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Commission des affaires étrangères

Mardi 5 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 72

Présidence de Mme Odile Saugues, vice- présidente

– Audition de M. Ludovic Pouille, directeur adjoint Afrique du nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et du développement international, sur la situation en Libye et au Yémen. .

Audition de M. Ludovic Pouille, directeur adjoint Afrique du nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et du développement durable, sur la situation en Libye et au Yémen. .

La séance est ouverte à dix-sept heures

Mme Odile Saugues, présidente. Nous recevons le directeur-adjoint pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères, M. Ludovic Pouille. Cette audition, qui n’est pas ouverte à la presse, sera consacrée à la situation en Libye et au Yémen, deux pays qui sont devenus des foyers de déstabilisation majeurs pour les pays de la région et au-delà.

Pour commencer, vous pourrez peut-être faire le point sur l’évolution de la situation sur le terrain et du processus politique dans chacun de ces pays.

En Libye, une nouvelle ligne de fracture semble se dessiner au sein de chaque camp entre ceux qui sont prêts à soutenir un processus politique et les éléments plus radicaux, partisans d’une solution militaire, parmi lesquels il faut compter le général Haftar. Comment évolue le rapport de forces sur le terrain ? La décision de la coalition « Aube de la Libye » de recentrer une partie de ses forces dans la lutte contre Daech marque-t-elle un tournant ?

Qu’en est-il du processus de dialogue politique, en cours depuis de longs mois sous l’égide de Bernardino Leon, le représentant spécial des Nations Unies ? Quels sont les acteurs politiques libyens associés à ce dialogue ? Observe-t-on un progrès dans les négociations ? Quelles en sont, pour le moment, les pierres d’achoppement ?

Au cours des dernières semaines, l’hypothèse d’opérations militaires de la communauté internationale en Libye ou aux frontières de ce pays a été évoquée à plusieurs reprises, sous l’impulsion de l’Italie en particulier. Pouvez-vous nous exposer précisément les hypothèses d’action envisagées par la communauté internationale et l’Europe, ainsi que le rôle que la France pourrait être amenée à jouer dans ce cadre ?

S’agissant du Yémen, le pays continue d’être ravagé par de violents affrontements, sur fond de bombardements aériens par l’aviation saoudienne et ses alliés, et la situation humanitaire est désastreuse. Quels sont, selon vous, les objectifs militaires des différents acteurs ? Comment jugez-vous l’attitude de l’Arabie saoudite et de l’Iran ? Quelles évolutions seraient susceptibles de rallier les parties autour de la table des négociations ? Quels sont les axes de travail du nouveau représentant spécial des Nations Unies pour le Yémen ? Quelle est votre appréciation de l’évolution de la menace terroriste dans le pays ? Et observe-t-on des flux importants de combattants étrangers, notamment français ?

Enfin, je rappelle qu’un des interlocuteurs de la mission sur le Proche et Moyen-Orient, dont j’ai été rapporteure, nous a dit que ce terrorisme était particulièrement exportable.

M. Ludovic Pouille, directeur-adjoint Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et du développement international. Les deux crises que vous évoquez se sont subitement réchauffées lors de l’été 2014, avec, dans les deux cas, une dislocation de l’État et des risques de partition des pays, qui ont progressivement sombré dans le chaos.

S’agissant de la crise libyenne, je rappelle qu’elle avait été présentée par le Président de la République, lors de la Conférence des ambassadeurs d’août dernier, comme la priorité de la diplomatie française – même si nous avons eu entre-temps l’émergence de la menace de Daech et l’engagement français dans la force Chammal en Irak. Elle demeure prioritaire pour nous.

La situation sur le terrain s’est totalement dégradée depuis l’été dernier et la partition du pays, avec un parlement et un gouvernement à Tripoli et un parlement et un gouvernement à Tobrouk-Beida, ainsi que des combats incessants entre les deux camps.

Les groupes djihadistes ont profité de cette situation de chaos pour renforcer leur présence dans le pays et leurs exactions. En plus de la présence traditionnelle d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et d’Al-Mourabitoune, ainsi qu’Ansar al Charia à Benghazi, sont apparus plus récemment Daech ou des groupes s’en revendiquant.

La menace terroriste, qui était jusqu’à l’été dernier limitée au Sud libyen et à Benghazi et Darnah, est aujourd’hui omniprésente sur le territoire, avec notamment une présence importante de Daech à Syrte et des attentats revendiqués par cette organisation à Tripoli. Cette menace est donc devenue globale et s’est déplacée du sud vers la zone côtière.

Je rappelle que Daech a commis des attentats spectaculaires au travers de l’assassinat d’une vingtaine de coptes égyptiens et d’une trentaine de chrétiens éthiopiens et érythréens depuis le début de l’année.

