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N
° 4125

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 48

INVESTISSEMENTS D’AVENIR

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT

DE LA GRÈCE

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Guillaume BACHELAY

Député

____

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LE TROISIÈME PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 9

I. LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DES DEUX PRÉCÉDENTS PROGRAMMES 9

A. L’ORIGINE DES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 9

1. Le rapport « Juppé-Rocard » 9

2. La traduction en loi de finances des préconisations du rapport 10

B. LA MISE EN œUVRE DES PIA 1 ET PIA 2 10

1. Les différents types de dépenses et leur comptabilisation 11

a. Les dotations consommables et les dotations non consommables 11

b. La comptabilisation des investissements d’avenir 12

2. Les opérateurs des PIA 1 et PIA 2 13

C. LES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES SUR LA GOUVERNANCE ET LES PROCÉDURES BUDGÉTAIRES 14

1. Des moyens réellement disponibles inférieurs aux montants affichés 14

2. Des « priorités » trop nombreuses 14

3. Une information du Parlement insuffisante et des redéploiements ne relevant pas des principes originels du PIA 15

II. UNE NOUVELLE MISSION POUR PORTER LE TROISIÈME PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 16

A. LE MAINTIEN D’UNE GOUVERNANCE EFFICACE ET EXIGEANTE 16

B. UNE STRUCTURATION ET DES RÈGLES BUDGÉTAIRES REPENSÉES 17

1. Un nombre délimité de programmes et de priorités 17

2. Un PIA 3 concentré sur quatre opérateurs 17

3. Une place accrue pour les investissements en fonds propres et une suppression des dotations non consommables 18

DEUXIÈME PARTIE : LE BILAN DE LA NOUVELLE DOCTRINE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE 21

I. UNE NOUVELLE DOCTRINE DONT LE PARLEMENT A ÉTÉ L’INSPIRATEUR 21

A. UN NOUVEL INTERVENTIONNISME ADAPTÉ AUX RÈGLES DE L’ÉCONOMIE MONDIALISÉE 22

1. L’État actionnaire plus volontaire 22

2. L’État actionnaire meilleur gestionnaire 23

3. L’État actionnaire exemplaire 24

B. UNE VISION DE LONG TERME PROTECTRICE DU PATRIMOINE DE LA NATION 25

II. UNE GESTION DYNAMIQUE DU PORTEFEUILLE DURANT LA LÉGISLATURE 27

A. DES CESSIONS POUR 7 MILLIARDS D’EUROS DEPUIS 2012 27

B. PLUS DES DEUX TIERS DES PRODUITS DE CESSION RÉINVESTIS 28

C. UNE CONTRIBUTION AU DÉSENDETTEMENT DE L’ÉTAT À HAUTEUR DE 2,3 MILLIARDS D’EUROS 29

III. DES RÈGLES DE GOUVERNANCE ADAPTÉES ET MODERNISÉES 30

A. LA DIVERSIFICATION DU PROFIL DES ADMINISTRATEURS 30

1. La professionnalisation 30

2. La féminisation 31

B. LA MISE EN œUVRE DES DROITS DE VOTE DOUBLE 32

IV. LES AMÉLIORATIONS POSSIBLES 33

A. VERS UN COMITÉ STRATÉGIQUE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE 34

B. POUR UNE RÉNOVATION DES INDICATEURS DE PERFORMANCE 34

1. Une adaptation des indicateurs à la nouvelle doctrine de l’État actionnaire 34

2. Les limites persistantes des nouveaux indicateurs 35

TROISIÈME PARTIE : L’ANALYSE BUDGÉTAIRE DES COMPTES SPÉCIAUX 37

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT 37

A. LES DÉPENSES 39

B. LES RECETTES 39

C. LE SOLDE 39

II. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE 40

A. LES RECETTES 41

B. LES DÉPENSES 42

C. LE SOLDE 43

D. L’IMPACT SUR LE DIVIDENDE DE LA BANQUE DE FRANCE 44

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS 44

A. OBJET DU COMPTE 45

B. FONCTIONNEMENT DU COMPTE 46

C. RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE PRÉVUS POUR 2017 46

1. Le programme 821 46

2. Le programme 823 47

3. Le programme 824 49

4. Le programme 825 50

EXAMEN EN COMMISSION 51

Article 56 : Gouvernance du troisième programme d’investissements d’avenir 53

ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 59

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 51 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.

INTRODUCTION

Le présent rapport spécial porte sur :

– la mission Investissements d’avenir sur laquelle sont inscrits les crédits afférents au troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) d’un montant total de 10 milliards d’euros répartis sur trois programmes budgétaires ;

– le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (ci-après CAS PFE), qui retrace les opérations patrimoniales de l’État actionnaire, c’est-à-dire les ventes et les achats de titres, ainsi que l’affectation des produits de cession entre désendettement et investissement ;

– le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, qui suit l’octroi et le remboursement d’avances à divers services ou organismes de la sphère publique ;

– et le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce (ci-après CAS Grèce) dont l’objet est de suivre les reversements par la France à l’État grec des revenus perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce adopté le 21 juillet 2011.

La première partie est consacrée au lancement du troisième programme d’investissements d’avenir qui, dans le prolongement de ses précédents volets, a vocation à financer les investissements nécessaires à la croissance de demain pour l’attractivité de l’économie, l’innovation technologique et sociale, et l’emploi. En commission élargie, le Secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics a rappelé que « 6 milliards d’euros, soit 60 % des crédits du PIA 3 seront destinés à des projets qui relèvent du secteur de l’amélioration de la qualité environnementale », illustrant ainsi « la mobilisation totale du Gouvernement sur le front du développement durable et de la croissance verte ».

La deuxième partie dresse un bilan de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire, dont le Parlement a été l’inspirateur. Elle repose sur une gestion active des participations qui favorise une vision de long terme et protège les intérêts patrimoniaux des Français.

La troisième partie procède à une analyse budgétaire des crédits proposés au titre des comptes spéciaux relevant du champ de ce rapport. Les dépenses identifiées pour 2017 concernent principalement le CAS PFE en raison de la réorganisation et du redéploiement de la filière nucléaire. Ainsi que l’a souligné le Secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics lors de la commission élargie, « la refondation de la filière nucléaire justifie un niveau exceptionnel de dépenses » de ce CAS en 2017 « afin d’assurer la mise en œuvre des orientations annoncées par le Président de la République en juin 2015 ».

PREMIÈRE PARTIE : LE TROISIÈME PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Le lancement d’un troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) d’un montant de 10 milliards d’euros constitue l’un des aspects majeurs du projet de loi de finances pour 2017.

La gouvernance budgétaire et la structuration du PIA 3 ont été conçues en tenant compte du retour d’expérience des deux précédents volets (I).

Une nouvelle mission Investissements d’avenir portera ainsi le PIA 3 durant sa phase d’exécution (II).

I. LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DES DEUX PRÉCÉDENTS PROGRAMMES

A. L’ORIGINE DES PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

1. Le rapport « Juppé-Rocard »

Le 6 juillet 2009, le Président de la République avait confié à deux anciens Premiers ministres, MM. Alain Juppé et Michel Rocard, la co-présidence d’une commission ad hoc en vue de formuler des propositions sur les choix d’investissements à réaliser pour améliorer le potentiel de croissance de long terme de l’économie française.

Dans leur rapport de novembre 2009 (1), MM. Juppé et Rocard préconisèrent d’importants investissements en vue de financer la transition énergétique et l’émergence d’une « économie de la connaissance ».

Ils recommandèrent aussi la mise en place d’une « gouvernance exemplaire » en proposant que les fonds « soient affectés à des organismes gestionnaires et gérés de manière étanche par rapport au reste du budget ». Ils insistèrent sur le fait que les moyens alloués devaient « apporter un effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels et non se substituer aux dotations des organismes gestionnaires ou bénéficiaires des actions financées » (principe d’additionnalité).

Au plan institutionnel, ils préconisèrent « la mise en place, auprès du Premier ministre, d’un Comité de surveillance » ainsi qu’une « contractualisation entre l’État et les organismes gestionnaires ».

2. La traduction en loi de finances des préconisations du rapport

Les préconisations du rapport « Juppé-Rocard » furent mises en œuvre par l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Elle définit les relations entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds destinés au financement des investissements d’avenir.

Les PIA font ainsi l’objet d’une gouvernance spécifique, reposant sur une sélection indépendante des projets opérée par des jurys d’experts et une gestion des fonds délégués à des opérateurs.

Les relations entre l’État et les opérateurs gestionnaires sont organisées par une convention pluriannuelle qui permet à celui-ci de conserver la maîtrise de l’utilisation des fonds : les opérateurs affectataires n’agissent qu’en tant que gestionnaires. L’attribution et l’utilisation des crédits relèvent en dernier ressort de la décision du Premier ministre.

Placé auprès de lui, un opérateur spécifique assure le pilotage interministériel des PIA, le commissariat général à l’investissement (CGI). Celui-ci prépare les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l’État et les organismes chargés de la gestion des fonds des PIA, coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets, supervise l’instruction des projets d’investissement et veille à l’évaluation des investissements en dressant un bilan annuel de leur exécution. Monsieur Louis Schweitzer assure la fonction de commissaire général à l’investissement depuis 2014, en remplacement de Monsieur Louis Gallois.

L’article précité a également créé un « comité de surveillance des investissements d’avenir », initialement présidé par Messieurs Juppé et Rocard. Ce comité de surveillance est actuellement présidé par Monsieur Jean-Paul Huchon et Monsieur Jean-Pierre Raffarin.

B. LA MISE EN œUVRE DES PIA 1 ET PIA 2

Sur le plan budgétaire, la loi de 2010 a initié le premier programme d’investissements d’avenir (PIA 1) pour un montant de 35 milliards d’euros.

En 2014, le deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2) est intervenu pour un montant de 12 milliards d’euros (loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014).

Au total, les deux premiers PIA ont donc atteint 47 milliards d’euros. Lors de leur audition par le Rapporteur spécial, les représentants du CGI ont expliqué qu’en pratique, les différentes générations de PIA faisaient l’objet d’une gestion unifiée. Ils ont également indiqué que sur les 47 milliards d’euros prévus :

– 38,5 milliards d’euros ont été engagés, étant précisé que plus de 46 milliards devraient être engagés au total d’ici fin 2017 ;

– 33,2 milliards d’euros ont été contractualisés ;

– 15,5 milliards d’euros ont été décaissés.

Ils ont souligné que l’effet de levier constaté était en moyenne d’un euro pour un euro, soit environ 36,3 milliards d’euros cofinancés pour 33,2 milliards d’euros contractualisés.

1. Les différents types de dépenses et leur comptabilisation

a. Les dotations consommables et les dotations non consommables

Les crédits des PIA 1 et PIA 2 se répartissent en deux catégories : les dotations consommables et les dotations non consommables.

Les dotations consommables comprennent des subventions, des avances remboursables, des prêts et des prises de participations. La gestion budgétaire de ces dotations est dérogatoire du droit commun. Les crédits ont été intégralement consommés en crédits de paiement (CP) et en autorisations d’engagement (AE) l’année du lancement du PIA. Les opérateurs affectataires avaient alors l’obligation de placer les fonds alloués sur un compte du Trésor. Les versements effectifs n’interviennent qu’ultérieurement au fur et à mesure de l’avancée des projets d’investissement. L’objectif recherché par cette gouvernance budgétaire originale a été de « sanctuariser » les crédits des PIA en les protégeant des réaffectations ou des annulations permises par le principe d’annualité.

Selon le même principe, les dotations non consommables ont été bloquées sur des comptes au Trésor. Toutefois, à la différence des dotations consommables, seuls les intérêts sont utilisables pour financer des investissements. Le taux de rémunération a été fixé à 3,413 % sur une durée maximale de dix ans pour le PIA 1, et à 2,5 % sur une durée maximale de quinze ans pour le PIA 2. Au terme de la durée prévue, les dotations non consommables seront reversées au budget général de l’État.

LA STRUCTURATION INITIALE DES PIA 1 ET PIA 2 PAR TYPE DE DÉPENSES

(en milliards d’euros)

Type de dépenses

PIA 1

PIA 2

PIA 1 et PIA 2

Subventions

10,0

3,9

13,9

Avances remboursables

3,0

2,1

5,1

Prêts

3,0

1,0

4,0

Prises de participations

4,0

1,7

5,7

Sous-total « Dotations consommables »

20,0

8,7

28,7

Dotations non consommables

15,0

3,3

18,3

Total PIA

35,0

12,0

47,0

Source : lois de finances.

b. La comptabilisation des investissements d’avenir

Du point de vue de la comptabilité budgétaire, la totalité des crédits ouverts sur les programmes d’investissements d’avenir ont été consommés dès l’année du lancement du PIA. Il en résulte que les programmes d’origine disparaissent de la nomenclature budgétaire dès l’année suivante ; ils ne font plus l’objet d’un vote annuel par le Parlement.

En comptabilité budgétaire, les PIA 1 et PIA 2 ont pesé sur le déficit de l’État l’année de leur lancement en 2010 (à hauteur de 35 milliards d’euros) et en 2014 (à hauteur de 12 milliards d’euros).

En comptabilité nationale en revanche – celle qui sert de base au calcul du déficit public pour le respect des engagements européens de la France pris dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance – les prêts, les prises de participations et les dotations non consommables ne dégradent pas le solde public de l’État car ils sont assimilés à des actifs et sont comptabilisés en opérations financières. Seuls les subventions, les avances remboursables et les intérêts versés sur les dotations non consommables impactent le solde public – inversement, les remboursements sur les avances remboursables viennent l’améliorer. Au final, les PIA 1 et PIA 2 auront un impact sur le déficit public limité à 24,3 milliards d’euros : 19 milliards d’euros au titre des subventions et avances remboursables, et 5,3 milliards d’euros au titre des intérêts sur les dotations non consommables.

LA COMPTABILISATION DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Type de dépense

Solde budgétaire

Solde public

Subventions

OUI

l’année du lancement du PIA 1 et du PIA 2

OUI

l’année du décaissement

Avances remboursables

OUI

l’année du décaissement

(l’éventuel remboursement vient améliorer le solde lorsqu’il intervient)

Prêts

NON

(considérés comme des actifs)

Prises de participations

Dotations non consommables

Intérêts sur dotations non consommables

OUI

chaque année (mission Engagements financiers de l’État)

OUI

l’année du décaissement

2. Les opérateurs des PIA 1 et PIA 2

Le recours aux opérateurs spécifiques pour gérer les fonds est un moyen d’assurer l’étanchéité et l’efficacité de la dépense. Ils bénéficient en effet d’une expertise dans le secteur où les fonds ont vocation à être investis.

Initialement, les fonds des deux premiers PIA ont été affectés à dix opérateurs selon la répartition récapitulée dans le tableau ci-dessous.

LES OPÉRATEURS DES PIA 1 ET PIA 2

(en millions d’euros)

Opérateurs

PIA 1

PIA 2

PIA 1 et PIA 2

Ademe1

2 850

1 100

3 950

Anah2

500

– 

500

Andra3

100

100

ANR4

18 850

4 015

22 865

Anru5

500

585

1 085

BPI6

2 800*

2 650

5 450

CDC7

6 500

830

7 330

CEA8

900

1 550

2 450

CNES9

500

50

550

Onera10

1 500

1 220

2 720

Total

35 000

12 000

47 000

* dont 360 millions de fiscalité transférée.

1 Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

2 Agence nationale de l’habitat

3 Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

4 Agence nationale de la recherche

5 Agence nationale pour la rénovation urbaine

6 Banque publique d’investissement

7 Caisse des dépôts et consignations

8 Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

9 Centre national d’études spatiales

10 Office national d’études et de recherches aérospatiales

Source : annexe au projet de loi de finances.

Plusieurs redéploiements sont intervenus ultérieurement et deux autres opérateurs se sont vus confier la gestion de fonds : l’Agence de services et de paiement (ASP) et FranceAgriMer. Ces redéploiements sont récapitulés année par année dans l’annexe, relative aux investissements d’avenir, aux différents projets de loi de finances.

C. LES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES SUR LA GOUVERNANCE ET LES PROCÉDURES BUDGÉTAIRES

Tout en soulignant sur le fond la pertinence du dispositif qui produit déjà des « effets visibles dans certains domaines », la Cour des comptes a formulé plusieurs observations sur la gouvernance et les procédures budgétaires des PIA 1 et PIA 2 dans un rapport public thématique de décembre 2015 (2). Elles rejoignent en partie celles qu’a émises la mission d’évaluation et de contrôle de notre commission (3).

1. Des moyens réellement disponibles inférieurs aux montants affichés

Selon la Cour des comptes, les montants alloués aux deux premiers PIA sont à relativiser. En effet, les moyens réellement disponibles pour financer des investissements ne sont pas constitués par l’addition des dotations consommables et des dotations non consommables – comme le laisse penser la communication budgétaire sur la mise en œuvre des PIA – mais par l’addition des dotations consommables et des seuls intérêts sur les dotations non consommables. Ainsi, le volume réel des deux premiers PIA n’est pas de 47 milliards d’euros, mais de 34 milliards d’euros.

COMPARAISON ENTRE LES MONTANTS AFFICHÉS ET LES MOYENS RÉELLEMENT DISPONIBLES

(en milliards d’euros)

Type de dépenses

PIA 1

PIA 2

PIA 1 et PIA 2

       

Dotations consommables

20,0

8,7

28,7

Dotations non consommables

15,0

3,3

18,3

Total « montants affichés »

35,0

12,0

47,0

       

Dotations consommables

20,0

8,7

28,7

Intérêts sur dotations non consommables

4,7

1,0

5,7

Total « moyens réellement disponibles »

24,7

9,7

34,0

Source : Cour des comptes.

2. Des « priorités » trop nombreuses

La Cour des comptes a souligné une tendance à l’accroissement du nombre de priorités peu compatible avec l’objectif de concentration des moyens sur les domaines ayant un impact fort sur la croissance future de l’économie.

Les 35 milliards d’euros du PIA 1 avaient été répartis autour de cinq priorités stratégiques :

– enseignement supérieur et formation (11 milliards) ;

– recherche (7,9 milliards) ;

– filières industrielles et PME (6,5 milliards) ;

– développement durable (5,1 milliards) ;

– numérique (4,5 milliards).

Le PIA 2 porte huit priorités bien que ses crédits – 12 milliards d’euros – soient moindres :

– recherche et universités (3,7 milliards) ;

– transition énergétique et écologique (2,3 milliards) ;

– filières industrielles (1,7 milliard) ;

– excellence technologique des industries de défense (1,5 milliard) ;

– aéronautique et espace (1,3 milliard) ;

– économie numérique (0,6 milliard) ;

– jeunesse, formation et modernisation de l’État (0,5 milliard) ;

– santé (0,4 milliard).

3. Une information du Parlement insuffisante et des redéploiements ne relevant pas des principes originels du PIA

La Cour des comptes a également estimé que l’information du Parlement était insuffisante notamment à l’occasion des redéploiements qui interviennent en cours d’exécution des différents PIA. Le contournement de la règle de l’annualité budgétaire conduit à « priver le Parlement d’une partie de son pouvoir de décision sur des montants de dépenses publiques très importants ».

Par ailleurs, selon la Cour des comptes, une fraction importante des PIA, de l’ordre de 20 %, a servi à financer des actions qui ne relevaient du principe d’additionalité préconisé par le rapport « Juppé-Rocard ». Environ 7 milliards d’euros ont ainsi servi à financer des projets et des opérations préexistantes et environ 3,5 milliards d’euros se sont substitués à des crédits budgétaires devenus insuffisants. La Cour des comptes en tire la conclusion que le traitement budgétaire spécifique des crédits des PIA apparaît moins légitime.

II. UNE NOUVELLE MISSION POUR PORTER LE TROISIÈME PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

La gouvernance du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) obéira pour l’essentiel aux règles qui ont fait le succès des deux précédents (A).

Mais la structuration du PIA 3 et les procédures budgétaires tiendront compte du retour d’expérience issu des précédents volets (B).

A. LE MAINTIEN D’UNE GOUVERNANCE EFFICACE ET EXIGEANTE

Les principales règles de la gouvernance du PIA, qui ont fait son succès, sont maintenues, en particulier :

– la stratégie interministérielle portée par le CGI ;

– une sélectivité rigoureuse des projets ;

– la contractualisation avec les opérateurs ;

– une évaluation indépendante et systématique.

L’information du Parlement est considérablement renforcée avec la création d’une mission dédiée.

Les crédits de paiement du PIA 3 seront, contrairement à ceux des précédentes éditions, autorisés annuellement. En revanche, les autorisations d’engagement à hauteur de 10 milliards d’euros seront intégralement consommées en 2017.

Il est prévu que les crédits de paiement soient soumis à l’approbation du Parlement à hauteur de 2 milliards d’euros par an durant cinq années sur les budgets 2018 à 2022.

En comptabilité budgétaire, le solde de l’État sera donc aggravé de 2 milliards d’euros chaque année de 2018 à 2022, et non pas du montant intégral du PIA dès son année de lancement, comme cela avait été le cas pour les PIA 1 et PIA 2.

En revanche, les règles de comptabilisation en comptabilité nationale sont inchangées.

B. UNE STRUCTURATION ET DES RÈGLES BUDGÉTAIRES REPENSÉES

1. Un nombre délimité de programmes et de priorités

Les crédits de la mission Investissements d’avenir sont répartis au sein de trois programmes, les deux premiers concernent l’enseignement et la recherche, le troisième est relatif au développement des entreprises.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE LA MISSION INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagements

Crédits

de paiement

Programme 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche

2 900

0

Programme 422 Valorisation de la recherche

3 000

0

Programme 423 Accélération de la modernisation des entreprises

4 100

0

Total mission Investissements d’avenir

10 000

0

Source : projet annuel de performances.

Le PIA 3 propose une vision stratégique unifiée autour de deux priorités :

– l’enseignement et la recherche (5,9 milliards d’euros) ;

– et le développement des entreprises (4,1 milliards d’euros).

2. Un PIA 3 concentré sur quatre opérateurs

Au nombre limité de programmes budgétaires correspond également un nombre restreint d’opérateurs affectataires des crédits du PIA 3. C’est un gage d’efficience.

La Caisse des dépôts et consignations, l’Ademe et l’ANR seront plus particulièrement en charge des programmes relatifs à l’enseignement et à la recherche. La Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance seront en charge du programme concernant l’accélération de la modernisation des entreprises.

L’accent est également mis sur la croissance verte et le développement durable puisque 6 milliards d’euros, soit 60 % du PIA 3, seront éco-conditionnés.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE LA MISSION PAR ACTION ET PAR OPÉRATEUR

(en millions d’euros)

Action

CDC

ADEME

Bpifrance

ANR

Total

01 Nouveaux cursus à l’université

250

250

02 Programmes prioritaires de recherche

400

400

03 Équipements structurants de recherche

350

350

04 Soutien des grandes universités de recherche

700

700

05 Constitution d’écoles universitaires de recherche

300

300

06 Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

400

400

07 Territoires d’innovation pédagogique

500

500

Sous-total Programme 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche

900

0

0

2 000

2 900

01 Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

150

02 Fonds national post-maturation « Frontier venture »

500

500

03 Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition

500

700

300

1 500

04 Nouveaux écosystèmes d’innovation

230

230

05 Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants

150

150

320

620

Sous-total Programme 422 Valorisation de la recherche

1 300

850

0

850

3 000

01 Soutien à l’innovation collaborative

550

550

02 Accompagnement et transformation des filières

1 000

1 000

03 Industrie du futur

350

350

04 Adaptation et qualification de la main d’œuvre

100

100

05 Concours d’innovation

150

150

300

06 Fonds national d’amorçage n° 2

500

500

07 Fonds à l’internationalisation des PME

200

200

08 Fonds de fonds « Multicap Croissance n° 2 »

400

400

09 Grands défis

700

700

Sous-total Programme 423 Accélération de la modernisation des entreprises

1 000

300

2 800

0

4 100

Total

3 200

1 000

2 950

2 850

10 000

Dont subventions

900

300

900

950

3 050

Dont dotations décennales

100

– 

– 

1 900

2 000

Dont avances remboursables

– 

300

650

– 

950

Dont prises de participation

2 200

400

1 400

– 

4 000

Source : données issues du projet annuel de performances.

3. Une place accrue pour les investissements en fonds propres et une suppression des dotations non consommables

Les investissements en fonds propres représenteront 40 % du PIA 3, soit 4 milliards d’euros. Conformément aux règles de la comptabilité nationale, ces dépenses ne dégraderont pas le solde public et seront traitées en opérations financières.

Au cours de l’audition des représentants du CGI, il a été confirmé au Rapporteur spécial que ces prises de participation devront répondre au critère de l’« investisseur avisé », indispensable pour qu’elles soient assimilées en comptabilité nationale à des investissements, non à des dépenses.

Par ailleurs, les dotations non consommables sont supprimées en raison du manque de lisibilité des moyens réellement alloués, mais aussi parce qu’elles sont inefficaces dans un contexte de taux d’intérêt bas.

Les subventions et les avances remboursables sont, en revanche, maintenues.

Sont créées à leur côté, des « dotations décennales » qui peuvent s’assimiler à des subventions versées par dixième annuel sur une période de dix ans. Au cours de leur audition pour l’élaboration du présent rapport, les représentants de Bpifrance ont souligné l’intérêt de ce nouveau type de dotation en ce qu’elles offrent une prévisibilité incomparable aux organismes bénéficiaires.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE LA MISSION PAR ACTION ET PAR NATURE DE DÉPENSE

(en millions d’euros)

Action

Subventions

Dotations décennales

Avances remboursables

Prises de participation

Total

01 Nouveaux cursus à l’université

– 

250

– 

– 

250

02 Programmes prioritaires de recherche

50

350

– 

– 

400

03 Équipements structurants de recherche

200

150

– 

– 

350

04 Soutien des grandes universités de recherche

700

– 

– 

700

05 Constitution d’écoles universitaires de recherche

– 

300

– 

– 

30

06 Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

– 

– 

– 

400

400

07 Territoires d’innovation pédagogique

400

100

– 

– 

500

Sous-total Programme 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche

650

1 850

0

400

2 900

01 Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

50

– 

– 

100

150

02 Fonds national post-maturation « Frontier venture »

– 

– 

– 

500

500

03 Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition

600

– 

200

700

1 500

04 Nouveaux écosystèmes d’innovation

80

150

– 

– 

230

05 Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants

570

– 

50

– 

620

Sous-total Programme 422 Valorisation de la recherche

1 300

150

250

1 300

3 000

01 Soutien à l’innovation collaborative

275

– 

275

– 

550

02 Accompagnement et transformation des filières

250

– 

250

500

1 000

03 Industrie du futur

275

– 

75

– 

350

04 Adaptation et qualification de la main d’œuvre

100

– 

– 

– 

100

05 Concours d’innovation

200

– 

100

– 

300

06 Fonds national d’amorçage n° 2

– 

– 

– 

500

500

07 Fonds à l’internationalisation des PME

– 

– 

– 

200

200

08 Fonds de fonds « Multicap Croissance n° 2 »

– 

– 

– 

400

400

09 Grands défis

– 

– 

– 

700

700

Sous-total Programme 423 Accélération de la modernisation des entreprises

1 100

0

700

2 300

4 100

Total

3 050

2 000

950

4 000

10 000

Dont CDC

900

100

0

2 200

3 200

Dont ADEME

300

0

 300

400

1 000

Dont Bpifrance

 900

0

650

 1 400

2 950

Dont ANR

950

1 900

0

0

2 850

Source : données issues du projet annuel de performances.

DEUXIÈME PARTIE : LE BILAN DE LA NOUVELLE DOCTRINE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

Le dernier projet de loi de finances de cette législature est l’occasion de dresser un bilan de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire, dont le Parlement a été l’inspirateur (I). Cette refondation-modernisation du corpus et de ses modalités a favorisé une gestion dynamique du portefeuille de participations (II), avec des règles de gouvernance adaptées et actualisées (III), avec des améliorations qui restent encore envisageables (IV).

I. UNE NOUVELLE DOCTRINE DONT LE PARLEMENT A ÉTÉ L’INSPIRATEUR

Dès 2012, le Rapporteur spécial a soutenu l’idée d’une évolution du rôle de l’État actionnaire, qui compléterait son objectif traditionnel et essentiel de valorisation du patrimoine financier par un impératif de soutien à la compétitivité-qualité de l’économie (4).

Une nouvelle doctrine pour l’État actionnaire a été définie par le Gouvernement en 2013 et s’est concrétisée en 2014, notamment par deux textes majeurs :

– la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, qui a doté les actionnaires de long terme de droits de vote doubles pour renforcer leur poids dans les assemblées générales ;

– et l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique qui a clarifié la place de l’État dans la gouvernance des sociétés à participations publiques.

Repensée, renouvelée, modernisée, constituant une novation majeure de la présente législature, la doctrine de l’État actionnaire allie préservation des intérêts financiers de l’État grâce une gestion rigoureuse de son portefeuille d’actifs, patrimoine commun des Français, et investissements productifs pour la croissance durable, la création d’emplois, le développement des technologies du futur, la consolidation des filières industrielles, la projection des produits et savoir-faire français à l’international.

Ambition d’intérêt général, elle vise à redonner à l’État un rôle de stratège :

– dont les réponses s’adaptent aux réalités économiques et industrielles d’un monde en mutation ;

– dont les leviers d’action font prévaloir les enjeux nationaux du moyen et du long terme dans une économie financiarisée où le capital des grandes entreprises tend souvent à se disperser, et doivent œuvrer à préserver les centres de décision en France ;

– dont les préconisations et les pratiques visent, au-delà des entreprises dont l’État est un actionnaire, à fixer à l’économie des règles ambitieuses et exigeantes en matière de responsabilité sociale et environnementale, de dialogue social, de prise en compte de la chaîne de valeur en lien avec les PME, TPE et ETI, de pondération des rémunérations des dirigeants, de féminisation des structures de direction, etc.

A. UN NOUVEL INTERVENTIONNISME ADAPTÉ AUX RÈGLES DE L’ÉCONOMIE MONDIALISÉE

La nouvelle doctrine de l’État actionnaire repose sur trois piliers qui font de celui-ci un actionnaire plus volontaire, meilleur gestionnaire et exemplaire.

1. L’État actionnaire plus volontaire

Ce volontarisme de l’État actionnaire implique, en premier lieu, de respecter trois principes de bonne gestion :

– la préservation, à moyen terme comme à long terme, des intérêts patrimoniaux de l’État, donc de l’ensemble de nos concitoyens ;

– la stratégie industrielle des entreprises concernées ;

– les conditions de marché.

C’est en fonction de ces trois postulats que peut se déployer la gestion active du portefeuille de l’État. Elle repose sur la philosophie dite du « et-et » : et réinvestissement, et désendettement – un principe constitutif de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire que le Rapporteur spécial a appelé de ses vœux dès 2012.

La répartition des ressources dédiées au réinvestissement ou affectées au désendettement peut être évolutive, fonction des opérations en capital réalisées chaque année. Elle doit en permanence être déterminée de sorte que soient effectivement atteints les trois impératifs évoqués plus haut. Le « et-et » est une orientation d’action afin de donner une perspective dynamique à la stratégie de l’État actionnaire, il n’est pas une vision statique découplée du contexte économique, qu’il s’agisse des conditions de marché ou des enjeux industriels. Mondialisée, l’économie n’est ni immobile ni tranquille : la réactivité et la capacité d’intervention sont des dimensions clés de l’action publique dans la compétition internationale. Il peut donc s’avérer inadapté d’appliquer chaque année une même clé de répartition entre désendettement et réinvestissement. La gestion active du portefeuille implique au contraire un pilotage fin, dynamique, de ce double objectif.

Lors de son audition par le Rapporteur spécial, le ministre de l’économie et des finances a ainsi expliqué que l’intégralité des crédits du CAS PFE serait affectée à l’objectif d’investissement en 2017 compte tenu des besoins liés à la restructuration de la filière nucléaire.

Le Rapporteur spécial approuve ce choix : les objectifs de l’État actionnaire doivent s’adapter aux enjeux industriels jugés stratégiques par l’État ou susceptibles de le devenir.

2. L’État actionnaire meilleur gestionnaire

Les principes de gouvernance de l’État actionnaire ont également été repensés afin de mieux correspondre aux règles d’une gouvernance moderne. Il s’agit, pour l’État actionnaire, d’un enjeu d’efficacité – les positions de l’État seront ainsi mieux défendues – et de légitimité vis-à-vis de l’ensemble du management de l’entreprise.

La rénovation du cadre juridique, mise en œuvre par l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, a constitué une claire opportunité pour l’État actionnaire de regagner une capacité d’influence réelle, au moins égale à celle d’un actionnaire privé. Elle a aussi été l’occasion de moderniser la composition des conseils d’administration en encourageant la désignation des personnalités les plus aptes à répondre aux enjeux spécifiques et aux nombreux défis technologiques, économiques, sociaux, des entreprises à participation publique.

Ce cadre juridique repensé a ouvert le vivier des administrateurs proposés par l’État en lui permettant de bénéficier de l’expérience de personnes issues tant du secteur public que du secteur privé. L’État actionnaire a engagé une réflexion sur la composition actuelle des conseils en mettant en place une base de profils permettant d’en renforcer davantage encore la diversité.

Cette nécessaire modernisation s’accomplit en même temps que la singularité de l’État actionnaire est affirmée. Anticipation des mutations technologiques ou des évolutions sectorielles, transitions écologique et énergétique, mais aussi dialogue social, ces impératifs servent le moyen et le long terme : c’est le rôle de l’État actionnaire d’y être constamment vigilant. Sa vocation n’est pas de peser sur la gestion quotidienne de l’entreprise dont il possède une part du capital, mais d’en rappeler en permanence l’intérêt de long terme. C’est ainsi qu’il est, pour les entreprises dont il est l’un des actionnaires, donc des acteurs, un atout majeur.

3. L’État actionnaire exemplaire

Devoir moral autant que levier pour entraîner, l’exemplarité de l’État actionnaire est consubstantielle à l’État lui-même, dépositaire de l’intérêt général et gestionnaire du patrimoine propriété des Français. En matière d’égalité femmes-hommes, d’encadrement des hautes rémunérations ou de civisme fiscal, le Rapporteur spécial souligne les progrès réalisés au cours des quatre ans écoulés.

Devant la commission élargie, le Secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics a rappelé que l’État applique une doctrine claire de modération de la rémunération des dirigeants des entreprises de son portefeuille et que le Gouvernement a « décidé d’aller plus loin et de rendre le vote des actionnaires contraignant » alors qu’il n’est que consultatif en l’état du droit.

L’État actionnaire doit aussi être prescripteur de bonnes pratiques qui se diffusent dans l’économie. Par ses administrateurs, l’État peut rappeler les contreparties auxquelles se sont engagées les entreprises dans le cadre des mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité, qu’il s’agisse d’investissement, d’innovation, d’emploi ou de formation. Il lui revient également d’être un défenseur actif et vigilant des principes du dialogue social.

Les administrateurs de l’État doivent porter avec force ces préconisations et être des acteurs volontaires et attentifs pour la diffusion des bonnes pratiques, notamment s’agissant des rémunérations des dirigeants afin de promouvoir des principes de modération, ou encore en matière de civisme fiscal.

Dans sa fonction d’actionnaire – et avec un cloisonnement strict avec l’administration fiscale afin de respecter le secret fiscal – l’État accorde une importance majeure à l’exemplarité en matière fiscale des entreprises à participation publique. Lors de son audition par le Rapporteur spécial, le commissaire aux participations de l’État a ainsi indiqué que des travaux ont été menés par les entreprises du portefeuille de l’Agence des participations de l’État sur leurs implantations à l’étranger, leurs motifs et les risques fiscaux y afférant. Ces éléments ont été partagés au sein de leurs instances de gouvernance (conseil d’administration ou de surveillance, comités d’audit et des risque) et des plans d’actions élaborés afin de s’assurer du respect des principes du civisme fiscal (5). Aujourd’hui, l’État actionnaire incite les entreprises du portefeuille à se préparer à la mise en place de reporting pays par pays, qui ont vocation à se généraliser, conformément aux évolutions de la législation nationale (article 121 de la loi de finances pour 2016) et du cadre international (recommandation OCDE et projet de directive européenne en ce sens).

Par ailleurs, la Commission européenne a engagé des procédures à l’encontre de certains États membres (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Belgique) visant des accords fiscaux passés avec des groupes internationaux (Apple, Engie, Starbucks, Fiat, Mc Donald’s et Amazon) dans le cadre du contrôle du respect des règles relatives aux aides d’État. L’État reste vigilant sur les suites de cette procédure engagée par la Commission européenne. À la demande du ministre de l’économie et des finances, une revue complète du portefeuille de l’APE a été initiée afin d’appréhender ce risque d’aide d’État.

B. UNE VISION DE LONG TERME PROTECTRICE DU PATRIMOINE DE LA NATION

Hérité des investissements réalisés dans un passé parfois lointain, le portefeuille des participations de l’État est un atout majeur pour la France. Il assure des revenus réguliers et substantiels au budget de l’État autant qu’il joue un rôle stratégique au service de l’intérêt du pays, de sa souveraineté et de son rayonnement.

L’Agence des participations de l’État (APE) est chargée de veiller aux intérêts patrimoniaux des Français dans une logique de long terme. Les participations suivies par l’APE portent sur 81 entreprises et représentent un actif d’environ 90 milliards d’euros dont 60 milliards d’euros pour les seules entreprises cotées.

VALORISATION DES PARTICIPATIONS DE L’ÉTAT DANS DES SOCIÉTÉS COTÉES

(en millions d’euros)

Entreprises

Au 31 décembre 2014

Au 31 décembre 2015

Au 31 août 2016

ADP

5 023

5 371

4 635

Airbus

3 549

5 322

4 488

Air-France KLM

380

370

260

Areva

1 007

599

730

CNP

113

95

110

Dexia

3

5

2

EDF

35 868

22 139

19 708

Engie

15 754

13 024

11 401

Eramet

212

Orange

5 040

5 516

4 876

PSA

1 131

1 793

1 463

Renault

2 687

5 408

4 280

Safran

4 669

4 068

4 024

Thales

2 465

3 786

4 253

Total

77 689

45 357

60 442

Source : réponse au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial.

La loi impose à l’État une participation minimale dans trois entreprises cotées : 70 % pour EDF, 50 % pour ADP, et 33 % pour Engie.

Ce patrimoine est productif. La prévision actualisée pour 2016 de dividendes que doit percevoir l’État au titre de ses participations dans des entreprises relevant du périmètre de l’APE est de 3,6 milliards d’euros (dont 1,7 milliard en numéraire), contre 3,9 milliards en 2015.

L’État est légitime à exercer pleinement son rôle d’actionnaire pour valoriser et conforter le patrimoine des Français.

Son rôle est également indispensable car, bien souvent, l’État est le seul acteur en capacité de réaliser les opérations en capital indispensables au développement des entreprises et qui sont utiles à la stratégie industrielle de la Nation. Grâce à sa vision de long terme, à sa surface financière et aux objectifs d’intérêt général qu’il poursuit, l’État est mieux à même que tout autre actionnaire pour aider à la restructuration de filières stratégiques et mener à leur terme certaines opérations de recapitalisation.

La prise de participation de l’État dans PSA Peugeot Citroën en est la parfaite illustration. En 2012, ce groupe fleuron de l’industrie automobile, qui représente 60 000 emplois directs, a connu de très profondes difficultés. Le soutien de l’État a été primordial dans son redressement. Il s’est concrétisé, en avril 2014, par une prise de participation à hauteur de 800 millions d’euros dans le capital de l’entreprise. Cet engagement a eu un effet d’entraînement déterminant, pour l’intervention d’un partenaire privé chinois, Dongfeng, dans des proportions identiques. Le fait qu’un investisseur privé se soit ainsi engagé a permis de conférer un caractère « avisé » à la prise de participation de l’État, ce qui a levé l’obstacle d’une possible qualification d’aide d’État par la Commission européenne. Ces investissements ont permis au groupe d’obtenir des concours bancaires et des financements via des fonds d’equity. Ces ressources ont pu être mobilisées au service d’un plan de redressement économique exigeant qui a permis de restructurer le groupe, de reconquérir la confiance des marchés et des fournisseurs, de réactiver des programmes de R&D
– par exemple pour les nouvelles éco-motorisations –, de se projeter à l’international. Au total, dans le cadre du contrat social d’entreprise, un milliard et demi d’euros seront réinvestis sur trois ans. La plus-value potentielle de l’État actionnaire équivaut aujourd’hui à près d’un milliard d’euros.

Dans le même sens, pour 2017, l’État est appelé à conduire la réorganisation de la filière nucléaire, ce qu’aucun autre actionnaire ne pourrait réaliser seul.

Cette refondation devrait conduire :

– au rapprochement des activités de conception, gestion de projets et commercialisation de réacteurs neufs d’EDF et d’AREVA, afin de permettre une politique d’exportation ambitieuse et le renouvellement futur du parc nucléaire français ;

– à la prise de contrôle majoritaire par EDF des activités d’AREVA NP concernant les activités industrielles de construction d’équipements pour les îlots nucléaires, d’assemblage de combustible et de services à la base installée. D’autres investisseurs stratégiques pourront potentiellement participer à cette opération ;

– au recentrage d’AREVA (NewCo) sur son cœur de métier du cycle de combustible nucléaire y compris les activités minières.

La cession des activités d’AREVA NP à EDF est attendue fin 2017. La prise de contrôle des activités réacteurs d’Areva NP mettra fin à une décennie de compétition excessive entre EDF et Areva. Elle placera EDF en chef de file de la filière de construction et d’entretien de réacteurs nucléaires.

Parallèlement, AREVA et EDF seront recapitalisées.

II. UNE GESTION DYNAMIQUE DU PORTEFEUILLE DURANT LA LÉGISLATURE

Depuis 2012, l’État a cédé près de 7 milliards d’euros de participations. Cette gestion dynamique conjugue, en cohérence avec les engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale, réinvestissement et désendettement. Ainsi, environ deux tiers des produits de cession ont été réinvestis, et un tiers a été affecté au désendettement.

A. DES CESSIONS POUR 7 MILLIARDS D’EUROS DEPUIS 2012

Les cessions effectuées entre janvier 2012 et le 31 août 2016 représentent un montant total de 6 968 millions d’euros.

CESSIONS RÉALISÉES DEPUIS 2012 EN RECETTES DU COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

Année

Cessions

2012

intégralité de la participation dans Semapa, soit 5 %, pour 0,30 M€ (mars)

2013

7,82 % de Safran pour 1 351 M€ (mars puis novembre)

3,7 % d’EADS, via Sogepa, pour 1 193 M€ dont 874 M€ sur le CAS (avril)

0,06 % d’EADS pour 21 M€ à Sogepa (mai)

100 % des titres SAPHIR détenus par l’AFD pour le compte de l’État pour 90 k€ (mai)

9,5 % d’Aéroports de Paris dont 3,9 % en provenance de l’État et 5,6 % du FSI pour 738 M€ dont 303 M€ pour l’État (juin)

apport à Bpifrance de 49 % du FSI et de 100 % de la Sofired (juillet)

100 % des titres GARDEL détenus par l’AFD pour le compte de l’État pour 2,50 M€ (novembre)

intégralité de la participation de SNPE à Giat Nexter pour 3 M€ (décembre)

2014

1 % d’Airbus, via Sogepa, pour 451 M€ (janvier)

3,1 % de GDF Suez pour 1 513,5 M€ (juin)

10 titres Technicolor détenus par l’État pour 59 € (juillet)

offre réservée aux salariés de Safran pour 72,6 M€ (octobre)

offre réservée aux salariés de DCNS pour 26,7 M€ (novembre)

2015

offre réservée aux salariés de GDF Suez pour 26,6 M€ (février)

6,60 % de Safran pour 1 786,6 M€ (mars et novembre)

49,99 % du capital de l’aéroport de Toulouse Blagnac pour 308 M€ (avril)

0,48 % du capital d’Engie pour 206 M€ (juin-septembre)

34,01 % du capital de l’ADIT pour 20,3 M€ (décembre)

2016

Les cessions de la participation de l’État dans les aéroports de Nice et de Lyon ont été rendues possibles par une modification législative et devraient entrainer une recette de 1,757 Mds€ en 2016.

Source : réponse au questionnaire budgétaire du Rapporteur spécial.

B. PLUS DES DEUX TIERS DES PRODUITS DE CESSION RÉINVESTIS

Grâce à ces recettes, les principales opérations réalisées entre janvier 2012 et le 31 août 2016, sont les suivantes :

– 1 258 millions d’euros pour l’achat en avril 2015 de 4,73 % du capital de Renault afin de porter la participation de l’État à 19,74 %. Cette opération a permis de s’assurer que l’assemblée générale des actionnaires adopte le dispositif de droit de vote double rendu possible par les dispositions de la loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, en faveur de l’actionnariat de long terme dans les entreprises françaises. Cette adoption permettra de renforcer l’influence des actionnaires de long terme, y compris les actionnaires salariés ;

– 905 millions d’euros ont été consacrés depuis décembre 2012 à l’achat de titres Areva auprès du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) soit : 214 millions en 2012, 357 millions en 2013, et 334 millions en 2014. Réalisée en application de la convention conclue entre le CEA et l’État le 19 octobre 2010, cette opération de reclassement au sein de la sphère publique visait à assurer le financement d’une partie du démantèlement des installations nucléaires du CEA, en complément des subventions budgétaires allouées à cet effet. Un amendement au projet de loi de finances 2016 a par ailleurs été adopté afin de basculer ces dépenses, à compter de cette année, sur le programme 190 du budget général avec un amendement symétrique sur le programme 731 destiné à neutraliser cette ouverture de crédits (pour 321 millions d’euros). Cet amendement ne modifie pas les dépenses liées à ces opérations de démantèlement et d’assainissement, in fine mises en œuvre par le CEA, mais il permet que leur financement soit assuré par un canal unique et en garantit la soutenabilité indépendamment de la valeur du titre AREVA ;

– 800 millions d’euros ont été consacrés à l’acquisition de 14 % du capital de PSA Peugeot Citroën en avril 2014 (augmentation de capital de SOGEPA, à hauteur de 300 millions d’euros afin de lui permettre de souscrire à l’augmentation de capital de PSA, le solde étant financé par la cession de titres Airbus de janvier 2014) ;

– 733 millions d’euros ont été mobilisés en 2012 (466 millions) et 2013 (267 millions) pour l’augmentation de capital de La Poste ;

– 560 millions d’euros dont 280 millions en 2015 et 280 millions en 2016 ont contribué au renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement (AFD). Il était rendu nécessaire par l’entrée en vigueur des règles de « Bâle III » transcrites en droit de l’Union européenne par la directive CRD4 et le règlement CRR du 26 juin 2013. Conformément au courrier du 28 mars 2014 adressé à l’AFD par le ministre de l’économie et des finances, l’État souscrira à hauteur de 840 millions d’euros de titres de fonds propres additionnels de catégorie 1 (« Additional Tier1 ») à émettre par l’AFD en trois tranches annuelles en 2015, 2016 et 2017 ;

– 390 millions d’euros pour la souscription au capital ou l’augmentation de capital des banques multilatérales de développement ;

– 246 millions d’euros pour l’achat auprès de Bpifrance Participations de l’intégralité de la société FSI Équation ;

– 200 millions d’euros dans des titres associatifs de l’Association de formation professionnelle pour les adultes (AFPA), soit 110 millions en 2013, 50 millions en 2014 et 40 millions en 2015 ;

– 100 millions d’euros dont 60 millions en octobre 2015 et 40 millions en avril 2016 pour les deux premières libérations de l’augmentation de capital de 2015 d’un montant de 230 millions du Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologies (LFB,) réservée aux acteurs publics, afin d’accompagner son développement. Le reliquat sera versé progressivement les années suivantes : 90 millions d’euros en avril 2017 et 40 millions d’euros en avril 2018. Cette augmentation de capital est la concrétisation du soutien de l’État à la stratégie de développement du LFB, dans le plasma et les biotechnologies ;

– 87 millions d’euros ont permis de souscrire aux obligations à option de conversion et/ou d’échange en actions nouvelles et/ou existantes « océane » d’AF-KLM (mars 2013).

Les autres opérations réalisées via le CAS PFE constituent des opérations plus modestes en termes de montants.

Enfin, on notera que la souscription à l’augmentation de capital de BPI Groupe SA intervenue en juillet 2013 (383 millions d’euros) et l’augmentation de capital de Dexia en décembre 2012 (2,6 milliards d’euros) ont été réalisées avec des ouvertures préalables de crédits depuis le budget général.

C. UNE CONTRIBUTION AU DÉSENDETTEMENT DE L’ÉTAT À HAUTEUR DE 2,3 MILLIARDS D’EUROS

2,3 milliards d’euros ont été versés depuis 2012 au profit de la Caisse de la dette publique (CDP) depuis le CAS PFE dont 1,5 milliard en octobre 2014 et 0,8 milliard en décembre 2015.

Ces contributions au désendettement de produits de cession de participations sont les premières depuis 2006.

III. DES RÈGLES DE GOUVERNANCE ADAPTÉES ET MODERNISÉES

A. LA DIVERSIFICATION DU PROFIL DES ADMINISTRATEURS

1. La professionnalisation

L’État participe activement aux conseils d’administration et de surveillance, ainsi qu’aux comités spécialisés, des entreprises à participation publique au service d’une gouvernance vigilante et soucieuse des équilibres de long terme de ces entreprises. Il procède à la nomination de 705 administrateurs dont 272 administrateurs représentant l’État (hors administrateurs salariés et élus locaux).

La diversité (valorisation, activité, statut juridique) et le nombre d’entreprises conduit à devoir identifier et recruter des profils d’administrateurs variés pour représenter l’État. La capacité à composer chaque conseil avec les profils les plus adaptés constitue à cet égard un élément majeur de la mission de l’État actionnaire et l’une des innovations fortes de la nouvelle doctrine. Lors de leur audition par le Rapporteur spécial, les représentants de SNCF Réseau ont souligné l’importance de la maîtrise technique des métiers et des enjeux qui concernent l’entreprise par les administrateurs de l’État.

La rénovation du cadre juridique, mise en œuvre par l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, constitue une opportunité pour l’État actionnaire de regagner une capacité d’influence réelle, au moins égale à celle d’un actionnaire privé, et de moderniser la composition des conseils d’administration en encourageant la désignation des personnalités les plus aptes à répondre aux enjeux et défis auxquels sont confrontés les entreprises à participation publique.

Ce nouveau cadre juridique a ouvert le vivier des administrateurs proposés par l’État et nommés en assemblée générale en lui permettant de bénéficier de l’expérience de personnes issues tant du secteur public que du secteur privé. L’État actionnaire a engagé une réflexion sur la composition actuelle des conseils en mettant en place une base de profils permettant d’accroître leur diversité.

Dans le respect des organes de gouvernance des entreprises concernées, l’État actionnaire a souhaité renforcer la professionnalisation du recrutement et la gestion des administrateurs au sein des entreprises relevant de sa compétence. L’Agence des participations de l’État (APE) s’est dotée d’un vivier sous forme de base de données de près de 2 500 profils potentiels, dont 800 femmes, pour préparer les décisions en matière de nominations (administrateurs représentant l’État, personnalités qualifiées, administrateurs nommés par l’assemblée générale) au sein des conseils d’entreprises à participation publique.

Pour renforcer la position de l’État actionnaire et l’exemplarité des sociétés à participation publique, des nouveaux profils ont été identifiés en vue d’accroître la diversité au sein des conseils, en favorisant le rajeunissement, la féminisation et la représentation de l’économie réelle dans les conseils d’administration. Sont également privilégiées des compétences adaptées à l’activité de l’entreprise et à ses défis, notamment en matière d’innovation, de transition numérique, de bonne gestion financière et de compétitivité.

L’APE attache par ailleurs une importance toute particulière à l’organisation chaque année d’une formation à l’État actionnaire, avec un module de formation destiné aux représentants de l’État.

2. La féminisation

Elle est engagée, elle doit s’amplifier. L’amélioration du taux de féminisation des conseils d’administration et de surveillance au sein des 77 entreprises relevant du périmètre de l’APE s’est poursuivie durant l’année écoulée. Ce taux, en évolution régulière, s’établissait au 1er juin 2016 à 30 % contre 27,2 % en 2015, 23,8 % en 2014, 20,7 % en 2013 et 16,2 % en 2012 : c’est un quasi doublement en moins de cinq ans. Actuellement, 289 femmes siègent dans les entreprises à participation publique en tant qu’administratrices, au lieu de 207 l’an dernier (hors représentantes des salariés et élues locales).

Cette évolution constante traduit les efforts mis en œuvre pour respecter l’obligation fixée par la loi du 27 janvier 2011 de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils des grandes entreprises, cotées ou non, publiques ou privées – le taux de féminisation des instances dirigeantes devra atteindre 40 % à l’horizon 2017. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a complété et renforcé les obligations de l’État dans ce domaine : une femme devra être présente au sein des conseils d’administration ou de surveillance des entreprises qui jusqu’alors n’en comptent pas sous peine de sanctions, telles la nullité des nominations ou la suspension des jetons de présence. Le Rapporteur spécial salue la démarche volontaire de féminisation à laquelle procède l’État actionnaire et appelle à sa poursuite.

Le respect de cet objectif constitue une préoccupation majeure de l’État actionnaire, lors du renouvellement des conseils d’administration ou de surveillance. Pour la plupart des entreprises à participation publique, entrant dans le champ d’application de cette loi, le respect d’un seuil minimum de 20 % de femmes a effectivement été atteint dès janvier 2014, à l’issue de la période intermédiaire de trois ans. Aujourd’hui, 54 entreprises respectent ce seuil contre 47 l’année dernière.

B. LA MISE EN œUVRE DES DROITS DE VOTE DOUBLE

L’instauration d’un droit de vote double pour défendre l’actionnariat de long terme a été recommandée, notamment, par le rapport pour la compétitivité de l’industrie française de novembre 2012, issu des travaux de la mission présidée par Louis Gallois, alors commissaire général à l’investissement : « Pour investir, les entreprises ont également besoin de visibilité sur l’avenir ; elles ne peuvent être exclusivement soumises aux impératifs – souvent de court terme – des marchés financiers ; en premier lieu, le poids des actionnaires dans les entreprises doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l’entreprise. »

La loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle dispose que sauf décision contraire des assemblées générales, les actionnaires qui conservent leurs titres pendant au moins deux ans se voient octroyer des droits de vote double. Concrètement, au bout de deux ans, chaque action détenue donne droit à deux voix lors des assemblées générales. Cette disposition s’applique à tout actionnaire de société cotée sur un marché réglementé qui détient ses actions depuis plus de deux ans dans un compte nominatif, sauf clause contraire des statuts adoptée postérieurement à la promulgation de la loi, soit le 1er avril 2014 (article L. 225-123 du code de commerce, modifié par la loi précitée).

Le droit de vote double répond à deux objectifs :

– accroître l’influence des actionnaires « historiques », qui disposent d’un avantage structurel en termes d’information et de décision sur la gestion de la société, et renforcer la capacité de ces actionnaires, au sein des assemblées générales ou du conseil d’administration, à valider ou remettre en cause les orientations de la direction ;

– favoriser la présence d’actionnaires forts, dont l’engagement sur le long terme constitue une garantie de financement pérenne et d’une stratégie créatrice de valeur.

L’État détient aujourd’hui des participations dans treize entreprises cotées, dont onze de droit français concernées par ces dispositions (Airbus et Dexia étant respectivement de droit néerlandais et belge).

Trois sociétés disposaient déjà d’un tel dispositif dans leurs statuts et le conservent, aucune résolution visant à les modifier n’ayant été proposée lors des dernières assemblées générales (Safran, Thales et PSA).

Dans cinq sociétés qui n’avaient pas un tel dispositif statutaire, les dispositions de la loi sur l’économie réelle se sont appliquées par défaut, en l’absence également de résolution visant à imposer statutairement le régime « une action, une voix ». Il s’agit d’EDF, ADP, CNP Assurances, Orange et Areva.

Enfin, trois autres sociétés (Renault, Air France-KLM et Engie) ont procédé à des votes en assemblée générale. L’État a été particulièrement vigilant sur les votes de résolution en assemblée générale ayant trait à ce sujet.

Concernant Renault, l’État a porté sa participation à 19,74 % (équivalent à 23,22 % des droits de vote) par l’achat de 4,73 % supplémentaires du capital de l’entreprise, pour s’assurer que l’assemblée générale des actionnaires du 30 avril 2015 adopte ce dispositif.

Dans la même logique, l’État a porté le 8 mai 2015 sa participation au capital d’Air France-KLM de 15,88 % à 17,58 % afin de soutenir l’adoption des droits de vote double par l’entreprise.

L’acquisition sur le marché de 14 millions de titres Renault et de 5,1 millions de titres Air France KLM a représenté un investissement respectivement de 1,26 milliard d’euros et 42 millions d’euros. Concernant Renault, l’État a confirmé son intention de revenir à terme au niveau de participation antérieur à son acquisition de 4,73 % du capital en avril 2015.

Enfin, dans le cas d’Engie, l’État, qui bénéficie du tiers des droits de vote théoriques, a empêché l’adoption d’une résolution visant à imposer statutairement le régime « une action, une voix ».

L’État bénéficie ainsi de droits de vote double lui permettant d’accompagner dans la durée ces entreprises.

DROITS DE VOTE DE L’ÉTAT COMPARÉS À SA PART DANS LE CAPITAL

Entreprises

Part du capital

Droits de vote

EDF

85 %

90,7 %

Orange

13,4 %

21,14 %

Engie

32,7 %

36,7 %

Air-France KLM

17,6 %

26,85 %

Renault

19,7 %

26,05 %

Source : annexe « Rapport relatif à l’État actionnaire » au projet de loi de finances pour 2017.

Le Rapporteur spécial se félicite que le Gouvernement ait ainsi mis en œuvre une volonté clairement exprimée par le législateur. Les entreprises ont besoin d’investisseurs à moyen et long terme pour mettre en place des stratégies favorables à l’innovation, à l’emploi, à l’environnement, à la préservation de l’outil productif et de centres de décision en France. Dans cette perspective, il est aussi légitime qu’efficace de traiter distinctement l’actionnaire qui « fait un tour et s’en va » et celui qui « reste et s’engage ».

IV. LES AMÉLIORATIONS POSSIBLES

Les avancées contenues dans la nouvelle doctrine de l’État actionnaire et les projets qu’elle a produits peuvent être complétés par plusieurs améliorations que suggère le Rapporteur spécial.

A. VERS UN COMITÉ STRATÉGIQUE DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE

Pour renforcer son rôle d’actionnaire et en éclairer davantage les grands principes d’action, l’État gagnerait à se doter d’un lieu institutionnel d’échange, visant à débattre de sa politique actionnariale, sur un plan aussi bien stratégique que financier, avec le souci de gérer au mieux des intérêts du pays le portefeuille qui lui a été confié. La gestion active doit aussi être réactive. Le Rapporteur spécial préconise que cette future instance soit rattachée au Premier ministre.

Ce comité stratégique, composé de personnalités indépendantes et qualifiées, aurait pour mission d’évaluer dans la durée la stratégie et les objectifs de l’État actionnaire, de l’actualiser si nécessaire, et de juger de la performance de gestion de l’APE. Ce comité jouerait ainsi un rôle précieux pour analyser les options stratégiques du portefeuille dans les principaux secteurs économiques et en définir les orientations. Il constituerait un lieu de dialogue utile entre les différents acteurs concernés sur les choix opérés par l’État dans la gestion de ses participations. Les représentants de Renault, lors de leur audition, ont notamment dit leur attente d’une « unité de message » de la part des pouvoirs publics.

B. POUR UNE RÉNOVATION DES INDICATEURS DE PERFORMANCE

1. Une adaptation des indicateurs à la nouvelle doctrine de l’État actionnaire

Les indicateurs de performance sont l’un des apports de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ces instruments de gestion modernes permettent à la fois un pilotage plus efficace et une évaluation plus juste de l’action publique.

En cohérence avec les préconisations réitérées du Rapporteur spécial, ces indicateurs de performance ont été profondément remaniés. Il était, en effet, devenu nécessaire de les adapter à la nouvelle doctrine de l’État actionnaire. La présentation stratégique de la mission a ainsi été revue dans le cadre du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances de 2015.

Deux objectifs sont désormais assignés à la mission.

D’une part, il est de veiller à l’augmentation de la valeur des participations financières de l’État. Cet objectif se décline en trois indicateurs, élaborés selon des principes proches d’indicateurs établis en entreprise.

Deux d’entre eux portent sur la rentabilité opérationnelle des capitaux employés ainsi que sur le suivi et la maîtrise de l’endettement. Le suivi de l’endettement a été enrichi par deux sous-indicateurs destinés à mesurer le poids de la dette et sa dynamique. Ces différents indicateurs et sous-indicateurs marquent une évolution de gestion positive ; ils pourraient, toutefois, gagner en pertinence en intégrant des prévisions et des objectifs.

Le troisième indicateur est relatif au taux de rendement de l’actionnaire, déterminé désormais selon la méthode de calcul du TSR. Il repose sur une vision élargie de la rentabilité, en incluant, outre les versements de dividendes, l’évolution de la valorisation des titres et l’impact des produits de cessions. Le TSR permet ainsi d’appréhender la rentabilité totale pour un actionnaire sur une période donnée (plus-values latentes, plus-values réalisées, revenus distribués).

La prévision de TSR pour 2017 est de 6 %. Elle se fonde sur un rendement des dividendes de 4 %, en ligne avec ceux observés les années passées sur le portefeuille, et une hausse des cours de 2 à 3 %, c’est-à-dire la hausse minimale escomptée sur longue période sur les marchés boursiers.

Par ailleurs, et conformément à une recommandation du Rapporteur spécial, les opérations réalisées par Sogepa ont été intégrées dans le périmètre de ces indicateurs dès le rapport annuel de performances 2014.

Le second objectif consiste à assurer le succès des opérations de cessions des participations financières. Il permet d’apprécier si ces opérations ont été effectuées au moment le plus opportun d’un point de vue patrimonial. Ses indicateurs ont été simplifiés. Si leur lisibilité s’est trouvée améliorée par la suppression de sous-indicateurs, ces indicateurs pourraient, comme précédemment évoqué, intégrer des prévisions d’objectifs.

2. Les limites persistantes des nouveaux indicateurs

Les indicateurs de performance prennent insuffisamment en compte l’hétérogénéité du portefeuille du point de vue des secteurs économiques (énergie, défense, finance, transport, etc.), de la taille des entreprises (sur les 77 entreprises du portefeuille, les 15 principales participations représentent 98 % du chiffre d’affaires total), de leurs statuts juridiques (EPIC, SA cotée, non cotée, etc.) et du mode de contrôle exercé (d’ultra minoritaire à actionnaire à 100 %).

Par ailleurs, les indicateurs présentés dans les documents budgétaires du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État présentent certaines limites méthodologiques. Ils ne retracent qu’une partie de l’activité de l’État actionnaire. Une vision plus complète est toutefois apportée dans le rapport annuel sur l’État actionnaire, remis au Parlement en annexe du projet de loi de finances.

Le Rapporteur spécial regrette que ces indicateurs se concentrent sur la seule mesure de la rentabilité financière, indispensable, et ne prennent pas suffisamment en compte les nouvelles orientations de l’État actionnaire relatives, notamment, au soutien à l’innovation et à la production.

La valorisation économique de l’ensemble du portefeuille – en particulier des sociétés non cotées – doit encore être améliorée.

Lors de son audition par le Rapporteur spécial, le commissaire aux participations de l’État a indiqué que la réflexion se poursuivait sur des ajustements possibles afin de mieux retranscrire l’hétérogénéité des entités du périmètre (données sectorielles, entités atypiques, etc.), en veillant néanmoins à conserver une certaine stabilité d’une année sur l’autre.

À ce sujet, il a souligné que l’APE avait engagé une réflexion afin de promouvoir la mise en place d’indicateurs extra-financiers au sein des entreprises relevant de son périmètre, afin de prendre en compte des enjeux de responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans la mesure de la performance des entreprises. La généralisation de la publication de rapports intégrés, comme le font déjà des entreprises comme Engie ou Orange, est à ce titre un des objectifs de l’État actionnaire, dans le respect des spécificités de chaque entreprise et de la pertinence de la démarche selon les caractéristiques propres aux entreprises. De façon plus générale, l’APE travaille à la formalisation d’une doctrine de l’État actionnaire en matière de RSE afin de s’assurer de la prise en compte de ces enjeux essentiels dans les entreprises de son portefeuille.

TROISIÈME PARTIE : L’ANALYSE BUDGÉTAIRE DES COMPTES SPÉCIAUX

Les différentes catégories de comptes spéciaux

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 17 à 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les comptes d’opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

I. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

Parmi les trois comptes spéciaux qui entrent dans le champ de ce rapport, le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (ci-après CAS PFE) est, de loin, celui dont l’enjeu financier est le plus important. Il constitue le véhicule budgétaire qui permet de mesurer le rôle et la place de l’État actionnaire dans notre économie.

Ce compte est d’ailleurs l’un des rares comptes d’affectation spéciale dont l’existence est expressément prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (extrait)

« Les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l’État, à l’exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d’affectation spéciale. »

En recettes, le CAS PFE est alimenté essentiellement par les produits de cession de participations ainsi que par des versements du budget général. En dépenses, le CAS PFE comprend deux programmes :

– le programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État qui porte les crédits relatifs à l’investissement ;

– le programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État qui porte les crédits relatifs au désendettement.

Le solde reporté du CAS PFE est de 2,4 milliards d’euros au 31 décembre 2015.

EXÉCUTION DU CAS PFE DEPUIS SA CRÉATION

(en millions d’euros)

Année

Recettes

Dépenses

Solde

Produits de cession et autres

Versement du budget général

Total

Opérations en capital

Désendettement

Total

2006

17 180,3

0

17 180,3

17 170,1

0

17 170,1

210,5*

2007

7 725,3

0

7 725,3

512,4

3 526,3

4 038,7

3 686,5

2008

2 080,0

0

2 080,0

1 623,7

141,0

1 764,7

315,3

2009

515,2

2 940,0

3 455,2

1 797,8

162,7

1 797,8

1 657,4

2010

534,1

2 449,2

2 983,3

6 710,4

4 000,0

6 710,4

- 3 727,1

2011

634,6

0

634,7

716,2

0

716,2

- 81,6

2012

620,8

9 108,4

9 729,2

10 223,2

0

10 223,2

- 494,0

2013

2 751,2

8 340,5

11 091,7

9 871,8

0

9 871,8

1 219,8

2014

1 856,9

5 010,7

6 867,7

5 785,7

1 500,0

7 285,7

- 418,0

2015

2 645,6

804,3

3 449,8

2 619,4

800,0

3 419,4

30,4

2006-2015

36 543,9

28 653,2

65 197,0

57 030,7

10 130,0

62 998,0

2 399,3

* dont 200,3 millions au titre du report de l’ancien compte d’affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés

Source : lois de règlement.

Rappel sur la notion de solde des comptes spéciaux

Le solde annuel des comptes spéciaux ne doit pas être confondu avec le solde reporté ou cumulé.

Le solde reporté ou cumulé correspond au solde du compte spécial depuis sa création, sous déduction des montants non reportés par les lois de règlement. Le solde reporté ne peut jamais être négatif en application du II de l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le report du solde ne signifie pas que la trésorerie est disponible. Juridiquement, le report permet seulement que les autorisations budgétaires de dépenses accordées aux différents comptes en lois de finances puissent excéder les recettes desdits comptes à hauteur dudit report.

Le solde annuel correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l’année. Il fait varier le solde reporté de l’année précédente et impacte le montant du solde budgétaire de l’année en cours. Le solde annuel d’un compte peut être déficitaire dès lors que le solde reporté demeure positif.

A. LES DÉPENSES

Les dépenses identifiées pour 2017 concernent principalement la réorganisation et le redéploiement de la filière nucléaire, via une augmentation de capital d’AREVA et d’EDF.

Les autres dépenses prévues en 2017 ont trait aux opérations concernant les banques multilatérales de développement et le renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement (AFD), à hauteur de 280 millions d’euros, mais aussi, pour des montants moindres, l’augmentation de capital du Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies (LFB), la poursuite de l’augmentation de capital de la Société pour le logement intermédiaire (SLI) et les opérations concernant les banques multilatérales de développement.

Les crédits proposés pour l’ensemble des dépenses prévues sont de 6,5 milliards d’euros.

B. LES RECETTES

Les recettes sont prévues à 5 milliards d’euros, ce qui suppose un programme de cessions « soutenu » selon les termes utilisés par le ministre de l’économie et des finances lors de son audition par le Rapporteur spécial.

C. LE SOLDE

Le CAS PFE serait donc déficitaire à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2016, ce qui est juridiquement possible dans la mesure où le solde reporté de ce compte au titre des années antérieures est de 2,4 milliards d’euros au 31 décembre 2015 et devrait s’élever à environ 3 milliards d’euros en 2016.

II. LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Le compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce a été créé par l’article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

Il constitue le véhicule budgétaire permettant de transférer à l’État grec les revenus perçus par la Banque de France sur les obligations souveraines grecques qu’elle détient, conformément au plan de désendettement de la Grèce adopté le 21 juillet 2011.

Le compte est ouvert depuis le 1er septembre 2012 et jusqu’au 31 décembre 2020. Sur le plan budgétaire, les recettes et les dépenses annuelles du compte ont été fixées en fonction d’un calendrier résultant du plan de désendettement de la Grèce.

PRÉVISION BUDGÉTAIRE INITIALE SUR LA PÉRIODE 2012-2020 RELATIVE AU CAS PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Solde annuel

Solde cumulé

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

Obligations détenues en compte propre

Obligations SMP

Total

2012

198,7

0

198,7

198,7

0

198,7

0

0

2013

555,6

450,0

1 005,6

149,0

450,0

599,0

+ 406,6

+ 406,6

2014

0

399,0

399,0

101,8

399,0

500,8

– 101,8

+ 304,8

2015

0

309,0

309,0

123,5

309,0

432,5

– 123,5

+ 181,3

2016

0

233,0

233,0

92,6

233,0

325,6

– 92,6

+ 88,8

2017

0

183,0

183,0

56,0

183,0

239,0

– 56,0

+ 32,8

2018

0

148,0

148,0

19,3

148,0

167,3

– 19,3

+ 13,5

2019

0

118,0

118,0

7,7

118,0

125,7

– 7,7

+ 5,8

2020

0

86,0

86,0

5,8

86,0

91,8

– 5,8

0

2012-2020

754,3

1 926,0

2 680,3

754,3

1 926,0

2 680,3

0

Source : lois de règlement du budget des années 2006 à 2015.

Les versements prévus pour 2015 (432,5 millions d’euros) et pour 2016 (325,6 millions d’euros) n’ont pas été réalisés en raison de la suspension du dispositif. Le versement annuel à la Grèce sur le compte bloqué pour le service de la dette était en effet conditionné au respect par l’État grec de ses engagements dans le cadre de son programme d’assistance financière. Or, ce programme a été suspendu le 30 juin 2015.

Ainsi, les exercices 2015 et 2016 se sont caractérisés par une consommation nulle de crédits. Le compte a affiché un solde excédentaire en 2015 équivalent aux recettes de l’année de 309 millions d’euros, alors qu’il aurait dû être négatif, selon les prévisions de la loi de finances, à hauteur de 123,5 millions d’euros. De même, pour 2016, le compte qui aurait dû être déficitaire à hauteur de 92,6 millions d’euros devrait être excédentaire à hauteur de 233 millions d’euros.

Même si la reprise des versements n’est pas envisagée à ce stade, le programme de restitutions des intérêts à la Grèce pourrait être réactivé à la suite de l’octroi d’un troisième programme d’assistance à ce pays, comme l’envisage le communiqué de l’Eurogroupe du 25 mai 2016. Le présent projet de loi de finances prévoit les crédits nécessaires à la mise en œuvre du programme de restitution.

En commission élargie, le Secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics a précisé, en réponse à une question du Rapporteur spécial, que la France a choisi, pour procéder aux versements, la solution d’un transfert à un compte séquestre auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui sera ensuite chargé d’effectuer directement le versement à la Grèce. Dès lors, la dépense budgétaire prévue pour 2017 à hauteur de 239 millions d’euros « interviendra de manière certaine ». Dans l’hypothèse où les conditions prévues ne seraient pas respectées par la Grèce, un remboursement au budget de l’État sera organisé.

À noter qu’en raison de la nature particulière de ce compte d’affectation spéciale, qui tient lieu de simple « canal budgétaire » entre la Banque de France et l’État grec, aucun dispositif de mesure de la performance ne lui est associé.

A. LES RECETTES

Ce compte retrace en recettes le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle a perçus sur les titres grecs.

À sa création, ce transfert de ressources portait sur les revenus perçus par la Banque de France sur les seules obligations souveraines grecques qu’elle détient pour son compte propre, notamment dans le cadre de sa stratégie de placement. Le montant de ce transfert qui correspond à la quote-part de la France, est évalué à 754,3 millions d’euros entre 2012 et 2020 (pour un montant total du programme européen de 4 milliards d’euros).

Par convention signée le 3 mai 2012 avec le ministre de l’économie et des finances, la Banque de France s’est ainsi engagée à verser la somme de 754,3 millions d’euros à l’État. Cette somme a été intégralement versée en 2012 et 2013 : 198,7 millions d’euros en 2012 et le solde de 555,6 millions d’euros en 2013. Le compte n’enregistrera donc pas de recettes à ce titre en 2017.

Ce versement anticipé a permis un gain en trésorerie pour l’État. En comptabilité nationale, ce surplus de recettes est toutefois sans impact sur le solde public car, du fait de l’application de la règle des droits constatés, la recette sera prise en compte au fur et à mesure de l’engagement de la dépense.

Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 26 novembre 2012, le transfert de ressources ainsi opéré au profit de la Grèce a été étendu aux revenus perçus par les banques centrales nationales sur les obligations souveraines grecques acquises dans le cadre du "Securities market program" (SMP) – le programme d’achat d’obligations souveraines mis en œuvre par l’Eurosystème à compter de 2010.

Le montant total pour la zone euro du reversement doit s’élever à 9,9 milliards d’euros, soit un montant de 2,06 milliards d’euros en ce qui concerne la Banque de France, correspondant à sa quote-part dans le capital de la Banque centrale européenne (20 %). Les versements, qui ont débuté en 2013, doivent s’étaler jusqu’en 2025 conformément au calendrier arrêté par l’Eurogroupe.

Une convention en date du 26 juin 2013 a été adoptée entre la Banque de France et l’État afin d’organiser ce transfert de ressources. Il est ainsi prévu que le versement de la Banque de France couvre exactement, chaque année, la dépense du compte, soit 2,06 milliards d’euros répartis chaque année jusqu’en 2025 selon la chronique des décaissements prévisionnels.

Depuis 2014, seul le programme dit SMP donne lieu à la perception de recettes pour le compte d’affectation spéciale. En 2017, le versement de la Banque de France à l’État au titre des obligations du SMP devait s’élever à 183 millions d’euros.

B. LES DÉPENSES

En dépenses, le compte retrace les versements de la France à l’État grec au sein du programme 795 Versement de la France au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs.

Le tableau qui suit indique le montant des décaissements prévisionnels jusqu’en 2025 au titre des obligations détenues en compte propre et des obligations acquises dans le cadre du SMP.

CHRONIQUE DES DÉCAISSEMENTS PRÉVISIONNELS

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

Compte propre

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

5,8

0

0

0

0

0

754,3

SMP

0

450

399

309

233

183

148

118

86

35

27

26

22

24

2 060

Total

198,7

599

500,8

432,5

325,6

239

167,3

125.7

91,8

35

27

26

22

24

2 814,3

Source : projet annuel de performances.

Conformément à cette chronique des décaissements prévisionnels, les crédits ouverts pour le programme 795 sont de 239 millions d’euros pour 2017.

Le compte comporte également un programme qui n’a, à ce stade, pas enregistré d’opérations. Dans l’hypothèse où les conditions du plan de désendettement ne seraient plus réunies par la Grèce, les sommes versés par la Banque de France à l’État lui seraient rétrocédées via le programme 796 Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France.

C. LE SOLDE

Les opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations acquises dans le cadre du Securities market program (SMP) sont équilibrées chaque année en recettes et en dépenses et n’ont pas donc pas d’impact sur le solde du compte.

En revanche, le solde annuel du compte varie en fonction des opérations menées au titre de la rétrocession des revenus perçus sur les obligations détenues pour compte propre. Comme prévu, le solde a été excédentaire en 2013 à hauteur de 406,6 millions d’euros compte tenu du versement anticipé de la Banque de France des 754 millions d’euros prévus jusqu’en 2020, et du décaissement de 347,7 millions d’euros au titre des années 2012 et 2013.

Le solde annuel devait, de façon mécanique, se dégrader de 2014 à 2020 à raison des décaissements successifs au titre du reversement des revenus tirés des obligations détenues pour compte propre.

En conséquence, l’impact du compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce, nul en 2012, puis positif en 2013 pour 406,6 millions d’euros, aurait dû être négatif sur la période 2014-2020.

En 2017, le solde annuel attendu serait de – 56 millions d’euros (233 millions d’euros de recettes et 325,6 millions d’euros de dépenses) et contribuerait d’autant au déficit budgétaire de l’État.

En revanche, le solde pluriannuel, en partant de la date de création du compte, serait toujours positif jusqu’en 2019 avant de devenir nul à compter de 2020, lorsque le montant total des reversements à la Grèce au titre des obligations détenues en compte propre aura atteint le montant du versement anticipé de la Banque de France à l’État.

La chronique du montant prévisionnel du solde annuel et du solde pluriannuel du compte est détaillée dans le tableau suivant.

SOLDE DU COMPTE

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Solde annuel

0

+ 406,6

– 101,8

– 123,5

– 92,6

– 56

– 19,3

– 7,7

– 5,8

0

0

0

0

0

Solde pluriannuel

0

+ 406,6

+ 304,8

+ 181,3

+ 88,8

+ 32,8

+ 13,5

+ 5,8

0

0

0

0

0

0

Source : Rapporteur spécial sur la base des données du projet annuel de performances.

D. L’IMPACT SUR LE DIVIDENDE DE LA BANQUE DE FRANCE

Les versements annuels retracés en recettes sur le compte se font comptablement en affectation du résultat de la Banque de France, et sont donc susceptibles d’avoir un impact négatif sur le dividende qu’elle verse à l’État. Le chiffrage précis de cet impact se heurte toutefois à l’impossibilité de savoir si la Grèce aurait été en mesure d’honorer ses engagements en l’absence du soutien des pays de la zone euro, dont ce programme fait partie. En effet, les versements annuels du programme 795 permettent à la fois d’assurer le financement de la Grèce en réduisant ses besoins de financement, et de contribuer au rétablissement de la soutenabilité de la dette grecque, avec un allégement total de l’ordre de 8 points de PIB à horizon 2025 (cf. tableau ci-après).

En points de PIB

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Réduction du besoin de financement

0,2 %

1,5 %

1,4 %

1,1 %

0,9 %

0,7 %

0,5 %

0,4 %

0,3 %

0,1 %

0,1 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Réduction cumulée de la dette grecque

0,2 %

1,7 %

3,1 %

4,3 %

5,1 %

5,8 %

6,3 %

6,7 %

7,1 %

7,2 %

7,4 %

7,5 %

7,6 %

7,7 %

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur spécial.

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics retrace les avances accordées par l’État à des entités publiques sous statuts divers (services de l’État, établissements publics, sociétés d’économie mixte, etc.).

Les recettes et les dépenses budgétaires du compte ne sont pas des recettes et des dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles sont comptabilisées comme des opérations financières car elles sont neutres au plan patrimonial : un décaissement (dépense budgétaire) donne lieu à la constatation d’une créance (avance) tandis qu’un encaissement (recette budgétaire) donne lieu à l’extinction d’une créance (remboursement).

Les opérations du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics n’ont donc pas d’impact sur le déficit public au sens de la comptabilité nationale.

A. OBJET DU COMPTE

Le compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics a été créé par l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

La création de ce compte résulte directement de l’article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Aux termes de cet article, les avances doivent respecter deux principes :

– la neutralité budgétaire pour l’État qui passe par l’application d’un taux d’intérêt de l’avance au moins égal au taux d’intérêt du titre de l’État de maturité équivalente ;

– une durée déterminée.

Le respect de ces deux principes doit garantir que lesdites avances ne deviennent pas des subventions qui ne diraient pas leur nom. En principe, les avances peuvent donc être consenties seulement si la ressource financière permettant son remboursement est certaine.

Article 24 de la LOLF

« Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs.

« Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

« Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d’un taux d’intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d’échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d’État.

« Le montant de l’amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

« Toute échéance qui n’est pas honorée à la date prévue doit faire l’objet, selon la situation du débiteur :

« – soit d’une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

« – soit d’une décision de rééchelonnement faisant l’objet d’une publication au Journal officiel ;

« – soit de la constatation d’une perte probable faisant l’objet d’une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l’exercice dans les conditions prévues à l’article 37. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général. »

B. FONCTIONNEMENT DU COMPTE

Le compte retrace, en dépenses, l’octroi d’avances à divers services ou organismes :

– l’Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821) ;

– des organismes distincts de l’État et gérant des services publics (programme 823), tels que des établissements publics nationaux, des services concédés, des sociétés d’économie mixte, des organismes divers de caractère social ;

– des services de l’État (programme 824), tels que des budgets annexes, des services autonomes de l’État, des services nationalisés ;

– l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825).

Parallèlement, le compte retrace en recettes le remboursement des avances. Les intérêts perçus sur ces avances sont, en revanche, affectés au budget général.

Le solde cumulé du compte depuis sa création est largement déficitaire à
– 2 169,9 millions d’euros. Le stock d’avance restant à rembourser est donc encore important. À cet égard, la Cour des comptes recommande de s’opposer à l’approbation d’un projet de budget d’établissement public n’inscrivant pas en dépense le montant prévu pour le remboursement d’une avance, et à défaut mettre à contribution les ministères de tutelle concernés en cas de non-paiement durant deux exercices consécutifs.

C. RECETTES, DÉPENSES ET SOLDE PRÉVUS POUR 2017

Pour 2017, il est prévu, pour l’ensemble du compte, des recettes de 16,566 milliards d’euros et des dépenses de 16,464 milliards d’euros, soit un solde positif de 102 millions d’euros. Autrement dit, le montant des remboursements d’avances devrait être légèrement supérieur au montant des avances consenties, ce qui améliore d’autant le solde budgétaire de l’État.

Ce solde positif ne provient pas des opérations liées au programme 821
– qui sont équilibrées – mais des opérations relatives aux programmes 823, 824 et 825.

1. Le programme 821

L’essentiel de ces sommes porte sur le programme 821 Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Ce programme permet le préfinancement des aides de la PAC dans l’attente de leur remboursement par l’Union européenne.

Les aides agricoles européennes sont versées aux agriculteurs dès le mois d’octobre par l’ASP puis elles font l’objet d’un remboursement par l’Union européenne.

Les dépenses du programme sont donc les avances aux agriculteurs des aides de la PAC, et les recettes constituent les remboursements de l’Union européenne.

Les dépenses et recettes s’équilibrent à hauteur de 16 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017, comme en 2016. Ce montant est en augmentation par rapport à 2015 (7,2 milliards d’euros) en raison de l’application, pour la première fois en 2015, des nouvelles dispositions de la PAC portant sur les aides du 1er pilier (soutien direct aux agriculteurs).

2. Le programme 823

Le programme 823 Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics a pour objet de répondre soit à des besoins de trésorerie ponctuels, soit à des situations d’urgence pour assurer la continuité de l’action publique ou pour mettre en œuvre de façon accélérée une mesure de politique publique. Des avances à moyen terme peuvent également être accordées à des organismes divers d’administration centrale (ODAC), ces derniers n’ayant pas le droit de s’endetter auprès d’un établissement de crédit par application de l’article 12 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques.

Article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014

« Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, ne peuvent contracter auprès d’un établissement de crédit ou d’une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée les organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales, au sens du règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux en vigueur, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la Caisse de la dette publique et la Société de prises de participation de l’État. Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s’applique cette interdiction. »

L’Agence France Trésor (AFT) est chargée de mettre en œuvre ces diverses avances décidées par le ministre chargé des finances.

LISTE DES AVANCES ACCORDÉES AU TITRE DU PROGRAMME 823 AU 7 SEPTEMBRE 2016

Organisme bénéficiaire

Montant

Fonds national pour la société numérique (FSN) – Caisse des dépôts et consignations

850,0

Cité de la musique

43,4

Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

14,8

Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

16,6

Chambre de commerce et d’industrie de Guyane

5,0

AFITF

0

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur spécial.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit d’ouvrir des crédits de paiement de 346 millions d’euros sur ce programme, dont :

– 50 millions d’euros pour des besoins imprévus ; cette enveloppe est proposée depuis 2011 en projet de loi de finances ; sur la période 2011-2015, seulement 1,6 % des crédits ouverts à ce titre a été consommé ;

– 60 millions d’euros au titre du dispositif de soutien aux entreprises de l’aval de la filière palmipède (oies et canards) touchée par la grippe aviaire ;

– 100 millions d’euros au titre du fonds européen d’aide aux plus démunis ;

– 125 millions d’euros dans le cadre de la mise en œuvre du mécanisme communautaire de stockage public sur le marché du lait ;

– 11,6 millions d’euros d’avance à moyen terme au bénéfice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui a le statut d’ODAC.

Le tableau qui suit récapitule les prévisions de remboursement d’avances pour 2017.

PRÉVISIONS DE REMBOURSEMENTS D’AVANCES POUR 2017

(en millions d’euros)

Organismes

Montant

Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

2,19

Chambre de commerce et d’industrie de Guyane

0,346

Cité de la musique

4,5

Institut national de recherches archéologiques préventives

2,5

FranceAgriMer (dans le cadre du financement du Fonds européen d’aide aux plus démunis)

50

FranceAgriMer (FEAD)

100

FranceAgriMer (stockage public sur le marché du lait)

125

Autres*

50

total

334,54

* par hypothèse, il est prévu que les éventuelles avances au titre des besoins imprévus seront remboursées dans l’année.

Source : projet annuel de performances et réponse au questionnaire du Rapporteur spécial.

Point sur l’exécution 2016

À la date du 6 septembre, aucune avance n’a été accordée en 2016.

D’ici la fin de l’année, deux avances pourraient être accordées :

1/ Une avance à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) pour permettre le financement de projets immobiliers si l’AEFE en fait la demande. Un montant de 6 millions d’euros a été voté en loi de finances pour 2016 à cet effet ;

2/ Une avance à FranceAgriMer dans le cadre du financement du fonds européen d’aide aux plus démunis, dispositif consacré à l’achat de denrées alimentaires. Le montant de l’avance s’élèverait au maximum à 50 millions d’euros.

Début Août 2016, quatre bénéficiaires d’avance avaient effectué des remboursements en capital :

1/ L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a remboursé 19,67 millions d’euros le 03 mai 2016 ; l’avance de 143 millions d’euros accordée en 2009 est désormais intégralement remboursée ;

2/ La Cité de la musique a remboursé 4,25 millions d’euros le 18 mai 2016 en règlement de l’avance de 60,5 millions d’euros octroyée en 2009 ;

3/ L’Institut national de recherches archéologiques préventives a remboursé 2,16 millions d’euros à l’État au titre des avances de 7,5 et 8 millions d’euros accordées respectivement en 2006 et 2007 ;

4/ La CCI de Guyane a remboursé 0,23 million d’euros au titre de l’avance de 5,2 millions d’euros accordée en 2015, conformément au calendrier établi.

Par ailleurs, un remboursement total de 2,9 millions d’euros par l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger au titre de trois avances de 10 millions d’euros, 6,4 millions d’euros et 4,7 millions d’euros, octroyées respectivement en 2012, 2013 et 2015, est prévu le 25 novembre 2016.

3. Le programme 824

À travers ce programme, le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) bénéficie chaque année d’un complément de financement sous forme de prêts, ce que critique la Cour des comptes. Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, cette dernière a renouvelé sa recommandation de cesser de recourir au compte d’avances pour faire face au déséquilibre financier structurel du BACEA. Selon la Cour des comptes, il conviendrait de recourir à un autre mode de financement du besoin en fonds de roulement du BACEA, et de n’employer le cas échéant les avances de l’État que pour des objets précis et ponctuels. 

L’administration n’a pas mis en œuvre cette recommandation au motif que les termes de « prêts » et d’« avances » sont équivalents pour elle.

Les recettes prévues sont de 217,07 millions d’euros tandis que les crédits ouverts sont de 102,6 millions pour les services de l’État (programme 824). Autrement dit, le BACEA remboursera 115 millions de plus que ce qui lui sera avancé, si bien sa dette à l’égard du budget général diminuera en conséquence.

Le stock des avances octroyées au BACEA diminue depuis 2013 mais reste à un montant élevé.

STOCK DES AVANCES AU BACEA AU 31 DÉCEMBRE DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

Année

Stock au 31 décembre

2007

408,2

2008

487,2

2009

733,5

2010

902,6

2011

1 010,3

2012

1 138,2

2013

1 217,1

2014

1 281,5

2015

1 224,2

2016 (prévision)

1 117,2

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur spécial.

4. Le programme 825

Les crédits ouverts sur le programme 825 Avances à l’ONIAM au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex sont de 15 millions d’euros.

Ce programme a vocation à permettre une indemnisation rapide, en cas de condamnation judiciaire, des victimes du Benfluorex, molécule du médicament commercialisé par les laboratoires Servier sous le nom de Mediator. Les Laboratoires Servier ont indemnisé l’ensemble des victimes. Dès lors, l’ONIAM ne s’est pas substitué aux Laboratoires Servier et n’a sollicité aucune avance. Il s’ensuit que les crédits du programme n’ont pas à ce stade été mobilisés.

À noter que les avances accordées à l’ONIAM sont retracées dans un programme budgétaire dédié car cet organisme bénéficie d’avances alors que le caractère certain de la ressource destinée à son financement fait défaut (les ressources de l’ONIAM permettant le remboursement de ces avances doivent, en effet, provenir du résultat des actions récursoires qu’il engage).

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics (voir le compte rendu de la commission élargie du 3 novembre 2016 à 15 heures (6)), la commission examine les crédits des missions Engagements financiers de l’État, Remboursements et dégrèvements et Investissements d’avenir ainsi que des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics et l’article 56, rattaché.

Suivant l’avis favorable de M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Investissements d’avenir et des comptes spéciaux Participations financières de l’État, Participation de la France au désendettement de la Grèce et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

La commission examine ensuite l’article 56, rattaché.

*

* *

Article 56
Gouvernance du troisième programme d’investissements d’avenir

Texte du projet de loi :

L’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 est ainsi modifié :

1° Au I, après les mots : « loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 » sont insérés les mots : « ainsi que des fonds abondés par les programmes de la mission « Investissements d’avenir » créés par la loi n° 2016-…. du .. décembre 2016 de finances pour 2017 » ;

2° Au A du II, il est ajouté un 7° ainsi rédigé :

« 7° Le rythme prévisionnel d’abondement des fonds des programmes de la mission « Investissements d’avenir » créés par la loi n° 2016-…. du .. décembre 2016 de finances pour 2017. » ;

3° Au 6° du VI, il est inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’abondement des fonds par l’État intervient sur plusieurs exercices budgétaires, ce rapport présente également les abondements annuels effectifs au regard de ceux initialement prévus en application du 7° du A du II et rend compte des éventuels écarts. »

Exposé des motifs :

Conformément à la communication du Conseil des ministres du 22 juin 2016, le présent article établit les conditions de mise en œuvre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3).

D’un montant de 10 Md€, le PIA 3 se structure autour de trois axes allant de l’amont à l’aval de la chaîne de valeur : l’enseignement et la recherche (2,9 Md€), la valorisation de la recherche (3 Md€) et la modernisation des entreprises (4,1 Md€). Il s’appuie sur deux vecteurs de transformation de notre économie : le numérique et le développement durable. En particulier, il contribuera à hauteur de 6 Md€, soit près des deux tiers de son montant, au développement durable et à la croissance verte. Il se compose de 4 Md€ de fonds propres, de 4 Md€ de subventions et d’avances remboursables et de 2 Md€ de dotations décennales qui sont des subventions dont le décaissement est étalé sur dix ans.

L’efficacité de ce programme passe par une sélectivité rigoureuse des projets qui y seront éligibles. C’est l’objet de cet article qui reprend les règles de gouvernance exigeantes et qui ont démontré leur efficacité à l’occasion des deux premiers volets du PIA : la priorité donnée aux projets innovants, la mise en œuvre grâce au réseau des opérateurs publics, l’appel à projets comme mode de sélection, une analyse indépendante, la recherche du co-investissement avec effet de levier sur l’investissement privé et celui d’autres collectivités publiques, une optimisation du retour sur investissement pour l’État et la collectivité en termes de compétitivité, d’activité, d’environnement et d’emplois.

Toutefois, pour tenir compte des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur les programmes d’investissements d’avenir, les crédits de paiement versés aux opérateurs au titre du PIA 3 seront autorisés annuellement au sein du budget général (alors que les autorisations d’engagement seront ouvertes en totalité en PLF pour 2017). Une mission dédiée est ainsi créée, composée de trois programmes couvrant chacun l’une des priorités du PIA 3. Le responsable des programmes de cette mission est le Commissaire général à l’investissement. Cette évolution de gouvernance permet de rapprocher le mode de budgétisation du PIA 3 des règles budgétaires de droit commun. Elle s’accompagne d’une information améliorée pour le Parlement. Elle préserve les principes qui font la spécificité du PIA depuis son origine : sélectivité des bénéficiaires finaux, orientation vers l’excellence et l’innovation et la croissance durable, sanctuarisation d’une enveloppe destinée à accroître la croissance potentielle future de notre économie, capacité d’engagement à long terme vis-à-vis des porteurs de projets sans remise en cause possible.

Observations et décision de la commission :

Le du présent article reconduit pour le troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3) le mode de gouvernance des deux précédents PIA.

Le présent article tient également compte de la réforme de la procédure budgétaire en vertu de laquelle les crédits de paiement du PIA 3 seront, contrairement à ceux des précédents PIA, autorisés annuellement.

Ainsi, le prévoit que les conventions entre l’État et les opérateurs devront préciser le « rythme prévisionnel d’abondement des fonds des programmes de la mission Investissements d’avenir » créée par le présent projet de loi de finances.

De même, le prévoit que l’annexe budgétaire sur les PIA devra présenter « les abondements annuels effectifs au regard de ceux initialement prévus » en application des conventions, et rendre compte des « éventuels écarts ».

I. ÉTAT DU DROIT

L’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 définit les conditions d’attribution et de gestion des investissements d’avenir prévus par la même loi puis par la loi de finances pour 2014. Il met en place un système original de cogestion des fonds par l’État et une série d’opérateurs associés. Ce faisant, il déroge sensiblement aux mécanismes traditionnels de la gestion budgétaire étatique, tout spécialement en raison de la « sortie » du budget de l’État de la totalité des fonds, alors même que les dépenses réelles d’investissement s’étaleront sur plusieurs années. Mais il déroge également au cadre habituel des relations que la puissance publique noue avec ses opérateurs, du fait notamment du pouvoir conféré à l’État de décider en dernier ressort de chacune des décisions individuelles d’investissement.

L’article 59 de la loi de finances pour 2014 a modifié cet article pour étendre au deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2) les modalités de gouvernance spécifique qui avaient été prévues dans le cadre du premier programme d’investissement d’avenir (PIA 1), sous réserve de deux ajustements :

– d’une part, la durée maximale prévue pour les conventions conclues entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds a été portée de dix à quinze ans pour les deux PIA ; cet allongement a été jugé nécessaire pour permettre que les crédits portés par le PIA 2 puissent abonder des actions reposant sur des conventions déjà conclues au titre du PIA 1 ;

– d’autre part, il a été prévu d’adapter le périmètre de l’annexe au projet de loi de finances concernant les investissements d’avenir ainsi que la période pendant laquelle le rapport sur la mise en œuvre du PIA serait présenté, afin d’inclure les actions du PIA 2.

A. LA PROCÉDURE D’ATTRIBUTION DES FONDS AUX ORGANISMES GESTIONNAIRES

Les crédits dédiés aux investissements d’avenir sont ouverts sur des programmes ad hoc, créés spécialement au sein de différentes missions préexistantes du budget de l’État.

Du point de vue de la comptabilité budgétaire, la totalité des crédits ouverts sur ces programmes sont consommés dès l’année du lancement du PIA. Il en résulte que les programmes d’origine disparaissent de la nomenclature budgétaire dès l’année suivante. Cette sortie immédiate des fonds du budget de l’État constitue la première étape de leur « sanctuarisation », conformément aux préconisations de la commission Juppé-Rocard. Cette dernière plaidait en effet en faveur d’« une étanchéité stricte entre le budget de l’État et les fonds alloués dans le cadre de l’emprunt national ; autrement dit, il ne doit pas être possible d’utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l’État ».

L’alinéa 1er du I de l’article précité prévoit que la gestion des fonds peut être confiée « à l’Agence nationale de la recherche ainsi qu’à d’autres établissements publics de l’État et à des sociétés dans lesquelles l’État détient directement ou indirectement une majorité du capital ou des droits de vote. La liste de ces autres établissements et de ces sociétés est fixée par un décret. »

Le fait de viser expressément l’Agence nationale de la recherche (ANR) s’explique tant par le fait qu’elle mobilise une part importante des crédits que par son rôle spécifique d’opérateur « relais », qui la conduit à reverser les fonds à d’autres organismes.

En dehors de l’ANR, le spectre couvert par le présent article est large, puisque sont concernés :

– les établissements publics de l’État ; la plupart des organismes attributaires des fonds seront effectivement soit des établissements publics administratifs (ANR, ANAH), soit des établissements publics industriels et commerciaux (ADEME, ONERA, CEA, CNES, ANRU, ANDRA) ;

– la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui fait l’objet d’une disposition spécifique à l’alinéa 2 du I, lui permettant de « concourir à la gestion » des fonds pour le compte de l’État ou des organismes précités.

Ces organismes ont généralement le statut d’opérateur de l’État au sens du droit budgétaire, à l’exception de la CDC. Ils relèvent également, la plupart du temps, de la catégorie des organismes divers d’administration centrale (ODAC) au sens de la comptabilité nationale.

La procédure proposée tend à s’appuyer sur l’expertise d’organismes spécialisés et à la mettre au service d’une stratégie nationale d’investissement, qui demeure sous le contrôle de l’État.

Les modalités de gestion et d’utilisation des fonds par les organismes attributaires sont régies par des conventions passées avec l’État. La signature de la convention avec l’organisme concerné constitue d’ailleurs une condition préalable « à tout versement » (alinéa 1er du II du présent article). Nécessairement pluriannuelles, les conventions couvrent une période variable d’un cas à l’autre.

À chacune des étapes du processus, l’État bénéficie de l’appui d’un commissaire général à l’investissement, chargé de coordonner les travaux interministériels sous l’autorité du Premier ministre.

Les alinéas 4 à 8 de l’article précité énumèrent les principaux éléments du cadre d’emploi des fonds appelés à figurer dans les conventions (ou, à défaut, dans les décrets), dont :

– une série d’objectifs, assortis d’indicateurs, qui sont assignés aux organismes attributaires des fonds (1° du II), afin de contrôler la mise en œuvre des « priorités nationales »,

– les modalités d’instruction et de sélection des différents projets d’investissement ; l’instruction des dossiers – par exemple sous forme d’appels à projets – doit être effectuée « conformément à un cahier des charges approuvé par arrêté du Premier ministre » (2° du II) ; ces derniers précisent les différentes étapes de la procédure, les critères de sélection des projets, la forme des financements apportés et les modalités de suivi de l’utilisation des fonds ; un comité d’engagement, instance de gouvernance ad hoc, est mis en place et assure la sélection des projets éligibles ;

– les conditions dans lesquelles est prise la décision finale relative à chaque projet d’investissement par l’organe compétent de l’opérateur, par exemple son conseil d’administration ; l’État garde in fine le pouvoir de décision, dès lors que le 3° du II prévoit expressément que la convention (ou, à défaut, le décret) fixe les modalités selon lesquelles « l’État contrôle l’utilisation des fonds et décide en dernier lieu de leur attribution » ;

– « les modalités du suivi et de l’évaluation de la rentabilité des projets d’investissement financés ainsi que les conditions dans lesquelles est organisé, le cas échéant, l’intéressement financier de l’État au succès des projets » (4° du II) ;

– « l’organisation comptable, en particulier la création d’un ou plusieurs comptes particuliers, et les modalités d’un suivi comptable propre ainsi que de l’information préalable de l’État sur les paiements envisagés » (5° du II) ;

– « le cas échéant, les conditions dans lesquelles les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue » (6° du II) ; cette disposition est primordiale, puisqu’elle offre à l’État la possibilité d’attribuer des dotations non consommables aux organismes gestionnaires des fonds ; la rémunération par le Trésor public de ces fonds est calculée par application d’un taux fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget (III de l’article précité) ; du point de vue du budget de l’État, cette rémunération des fonds déposés au Trésor augmente la charge de sa trésorerie, retracée sur le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État.

Le III de l’article précité précise que la totalité des fonds consacrés aux investissements d’avenir sont obligatoirement déposés auprès du Trésor. Toutefois, les dotations consommables ne donnent pas lieu à rémunération par le Trésor (a contrario).

En plus de s’inscrire dans la logique de « sanctuarisation » précédemment évoquée, cette obligation de dépôt au Trésor de l’ensemble des fonds présente l’intérêt de renforcer les ressources de financement de l’État. Elle permet ainsi de lisser dans le temps les effets sur la charge de la dette de la détérioration du solde budgétaire.

B. L’INFORMATION ET LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR LES FONDS

Le contrôle par le Parlement de la mise en œuvre des investissements d’avenir est malaisé du fait de la perte d’information qu’entraîne la disparition de la totalité des programmes créés spécialement pour porter les crédits dédiés aux investissements d’avenir.

Pour y remédier, une annexe générale (soit, en pratique, un « jaune » budgétaire) est jointe chaque année par le Gouvernement au projet de loi de finances de l’année et est destinée à offrir au Parlement une vision d’ensemble de la mise en œuvre des investissements d’avenir (V et VI de l’article précité).

Par ailleurs, les commissions chargées des finances et les autres commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat reçoivent, pour information et avant leur signature, les conventions entre l’État et les opérateurs (B du II de l’article précité).

Le IV institue également un comité de surveillance des investissements d’avenir comprenant notamment quatre députés et quatre sénateurs.

II. DISPOSITIF PROPOSÉ

Le de l’article 56 du présent projet de loi de finances prévoit que les crédits de la nouvelle mission Investissements d’avenir feront l’objet du même mode de gouvernance que les deux précédents PIA.

La reconduction du mode de gouvernance atypique des crédits dédiés aux investissements d’avenir se justifie par le fait qu’elle semble avoir démontré son efficacité et parce qu’elle permet à l’État d’assurer une continuité avec les PIA 1 et PIA 2. Les différentes générations de PIA feront ainsi l’objet d’une gouvernance unifiée.

Le de l’article précité précise le contenu des conventions entre l’État et les opérateurs affectataires en prévoyant la mention obligatoire du « rythme prévisionnel d’abondement des fonds des programmes de la mission Investissements d’avenir » créée par le présent projet de loi de finances.

Cette disposition se justifie par le fait que la caractéristique du PIA 3 est de ne pas faire l’objet d’une consommation immédiate en crédits de paiement. Il est dès lors utile de prévoir expressément à quel rythme les fonds seront versés à l’opérateur dans la convention.

Le du présent article enrichit l’information du Parlement en prévoyant que l’annexe budgétaire sur les PIA présente également les abondements annuels effectifs au regard de ceux initialement prévus en application des conventions, et rende compte des éventuels écarts.

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La commission adopte l’article 56, sans modification.

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ANNEXE :
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère de l’économie et des finances

– M. Michel Sapin, ministre ;

– M. Julien Mendez, conseiller en charge des participations publiques,

– Mme Clara Kalaydjan, conseillère en charge des participations publiques.

Agence des participations de l’État

– M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État ;

– Mme Lucie Muniesa, directrice générale adjointe,

– M. Marc de Lépinau, secrétaire général.

SNCF Réseau

– M. Alain Quinet, directeur général délégué.

Commissariat général à l’investissement

– M. Thierry Francq, commissaire général adjoint ;

– M. Édouard Bloch-Escoffier, directeur stratégique et financier.

Groupe Renault

– Mme Mouna Sepehri, directeur délégué à la Présidence ;

– Mme Clotilde Delbos, directeur financier ;

– Mme Véronique Dosdat, directeur des affaires publiques.

Banque publique d’investissement (BPI)

– Nicolas Dufourcq, directeur général ;

– Benjamin Richard, chargé de mission.

© Assemblée nationale

1 () http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2014/08/rapport_juppe_rocard.pdf.

2 () Cour des comptes, Les programmes d’investissements d’avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger, décembre 2015 : https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/Le-programme-d-investissements-d-avenir.

3 () Eva Sas et Sophie Rohfritsch, Les programmes d’investissement d’avenir (PIA) finançant la transition écologique, Assemblée nationale, XIVe législature, rapport d’information n° 3867, 22 juin 2016 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3867.asp.

4 () Guillaume Bachelay, Annexe 48 au rapport de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2013, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 251, 10 octobre 2012 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2013/b0251-tIII-a48.asp#P73_2276.

5 () MM. Pierre-Alain Muet et Eric Woerth, Rapport d’information de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, Assemblée nationale, n° 1243, 10 juillet 2013 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1243.asp.

6 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/