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Commission des affaires étrangères

Mercredi 18 mars 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 61

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente

– Moldavie : ratification de l'accord d'association avec l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres (n° 2612) – M. Thierry Mariani, rapporteur.

– Chine : ratification du traité d'extradition (n° 1095) – M. Gwenegan Bui, rapporteur.

Moldavie : ratification de l’accord d’association avec l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres (n° 2612).

La séance est ouverte à seize heures trente.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous examinons, sur le rapport de M. Thierry Mariani, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord d'association entre l’Union européenne et la Moldavie (n° 2612).

Je vous informe par ailleurs que les accords d’association avec l’Ukraine et avec la Géorgie devraient être déposés la semaine prochaine. Le gouvernement souhaite que les deux assemblées les aient votés avant le sommet de Riga, le 21 mai. Nous serons donc appelés à désigner un rapporteur prochainement.

Notre commission a créé une mission d’information sur les relations entre la Russie, l’Union européenne et la France. Elle marque ainsi son intérêt et sa préoccupation à propos de l’avenir de nos relations avec la Russie. Nous savons que la signature d’accords d’association avec d’anciennes républiques soviétiques fait l’objet de sérieuses réserves de la part de ce pays. Pour cette raison, il est souhaitable que nous ayons un large débat sur ce sujet. Il est donc naturel que ces projets fassent l’objet d’un débat en séance.

Nous devons aussi veiller à maintenir le dialogue avec la Russie. Dans cet esprit, j’ai reçu mon homologue M. Pouchkov à plusieurs reprises depuis le début de la crise ukrainienne. Je compte aussi recevoir le vice-ministre des affaires étrangères de Russie en charge des relations avec l’Europe occidentale, M. Mechkov.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’accord d’association avec la Moldavie que nous examinons aujourd’hui est un texte important non seulement pour ce pays, mais aussi pour notre Union européenne, car il pose la question de la poursuite, ou non, du processus d’élargissement, donc celle des limites de l’Union et de ses finalités. Avant de présenter ce pays attachant qu’est la Moldavie, puis les clauses de l’accord, je voudrais donc rappeler son contexte institutionnel et géopolitique.

Ce contexte, c’est le Partenariat oriental de l’Union. Le Partenariat oriental a été initié en 2009 et est tourné vers six pays de l’espace post-soviétique : Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, Moldavie et Ukraine. Il a consisté à proposer à ces pays une association politique à l’Union assortie d’une intégration économique à celle-ci, ceci passant par la conclusion d’accords d’association comportant un volet économique très étoffé.

Aujourd’hui, cette démarche est légitimement critiquée pour deux raisons principales. D’abord, du fait des divisions internes sur la question, l’Union européenne a laissé planer une grande ambiguïté sur les perspectives d’évolution future des relations avec les pays concernés – offre d’adhésion ou non ? Par ailleurs, les accords d’association proposés et finalement signés avec trois des pays, Géorgie, Moldavie et Ukraine, prévoient tous, à quelques différences minimes près, le même cadre exigeant d’intégration économique, avec reprise de l’acquis communautaire, sans tenir compte des spécificités des pays ni des intérêts des tiers, à commencer par la Russie.

On sait que dans le cas de l’Ukraine, c’est la décision de l’ancien président Viktor Ianoukovitch de ne finalement pas parapher le projet d’accord d’association au sommet du Partenariat oriental à Vilnius en novembre 2013 qui a entraîné la révolution dans ce pays. L’application qui a été faite du Partenariat oriental a donc joué un rôle déclencheur dans la crise ukrainienne actuelle, même si les causes profondes de cette crise sont internes au pays. L’inadaptation de l’accord d’association « première mouture » proposé à l’Ukraine a été démontrée quand, en mars 2014, le nouveau gouvernement ukrainien pro-européen a demandé et obtenu le report de l’entrée en vigueur des clauses économiques de l’accord qu’il a finalement signé.

Les choses se présentent heureusement mieux pour ce qui concerne la Moldavie. Ce petit pays a pourtant été confronté, suite à son indépendance en 1991, à plusieurs handicaps.

Le premier était celui de son identité complexe, fragile et récente. Au moment de l’indépendance, la majorité roumanophone du pays était travaillée par des mouvements favorables à la réunification avec la « grande Roumanie », ce qui a encouragé en réaction les tendances séparatistes de la minorité gagaouze, qui parle une langue turque mais est en fait largement russifiée, et surtout de la population majoritairement slavophone de la région de Transnistrie. Après une sécession violente et soutenue militairement par la Russie, la Transnistrie est devenue un État de facto, dépourvu de reconnaissance internationale, et le conflit n’a toujours pas été réglé. Quant à la Gagaouzie, les élections locales prévues dans quelques jours vont sans doute y voir le triomphe d’une candidate dont le slogan est explicite : « ensemble avec la Russie ».