À Benghazi, il y a une volonté du camp de Tobrouk mené par le général Haftar de reprendre le contrôle de la ville ; les combats se poursuivent sur place entre les milices d’Ansar al-Charia et l’opération « Dignité » de ce dernier. À Darnah, la situation est plus contrastée, avec une présence manifeste de Daech et la difficulté du camp de Tobrouk à reprendre la main sur la ville. Et à Syrte, ce sont les milices de Misrâtah, associées à l’opération « Aube de la Libye » – qui tient Tripoli – qui ont engagé depuis quelques semaines des opérations contre Daech : le camp de Tripoli prend donc également sa part dans la lutte antiterroriste.

L’atmosphère reste globalement tendue dans le pays, notamment en Tripolitaine : il y a toujours des affrontements entre les milices des deux camps, notamment au sud de Tripoli, à Gharian, même si des pourparlers seraient en cours entre « Aube de la Libye » et les forces loyales à Tobrouk pour essayer de calmer le jeu.

Il y a eu ainsi une série de bombardements aériens menés par les forces du général Haftar contre « Aube de la Libye », notamment un bombardement particulièrement dommageable au processus politique puisqu’il a eu lieu la veille de la reprise des pourparlers de Rabat, en avril, et visé l’aéroport duquel partait pour cette ville la délégation de Tripoli. On n’est donc pas à l’abri de provocations des deux camps pour « torpiller » ce processus, les éléments de perturbation se trouvant essentiellement dans les forces armées, le général Haftar d’un côté et certaines milices radicales de l’autre.

Du point de vue humanitaire, il y aurait aujourd’hui environ 500 000 personnes déplacées par les violences selon l’ONU et 100 000 autres seraient réfugiées à l’étranger depuis l’été 2014. Selon les Nations Unies, on estimerait entre 200 000 et 300 000 le nombre d’individus armés dans le pays, forces armées et milices confondues – dotés au surplus d’armements importants. Par rapport à une population globale de 6 millions d’habitants, cela est considérable.

Sur le plan économique, on a assisté ces derniers mois à l’effondrement de la production pétrolière, qui est passée d’1,5 million à 400 000 barils par jour ; Total ne conserve plus que ses activités off shore. Par ailleurs, les réserves de la banque centrale s’épuisent : certains rapports, notamment de la Banque mondiale, estiment qu’elles seraient taries d’ici quatre ans ; pour les États-Unis, ce serait le cas d’ici seize à dix-huit mois.

Le délitement de l’État libyen profite aussi aux trafiquants d’êtres humains. Les drames observés ces derniers jours au large des côtes libyennes et italiennes constituent le sujet d’actualité le plus brûlant, de même que l’afflux massif –– de réfugiés subsahariens, mais aussi syriens, sur les côtes italiennes dans un contexte d’accalmie climatique. Nous pourrions assister dans les prochains mois à un afflux sans précédent si rien n’est fait pour y remédier.

Sur le plan politique, des efforts ont été engagés par les Nations Unies dès l’été dernier pour mettre fin à la division du pays et proposer une solution politique inclusive. La conviction de cette organisation, partagée par la quasi-totalité de la communauté internationale, notamment la France, est qu’il n’y aura pas de solution militaire à cette crise, qui ne pourra être résolue que par un accord politique entre les parties. Ceux qui pouvaient penser l’été dernier que l’opération « Dignité » du général Haftar allait pouvoir rapidement mettre fin à l’occupation de Tripoli par les milices se trompaient : celui-ci n’a pas les moyens aujourd’hui de reprendre Tripoli par la force. C’est donc bien par un dialogue entre toutes les parties que nous arriverons à sortir la Libye du chaos.

Nous sommes à la croisée des chemins. Bernardino Leon, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, a fait face à des phases d’optimisme et de pessimisme. Nous sommes aujourd’hui dans une phase plutôt optimiste : des pourparlers ont été engagés très sérieusement depuis le début de l’année et toute une série de sessionsde négociations a eu lieu à la fois à Rabat et à Alger avec l’ensemble des parties.

Bernardino Leon a joué son rôle de facilitateur et fait des propositions. La dernière d’entre elles a été soumise aux parties le 27 avril. Ce projet d’accord prévoit notamment la formation d’un gouvernement de concorde nationale, qui serait l’unique détenteur du pouvoir exécutif. La particularité de ce gouvernement est qu’il serait dirigé par un conseil présidentiel, – présidé par un premier ministre, assisté de deux vice-premier ministres et deux ministres –, qui aurait vocation à prendre des décisions à l’unanimité sur un certain nombre de sujets stratégiques.

Est prévue la création d’un haut conseil d’État, de cent membres, qui aurait une vocation surtout consultative

alors que a chambre des représentants de Tobrouk, qui a été élue au printemps dernier, resterait le principalorgane législatif.

Par ailleurs, l’Assemblée constituante serait maintenue en place et devrait proposer une nouvelle constitution pendant la période transitoire de deux ans, à l’issue de laquelle seraient organisées des élections visant à élire la nouvelle Chambre des représentants.

