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Commission des affaires étrangères

Mercredi 14 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente

– Audition de M. Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE (ouverte à la presse)

Audition de M. Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE.

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire des victimes des attentats et en hommage aux policiers qui ont perdu la vie en défendant leurs compatriotes.

Permettez-moi, à l’occasion de cette première réunion de l’année, de vous adresser à tous mes meilleurs vœux. Cette année commence par un deuil national et nous sommes bien placés à la commission des affaires étrangères pour savoir à quel point notre environnement est lourd de menaces. Je souhaite, et je sais que c’est un souhait partagé par tous ici, que la commission des affaires étrangères soit un lieu qui permette à la réflexion politique de se nourrir d’informations objectives et que nos divergences d’appréciation éventuelles soient toujours exprimées dans la sérénité.

Nous avons le plaisir de recevoir le secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurría, accompagné de ses collaborateurs et de M. Pierre Duquesne, notre représentant permanent à l’OCDE.

Mes questions porteront d’abord sur la situation économique générale en Europe et en France plus particulièrement. Cette situation reste très négative, malgré la baisse du prix des hydrocarbures et de l’euro. Aujourd’hui, les Européens sont inquiets face aux crises multiples sur leurs frontières. Il y a aussi l’incertitude sur ce que les Grecs vont décider démocratiquement dans quelques jours. En même temps, l’Union européenne a su renforcer ses mécanismes de solidarité et de responsabilité budgétaire et bancaire et notre pays s’est engagé dans un processus de réformes dont votre dernier rapport souligne qu’elles auront certainement, à terme, des retombées significatives. L’OCDE, en novembre dernier, prévoyait pour la France une croissance un peu inférieure à 1 % en 2015 et de l’ordre de 1,5 % en 2016. Quelles sont, aujourd’hui, vos prévisions pour la France et l’Europe, plus généralement votre perception des risques mais aussi des opportunités économiques pour l’année qui commence ?

Ma seconde question porte sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales. L’OCDE a été dans ce domaine une institution pionnière. C’est là que les premières listes de territoires non coopératifs ont été établies et j’ai moi-même travaillé à ces questions en lien avec M. Donald Johnson quand il était secrétaire général de l’OCDE.

Cette lutte recouvre plusieurs champs. S’agissant de la fraude des particuliers fortunés, des progrès considérables ont, enfin, été réalisés avec la généralisation des échanges automatisés d’informations. Mais il y a un dossier sur lequel les progrès semblent plus difficiles, c’est celui le l’obligation de transparence des structures, comme les trustees ou certaines fondations, qui permettent de dissimuler les bénéficiaires effectifs des actifs ou des comptes. Il reste enfin la question des pratiques des grandes entreprises, regroupées sous l’euphémisme d’« érosion des bases d’imposition ». C’est une question beaucoup plus complexe, mais je sais que l’OCDE y travaille activement.

Je voudrais que vous puissiez porter un jugement sur la politique de l’Union européenne en la matière. À titre personnel, je l’ai souvent dit et écrit, je regrette que l’Union, quand elle a réalisé la liberté des mouvements des capitaux, ait renoncé à ce qui devait aller avec, à savoir l’harmonisation des fiscalités de l’épargne et des entreprises. Il est clair que certains de nos partenaires européens ont développé des pratiques détestables. Mais il y a aujourd’hui une volonté nouvelle de mettre fin aux abus, portée par les États européens les plus peuplés. De votre point de vue, l’Union européenne peut-elle aujourd’hui reprendre le rôle moteur qu’elle aurait toujours dû avoir dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales ?

L’actualité dramatique des derniers jours me conduit à vous poser une question complémentaire, celle de la lutte contre les circuits internationaux de l’argent du crime, qui peuvent servir notamment à financer le terrorisme. L’OCDE a-t-elle une action spécifique dans ce domaine ?

Je sais enfin que vous souhaitez nous sensibiliser aux travaux de l’OCDE sur les migrations internationales, qui constituent, de l’avis de nombreux experts, l’un des principaux défis qui se posent à nous pour l’avenir, notamment en matière de sécurité.

Monsieur Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE. Madame la Présidente, Monsieur l’Ambassadeur, Mesdames et Messieurs les députés, c’est pour moi un très grand honneur d’être invité à m’adresser à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale de la France. Je tiens d’abord à réitérer mon immense peine, ainsi que celle du personnel de l’OCDE pour les meurtres terroristes de la semaine dernière.