Viennent ensuite les faiblesses économiques et démographiques. Économie agricole dont le vin et les fruits sont traditionnellement les principaux produits d’exportation, la Moldavie reste le dernier pays d’Europe pour la richesse par habitant et même l’un des derniers dans l’ex-URSS. Seuls le Kirghizstan et le Tadjikistan y sont plus pauvres.

Du fait de cette situation économique, la situation démographique est extrêmement difficile : pour 3,5 millions de personnes vivant dans les limites de la république de Moldavie, dont 500 000 dans la région séparatiste de Transnistrie que le pouvoir central ne contrôle pas, il y a un million au moins de Moldaves qui sont partis à l’étranger. Durant les dix dernières années, entre les recensements de 2004 et 2014, la population résidente a diminué de 14 % et les actifs sont aujourd’hui moins nombreux que les retraités. Dernier chiffre frappant : 27 % du PIB provient des envois d’argent des Moldaves de l’étranger ! La première communauté moldave à l’étranger est en Russie, où ils sont environ 500 000. Dans l’Union européenne, c’est en Italie qu’ils sont les plus nombreux, au moins 130 000.

C’est d’ailleurs principalement en raison de cette situation démographique que la Moldavie est le premier et pour le moment le seul pays du Partenariat oriental à bénéficier depuis avril 2014 de la levée de l’obligation de visa pour les séjours de moins de trois mois dans l’espace Schengen. Sa pauvreté et son engagement pro-européen valent aussi à la Moldavie un niveau très élevé d’aide européenne, actuellement de l’ordre de 100 millions d’euros par an, ce qui en fait le deuxième pays de la politique de voisinage européenne pour l’aide per capita, après les Territoires palestiniens.

Malgré ces handicaps, la Moldavie peut revendiquer plusieurs réussites.

D’abord, dans un espace post-soviétique où ce n’est pas si fréquent, c’est une véritable démocratie parlementaire et l’un des pays les plus avancés de la zone s’agissant du rapprochement avec les standards occidentaux d’État de droit et de gouvernance. Ayant moi-même pris part à la dernière mission d’observation électorale, je peux confirmer ce que disent les rapports de l’OSCE : les élections sont réellement libres et disputées en Moldavie ; on peut y créer de nouveaux partis et tout le monde accède aux médias.

Si le système politique moldave a une faiblesse, c’est plutôt de ressembler à notre IVème République ou à la Belgique actuelle. Les crises politiques sont fréquentes et parfois interminables. L’actuel Président de la République a ainsi été élu après plus de deux années de vacance du poste. Les dernières élections législatives ont eu lieu le 30 novembre 2014 et ce n’est que le 18 février qu’un nouveau gouvernement a été mis en place. De plus, ce gouvernement, dont j’ai rencontré à Chisinau les principaux responsables, repose sur une coalition assez improbable entre deux partis pro-européens et le Parti communiste, qui le soutient sans y participer. Il y a beaucoup d’interrogations sur la durée de vie de cette coalition, qui semble principalement soudée par la crainte d’un désastre électoral pour ceux qui la composent en cas de dissolution du Parlement, voire correspond selon certains à un arrangement entre certains des oligarques qui contrôlent l’économie et la politique.

L’autre grand problème de la gouvernance en Moldavie, c’est la corruption et les affaires politico-financières. Le pays affronte actuellement un scandale qui va provoquer à court terme une forme de liquidation de trois de ses principales banques, après que des prêts douteux ont été octroyés à des sociétés qui seraient liées à des hommes politiques. Les sommes détournées et évaporées représentent peut-être 1,4 milliard d’euros, soit selon les sources 15 % à 25 % du PIB. Le nouveau gouvernement moldave affirme sa détermination à régler rapidement le problème en sauvant les dépôts des épargnants, mais le coût va être énorme pour le pays. Aussi bien les institutions européennes que les pouvoirs publics moldaves affichent un programme centré sur le triptyque réforme de la justice-lutte contre la corruption-stabilisation du système bancaire.

La politique étrangère moldave a su concilier un engagement pro-européen très net, surtout depuis l’arrivée au pouvoir d’une majorité pro-européenne après 2009, et le maintien de relations correctes avec la Russie, ce malgré le conflit sur la Transnistrie, ce qui la différencie de la politique de la Géorgie. Le commerce extérieur se fait maintenant plus avec l’Union européenne qu’avec la Russie, mais la dépendance vis-à-vis de la Russie reste considérable dans certains domaines : presque tout le gaz en vient, même si un gazoduc en provenance de Roumanie est en cours de construction ; plus de 60 % des transferts des Moldaves de l’étranger, vitaux pour l’économie, viennent de Russie.

La Moldavie a un statut constitutionnel de neutralité et ne demande pas pour le moment à adhérer à l’OTAN, même si la question est désormais débattue dans la classe politique. La neutralité est en fait un point d’équilibre car le pays est très divisé entre les orientations pro-européennes et pro-russes. Cette division forme une ligne de clivage qui domine les débats politiques et les campagnes électorales.