Les deux parties examinent actuellement ce projet. Si Bernardino Leon leur avait donné le 3 mai comme date limite pour recevoir leurs commentaires, on espère que le parlement de Tobrouk, qui est actuellement en réunion, pourra donner son accord sur ce projet demain ou après-demain. À ce stade, il lui conviendrait, les remarques exprimées par certains parlementaires étant mineures.

C’est plus compliqué du côté du Congrès général national. Il y a eu une première réaction immédiate après le 27 avril du négociateur de Tripoli, qui a rejeté le « paquet ». Mais celui-ci fait encore l’objet d’un débat. Il y aurait notamment des divisions entre la frange dure du Congrès Général National (CGN) de Tripoli et Misrâtah, encline à signer ce « paquet ». On attend la position du Congrès dans les prochains jours.

L’objectif de Bernardino Leon est de pouvoir réunir dès que possible les deux camps à nouveau à Rabat pour finaliser l’accord et entamer des discussions sur les différents volets – le nom des personnes composant le conseil présidentiel ainsi que le volet sécuritaire. À cette fin, il souhaite réunir à Rome dans les prochaines semaines les groupes armés – auxquels, selon lui, appartiennent l’opération « Dignité » d’Haftar comme les milices de Tripoli – et obtenir un accord des chefs tribaux, qu’il réunirait au Caire d’ici la fin du mois pour renforcer la légitimité du « paquet ».

Je dirais qu’on est dans une situation un peu meilleure qu’il y a trois mois, mais rien ne garantit que l’accord pourra être signé avant le ramadan, qui commence vers le 18 juin. Or, si on attend, le risque est que les deux camps cherchent à gagner du temps, notamment le CGN, dans l’attente de l’expiration du mandat de la Chambre des représentants en octobre.

Dans ce contexte de course contre la montre, nous nous mobilisons à plusieurs niveaux.

Notre première priorité est d’aider Bernardino Leon. Depuis plusieurs mois, nous sommes en contact avec les parties régionales les plus directement impliquées. La crise libyenne est en effet aussi une crise régionale, qui oppose globalement l’Égypte et les Émirats d’un côté, soutenant le camp de Tobrouk, à la Turquie et au Qatar de l’autre, soutenant celui de Tripoli. Nous essayons de passer des messages aux uns et aux autres, ayant de bonnes relations avec l’ensemble de ces pays. Encore aujourd’hui, à Ryad, le Président de la République a rappelé, dans le cadre du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG), où siègent les Émirats et le Qatar, l’importance de passer les bons messages à toutes les parties en Libye, pour qu’elles fassent preuve de responsabilité dans cette dernière ligne droite de la médiation Leon.

Nous le faisons à titre national, mais aussi avec nos partenaires, américains, britanniques, européens. Une série de formats de concertation a ainsi été mise en place à l’automne pour soutenir la médiation Leon afin de faire passer des messages à de multiples niveaux.

Ces messages sont globalement entendus, même si nous ne sommes pas à l’abri de calculs ou d’arrière-pensées des uns et des autres. Il est donc important de maintenir une pression amicale sur l’ensemble de ces pays.

Par ailleurs, nous travaillons beaucoup avec d’autres pays de la région directement concernés et jouant un rôle de facilitateur auprès de Bernardino Leon, notamment le Maroc et l’Algérie, mais aussi la Tunisie – qui accueille une forte communauté libyenne –, ainsi que le Tchad ou le Niger, qui ont beaucoup de contacts avec les tribus du sud. Nous essayons ainsi de construire un consensus autour de la médiation Leon.

Nous travaillons aussi à New York avec nos partenaires du Conseil de sécurité pour tenter d’utiliser au mieux celui-ci dans cette affaire, en liaison avec Bernardino Leon – en ce moment, par exemple, sur des listes de personnalités libyennes que nous pourrions placer sous sanction pour avoir entravé les efforts des Nations Unies.

Nous œuvrons enfin avec nos partenaires à la crédibilisation de l’accord. Celui-ci ne peut être crédible que si la communauté internationale joue enfin pleinement son rôle dans l’accompagnement de sa mise en œuvre. Cela passe par des programmes classiques de renforcement de l’état de droit, mais aussi par un accompagnement sur les arrangements de sécurité, pour que le gouvernement de concorde nationale qui émergera de l’accord ne tombe pas en quelques semaines sous les attaques des terroristes de Daech ou des détracteurs des deux camps.

Cette action est difficile car les Libyens sont réticents à toute présence internationale sur leur sol. Bernardino Leon mène un travail de pédagogie auprès des parties pour voir comment mettre en place une force de surveillance et de vérification de l’accord, à la fois suffisamment solide, pour ne pas être illégitime et exposée, et suffisamment modeste, pour ne pas apparaître comme une force d’occupation. Nous sommes en discussion avec nos partenaires européens, américains et régionaux à ce sujet, sachant qu’il n’y a pas de modèle idéal d’accompagnement de l’accord.

Nous pouvons, pour notre part, renforcer le programme de bourses que nous avons maintenu avec la Libye pour former les hauts fonctionnaires libyens, au travers de l’École nationale d’administration (ENA). De même, nous pourrions élargir le programme de formation des policiers à celle des forces spéciales libyennes. Cela a son importance car, à partir du moment où l’accord sera signé, on ne pourra pas attendre six mois avant de prendre les décisions et d’être sur le terrain au côté du gouvernement libyen.

Troisième volet d’action de la France : celle menée dans les pays voisins. Nous sommes présents sur place à travers l’opération Barkhane – avec 3 000 hommes sur le flanc sud libyen –, qui constitue une ceinture de sécurité pour les pays voisins et une force de dissuasion, qui n’a pas vocation à intervenir en Libye. Elle permet ainsi de contenir la crise libyenne.

Nous travaillons aussi avec la Tunisie pour renforcer ses forces de sécurité – Béji Caïd Essebsi était en visite d’État en France début avril et le ministre Bernard Cazeneuve s’est rendu à Tunis au lendemain du terrible attentat du Bardo pour déployer une feuille de route de renforcement de la coopération sécuritaire avec ce pays. Celui-ci apparaît au plan sécuritaire comme le maillon faible de la région et l’État le plus exposé aux retombées de la crise libyenne, à la fois par la menace terroriste qu’il subit – beaucoup de Tunisiens étant dans les rangs de Daech en Irak et en Syrie, certains passant par la Libye pour s’entraîner – et les conséquences humanitaires. La crise libyenne s’aggravant, la Tunisie est en effet le réceptacle de réfugiés libyens – qui représenteraient environ 10 % de sa population – ce qui risque de déstabiliser ce pays.

Quant au Yémen, il est plus loin – certains diront moins prioritaire. Il est vrai que la France ne peut être en première ligne sur tous les fronts, d’autant que la présence anglo-saxonne y est plus forte historiquement. Cela dit, nous sommes directement impliqués du fait de l’investissement considérable de Total, qui représente plus de 6 milliards d’euros, alors que sa production pétrolière et gazière correspond à quasiment 40 % des recettes budgétaires yéménites.

Nous avons ainsi toujours été engagés dans la crise yéménite par notre présence au Conseil de sécurité et notre participation au G10, qui regroupe les cinq membres permanents du Conseil ainsi que ceux du CCEAG, qui a servi d’appui à la transition politique yéménite.

La séquence de transition politique engagée en janvier de la même année, après la conférence de dialogue national, a été interrompue en septembre 2014 par la prise de la capitale, Sanaa, par les rebelles Houthis, qui ont leur fief à Sa’dah, dans le nord. Ceux-ci appartiennent à un groupe politique – le mouvement Ansar Allah – et se présentent comme les représentants de la communauté zaïdite, même si tous les membres de celle-ci n’en font pas partie. Je précise que la crise yéménite n’a, jusqu’à récemment, jamais eu de dimension confessionnelle.

Un premier effort a été mené par Jamal Benomar, Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Yémen, qui a permis la signature d’un accord de paix le 21 septembre dernier entre le gouvernement du président Hadi et les Houthis, ainsi que la désignation d’un Premier ministre en octobre. Mais des tensions sont rapidement réapparues : il y a eu des blocages sur le partage du pouvoir, la question de la fédéralisation, et, en janvier dernier, les Houthis ont réalisé un nouveau coup de force à Sanaa et placé en résidence surveillée le président Hadi, l’obligeant à démissionner, ainsi que le premier ministre Baha. Ils ont ensuite poussé leur avantage en progressant vers le sud, vers Ta’izz et Aden.

C’est face à ce qu’elle considérait comme un risque de déstabilisation majeur de la péninsule, par la prise d’Aden et le contrôle du détroit de Bab-el-Mandeb, que l’Arabie saoudite a décidé d’intervenir le 26 mars au travers de l’opération « Tempête décisive ». Le but de celle-ci, qui était de stopper l’avancée des Houthis, a globalement été atteint, le gouvernement du président Hadi s’étant par ailleurs réfugié en Arabie saoudite. Le 22 avril, les Saoudiens sont passés à une nouvelle phase au travers de l’opération « Restaurer l’espoir », notamment en marquant leur souhait de répondre à la situation humanitaire, qui est de plus en plus alarmante.

Évidemment, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) a profité du chaos pour prendre des gages et s’emparer de la ville de Moukallà – avec son aéroport et sa base militaire – et on peut redouter son renforcement en effectifs et en armements.

Je précise que le Yémen n’est pas aujourd’hui une terre d’attraction des combattants étrangers, pas plus d’ailleurs que la Libye, en dehors des combattants tunisiens dont j’ai parlé. La pompe aspirante en la matière est bien la Syrie. Reste qu’en Libye, la situation pourrait dégénérer à l’occasion d’un reflux de Daech en Irak et en Syrie, qui pourrait provoquer le déplacement d’une partie de ses effectifs vers ce pays.

