer leurs prestations sociales.

Le juge fixe la durée de la mesure, dans la limite de deux ans renouvelable une fois, et désigne un mandataire judiciaire. Celui-ci, outre sa fonction de gestion des prestations sociales qu’il perçoit pour le compte du protégé, est investi auprès de lui d’une action éducative tendant à rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales.

3. La professionnalisation de l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs

La loi du 5 mars 2007 a harmonisé les conditions d’exercice des personnes physiques ou morales dont l’activité consiste à mettre en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire, au titre du mandat délivré dans le cadre d’une sauvegarde de justice, d’une curatelle, d’une tutelle ou d’une mesure d’accompagnement judiciaire. Regroupées sous l’appellation de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » (MJPM), l’exercice de leur activité est désormais soumis à des conditions d’âge, de moralité, de formation et d’expérience professionnelle.

Les personnes souhaitant exercer l’activité de mandataire doivent suivre une formation, sanctionnée par l’obtention d’un certificat national de compétence (CNC). Composée de 300 heures d’enseignement théorique et pratique, cette formation s’adresse aussi bien aux professionnels en poste qu’aux personnes souhaitant exercer la profession, que ce soit en activité libérale, au sein des services associatifs ou dans un établissement hospitalier, social ou médico-social. Le contenu de la formation, détaillé dans un arrêté du 2 janvier 2009 (3), a pour objectif d’apporter des connaissances en matière de droit et de gestion, mais également de pratiques sociales et médico-sociales. Des dispenses et allégements de formation peuvent néanmoins être accordés aux candidats au vu de leurs qualifications et expériences professionnelles.

Une fois leur habilitation obtenue, les mandataires sont inscrits sur une liste officielle tenue par le préfet de département, après avis du procureur de la République.

La loi du 5 mars 2007 a également doté les pouvoirs publics d’un outil de planification de l’offre des services des mandataires : le schéma régional d’organisation des MJPM, élaboré par le préfet de région en lien avec les magistrats et les représentants de toutes les catégories de mandataires judiciaires. Sur la base d’un constat partagé des besoins en matière de protection des majeurs, de l’offre existante et de ses perspectives de développement qualitatif et quantitatif, ce schéma planifie l’évolution du nombre d’habilitations et prévoit divers dispositifs d’organisation des mandataires. Ce schéma étant opposable aux demandes d’habilitation en qualité de mandataire individuel ou de gestionnaire de service tutélaire, il constitue un véritable outil de planification.

Enfin, la loi précitée a réformé le mode de rémunération des mandataires judiciaires. Le financement public des mesures de protection, qui intervient en déduction des prélèvements réalisés sur les revenus du protégé, dépend des mandataires :

– les services mandataires, principalement gérés par des associations, se voient attribuer une dotation globale de financement qui correspond à un budget mensuel par structure, calculé à partir d’indicateurs d’activité annuels ;

– les mandataires individuels sont quant à eux rémunérés sur la base d’un tarif mensuel forfaitaire à la mesure.

B. DES AJUSTEMENTS SONT NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA MISE EN œUVRE ET L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF

1. Des difficultés persistantes dans la mise en œuvre de la réforme de 2007

a. L’objectif de diversification des mesures n’est que partiellement atteint

La mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) n’a pas connu le succès escompté. La Cour des comptes, dans un rapport remis à la commission des finances du Sénat en novembre 2011 et consacré à la réforme de la protection juridique des majeurs, relève ainsi que « la mise en œuvre du volet social de la MASP a connu des modalités et des calendriers très divers d’un département à l’autre. De manière générale, l’évolution attendue (en termes de nombre d’ouvertures de mesures) n’a pas été constatée, pas plus que les effets de bascule des dispositifs judiciaires vers les dispositifs sociaux ».

En effet, d’après les derniers chiffres issus de l’enquête annuelle effectuée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) auprès des conseils départementaux, 9 871 MASP ont été mises en place dans 86 départements au 31 décembre 2011, ce qui représente une moyenne de seulement 115 mesures par département. Il est regrettable que le dernier comité de suivi se soit réuni en novembre 2013 pour présenter les données de l’année 2011, alors que cette enquête devait être réalisée annuellement. Néanmoins, bien que les données disponibles soient relativement anciennes, les personnes auditionnées ont toutefois précisé à la rapporteure que la MASP n’avait pas fait l’objet d’un engouement particulier depuis 2012.