Un dernier point qu’il faut souligner, c’est que la Moldavie est un pays dont un quart de la population parle le français, ce qui crée un lien particulier avec notre pays, malgré l’absence de liens historiques et des échanges économiques très limités. Compte tenu de la proximité entre langues latines, à l’époque soviétique, l’apprentissage du français était généralisé. Puis la Moldavie indépendante a adhéré à l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF. 150 000 Moldaves apprennent aujourd’hui le français et 3 800 sont même dans des classes bilingues. La présence institutionnelle locale de notre pays la plus marquante reste celle de l’Alliance française, qui a plusieurs centres et inscrit près de 6 000 étudiants par an.

Mais aujourd’hui l’OIF risque d’interrompre définitivement son programme de formation au français des élites politiques et administratives, bien que ç’ait pourtant été un puissant outil d’influence, qui a par exemple profité à Iurie Leanca, qui était Premier ministre jusqu’à la formation de l’actuel gouvernement ; aujourd’hui, près de la moitié du personnel politique moldave comprend le français et certains le parlent couramment. Quant aux moyens de l’Alliance française, ils sont en chute libre, comme ceux plus généralement de notre diplomatie, car notre poste à Chisinau fait partie de ceux qui vont passer au format dit très réduit, alors même que nombre de nos partenaires augmentent leurs moyens sur place. Depuis 2010, l’enveloppe d’action culturelle et universitaire du poste a diminué en moyenne de plus de 10 % par an : à ce rythme-là, elle aura été divisée par deux en six ou sept ans.

Cette évolution est inquiétante. Pouvons-nous négliger la francophonie dans un pays où elle est vivace, mais menacée comme ailleurs, et qui entrera peut-être un jour dans l’Union européenne ? Par ailleurs, il y a l’enjeu des fonds européens qui se déversent sur la Moldavie, soit une centaine de millions d’euros par an. Nous devrions veiller à garder les moyens de contrôler et d’influencer l’usage de cet argent qui provient pour une large part du contribuable français, ainsi que de bénéficier de programmes européens, ce qui suppose un minimum de mise de fonds nationale.

Dans le même temps, d’autres pays européens, comme l’Allemagne, la Suède, l’Autriche, sont très présents en Moldavie, où ils ont des programmes de coopération dont les montants se chiffrent en millions ou dizaines de millions d’euros.

L’accord d’association avec la Moldavie constitue un document très étoffé. Il comporte trois volets principaux, portant respectivement sur le dialogue et les réformes politiques, la coopération et le commerce. Ces trois volets sont couverts par sept titres comptant au total 465 articles. L’accord est de plus complété par 35 annexes et 4 protocoles…

Il faut bien voir que l’essentiel de ce très long document reprend à l’identique un modèle que l’on trouve dans les différents accords d’association et accords commerciaux récents de l’Union. Ce sont donc les dispositions spécifiques, minoritaires, qu’il est intéressant d’identifier.

Il y a dans le texte deux points politiquement très sensibles. Le premier est la question des perspectives européennes de la Moldavie, sur laquelle les États membres restent très divisés. Le préambule de l’accord rend compte de ces tensions. Il prend acte, je cite, des « aspirations européennes » de la Moldavie, reconnaît que celle-ci, « en tant que pays européen, partage une histoire et des valeurs communes avec les États membres », mais énonce clairement qu’il « ne préjuge en rien de l’évolution progressive des relations entre l’UE et la République de Moldavie à l’avenir ». À titre personnel, je suis favorable à ce que l’on ouvre un débat sur les perspectives d’adhésion de la Moldavie, en séparant son cas de celui des autres pays du Partenariat oriental, qui pour des raisons de taille et de situation géographique et géopolitique posent bien d’autres problèmes.

Le second point sensible dans le texte de l’accord est le traitement de la région sécessionniste de Transnistrie. Avant d’évoquer sur ce point le contenu de l’accord, il faut rappeler quelques éléments sur la situation présente. La crise à la fois politique et économique qui concerne actuellement l’Ukraine et la Russie a bien sûr des répercussions dans la Moldavie et la Transnistrie voisines. Ce qui se passe en Crimée et dans le Donbass a naturellement eu pour effet de réactiver les demandes de reconnaissance internationale, et d’abord par la Russie, exprimées par les autorités de fait de Transnistrie. Il y a donc une réactivation, heureusement seulement verbale, du conflit. Mais, en même temps, la crise actuelle entraîne en Transnistrie un effondrement économique et budgétaire. En effet, comme la Russie est en crise économique et donne la priorité à la Crimée, le robinet des subventions à la Transnistrie semble être en train de se fermer ; dans le même temps, le nouveau gouvernement ukrainien gère sa frontière avec la Transnistrie, qui vivait traditionnellement de divers trafics, de manière beaucoup plus stricte. Toujours dans le même temps, la Transnistrie bénéficie, comme le reste de la Moldavie, de l’application anticipée des clauses commerciales de l’accord d’association depuis un an et a donc réorienté massivement son commerce vers l’ouest.