La situation humanitaire est totalement détériorée : les ONG et les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme. Le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique qu’il y a eu plus de 1 200 morts et 5 000 blessés depuis le déclenchement de l’opération militaire et l’ONU estime à plus de 12 000 le nombre de déplacés internes, principalement à Sanaa. Le nombre de réfugiés à l’étranger serait quant à lui de 12 000 à 15 000, dont environ 5 000 à Djibouti.

La difficulté tient à l’approvisionnement du pays en raison des bombardements d’artillerie effectués par les Houthis notamment à Aden et du blocus naval et aérien mis en place par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Or il n’y a plus de médicaments, les vivres sont insuffisants et il y a un problème d’approvisionnement en pétrole, tout le système électrique yéménite risquant de tomber en faillite. Face à cette situation d’urgence, l’Arabie saoudite a décidé de répondre hier sous la forme d’un communiqué annonçant des pauses humanitaires et la création de zones de sécurité où les combats seraient interrompus pour permettre l’acheminement de l’aide. On n’a pas encore de précisions sur les modalités de mise en œuvre de cette décision, qui devrait être endossée par le Conseil de sécurité.

Comme pour la Libye, il n’y a pas de solution militaire à cette crise, qui trouve son ressort dans les frustrations de telle ou telle communauté, la mauvaise gouvernance, les difficultés économiques ou sociales et les rivalités régionales. Il s’agit d’une crise d’abord politique, dans laquelle les Houthis ont profité de l’affaiblissement de l’État pour prendre des gages afin de renforcer leur influence sur le pouvoir central, leur capacité économique et leur territoire d’influence.

La sortie de crise implique plusieurs facteurs. D’abord, conformément à la résolution 2216 du Conseil de sécurité des Nations Unies, que nous avons coparrainée, un cessez-le-feu, qui implique que les Houthis mettent fin à leur offensive, en particulier à Aden, et se retirent des villes – condition importante, mentionnée comme une ligne rouge par l’Arabie saoudite et la coalition. Deuxièmement, que les parties acceptent de revenir à certains fondamentaux : l’Initiative du Golfe, les Conclusions du dialogue national, et qu’elles puissent se retrouver autour d’une même table. L’Arabie saoudite propose que le président Hadi, qui reste légitime, les accueille à Ryad le 17 mai pour reprendre le dialogue national. Les Nations Unies viennent par ailleurs de nommer un nouveau conseiller du secrétaire général, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, qui est mauritanien et est connu et respecté par l’ensemble des parties yéménites – il sera reçu demain à Paris.

Nous allons favoriser le processus de consultation des différentes parties par les Nations Unies et, parallèlement, apporter notre soutien à l’initiative de Ryad de réunir les parties yéménites autour du président Hadi et du vice-président Bahaa, qui est globalement respecté par celles-ci.

On peut difficilement faire de pronostics sur les prochaines étapes. La France est engagée à New York sur la problématique de l’accompagnement de la sortie de crise et les solutions humanitaires, de même que dans la région – la participation du Président de la République au somment du CCEAG aujourd’hui a été une première de la part d’un chef d’État occidental. La France participe également sur le terrain, de manière discrète, par des échanges d’information, à l’action de la coalition. Nous avons d’ailleurs deux officiers dans l’état-major de celle-ci à Riyad et lui communiquons notamment des images satellitaires – sans être engagés militairement sur le plan naval ou aérien.

Mme Odile Saugues, présidente. N’y a-t-il pas un combat par Yémen interposé entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour le leadership régional ?

M. Serge Janquin. S’agissant de la Libye, je pense qu’il se passera plusieurs ramadans avant qu’on ne puisse stabiliser la région.

Nous avons en France le souci de préserver la jeune démocratie tunisienne, si valeureuse et fragile, alors qu’elle est menacée par des infiltrations venant du territoire libyen comme du Sud algérien. Comment sommes-nous engagés pour soutenir les efforts du gouvernement tunisien face à ces dangers ? Et comment l’Union européenne appréhende-t-elle cette question ?

Mme Nicole Ameline. Merci pour cet excellent exposé.

Je voudrais saluer l’action des Nations Unies : le rôle de Bernardino Leon est très utile et il représente probablement la seule option possible dans cette région.

Je rappelle que le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) a à sa tête Federica Mogherini, qui est italienne. Comment voyez-vous l’articulation de la pression internationale et, surtout, européenne, qui semble étrangement absente ?

Par ailleurs, les Libyens ont toujours été réticents à une ingérence étrangère. C’était déjà le cas en 2011, malgré tous les efforts de la France et des Nations Unies. On ne peut imposer à un peuple des soutiens. Qu’est-ce qui ferait qu’en 2015 la Libye accepterait ce qu’elle a refusé en 2011 ?

Enfin, la dernière résolution du Conseil de sécurité a prévu que s’il y a un accord et un gouvernement, il pourrait y avoir une levée de l’embargo sur les armes. Comment voyez-vous cette seconde étape alors que ce gouvernement devra lutter contre Daech ?

M. Jean-Paul Dupré. Peut-on compartimenter ces crises, compte tenu des connexions évidentes entre les groupes AQMI, Boko Haram ou Daech ? Cela nécessite une approche nouvelle de l’Union européenne et des Nations Unies, car la France ne peut être partout.

M. Jacques Myard. En Libye, il n’y a plus d’État. La grande faute qu’on a commise quand on est intervenu contre Kadhafi est de ne pas avoir tenu compte de ce que tout reposait sur lui et son camp. Aujourd’hui, à Tripoli, il n’y a aucune facture d’électricité !

J’avais proposé que l’on place ce pays sous tutelle avec l’aide des Africains pour reconstruire un État et créer des services publics. Je vois mal comment on peut s’en sortir sans mobiliser les Africains ni monter une structure de reconstruction. Si on ne le fait pas, je pense que les Égyptiens mettront tôt ou tard de l’ordre là-dedans car ils sont en surpopulation.

Sur le Yémen, je rappelle qu’au moins 4 000 Saoudiens sont présents dans AQPA, ce qui ne peut que susciter la vigilance de l’Arabie saoudite. En outre, les Américains ont tapé comme des sourds avec leurs drones et tué de nombreuses personnes de façon collatérale, ce qui a suscité le raidissement des Houthis. Ils sont de fait honnis dans la région. Nous avons donc intérêt à avoir une politique équilibrée. D’ailleurs, l’Arabie saoudite sera-t-elle encore la puissance régionale dans quelques années ?

M. Pierre Lellouche. Je partage ce point de vue.

Compte tenu de la situation en Libye, est-il raisonnable pour la France de laisser faire une politique européenne qui encourage l’immigration en sécurisant le transport de ces malheureux, qui sont l’objet de trafics ? Depuis Mare Nostrum et le programme de sauvetage en mer, les migrants ont l’assurance, avec l’été et une mer plus calme, d’avoir de bonnes chances d’arriver en Italie. Je crois que l’an dernier, 250 000 ont ainsi débarqué en provenance de Libye et on ne doit pas être loin de ces chiffres depuis le début de cette année. On va donc vers une explosion, d’autant que le problème de l’immigration ne se limite pas à la Libye, qui est le produit des guerres et de la surpopulation, notamment dans les pays du Sahel. Ne faut-il pas se dire qu’il est temps de raccompagner les migrants vers leur point de départ, de façon à essayer de tarir les sources d’immigration ?

Concernant le Yémen, avez-vous le sentiment que quelqu’un y contrôle quoi que ce soit ? J’avais cru comprendre que les Saoudiens avaient entraîné dans leur sillage les Américains, qui étaient moyennement contents et plutôt inquiets de la tournure des événements. Est-il sage de mettre tous nos œufs dans une alliance stratégique avec le monde sunnite, sachant que celui-ci est habité par les tendances les plus conservatrices et moyenâgeuses – salafistes, wahhabites et autres ? Le régime saoudien est en effet inquiet de voir qu’il est dépassé par sa propre rue.

M. Jean-Claude Guibal. Je partage les interrogations de Jacques Myard et Pierre Lellouche.

Concernant la Libye, je souhaiterais savoir quelle est la stratégie de Daech dans ce pays ? Y a-t-il des relations entre Daech, AQMI ou les milices et les transporteurs de migrants ? Enfin, qui contrôle les arsenaux, ou ce qu’il en reste ?

M. Ludovic Pouille. La Tunisie est pour nous une priorité absolue. Nous avons été le moteur de la mobilisation européenne et internationale de soutien à ce pays. Le Premier ministre y était d’ailleurs en septembre dernier pour coprésider avec son homologue tunisien une conférence internationale de soutien. Nous avons accueilli Béji Caïd Essebsi à Paris le mois dernier et annoncé à cette occasion la conversion de dette à hauteur de 60 millions d’euros, qui a été un geste très fort, et nous sommes à l’avant-garde pour entraîner nos partenaires européens. Nous avons proposé à Mme Merkel, qui l’a accepté, de convier Béji Caïd Essebsi au sommet du G7 en Allemagne en juin. Et nous allons continuer d’accompagner la transition tunisienne, qui est le seul exemple dans la région de transition avec intégration réussie dans le jeu politique d’un mouvement islamiste – permettant de montrer qu’islam et démocratie sont compatibles. Le ministre des affaires étrangères doit se rendre sur place avant le ramadan et nous encourageons les touristes français à retourner en Tunisie.

Concernant l’Iran et l’Arabie saoudite, le ministre Laurent Fabius a indiqué aujourd’hui à Riyad que nous ne prenions pas parti dans un conflit religieux entre sunnites et chiites quand nous intervenons en appui aux sorties de crises en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen ou au Liban. Ce qui nous importe est la stabilité de la région et la recherche de solutions aux crises, qui ne peuvent être qu’inclusives, c’est-à-dire n’excluant aucune partie au profit d’une autre. Au Liban, par exemple, où nous sommes les seuls à pouvoir parler à tout le monde, y compris au Hezbollah, nous avons multiplié les efforts ces derniers mois pour tenter de faciliter l’élection d’un président et nous comptons les poursuivre en liaison avec nos principaux partenaires. Nous sommes par ailleurs en première ligne en Irak, où nous avons engagé l’oépration Chammal dès septembre dernier, à la demande des autorités irakiennes, et où nous collaborons avec Haïder al-Abadi, qui est un premier ministre chiite, pour favoriser la réconciliation nationale entre toutes les communautés irakiennes. Enfin, nous travaillons au Yémen en appui des efforts des Nations Unies, visant à remettre autour d’une même table les Houthis, qui feront partie de la solution, et les autres parties.

Nous ne sommes pas aujourd’hui dans une guerre contre l’Iran, même s’il faut reconnaître que ce pays utilise un certain nombre de vecteurs d’influence dans la région pour renforcer une forme d’hégémonie et une capacité de nuisance.

Il était par ailleurs important d’apporter un soutien à nos alliés stratégiques dans le Golfe. Nous avons une convergence globale avec les pays de la région, notamment sur l’analyse de la crise yéménite – ce qui n’empêche pas des divergences sur tel ou tel point, que nous exprimons en toute amitié dans le dialogue avec nos partenaires. Notre rôle, en tant que membre du Conseil de sécurité, est d’être un facilitateur ou un accompagnateur dans la mise en œuvre des solutions politiques à ces crises.

Monsieur Myard, la lutte antiterroriste menée par les États-Unis au Yémen s’est faite en totale liaison avec les autorités de ce pays et à leur demande. Chaque frappe américaine par drone a été réalisée à leur requête et en coordination avec elles. Par ailleurs, là où AQPA est touchée par les drones, on ne peut pas dire qu’il y ait une importante communauté houthie : je ne crois pas que celle-ci ait pu être à cet égard une victime collatérale de la lutte anti-terroriste.

S’il y a beaucoup de Saoudiens dans les rangs d’Al-Qaïda, il y a aussi beaucoup de Jordaniens, de Tunisiens, de Marocains, d’Européens y compris des Français qui rejoignent Daech et Al Qaida. Il nous faut donc combattre cette attractivité sans précédent des mouvements terroristes pour des jeunes en perdition ou en quête de sens.

Sur la question de savoir s’il faut mener une lutte globale contre Daech et le terrorisme, il ne faut pas sur-interpréter les allégeances formulées par tel ou tel groupe terroriste hors du théâtre syro-irakien, car elles sont souvent d’opportunité, de la part de groupes qui sont faibles et ont besoin d’actions spectaculaires pour prendre une partie du ‘gâteau daechiste’, en attirant notamment des financements et des combattants étrangers. Nous ne voulons pas donner le sentiment que nous sommes entrés dans une troisième guerre mondiale contre Daech, ce qui serait lui faire beaucoup d’honneur : il ne faut pas tomber dans le piège qu’il nous tend de vouloir en faire le seul ennemi. Plus nous communiquons sur la propagation de cette organisation, plus nous allons dans son sens.

Nous traitons donc les crises une par une, chacune dans sa spécificité. Mais nous mettons beaucoup de moyens aux niveaux national et international pour lutter contre Daech, ses sources de financement, ses flux de combattants étrangers, sa propagande sur le net. Nous accueillerons début juin à Paris une réunion ministérielle de la coalition internationale contre Daech. 

Quant au nombre de migrants arrivés sur les côtes européennes, il était d’environ 200 000 en 2014 et nous sommes déjà à plus de 75 000 cette année. Une majeure partie transite par la Libye. Les passeurs profitent bien sûr de la crise libyenne, mais aussi de toutes les crises et de l’instabilité régnant dans la zone. Les réfugiés dont on parle sont en grande partie aussi Syriens.

À l’initiative de l’Italie et avec l’appui de la France, un Conseil européen extraordinaire a été réuni le 23 avril, qui a défini quatre axes d’action concrets : renforcer la présence de l’Union européenne en mer au côté de l’Italie – la France a déployé à cet effet deux navires et des avions de reconnaissance – ; lutter contre les trafiquants dans le respect du droit international, en prévoyant notamment la planification d’une opération militaire européenne visant à détruire les bâtiments de ceux-ci avant leur utilisation – point actuellement en discussion à Bruxelles et à New York, où on débat sur un texte de résolution du Conseil de sécurité porté par les Européens pour autoriser l’emploi de la force contre ces navires sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations Unies – ; prévenir les flux migratoires irréguliers ; et renforcer la solidarité et la responsabilité internes.

Le 13 mai, la Commission européenne devrait présenter un agenda européen pour les migrations, qui comportera quatre volets : la mise en œuvre complète du régime d’asile européen commun ; la promotion de l’attractivité européenne par l’immigration légale ; l’optimisation du paquet législatif sur les sanctions de l’immigration irrégulière ; le renforcement de l’agence Frontex.

Mais ces moyens importants ne seront probablement pas suffisants. Sans un accompagnement en amont pour résoudre les crises et répondre aux problématiques de développement de l’Afrique subsaharienne, l’attractivité de l’Europe restera très forte. Quand on sait que les migrants sont prêts à payer des milliers de dollars pour risquer leur vie, on peut penser que leur flux risque de se poursuivre.

Il faut donc travailler à un certain nombre de mesures immédiates. Nous espérons pouvoir obtenir cette résolution du Conseil de sécurité assez vite et faire en sorte que les premières décisions soient prises. Si on a un accord politique libyen dans les prochaines semaines, cela aidera au déploiement d’un dispositif complet.,Il m’est très difficile de répondre aux questions relatives aux objectifs de Daech en Libye et à ses relations avec les trafiquants, qui relèvent davantage des services de renseignement. Daech cherche avant tout à intégrer ce pays dans le califat, qui s’étend de l’Indonésie à l’Espagne, et à accroître ses emprises territoriales – comme c’est le cas à Darnah ou à Syrte –, qui pourraient être utilisées comme sanctuaires ou d’éventuelles zones de repli pour des combattants venant du Levant. Compte tenu de l’allégeance de Boko Haram à cette organisation, il n’est pas exclu que l’objectif à long terme de celle-ci soit de créer un arc entre le Levant, la Libye et l’Afrique de l’Ouest, avec des connexions commerciales et humaines.

S’agissant des arsenaux libyens de Kadhafi, il y a longtemps qu’ils ont été démantelés et que les armes sont disséminées – c’est bien le problème qu’on a eu à gérer au Nord Mali. Le problème aujourd’hui est le respect de l’embargo sur les armes en Libye. Sa levée pour lutter contre le terrorisme est une option sur laquelle nous sommes très prudents : ajouter des armes n’est pas une solution à ce stade, mais cela pourra être le cas quand nous aurons un gouvernement d’union nationale en mesure d’être un véritable partenaire dans la lutte contre le terrorisme. En attendant, nous encourageons les milices de Tripoli et de Misrâtah à ne pas laisser Daech s’installer à Syrte et faisons en sorte que l’action du général Haftar soit cantonnée à la lutte contre le terrorisme . Pour nous, les groupes terroristes sont bien identifiés : il s’agit d’Ansar al-Charia Benghazi et Darnah ainsi que de Daech, auxquels il faut ajouter AQMI et Al-Mourabitoune notamment. Enfin, il est vrai que la mobilisation européenne est toujours complexe. Si, sur la question migratoire, elle a été assez rapide, sur le front des crises, c’est toujours plus long et on a toujours le sentiment d’agir en première ligne. C’est vrai pour l’Irak, où nous avons convoqué le 15 septembre la grande conférence internationale de soutien à ce pays et de lutte contre Daech. C’est vrai aussi sur le Sahel, où on n’a pas attendu les Européens pour déployer les opérations Serval puis Barkhane. Mais la France ne peut tout faire toute seule et nous cherchons à mobiliser nos partenaires européens. Nous travaillons ainsi en étroite coopération avec les Britanniques, qui sont également membres du Conseil de sécurité, mais aussi avec les Allemands, les Espagnols et les Italiens. Mme Mogherini a évidemment un rôle à jouer : elle était en Tunisie après l’attentat du Bardo et y est retournée il y a quelques jours pour apporter son soutien aux efforts de Bernardino Leon. Nous encourageons une implication du SEAE et des partenaires européens dans l’ensemble de ces théâtres.

Il faut en effet rendre hommage au travail fait par Bernardino Leon, de même qu’à celui accompli par Stefan de Mistura sur la Syrie ou celui qui va être engagé par Ismail Ould Cheikh Ahmed sur le Yémen. Les Nations Unies constituent un parapluie légitime indispensable à toute action politique de la communauté internationale, mais cela n’est pas suffisant. Le rôle de la France, des grandes puissances, de l’Europe et des pays de la région est donc indispensable pour accompagner ces efforts. Bernardino Leon ne pourra réussir que si le consensus international est suffisamment fort pour que les parties libyennes, qui doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités, sentent cette pression.

Mme Odile Saugues, présidente. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 5 mai 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Pouria Amirshahi, M. Philippe Baumel, M. Gwenegan Bui, M. Édouard Courtial, M. Jean-Louis Destans, M. Jean-Paul Dupré, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre Lellouche, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Michel Destot, Mme Élisabeth Guigou, M. Lionnel Luca, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, M. Boinali Said, M. Michel Vauzelle

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Albarello, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Philippe Vitel