Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mardi 16 juin 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 87

Présidence de M. Michel Vauzelle, Vice-président

– Examen du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 2725) – Mme Elisabeth Guigou, rapporteure

Examen du projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 2725) – Mme Elisabeth Guigou, rapporteure.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. Michel Vauzelle, président. Nous examinons, sur le rapport de Mme Elisabeth Guigou, le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc.

Mme la présidente Élisabeth Guigou, rapporteure. La France et le Royaume du Maroc entretiennent des relations exceptionnelles. Le Roi du Maroc a été le premier Chef d’État étranger à être reçu par le Président de la République en mai 2012, et le Maroc est l’un des seuls pays dans lequel à la fois le Président de la République, le Premier Ministre et les Présidents des deux Assemblées se sont tous rendus, certains à plusieurs reprises, depuis mai 2012.

Ce sont les liens entre nos deux peuples qui font la force de cette relation. Au Maroc 48 800 Français sont établis de façon permanente – dont 49 % de bi-nationaux, et près de 20 000 y résident une partie de l’année. La communauté marocaine en France compte 1 500 000 personnes dont 670 000 bi-nationaux.

Entre février 2014 et janvier 2015, ces relations ont connu une crise à la suite de la présentation, par des fonctionnaires de police, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc, le 20 février 2014, d’une convocation d’un juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Paris destinée au directeur général de la surveillance du territoire marocain, M. Hammouchi. Bien que la France ait fait valoir le principe d’indépendance de la justice, les autorités marocaines ont considéré que cet acte revêtait un caractère outrageant. Le 25 février 2014, le Ministre de la Justice marocain, a suspendu l’application de toutes les conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et civile entre nos deux pays. Le magistrat de liaison marocain en poste à Paris a été rappelé en attendant, je cite, « de convenir de solutions adéquates garantissant le respect mutuel et total des conventions liant les deux pays de manière à préserver la souveraineté des deux États sur la base du principe de l’égalité qui doit présider dans leurs relations. ».

A aucun moment de la crise, qui a duré une année, le Maroc n’a remis en cause les autres volets de notre coopération, qu’elle soit économique, éducative et universitaire, ou culturelle.

En revanche l’arrêt brutal et complet en 2014 de la coopération judiciaire a porté un préjudice grave à nos deux pays, car cette coopération, qui date de 1957, est la plus active dans la région. La grande majorité des demandes sont d’origine française, 10 fois plus nombreuses que les demandes marocaines.

Pendant la crise, près de 230 dossiers en matière pénale, dont 119 commissions rogatoires internationales, sont restés en souffrance et les décisions exécutées n’ont pas été transmises. Il en a été de même des décisions d’extradition, ou de transfèrement de prisonniers français condamnés au Maroc. Les enquêtes pénales transnationales ont été entravées, notamment la lutte contre le trafic international de stupéfiants et la lutte contre le terrorisme. A deux reprises, les autorités marocaines ont dû remettre en liberté des personnes impliquées dans des trafics de stupéfiants et placées sous écrous extraditionnels.

Le Directeur général de la Sécurité intérieure, ainsi que le Directeur général de la sécurité extérieure, que j’ai reçus en entretien, m’ont fait part de leurs inquiétudes. Alors même que la menace terroriste grandit au Sahel, en Syrie et en Irak, et que le phénomène des combattants étrangers, plusieurs milliers d’individus, touche aussi bien la France que le Maroc, le gel des échanges d’informations aurait pu avoir de graves conséquences, même si l’on peut être certain que les services marocains nous auraient alertés en cas de menace imminente. J’en suis pour ma part intimement convaincue.

En matière de coopération familiale, le signalement de déplacement illicite d’enfants n’a plus été effectué durant la suspension de notre coopération. 55 dossiers de recouvrement de procédures alimentaires étaient ouverts en avril 2015, 44 dossiers relatifs à des droits de visites, concernant 69 enfants. Aucune médiation n’a été possible durant un an, laissant nombre de familles dans le désarroi.

Le texte qui nous est soumis a permis de sortir de cette crise. Cet avenant à la convention du 18 avril 2008, a été signé le 6 février 2015. Les discussions avaient été engagées à l’initiative de la Partie marocaine, dès février 2014, et suivies au plus haut niveau, par nos ministères de la Justice et des Affaires étrangères. Il est composé de trois articles : l’article 1er insère un nouvel article 23 bis au sein la convention du 18 avril 2008, intitulé « Application des conventions internationales » ; l’article 2 détaille le contenu du nouvel article 23 bis de la convention ; l’article 3 prévoit la clause finale classique relative à l’entrée en vigueur de l’avenant.

Je ne dissimulerai pas que ce texte comporte des difficultés d’interprétation qui expliquent les interrogations, voire les inquiétudes, des organisations et représentants des professions de Justice. J’ai tenu à les recevoir, afin d’écouter leurs arguments.

Le premier paragraphe de l’article 2 du protocole vise à favoriser les échanges de vues aux fins de bonne conduite des procédures et pour une coopération efficace. Le texte énonce clairement, point capital, que les Parties ont entendu inscrire strictement le dispositif d’information et d’échanges créé par l’article 23 bis dans le respect des engagements de la France par exemple au titre de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés et de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984.

Il dispose que « dans le cadre de leurs engagements respectifs et afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient, les Parties s’emploient à favoriser une coopération plus efficace ainsi que tous échanges entre les autorités judiciaires aux fins de bonne conduite des procédures, notamment lorsque les faits dénoncés ont été commis sur le territoire de l’autre Partie. »

La portée de cette disposition est moins juridique que politique. En effet, la convention du 18 avril 2008 prévoit d’ores et déjà, on y reviendra, des échanges d’informations entre nos autorités judiciaires, notamment celles relatives à la dénonciation aux fins de poursuites (article 23) et aux échanges spontanés d’informations (article 24).

Le deuxième paragraphe pose le principe spécifique d’une information mutuelle immédiate lorsque les faits ont été commis sur le territoire de l’autre Partie par un de ses ressortissants. Il dispose pour cela que « chaque Partie informe immédiatement l’autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée. »

Plusieurs questions peuvent ici être soulevées : celle des délais de transmission, du circuit emprunté par cette information et de la nature des informations transmises.

Il est précisé par le paragraphe 2 de l’article 23 bis que cette information doit être « immédiate ». Conformément à l’article 5 de la convention bilatérale du 18 avril 2008, l’information s’effectuera d’autorité centrale à autorité centrale. Pour la France, elle sera à la charge du Ministère de la Justice français. Elle ne pourra donc concerner que les informations portées à la connaissance du ministère de la Justice par les parquets généraux. Dès lors, le terme « immédiatement » recevra une interprétation relative, car l’autorité centrale ne pourra informer que des affaires dont elle est elle-même informée, quand elle en aura été informée.

Il faut ici préciser que la non-transmission de l’information par le juge au Procureur de la République n’est pas de nature à annuler la procédure, car notre code de procédure pénale ne le prévoit pas.

Enfin, la nature exacte des données transmises n’est pas précisée par le texte, mais elle devra concilier l’obligation d’information établie par l’article et le secret de l’instruction nécessaire à l’efficacité de l’enquête. Il me semble que l’information portant sur la simple existence d’une procédure pourrait ainsi suffire. Le Gouvernement devra nous le confirmer en séance.

Le troisième paragraphe établit le principe d’un recueil d’observations de l’autre Partie dans le cas de procédures pénales engagées auprès de l’autorité judiciaire pour des faits commis sur le territoire de l’autre Partie par l’un de ses ressortissants.

Concrètement, si une procédure est engagée en France par un ressortissant d’une nationalité autre que française, contre un ressortissant marocain ou franco-marocain pour des faits commis au Maroc, l’autorité judiciaire française recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire marocaine ses observations ou informations. Le juge marocain pourra prendre les mesures qu’il juge appropriées, y compris l’ouverture d’une procédure. Le juge français, au vu des observations ou informations éventuellement reçues de son homologue marocain, déterminera pour sa part les suites qu’il donne à cette procédure : ce peut être, « prioritairement » le « renvoi » au juge marocain ou la « clôture » ou la poursuite de la procédure. Il y a donc trois options.

L’usage du mot « prioritairement » dans le protocole ne signifie nullement que le juge français a l’obligation de clôturer la procédure ou de transférer le dossier à son homologue marocain. Il peut tout à fait décider de poursuivre son enquête. L’autorité judiciaire initialement saisie recueille les informations ou observations auprès de son homologue et décide souverainement au vu des éléments ainsi recueillis des suites qu’elle donnera à la procédure. « Prioritairement » ne signifie pas « automatiquement ».

Par ailleurs, le protocole devant être lu à la lumière de l’ensemble de la convention d’avril 2008, il faut entendre par « renvoi » une dénonciation officielle. C’est l’acte par lequel les autorités qualifiées d’un État demandent aux autorités d’un autre État dont les juridictions sont également compétentes d’en assurer la poursuite. Cette modalité de coopération est usuelle. La France procède à environ 10 dénonciations officielles au Maroc par an.

Il s’agit d’une simple délégation de poursuites et non d’un transfert de la compétence de l’autorité judiciaire saisie. Ainsi, l’autorité judiciaire saisie ne renonce pas à l’exercice de son droit de poursuivre. Il n’y a donc dans ce texte, et j’insiste sur ce point, aucun dessaisissement, ni mécanisme de subsidiarité, ni clause de compétence. Même en cas de classement sans suite, le Procureur de la République pourra, jusqu’à l’expiration du délai de prescription, revenir sur son appréciation et exercer des poursuites. De surcroît, conformément à l’article 41- 3 du code de procédure pénale, il sera possible de former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite. Enfin, cette décision ne privera pas de la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction. Il n’y a donc aucune atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc.

Le protocole additionnel ne fait pas non plus échec à la mise en œuvre de la compétence quasi-universelle des juges ni à la compétence reconnue aux autorités judiciaires françaises par la Convention des Nations unies contre la torture et l’article 689-2 de notre code de procédure pénale pour connaître de faits de torture commis à l’étranger, dès lors que la personne soupçonnée d’en être l’auteur se trouve sur le territoire français.

Enfin, le quatrième et dernier paragraphe du nouvel article 23 bis prévoit que « les dispositions du paragraphe 3 du présent article s’appliquent aux individus possédant la nationalité de l’une et l’autre partie. » Cette rédaction est peu claire, il faut le reconnaître. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius a, lors de son audition par notre commission du 9 juin dernier, confirmé l’interprétation gouvernementale de ce texte. Le protocole s’appliquera aux binationaux : les dispositions du protocole couvriraient aussi les cas d’une procédure engagée par un juge français suite à une plainte déposée par un ressortissant ayant les deux nationalités contre un ressortissant marocain pour des faits commis au Maroc.

L’analyse détaillée du texte me conduit à conclure à un avis favorable. Bien que souffrant d’imprécisions, cet accord ne remet pas en cause les principes de notre droit interne ni nos engagements internationaux.

Nul parmi les personnes que j’ai auditionnées, n’a mis en doute la nécessité du rétablissement de notre coopération judiciaire. Le premier objet de ce texte est donc de mettre fin à cette situation. La signature du protocole a permis la reprise immédiate et efficiente d’une coopération dont l’importance est vitale à nos ressortissants.

Par ailleurs, nul ne met en doute la nécessité de veiller au maintien de la relation d’exception qui nous lie au Maroc. Ce protocole adresse un message politique de confiance au Maroc qui a engagé d’importantes réformes après l’adoption de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011. La réforme judiciaire y tient une place centrale. Pourtant les Marocains ont le sentiment de faire l’objet d’un préjugé négatif. Il est certain que nous, Français, avons besoin d’actualiser notre approche de la réalité marocaine. Celle-ci a profondément évolué ces dernières années sous l’impulsion du Roi, mais également des forces politiques et de la société civile marocaines. Ne nous posons pas en censeurs arrogants, mais en soutien solide dans la poursuite des efforts engagés. Comme le souligne un récent rapport du Conseil national des droits de l’Homme marocain, les progrès sont indéniables, même s’il demeure des marges de progression en matière de respect des libertés publiques. Mais l’histoire de notre propre pays et du continent européen montre que c’est dans le temps long que se construit l’État de droit. La signature du Protocole additionnel doit se concevoir comme un acte de confiance dans la capacité des institutions judiciaires de nos deux pays à dialoguer en bonne intelligence pour une meilleure administration de la justice et pour que la coopération judiciaire soit à la hauteur de notre coopération dans d’autres domaines.

Cet épisode douloureux montre aussi que, même si notre pays reste un partenaire central pour le Maroc, cette relation n’est pas exclusive. Le Maroc diversifie ses partenariats avec les autres membres de l’Union européenne, avec les États-Unis, mais aussi avec les pays du Golfe et l’Afrique, ou l’influence économique, politique et religieuse du Royaume est grandissante.

Notre amitié est forte. Mais elle n’est pas acquise. Il faut la faire vivre. Le 9 février 2015, le Président de la République et le Roi du Maroc se sont entretenus à Paris et ont souligné le prix qu’ils attachent à la relation exceptionnelle qui lie nos deux pays. Le Premier ministre s’est rendu à Rabat le 9 avril pour une audience royale et un entretien avec son homologue marocain, M. Abdel-Ilah Benkirane. La Rencontre de Haut Niveau entre les deux gouvernements du 28 mai à Paris a elle aussi illustré la vitalité de notre coopération dans tous les domaines, tout comme la tenue du deuxième Forum parlementaire franco-marocain le 16 avril 2015 à Paris. Celui-ci trouvera son prolongement le 15 octobre prochain, lors d’une réunion, à l’Assemblée nationale, des présidents de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée, et des acteurs de la société civile euro-méditerranéenne, au sein de laquelle les organisations marocaines sont reconnues pour leur dynamisme.

Des échéances communes nous lient, au premier rang desquelles l’organisation de la COP 21 à Paris, qui sera suivie, en 2016, de la COP 22 à Rabat. Le Maroc constitue aussi un partenaire incontournable au Sahel, au Proche et au Moyen-Orient. Il est, et reste pour la France, un allié précieux dans le règlement négocié de ces conflits, auxquels notre pays ne saurait apporter seul une réponse, que ce soit en Libye ou au Mali, ou encore dans la lutte contre la radicalisation. La co-présidence du Dialogue 5+5, cette année, renforcera encore notre action commune.

Je veux conclure avec une conviction personnelle : la nécessité de réactiver en Méditerranée, porte de l’Afrique, une politique de voisinage européenne dont les résultats sont décevants. Cet espace est stratégique pour la France, son intégration nous permettra de peser significativement dans la mondialisation et de répondre concrètement aux problèmes économiques et sociaux qui font le lit des drames migratoires et de l’insécurité. Ici aussi l’exceptionnelle relation franco-marocaine est un atout formidable qu’il faut, sans cesse, renforcer. Ce texte y participe, c’est pourquoi je vous invite à l’adopter. Je vous remercie.

M. Michel Vauzelle, président. Merci beaucoup pour votre rapport, Madame la présidente, sur ce texte qui peut présenter, en effet, une certaine urgence au vu de la situation entre nos deux pays et qui nécessitait aussi beaucoup de compétence pour aborder un domaine si singulier, que vous connaissez bien en tant qu’ancienne Garde des sceaux.

M. Thierry Mariani. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de mettre fin à ce malentendu au regard de notre coopération, indispensable, avec le Maroc.

De votre propos, je retiens en particulier deux phrases auxquelles je souscris entièrement : « nous avons intérêt à ne pas nous poser en censeurs arrogants, mais plutôt en soutien dans la poursuite des efforts engagés », car « c’est dans le temps long que se construit l’État de droit ». J’aimerais parfois que l’on applique ces principes à d’autres Etats, notamment en Asie centrale, et que l’on se souvienne que certains pays n’ont que vingt ans d’histoire derrière eux. Je serais heureux que l’on en revienne ainsi à un peu plus de réalisme.

Sans faire du tout preuve d’esprit de polémique, j’aimerais savoir comment vous connaissez le nombre des binationaux. Quand on pose cette question, et je l’ai fait quand j’étais rapporteur sur des questions d’immigration, on nous dit toujours qu’il n’y a pas de registre ni de statistiques.

Mme la présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. C’est un chiffre communiqué par le ministère des affaires étrangères. Je poserai la question et vous ferai part de la réponse par écrit si vous le voulez bien.

M. Jacques Myard. Je vous trouve un peu injuste, Madame la présidente, quand vous dites que ce texte est mal rédigé. Il est limpide. Il ne peut pas y avoir d’autre canal entre les Parties que le ministère des affaires étrangères, comme vous l’avez d’ailleurs indiqué. C’est le circuit diplomatique classique.

Le problème est ailleurs. Comme nous sommes un Etat de droit, l’indépendance de l’autorité judiciaire est très ancrée dans notre pays, mais il y a aussi le principe de l’unicité de l’Etat au plan international. A cet égard, la justice est un organe de l’Etat, qui en est donc responsable. Le problème est culturel. Nos juges ne sont pas conscients, de manière générale, des difficultés diplomatiques qui peuvent se produire. Il faudrait faire un peu de pédagogie de temps en temps ! A une époque, toutes les demandes de coopération judiciaire passaient obligatoirement par les affaires étrangères afin d’éviter des difficultés diplomatiques.

Ce protocole instaure un mécanisme d’information, rien de plus, qu’il faudrait systématiser dans toutes les conventions d’entraide judiciaire afin d’éviter de graves problèmes sur la scène internationale. J’ajoute que même le mandat d’arrêt européen ne fonctionne pas de manière systématique, en réalité. Des cours d’appel refusent que des personnes soient remises dans ce cadre. Sur des questions extrêmement sensibles telles que le terrorisme, on peut parfois éprouver certaines réticences.

Ce protocole, très bien rédigé à mon sens, vient mettre un peu d’huile dans les rouages d’un système qui ne fonctionne pas partout selon nos propres standards. Il faudra bien un jour que les juges se rendent compte qu’il y a, dans ce vaste monde, des gens qui pensent un peu différemment que nous, même si je ne suis pas en train de défendre la torture ou d’autres actes, bien sûr. Il faut prendre un minimum de précautions afin d’éviter de déclencher une crise diplomatique avec une seule affaire judiciaire.

J’ai aussi une question à vous poser. Que signifie, à l’article 2, l’expression : « des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée » ? S’agit-il de tout fait pénal ? Cette convention étant réciproque, s’agira-t-il, par exemple, de l’homosexualité ? Elle demeure dans un certain nombre d’Etats un fait pénal, même si ce n’est heureusement pas le cas chez nous. Que se passera-t-il ? Nous informera-t-on de procédures sur des faits de cette nature ?

M. Pierre Lellouche. Je voudrais vous dire, Madame, mon accord en tout point avec votre analyse. Elle est à la fois juste au plan politique et très nuancée sur le plan du droit. Elle montre que vous avez bien perçu les problèmes que ce protocole additionnel peut poser.

Ce que je retiens de cette affaire, c’est avant tout l’extraordinaire maladresse commise à l’origine. Si nous avions nous-mêmes été dans une telle situation, où un responsable de la lutte anti-terroriste en visite dans un pays sensible est nuitamment menacé d’arrestation par le pays hôte, je pense que nous l’aurions très mal vécu, surtout si le pays en question était un pays ami et un partenaire dans la lutte anti-terroriste. Dans la situation que nous connaissons aujourd’hui autour de la Méditerranée, peut-être conviendrait-il d’y réfléchir.

Le Maroc est un pays fier, qui a rétorqué par une année d’interruption de sa coopération. Il en résulte cette convention. Je la soutiendrai, mais j’anticipe un certain nombre de problèmes d’interprétation, que vous avez à peu près cernés, notamment sur la notion de subsidiarité et le dessaisissement qui n’est pas automatique, mais presque. Tout cela risque de se traduire par des recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Souhaitons que cette convention ne pose pas plus de problèmes qu’elle n’essaie d’en résoudre.

Dans la situation extrêmement sensible que traversent l’Afrique du Nord et le Sahel, je crois surtout que nous aurions intérêt à essayer d’éviter ce genre de développements qui peuvent avoir des conséquences durables au plan du droit, puisque nous nous lions par une convention dont je considère qu’elle n’est pas parfaite. Nous la soutiendrons, je le répète, mais nous regrettons que de tels incidents puissent se produire dans nos relations avec des pays avec lesquels nous devons travailler contre le terrorisme.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la Présidente, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre présentation. J’ai apprécié la franchise du propos, l’analyse juridique et, au-delà du cas particulier du Maroc, les réflexions que cela peut susciter. Sur la franchise du propos, vous avez bien expliqué qu’il s’agissait de rétablir la coopération judiciaire entre la France et le Maroc pour retrouver une coopération d’exception. Les garanties juridiques paraissent largement suffisantes sur le respect du principe de compétence universelle, sur le fait que le juge français – ou marocain puisque c’est réciproque – n’est pas dessaisi et sur le fait que le droit à un recours effectif est sauvegardé. On a là donc les principes majeurs qui garantissent notre droit et nous en sommes satisfaits.

Restent deux ou trois points. L’un a été évoqué, celui des binationaux dont vous avez parlé et sur lequel vous avez répondu. On peut toujours arguer que, quelles que soient les relations exceptionnelles que l’on a avec le Maroc ce protocole est un précédent et que peut-être un jour d’autre pays pourraient le demander. Je ne pense pas que cela va se généraliser et que cela atténue donc l’intérêt de ce texte, mais je pose la question de savoir si cela peut créer un précédent.

Le groupe SRC votera ce texte, en vous remerciant de la clarté de votre propos.

M. Luc Chatel. Merci Monsieur le président et Madame la Rapporteure, c’est en tant que président du groupe d’amitié France-Maroc de notre Assemblée que je voudrais exprimer mon avis et l’avis, que Pierre Lellouche a exprimé, du groupe des Républicains. C’est un texte important que nous examinons pour l’amitié entre la France et le Maroc. Je rappelle d’ailleurs que notre groupe d’amitié est le plus nombreux de l’Assemblée nationale, ce qui témoigne de l’importance de nos collègues dans l’amitié entre nos deux peuples. Vous avez bien expliqué Madame la Rapporteure le fait générateur et les conséquences de ces incidents, car il y en a eu plusieurs en quelques mois.

Le premier – et j’irai un peu plus loin que mon collègue Pierre Lellouche – est un mélange de maladresse et de malveillance. Faire croire que c’était anodin, le fruit du hasard, que sept policiers armés en tenue de combat viennent frapper à la porte de la Résidence de l’Ambassadeur en présence du ministre de l’Intérieur marocain qui ce jour-là même était en réunion avec son homologue français pour échanger des informations importantes dans le cadre de la lutte anti-terroriste. C’est à mon sens plus qu’une maladresse et je comprends que pour nos amis marocains cela ait pu être perçu comme une malveillance. Il y a eu ensuite d’autres incidents qui étaient vraiment des maladresses indépendants de cet acte. Je pense à ce qui est arrivé au ministre des Affaires étrangères marocain, à ce qui est arrivé à un ancien général au Val de Grâce. Je ne peux pas ne pas évoquer les propos malheureux de notre Garde des Sceaux après les évènements du 11 janvier à l’égard du Roi du Maroc, qui n’ont pas contribué là aussi à apaiser les choses vis-à-vis de nos amis Marocains.

Il fallait sortir de cette situation, de cette brouille car c’était une brouille. Nos amis Marocains ont été meurtris comme d’un ami qui vous a fait défaut, ils se sont sentis blessés, trahis et nous avons sans doute sous-estimé cela en France. Il y a eu au Maroc un état de blessure, un sentiment d’affront très important que nous n’avons pas suffisamment perçu en France. Il fallait tourner le dos, reprendre les relations car vous avez rappelé le manque qui existait en matière de coopération judiciaire dans la lutte contre le terrorisme, qui était préjudiciable. Je veux saluer les initiatives qui ont été menées pendant cette année de gel. Je veux saluer les membres du Groupe d’amitié France Maroc car la diplomatie parlementaire a joué pleinement son rôle. Je rappelle qu’au-delà des contacts informels avec les ministres et nos homologues, nous avons accueilli formellement nos Collègues du groupe d’amitié Maroc-France en décembre, au cœur de la France. Nous nous sommes expliqués et nous avons co-signé une déclaration commune où nous demandions à nos gouvernements respectifs de reprendre et de renforcer la coopération entre nos deux pays, notamment dans le domaine judiciaire. Nous exhortions nos gouvernements à renouer au plus vite les fils du dialogue. J’avais d’ailleurs eu l’occasion d’interpeller le ministre au cours d’une séance de questions d’actualité en janvier dernier car, au nom du groupe d’amitié, je pensais que c’était important de reprendre l’initiative.

Il y a eu les discussions, et vous y avez participé Madame la Présidente, et il y a eu la rencontre des ministres de la Justice les 29 et 30 janvier, qui ont permis de sceller cet accord, qui doit nous permettre de tourner définitivement le dos à cette brouille. Je crois que l’approbation de cet accord est très importante, car avant d’être un acte juridique, c’est un acte politique très fort entre nos deux pays. Vous avez rappelé l’importance des relations entre nos deux pays. Relations économiques bien sûr : la France est engagée dans le développement de grands projets au Maroc. Je pense à ce qui se passe dans le domaine de l’énergie, des infrastructures de transport. Nous avons aussi des intérêts communs et partageons la même vision du monde, la même vision d’un espace méditerranéen sûr et prospère, la même tradition de dialogue entre les cultures et c’est essentiel dans le chaos que nous traversons aujourd’hui. Le Maroc nous a soutenus lors de l’intervention de la France au Mali. Il est aujourd’hui à nos côtés dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Il est pour nous un exemple en matière de formation des Imams – vous l’avez rappelé tout à l’heure. Je rappelle que 50 places ont été réservées à l’Institut Mohamed VI à la formation des Imams français. Au moment où les uns et les autres nous réfléchissons à la place de l’islam dans la République, nous devons être attentif à ce qui s’est construit dans la société marocaine où la religion est conçue dans le respect et la tolérance, dans une forme d’équilibre et de stabilité qui doit aussi nous inspirer.

Nous devons tourner le dos à cet incident. Vous avez décrit le contenu de ce protocole. Nous avons entendu depuis plusieurs semaines quelques critiques ici ou là et vous y avez fait référence. Je considère pour ma part que le protocole ne bouleverse en rien ce qui existe déjà. Ce protocole additionnel vise simplement à améliorer, à faciliter la transmission d’informations judiciaires entre la France et le Maroc. Il n’entraine aucune redéfinition des compétences entre le juge français et le juge marocain. Il ne remet aucunement en cause les engagements internationaux de la France et il ne conduira à aucun dessaisissement systématique des juridictions françaises. Bien sûr il soulève des interrogations parce que c’est une exception. En même temps, la coopération judiciaire entre la France et le Maroc constitue une exception, puisque elle est un volet essentiel de la collaboration judiciaire au monde avec un pays étranger, en nombre de coopérations et dans le cadre de la lutte anti-terrorisme elle est très importante. Jusqu’en février 2014 notre partenariat a toujours bien fonctionné. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il en aille autrement à l’avenir.

Je crois que nos amis marocains ont d’abord aujourd’hui besoin d’une preuve de confiance, que nous montrions que nous croyons en l’amitié entre le Maroc et la France. Ils ont besoin de ce sentiment de respect et d’amitié et attendent de notre part un signe politique fort. C’est la raison pour laquelle je considère qu’il est important de ratifier ce texte, au nom du groupe d’amitié France-Maroc mais aussi au nom du groupe des Républicains.

M. Michel Vauzelle, président. Merci. Nous sommes tous méditerranéens, de droite comme de gauche, c’est une belle image que nous donnons.

M. Philippe Baumel. Merci pour ce rapport très clair, mais évidemment un certain nombre d’organisations se sont émues de ce Protocole, notamment la FIDH que nous connaissons bien pour certains d’entre nous. Je voudrais insister sur un point central qui marque les esprits, au-delà de l’amitié qui est nourrie entre les deux peuples et les deux pays, à savoir celle de l’indépendance du juge. Vous l’avez évoquée avec beaucoup d’exigence, mais il nous faut arriver à clarifier ici et peut-être au-delà ce que pourra ou ne pourra pas faire le juge français à partir de la mise en place de ce protocole. C’est sur cette question essentielle que nous serons interrogés au-delà de ce cercle et là-dessus il nous faudra avoir tous les éléments de clarification. Ce protocole doit jouer un rôle utile pour la coopération judiciaire.

D’autre part, je voudrais savoir si d’autre pays se sont engagées dans ce même type de demande de protocole, notamment avec des pays avec lesquels nous avons de relations complexes sur le plan judiciaire, y compris autour de la Méditerranée.

Mme Cécile Duflot. Mon intervention va dénoter quelque peu. J’entends bien tout ce que vous avez dit les uns les autres, sur la nécessité de rétablir des relations apaisées. J’ai bien entendu le vocabulaire diplomatique employé ici à base d’amitié, de sérénité et de confiance. Mais de quoi parlons-nous ? Nous parlons d’un protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire qui est, vous l’avez dit Madame la Présidente, un acte de confiance, pour reprendre le vocabulaire employé par M. Chatel, à l’égard du Royaume du Maroc. Qu’il faille rétablir des relations diplomatiques plus sereines, certes, mais faut-il comme l’a dit le ministre des Affaires étrangères marocains le 15 janvier dernier, mettre fin « à la porosité constatée au cœur même du pouvoir avec certains lobbies qui portent atteinte à la sérénité de nos relations ». Qui sont ces lobbies ? Ce sont l’ACAT, Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l’homme et Human Right Watch. Voilà l’enjeu du débat.

Il a été objecté qu’un certain nombre des dispositions du Protocole sont floues. Je me réfère à l’alinéa 2 de l’article 2 : « chaque Partie informe immédiatement l’autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée ». On peut en faire une lecture, qui n’est pas celle que vous avez faite Madame la Présidente, qui est de dire que dès qu’il y a une procédure engagée par un ressortissant français ou marocain pour des faits commis au Maroc, les autorités marocaines doivent être immédiatement informées. Si nous sommes dans une situation qui s’est améliorée par rapport aux années précédentes –cela ne me pose aucune difficulté de le dire car c’est tout à fait juste – néanmoins la situation n’est absolument pas simplifiée ni sécurisée pour des ressortissants marocains qui ont trouvé en France accès à la Justice.

On ne peut pas laisser dire ici non plus au sujet de la convocation de ressortissants marocains, qu’il faudrait demander aux juges de faire plus attention comme l’a dit M. Myard. Qu’est-ce que cela signifie ? On voit l’immense ambiguïté. Nous faisons rentrer la Justice et les magistrats français dans un débat diplomatique qui est compliqué, qui pourrait créer un précédent, même si on ne peut pas en être certain. Qu’est ce qui empêche un Etat de demander de telles dispositions sans se référer à un cas particulier comme la relation franco-marocaine, mais à des méthodes de travail ou d’informations ? On objectera que la qualité des relations entre la France et le Maroc est spécifique, que la qualité de la coopération judiciaire est exemplaire, mais, justement, n’allons-nous pas la fragiliser en rendant cette coopération judicaire très vulnérable ?

Les remarques faites sur les motivations diplomatiques de ce protocole sont compréhensibles. Il est heureux que vous ayez rappelé que la France n’est pas exemplaire sur un certain nombre de sujets : l’encellulement individuel, mais aussi la garde à vue, la durée d’instruction ou de jugement, ce qui nous vaut d’être régulièrement condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme. Faut-il pour autant mettre en péril certaines procédures aujourd’hui engagées en France ? La question est posée. Si nous ne sommes pas exemplaires, si nous ne respectons pas la cohérence de nos principes non plus, la situation devient difficile.

Beaucoup de points peuvent être sujets à interprétation – et cela a été fait sans doute avec une grande attention pour laisser planer une différence d’interprétation du texte avec la volonté de se sortir de l’ornière. Ce flou peut aussi se retourner contre nous dans la mise en œuvre du protocole, et, de l’avis du groupe Ecologistes, de manière très préjudiciable aux citoyens français et marocains sur des sujets difficiles pour lesquels ils font confiance à la justice française. C’est pourquoi le groupe Ecologiste votera contre le projet de loi.

Mme la présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Je vous remercie de vos remarques et de vos questions. À Jacques Myard, je répondrai que j’ai pesé mes mots : je n’ai pas dit que le texte était mal rédigé mais qu’il souffrait d’imprécisions juridiques. La convention de 2008 en souffre d’ailleurs elle-même en partie. Ces imprécisions, ce flou, pourraient-ils fragiliser l’indépendance de la Justice ? Je ne le crois pas car le texte est précis sur un point : le juge français fait ce qu’il croit devoir faire en toute autonomie.

Les auditions de nombreux magistrats ne m’ont pas donné l’impression que les magistrats n’étaient pas conscients de la question de l’unicité de l’État et des enjeux diplomatiques de certains dossiers. Ceux que j’ai rencontrés déploraient tous l’interruption de la coopération. Personne, y compris parmi les opposants au texte, ne nie la nécessité de la réconciliation. Cécile Duflot, dans son intervention, non plus. Cela dit, le principe de l’indépendance de la justice ne souffre pas d’exception. L’exécutif doit évidemment s’abstenir de toute intervention auprès du pouvoir judiciaire, c’était ma pratique lorsque j’en étais chargée, c’est aujourd’hui inscrit dans la loi. Au demeurant, dans tous les contacts que j’ai pu avoir avec le Maroc, à aucun moment on ne m’a indiqué qu’on souhaitait que la France aille contre ses principes, ses engagements internationaux, ou ses règles de procédure pénale. La demande du Maroc est, ni plus ni moins, celle d’un minimum de considération pour son système judiciaire.

La question du mandat d’arrêt est un autre sujet, qui finira par entrer dans les mœurs. Lorsque j’ai travaillé sur le mandat d’arrêt européen, j’étais considérée comme hérétique, mais les mentalités changent.

Qu’en est-il de la question de l’homosexualité, M. Myard. En droit français, la question ne se pose évidemment pas, l’homosexualité n’étant pas un délit. Supposons une demande d’entraide du Maroc pour des faits d’homosexualité. La France aura toujours la possibilité de refuser une demande d’entraide émise dans ce cadre. Il faut faire confiance au juge.

Je n’ai pas vu la convocation qui a été portée à la résidence de l’ambassadeur du Maroc. Cela étant, quand un magistrat instructeur est saisi, il doit instruire. Je suppose que c’était le cas, mais il y a eu en l’espèce méconnaissance des usages diplomatiques.

Il n’y a pas eu de demande similaire de la part d’autres pays pour le moment et s’il devait y en avoir, la France apprécierait en toute liberté si la coopération avec cet autre pays justifie un traitement parallèle. Il faut tenir compte de la qualité de la coopération bilatérale qui justifie une attention particulière à l’information donnée. Encore une fois, chaque magistrat est libre d’agir. Les autorités marocaines ont été blessées, elles ont souhaité un geste politique qui marque notre confiance ; ce texte a une signification politique. Il pourrait y avoir des recours, mais je suis confiante.

Mme Cécile Duflot. J’aurais deux questions : quel sera le ministre présent au banc du gouvernement lors de la discussion, la Garde des sceaux ou le Ministre des affaires étrangères ? Par ailleurs, vous dites que rien ne change, mais rien n’empêche qu’un magistrat puisse saisir ses homologues marocains, par divers canaux.

Mme la présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Je n’ai pas dit que le protocole ne changeait rien. On demande au magistrat français de s’informer ; mais il demeure libre de son appréciation, si l’information n’est pas utile à l’efficacité de l’enquête, il s’en abstiendra. Mais je ne vois pas en quoi cela nuirait, tout dépend du contenu. Ce protocole est un acte de confiance politique, mais le magistrat reste libre de la nature de l’information qu’il donne. Ceux qui sont chargés de poursuites pénales ne sont d’ailleurs pas forcément choqués de cet approfondissement de la coopération, dès lors qu’ils doivent coopérer pour faire avancer leurs enquêtes. Le texte change quelque chose en soulignant que compte tenu de la nature et de l’intensité de la relation bilatérale, il faut rehausser le niveau de la coopération judiciaire, et en ce sens l’échange d’information est décisif. Certains magistrats que j’ai rencontrés font la même lecture.

Nous ne savons pas encore qui sera au banc du gouvernement pour défendre ce texte, dont la conférence des présidents a décidé qu’il serait discuté le 23 juin après-midi.

Les propos de Luc Chatel n’appellent pas de remarques de ma part, si ce n’est que les autres incidents qu’il évoquait étaient de nature différente que celui dont j’ai parlé. En ce qui concerne la formation des imams de France, le Maroc fait de gros efforts, comme le Premier ministre Manuel Valls l’a encore récemment souligné. Il y a une bonne coopération et cela est très positif. Le Maroc fait d’ailleurs la même chose dans d’autres pays comme le Mali par exemple, s’appuyant sur l’autorité religieuse reconnue de Sa Majesté le Roi. Enfin, je suis d’accord avec Cécile Duflot dans sa réponse à Jacques Myard : en vertu du principe d’indépendance de notre Justice, nous ne pouvons donner d’instructions aux juges.

M. François Loncle. Je confirme les propos de Pierre Lellouche et de Luc Chatel sur le blocage de la coopération entre services. Lors de notre mission au Sahel en mars, cela nous a été confirmé. Pour les problématiques sahéliennes et la lutte contre le terrorisme, c’est essentiel. En outre, j’ajoute que le Maroc est le pays où l’investissement culturel de notre pays est le plus fort au monde. Tout cela pour dire que je partage les conclusions du rapport et que je souhaite que cette coopération reprenne au plus vite.

Mme la présidente Elisabeth Guigou, rapporteure. Tout cela est effectivement vrai. En matière culturelle et éducative, il y aussi de très intéressantes initiatives, prenons par exemple la colocalisation universitaire.

M. Michel Vauzelle, président. Ce rapport demandait courage, responsabilité, compétence juridique. Je vous remercie.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2725).

La séance est levée à dix-huit heures dix-huit.

_____

Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 16 juin 2015 à 17 heures

Présents. - M. Kader Arif, M. Philippe Baumel, M. Guy-Michel Chauveau, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Cécile Duflot, M. Jean-Paul Dupré, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Pierre Lellouche, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Jacques Myard, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Jean-Luc Bleunven, M. Gérard Charasse, Mme Françoise Imbert, M. Axel Poniatowski, Mme Marie-Line Reynaud, M. Boinali Said, M. Michel Terrot

Assistait également à la réunion. - M. Luc Chatel