Mais, j’en reviens aux termes de l’accord, cela devrait cesser fin 2015, car, au-delà, il est prévu que la Transnistrie ne sera couverte par le texte que si l’Union européenne et le gouvernement moldave en décident conjointement. Le gouvernement moldave voit dans la conjonction de cette échéance et des difficultés actuelles de la Transnistrie un moyen de relancer le règlement du conflit. Cependant, il ne semble pas trop croire que cela fonctionnera.

Pour le reste, l’accord d’association comprend un certain nombre de clauses de dialogue politique et de coopération dans de nombreux domaines, et surtout ce que l’Union appelle un accord de libre-échange dit « complet et approfondi ». Un vaste démantèlement tarifaire est prévu, l’accord comprenant une élimination de 99,2 % des droits de douane en valeur commerciale pour la Moldavie, concernant 95 % des lignes tarifaires, et de 99,9 % pour l’Union européenne. Un certain nombre de produits font cependant l’objet de mesures dérogatoires, soit transitoires, pour protéger pendant quelques années, dix au plus, certaines productions moldaves de la concurrence européenne, soit durables. L’Union maintiendra notamment des quotas pour l’entrée de certains fruits et légumes moldaves, ce que regrette logiquement le gouvernement moldave, même si à court terme ces quotas ne seront pas remplis.

L’accord prévoit également un alignement des réglementations économiques, techniques et sanitaires moldaves sur le droit européen, ce qui est un enjeu essentiel pour la Moldavie. Elle ne pourra en effet exporter des produits de l’élevage vers l’Union que lorsqu’elle satisfera un certain nombre d’exigences d’équivalence sanitaire. Et, même pour ses produits végétaux, qui peuvent déjà entrer dans l’Union, il reste de gros efforts à faire pour atteindre les standards de qualité de l’Union, sans lesquels les chances d’y exporter des agriculteurs moldaves resteront faibles. Les pommes moldaves, par exemple, ne répondent pas actuellement aux exigences de calibrage et de conditionnement de l’Union, de sorte que la Moldavie ne remplit pas le quota dont elle dispose.

L’ouverture de l’Union aux produits moldaves est d’autant plus importante que l’un de leurs marchés traditionnels était la Russie et que ce pays multiplie depuis deux ans les mesures d’embargo à l’encontre de la Moldavie, généralement en invoquant des motifs sanitaires, mais plus probablement – c’est du moins ce que pensent évidemment les Moldaves – pour punir la Moldavie de son rapprochement avec l’Union.

En conclusion, je vous invite naturellement à adopter ce projet de loi, qui permettra de ratifier l’accord d’association avec un pays ami, démocratique, très largement francophone, mitoyen de l’Union européenne et incontestablement européen, enfin un pays dont la situation géopolitique est bien moins inquiétante que celle d’autres pays du Partenariat oriental et qui ne présente plus de risque migratoire significatif, car tous les Moldaves qui le souhaitaient ont en pratique déjà pu obtenir un passeport roumain.

M. Jacques Myard. Nous parlons ici de l’ancienne Bessarabie, dont il ne faut pas oublier le passé stalinien. Y a-t-il des États avec lesquels l’Union européenne n’a pas encore d’accord d’association ? Il me semble que cette politique de voisinage se dilue.

Mme la présidente Élisabeth Guigou.  Il me semble que nous n’en avons pas signé avec la Syrie, même si cela a été envisagé dans le passé, j’avais d’ailleurs travaillé sur ce dossier. La question des droits de l’homme avait été un facteur bloquant.

M. Gwenegan Bui. Merci de mettre en avant cette problématique moldave, que nous abordons rarement en commission. Je soutiens votre proposition d’entamer une réflexion, en amont, sur les risques et opportunités d’une adhésion du pays à l’Union européenne.

M. Michel Terrot. Pourriez-vous nous dire un mot du poids économique de la Moldavie dans la sous-région ? Et comment se positionnent les entreprises françaises ?

Par ailleurs, je ferai une observation de fond, qui vaut aussi pour la Roumanie ou d’autres pays : on peut être inquiet sur l’avenir de la francophonie. Nous assistons à la disparition programmée, faute de moyens, de la francophonie, alors que nos partenaires européens investissent massivement pour promouvoir leur langue et leur culture. Les sommes ne sont pas gigantesques, mais si le manque de moyens empêche le bon fonctionnement de structures pivots, comme les Alliances françaises, comment rallier les populations à l’idée d’une France forte dans le monde ? Peut-être le rapporteur ou la présidente pourraient-ils profiter de la publication de ce rapport pour alerter le Gouvernement sur la question ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Vous êtes nombreux à exprimer cette préoccupation, que je relaierai auprès du ministre. J’accompagnerai la transmission du rapport d’un courrier à cet effet.

M. Thierry Mariani, rapporteur. La Moldavie est un pays où la cote d’amour de la France est énorme. Lors de mon déplacement, j’ai notamment pu rencontrer en une journée le Président de la République, le Premier ministre, deux anciens Premiers ministres, plusieurs ministres dont celui de l’économie, qui est franco-moldave, etc. Nous avons eu le plaisir de mener plusieurs entretiens en français.