Pour l’Assemblée des départements de France (ADF), le faible succès de la mesure tient au fait que les départements ont pu considérer que cette nouvelle compétence en matière sociale, qui n’avait pas été appelée de leur part, était en réalité destinée à venir soulager une inflation de mesures juridiques. Ils ont également regretté un accompagnement insuffisant, alors que la mise en place des nouveaux dispositifs nécessitait une nouvelle organisation des services départementaux. L’ADF constate ainsi, dans une contribution écrite adressée à la rapporteure, que « le bilan de la réforme reste relativement mitigé, avec un investissement dans la mise en place des nouvelles mesures qui n’a pas encore trouvé sa pleine mesure du fait notamment de l’impréparation initiale et de la charge administrative et financière ainsi induite pour les départements ».

Par ailleurs, d’après les données issues du comité de suivi de novembre 2013, les départements privilégient les MASP de niveaux 1 et 2, dans respectivement 51 % et 48 % des cas, et ne recourent aux MASP de niveau 3 que dans 1 % des cas.

Bien qu’elle représente près de la moitié des MASP, la MASP dite de niveau 1 est toutefois ressentie comme redondante avec les dispositifs sociaux existants. Elle permet en effet de mettre en œuvre des actions qu’entreprenaient déjà les travailleurs sociaux des conseils départementaux.

La MASP dite de niveau 2, qui consiste en une gestion directe des prestations par le département, est considérée comme le principal apport de la réforme. Elle permet d’éviter une expulsion locative ou la perte du droit aux aides personnalisées au logement (APL) pour défaut de paiement du loyer.

En revanche, la MASP dite de niveau 3 est très peu mise en œuvre. Son principe même suscite des réticences dans la mesure où elle associe une intervention sociale, qui repose sur l’adhésion de son bénéficiaire et sur une relation de confiance avec le travailleur social, à une menace de saisine du juge. Or, les départements seraient réticents à recourir à cette mesure de nature coercitive. L’ADF a également signalé à la rapporteure des difficultés de mise en œuvre de la MASP de niveau 3.

Le mandat de protection future, qui constitue une autre mesure de protection ne nécessitant pas l’intervention du juge, reste également peu utilisé, en dépit de son intérêt. Le conseil supérieur du notariat estime en effet à seulement 5 000 le nombre de mandats contractés par acte notarié. Selon des chiffres fournis par le ministère de la justice, seuls 2 753 mandats ont été mis en œuvre depuis 2009 en France.

Par ailleurs, le basculement des mesures judiciaires vers des mesures sociales reste rare. Les juges utilisent très peu la possibilité offerte par la loi de transformer les mesures judiciaires en mesures d’accompagnement social : en 2011, seules 3 % des MASP font suite à une mesure de protection judiciaire terminée depuis moins d’un an.

b. Des moyens humains insuffisants

Le manque de magistrats et de fonctionnaires chargés des tutelles

La Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2011 précité, constate que les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la loi de 2007 ont été sous-évalués. Elle note ainsi que « la situation en nombre de magistrats et fonctionnaires chargés des tutelles n’a pas ou peu évolué depuis la mise en œuvre de la réforme, en dépit d’une charge de travail objectivement accrue ».

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète des différents dispositifs tiennent en grande partie au manque de moyens alloués par le ministère de la Justice pour suivre et contrôler l’application de la loi. On compte en effet aujourd’hui moins d’une centaine de juges des tutelles en France, en équivalent temps plein (ETP), responsables d’environ 800 000 majeurs protégés (4). Ce nombre ne peut suffire.

Le nombre de greffiers en chef est également largement insuffisant pour contrôler les factures et les comptes de gestion des MJPM et des autres gestionnaires. Faute d’effectifs suffisants, une majorité des comptes ne peuvent être vérifiés, ce qui fait craindre qu’un nombre non négligeable de majeurs protégés soient victimes d’abus de confiance.

Un nombre insuffisant de médecins experts

Le rôle du médecin expert est capital dans la décision de mise sous tutelle ou sous curatelle, ces mesures étant fondées sur la reconnaissance de l’altération mentale de la personne concernée.

Or, d’après le rapport précité de la Cour des comptes, « si la situation reste contrastée selon les départements et les juridictions, on constate globalement, et au regard de l’évolution du nombre de mesures, l’insuffisance du nombre de médecins inscrits sur les listes, s’agissant en particulier des médecins psychiatres ». Cette insuffisance résulterait d’une tarification trop faible du certificat médical compte tenu des contraintes qu’implique l’établissement de ces certificats (déplacements, conditions d’accueil…). La Cour relève en outre que « lorsque les certificats médicaux sont financés sur les frais de justice, ils sont alors fréquemment réglés avec retard, ce qui n’incite guère les médecins à proposer leur expertise ».

L’ADF estime également, dans la contribution écrite qu’elle a adressée à la rapporteure, que les caractéristiques particulières de la démographie médicale en France constituent une difficulté dont il n’a pas été tenu suffisamment compte au moment de la mise en œuvre de la loi de 2007. La pénurie de médecins dans certaines zones rend difficile la recherche d’un certificat médical pour accompagner la demande de protection.

c. Des modalités de financement jusqu’à présent complexes et coûteuses, en particulier pour les organismes de sécurité sociale

Le financement des mesures de protection se caractérise par un prélèvement sur les revenus des majeurs protégés et, à titre subsidiaire, lorsque la participation financière de la personne protégée est inférieure au coût de sa mesure, un financement public. Le coût du dispositif pèse ainsi pour 20 % sur les personnes protégées et pour 80 % sur les financeurs publics qui peuvent être mobilisés en complément.

Les modalités actuelles de financement public comportent des insuffisances, mises en évidence par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de juillet 2014 consacré au financement, par les organismes de sécurité sociale, des MJPM (5).

Un nombre important de financeurs

Le financement public des mesures de protection juridique est partagé entre plusieurs acteurs : l’État, les organismes de sécurité sociale et les conseils départementaux. Pour déterminer la part de chaque financeur, la loi du 5 mars 2007 a établi une règle selon laquelle le coût de la mesure de protection revient à l’institution publique versant au majeur protégé le plus haut niveau de prestations sociales de solidarité. L’État finance les mesures de tutelle, de curatelle et de sauvegarde de justice des personnes qui ne perçoivent pas de prestation sociale ou qui perçoivent une prestation à la charge du département (allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap et revenu de solidarité active) ou une prestation sociale qui ne figure pas dans la liste fixée par le décret n° 2008-1498 du 22 décembre 2008 (6). Les organismes de sécurité sociale, en particulier les caisses d’allocations familiales (CAF), sont les principaux contributeurs : l’assurance maladie finance les mesures confiées aux hôpitaux et la branche famille les mesures de protection des personnes qui perçoivent une prestation sociale, à l’exception de celles qui relèvent du département. Quant aux conseils départementaux, ils financent les mesures d’accompagnement judiciaires des personnes qui bénéficient d’une prestation à leur charge.

Au total, un même mandataire judiciaire pouvait être rémunéré par huit financeurs publics différents. Cette multiplicité des financeurs et des payeurs au niveau local a rendu le dispositif complexe et inopérant.

Des problèmes de gestion particuliers aux organismes de sécurité sociale

Selon les données fournies par le rapport de l’IGAS précité, le coût pour les finances publiques des MJPM a fortement augmenté entre 2008 et 2013, passant de 416 à 571 millions d’euros. Les crédits consacrés au financement des mesures de protection des majeurs s’élèvent à 596 millions d’euros en 2014 et 617 millions d’euros en 2015. Si le coût semble aujourd’hui maîtrisé, la structure du financement public a été profondément modifiée par la réforme de 2007, la part de la sécurité sociale étant passée de 36,8 % à 60,2 % de 2008 à 2013, celle de l’État de 58 % à 39 % et celle des départements de 5,2 % à 0,5 % (7). Ce sont donc les organismes de sécurité sociale, en particulier les CAF, qui ont supporté l’essentiel de la hausse du coût global.

L’IGAS estime, dans son rapport précité, que « la sécurité sociale ne participe pas dans des conditions satisfaisantes à la régulation de cette dépense, dont la gestion se révèle extrêmement complexe au niveau local ». Ces difficultés concernent à la fois les modalités de rémunération des services mandataires et celle des mandataires exerçant à titre individuel :

– Le financement public des services mandataires, tout d’abord, prend la forme de dotations globales versées à l’issue d’une procédure budgétaire contradictoire, qui doit permettre d’apprécier précisément l’activité et les besoins de chaque service et d’allouer les crédits de façon équitable sur tout le territoire. Cette procédure budgétaire est pilotée par les directions régionales ou les directions départementales de la cohésion sociale, mais il n’existe pas d’instance locale de coordination des différents financeurs publics appelés à donner un avis sur les propositions budgétaires soumises par les services mandataires à l’approbation des Préfets. Surtout, selon les représentants de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) auditionnés par la rapporteure, les organismes de sécurité sociale, et en particulier les CAF, ne sont pas associés à cette procédure de manière satisfaisante. Ils estiment ainsi à juste titre qu’il n’existe pas aujourd’hui de logique de contrôle ou de gestion de la dépense et que le circuit décisionnel est extérieur aux instances de direction et de gouvernance de la branche famille. L’avis des CAF est en effet sollicité trop en amont du cadrage budgétaire ministériel et n’est pas systématiquement suivi d’effet, ce qui amène les auteurs du rapport de l’IGAS précité à considérer les caisses comme des « payeurs aveugles ».

– La CNAF a également mis en avant les difficultés liées à la rémunération des mandataires individuels, effectuée sur la base d’un tarif mensuel forfaitaire à la mesure. Alors que le niveau de financement de la mesure est uniquement déclaratif, les CAF ne sont aujourd’hui pas en mesure d’effectuer de réelle vérification des paramètres de calcul de ce financement. Comme le note l’IGAS dans son rapport précité, « la différence entre l’assiette de ressources servant de base au calcul de la participation des majeurs protégés et celle utilisée pour les prestations sociales, l’absence de système d’information permettant à chaque financeur de connaître l’ensemble des prestations versées à une personne et leur montant, rendent ce contrôle difficile à réaliser ». Afin de vérifier que le calcul que leur présente le mandataire est exact, les CAF tentent de recalculer elles-mêmes le montant de la participation de chaque majeur. Or, cet exercice se révèle particulièrement complexe dans la mesure où les caisses ne disposent que des informations liées au statut d’allocataire des majeurs protégés. Elles ne sont donc pas en mesure de vérifier l’exhaustivité des ressources du majeur protégé. La complexité des règles de financement pèse de la même manière sur les mandataires individuels qui ne sont pas exempts de risques d’erreurs ou de mauvaises interprétations dans le calcul et l’imputation du financement.

La mise en œuvre de moyens de vérification, par exemple grâce à un échange d’informations avec la direction générale des finances publiques (DGFip), a pu néanmoins apparaître disproportionnée au regard des enjeux financiers du dispositif, qui représente moins de 0,1 % des dépenses globales de sécurité sociale. Pour la même raison, le contrôle a posteriori des mandataires est peu ou pas développé et n’est en général pas une priorité dans les plans de contrôle des organismes financeurs.

C’est pourquoi, afin que les caisses de sécurité sociale ne soient plus des financeurs « aveugles » du dispositif, la mission menée par l’IGAS recommande une simplification significative des modalités de financement du dispositif de protection juridique des majeurs.

d. Les inquiétudes liées à l’allongement de la durée des mesures prononcées par le juge

Avant la loi du 5 mars 2007, les mesures de protection étaient définitives sauf si une mainlevée était prononcée avant le décès de la personne protégée. Cette dernière pouvait n’avoir été entendue par le juge qu’à une seule reprise, lors de l’ouverture de la mesure. Le juge n’avait aucun moyen de vérifier si le consentement de la personne était respecté par le tuteur ou le curateur pendant l’exercice de la mesure.

Dès lors, l’instauration, par la loi de 2007, d’une révision obligatoire des mesures tous les cinq ans a permis d’améliorer le respect des droits fondamentaux des personnes protégées. Elle a eu pour conséquence de permettre aux personnes bénéficiant déjà d’une mesure de protection de rencontrer le juge, sauf avis médical contraire. Au cours de cet entretien, le consentement de la personne est systématiquement recherché. S’il est certes rare que la mesure de protection soit remise en cause ou que la personne protégée ne consente pas à son renouvellement, il a néanmoins été souligné que la mise en place d’une révision obligatoire des mesures a permis de mettre en lumière des situations, principalement lors de mesures confiées aux familles, où le consentement de la personne était bafoué, l’intéressé étant maintenu dans une situation de dépendance qui ne se justifiait pas.

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures revient sur la limitation dans le temps des mesures prononcées par le juge. Alors que la loi du 5 mars 2007 prévoyait que la durée de la mesure fixée par le juge ne pouvait excéder cinq ans, le juge des tutelles peut désormais, à l’ouverture de la mesure de protection, fixer la durée de la mesure au-delà de cinq ans, sans toutefois pouvoir dépasser dix ans. Dans le cas d’un renouvellement ou d’une révision de la mesure existante, le juge peut désormais fixer une durée plus longue, sans toutefois dépasser vingt ans.

Les personnes auditionnées, en particulier l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) et la Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT) ont regretté cette évolution, considérée comme une régression par rapport à la loi du 5 mars 2007. L’UNAPEI estime que cette mesure est contraire à l’article 12 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, qui vise à garantir que « les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée […], s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire ».

À cet égard, La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis sur le consentement des personnes âgées vulnérables adopté le 16 avril 2015, recommande de prévoir une révision plus régulière de la mesure de protection, qui pourrait intervenir tous les trois ans.

2. Améliorer la mise en œuvre et l’efficacité du dispositif

a. Élargir l’accès à la mesure d’accompagnement social personnalisé et à la mesure d’accompagnement judiciaire à des publics fragiles qui en sont aujourd’hui exclus

La MASP et la MAJ ne concernent que les personnes bénéficiant de prestations sociales. Selon une étude des services de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) citée par le Livre blanc sur la protection juridique des majeurs (8), « les entrées dans la MASP sont principalement motivées par des impayés de loyer et de charges locatives, dans les trois quarts des cas ». Dans les autres cas, les entrées sont liées à des problèmes de santé.

La rapporteure regrette que ces mesures soient limitées aux seuls bénéficiaires de prestations sociales, excluant ainsi les personnes âgées disposant de faibles retraites, les travailleurs à faibles revenus, les jeunes surendettés en premier emploi et, de façon générale, les personnes disposant de peu de ressources. Une frange importante de la population présentant de réelles fragilités se trouve donc exclue de ce dispositif. C’est pourquoi il conviendrait d’étendre le bénéfice de la MASP et de la MAJ à des publics fragiles qui en sont aujourd’hui exclus.

b. Renforcer l’information du public

Dans son avis sur le consentement des personnes âgées vulnérables précité, la CNCDH estime que, plutôt que de légiférer encore, il convient de mieux faire connaître les dispositifs légaux et les normes existantes, en particulier en matière d’anticipation du recueil des volontés de la personne vulnérable. Trois dispositifs pourraient en particulier faire l’objet d’actions de communication.

Créée par la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, et renforcée par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, la fonction de personne de confiance est encore trop peu connue et utilisée. Faire connaître la possibilité d’être assisté par une personne de son choix dans tout processus de consentement aux soins et de changement du lieu de vie doit constituer un axe prioritaire d’information des personnes en perte d’autonomie.

Par ailleurs, la loi du 22 avril 2005 précitée a introduit dans le code de la santé publique la procédure des directives anticipées dont l’usage reste très faible, puisque seulement 2 à 3 % de la population en rédigent. La proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, qui doit être examinée en deuxième lecture au Sénat le 29 octobre 2015, prévoit de rendre opposables les directives anticipées. La détermination d’un cadre plus formel que les dispositions actuelles constitue une opportunité pour mettre en place dans l’ensemble du système de santé les mesures nécessaires à la diffusion et à la prise en compte des directives anticipées.

Enfin, le mandat de protection future, créé par la loi du 5 mars 2007, constitue un outil juridique d’une grande souplesse permettant d’anticiper la mise en place de dispositions souhaitées par tous les intéressés, mandant et mandataire désigné. Or, la FNAT a estimé lors de son audition que le faible recours au mandat de protection future tenait à un manque important de communication. Le développement d’actions de sensibilisation au mandat de protection future à destination des professions à caractère juridique, voire du grand public, pourrait permettre une augmentation sensible du nombre de signatures. Selon la FNAT, le succès du mandat de protection future mis en place au Québec en 1989 tient à l’effort de sensibilisation mené par les pouvoirs publics et les acteurs sociaux. Par ailleurs, afin de sécuriser le cadre juridique applicable à ce mandat, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement prévoit que le mandat est enregistré sur un registre spécial, dont les modalités et l’accès doivent être précisés par un décret en Conseil d’État.

Il serait par ailleurs nécessaire de réfléchir à une meilleure articulation entre mandat de protection future et directives anticipées, ainsi qu’entre mandataire et personne de confiance. Des mesures de coordination de nature réglementaire pourraient être mises en place pour assurer une meilleure cohérence des dispositifs.

c. Améliorer la formation et clarifier le statut des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Développer des actions de formation pour les professionnels chargés de la protection juridique des majeurs

La CNCDH, dans son avis précité, s’inquiète de l’insuffisante formation des professionnels du dispositif de protection des majeurs, en particulier :

– l’absence de formation des juges et des personnels médicaux aux motifs de placement sous protection comme la gérontologie, la psychiatrie, la psychologie, les addictions ;

– l’insuffisance de la formation des greffiers à la comptabilité de gestion ;

– la formation aléatoire et inégale des MJPM, du fait de l’absence de diplôme d’État.

La CNCDH recommande d’améliorer la formation des personnels médicaux, sociaux ainsi que juridiques sur les bonnes pratiques en matière de recueil et de respect du consentement.

Concernant l’établissement des certificats médicaux précédant la mise en œuvre d’une mesure de protection juridique, la Commission nationale propose que l’inscription des médecins pouvant délivrer ces certificats sur la liste du procureur de la République soit subordonnée au suivi d’une formation juridique.

Lors de leurs auditions, l’UNAF et la FNAT ont en outre estimé que la formation des MJPM pourrait être complétée par des notions d’éthique. En effet, ces derniers interviennent auprès de personnes vulnérables, couramment exposées voire victimes d’isolement, d’exclusion sociale, de marginalisation, de ruptures familiales ou de comportements addictifs. De ce fait, l’exercice de leur profession nécessite une réflexion constante sur la nature de leurs pratiques dans l’intérêt de la personne protégée.

Selon le Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, « une démarche éthique donne aux professionnels des éléments pour faciliter un choix éclairé et responsable. Elle émerge d’un questionnement issu des tensions entre les différentes exigences, du juge, de la personne protégée, des familles, des partenaires, mais aussi des contradictions entre les contraintes institutionnelles, les valeurs et les intérêts divergents auxquels les professionnels sont soumis dans l’exercice des mesures de protection. Elle permet de prendre les décisions les plus justes possible ».

Les auteurs du Livre blanc préconisent ainsi de mettre en place des groupes de réflexion regroupant personnes protégées, mandataires, magistrats, médecins, psychiatres, philosophes et familles, afin de réfléchir aux questions éthiques et d’établir, à plus long terme, une charte de déontologie pour l’exercice de l’activité de MJPM.

Mieux encadrer l’exercice de l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoit d’encadrer le cumul d’activité des MJPM. À l’heure actuelle, les personnes formées par les associations qui deviennent mandataires peuvent ensuite exercer des activités en propre, parfois au détriment de ces associations et sans encadrement. Dans la dernière version du projet de loi, cet encadrement concerne non seulement les situations de cumul d’une activité de salarié d’un service mandataire et d’un exercice libéral mais également celle du cumul d’une activité de mandataire en tant que préposé, salarié ou fonctionnaire d’un établissement et d’un exercice à titre individuel. Un décret en Conseil d’État doit définir plus précisément les cas d’autorisation de cumul des fonctions.

d. Simplifier les modalités de financement du dispositif

La simplification des modalités de financement du dispositif doit être mise en place par le projet de loi de finances pour 2016, qui prévoit, d’une part, de transférer à l’État le financement des mesures par les organismes de sécurité sociale et, d’autre part, de simplifier la gestion des dotations au niveau local.

Dans un souci de rationalisation, il est ainsi proposé, au niveau national, de transférer l’ensemble du financement du dispositif à l’État, qui est chargé de son pilotage. En revanche, le financement des départements, qui représente 0,3 % de la dotation globale de financement des services mandataires, serait maintenu à son niveau actuel.

Par ailleurs, la gestion du dispositif doit être simplifiée et allégée au niveau local, grâce à un désengagement des organismes de sécurité sociale qui étaient chargés, comme l’État, du paiement des MJPM et de leur contrôle. Ces missions seront à présent exercées uniquement par l’État qui conserve son rôle de tarificateur. Cette simplification permettra d’alléger le travail des CAF, qui participaient majoritairement au financement du dispositif et au contrôle des mandataires.

Enfin, la réforme prévoit de permettre aux services de l’État au niveau local de solliciter, dans le cadre de leur mission de contrôle, les organismes de sécurité sociale afin qu’ils leur communiquent les données fiscales de leurs allocataires transmises par la direction générale des finances publiques ainsi que les informations sur les prestations que ces organismes leur servent. Cette mesure contribuera à améliorer l’efficacité du dispositif en recentrant le contrôle sur l’assiette des ressources et le calcul de la participation des personnes protégées au financement de leur mesure.

Si cette réforme est bienvenue, l’Union syndicale des magistrats (USM), dans une contribution écrite adressée à la rapporteure, s’interroge néanmoins sur le montant du budget alloué pour l’année 2016, de 637,4 millions d’euros, qui a vocation à englober l’ensemble des crédits qui étaient consacrés à la protection des personnes majeures par l’État et par les organismes de sécurité sociale. En effet, dès 2014, l’USM avait dénoncé l’insuffisance des crédits affectés au financement des mandataires judiciaires, ces derniers étant fréquemment payés avec retard. Selon l’USM, de nombreux services en charge de la protection des personnes majeures se voient contraints de déposer des dossiers de redressement, voire d’engager une procédure de liquidation judiciaire. Les impayés touchent également les MJPM exerçant à titre individuel. Dans ce contexte, le budget pour 2016 devrait d’abord servir à combler les impayés de 2015.

La rapporteure regrette que ni les documents budgétaires, ni les réponses au questionnaire budgétaire n’apportent de précisions sur ces situations critiques. Elle espère que la simplification des modalités de financement des mesures de protection permettra de remédier à certaines des carences constatées.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, le mercredi 28 octobre 2015, de Mmes Ségolène Neuville et Pascale Boistard, secrétaires d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, respectivement chargées des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et des droits des femmes (9), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur les rapports de Mme Luce Pane (Solidarité) et de M. Philip Cordery (Handicap et dépendance).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, étant donné que nous ne sommes saisis d’aucun amendement, nous allons procéder immédiatement au vote sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je vous rappelle que nos deux rapporteurs ont donné un avis favorable à leur adoption.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24, ainsi qu’à l’adoption de l’article 63 rattaché.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) M. Thierry Nouvel, directeur général, M. Jacques Trombert, président adjoint, et Mme Séverine Ragon, responsable du département établissements et services

Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) Mme Monique Dupuy, administratrice, présidente du département Cohésion sociale et vulnérabilité, Mme Agnès Brousse, responsable du service Évaluation et développement des activités, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

Ø Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT) M. Patrice Gauthier, président, et M. Hadeel Chamson, chef du service juridique

Ø Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (FNMJI)Mme Anne-Laure Arnaud, présidente, et M. David Matile, vice-président

Ø Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (*) – M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration, M. Daniel Lenoir, directeur général, Mme Barbara Brlayola, experte prestations, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ø Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général, M. Daniel Anghelou, chef de bureau Protection des personnes, et M. Alexandre Picard, adjoint à la cheffe de bureau Budgets et performance

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 1214 au nom de la mission d’information sur les immigrés âgés.

2 () Conseil économique et social, « Réformer les tutelles », avis présenté par Mme Rose Boutaric, 2006.

3 () Arrêté du 2 janvier 2009 relatif à la formation complémentaire préparant aux certificats nationaux de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales.

4 () Avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur le consentement des personnes vulnérables, 16 avril 2015.

5 () Financement par les organismes de sécurité sociale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, rapport établi par Isabelle Rougier et Cécile Waquet, membres de l’Inspection générale des affaires sociales, juillet 2014.

6 () Décret n° 2008-1498 du 22 décembre 2008 fixant les listes de prestations sociales mentionnées aux articles L. 271-8 et L. 361-1 du code de l’action sociale et des familles et à l’article 495-4 du code civil et le plafond de la contribution des bénéficiaires de la mesure d’accompagnement social personnalisé.

7 () Chiffres issus du rapport de l’IGAS précité.

8 () Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, CNAPE, FNAT, UNAF et Unapei, septembre 2012.

9 () Cf. compte rendu de la commission élargie :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2016/commissions_elargies/cr/