La France peut compter sur le soutien entier de l’OCDE dans sa réponse à ces actes inhumains et barbares. J’ai envoyé mes condoléances au Président de la République le 7 janvier et une minute de silence a été observée lors de la réunion du 8 janvier, présidée par Monsieur l’Ambassadeur. J’ai été honoré d’accompagner le Président François Hollande et son Gouvernement, avec des dirigeants du monde entier, lors de la Marche Républicaine de dimanche dernier.

Après l’horreur de ces actes, il est difficile de passer au sujet de l’état de l’économie mondiale, européenne et française.

Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas réussi à tourner la page de la crise économique, et de nouveaux enjeux se profilent. L’économie mondiale continue de tourner au ralenti. L'expansion du commerce mondial reste en deçà de sa tendance de moyen terme et dans la plupart des pays l'investissement productif n'est guère plus dynamique. La croissance du crédit reste atone voire négative dans certains pays en Europe.

La reprise se raffermit aux États-Unis. Dans les marchés émergents, nous prévoyons dans les deux prochaines années que la croissance va s’essouffler quelque peu en Chine, restera modeste en Russie et au Brésil, mais va repartir à un rythme régulier en Inde, en Afrique du Sud et en Indonésie.

La situation en Europe diverge en fonction des pays. La croissance s’affermit par exemple au Royaume Uni, où elle constitue la continuation d’une tendance positive, et en Espagne où elle a débuté l’année précédente à la suite d’une longue récession. Le secteur financier, le marché du travail et les administrations publiques ont fait l’objet d’un ensemble de réformes structurelles très importantes dans ces pays. Mais la France et l’Allemagne ont fortement ralenti, et l’Italie, en récession en 2014, devrait connaître une croissance encore très faible en 2015. Enfin, l’incertitude politique s’est ravivée en Grèce, pays que vous avez d’ailleurs évoqué. Dans l’ensemble de la zone euro, la croissance est faible, le chômage demeure très élevé et l’inflation proche de zéro. La chute des prix du pétrole et de certaines matières premières a contribué à cette situation. La déflation n’est pas toujours mauvaise, mais aujourd’hui, il y a aussi un niveau de la demande qui est très faible.

La zone euro apparaît donc toujours comme l’un des maillons faibles de la croissance mondiale. Les dettes publiques continuent à croître dans la plupart des pays. Nous prévoyons 1,1% de croissance en 2015 et 1,7% en 2016 pour la zone euro dans sa totalité. Mais cette prévision ne se réalisera que si toutes les possibilités fiscales et monétaires de soutien à la demande permises dans le cadre institutionnel européen sont utilisées. Sinon, la zone euro risque de s’enliser dans la déflation et la stagnation.

La vulnérabilité de la zone euro constitue un risque majeur pour la croissance mondiale en 2015-16 à côté des risques de turbulences financières liés au resserrement de la politique monétaire américaine. Ce diagnostic est aussi valide pour la France. Selon nos dernières perspectives économiques, la croissance du PIB réel en France devrait se poursuivre à un rythme modeste en 2015 (0,8%) et s’accélérer à 1,5% en 2016, soutenue par l’amélioration de la conjoncture mondiale, la dépréciation de l’euro, la baisse des prix de l’énergie et le ralentissement de l’assainissement budgétaire. La situation sera plus facile une fois les efforts réalisés au sujet du déficit, et l’on aura également un impact plus modeste sur la croissance.

Comme le montre l’expérience de certains pays très touchés par la crise qui ont engagé de vigoureuses réformes, et commencent à remonter la pente, les politiques macroéconomiques et les réformes structurelles sont des leviers clés de la reprise.

Dans ce contexte, la composition des dépenses et des recettes budgétaires doit faire l’objet d’une attention particulière. Il est important de maintenir et si possible de renforcer les dépenses d’innovation, d’éducation et d’infrastructures, comme l’envisage le plan Juncker. Elles permettront non seulement de soutenir la croissance, mais aussi de redresser la croissance potentielle. Il s’agit d’un défi important pour un pays comme la France où cet effort doit être combiné avec la nécessaire réduction des dépenses publiques. En effet, dans une situation de déficit budgétaire élevé, la consolidation fiscale doit se poursuivre et la croissance être parallèlement relancée.

Il est aussi urgent, tant en Europe qu’en France, d’accompagner les politiques macroéconomiques de réformes structurelles. L’une des réformes prioritaires est l’approfondissement du marché unique. Nous saluons l'engagement renouvelé de la Commission européenne en faveur des réformes et les priorités de la stratégie de croissance qu’elle vient de présenter.

La simplification des charges administratives et des progrès dans l'interconnexion des marchés de l'énergie sont particulièrement bienvenus. Comme vous le savez, au sein de l’Union européenne, il n’existe pas de marché unifié de l’énergie et des télécoms alors qu’ils constituent une partie importante de l’intégration régionale. Des réformes de la fiscalité, des prestations sociales, de la règlementation du marché du travail, de la formation professionnelle et de l’apprentissage mais aussi du système d’éducation de façon plus générale, visant à stimuler l’emploi et à réduire le chômage de longue durée sont elles aussi essentielles. Elles permettront de redresser le potentiel de croissance, mais aussi de renforcer la cohésion sociale, stimuler la consommation des ménages et faciliter le redressement des finances publiques.

Les pays du cœur de la zone euro, où les efforts en matière de réformes ont été bien moins importants que dans les pays vulnérables, doivent aussi être plus ambitieux. Concernant la France, en octobre dernier, nous avons remis au Président Hollande une note qui évaluait l’impact des réformes structurelles alors mises en œuvre ou annoncées – avant même de connaître les détails de la loi Macron - à une augmentation de 0,4 point par an sur 10 ans, soit une accélération de la croissance égale au tiers de la croissance potentielle.

Comme le soulignera notre prochaine étude économique sur la France, la priorité est de poursuivre les réformes allant dans le sens d’une simplification et d’une diminution des formalités administratives et réglementaires pour améliorer les conditions de concurrence, la fiscalité, et le marché du travail. Ces éléments vont dans la direction de la loi Macron. Le projet de loi « Croissance et Activité » prolonge les réformes dans ce sens mais devra être renforcé et complété par des réformes additionnelles pour fluidifier le marché du travail. Les réformes territoriales seront aussi fondamentales pour limiter la fragmentation des politiques publiques et diminuer les coûts de fonctionnement de l’administration. Nous avions chiffré le potentiel de la réforme des aires métropolitaines sur Paris et Aix-Marseille à 1% d’augmentation du PIB sur 10 ans, si la réforme est menée à bien. Notre rapport concernant la deuxième zone évoquée a déjà été délivré à l’occasion d’une visite dans la ville de Marseille en décembre 2013 en présence de Madame Lebranchu.

Le système de protection sociale et d’éducation s’est aussi grippé, et crée trop d’immobilité sociale. Il est coûteux et n’atteint plus ses objectifs sociaux. A cet égard, la réforme visant à mieux moduler les allocations familiales en fonction des revenus est bienvenue. La France était l’un de derniers pays, et peut-être le dernier, à l’avoir mise en place. Des réformes plus importantes devront être faites pour rendre le système social plus favorable à l’emploi en améliorant l’offre et la demande de travail, et plus solidaire, en améliorant la gouvernance des politiques sociales et en limitant leur fragmentation.

L’OCDE travaille d’arrache-pied sur l’ensemble de ces sujets pour assurer une reprise saine et inclusive de la croissance économique, en France, en Europe et dans le monde.

La crise a souligné la nécessité d'améliorer la collaboration internationale et la gouvernance mondiale dans laquelle la France joue un rôle clé. Nos économies sont en effet de plus en plus étroitement imbriquées. La collaboration internationale permet à la fois de limiter les effets collatéraux négatifs de certaines politiques mais aussi de multiplier les effets bénéfiques des politiques nationales. L’OCDE travaille de façon approfondie sur un grand nombre de sujets de coordination internationale fondamentaux actuellement pour la croissance comme les investissements et les échanges. « Investissement » est un mot qui est repris dans les G20, G7, G8 etc. Par exemple, dans toutes les réunions des Ministres des finances et du commerce, l’investissement est perçu comme le facteur important pour la croissance.

Permettez-moi d’illustrer mes propos dans deux autres domaines essentiels au bon fonctionnement de nos économies et qui sont par nature de dimension internationale : la fiscalité internationale et les migrations.

Partant du constat que la fiscalité internationale n’avait pas évolué à la même vitesse que les modèles économiques et les progrès technologiques, l’OCDE, avec ses membres et en partenariat avec le G20, a pris les devants. Notre priorité est de permettre la mise en place d’un système international de fiscalité plus transparent et plus équilibré, en particulier pour lutter contre l’évasion fiscale, et de réaligner les règles d’imposition.

La création d’une nouvelle norme internationale sur l’échange de renseignements automatique à des fins fiscales en 2014, maintenant adoptée par 94 juridictions et qui sera mise en place à partir de 2017 pour une majorité de ces pays, est une étape historique. Ces progrès- que la France a fortement soutenus - marquent une véritable révolution dont certains effets sont déjà perceptibles sur le comportement des contribuables. Plus d’un demi-million de contribuables ont déclaré spontanément des revenus et des éléments de patrimoine jusque-là dissimulés aux administrations fiscales. Les pays estiment avoir collecté plus de 37 milliards d’euros grâce à ces programmes de déclaration spontanée. Deux ans avant la mise en place de cette nouvelle norme, les contribuables ont compris qu’ils devaient inévitablement rendre des comptes aux administrations fiscales et qu’ils risquaient des sanctions (amendes, prisons) s’ils ne déclaraient pas ces revenus cachés. Chaque pays a, bien entendu, sa propre méthode, sa propre « amnistie ».

En même temps, les pays de l'OCDE et du G20 travaillent ensemble pour enrayer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, de l’anglais Base Erosion and Profit Schifting), par lesquels des entreprises multinationales arrivent à séparer artificiellement les bénéficies des activités qui les génèrent, et en cela, à échapper à l’impôt. Ces entreprises – que se soient Google, Apple, IBM etc. - ne peuvent plus le faire, ni aux Etats-Unis, ni en Europe, ni dans les îles vierges britanniques et américaines.

Nous travaillons sur le système international de la fiscalité avec des pays du monde entier, des entreprises, des ONG, des organisations internationales et d’autres parties prenantes. Les migrations internationales constituent un autre domaine où la coopération internationale est fondamentale. Comme l’a rappelé le ministre Cazeneuve au Forum Politique à Haut Niveau de l’OCDE sur les Migrations en décembre dernier, chez nous, « L’immigration est un défi que nous lance la mondialisation, dans la mesure où elle révèle tous les grands déséquilibres – démographiques, économiques, politiques – qui traversent notre époque. ». Il est impossible aujourd’hui de ne pas y ajouter les défis de sécurité. L’immigration n’en constitue pas moins une chance pour nos économies et sociétés.

La dernière édition de nos Perspectives des Migrations Internationales de l’OCDE – dont vous avez des copies ici, il s’agit de notre 34ème édition, nous sommes des spécialistes des questions de l’immigration depuis longtemps - montre des phénomènes intéressants. En effet on observe que les flux d’immigration permanente dans les pays de l’OCDE augmentent de nouveau, avec environ 4 millions de nouveaux immigrés permanents en 2013. En Allemagne – deuxième pays d’accueil au monde après les Etats-Unis –, l’immigration a fortement augmenté ,notamment sous l’impulsion des migrations intra-européennes dues à la liberté de mouvements au sein de l’Union européenne. Pour autant, la part des flux d’immigration dans la population totale reste faible en France (0.4%) en comparaison internationale (0.6% en moyenne).

En principe, la France dispose d’importantes réserves de main-d’œuvre lui permettant de faire face au vieillissement de sa population. En effet, la France a une dynamique démographique plus forte que les autres pays développés. Néanmoins, face à la concurrence internationale pour attirer et retenir les talents, et à des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs délaissés par les travailleurs résidents, la France doit, comme les autres pays, s’interroger sur les objectifs et l’efficacité de sa politique migratoire.

Dans tous les pays de l’OCDE, les migrations qualifiées augmentent, y compris en France où près de 40% des nouveaux entrants en 2012 sont diplômés du supérieur. Mais les compétences des immigrés restent sous-utilisées. En moyenne, dans l’OCDE, un immigré qualifié sur deux est soit inactif, soit chômeur, soit surqualifié pour l’emploi qu’il occupe.

La France n’échappe pas à ce constat, en dépit d’un dispositif important d’accueil des migrants. Il importe donc de poursuivre les investissements dans l’intégration, notamment dans l’éducation et les compétences, tout en améliorant l’efficacité des politiques publiques. Parce que cela améliore aussi la productivité de l’économie française, pas seulement celui de l’entreprise en question. Ce sont donc des bénéfices pour l’économie en générale.

Les enjeux actuels de la mondialisation sont immenses et demandent d’aller de l’avant dans la coordination des politiques nationales. L’OCDE a engagé nombre de projets pour y faire face, que ce soit dans le domaine des inégalités, du changement climatique, de la réglementation bancaire, des réformes structurelles, de la fiscalité, des échanges, de la lutte contre la corruption, qui se sont ajoutées à ses responsabilités dans les domaines plus traditionnels des politiques économiques nationales, de l’éducation, du marché du travail, ou des politiques sociales.

Nous continuerons à appuyer les gouvernements pour renforcer la confiance des citoyens dans la capacité des institutions à gérer les nouveaux enjeux qui se présentent. Ainsi nous pouvons résumer, Madame la Présidente, notre mission comme ceci : « Une politique meilleure pour une vie meilleure ».

Madame La Présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup Monsieur le Secrétaire général pour cet exposé extrêmement précis qui nous apporte beaucoup d’informations. Je passe la parole à mes collègues.

M. Jean-Luc Bleunven. On peut certes penser que la croissance des pays développés va ralentir, mais aussi que le monde sera toujours plus riche, plus productif et plus instruit. La productivité connaît une augmentation importante, notamment grâce au développement des nouvelles technologies de l’information. Si ces gains contribuent à l’accroissement du capital, ils participent à la destruction de l’emploi productif tel que nous l’avons connu au XXe siècle. Il en résultera des créations d’emplois très qualifiés, tandis que les emplois manuels seront probablement remplacés par une automatisation. Les salariés les moins qualifiés risquent donc d’être en difficulté pour trouver un emploi. Avec cette évolution quasiment inexorable, l’homme sera de moins en moins inclus dans le processus de production. Comment l’OCDE envisage-t-elle la place des salariés les moins qualifiés ? La valeur du travail a-t-elle encore un avenir dans notre civilisation ?

M. Michel Terrot. Je voudrais vous interroger sur le déclin de la recherche occidentale. Le dernier rapport annuel de l’OCDE intitulé « Science, Technologie et Industrie » met l’accent sur le déclin relatif de la « triade » constituée des Etats-Unis, du Japon et de l’Europe, dans les dépenses de recherche et de développement, surtout publiques. En dix ans, la part de la zone OCDE dans la recherche mondiale a ainsi reculé de 90 à 70 %. La Corée du Sud est désormais le pays consacrant la part la plus importante de son PIB à l’effort de recherche. Quant à la Chine, si elle talonne l’Union européenne en volume de dépense, elle l’a déjà dépassée de peu en part de PIB. Pour l’OCDE, quels seraient les moyens permettant de relancer une grande politique de la recherche, notamment dans les domaines stratégiques des biotechnologies, des nanotechnologies, de la robotique et des technologies numériques ?

Mme Chantal Guittet. L’OCDE prêche depuis longtemps une sorte de sainte trinité : dérégulation, privatisations et baisse d’impôts. Ces politiques n’ont pas nécessairement porté leurs fruits, mais elles ont profondément creusé les inégalités dans de nombreux pays. En Allemagne, par exemple, ces inégalités n’ont jamais été aussi fortes. Quelles sont les préconisations de l’OCDE pour mener des politiques de croissance qui ne renforceraient pas les inégalités, mais au contraire les réduiraient ?

M. Jacques Myard. Je lis toujours avec grand intérêt les rapports de l’OCDE – et je continuerai à le faire –, même si j’ai plutôt tendance à ne pas aller dans leur sens.

Avez-vous une politique économique ? Consiste-t-elle à mener une politique libérale de baisse des salaires pour assurer la relance, c’est-à-dire une dévaluation interne et une concurrence par le bas ? Etes-vous plutôt néo-keynésien ? Ou bien existe-t-il une diversité d’opinions au sein de l’OCDE, en fonction des experts chargés de préparer les rapports ?

Quelle est votre position sur la nécessité de mener – ou non – des politiques industrielles ? Elles existent partout, aux Etats-Unis, en Chine ou au Canada, mais pas en Europe.

Nous avons eu le privilège de recevoir hier Joseph Stiglitz, qui défend une réforme structurelle de la zone euro, à la place de réformes internes dans chaque pays. Sans création d’une union de transfert, c’est-à-dire si les riches ne paient pas pour les pauvres, l’Union européenne serait en effet terminée. Qu’en pensez-vous ?

Dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, j’aimerais bien qu’il y ait un peu de réciprocité dans les échanges. Je n’ai pas le sentiment que les Etats-Unis soient très favorables à l’idée de nous transmettre des renseignements qu’ils exigent pourtant de notre part.

En matière de flux migratoires, j’ai l’impression que vous nous proposez une théorie des marchands d’esclave. Vous n’en parlez qu’en termes de marché du travail, alors que l’enjeu véritable est celui du choc des cultures. Nous sommes au début, et non à la fin, de l’histoire des flux migratoires.

Mme Valérie Fourneyron. Vous avez publié à la fin de l’année 2014 plusieurs documents tendant à dissiper l’idée qu’il faudrait choisir entre la croissance et le niveau des inégalités. En raison de leur impact sur le capital humain, sur l’éducation et sur la formation, les inégalités entravent la croissance. Partagez-vous l’avis du professeur Stiglitz, pour qui le calcul actuel du PIB n’offre plus un baromètre économique adapté, car il ne prend pas suffisamment en compte l’accès à la sécurité, à la santé et aux loisirs ou encore les relations humaines ?

Vous n’avez pas évoqué le « plan Juncker », qui propose de réaliser 315 milliards d’euros d’investissements sur trois ans, dans le cadre de réformes structurelles menées au sein de l’Union européenne. Le montant proposé vous paraît-il suffisant ou bien faudrait-il aller plus loin, en mobilisant l’épargne au plan européen ?

M. Benoît Hamon. Considérez-vous que la zone euro est entrée en déflation ou bien qu’elle en est menacée ?

Parmi les réformes structurelles que vous avez évoquées, beaucoup parient très classiquement sur la dérégulation d’un certain nombre de secteurs d’activités, ou du moins une mise en concurrence plus forte, ce qui doit conduire à une baisse des prix. Dans la période actuelle, ne pensez-vous pas que ce type de réformes structurelles va accélérer la spirale déflationniste ?

S’agissant de la gouvernance de la zone euro, quel type de réforme proposez-vous ? Certains pays ont plutôt besoin de faire du déficit, d’autres de l’inflation, et d’autres encore pourraient avoir intérêt à répudier leur dette. Les capacités sont extrêmement faibles au niveau européen pour répondre à des besoins aussi différents.

Enfin, quelle est aujourd’hui la position de l’OCDE sur le projet européen de taxation des transactions financières, qu’il s’agisse de l’assiette ou des taux ? Que pensez-vous de cet instrument extrêmement important à nos yeux pour abonder l’aide au développement ou pour financer la lutte contre le réchauffement climatique ?

M. Gwenegan Bui. J’aurais trois questions. D’abord, les politiques d’austérité européenne ont des conséquences sur la croissance et le développement des pays européens. C’est dans ce contexte qu’est apparu le Plan Juncker qui est présenté comme la politique qui va inverser les choses et relancer l’économie et la croissance de façon homogène dans l’Union européenne. Cette annonce me semble excessive. Quels sont selon vous les potentiels de croissance que recèle le plan Juncker et en particulier pour l’économie française ?

Ensuite, vous avez indiqué dans votre propos avoir étudié les conséquences macro-économiques du projet de loi présenté par Emmanuel Macron avant qu’il ne soit établi, sans doute avant que le Parlement en ait eu connaissance. Quel bonus de croissance peut être escompté pour notre économie du travail le dimanche. Vous avez évalué à 0,4 % le bonus résultant du projet de loi dans son ensemble, mais quel est le chiffre pour cette mesure précise ?

Enfin, j’aimerais avoir votre analyse d’un point qui n’a pas été abordé, à savoir les conséquences de l’accord de libre-échange transatlantique. Là encore, on le présente comme l’alpha et l’oméga de la relance de l’économie occidentale. La fluidité du marché aurait un potentiel de croissance colossal. Quelle est votre estimation précise de manière globale et pour l’économie française ?

Mme Françoise Imbert. En octobre 2014, le groupe de travail de l’OCDE a salué plusieurs réformes significatives, y compris le Parquet national français, la suppression des instructions individuelles du ministre de la Justice au Parquet, la protection des lanceurs d’alerte, la possibilité donnée aux associations de lutte contre la corruption de se constituer parties civiles, ainsi que l’augmentation substantielle des sanctions pour l’infraction de corruption active d’agents publics. Néanmoins, le groupe de travail soulignait que la France n’était toujours pas conforme à la convention et à ses 33 recommandations. Avez-vous obtenu depuis des engagements du Gouvernement français de mettre en œuvre certaines des recommandations du groupe de travail ? Quel impact la non-conformité a-t-elle pour la France et les entreprises françaises, en France et à l’étranger ?

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Monsieur le Secrétaire général, vous pouvez constater l’importance que la Commission des Affaires étrangères accorde à l’économie et la conscience que nous avons du lien entre les questions internationales et les questions économiques.

M. Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE. Vous m’avez interrogé sur l’avenir du travail manuel le moins qualifié et effectivement il est en danger. L’écart déjà grand se creuse encore entre ceux qui ont des qualifications et ceux qui n’en ont pas. Le groupe social-type des victimes de la crise économique est celui des jeunes hommes peu qualifiés. Même les travailleurs âgés n’ont pas autant souffert de la crise. Les femmes ont également mieux traversé cette période car les secteurs qui ont subi les chocs les plus forts sont des secteurs de main d’œuvre masculine. L’exemple typique est le secteur de la construction en Espagne, ce qui explique aussi la surreprésentation des immigrés dans le chômage espagnol car ils y étaient nombreux employés.

Il n’y a pas d’autre réponse que la qualification (« upskilling »), au travers de l’école, de l’université et aussi de la formation en entreprise, les entreprises y ayant d’ailleurs intérêt pour accroître leur productivité. Ce sujet se pose partout, en Europe, aux Etats-Unis, en Turquie, au Brésil … C’est un des grands défis à relever qui demande aussi de la coopération internationale. L’OCDE a produit son premier rapport sur les qualifications (« skills »). Il montre aussi qu’il existe une double frustration : celle des non qualifiés, mais aussi celle des personnes qui ont été forméEs plusieurs années et dont la qualification ne répond pas aux besoins du marché du travail. Il faut replacer ces jeunes sur le marché du travail.

L’Europe a effectivement besoin de relancer une politique de la recherche face à la montée en puissance de la Chine et de la Corée du Sud notamment. Aux Etats-Unis, le système est très flexible. D’énormes quantités de brevets sont déposées chaque jour ; toutes les universités déposent des brevets et le système récompense l’initiative individuelle. C’est différent en Europe ; il faut une politique. Vous avez cité les nanotechnologies, les biotechnologies et la robotique, ce seront sans doute les piliers de la croissance future. La part de la technologie dans la croissance va augmenter et il convient de ne pas se laisser distancer. Cela suppose une politique européenne mais aussi des politiques nationales.

Dans chaque pays, il faut renforcer les liens entre universités et acteurs économiques. Ici en France, tout comme dans mon pays, le Mexique, les chercheurs ont longtemps refusé de se « compromettre » avec les entreprises. Mais la recherche doit aussi se mettre au service de l’économie, s’insérer au sein de ce que j’appelle la chaine de la connaissance, qui permettra d’améliorer la productivité.

Concernant la question qui m’a été posée sur les privatisations et la déréglementation, laissez-moi préciser que l’OCDE ne privilégie pas le modèle privé au détriment du modèle public, ni ne défend la dérégulation comme une religion. Elle promeut, ce qui est différent, une meilleure réglementation, plus moderne, plus souple, plus adaptée à l’économie actuelle. Surtout, il convient d’alléger et de simplifier une réglementation dont les différentes couches se sont accumulées au fil des ans, et dont la complexité pèse sur l’activité des entreprises mais aussi la vie des citoyens. Nous ne faisons pas non plus la promotion de la baisse des prélèvements obligatoires mais celle d’un changement de sa structure. Quelle est aujourd’hui la tendance mondiale : une baisse des impôts en faveur, d’une part, des investissements, de l’autre, des créations d’emploi. Dans certains pays, le coût du travail correspond à la moitié du salaire nominal, ce qui n’incite pas à la création d’emploi.

Vous m’avez interrogé sur la réduction des inégalités. L’OCDE a eu un rôle pionnier en la matière. Il y a 15 ans déjà, alors même que la question n’intéressait personne, nous avons publié des travaux montrant, chiffres à l’appui, que le renforcement des inégalités freine la croissance. Ce n’est pas uniquement une question morale, politique et sociale, c’est aussi une question économique. Je vous renvoie à nos publications de 2008 et 2011, qui ont pointé l’aggravation des inégalités dans le monde. Nous sommes en train de publier le troisième titre de cette série, qui en analyse la source principale, à savoir le marché du travail.

Quelle politique économique ? Néolibérale ou de gauche ? L’OCDE n’est pas une institution dogmatique. Nous préférons mettre en avant de bonnes pratiques économiques. Nous soutenons pour commencer des régulateurs puissants qui limitent les risques d’abus du marché. Par ailleurs, nous prônons des réformes structurelles, tout comme M. Stiglitz que vous avez cité. Pourquoi ? Nous avons épuisé l’instrument monétaire et l’instrument fiscal. Il nous reste donc les réformes structurelles : l’éducation, l’innovation et la recherche et le développement et la meilleure régulation, une concurrence accrue au service des consommateurs, la flexibilité du marché du travail et des produits, la structure de l’imposition, la réforme du système de santé. Tous ces chantiers sont cruciaux et doivent être menés de front.

Les Etats-Unis sont l’un des principaux moteurs de l’action internationale en faveur de l’échange de renseignements fiscaux. Leur modèle, le Foreign account tax compliance act (FATCA) sert de base de travail à nos efforts pour combattre l’évasion et la fraude fiscales.

Comment évaluer la qualité de vie ? L’OCDE est en pointe sur cette question. Elle a créé un indice, le « Better life index », qui prend en compte un ensemble d’éléments qui ne sont pas directement quantifiables dans le PIB des Etats, par exemple la sécurité, la participation à la vie civique, les écoles ou encore l’environnement.

La zone euro n’est pas actuellement en situation de déflation, mais le risque s’est nettement accru. Il faut cependant voir qu’il peut y avoir une bonne et une mauvaise déflation. La bonne déflation, c’est la baisse des prix liée à la baisse des cours du pétrole, qui est généralement favorable à l’économie mondiale. C’est aussi la baisse des prix qui résulte d’un environnement plus concurrentiel. En revanche, la déflation liée à l’insuffisance de la demande est mauvaise, c’est elle qui doit nous alerter.

La construction européenne est unique au monde. L’Europe a mis en œuvre un formidable processus de construction de nouvelles institutions. Elle se réinvente en permanence face aux nouveaux défis. Mais cela prend du temps, c’est un processus très complexe. Le reste du monde regarde donc l’Europe parfois avec impatience, mais aussi avec admiration.

Comme je le disais, nous avons épuisé les instruments de politique monétaire, et il en sera bientôt de même pour la politique fiscale. Nous pouvons à présent nous demander s’il est possible de parvenir à une meilleure combinaison de ces deux politiques. La France a la charge fiscale la plus élevée au monde, en contrepartie, certes, d’un modèle de protection sociale très développé. Néanmoins, cette pression fiscale nuit aujourd’hui à la compétitivité de l’économie française.

Le plan Juncker consiste à mettre 16 milliards d’euros sur la table, auxquels s’ajoutent 5 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissements, et à en attendre un effet de levier quinze fois supérieur, pour générer 315 milliards d’euros au total. Si les conditions du marché européen étaient parfaites, avec des marchés unifiés de l’énergie et des télécoms, ce chiffre me paraitrait aisément atteignable. Les règles seraient alors claires et les risques bien répartis, l’effet de levier serait maximal.

Lorsque nous avons évalué la loi Macron, nous n’en connaissions pas encore le détail. Nous sommes à présent en train d’examiner précisément les différents volets pour en réévaluer l’impact. Concernant le travail le dimanche, nous considérons que nous devons laisser la société et les entreprises décider librement. Ils doivent donc avoir la possibilité de travailler le dimanche s’ils le souhaitent, en échange d’une juste rémunération. Si la société fait un choix différent, alors l’ouverture des commerces le dimanche ne fonctionnera pas, et nous en aurons le cœur net.

Nous pensons que le traité de libre-échange transatlantique (TTIP) est une bonne chose. L’intégration commerciale devrait, dans l’idéal, être universelle. Mais, comme cela n’est pas possible pour l’instant, les grands projets d’intégration régionale sont la meilleure option. Mon modèle est celui des Lego : nous formons de grands blocs qui maintiennent entre eux une possibilité d’interconnexion. C’est le mieux que nous puissions faire pour le moment, même si les rendements sont modestes. Le TTIP est donc un bon début.

Les pays de l’OCDE ont adopté en 1997 la Convention sur la lutte contre la corruption. Sa mise en œuvre est aujourd’hui un des piliers essentiels pour restaurer la confiance qui a été fortement mise à mal pendant la crise économique et financière. L’OCDE est donc très active sur ce sujet ; elle a récemment publié un rapport sur la corruption transnationale qui documente dans le détail 247 cas de corruption à travers le monde.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup pour cet échange. Nous avons à présent une idée plus précise des travaux de l’OCDE, qui nous sont très utiles.

La séance est levée à onze heures dix.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 14 janvier 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, M. François Asensi, M. Jean-Marc Ayrault, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Gwenegan Bui, M. Gérard Charasse, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Christ, M. Philippe Cochet, M. Édouard Courtial, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Cécile Duflot, M. Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Louise Fort, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean Glavany, Mme Linda Gourjade, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, Mme Françoise Imbert, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. Pierre Lellouche, M. Pierre Lequiller, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Noël Mamère, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. Guy Teissier, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, M. Jean-Jacques Guillet, M. Meyer Habib, M. Serge Janquin, M. Armand Jung, M. Lionnel Luca, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Jean-Claude Mignon, M. Boinali Said