M. Myard, s’agissant de l’Est de l’Europe, nous n’avons d’accords d’association qu’avec la Moldavie, l’Ukraine et la Géorgie. Je profite de cette occasion pour souligner qu’aborder la problématique de manière globale est une faute, car ces pays sont très différents. Lorsque vous échangez avec certains responsables russes, ils déclarent que l’Ukraine est slave et la Moldavie roumaine. Les hasards de l’histoire ont placé la Moldavie dans l’espace soviétique, parce que la Roumanie avait fait le mauvais choix pendant la guerre, mais, dans l’esprit des Russes, la Moldavie n’appartient pas à leur sphère d’influence.

La question essentielle qui agite le débat public moldave aujourd’hui est celle des perspectives européennes du pays. On ne peut pas demander aux Moldaves de se rapprocher du modèle européen et d’engager des réformes, de couper leurs relations avec le voisin russe, où une grande majorité des immigrés travaillent et où ils réalisaient une majorité de leurs exportations, sans promesse d’une intégration européenne. Je suis sceptique sur l’élargissement indéfini de l’Union européenne, mais il me semble que la Moldavie a – à long terme, car le pays est encore très pauvre – vocation à la rejoindre. Sur la Géorgie et l’Ukraine, je suis plus partagé. Mais le cas de la Moldavie est à part. D’autres pays européens ont un discours franc sur ce sujet, la France gagnerait en influence politique si notre diplomatie était plus claire sur ce point.

Concernant l’économie, quatre entreprises françaises dominent leurs marchés respectifs en Moldavie : Orange dans la téléphonie, Lafarge dans le ciment, la Société Générale et Lactalis.

Sur la francophonie, je suis comme vous consterné. Je m’appuierai sur un exemple concret : l’Organisation internationale de la francophonie prenait en charge la formation des hauts responsables et fonctionnaires au français, ce qui permettait d’exercer une influence réelle. Ces crédits ont été coupés. En revanche, l’organisation a financé le déplacement d’experts durant les élections législatives en Moldavie, experts qui venaient parfois de pays aussi lointains que Madagascar. Les sommes dépensées sont sans commune mesure, et on peut douter de leur utilité.

Pour conclure, la Moldavie est un pays attachant, qui se trouve dans une situation de pauvreté extrême, et qui devrait répondre dans les années à venir à un défi majeur : il comptera bientôt un million de retraités pour beaucoup moins d’actifs. La situation est critique. Il faut donc, je le répète, lui laisser l’espoir d’une perspective européenne. Si nous ne le faisons pas, les partis anti-européens triompheront, notamment en raison des difficultés économiques. Les travailleurs moldaves ne peuvent plus gagner de l’argent en Russie comme dans le passé, les pommes et le vin moldaves ne sont plus acceptés sur le marché russe et, ne répondant pas encore aux normes européennes, pénètrent difficilement celui de l’Union... Il ne faudrait pas qu’en voulant tirer la Moldavie vers le haut, l’Europe ne l’enfonce un peu plus dans les difficultés. J’ajoute que le pays ne représente aucun risque migratoire, car de nombreux moldaves ont un deuxième passeport roumain. Par conséquent, tous ceux qui voulaient émigrer vers l’Europe l’ont déjà fait depuis longtemps.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2612).

*

Chine : ratification du traité d'extradition (n° 1095)

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous poursuivons avec l’examen, sur le rapport de M. Gwenegan Bui, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité d'extradition entre la France et la Chine, (n° 1095). Je passe la parole à M. Gwenegan Bui, rapporteur.

M. Gwenegan Bui, rapporteur. C’est le cinquième accord d’extradition que nous examinons depuis le début de l’année, après ceux conclus avec la Jordanie, l’Argentine, le Venezuela et le Pérou. Comme pour l’Argentine et le Pérou, c’est la forme du traité qui a été retenue à la demande de l’autre Partie, afin de s’inscrire dans leur pratique consistant à privilégier, en matière d’extradition, la conclusion d’accords engageant les Etats.

Le but de ce traité, signé le 20 mars 2007 après sept ans de négociations, est d’encadrer de manière efficiente et protectrice une procédure peu usitée qui relève aujourd’hui de la courtoisie, alors que les besoins sont appelés à croître, notamment sous l’effet de l’augmentation des échanges économiques et des flux de toute nature. La sanction de l’escroquerie et de la contrefaçon nécessitent notamment de disposer de cet instrument.

La France et la République populaire de Chine sont déjà liées par un accord d’entraide judiciaire en matière pénale, signé à Paris le 18 avril 2005. C’est la France qui s’avère demandeuse. Depuis le 1er janvier 2000, 124 demandes d'entraide judiciaire ont été échangées dont 110 sont le fait des juridictions françaises, en augmentation continue. En matière d’extradition, la procédure chinoise, présentée dans le rapport, est peu utilisée. Depuis le 1er janvier 2000, seule une demande d’extradition a été adressée par la France aux autorités de Pékin, qui a abouti à la remise de la personne recherchée au début de l’année 2003. Les autorités chinoises, quant à elles, ont saisi le Gouvernement français à deux reprises, mais leur demande n’a pu aboutir, faute de satisfaire aux exigences de notre législation.

Tous les accords d’extradition signés par la France ont été conclus sur le même modèle, celui de la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Je ne ferai pas un exposé fastidieux de l’ensemble des clauses du traité, similaires à celles examinés ces dernières semaines. Je m’attacherai au contraire à présenter les particularités de ce traité et les dispositions qui appellent un commentaire particulier s’agissant de la Chine. Ma présentation devrait ainsi vous permettre de disposer des éléments de réponse aux inquiétudes qui, comme vous le savez sans doute, ont été exprimées par plusieurs organisations non gouvernementales.

La Chine est un partenaire, mais les marges de progression de l’Etat de droit y sont importantes. Ce n’est pas le seul pays dans cette situation avec lequel nous signions des accords, y compris d’extradition, mais il est fort légitime de s’interroger sur la pertinence d’un tel accord avec la Chine compte tenu du nombre de procédures judiciaires engagées chaque année dans ce pays de plus d’1,3 milliard d’habitants. De manière générale, l’Etat de droit y a progressé, mais les atteintes aux droits demeurent fréquentes et graves, la confusion des pouvoirs est manifeste et, si les libertés sont incontestablement plus étendues, y compris la liberté d’expression, elles se heurtent à l’infranchissable ligne rouge de la remise en cause du régime, de l’unité territoriale et du parti. On observe même un raidissement notable du pouvoir, particulièrement à l’égard de la blogosphère.

Notre ambassade à Pékin est d’ailleurs très active pour aider au renforcement de l’Etat de droit en Chine, notamment auprès des professionnels du droit. Vous trouverez dans le rapport un certain nombre d’évènements organisés en 2014 qui en attestent (des colloques, des formations de procureurs..), sans compter le travail de fond mené sur la peine de mort. Les délégations chinoises se rendent de plus en plus en France et à l’inverse les praticiens du droit français renforcent leurs liens avec les juristes chinois (échanges en augmentation de 70 % par rapport à 2013). Si je le rappelle, c’est bien parce que la diplomatie française n’a pas conclu ce traité sans veiller à ce qu’il contienne toutes les garanties requises pour le respect des droits des personnes.

En premier lieu, un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu’une demande d’extradition soit valide. Or, un mécanisme de garanties supplémentaires a été prévu à l’article 8 du traité du fait de l’étendue des pouvoirs conférés aux autorités policières en Chine. En effet, en droit chinois, les autorités policières disposent de larges prérogatives pour émettre des mandats d’arrêt et ce, en l’absence de tout contrôle d’une autorité judiciaire. Au cours des discussions, la France a indiqué qu’il n’était pas envisageable de permettre l’arrestation de personnes sur son territoire sur la base de tels titres. Les autorités chinoises ont accepté que les mandats d’arrêt soient, soit délivrés directement par une autorité judiciaire, soit validés par une telle autorité (la décision de validation devant alors être transmise en même temps que la demande d’extradition). Il est à noter que l’insertion de cette stipulation a été acceptée à cette occasion pour la première fois par la Partie chinoise dans le cadre de négociations internationales.

Par ailleurs, comme dans tout accord en matière extraditionnelle, les motifs obligatoires de refus d’extradition sont strictement énoncés, tandis qu’il existe aussi des motifs de refus facultatifs. De manière classique, mais ce n’est pas anodin avec la Chine, les causes de refus obligatoires sont liées :

– à la nature de l’infraction, excluant notamment les infractions à caractère politique,

– aux motifs de l’extradition, qui ne peut résider dans des considérations de race, de religion, de nationalité, d’origine ethnique, d’opinions politiques ou de sexe ou qu’une de ces raisons serait susceptible d’aggraver la situation de la personne à extrader ;

– et aux conditions dans lesquelles est rendu le jugement (tribunal d’exception ou spécial, jugement par défaut sans garantie de nouveau jugement, amnistie ou prescription).

Dans le cadre de demandes d’extradition entre la France et la Chine, conformément à l’article 4 du traité, l’extradition n’est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la Partie requise. La nationalité est déterminée à la date de la commission de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée. Pour la France, les binationaux (ou les personnes ayant plusieurs nationalités) sont considérés comme français et bénéficient des règles applicables aux ressortissants français (refus d’extradition).

Un autre motif obligatoire de refus appelle commentaire : celui qui concerne l’application de la peine de mort. La peine de mort s'applique toujours à quelques 55 infractions en Chine. Parmi celles-ci figurent des infractions n'impliquant pas de violences, telles que la fraude fiscale, le détournement de biens publics ou le fait d'avoir accepté des pots-de-vin. De manière générale, la peine de mort est appliquée en cas de « crime extrêmement grave », vaste notion prévue à l'article 43 du Code Pénal chinois. Le nombre d’infractions passibles de la peine de mort devrait encore se réduire pour s’établir à 46 en 2015. Il n’en demeure pas moins que certaines ONG estiment que de 4 000 à 9 000 personnes seraient exécutées en Chine chaque année et selon Amnesty international la Chine aurait, en 2013, exécuté plus de personnes que tous les autres pays pratiquant la peine de mort réunis.

Dans le Traité conclu, il est expressément prévu que la remise de la personne réclamée est refusée si l’infraction est punie de la peine capitale par la législation de la Partie requérante, sauf pour cette dernière à donner des assurances, jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine capitale ne sera pas prononcée ou si, elle est prononcée, qu’elle ne sera pas exécutée (article 3.g.). Le texte proscrit également, postérieurement à la remise d’une personne, toute modification de la qualification légale de l’infraction susceptible de faire encourir à celle-ci la peine de mort (article 11).

L’engagement de principe des autorités chinoises d’accepter la mise en place d’un dispositif d’engagement formel à ne pas prononcer ou à ne pas exécuter une telle peine à l’encontre de la personne visée par la demande d’extradition a pu être obtenu par notre représentation diplomatique à Pékin, dans la droite ligne du traité d’extradition entre la Chine et l’Espagne, signé le 14 novembre 2005, qui avait ouvert la voie à un tel système de coopération. En effet, pour la Chine, le souhait de développer le réseau conventionnel dans le domaine de l’extradition est lié à la lutte contre la fuite à l’étranger d’un certain nombre de hauts fonctionnaires ou anciens cadres du parti poursuivis pour des faits de corruption. De toute évidence, c’est dans ce contexte que la Chine a progressivement intégré l’idée qu’il existe un principe international selon lequel l’extradition n’est pas envisageable si la personne réclamée est susceptible d’être mise à mort.

De plus, l’article 20 de l’accord énonce que le traité ne porte pas atteinte aux droits et engagements des parties résultant de tout autre traité, convention ou accord. Conformément à un échange de lettres interprétatives en juillet et août 2010, notre pays peut refuser d’accorder la remise d’une personne réclamée par les autorités chinoises, que la France et la Chine soient parties au traité à la convention ou l’accord invoqué, ou que la France en soit seule partie. Cette stipulation permet donc à la France de ne jamais se trouver en position de méconnaître celles de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe et l’autorise à se référer, si nécessaire, aux stipulations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de ses deux Protocoles facultatifs pour refuser de donner suite à une demande d’extradition ne respectant pas les principes énoncés par ces textes.

Enfin, une fois l’extradition accordée, les poursuites possibles sont strictement encadrées. Toutes les conventions conclues par la France prévoient un principe de spécialité qui interdit à la Partie requérante de tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire afin de la détenir ou de la condamner pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l’extradition. Il peut être dérogé à ce principe en cas de séjour volontaire de la personne extradée sur le territoire de la Partie requérante et en cas consentement de la Partie requise. De même, une fois la personne réclamée remise à la Partie requérante, son transfert vers un pays tiers n’est possible que dans ces deux mêmes cas de figure.

Les faits constitutifs de l’infraction déterminent les droits de la Partie requérante ; en cas de modification de la qualification légale de ces faits appuyant la demande d’extradition, la personne ne peut être poursuivie que si la nouvelle qualification vise les mêmes faits que ceux ayant conduits à la remise.

Avant de conclure, je rappellerai que les négociations ont été longues, que la France a obtenu tout ce qu’elle demandait et que les autorités françaises s’étaient engagées à achever la procédure de ratification en 2014, année des célébrations du cinquantenaire de la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine. L’efficience de la coopération judiciaire avec la Chine se trouve d’ailleurs actuellement mise à mal par la non ratification du traité d’extradition par la France, la Chine ayant des difficultés à comprendre le retard de la partie française.

La Chine a déjà procédé à la ratification du traité. Conformément à son article 23, le traité entrera donc en vigueur trente jours après la notification par la France de l’achèvement de sa procédure de ratification. Le Sénat a déjà voté le projet de loi. Votre Rapporteur invite la Commission à en faire autant.

M. Jacques Myard. Sans être sceptique, j’attends de voir quelle sera l’application de ce traité. Certaines clauses me semblent présenter des difficultés d’interprétation.

L’article 4, relatif à la nationalité, rappelle qu’on ne remet pas un national, ce qui est une règle de base, la seule exception étant prévue dans le cadre du mandat d’arrêt européen. En vertu du même article, « la nationalité est déterminée à la date de la commission de l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée ». Il y aura des cas litigieux. Si nous estimons que l’infraction est vénielle et que la personne ne perd pas sa nationalité, nous extradons un national. A l’alinéa 2, je relève aussi que l’expression : « s’il y a lieu » change tout.

En ce qui concerne la règle de la spécialité et la ré-extradition, à l’article 11, il est prévu que « la personne extradée en vertu du présent Traité ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue dans la Partie requérante, ni soumise à aucune restriction de sa liberté individuelle pour un fait antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l’extradition, ni ré-extradée vers un État tiers ». Il faut souhaiter que cela fonctionne, car la personne en cause ne sera plus chez nous, mais en Chine. Quel sera le contrôle ?

