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Commission des affaires étrangères

Mercredi 8 octobre 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Irak : accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Irak (n° 1339) ; accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et l’Irak, d’autre part (n° 1340) – Mme Chantal Guittet, rapporteure

Irak : accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Irak (n° 1339) ; accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et l’Irak, d’autre part (n° 1340)

La séance est ouverte à seize heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Mme Chantal Guittet, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Irak (n° 1339) et le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Irak, d'autre part (n° 1340).

Mme Elisabeth Guigou, présidente. J’ai souhaité que la Commission examine ces deux accords avec l’Irak, car notre délibération nous permettra de débattre de la crise dans ce pays et en Syrie, et d’adresser un signal politique aux autorités irakiennes.

Notre rapporteure nous présentera naturellement le contenu de ces deux textes. Il est clair que la situation en Irak ne crée pas un climat favorable à une application rapide et complète de ces accords très complexes.

L’enjeu, aujourd’hui, est ailleurs. Il est d’encourager les autorités irakiennes à s’engager le plus possible dans une politique de réconciliation nationale. Nous savons que la victoire contre Daech suppose que l’on parvienne à en détacher les tribus sunnites qui se sont tournées vers ce mouvement parce qu’elles étaient excédées par la politique sectaire de l’ancien premier ministre, M. Maliki.

M. Maliki a été remplacé par M. Haïdar Al-Abadi, dont le gouvernement de rassemblement a obtenu la confiance du Parlement irakien le 8 septembre dernier. Il reste que les principaux postes sécuritaires, l’intérieur et la défense, ne sont toujours pas pourvus. Sur le terrain, par ailleurs, les clivages demeurent profonds.

Dans cette situation et en ce moment si particulier, il n’est pas indifférent que la France ratifie ces deux accords.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. C’est en effet un signal fort que nous pouvons envoyer au gouvernement irakien.

Nous sommes saisis de deux textes : un accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre le Gouvernement de la République française et celui de la République d’Irak, qui a été signé à Paris le 16 novembre 2009 ; un accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République d’Irak, d’autre part, qui a été signé à Bruxelles le 11 mai 2012.

Pourquoi présenter ensemble ces deux accords ? Ils forment deux volets complémentaires de la coopération que nous avons engagée avec l’Irak, l’un dans une perspective strictement bilatérale, et l’autre dans une perspective européenne.

Avant d’exposer les apports principaux de ces deux textes pour le renforcement et le développement de la coopération avec l’Irak, il me paraît important de souligner à quel point la situation a changé par rapport au contexte dans lequel ces accords ont été signés, respectivement en 2009 et en 2012.

L’Irak s’est considérablement éloigné de la phase de « reconstruction » et de la logique « post-crise » auxquelles il est encore fait référence dans les études d’impact qui accompagnent les deux projets de loi.

La situation est bien connue de notre Commission. Le ministre des affaires étrangères et celui de la défense viennent régulièrement faire le point devant nous. Après les offensives lancées en janvier, puis en juin de cette année, Daesh a étendu son emprise sur environ un tiers du territoire irakien. Cette organisation terroriste dispose de ressources financières et militaires considérables, notamment depuis la prise de Mossoul. Au plan humanitaire, l’avancée de Daesh et ses exactions épouvantables à l’encontre des populations civiles, notamment les minorités ethniques et religieuses, ont conduit à des flux considérables de personnes déplacées.

Dans ce contexte nouveau, les actions de soutien à l’Irak ont été réorientées dans quatre directions principales : des efforts politiques et diplomatiques pour constituer une large coalition internationale contre Daesh ; des livraisons d’équipements militaires ; un appui aérien à l’armée irakienne et aux forces kurdes qui combattent au sol ; une aide humanitaire d’urgence pour les populations qui en ont besoin.

Le contexte ayant considérablement changé en Irak, dans quelle mesure ces deux accords conservent-ils leur pertinence ?

Tout d’abord, la situation actuelle confirme la nécessité de renforcer la coopération dans les secteurs les plus défaillants en Irak. Il s’agit en particulier de la bonne gouvernance, de l’état de droit, de la justice et du secteur de la sécurité. Dans tous ces domaines, les nombreuses dérives de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki ont, en effet, puissamment contribué à dresser les différentes composantes de la société irakienne les unes contre les autres, ce qui explique en grande partie le déclenchement de la crise. La marginalisation des sunnites a en particulier été très mal vécue par ces populations.

Ensuite, l’accord de partenariat et de coopération UE-Irak instaure un dialogue politique qui pourrait être l’occasion d’insister sur les politiques dites « d’inclusivité », ou de réconciliation nationale, que le nouveau Premier ministre irakien s’est engagé à mettre en œuvre. La nécessité de ces politiques est évidente, ne serait-ce que pour détacher de Daesh ses divers alliés de circonstances, notamment certaines tribus sunnites et d’anciens officiers baasistes.

Troisièmement, si la priorité doit être accordée, bien sûr, à la lutte contre Daesh, au rétablissement de la situation sécuritaire et à la réponse d’urgence à la crise humanitaire, il ne faut pas perdre de vue, pour autant, le fait que l’Irak a des besoins structurels considérables. Une coopération de long terme avec l’Union européenne, et avec la France en particulier, reste précieuse afin d’y répondre.

Enfin, sur un plan plus politique, l’accomplissement des procédures nécessaires à l’entrée en vigueur de ces deux accords, même si cette perspective reste globalement éloignée, constituerait un signal fort de notre volonté de renforcer notre action en Irak et de rester engagé sur la longue durée aux côtés de ce pays.

J’en viens maintenant au contenu et aux modalités de la coopération que ces deux accords permettront de développer entre la France, l’Union européenne et l’Irak.

S’agissant du volet européen, l’accord de partenariat et de coopération a été signé en 2012, après de longues négociations, commencées en 2006. L’accord confirme la détermination de l’Union européenne à renforcer et à élargir son soutien à l’Irak.

Cet accord inscrit, pour la première fois, les relations entre l’Union européenne et l’Irak dans un cadre d’ensemble et de nature partenariale. L’accord repose sur quatre piliers complémentaires : le dialogue politique et la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité, qui constituent sans doute le volet le plus important dans la situation actuelle ; le commerce et les investissements ; le développement de coopérations sectorielles dans de multiples domaines ; les questions de justice, de liberté et de sécurité.

Le volet politique de l’accord UE-Irak instaure un dialogue structuré et régulier entre les deux parties. Ce dialogue concerne tous les sujets présentant un intérêt commun, en particulier la paix, la politique étrangère et de sécurité, le dialogue national et la réconciliation, la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, ainsi que la stabilité et l’intégration au plan régional.

Il est prévu que les ministres et les hauts fonctionnaires se rencontrent chaque année, afin d’alimenter ce dialogue.

Le volet politique de l’accord comporte aussi des stipulations relatives à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, dans le respect du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, notamment par des contrôles nationaux plus efficaces, et en matière de lutte contre la dissémination des armes légères et de petit calibre, dont on sait bien quels défis elles posent, en particulier dans un pays tel que l’Irak. L’accord prévoit aussi une coopération juridique destinée à faciliter l’adhésion de l’Irak au Statut de la Cour pénale internationale.

Le second volet est relatif au commerce et aux investissements. Il comprend de très nombreuses mesures, qui se réfèrent souvent aux règles de base du GATT de 1994 et de l’Organisation mondiale du commerce, bien que l’Irak ne soit pas encore arrivé au terme de sa procédure d’adhésion à cette organisation.

L’accord prévoit l’octroi du traitement de la nation la plus favorisée pour le commerce des marchandises, la libéralisation progressive du commerce des services et de l’établissement entre les parties, ainsi que l’ouverture effective et réciproque des marchés publics, en tenant compte des besoins spécifiques de l’Irak. Les parties s’engagent aussi à réaliser des efforts pour libéraliser les paiements courants et les mouvements de capitaux, à stimuler des investissements mutuellement avantageux, en établissant un climat favorable aux investissements privés, et à coopérer dans le domaine des mesures sanitaires et phytosanitaires. L’accord établit également un mécanisme solide pour le règlement des différends. En matière de protection de la propriété intellectuelle, l’Irak s’engage à adhérer aux conventions multilatérales dans ce domaine et à adopter, dans un délai de cinq ans, des dispositions nationales garantissant une protection adéquate et effective.

Le titre III de l’accord prévoit le développement de coopérations sectorielles nombreuses, dans des domaines très variés – assistance financière et technique, éducation ou encore droits de l’homme. Sur ces différents aspects, permettez-moi de vous renvoyer à mon rapport écrit.

Le titre IV de l’accord est relatif aux questions de justice, de liberté et de sécurité. Ce volet couvre en particulier la protection des données à caractère personnel, la coopération dans le domaine de la gestion des flux migratoires, ou encore la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.

Parmi les autres stipulations, je crois utile d’appeler l’attention sur l’article 117, qui permet l’application provisoire d’une partie de l’accord, avant son entrée en vigueur. Celle-ci est conditionnée à sa conclusion par l’Union européenne, conformément à l’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et à sa ratification par l’ensemble des Etats membres, selon les procédures prévues par leur droit interne. Il s’agit en effet d’un accord dit « mixte », intervenant à la fois dans des domaines de compétence de l’Union européenne et dans ceux de ses Etats membres. C’est pourquoi une application provisoire est envisageable.

Cette procédure ne concerne que des stipulations relevant de la compétence exclusive ou partagée de l’Union. Il s’agit en particulier du titre II (commerce et investissements), du titre III (relatif aux domaines de coopération) et du titre V (dispositions institutionnelles, générales et finales). Ces stipulations sont appliquées à titre provisoire depuis le 1er août 2012. Ni le titre I de l’accord (dialogue politique et coopération en matière de politique étrangère et de sécurité), ni le titre IV (Justice, liberté et sécurité) ne sont donc concernés.

La question des droits de l’homme et de leur respect est évoquée dès l’article 2. Conformément à cet article, qui fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux autres instruments internationaux pertinents, le respect des droits de l’homme « sous-tend les politiques intérieures et internationales des deux parties et constitue un élément essentiel du présent accord ».

La question des droits de l’homme fait partie des sujets entrant dans le cadre du dialogue politique instauré par le titre I de l’accord. Par ailleurs, en cas de non-respect de l’article 2 par une partie, l’article 121 permet à l’autre partie de prendre des « mesures appropriées » avec un effet immédiat.

J’en viens maintenant au deuxième texte dont nous sommes saisis : l’accord de partenariat pour la coopération culturelle, scientifique et technique et pour le développement entre la France et l’Irak, qui a été signé le 16 novembre 2009.

Tout d’abord, quel est l’état des lieux ? La coopération bilatérale est déjà active dans de nombreux domaines. Permettez-moi d’en faire une brève présentation et de vous renvoyer là aussi, pour de plus amples détails, à mon rapport écrit.

Au plan culturel, l’Institut français en Irak a soutenu une trentaine d’actions en 2013, notamment en matière de musique classique, de théâtre et d’architecture. Un Institut français a également ouvert ses portes en 2009 à Erbil, dans la région autonome du Kurdistan irakien, afin de répondre à une forte demande de coopération de la part des autorités kurdes. L’Institut français du Proche-Orient, l’IFPO, a lui aussi ouvert un bureau à Erbil, au cours de l’année 2011. C’est également au Kurdistan que les missions archéologiques françaises se concentrent, en particulier pour des raisons de sécurité.

Au plan universitaire, notre contribution à la formation des élites irakiennes correspond à une forte attente de la part des autorités, qui ont besoin de compétences. Notre appui consiste principalement à promouvoir un programme de bourses avec les autorités du gouvernement fédéral irakien, comme avec celles de la région autonome du Kurdistan. Nous accueillons 189 étudiants dans le cadre d’un programme avec le gouvernement fédéral, et 102 autres boursiers provenant du Kurdistan irakien.

Au plan éducatif et linguistique, les moyens financiers limités du service d’action culturelle et de coopération de notre ambassade en Irak ne permettent pas de soutenir les établissements publics ou privés qui enseignent le français, ce que l’on peut regretter. Le contexte sécuritaire ne permet pas non plus l’envoi de lecteurs ou de stagiaires « Français langue étrangère ». On peut néanmoins citer l’ouverture récente de deux écoles internationales française au Kurdistan irakien, l’une à Erbil et l’autre à Souleymanieh.

Quelques mots aussi à propos de notre coopération en faveur de la société civile et en matière de gouvernance. Nous soutenons en particulier des ONG actives dans le domaine des droits des femmes, de leur accès au monde du travail et de l’aide médicale aux populations féminines en milieu rural. En matière de gouvernance, nous avons notamment financé en 2013 des bourses destinées à des juristes irakiens, ainsi que des initiatives en direction des médias – des journalistes ont ainsi été accueillis au sein de France 24.

L’accord franco-irakien de 2009 a pour objet de consolider et de renforcer cette coopération bilatérale, en lui fournissant un cadre juridique unique, qui vient se substituer aux accords préexistants dans les domaines culturels, scientifiques et techniques. Ces accords datent de 1969 et la coopération de défense n’est évidemment pas concernée.

L’accord de 2009 a aussi pour mérite de préciser les différents domaines dans lesquels la France et l’Irak s’engagent à renforcer ou à développer leur coopération, dans des termes qui demeurent cependant assez généraux. Ces domaines sont nombreux. On peut notamment citer l’étude de la langue et de la culture, en principe de manière réciproque ; les coopérations entre bibliothèques et maisons d’édition ; l’échange et la traduction d’ouvrages ; la coopération dans le domaine des médias ; le patrimoine archéologique et historique ; l’enseignement supérieur et la recherche ; la gouvernance démocratique, l’Etat de droit et la modernisation du secteur public ; le développement économique et social.

L’accord de 2009 comporte aussi toute une série de stipulations relatives à la mise en œuvre de ces différentes coopérations bilatérales.

Il s’agit notamment de mesures destinées à faciliter les travaux des missions archéologiques françaises en Irak, ainsi que le déplacement et le séjour des personnels concernés par les actions de coopération.

L’accord prévoit également diverses mesures d’exonération ou de franchise de droits et taxes, en particulier pour les matériels et équipements d’appui, ainsi que pour les transactions de tout ordre (documentation ou matériel) qui entrent dans le cadre des actions de coopération.

S’agissant des bourses, leur financement doit être partagé entre les deux parties, sauf programme exceptionnel décidé d’un commun accord. L’accord instaure une commission mixte de l’enseignement supérieur et des bourses, chargée de définir les priorités de la coopération universitaire et de la sélection des boursiers.

L’accord demande aussi le développement de la coopération décentralisée, aujourd’hui inactive, pour des raisons sécuritaires.

Quant à l’Agence française de développement (AFD), si l’accord consacre son rôle en Irak, il renvoie à un accord spécifique sur ce point.

Enfin, l’accord de 2009 institue une commission mixte, culturelle, scientifique et technique, chargée de définir les grandes priorités de la coopération bilatérale et d’en assurer le suivi. Cette commission doit être formée de représentants des deux pays, et elle doit se réunir alternativement à Paris et à Bagdad, au moins une fois tous les trois ans.

L’accord est conclu pour une période de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction.

Au bénéfice de ces différentes observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les deux projets de loi qui nous sont soumis. Ils contribueront à consolider et à étendre des coopérations dont l’Irak a besoin, dans des domaines pour lesquels l’Union européenne et la France sont bien placées pour apporter leur soutien.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Merci pour votre rapport très détaillé et argumenté.

M. Jean-Paul Dupré. Au regard des événements qui se déroulent en Irak, quelles peuvent être la crédibilité et l’applicabilité de ces accords ? Je pense en particulier à la coopération en matière de respect des droits de l’homme. Il est néanmoins vrai que l’approbation de ces accords offrirait un témoignage utile de notre soutien à l’avenir démocratique de ce beau pays qu’est l’Irak.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Je suis d’accord avec vous : il est un peu surréaliste de débattre de ces accords dans le contexte actuel. Cela dit, en ce qui concerne la France, il s’agit d’actualiser notre coopération, qui repose sur des textes datant de 1969. L’un des piliers de ces deux accords est, par ailleurs, le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance, sujets qui importent beaucoup en Irak. Le signal envoyé et l’aide que nous pouvons proposer ne sont pas sans signification.

M. Thierry Mariani. Je voterai les deux projets de loi. Mais il s’agit plus d’un acte de foi que du réalisme, car je partage les interrogations de mon collègue Jean-Paul Dupré.

L’accord avec l’Union européenne a commencé à être négocié en 2006, il a été signé en 2009, puis paraphé à Bruxelles en 2012. Il n’entrera en vigueur que lorsque le dernier Etat l’aura ratifié. Où en est-on exactement ? Entre le début de la négociation et la mise en application, 10 ans vont probablement s’écouler, ce qui est un record.

L’article 105 de l’accord prévoit une coopération en matière de migration et d’asile avec l’Irak, qui doit assurer la réadmission sur son territoire de ses ressortissants refoulés. Je m’interroge sur le nombre de laissez-passer consulaires que les autorités irakiennes ont accordés récemment.

M. François Rochebloine. Merci à notre rapporteure pour son exposé très complet.

Je tiens à saluer l’action du Président de la République, du ministre des affaires étrangères et des hauts dignitaires religieux qui se sont récemment rendus en Irak. La situation de ce pays est extrêmement grave. Plus de deux mille Kurdes manifestaient hier devant l’Assemblée nationale, et ils exprimaient une vraie douleur.

Sans doute vaudrait-il mieux, d’ailleurs, qu’ils ne soient pas informés de l’examen de ces projets de loi, car ils ne correspondent pas à ce qu’ils attendent de nous. C’est quasiment de la provocation. Même les hauts dignitaires religieux appellent à fournir des armes. Il est d’ailleurs bien dommage que ces accords ne concernent pas la défense.

En ce qui concerne les mesures relatives à la circulation des armes, on voit bien, là aussi, le décalage avec la réalité.

Je voterai bien sûr les projets de loi, mais je vois mal l’intérêt de les examiner aujourd’hui. Il est bon, en revanche, que nous puissions évoquer la situation en Irak.

Alain

M. Axel Poniatowski. Il me paraît plutôt heureux que ces deux textes viennent en discussion aujourd'hui. C’est plutôt un signe encourageant que nous pouvons adresser aux Irakiens, afin de les soutenir dans la reconstruction de leur pays.

S’agissant de l’accord bilatéral de coopération, où en est-on du côté irakien ? On peut imaginer que la ratification ira plus vite pour cet accord. Quelles sont les perspectives ? Quant à l’accord avec l’Union européenne, j’aimerais savoir quels sont les autres Etats membres qui l’ont déjà ratifié.

M. Jean-Pierre Dufau. Je comprends les interrogations sur le télescopage entre l’évolution de la situation en Irak et l’examen de ces deux textes, mais il serait incompréhensible de ne pas faire preuve de la même volonté que d’autres pays européens.

La question kurde est évidemment complexe. Nous sommes nombreux à être interpellés par des Kurdes syriens. La question se pose aussi en Irak, dans des termes différents.

M. Jean-Marc Germain. Je voudrais saluer à mon tour la qualité du travail réalisé par notre rapporteure.

Ces deux textes viennent en examen bien tard, et peut-être de manière incongrue, mais les partenariats noués avec l’Irak n’en sont pas moins fondamentaux. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est pas ce qui a manqué à ce pays pour stabiliser plus tôt sa situation. Le moment venu, ces accords permettront de construire plus durablement en Irak.

Je remercie notre collègue François Rochebloine d’avoir salué l’action du Président de la République et du Gouvernement français. Le Président irakien, que j’ai rencontré lorsqu’il est venu à Paris, compte beaucoup sur l’amitié franco-irakienne pour aller de l’avant.

Nous défendons tous l’idée d’un Irak uni, rassemblant les chiites, les sunnites et les kurdes. Nous devons donc apporter à cet Etat les moyens d’exister. Même si cela ne suffira pas, et même si cela ne doit pas non plus se substituer à l’action de court terme qui est nécessaire pour protéger les populations, ces accords font partie de l’aide que nous pouvons apporter pour aider l’Irak à se projeter dans un avenir démocratique et unifié.

La constitution de trois Etats qui cohabiteraient ensemble pourrait peut-être régler un certain nombre de problèmes à court terme, mais il pourrait ensuite en résulter des difficultés bien plus grandes, pouvant même confiner à des guerres de religion.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. L’accord entre l’Union européenne et l’Irak a déjà été ratifié par la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l’Espagne, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovaquie. Comme pour d’autres accords internationaux, on peut en effet s’interroger sur les délais de ratification dans notre pays.

L’intérêt de ces deux accords est d’abord de montrer notre volonté d’aider l’Irak. Ensuite, ce n’est pas parce que ce pays va mal que nous devons cesser de lui proposer notre coopération. Les Etats-Unis disposent, pour leur part, d’un budget considérable pour mettre en œuvre un « accord-cadre stratégique » avec l’Irak, peut-être avec l’idée de bénéficier un jour d’un « retour » au plan économique. Au plan européen, même si le programme EUJUST-Lex s’est arrêté à la fin de l’année 2013, il faut reprendre les coopérations précédemment engagées dans ce cadre, afin d’aider l’Irak à se reconstruire dans de bonnes conditions. Quant à notre pays en particulier, il a depuis très longtemps des relations importantes avec l’Irak. Il serait dommage de les interrompre.

Je ne suis pas certaine que la délivrance des laissez-passer consulaires dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière soit aujourd’hui une priorité en ce qui concerne l’Irak. Nous avons plutôt été sollicités par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin d’accueillir des Irakiens en grande difficulté. Environ 500 demandes ont déjà été enregistrées à Badgad et à Erbil, avec une réponse positive dans 370 cas.

L’Irak n’a pas encore transmis son instrument de ratification de l’accord bilatéral de coopération. La situation ne facilite pas le travail du Parlement irakien.

Comme l’a indiqué Jean-Pierre Dufau, la question kurde est complexe. Nos actions de coopération concernent aussi les autorités de la région autonome du Kurdistan en Irak. Ces coopérations sont un des moyens de favoriser une plus grande stabilité dans ce pays.

L’accord franco-irakien de coopération ne concerne pas les questions de défense. Elles font l’objet d’un accord spécifique, signé en 2009. Il m’a été indiqué par le ministère des affaires étrangères que cet accord n’avait pas encore été ratifié par la partie irakienne.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification les projets de loi (n° 1339 et n° 1340).

M. Thierry Mariani. Serait-il possible, Madame la Présidente, d’avoir prochainement un débat sur le coût, en France, des sanctions à l’encontre de la Russie ? Nos entreprises en souffrent durement, notamment la société « Sambre-et-Meuse », dans le Nord, dont j’avais négocié la reprise par une entreprise russe lorsque j’étais ministre des transports. Sa mise en liquidation judiciaire concerne 355 salariés, et il y aura d’autres cas similaires. L’Union européenne a par ailleurs déboursé plus de 360 millions d’euros pour les agriculteurs. Il n’y a pas que les chiffres qui comptent, bien sûr, mais je crois qu’il serait utile de nous intéresser aux conséquences économiques des sanctions européennes, en particulier en France. Je crains que nous ne soyons aussi sanctionnés que les Russes eux-mêmes.

Mme Élisabeth Guigou, présidente. La question de l’approvisionnement en gaz cet hiver se posera aussi et nous pourrions faire le point sur les négociations avec le FMI. Cela pourrait être l’occasion d’évoquer le sujet de notre coopération économique avec la Russie.

*

La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 8 octobre 2014 à 16 h 30

Présents. - M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Marc Germain, M. Jean Glavany, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, M. François Loncle, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Axel Poniatowski, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Guy-Michel Chauveau, M. Michel Destot, Mme Cécile Duflot, M. Hervé Gaymard, M. Armand Jung, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lequiller, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Scellier, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle