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Commission des affaires étrangères

Mercredi 18 mai 2016

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n°70

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, présidente, puis de Mme Marilyse Lebranchu, membre de la commission

– Audition, ouverte à la presse, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Rémy Rioux, dont la nomination à la fonction de Directeur général de l’Agence française de développement est envisagée par M. le Président de la République.

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (n° 3377) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur.

Audition, ouverte à la presse, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Rémy Rioux, dont la nomination à la fonction de Directeur général de l’Agence française de développement est envisagée par M. le Président de la République.

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Mme la présidente Élisabeth Guigou. Monsieur Rioux, nous vous recevons parce que votre nomination au poste de directeur général de l’AFD est envisagée par le Président de la République et qu’aux termes de l’article 13 de la Constitution, « le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des votes exprimés au sein des deux commissions. »

À l’issue de cette audition, mes chers collègues, vous serez appelés à vous prononcer par scrutin secret après que M. Rioux se sera retiré – pour être entendu par la commission des affaires étrangères du Sénat. Je vous rappelle qu’il n’est pas possible de déléguer son droit de vote. Je précise aussi que la nomination du directeur général de l’AFD est la seule pour laquelle la commission des affaires étrangères a compétence pour donner son avis.

Monsieur le secrétaire général, nous vous avons déjà entendu. Nous connaissons votre carrière, qui vous a d’abord mené à la direction du Trésor à des postes importants, puis au secrétariat général adjoint du Quai d’Orsay.

Vous êtes l’auteur d’un rapport préfigurant le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et nous vous avons entendu là-dessus le 26 janvier dernier. Lors de cette audition, vous nous aviez présenté l’hypothèse d’intégration de l’AFD au groupe Caisse des dépôts par voie législative, pour exploiter au maximum les synergies que l’on pouvait attendre de ce rapprochement. Vous nous aviez alors décrit ce que pouvait être une gouvernance croisée entre les deux structures.

Finalement, ce n’est pas ce projet qui a été retenu, du moins sous cette forme, et le rapprochement de la Caisse des dépôts va bien se faire, mais par le biais d’une convention entre les deux institutions. J’espère que vous pourrez nous en dire davantage sur les raisons et les conséquences de ce choix. Est-ce que la solution retenue est conforme à votre vision de la gouvernance de l’AFD ? Est-ce qu’une simple convention va permettre de mettre en œuvre les synergies qui sont souhaitables, que nous souhaitons tous, et qui sont décrites dans votre rapport ?

La question des moyens financiers de l’AFD était le point de départ de la réflexion que vous avez conduite, c’est-à-dire du manque de fonds propres de celle-ci. Est-ce que ces fonds propres vont être renforcés ? Comment, par quels moyens ? Et puis, question que nous posons de façon récurrente, comment l’AFD doit-elle utiliser ses moyens financiers ? Faut-il renforcer prioritairement l’aide bilatérale ou l’aide multilatérale ? Doit-on se concentrer prioritairement sur l’Afrique, dont les besoins sont immenses et vont encore augmenter ? Faut-il élargir l’horizon géographique ? Enfin, si vous êtes nommé, comment envisagez-vous l'adaptation de l’AFD à notre politique étrangère ?

M. Rémy Rioux. Madame la présidente, madame et messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de me présenter aujourd’hui devant vous pour exprimer la vision et le projet que je porte pour l’Agence française de développement.

Mon projet est simple : je veux une agence plus grande, plus partenariale, plus agile et plus innovante.

Pourquoi bâtir une AFD plus grande ?

D’abord, la situation économique, sociale et financière internationale l’exige. Les prochaines années s’annoncent très tendues. Le PIB nominal mondial s’est contracté de 6 % l’année dernière. À cause du climat, 100 millions de personnes pourraient rebasculer en dessous du seuil de pauvreté d’ici à 2030. Le taux de chômage dépasse 20 % dans les quatre départements français d’outre-mer. Les questions de sécurité et de migration doivent être traitées en profondeur, avec force et humanité.

Il y a ensuite urgence, effectivement, Madame la présidente, à agir dans certaines zones décisives, celles où se fera demain la différence. Je pense bien sûr à l’Afrique, et en particulier au Sahel, je pense au Proche-Orient, prioritaire, je pense aussi à l’Asie où la transition écologique est absolument impérative.

Les institutions de développement, et l’AFD en particulier, auront un rôle majeur à jouer. Elles luttent pour les biens communs et contre les inégalités économiques et sociales, ainsi que les inégalités entre les hommes et les femmes. Elles sont attentives à la quantité, mais aussi à la qualité des financements. Je constate d’ailleurs que ces institutions se renforcent partout dans le monde, à mesure que l’aide au développement repart à la hausse. J’ai constaté lors de la COP 21 la demande extrêmement forte de nos partenaires d’une hausse et d’un accès plus aisé aux financements promis par la communauté internationale, et d’une mise en œuvre beaucoup plus rapide des projets.

Disposer d’un outil plus puissant, c’est aussi le mandat qui a été fixé par les pouvoirs publics. C’est le sens de votre loi d’orientation du 7 juillet 2014, qui a fixé le cadre stratégique de l’Agence. C’était aussi le sens de vos débats – animés – l’automne dernier, lors de la discussion de la loi de finances.

C’est aussi la réponse qu’a donnée le Président de la République à l’espoir qui est né à Addis-Abeba, à New-York puis à Paris, en décidant de relancer notre politique de développement et de lutte contre le changement climatique, et de la renouveler en rapprochant l’Agence française de Développement et la Caisse des Dépôts et Consignations. Je tiens aussi à souligner la grande ambition du Gouvernement pour les outre-mer, qui s’exprimera prochainement dans un projet de loi.

Des décisions financières et budgétaires importantes seront bientôt soumises à votre vote, à partir de cet automne, pour transformer l’AFD. Je pense au doublement de ses fonds propres dès la fin de cette année, au changement de son statut prudentiel ainsi qu’aux perspectives budgétaires jusqu’en 2020 : près de 400 millions de dons supplémentaires, selon le Gouvernement, et sans doute un doublement des crédits de bonification des prêts – en commençant, je l’espère, par une marge significative dès le budget pour 2017.

Ces ressources en dons bilatéraux sont indispensables pour faire plus au Sahel, dans les pays les moins avancés, dans les pays en crise, pour l’adaptation au changement climatique et pour la préparation des projets. Il faudra résister à notre tropisme multilatéral.

Ces décisions permettront à l’AFD de tenir les engagements de la France : 4 milliards d’euros supplémentaires, dont 2 milliards pour le climat et un pour l’adaptation en 2020 ; 20 milliards d’euros en Afrique de 2014 à 2018, dont 2 milliards pour les énergies renouvelables. Je pense aussi à nos engagements outre-mer, qui seront certainement revus à la hausse à la faveur de cette réforme.

C’est un très grand défi, enthousiasmant pour l’AFD, qui va pouvoir se saisir des objectifs du développement durable en bâtissant sur ses points forts : envisager des géographies nouvelles d’intervention et pousser ses analyses et actions jusqu’aux territoires infra-étatiques, parfois les plus pertinents ; imaginer de nouveaux métiers, notamment à la faveur du transfert de la compétence « gouvernance » ; inventer de nouveaux instruments, une facilité pour les pays en crise, plus de fonds propres et plus de garanties. L’objectif est d’avoir les instruments de notre politique et de ne pas faire la politique de nos instruments.

Au total, il s’agit pour l’AFD de redéfinir son cadre stratégique, de retrouver tout le sens de son action, et de changer de rythme. L’Agence a accru son activité de 15 % dans les États étrangers depuis cinq ans. Elle devra croître de 50 % dans les cinq prochaines années et même de 70 % pour ses activités liées au climat, et faire plus et mieux pour les outre-mer.

Deuxième axe : une AFD plus partenariale.

Je veux ici saluer bien sûr le chemin parcouru par l’Agence depuis quinze ans. Sous l’impulsion d’Antoine Pouillieute, de Jean-Michel Severino, de Dov Zerah puis d’Anne Paugam, et grâce au travail de toutes ses équipes, souvent dans des conditions d’intervention difficiles, l’Agence s’est hissée dans la cour des grands. Pas de crainte : elle va y rester.

Elle peut, à présent, approfondir d’autres partenariats en se tournant vers la France. Je veux que l’AFD devienne une ruche, le lieu de cohérence de la coopération française et de l’impulsion d’actions et de réflexions en matière de développement. Pour y parvenir, elle doit accueillir tous ceux qui se tournent vers elle. Ce n’est pas seulement une question d’attitude, c’est la condition même de son succès, car nous ne ferons pas 4 milliards d’euros de financements supplémentaires par an tout seuls.

Il faut inverser la logique actuelle. La question n’est pas seulement de bénéficier des financements de l’AFD. L’enjeu est de faire émerger ensemble un nombre beaucoup plus élevé de projets de qualité. J’ai envie de dire aux partenaires de l’Agence : ne vous demandez pas seulement ce que l’AFD peut faire pour vous, demandons-nous ce que nous pouvons faire ensemble pour le développement. La préservation des biens communs mondiaux, le climat, la biodiversité, la santé, la sécurité supposent la réunion de tous. Il faut donc aller plus loin dans la mobilisation des acteurs français.

Quand ils se tournent vers elle, les clients de l’AFD cherchent un accès aux ressources de notre pays, qui ne sont pas que financières. Inversement, toutes les institutions françaises savent désormais que leur projet ne peut se limiter à l’hexagone. Les ONG et les entreprises le savent depuis très longtemps. Les institutions publiques y viennent également progressivement. L’AFD doit susciter et accompagner ces ambitions et les mettre au service du développement.

Bien sûr, Madame la présidente, je pense d’abord à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui va se rapprocher de l’AFD, et qui sera son sésame vers nos territoires. J’étais venu vous en parler en janvier dernier.

Nous restons totalement mobilisés avec la direction générale de la Caisse des Dépôts pour avancer sur les projets communs identifiés dans mon rapport de préfiguration. Une convention viendra cet automne encadrer ces projets. Elle traitera des convergences stratégiques entre l’AFD et la CDC. Elle explorera et fixera les projets communs. Elle définira les modalités de mobilité du personnel et le travail en commun des réseaux. Je ne doute pas que vous m’interrogerez plus avant sur ce point.

Je pense aussi aux partenariats avec les collectivités locales, en particulier aux nouvelles régions et métropoles, pour lesquelles il faut un point d’appui beaucoup plus fort au sein de l’AFD et qu’il faudrait intégrer dans la gouvernance de l’Agence.

Je pense aux ONG, dans le cadre du doublement des ressources qui transitent par elles. Là aussi, il faut dépasser la logique du simple guichet et construire ensemble davantage de projets.

Je pense aux entreprises. Il ne faut pas dire non à une entreprise qui porte avec un partenaire local un projet positif pour le développement. Nous allons notamment bâtir un grand dessein autour de Proparco, dont nous fêterons le quarantième anniversaire l’année prochaine, pour que les entreprises soient encore plus des acteurs du développement. De nouveaux instruments bilatéraux seront ici nécessaires.

Je pense aussi aux autres institutions publiques : les hôpitaux, les universités, les agences de l’eau, les autres opérateurs, qu’il faut aller chercher et aider à se projeter plus encore.

Et puis, il faut plus d’Europe et plus de collaboration avec le reste du monde. Je serai bref ici. Je suis frappé par l’intérêt de nos amis allemands pour l’Afrique. Avons-nous pris toute la mesure du fait que l’APD, en volume, de l’Allemagne est aujourd’hui le double de l’APD française ? Nos collègues italiens affichent aussi de belles ambitions. Nous devons travailler avec eux. La Commission européenne est essentielle, ainsi que la Banque européenne d’investissement (BEI), avec lesquelles on peut encore progresser.

Je pense aussi au travail avec les multilatéraux, les autres bilatéraux, les candidats à des partenariats avec la France dans des pays tiers, en particulier la Chine. Je pense à la coopération de nos outre-mer avec leurs voisins. Je crois à la francophonie.

Enfin, troisième axe : je veux rendre l’AFD plus agile et plus innovante.

Là aussi, nous aurons à tirer les conséquences de la nouvelle ambition de notre politique de développement. Passer de 8 à 12 milliards d’euros de financement annuels sans sacrifier la qualité des interventions appelle quatre évolutions.

Il faut investir maintenant dans l’AFD. Nous passons d’un projet de stabilisation de l’Agence, qui a conduit à dégager depuis six ans des gains de productivité significatifs, à un projet de croissance. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de réforme interne à conduire.

Le chantier des ressources humaines est prioritaire, et je sais qu’un programme de recrutement a déjà été lancé. Ces renforts sont indispensables pour compléter les compétences de l’Agence, renforcer son réseau et susciter plus de projets.

Je ne siège plus dans les instances de l’Agence depuis 2012, mais j’ai l’impression que la lourdeur des procédures s’est nettement accrue, et que de nombreux personnels ont le sentiment d’y perdre le sens de leur action. Nous devrions revoir tout cela et introduire un principe de différenciation selon les géographies, y compris l’outre-mer, selon les secteurs et les types de projets, de façon à aller plus vite et à réallouer les capacités humaines là où elles ont le plus d’impact, de façon à toujours innover.

L’AFD a toujours été une force d’innovation pour le développement, qu’il s’agisse de l'appui au secteur privé, du financement des collectivités locales ou de la lutte contre le changement climatique.

Quelles sont aujourd’hui les nouvelles frontières où placer l’Agence ? L’adaptation au changement climatique, sans doute, la sécurité et le développement, assurément, la jeunesse et le numérique pour les plus pauvres.

Et quelles sont les structures qui permettront de faire éclore cette R&D pour les pays qui n’en ont pas ? Je fonde ici de grands espoirs sur le rapprochement avec BPI France, qui est la clef d’entrée pour la « French Tech », ainsi que sur le partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et davantage qu’auparavant sur les acteurs du Sud.

Enfin, je crois qu’il faudrait diriger et gouverner l’Agence autrement. C’est un chantier complexe et il faudra le temps de l’objectiver. Car une agence de 12 milliards d’euros par an ne peut pas être dirigée et gouvernée comme une agence de 8 milliards par an.

Certains s’interrogent, je crois, en particulier vos représentants au conseil d’administration, sur l’encombrement des instances, sur leur composition et sur la nécessité de débats plus stratégiques. Il faut retrouver plus de rapidité et de verticalité dans l’action de l’Agence.

Évidemment, cette transformation de l’AFD supposera beaucoup de dialogue social, de médiation et une très grande attention à la qualité de vie au travail pour les personnels de l’Agence, dont nous connaissons le professionnalisme et l’engagement. Si vous me faites confiance, j’en serai personnellement le garant.

Mesdames et Messieurs les députés, un comité interministériel, un contrat d’objectifs et de moyens et d’autres documents viendront exprimer à l’automne ce nouveau projet et les moyens pour le mettre en œuvre. Il faudra fixer des priorités et programmer la montée en puissance. Si vous m’accordez votre confiance, vous pouvez compter sur moi pour associer pleinement le Parlement à leur élaboration via vos représentants au conseil d’administration de l’agence, que je salue, et plus largement par nos échanges que je souhaiterais aussi rapides, réguliers, informels et fréquents que possible, à Paris comme à l’étranger.

Mon expérience des questions de développement et de climat, ma passion pour l’Afrique, ma connaissance des institutions et des entreprises françaises me semblent correspondre au projet que je viens d’évoquer pour l’AFD. Et je sais aussi l’histoire lumineuse de cette grande maison de la République, qui fêtera bientôt le soixante-quinzième anniversaire de sa création, à Londres, par Pierre Denis et André Postel-Vinay, dans le bureau voisin de celui du général de Gaulle. Je suis fier des valeurs qu’elle porte.

Vous me permettrez, Madame la présidente, pour conclure, une remarque de nature encore plus politique : ma conviction est que l’Agence française de développement peut et doit devenir un lieu essentiel pour parler du monde à nos compatriotes, sans fard et toujours avec générosité, leur dire simplement, sans jargon, que ce qui se passe là-bas nous concerne ici, et inversement, et lutter ainsi contre le repli. Depuis quinze ans et la réforme de notre dispositif de coopération, c’est une préoccupation de l’Agence. Il faut en faire l’une de ses missions, en lien étroit avec la représentation nationale dont c’est le rôle.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci de nous avoir présenté votre vision stratégique du projet que vous portez pour l’AFD.

M. Jean Glavany. Je ne suis pas informé du dossier, mais pourquoi nous propose-t-on la candidature de M. Rioux à la direction générale de l’AFD ? Mme Anne Paugam a-t-elle démissionné ? Est-ce la fin de son mandat ? A-t-elle été sanctionnée ? Personne ne nous a rien dit, j’aimerais être éclairé sur le sujet.

M. Michel Destot. Je suis de ceux, assez nombreux je pense, qui se réjouissent de la proposition du Président de la République de nommer M. Rémy Rioux à la tête de l’AFD, à la fois en raison de ce que nous avons entendu des objectifs qu’il propose de poursuivre, en raison de son profil « de synthèse » de Bercy au quai d’Orsay, du Bénin à Proparco, et surtout en raison de sa sensibilité et de son approche des problèmes, qui est plus stratégique et plus politique que technocratique. Pour moi, c’est très important.

Le Gouvernement a évolué d’une approche structurelle à une approche conventionnelle dans le rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations. Quelles en sont les conséquences ? Comment peut-on assurer la pérennité et l’augmentation des financements, aussi bien en matière de prêts qu’en matière de dons ? Comme vous le savez, nous sommes évidemment extrêmement attentifs à ce dernier point à l’occasion de chaque discussion budgétaire.

J’aborderai trois sujets.

Premièrement, s’agissant du conseil d’administration, je souhaiterais aller un peu au-delà de vos propos : comment assurer un meilleur équilibre entre la représentation des tutelles, représentées par les fonctionnaires, et la place qu’il faudrait accorder aux représentants des collectivités territoriales, des ONG et du monde économique ? Pourrait-on aller vers une structure avec P D G., ou êtes-vous favorable au maintien de la composition et de la structure actuelles ?

Deuxièmement, au plan stratégique, j’apprécie ce que vous avez dit sur votre volonté de conforter l’aspect bilatéral, sans qu’il soit évidemment question de renoncer à certains aspects multilatéraux. Mais un débat revient régulièrement sur les aides liées et non liées. Quelle est donc votre position, vous qui avez été affecté, au quai d’Orsay, à la diplomatie économique ? Pourrait-on adopter une attitude moins « candide » et plus conforme aux intérêts de notre pays ?

Et puis, comment peut-on à la fois s’assurer d’une coopération avec nos grands voisins – je pense à l’Allemagne et au Royaume-Uni – et évaluer, dans la nécessaire régulation qu’il peut y avoir entre les pays européens, la position de la France en matière de solidarité internationale dans le monde ?

Troisièmement, vous avez évoqué la question des ressources humaines. En tant qu’administrateur de l’AFD, je constate que des inquiétudes remontent régulièrement jusqu’au conseil d’administration. Et au dernier CA, les syndicats se sont manifestés pour savoir quel sera leur propre avenir.

Cela m’inspire deux observations.

La première concerne la pratique du bottom-up, c’est-à-dire la remontée des expériences de terrain. J’ai été moi-même en République démocratique du Congo et en Colombie, au Mali et au Burkina Faso, et j’ai pu me rendre compte de l’excellence de nos équipes. Mais elle ne remonte pas au conseil d’administration. Jamais les équipes ne rapportent devant les administrateurs. Ce n’est pas une bonne chose : si l’on veut faire revivre l’AFD, lui donner un sens, une vision, une ambition, il faut davantage de remontées du terrain.

Ma deuxième observation porte sur le parcours professionnel de certains salariés, qu’il convient d’assurer. De nombreux militants de la solidarité internationale, de la cause Nord-Sud au profit des pays les plus pauvres et les moins développés, sont rentrés. Ils ont tous vieilli et méritent de prendre des responsabilités. Je vois dans le rapprochement avec la CDC la possibilité d’évolutions de carrière au sein d’un groupe beaucoup plus vaste. Inversement, pour les agents de la CDC, ce serait la possibilité d’avoir une expérience internationale, ce qu’ils n’ont pas vraiment aujourd’hui.

M. Axel Poniatowski. Monsieur le secrétaire général adjoint, j’approuverai pour ma part votre nomination. Je pense qu’en disant cela, je me fais le porte-parole de la plupart des membres du groupe Les Républicains. Vous en avez indéniablement l’expérience, la compétence et la capacité, et votre présentation est tout à fait convaincante.

Cela étant dit, comment allez-vous peser sur l’AFD, ce qui n’a pas toujours été le cas pour vos prédécesseurs ?

Le mode d’aide que vous avez privilégié renvoie à l’éternel débat entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. La situation est aujourd’hui extrêmement déséquilibrée. La France n’a jamais su – ainsi qu’un certain nombre de ses partenaires européens – peser sur l’aide multilatérale à travers son aide bilatérale, notamment dans les grandes institutions internationales, qu’elles soient européennes ou mondiales – ONU, Banque mondiale, FMI, etc. Est-ce que ce sera une de vos priorités ?

Par ailleurs, quelles seront vos zones privilégiées ? Vous avez dit être un grand connaisseur de l’Afrique, et l’apprécier. Selon moi, ce devrait être très prioritairement la zone sur laquelle nos efforts doivent porter, beaucoup plus que ce n’est le cas actuellement. Quand on voit que l’on continue à apporter de l’aide à un pays comme la Chine, on peut dire que cela frôle le grotesque : ce serait plutôt à nous d’aller chercher de l’aide auprès de la Chine ! Comptez-vous rééquilibrer certaines actions ?

La problématique essentielle est sûrement celle des pays du Sahel, qui sont devenus complètement défaillants. Ils sont parmi les plus pauvres du monde et ont besoin de recevoir de l’aide dans tous les domaines, y compris dans les domaines régaliens. Comptez-vous agir en ce sens ? En outre, ces pays posent la problématique de l’immigration de demain, laquelle a déjà commencé aujourd'hui. Autrement dit, si l’on veut traiter le problème de l’immigration et faire en sorte que les migrants puissent rester chez eux, il faut les aider bien davantage. J’aimerais donc vous entendre sur la priorisation géographique que vous comptez mener.

Enfin, comptez-vous agir sur le fameux programme d’électrification de l’Afrique qui est actuellement en cours et que mène Jean-Louis Borloo ? Avez-vous une opinion à ce sujet ?

M. Philippe Baumel. Monsieur le secrétaire général adjoint, j’aurai trois questions rapides.

La première porte sur les dons et a été évoquée il y a un instant. Au lendemain de la conférence d’Addis-Abeba, du discours de New-York devant les Nations unies sur le programme de développement durable à l’horizon 2030, et après l’accord de Paris dans le cadre de la COP 21, comment, concrètement, la France va-t-elle tenir son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement ? Et surtout, selon quel échéancier ? L’engagement du Président de la République a été très clair. Mais pouvez-vous nous préciser les étapes que vous envisageriez, dans le cadre du travail porté par l’AFD ?

Vous avez également évoqué, je crois, l’augmentation de la part des dons de plus de 400 millions. Sur quels axes portera cet effort particulier ?

Ma deuxième question porte sur le travail en partenariat avec les parlementaires. La loi Canfin, première loi de la Ve République sur la politique de développement et de solidarité, avait envisagé que tous les deux ans, un rapport leur serait communiqué sur l’action portée par l’AFD. Ce rapport n’est qu’informatif. Pourrait-on envisager une autre méthode de travail permettant aux parlementaires d’être associés, peut-être en amont, à la définition des orientations stratégiques de l’Agence ?

Ma troisième question porte sur la valorisation de l’action de l’AFD. Trop peu de nos concitoyens connaissent précisément l’action de cette agence et ses différents ministères de tutelle. Il y a, selon moi, un effort considérable à faire en matière de communication. Peut-être faudrait-il davantage associer ceux de nos concitoyens qui souhaitent participer à cette politique ? Envisagez-vous de communiquer davantage avec le grand public et avec nos concitoyens sur ces enjeux essentiels, et comment ?

Mme Nicole Ameline. Monsieur Rioux, nous avons beaucoup apprécié votre présentation, et tous nos vœux de succès vous accompagnent.

Comment rendre l’Agence plus stratégique ? Aujourd’hui, la Méditerranée constitue un défi considérable qui s’inscrit – si je reprends le triptyque qu’avait avancé Hillary Clinton – entre la défense, la diplomatie et le développement. Nous avons besoin d’une approche globale, et il faut que le développement serve également nos objectifs politiques. L’AFD peut-elle être le fer de lance d’un partenariat euro-méditerranéen qui pourrait renforcer nos efforts politiques ou les efforts que nous faisons dans le domaine de la sécurité ?

Ensuite, avez-vous conservé l’aspect « gouvernance », en liant le développement et le droit ? Cela s’inscrit dans l’agenda post 2015 des Nations unies. Sans tomber dans la conditionnalité, il me semblerait astucieux d’adopter une véritable démarche globale « pays ».

Enfin, je partage complètement les propos d’Axel Poniatowski sur le multilatéralisme. Il ne faut pas opposer l’un à l’autre, mais conjuguer, articuler l’aide bilatérale et multilatérale. En effet, la position de faiblesse que nous avons aujourd’hui sur la scène internationale – avec la maigreur de nos contributions à l’ONU, par exemple – pose un problème politique. Mieux vaudrait donc concevoir une démarche innovante en matière d’articulation des aides, et faire en sorte que la France joue un rôle de coordination.

M. Guy-Michel Chauveau. Notre collègue vient de parler d’approche globale, et vous avez dit, monsieur le secrétaire général, que l’AFD devait être un lieu de cohérence.

On comprend que ce soit difficile à réaliser, entre les orientations de la politique de l’AFD, les priorités des États, notamment de nos collègues de l’Union européenne, sans oublier les nouveaux partenariats. Vous avez parlé de la Chine. Je citerai aussi le Japon qui, du point de vue institutionnel, ne peut pas intervenir dans la lutte contre le terrorisme, mais qui est prêt sur le terrain. On l’a notamment rencontré sur l’Afrique subsaharienne.

Comment assurer cette cohérence, avec nos partenaires, les ONG, le monde économique, les collectivités locales, etc. ? Il est vrai que sur le terrain, le travail transversal est très compliqué.

Nous voulons également insister sur le fait que l’on ne peut pas développer un État de droit, on le voit sur l’Afrique sub-saharienne, sans impliquer les acteurs locaux légitimement élus. Et nous estimons que jusqu’à présent, cela n’a pas été fait.

M. François Rochebloine. Monsieur le secrétaire général adjoint, j’ai trois questions à vous poser. Premièrement, quelles actions comptez-vous mettre en place avec les ONG, notamment en Afrique ? Deuxièmement, considérez-vous que l’AFD doive avoir une action sur la lutte contre les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions ? Troisièmement, je partage la même question que mon collègue Axel Poniatowski, qui portait sur l’électrification en Afrique.

J’ajoute que vous avez mon total soutien.

M. Jean-René Marsac. Vous avez abordé de nombreux sujets de manière générale et succincte. Avec ce rapprochement AFD/CDC, on est passé d’un projet de fusion, d’un projet de gouvernance croisée à un projet de convention. Quelles priorités absolues mettez-vous dans ce rapprochement ? Quelles thématiques entendez-vous particulièrement porter ? Quelles sont les pratiques qui vont évoluer ? Nous avons besoin de précisions puisque, entre ce que vous nous aviez présenté il y a quelques mois et la situation actuelle, il y a tout de même un grand écart.

Le volume des dons devrait augmenter. Mais même s’il augmente, ce volume de dons restera limité. Recherche-t-on des effets de leviers plus puissants ? Comment faire pour que ces dons soient plus efficaces ?

Vous avez évoqué la coordination des acteurs, qui sont nombreux. Comment l’AFD peut-elle contribuer au renforcement des synergies, non seulement dans la définition des objectifs et des plans d’action, ici en France, mais aussi sur le terrain ? Ces coordinations sont nécessaires sur le terrain, peut-être par région, peut-être par pays – il y a plusieurs approches possibles. N’oublions pas que des missions européennes sont présentes dans les pays concernés.

Par ailleurs, nous avions déjà abordé à plusieurs reprises, avec Mme Anne Paugam, la question de l’intervention des entreprises. Vous en avez également parlé tout à l’heure. Bien évidemment, les situations sont très différentes : certaines entreprises sont très implantées traditionnellement ; il y a parfois des multinationales ; et il y a également tout le réseau des PME. Mais vous n’avez pas évoqué les entreprises économiques, sociales et solidaires. J’ai demandé à plusieurs reprises la clarification de notre stratégie en la matière. En effet, nous ne devons pas nous laisser influencer par d’autres concepts que les nôtres. Il nous faut affirmer notre conception de l’économie sociale et solidaire à la française, et notre capacité à constituer des coopératives. Ce modèle coopératif est en effet tout à fait adapté à bon nombre de projets dans les pays pauvres.

Je terminerai sur l’aide et l’accompagnement de la création d’entreprises. Vous avez parlé du renforcement de Proparco. Peut-être faudrait-il s’intéresser à l’articulation entre Proparco – qui est une grosse structure, très utile – et la micro-entreprise locale. Comment articuler la capacité d’intervention de Proparco avec l’émergence d’entreprises individuelles ou de toutes petites entreprises, qui correspondent à une très forte demande de la part des pays, notamment africains ?

M. André Schneider. Monsieur le secrétaire général adjoint, je salue à mon tour ce programme ambitieux. Nous sommes nombreux ici à partager notre passion pour l’Afrique, et nous sommes soucieux de voir prioriser un certain nombre d’actions.

Vous avez dit qu’il fallait résister au multilatéral. Mme Ameline a lancé une première analyse à ce sujet. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ? Nous sommes un certain nombre ici à chercher des éléments de réponse à cette question.

Enfin, je siège avec François Loncle au conseil d’administration d’Expertise France. Quelles relations entendez-vous avoir avec cette nouvelle agence ?

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur Rioux, vous nous avez présenté un cadre stratégique et politique ambitieux, que ce soit au niveau multilatéral ou au niveau bilatéral. Vous avez insisté sur la nécessité de nouer des partenariats. Mais au-delà de ces objectifs qui sont totalement partagés, comment opérer une hiérarchisation ? En effet, même si on augmente les moyens, plus on multiplie les objectifs et plus il est difficile d’établir des priorités entre eux.

Par exemple, la COP 21 qui concerne l’ensemble de la planète et conditionne en grande partie son développement, est prioritaire. Quelle part cela va-t-elle prendre dans votre action stratégique ? Et comment l’ensemble des partenaires va-t-il pouvoir converger pour satisfaire à des objectifs communs ?

Enfin, la forme d’aide doit être adaptée aux spécificités locales. À ce propos, on a cité l’Afrique et l’importance des dons – sous réserve du respect des États de droit. Comment allez-vous pouvoir, ensuite, affiner ces déclarations générales, que nous partageons ?

Quelqu’un a dit : « gouverner, c’est prévoir ». Pierre Mendès-France a précisé : « gouverner, c’est choisir ».

M. Michel Terrot. Madame la présidente, je voulais à mon tour assurer M. Rioux de notre soutien le plus large, et lui dire que nous partageons le constat qu’il a fait de la situation.

L’aide publique au développement (APD) est en chute libre depuis quelques années dans notre pays. En revanche, l’Allemagne, dont vous avez cité l’exemple, développe la sienne. C’est vrai aussi de la Grande-Bretagne. Je crois que la moyenne de la contribution européenne est quasiment à 0,6 % du RNB. Il n’y a que la France qui décroche et qui nous ramène à 0,3 %.

Au sein même de cette APD, le bilatéral a droit à la portion congrue. Les dons ont quasiment disparu et se répartissent sur les pays dits prioritaires, ce qui fait évidemment très peu pour chacun. Je veux bien que l’on n’oppose pas ce qui relève du multilatéral et ce qui relève du bilatéral, mais cela fait trente ans que je l’entends. Et depuis trente ans, c’est la part du bilatéral qui a quasiment disparu. Il suffit d’aller en Afrique pour se rendre compte de l’extrême pauvreté de nos postes diplomatiques et de notre quasi-incapacité à exister de façon honorable par rapport aux autres pays européens – pour me limiter à ceux-ci.

Maintenant, je m’inquiète pour les recettes à venir. Vous ne l’avez pas rappelé, et c’est de bonne guerre, mais les recettes dont vous parlez ne sont assurées que jusqu’à 2020, et la plupart n’interviendront qu’après 2017. Donc, j’ai un peu le sentiment que l’on est dans un domaine où les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent !

Certaines des questions que je voulais vous poser l’ont déjà été. Le président Poniatowski vous a interrogé à propos du projet de M. Borloo sur l’électrification de l’Afrique. Ce projet me paraît essentiel, et suffisamment important pour que cela appelle une réponse de votre part.

J’aimerais enfin que vous nous en disiez nous un peu plus sur Proparco. Et ce qui est vrai pour Proparco est vrai pour toute l’AFD : quelle stratégie pensez-vous mettre en place pour essayer de rendre plus visible et plus lisible notre action ? En effet, il est intéressant de prendre des participations dans des sociétés locales, mais ce n’est pas ainsi que l’on plante « le drapeau France ». Or, dans un monde en pleine compétition, il est important de conserver une politique d’influence.

M. Jean-Paul Dupré. Ma question concerne la migration et l’Afrique. C’est un thème majeur pour les décennies à venir, car l’évolution climatique, associée à l’évolution démographique, fera que d’ici vingt ans, il y aura plus de 4 milliards d’habitants sur ce continent. Certains experts lui prédisent un développement économique conséquent, permettant à sa population de se maintenir sur ce continent. D’autres experts sont très pessimistes. J’aimerais avoir votre avis. Quelles conséquences cela pourrait avoir pour l’Europe ?

M. Hervé Gaymard. Merci pour cette présentation ambitieuse que nous partageons. Je ne vais pas répéter tout ce qu’ont excellemment dit nos collègues Poniatowski, Adeline, Schneider et Terrot. Mais pourriez-vous nous éclairer sur ce qui s’est vraiment passé avec le rapprochement AFD/CDC ? Nous avons lu votre rapport avec intérêt et nous vous avons auditionné. Depuis, un certain nombre de choses se sont passées, sur lesquelles nous n’avons pas été informés autrement que par ouïe dire. Les bonnes raisons qui motivaient ce rapprochement n’ont sans doute pas disparu pour autant. Comment allez-vous y suppléer ?

M. Jean-Paul Bacquet. L’AFD, dès sa création, a été dotée d’un pouvoir politique en matière d’aide au développement. Malheureusement, elle est parfois devenue le seul pouvoir politique en matière d’aide au développement. Il m’est arrivé de voir des ministres qui ne faisaient que lire les rapports de l’AFD, tant ils s’impliquaient peu dans ce que vous faisiez. Je me réjouis donc de votre arrivée à la tête de l’Agence. Je m’en réjouis d’autant plus que vous allez lui donner un nouveau souffle en disant clairement qu’il faut remettre en cause la dérive administrative, sortir du techno et définir une stratégie politique.

Vous avez parlé multilatéral et bilatéral. Il y a quelques années, j’avais fait un rapport d’information avec Nicole Ameline sur l’équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme. Mais que l’on parle bilatéral ou multilatéral, il ne faut pas négliger la lisibilité de notre action. Or actuellement celle-ci n’est pas suffisante. L’image « France » n’est pas suffisamment mise en valeur et on ne voit pas assez ce que nous apportons.

Vous avez parlé également d’une AFD partenariale, ce qui m’a fait plaisir ; cela m’a rappelé la période de Jean-Michel Severino et de Serge Michailov – pendant laquelle vous étiez d’ailleurs vous-même au conseil d’administration. Je me réjouis que l’on revienne à cette façon de faire, beaucoup moins technocratique, beaucoup moins administrative et beaucoup plus politique.

J’aimerais que vous développiez deux aspects.

D’abord, les aides déliées. C’est un point fondamental. D’autres pays sont très preneurs de l’aide au développement, mais ne sont surtout pas désintéressés des conséquences que peut avoir cette aide. La France doit, elle aussi, s’intéresser à ce que cette aide peut apporter à ses entreprises.

Ensuite, les coopérations décentralisées. Celles-ci génèrent beaucoup d’argent, mais sans cohérence. Il serait souhaitable que l’AFD intervienne, non pas pour donner des ordres, mais au moins faire en sorte que tout le monde ne se retrouve pas sur le même créneau. Il s’agit d’être complémentaire et d’être plus efficace.

Je terminerai sur deux remarques :

Premièrement, vous avez parlé des « clients » de l’AFD. Une banque a des clients, mais vous avez la volonté de faire en sorte que l’AFD ne soit pas qu’une banque. Donc, parlons de partenaires, mais ne parlons plus jamais de clients.

Deuxièmement, je voudrais vous féliciter pour votre curriculum vitae, qui ne comporte qu’une page, au lieu des 5 ou 6 pages habituelles : on ne sait pas avec qui vos enfants sont mariés, si vous avez le mérite agricole ou toute autre médaille. Mais on s’en fiche éperdument ! Ce que l’on retient, c’est que vous avez été administrateur de l’AFD, administrateur de Proparco, et qu’au ministère des affaires étrangères vous avez une vision mondiale de ce que peut être l’aide au développement.

M. Didier Quentin. Quelle place entendez-vous donner au problème démographique ? Selon une récente communication, les évolutions seraient très préoccupantes, notamment au Niger. Peut-on envisager des systèmes de régulation des naissances ou d’autres dispositifs ?

Par ailleurs, je reviens de Mayotte, où se pose de manière aigue le problème de la migration venue des Comores, et en particulier d’Anjouan. Je me permets d’appeler votre attention sur ce problème, qui risque d’être au premier plan de l’actualité nationale dans les prochains mois. La Cour des comptes a publié récemment un rapport alarmiste (sur Mayotte).

Enfin, peut-on envisager des formes de coopération avec la Chine, dont on a parlé tout à l’heure, ou est-ce complètement illusoire ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. J’aurais dû préciser à M. Jean Glavany que Mme Anne Paugam arrive au terme de son mandat au moins de juin, et qu’elle n’est pas reconduite dans ses fonctions. Son mandat a été de trois ans, et elle n’est pas la première à ne faire qu’un mandat : c’était le cas de son prédécesseur, M. Dov Zerah.

M. Jean Glavany. Elle n’est pas reconduite ou elle n’était pas candidate à son renouvellement ? Je suis peut-être très naïf, mais je n’ai pas l’ombre d’une information.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. C’est une question précise, mais je ne sais pas si le secrétaire général pourra y répondre. Personnellement, je ne suis pas au courant.

M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire général, Jean-Paul Bacquet vient de dire que vous aviez une vision mondiale. Je vous poserai trois questions, dont deux concernent des zones géographiques dont on a peu parlé – même si je ne conteste pas la priorité qui est donnée à l’Afrique.

Premièrement, comment voyez-vous votre action en Asie ? Je pense notamment aux anciens pays de l’Indochine – Laos, Vietnam et Cambodge. Je suis allé récemment à la rencontre des équipes de l’AFD au Cambodge, et j’ai noté des points très positifs malgré les moyens qui leur sont accordés. En effet, si les engagements sont passés de 70 à 120 millions, les moyens de ces équipes, si remarquables soient-elles, restent très faibles, d’autant plus qu’elles sont face à des concurrents qui sont de plus en plus présents. Et on m’a très clairement dit que, faute de moyens humains, on n’avait pas le temps de s’occuper de projets en dessous de 10 millions, même s’ils pouvaient être intéressants.

Je pense aussi à un pays où l’on a payé le prix du sang, l’Afghanistan. Notre ambassadeur m’a déclaré qu’en raison de la faiblesse de nos actions bilatérales, nous disparaissions complètement dans l’aide multilatérale. En outre, la France est désormais quasiment absente de tous les comités qui prennent des décisions, à 5, à 6, à 7, sur les programmes en Afghanistan.

Enfin, quid d’une coopération éventuelle avec la Banque asiatique d’investissement, qui est maintenant un acteur qui pèse ?

Ma deuxième question porte sur une autre zone, le Pacifique, soit douze États, dont huit dont on parle peu : des micro-États qui sont les premiers impactés par le réchauffement climatique et la remontée des eaux. Nous y sommes extrêmement peu présents. Quelle action envisagez-vous donc de mener pour rendre lisible l’action de la France auprès de ces huit États ?

Troisièmement, je me déplace chaque semaine et je suis consterné de voir que très souvent, dans le cadre des coopérations décentralisées, l’argent se trouve dispersé et gaspillé. Parfois, une seule personne représente telle ou telle région ! L’avantage d’avoir procédé à un regroupement à treize des régions, c’est que l’on peut désormais espérer avoir un peu plus de poids.

Pensez-vous avoir, au moins, une action d’impulsion pour rendre plus efficaces ces actions qui ont tendance à partir dans tous les sens ? L’argent des contribuables est gaspillé, et nous avons très peu de lisibilité sur ce qui se fait.

M. Jean Launay. Merci, monsieur Rioux, de votre présentation à la fois réaliste, déterminée et ambitieuse. Et merci d’avoir évoqué l’adaptation au changement climatique.

90 % des adaptations touchent au domaine de l’eau. Si les objectifs de développement durable légitiment l’action actuelle de l’AFD, jugez-vous nécessaire d’orienter, voire de réorienter les interventions de l’AFD dans ce domaine ?

Par ailleurs, je connais le poids des actions de l’AFD en matière d’assainissement. Envisagez-vous un rééquilibrage des investissements en la matière ?

Plus généralement, comment voyez-vous le rôle des acteurs français de l’eau et de l’AFD dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance de l’eau à l’échelon international ?

M. Jean-Claude Guibal. J’ai été tout à fait convaincu par votre présentation, que j’ai trouvée extrêmement intéressante dans son approche stratégique et politique. Je me limiterai à deux questions.

La première concerne le modèle britannique d’aide au développement. Le considérez-vous comme une référence ou un contre-exemple de ce que vous souhaitez faire pour l’AFD ?

La seconde concerne le choix des implantations. Envisagez-vous de renforcer l’action sur les secteurs, les pays ou les régions où l’AFD est déjà présente et bien implantée ? Envisagez-vous, au contraire, de conquérir de nouveaux marchés ?

M. Jacques Myard. Monsieur le candidat, nous ne vivons pas dans un monde de « bisounours », vous le savez. Qu’on le veuille ou non, l’aide au développement doit être le bras séculier de l’action économique de la France en matière de politique étrangère. À ce titre elle doit répondre, à mon sens, à deux enjeux.

Premièrement, les enjeux géostratégiques et le déséquilibre démographique. Envisagez-vous des actions de contrôle démographique pour éviter les catastrophes annoncées ?

Deuxièmement, l’influence de notre pays. Nos « petits camarades » européens agissent en fonction de leurs intérêts propres et pas en fonction d’objectifs caritatifs. Dans ces conditions, pensez-vous qu’il faille aider la Chine ou les pays de continents qui vont à la dérive ? Par ailleurs, qu’on le veuille ou non, et cela a été souligné avec force, le multilatéral est anonyme. Or il s’agit de valoriser la stratégie d’influence de la France.

Je vous rappelle que la question européenne nous coûte, en net, par an, 9 milliards d’euros. Je ne suis pas du tout certain que ce soit la meilleure façon d’employer les deniers publics de l’ensemble des contribuables français. Sans doute devrions-nous analyser la question et envisager de redistribuer des crédits directement sur un outil que nous contrôlons, hors d’un multilatéral européen qui nous échappe.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le secrétaire général, l’Afrique est évidemment une priorité absolue. Mais, dans un contexte de mondialisation, la France a besoin, pour sauvegarder son identité culturelle, morale et linguistique, de l’aide, de l’appui et de la force de pays, qui non seulement ont une culture et une langue latines, mais partagent ses valeurs morales, fruit d’une longue histoire. J’ai accompli récemment une mission en Amérique latine et il me semble avoir décelé une demande de France de la part de la classe dirigeante. Par ailleurs, nous avons besoin de rééquilibrer notre position pour la renforcer dans la réorganisation du monde entre la Chine d’un côté, et les États-Unis de l’autre. Il me semblerait donc dommage que l’AFD ne développe pas une action forte en direction de l’Amérique latine.

M. Rémy Rioux. Si je ne réponds pas maintenant à certaines de vos questions, je le ferai ultérieurement par écrit, ou dans le cadre d’échanges personnels.

Monsieur Bacquet, il se trouve que j’ai d’abord une formation de littéraire. Donc, je crois aux mots, je sais leur pouvoir et j’entends ce que vous dites. Je remarque d’ailleurs en lisant les documents sur l’aide au développement une certaine tendance à utiliser des termes incompréhensibles. Donc, je pense qu’il y a tout un travail à faire, qui est lié aux remarques que beaucoup d’entre vous ont faites sur la valorisation, l’explication et la pédagogie de l’aide au développement et de notre place dans le monde. On peut essayer de dire les choses plus clairement et plus nettement, et je souhaiterais m’y employer.

Pour moi, la politique de développement est une politique publique, un élément de dialogue qui s’inscrit dans notre politique étrangère, notre politique économique et notre politique de de défense. C’est un des éléments du puzzle avec lequel le Gouvernement comme la représentation nationale doivent agir dans le monde. Ce n’est pas un isolat et quand j’ai dit « plus partenariale », c’est à cela que je pensais, au-delà même des institutions avec lesquelles l’Agence doit coopérer.

Ensuite, vous êtes nombreux à avoir évoqué le rapprochement AFD/Caisse des dépôts. Mon rapport évoquait les deux volets de cette question qui m’est chère. Je précise que vos collègues sénateurs Fabienne Keller et Yvon Colin au Sénat l’ont abordée dans leur rapport de façon intéressante.

Premier volet : renforcer financièrement l’AFD et la rapprocher de la CDC en lui donnant un ancrage en France beaucoup plus fort qu’elle ne pourra jamais en avoir par ses simples moyens.

Les premières propositions que j’avais faites dans mon rapport sur ce point ont été totalement validées, comme j’ai essayé de vous dire dans mon propos initial. On va effectivement doubler dès cette année – pas en 2020 – puis quadrupler les fonds propres de l’AFD. C’est un vrai effort financier. Le Gouvernement va renoncer à des créances et les transformer en fonds propres « durs », ce qui permettra de donner de l’air et de faciliter l’atteinte des ratios prudentiels.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait avant ?

M. Rémy Rioux. Je pense qu’il fallait un élan, qu’il fallait que le système bouge, ce qui n’avait pas été possible jusqu’à présent. C’est la seule réponse que je peux vous apporter. C’est le Président de la République qui a lancé le mouvement et lui a donné plus de vigueur et de force. Ce premier élément sera donc mis en œuvre cette année.

Deuxième élément : après le bilan de l’AFD, à savoir les moyens financiers, se pose la question des moyens budgétaires. L’AFD se finance sur les marchés. Ensuite, elle rajoute des ressources budgétaires, en dons ou en bonifications. Il n’y a pas de subventions de fonctionnement à l’AFD, c’est une entreprise. En revanche, elle transmet l’argent que vous votez à ses clients sous forme de dons ou de prêts très bonifiés dans les pays les plus pauvres, ou sans coûts budgétaires dans un certain nombre d’autres géographies, notamment la Chine.

S’agissant des ressources budgétaires, la trajectoire est prise jusqu’en 2020. Ce sujet sera débattu lors de chaque loi de finances, avec une première étape dans le projet de loi de finances pour 2017, qui vous sera présenté le premier mardi d’octobre.

Le renforcement de l’AFD n’est pas nécessairement lié à la Caisse des dépôts et consignations. Ce n’est pas le cas du deuxième volet, qui est le rapprochement avec la Caisse des dépôts.

On a effectivement étudié différentes options, que je crois vous avoir présentées lorsque je suis venu devant vous. J’avais fait une proposition, que vous connaissez, qui supposait l’intervention du législateur ; en effet, seul le législateur pouvait prendre un établissement public et, par la loi, faire un groupe avec un autre établissement public.

Au fil des travaux, on s’est rendu compte que les conditions politiques de ce schéma n’étaient pas réunies, notamment en raison de réticences au sein de la Commission de surveillance de la CDC. On a donc décidé de faire plus simple en commençant par le bas, c’est-à-dire par des projets.

Dire que l’on va faire une convention peut donner l’impression que l’on va se contenter d’un bout de papier, mais que l’on ne fera rien. Or on a lancé des projets entre l’AFD et la CDC, et je pense que le mouvement qui a engagé en août dernier a fait que ces deux maisons ont maintenant envie de travailler ensemble. Alors qu’elles ne se parlaient pas du tout, des liens se sont créés. Il faut laisser les coopérations se développer.

La convention va permettre d’affirmer les convergences stratégiques entre l’Agence et la Caisse – je pense qu’elles sont nombreuses – et d’identifier les projets : appui au secteur privé, outre-mer, innovation et recherche, action extérieure des collectivités locales. Comme me la confirmé Pierre-René Lemas, l’engagement d’un fonds de 500 millions d’euros reste valide. Il faut maintenant trouver l’emploi, pour le développement, de ces ressources en fonds propres additionnels.

On prendra des dispositions pour assurer la mobilité des personnels. Je crois que c’est très important. L’AFD est une grande maison, mais elle a besoin de faire bouger ses cadres et ses agents.

Les modalités de fonctionnement des réseaux en France et à l’étranger ont retenu votre attention. (Il faut également se préoccuper de) la mise en réseaux et de la mobilisation de l’expertise de la CDC, qu’on ne va jamais chercher pour la projeter à l’étranger.

Enfin, il faudra que l’on trouve des liens de gouvernance entre les deux maisons pour que ces projets s'épanouissent. Par exemple, un représentant de la Caisse des dépôts devrait pouvoir siéger au conseil d’administration de l’AFD.

Une prochaine échéance aura lieu à l’automne, avec un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), un nouveau contrat avec l’État et une convention avec la CDC que je souhaite, dès maintenant, la plus ambitieuse et la plus structurelle possible.

J’en viens au débat bilatéral/multilatéral.

L’AFD est votre outil bilatéral. Donc, je ne peux que me faire l’avocat du bilatéral, avec passion et conviction. Comme le font beaucoup d’autres pays, je pense qu’il faut renforcer cet outil.

Je vivais dans l’idée que l’APD allemande était à peu près équivalente à l’APD française. Or je me suis aperçu en préparant cette audition qu’aujourd’hui, les Allemands ont une APD à peu près équivalente à celle des Anglais – autour de 18-19 milliards – alors que les Français n’y consacrent que 10 milliards.

Je pense donc que l’on doit s’efforcer de réduire cet écart et que la priorité doit être donnée aux instruments bilatéraux, ce qui ne veut pas dire (qu’il faut délaisser le multilatéral). J’ai beaucoup travaillé dans le multilatéral quand j’étais à la direction générale du Trésor et je connais bien le monde des banques de développement. J’ai même failli aller travailler à la Banque africaine de développement. Selon moi, des articulations sont possibles.

Comme je l’avais relevé dans mon rapport, nous avions réservé une enveloppe de 5 % de notre contribution au Fonds mondial sida pour faire des actions avec Expertise France et pour renforcer les capacités des pays à accueillir les fonds délivrés par le Fonds mondial. Pourquoi ne pas imaginer, avec d’autres acteurs multilatéraux, des instruments qui serviraient justement à créer ces liens et à mettre en place ces cofinancements, et à exercer, comme l’a dit M. Poniatowksi, une influence plus grande sur leurs actions ?

Je crois que vous avez reçu M. Serge Michailof, qui plaide pour que, là où notre réseau est puissant et notre expérience est longue – et il pense évidemment à la zone sahélienne – on joue un rôle plus actif de coordination des ressources des autres, qui n’ont pas nécessairement la connaissance du terrain qu’ont nos postes et les représentants de l’AFD sur place.

Certains d’entre vous m’ont demandé quelles devraient être les zones privilégiées de l’AFD. D’autres ont cité un certain nombre de pays. Mais comme je ne sais pas tout de l’AFD, je ne suis pas le mieux à même de vous donner dès aujourd’hui une vision complète de ce que devrait être sa stratégie dans chaque zone.

Toutefois, j’observe que vous avez voté dans la loi de juillet 2014 un principe de « partenariats différenciés ». C’est un peu du jargon. Disons que l’on essaie de définir dans chaque zone géographique des stratégies et des priorités. Je pense qu’il faut aller plus loin, jusqu’aux procédures, jusqu’aux instruments, jusqu’aux partenariats en fonction des particularités de chaque zone. Et j’appelle évidemment à un travail assez spécifique avec les représentants des Français dans ces zones.

M. Destot a parlé de la gouvernance de l’AFD. Si j’en crois mon expérience, le conseil d’administration de l’AFD est l’endroit où tout le monde se retrouve sur une base mensuelle. Certes, ce n’est pas le CA d’une société ordinaire – et cela ne le sera jamais, même si je pense que l’on pourrait aller un peu plus dans ce sens, en termes d’efficacité de fonctionnement. C’est une assemblée, un lieu où l’on délibère et où tous les acteurs de la politique de développement se retrouvent régulièrement. Il faut donc que les collectivités locales y soient représentées. Et compte tenu du projet que j’ai porté et qu’a souhaité le Président de la République, il faut également que la Caisse des dépôts ait un représentant au sein de ce conseil. Maintenant, lui faut-il un PDG ? Je n'en suis pas certain, et en tout cas, la question dépasse cette intervention et ma personne.

Parlons maintenant des entreprises – les grandes et les petites – que vous avez été nombreux à évoquer. Il est évidemment plus compliqué d’emmener les entreprises de l’économie sociale et solidaire, et les toutes petites entreprises, et de les projeter à l’étranger, car cela comporte des risques. Pour ma part, j’avais vu beaucoup de monde dans le cadre de ma préfiguration, et je considère que c’est une mission publique de se tourner vers ces acteurs. Cela étant dit, il faut aussi amener les grands groupes à contribuer davantage à la politique de développement.

Quand on parle de diplomatie économique, on se demande toujours comment, en aval, les financements de l’AFD peuvent bénéficier aux entreprises. C’est très important et de fait, ces dernières années, on s’est préoccupé du retour, en France, des financements de l’AFD. Beaucoup de choses ont été faites et doivent se poursuivre.

Je pense aussi que les entreprises en général, et les entreprises françaises en particulier, doivent « originer » davantage de projets. Et de son côté, l’AFD doit s’adapter pour disposer des instruments permettant de financer ces projets, tout en ayant les exigences d’une institution développement : ces projets doivent respecter les normes RSE requises ; on doit vérifier que l’entreprise ne fait pas des marges qui seraient incompatibles avec une mission de développement ; et ces projets doivent être conformes au secteur d’intervention. Mais ce dont souffrent beaucoup de pays en développement, c’est que ces projets – notamment sur le climat – ne sont pas suffisamment nombreux.

Tout le monde est donc en train de prendre des engagements additionnels. Et tout le monde va se faire de la concurrence. En Asie, sont apparus de nouveaux acteurs comme la Banque asiatique pour les infrastructures, qui a la taille de la Banque mondiale. Il faut absolument que le système et les institutions de développement, qui sont là pour traiter des défaillances de marchés, se positionnent sur ce secteur. Et si cela se fait avec les entreprises françaises, celles-ci porteront les projets qu’elles auront inventés et imaginés avec leurs partenaires du Sud. Je voudrais que l’on essaie de remonter plus en amont ces questions de diplomatie économique. Je pense que c’est l’intérêt des pays en développement, des entreprises, et bien sûr de l’AFD.

Vous avez parlé (de guichet) d’aides liées et déliées. Si l’on raisonne comme cela, on sort un peu de cette problématique, et on se dit qu’il faut trouver les instruments financiers permettant de faciliter l’émergence de ces projets. Or je ne suis pas sûr, effectivement, qu’on les ait tous. Et derrière le rapprochement avec la CDC, il y avait aussi l’idée d’essayer d’imaginer des instruments financiers qui n’existent pas aujourd’hui.

M. Poniatowski a parlé de (domaines) régaliens. Le mot habituel du monde du développement est « gouvernance ». Oui, le transfert de la compétence « gouvernance » est un grand défi pour l’AFD. Celle-ci va devoir proposer à ses partenaires des éléments d’assistance technique, d’appui aux politiques publiques, dans les interventions qu’elle fait déjà. Elle va devoir également développer, dans un certain nombre de sujets de gouvernance pure comme la justice, la sécurité ou la gouvernance financière, des capacités qui jusqu’à présent étaient au ministère des affaires étrangères. Je pense que, là aussi, on aura des interventions, plus utiles, plus intelligentes et plus durables que celles que pourrait avoir une simple banque en n’apportant que le financement.

Maintenant, j’ai entendu vos remarques, quelque peu critiques, sur la cohérence de l’action extérieure des collectivités locales. Si vous me faites confiance, mon intention est d’aller dans chacune des treize régions pour faire œuvre de pédagogie. On a besoin que les collectivités territoriales apportent davantage de projets, et peut-être des projets un peu plus importants et un peu plus structurés. Je pense que les services techniques des grandes collectivités ont déjà beaucoup à faire, et ont déjà noué de nombreux partenariats avec leurs homologues dans les pays du Sud. L’AFD doit mieux les insérer dans le cycle de ces projets, et dans la confection de ces projets. Il faut que chacun progresse. Je souhaite qu’il y ait à l’AFD cette conscience, et les instruments susceptibles de faciliter l’émergence de nouveaux projets qui n’existent pas encore.

Vous avez été plusieurs à m’interroger sur le projet d’électrification de l’Afrique. Pendant toute l’année dernière, j’ai suivi, auprès de Laurent Fabius, la préparation de la COP. J’étais en charge du volet financier de la négociation. Dans ce cadre, parce que c’était l’attente de nos partenaires africains, nous avons monté tout un programme sur les énergies renouvelables en Afrique, qui est totalement cohérent avec l’effort remarquable du ministre Jean-Louis Borloo pour pousser les sujets énergétiques en Afrique. Il y a donc à la fois la fondation de M. Borloo, et une initiative validée par l’Union africaine, qui commence à se structurer : un engagement de dix bailleurs de fonds, dont la France, d’apporter 10 milliards de dollars d’ici à 2020 sur ce secteur des énergies renouvelables.

Comme vous pouvez le constater, il y a incontestablement un mouvement en ce sens. C’est urgent, car il faut absolument que le mix énergétique de ces pays soit plus favorable au climat, et que la communauté internationale apporte les ressources à cette fin.

À la COP, on a pris un engagement politique, et on a commencé à définir les enveloppes et les partenaires. Maintenant, la balle est dans le camp des banques de développement. C’est à elles, encore une fois, de transformer cette intention politique en action.

Monsieur Rochebloine, vous êtes intervenu à propos des mines antipersonnel. Il se trouve que j’ai vu très récemment M. Yves Marek, notre ambassadeur chargé de ce sujet, qui est très actif et qui siège dans les conférences. C’est compliqué, parce que le déminage ne relève ni de la guerre ni de la crise, qu’il dure au-delà de l’intervention des forces armées ou des institutions des Nations unies en charge du conflit, et qu’il ne relève pas encore du développement. On est typiquement entre sécurité et développement, et les deux mondes ne communiquent pas suffisamment encore, même si vous avez sans doute lu la récente tribune du chef d’état-major des armées dans Le Monde. Les militaires ont une vision très précise des limites de leur action et de la nécessité d’une prise de relais par d’autres institutions pour en assurer la durabilité, et pour qu’ils n’aient pas à revenir et à traiter à nouveau les crises, comme c’est trop souvent le cas.

On est donc dans une « zone grise ». Mais vous le savez mieux que quiconque, monsieur le député, le déminage est un sujet dans lequel la communauté internationale a d’abord réussi, puis dont elle s’est un peu désengagée et dans lequel elle a réduit ses capacités. Le pas supplémentaire à faire pourrait être le lancement d’un vrai programme opérationnel. Il faut évidemment alerter l’opinion à ce sujet. Mais maintenant, il faut enlever les mines pour nettoyer le terrain, et permettre ensuite les actions de développement.

Madame Adeline, quand j’étais jeune, j'ai participé à l’association « Le Lumina » dont la mission était de promouvoir le droit de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) : acheter des manuels et inciter les professeurs de droit d’aller en Afrique. Je crois beaucoup à la force du droit pour le développement.

Vous avez raison, les objectifs de développement durable reconnaissent, et c’est nouveau, cette dimension du développement. Le fait que l’AFD récupère une compétence « gouvernance » fait que c’est elle qui est en charge d’appuyer ce type d’action. C’est une piste à creuser, d’autant plus quand il s’agit, comme l’OHADA, non plus de plaquer nos propres modèles, mais de soutenir un droit régional africain qui a d’ailleurs tendance à s’étendre et qui contribue à la sécurité des affaires et donc, in fine, à la diplomatie économique, avec un retour pour notre pays.

Enfin, l’un de vous m’a interrogé sur Expertise France. Les rôles sont différents : l’AFD est le financeur du développement, et l’instance qui doit « originer » davantage de projets ; Expertise France est un opérateur d’assistance technique. Mais il est très important de faire vivre tous ces viviers, et donc de bâtir une relation, non pas exclusive, mais tout à fait privilégiée ; entre l’AFD et Expertise France.

J’ai été administrateur d’Expertise France, et je connais bien cette maison. On s’est déjà engagé, pour 2017, à concevoir en commun 25 millions d’euros de contrats entre Expertise France et l’AFD. Il faut bien sûr aller dans ce sens, et surtout faire en sorte que ces deux maisons convergent et que leurs forces soient mises au service de nos partenaires.

Il y a avait encore des questions sur les migrations, madame la présidente, mais je vais devoir m’en tenir là.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Monsieur le secrétaire général adjoint, nous allons voter. Vous allez donc nous quitter.

Mais auparavant, je tenais à vous dire que j’avais apprécié votre vision stratégique et politique sur les différents sujets qui ont été évoqués, ainsi que votre volonté d’adapter les instruments à la vision politique – et pas l’inverse. Donc, à titre personnel, j’émettrai un vote favorable à votre nomination.

La commission a procédé au dépouillement du scrutin relatif à la proposition de nomination à la fonction de Directeur général de l’Agence française de développement de M. Rémy Rioux.

Trente-huit de ses membres ayant participé au scrutin, la Commission a donné un avis favorable à la nomination de M. Rémy Rioux par trente-sept voix pour et un bulletin nul.

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Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (n° 3377) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

Mme Marilyse Lebranchu, présidente. Nous allons maintenant examiner, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (n° 3377).

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Le texte dont nous sommes aujourd’hui saisis, la convention du Conseil de l’Europe sur « la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique », dite « convention Médicrime », a été signé à Moscou le 28 octobre 2011.

Fruit d’une initiative française, c’est le premier instrument international dans le domaine du droit pénal dont l’objectif est de prévenir et combattre spécifiquement la menace des trafics de faux médicaments.

Comme le rappelle l’exposé des motifs du présent projet de loi, le texte fait obligation aux États Parties d’ériger en infraction pénale :

– la fabrication, la fourniture, l’offre de fourniture et le trafic de produits médicaux contrefaits ;

– la fabrication ou la fourniture non autorisée de produits médicaux ainsi que la falsification de documents ;

– la mise sur le marché de dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité.

Cette convention offre en outre un cadre de coopération nationale et internationale pour lutter contre ce type de trafic.

En tant que médecin, mais surtout en tant que parlementaire, je m’étonne et je déplore que compte tenu de l’ampleur du problème et des graves enjeux de santé publique qu’il soulève, aucun texte n’ait été adopté plus tôt.

Avec 700 000 morts par an, et 200 milliards de chiffre d’affaires, le phénomène est loin d’être périphérique. J’ai tenu à recevoir l’Académie de Médecine qui confirme dans un rapport publié en 2015 sur le sujet, l’expansion du problème. Le trafic de médicaments falsifiés est particulièrement lucratif. Le profit tiré du trafic d’héroïne est égal à 20 000 euros pour 1000 euros « investis » : ce rapport est de 300 000 pour 1000 pour les trafics de médicaments. En outre, contrairement aux trafics de drogue ou même d’êtres humains, il est peu risqué, les peines applicables étant en général moins lourdes, lorsqu’elles existent. De plus, les trafics sont facilités par la distribution de masse de médicaments par internet.

Fort logiquement, depuis quelques années, le phénomène est en expansion et atteint des proportions inquiétantes : on s’accorde à considérer que le trafic de médicaments concerne aujourd’hui près de 10 % du commerce mondial de médicaments

Selon le Conseil de l’Europe, les dernières estimations indiquent que les ventes mondiales de médicaments contrefaits, après avoir doublé seulement en cinq ans, entre 2005 et 2010, représenteraient plus de 70 milliards d’euros par an. La perte de revenus due aux produits contrefaits est d’environ 250 milliards de dollars par an. De nombreuses études relèvent également la présence d’un grand nombre de sites Internet vendant des produits médicaux soumis à prescription sans exiger d’ordonnances et on estime que sur internet 50% des médicaments en vente libre sont faux. On évoque des taux de 20 à 30 % du marché pour l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du sud-est. Ils sont encore plus élevés dans les zones de conflit (RCA, frontière pakistano-afghane, Somalie, Érythrée) et largement utilisés par des organisations criminelles qui se livrent à d’autres formes de trafics, que ce soit de stupéfiants ou d’êtres humains. Les pays développés, longtemps à l’abri et peu sensibles à ce risque, ne sont plus épargnés. La France, comme le souligne l’étude d’impact, à travers les réseaux classiques de distribution, apparaît relativement épargnée pour l'instant grâce à une réglementation très stricte et protectrice. Mais elle n’échappe pas au développement des ventes illicites de médicaments via internet, où l’on estime que non moins de 50 % des médicaments en vente libre sont falsifiés.

Non seulement « les médicaments falsifiés entraînent un préjudice grave pour les malades qui ne peuvent pas bénéficier d’un traitement efficace. » , mais ce type de trafics érode les marchés pour les producteurs légitimes, porte atteinte à la réputation des marques, entraîne des distorsions dans la concurrence, pénalise l’emploi et réduit les recettes fiscales.

L’adoption de la convention Medicrime n’est pas la première tentative pour élaborer un instrument efficace de lutte contre les trafics de médicaments falsifiés. Mais la question a été précédemment traitée davantage sous l’angle de la protection des droits de la propriété industrielle, que de la mise en danger de la santé. Surtout, les tentatives de régler la question au sein de l’OMS se sont soldées par un échec. La question est en réalité très sensible politiquement, et la discussion difficile, notamment avec les grands émergents qui s’érigent eux aussi en grande puissances pharmaceutiques en devenir. Comme l’a rappelé l’ambassadrice Michèle Ramis à votre rapporteur, la Chine, où faut-il le souligner sont fabriqués 80 % des principes actifs de médicaments du monde, et l’Inde, grand producteur de génériques, refusent pour l’heure toute forme d’encadrement de la contrefaçon des médicaments.

Face à l’urgence de l’adoption d’un instrument international efficace et aux blocages à l’OMS, la France a fait le choix de promouvoir un texte au sein du Conseil de l’Europe.

Ce texte marque des avancées notables. Au plan symbolique, il présente le mérite d’avoir isolé et nommé le phénomène : la ratification de ce texte par la France est donc un signe politique fort, notamment en direction des pays en développement, de la volonté de se doter d’instruments de lutte efficaces contre les trafics de faux médicaments. Par ailleurs, premier texte international dans le domaine du droit pénal traitant de cette question, il vient combler un vide juridique en fournissant des instruments solides aux États Parties pour lutter contre ce type de trafics. La Convention Medicrime impose aux Parties d’ériger en infractions pénales, la fabrication intentionnelle, détail important car le caractère intentionnel est parfois difficile à prouver, de produits médicaux, de substances actives, excipients, éléments matériaux et accessoires contrefaits. La fourniture ou l’offre de fourniture, y compris le courtage, le trafic, y compris le stockage, l’importation et l’exportation de produits médicaux, substances actives, excipients, éléments, matériaux ou accessoires contrefaits sont également couverts. Le rapport présente dans le détail la proportionnalité des peines prévue à cet effet.

Cette convention offre en outre un cadre de coopération nationale et internationale pour lutter contre ce type de trafic, et prévoit des mesures de coordination nationale, des mesures préventives à destination des secteurs publics et privés, et des mesures de protection des victimes et des témoins.

Mais le texte comporte aussi des faiblesses. Il se cantonne pour l’heure aux Etats membres du Conseil de l’Europe – bien que la possibilité pour les Etats-tiers de le signer montre qu’il a vocation à l’universalisation. Par ailleurs, la définition même de la contrefaçon de médicaments ne fait pas véritablement l’objet d’un consensus au niveau international ¬– l’Académie estime préférable de parler de faux médicaments ou médicaments falsifiés. La convention permet également des réserves, inscrites au cœur du texte, ce qui en amoindrit la portée et le volet « entraide judiciaire internationale » aurait pu être renforcé, car ce phénomène est transnational par définition et les magistrats doivent avoir les moyens d’enquêter.

Enfin, le texte prévoit la création d’un organe de suivi chargé de superviser la mise en œuvre de la convention par les Etats parties. Je l’ai rappelé à notre ambassadrice chargée des menaces criminelles transnationales, la France ne devra pas ménager ses efforts pour assurer l’application effective de ce texte, afin que ses dispositions ne demeurent pas des « vœux pieux ». La qualité du circuit pharmaceutique est par exemple un point crucial sur lequel la France a une expertise à faire valoir. Il faut aussi agir sur la demande et pour cela alerter l’opinion publique et sensibiliser les professionnels de santé. La France pourrait coopérer sur ce sujet avec les pays en développement, particulièrement en Asie et en Afrique, où le phénomène est très répandu.

En réalité, l’idéal serait de se doter, à l’OMS, d’un instrument universel de lutte contre les trafics de faux médicaments. Mais les blocages actuels, notamment du côté de quelques grands émergents comme la Chine ou l’Inde, ne permettent pas d’espérer à court terme l’adoption d’un tel texte. Il est donc préférable d’adopter une démarche progressive.

Dans cette perspective, la convention Medicrime peut être un outil précieux pour convaincre certains pays émergents et d’autres pays en développement de la pertinence de la lutte contre les trafics de médicaments falsifiés. Comme le soulignait M. Leroy, directeur de l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments, consulté sur ce rapport, la convention est un outil de première importance, notamment du fait de l’homogénéisation des infractions, mais il faudrait une convention au niveau des Nations unies. La France pourrait en ce sens porter ce sujet lors de la prochaine réunion du G7, et à plus long terme, du G20.

Sous réserve de ces remarques, j’émets un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi.

Je vous remercie.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup cher collègue pour votre rapport très complet et précis sur ce très important sujet de santé publique internationale. Je m’excuse auprès de Thierry Mariani, qui doit intervenir, de devoir partir. Marylise Lebranchu peut me remplacer. J’approuverai pour ma part bien sûr ce rapport. Merci, Marylise, d’accepter de venir présider la fin de la réunion, et merci beaucoup cher collègue.

Mme Marylise Lebranchu. Merci Monsieur Mariani. Vous avez la parole.

M. Thierry Mariani. Merci d’abord au rapporteur pour son exposé sur ce texte, que nous avons aussi – je parle en tant que membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – examiné à Strasbourg. C’est un texte ambitieux, il l’a dit. Comme lui, je suis toujours un peu étonné de la naïveté de certains de nos compatriotes qui achètent des médicaments sur des sites internet.

M. Jean-Paul Bacquet. Sans oublier les professionnels de santé qui manquent d’information.

M. Thierry Mariani. Vous avez souligné à juste titre l’extrême faiblesse des sanctions, ce qui fait que ce trafic est à la fois très lucratif et beaucoup moins dangereux que celui de la drogue, pour des conséquences en termes de santé publique tout aussi graves. Une seule question très brève : quelles sont les sanctions prévues aujourd’hui en droit français pour les contrevenants ? Est-ce que cette convention va changer quelque chose ?

Mr Jean-Paul Bacquet. Les sanctions prévues en droit français sont détaillées dans le rapport. Le droit applicable en la matière n’est pas toujours facile à lire, car il est éclaté entre le code pénal, le code de la santé publique, le code de la consommation, le code des douanes et le code de la propriété intellectuelle.

Mme Marylise Lebranchu. Merci au rapporteur pour son exposé. Il est vrai que c’est un dossier extrêmement important. Je rejoins l’inquiétude de Thierry Mariani.

Nous avons eu, pour les contrefaçons d’autre types de produits, énormément de mal à avancer en droit en France, en particulier pour obtenir des instructions de politique pénale qui mettent ces sujets en priorité.

Je pense qu’il faut être prudent sur la naïveté que vous avez évoquée. Celle-ci appelle peut-être un travail de notre part.

Si ce texte est voté, il faudra demander au Garde des Sceaux de signer une instruction de politique pénale pour que des magistrats experts soient nommés, afin que ceux-ci soient à même de mener des enquêtes de ce type à l’international. À chaque fois qu’on a découvert de grands trafics, quelle qu’en soit la nature, c’était grâce à des magistrats spécialisés.

M. Thierry Mariani. L’authenticité des médicaments est un vrai problème. Je reçois un certain nombre courriers demandant à ce que soit établie, ultérieurement et au-delà de cette convention, une sorte de labellisation qui permettrait, en particuliers pour nos expatriés, de distinguer sur internet les bons sites des mauvais. Pour les 100 000 Français qui sont en Asie, la sûreté des médicaments est un vrai problème.

Mme Marylise Lebranchu. Je redonne la parole au rapporteur. On a de plus constaté que parfois, quand des colis de médicaments partent de France vers des expatriés, ils n’arrivent jamais.

M. Jean-Paul Bacquet. Il est important de faire la part des choses. Le mot « contrefaçon » n’est pas adapté. C’est l’expression « faux médicament » qu’il faut employer. Les définitions varient, et les conséquences pénales ne sont pas les mêmes.

Deuxième point sur la naïveté des consommateurs, il faut dire que nous sommes tous naïfs. Je l’ai dit en préambule, je suis un professionnel de santé et je n’avais pas véritablement été sensibilisé à ce problème. Je l’ai d’ailleurs dit à M. Gentilini de l’Académie de Médecine lors de son audition.

J’aimerais pour terminer rappeler leurs recommandations: dénoncer au plus haut niveau de l’État les médicaments falsifiés ; rappeler à son devoir l’OMS ; développer une coordination de tous les organismes ; contrôler la qualité des approvisionnements ; sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé aux conséquences dramatiques de la falsification, ce que nous ne faisons pas. La « naïveté » du consommateur des médicaments n’est rien si le professionnel de santé n’est pas capable de répondre. La sixième recommandation est d’alerter l’opinion publique, ce qui répond partiellement à la question de M. Mariani, c’est-à-dire de rappeler avec force que la baisse du coût des médicaments et la mise en place progressive d’une couverture sanitaire constituent les deux démarches prioritaires pour rendre accessibles les médicaments aux patients les plus démunis.

Mme Marilyse Lebranchu. Je vous remercie. Je mets aux voix le projet de loi n° 3377.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 3377) sans modification.

La séance est levée à onze heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 18 mai 2016 à 9 h 15

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Guy-Michel Chauveau, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Françoise Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Jean-Paul Dupré, M. François Fillon, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Marc Germain, M. Jean Glavany, Mme Linda Gourjade, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, M. Jean Launay, M. Pierre-Yves Le Borgn', Mme Marylise Lebranchu, M. Patrick Lemasle, M. Bernard Lesterlin, M. François Loncle, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Patrice Prat, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. René Rouquet, Mme Odile Saugues, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Excusés. - M. Alain Bocquet, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Gérard Charasse, M. Édouard Courtial, Mme Valérie Fourneyron, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, M. Meyer Habib, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Jean-Claude Mignon, M. Boinali Said, M. Guy Teissier