M. Thierry Mariani. Il y a aujourd’hui en Chine une volonté affichée d’avoir des relations normalisées au plan juridique avec la plupart des pays occidentaux. J’observe aussi que la lutte contre la corruption semble devenir une réalité. On pensait qu’il s’agissait d’une figure de style lorsque la nouvelle direction chinoise a été installée, mais chaque délégation que nous rencontrons énumère désormais la liste des personnes condamnées. On peut espérer que nos systèmes judiciaires vont se rapprocher peu à peu, même si le chemin est extrêmement long.

Je voudrais insister sur l’utilité des conventions de transfèrement des personnes condamnées. Ne pourrait-on pas pousser le Quai d’Orsay à les développer davantage ? Nos compatriotes, comme tous les Occidentaux, voyagent de plus en plus. Certains d’entre eux finissent embastillés dans certains pays, pour avoir cru que la tolérance y était égale à celle qui prévaut chez nous. Il existe quelques cas très médiatiques, notamment celui de notre concitoyen qui risque la peine de mort en Indonésie. Il a aussi été beaucoup question de Michaël Blanc, qui a été libéré. On se rend compte, en échangeant avec nos consuls, que les cas se multiplient en réalité.

M. Gwenegan Bui, rapporteur. On sait qu’il y a toujours un risque lorsque l’on signe un traité, en l’espèce, d’extradition que l’autre Partie n’en respecte pas les termes. Je rappelle que nous sommes liés par de tels accords avec de nombreux pays comme l’Iran, l’Algérie, la Centrafrique, plus récemment le Venezuela ou encore et les Etats-Unis, qui pratiquent largement la peine de mort.

Les bonnes relations établies entre les deux pays, le respect de la parole donnée et la vigilance du Quai d’Orsay, notamment par l’intermédiaire de nos ambassades, comptent pour beaucoup dans la bonne application du texte.

S’agissant du principe de spécialité, notre ambassade vérifiera, au cas par cas, qu’il n’y a pas de dérive. A ce stade, seules deux demandes d’extradition ont été présentées par la Chine depuis 2000.

Les règles prévues à l’article 4 figurent dans tous les accords de même nature comme cas de refus obligatoire ou optionnel. On peut se tourner vers les services préfectoraux afin de savoir à partir de quel moment une personne est française. Il s’agit d’une clause classique en matière de binationalité que de déterminer la règle applicable à la date de l’infraction. C’est ce qui a permis d’extrader vers des pays d’Amérique latine des personnes qui avaient acquis la nationalité française.

M. Jacques Myard. Je me demande tout de même si cette clause est constitutionnelle. Si on a perdu sa nationalité après avoir été naturalisé, il n’y a pas de problème. Pour le reste, je m’interroge.

M. Thierry Mariani. La bi-nationalité franco-chinoise n’existe pas. Les Chinois ne la reconnaissent pas.

M. Jacques Myard. C’est à chaque pays d’en juger au regard de sa propre loi.

M. Gwenegan Bui, rapporteur. Les règles au regard de la nationalité diffèrent selon les pays, en effet. Avec certains nous dispositions d’accords reconnaissant la bi-nationalité, avec d’autres non.

La « chasse aux mouches et aux tigres », c’est-à-dire la lutte contre la corruption, va crescendo. Les flux économiques et financiers, mais aussi mafieux, augmentent entre la Chine et l’Union européenne, et il y aura aussi une augmentation des relations judiciaires.

Aucun projet n’est prévu en matière de transfèrement entre la Chine et la France. Notre présidente pourrait peut-être attirer l’attention du ministre des affaires étrangères sur l’intérêt d’un travail spécifique dans ce domaine.

J’ajoute que les autorités chinoises ont permis la visite d’une de leurs prisons en 2014.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Ce traité d’extradition me paraît conforme à ceux que nous avons signés avec d’autres pays. Si l’on s’interroge toujours sur la Chine, c’est en raison du caractère massif des exécutions, ce qui est bien naturel.

Pour avoir eu à gérer, il y a longtemps déjà, des demandes d’extradition, notamment en provenance des Etats-Unis, où la peine de mort est appliquée, je peux vous dire que nos exigences de droit et notre suivi sont d’une grande rigueur. Nos postes sont très alertés.

Enfin, puisque la Chine a envie de normaliser les relations, en particulier pour lutter contre la corruption, il suffirait d’un seul incident pour que tout soit ensuite arrêté.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1095).

La séance est levée à dix-sept heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 18 mars 2015 à 16 h 30

Présents. - M. Gwenegan Bui, Mme Élisabeth Guigou, M. Thierry Mariani, M. Jacques Myard, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Kader Arif, M. Jean-Marc Ayrault, M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Jean-Louis Christ, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Pierre Dufau, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Marc Germain, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, M. Benoît Hamon, M. Serge Janquin, M. Armand Jung, M. Pierre Lellouche, M. François Loncle, M. Axel Poniatowski, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle