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Commission des affaires étrangères

Mercredi 6 juillet 2016

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n°88

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente puis de Mme Valérie Fourneyron, secrétaire

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France. 2

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Autriche relatif au statut juridique des personnels de l’armée fédérale autrichienne au cours de leur séjour dans la collectivité territoriale française de Guyane (n° 3722) – M. François Scellier, rapporteur.

Audition, ouverte à la presse, de Mme Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France.

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France.

Issu de la fusion d’Ubifrance, agence chargée de soutenir nos exportateurs, et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), chargée de favoriser les investissements étrangers en France, Business France a été constitué juridiquement le 1er janvier 2015. Son conseil d’administration est en place depuis juillet 2015 : il a d’abord été présidé par Estelle Grelier puis par Seybah Dagoma. Un contrat d’objectifs et de performance a été signé en octobre 2015 avec le Gouvernement et le volet social de la fusion a donné lieu en juin 2015 à un accord d’intéressement. Enfin, un projet d’entreprise a été présenté en février 2016. Toutes les démarches et procédures nécessitées par la fusion ont donc été réalisées à ce jour.

Business France a trois missions principales : d’abord, les exportations ; ensuite, l’attractivité de notre territoire pour les investissements étrangers ; enfin, la communication centrée sur le rayonnement économique de la France.

Nous attendons de vous, madame la directrice générale, que vous nous présentiez un bilan des premiers résultats qui ont pu être obtenus.

Notre commerce extérieur s’améliore. Le déficit a été ramené entre 2014 et 2015 de 58 milliards d’euros à 45 milliards d’euros. L’évolution du cours de l’euro, du cours du pétrole et la politique de compétitivité ont joué dans cette résorption, nous le savons, mais nous aimerions avoir votre analyse sur l’influence respective de ces différents facteurs.

Pour ce qui est des investissements en France, les résultats sont plus mitigés. Il semblerait que le nombre de projets étrangers ayant un impact positif sur notre territoire se soit un peu tassé en 2015 alors que le flux des investissements étrangers est plus dynamique dans d’autres pays européens : l’Allemagne et le Royaume-Uni nous devancent. Nous souhaiterions également avoir votre éclairage sur les conséquences du Brexit.

En matière de communication, vous avez lancé la campagne internationale Creative France, qui accuse un certain retard que Seybah Dagoma a déjà évoqué devant nous.

En dernier lieu, j’évoquerais la question des synergies. Des doutes ont été exprimés ici même par certains membres de la commission sur l’opportunité de la fusion et sur ses apports. Le processus de regroupement doit se poursuivre avec le rapprochement avec d’autres opérateurs, dont Sopexa, agence internationale de communication et de marketing spécialisée dans l’agro-alimentaire.

Enfin, votre agence est soumise comme les autres opérateurs de l’État aux exigences accrues exprimées par le ministère du budget : développement des ressources propres pour compenser le resserrement des crédits budgétaires ; plafonds d’emplois appliqués à tous les emplois, y compris à ceux qui sont financés à partir de ressources propres. Pourriez-vous nous en dire plus sur la question des moyens ?

Mme Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c’est un honneur et un plaisir pour moi, après deux ans à la tête d’Ubifrance et de l’AFII puis de Business France de vous présenter notre bilan ainsi que les perspectives qui s’ouvrent à l’agence, compte tenu des enjeux actuels.

Business France est l’opérateur national en charge de l’internationalisation de l’économie française. La raison d’être de ses 1 500 collaborateurs est d’aller chaque jour chercher de la croissance partout où il y en a dans le monde, sous forme d’exports, sous forme d’investissements étrangers, afin de ramener de la création d’activités, de valeur et d’emplois en France.

Nos trois grandes missions – l’export, qui inclut le volontariat international en entreprise (VIE), la prospection et l’accueil des investissements étrangers ainsi que la promotion de l’image économique de la France – font de Business France un opérateur central, placé au cœur d’un écosystème touffu de partenaires.

Dans quel contexte opérons-nous ? Vous l’avez rappelé, la France est parmi les grands pays exportateurs dans le monde : il se situe au huitième rang pour les biens et au quatrième pour les services. Le montant total de nos exportations en 2015 est de 455 milliards d’euros. La part des exportations dans le produit intérieur brut a doublé en cinquante ans pour occuper une place centrale puisqu’elle représente aujourd’hui 29 %. Les emplois liés aux entreprises internationales, soit sous forme d’exportations, soit sous forme d’investissements, sont au nombre de 6 à 7 millions d’emplois, soit la moitié de l’emploi dans le secteur marchand.

Les défis que nous devons relever sont connus. Si la balance commerciale s’est fortement améliorée l’année dernière, le déficit hors énergie se situe néanmoins à 23 milliards d’euros, principalement pour les biens, la France étant excédentaire de 9 milliards d’euros pour ce qui concerne les services. Notre pays compte aujourd’hui, après des années de baisse et de stagnation, 125 000 entreprises exportatrices, soit 4 000 de plus que l’année précédente, mais ce chiffre est à mettre en regard avec les 200 000 entreprises exportatrices italiennes ou les 400 000 allemandes. Le tissu économique de l’export est plus limité en France.

Situation plus préoccupante encore, l’exportation est concentrée sur un petit nombre d’entreprises, les grands groupes, ce qui nous handicape par rapport à nos amis et concurrents européens. Les 1 000 entreprises les plus importantes à l’export réalisent 70 % de l’export français et les 10 000 plus importantes, 95 %. Notre premier défi est d’aider plus d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) et de petites et moyennes entreprises (PME) à intégrer de façon durable et réussie la dimension internationale et l’export au cœur de leurs stratégies. Il faut prendre en compte cette spécificité historique du faible nombre d’ETI en France.

Enfin, nous souffrons d’un déficit d’image, plus accentué en Europe et en Amérique qu’en Asie, qui pèse sur notre attractivité bien que nous ayons enregistré des résultats en ce domaine. La France se situe derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni pour les investissements mais au premier rang pour l’investissement industriel et pour la recherche et développement. Notre attractivité perçue est supérieure à notre attractivité réelle, ce qui freine des investissements potentiels.

La fusion qui a conduit à la création de Business France a été décidée à la suite de nombreux rapports parlementaires et du rapport d’Alain Bentéjac et Jacques Desponts, qui a eu une importance considérable. Le Président de la République l’a annoncée le 17 février 2014 dans le cadre du Conseil stratégique de l’attractivité. Cette opération visait un double but : simplifier le paysage pour les entreprises, qui se plaignent souvent à juste titre de la multiplicité des interlocuteurs ; accroître l’efficacité et les synergies. Je vous donnerai un seul chiffre, peu connu, qui vous permettra de mesurer l’importance de cette fusion : 30 % de l’export français est réalisé par les filiales de groupes étrangers en France. Et lorsque nous allons voir des investisseurs dans le monde, nous les incitons à venir en France pour profiter de ses infrastructures, de ses talents mais aussi pour réexporter vers l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient. Faire de la France un hub est un atout supplémentaire.

En juin 2014, nous avons lancé le processus de fusion. Je voudrais saluer ici l’action de Jean-Paul Bacquet qui, en tant que président du conseil d’administration d’Ubifrance, a accompagné le processus, puis d’Estelle Grelier, qui a présidé le conseil d’administration de Business France pendant neuf mois avant d’être nommée secrétaire d’État, enfin de Seybah Dagoma que nous avons eu le plaisir d’accueillir le 12 mai dernier. Le conseil d’administration compte parmi ses membres des représentants du Parlement, des représentants des conseils régionaux, des représentants de l’État, des entreprises et du personnel.

Business France a trois tutelles : le ministère des affaires étrangères et du développement international, le ministère de l’économie et le ministère en charge de l’égalité des territoires. Avec elles, nous avons décidé de procéder à une fusion juridique, comptable et financière rapide. Les travaux ont commencé en juin, alors même que ni le décret ni la loi n’avaient été publiés, et la fusion a été effective le 1er janvier 2015. Il importait de mettre en place une équipe rassemblée en un même endroit capable de mettre en œuvre tous les aspects de la fusion. Le plan d’action que nous avons lancé il y a dix-huit mois vient de s’achever le 30 juin et je suis heureuse de pouvoir vous rendre compte aujourd’hui de l’achèvement des diverses phases de la fusion.

Nous avons opéré une fusion des réseaux de l’export et de l’investissement en septembre 2015. Nous avons adapté le nouveau réseau au nouveau paysage économique international en ouvrant notamment des bureaux en Iran, au Nigeria, au Kenya, en Éthiopie et en renforçant notre présence en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne, zones quelque peu sous-investies dont les perspectives de développement économique sont très prometteuses.

Nous avons refondé notre Intranet, outil très important de coopération interne, et préparons une nouvelle mouture du site Internet qui sera mise en ligne dans le courant du mois de juillet.

En outre, nous avons mis en place la gestion budgétaire et comptable publique et une comptabilité analytique.

Enfin, fait très important, nous avons signé avec les organisations syndicales onze accords collectifs depuis deux ans, dont l’accord d’adaptation qui régit les statuts du personnel et leur harmonisation. Ces onze accords, je tiens à le souligner, ont tous été signés à l’unanimité des organisations syndicales. Cela explique qu’un sondage effectué par un organisme indépendant auprès de l’ensemble des personnels montre que 85 % des collaborateurs disent comprendre le sens de la fusion, ce qui n’était pas un résultat acquis car elle suscitait beaucoup de doutes en interne. Nos clients et nos partenaires la plébiscitent également.

Cette fusion ne s’est pas arrêtée à l’AFII et Ubifrance puisque, grâce à l’action de nos tutelles et du ministère de l’agriculture, nous avons amélioré la lisibilité des dispositifs dans le domaine de l’agroalimentaire. Cette évolution était attendue, compte tenu du fait que SOPEXA, société privée ayant une délégation de service public, et le département d’Ubifrance consacré aux agrotechnologies étaient plus ou moins en concurrence. À partir du 1er janvier 2016, toute l’activité de SOPEXA liée aux salons, aux relations d’affaires, aux mini-expositions sera transférée à Business France. Dans cette perspective, treize de ses salariés ont été intégrées depuis le 1er juillet dans nos effectifs. Un opérateur unique accompagnera près de 4 000 entreprises du marché agro-alimentaire dans les marchés internationaux.

Pour réussir une telle fusion, le plus important est la mobilisation interne. Nous avons élaboré avec le personnel un projet d’entreprise ambitieux intitulé « Trajectoire », qui repose sur la performance dans les relations avec les clients, les synergies entre les métiers, les partenariats, le cadre budgétaire et les compétences des collaborateurs. Permettez-moi d’insister sur une chose essentielle à mes yeux : la richesse de Business France, ce sont ses collaborateurs. Répartis dans soixante-douze pays, ils sont au nombre de 1 500 et, fait unique pour une agence nationale, sont de cinquante nationalités différentes : pour moitié, de nationalité française ; pour l’autre, de nationalité étrangère, francophones, francophiles, amis de la France. Il est très important pour un investisseur ou un exportateur de pouvoir compter sur une personne qui maîtrise la langue et le code des affaires d’un pays, c’est une valeur ajoutée très précieuse. Ils sont 80 % à venir du secteur privé et 20 % du secteur public, tous fédérés par une même volonté de conduire une mission d’intérêt général. Dans quarante-quatre autres pays, nous avons des accords de sous-traitance. Le sondage que j’évoquais a montré que 95 % des collaborateurs trouvaient leur travail intéressant ou très intéressant : c’est notre plus grand trésor.

La stratégie partenariale est un élément majeur de notre action depuis deux ans. En devenant l’opérateur de référence, Business France prenait une responsabilité opérationnelle de bonne coopération avec l’ensemble du secteur public et privé qui agit en matière d’export et d’investissement.

Je soulignerai quatre accords principaux.

Le premier nous lie avec la Banque publique d’investissement. Dans le cadre du pacte de compétitivité et d’emploi, il nous a été demandé de travailler avec Bpifrance pour renforcer 1 000 PME et ETI de croissance. Nous sommes déjà au-delà des objectifs visés et sommes très satisfaits de ce partenariat dont les entreprises nous disent qu’il constitue un véritable accélérateur. Pouvoir trouver au même endroit, au même moment, à la fois les conseillers pour les marchés que sont les collaborateurs de Business France et les banquiers et bientôt les assureurs – puisque les garanties publiques de la COFACE vont bientôt être intégrées à la BPI – que sont les collaborateurs de Bpifrance est un formidable atout.

Le deuxième accord est celui que nous avons noué avec les organismes consulaires le 11 mars 2015, sous l’égide de nos ministères de tutelle. Nous avons signé un accord avec le réseau consulaire français ainsi qu’avec les réseaux consulaires privés à l’étranger. En France, cet accord a été décliné dans toutes les régions et nous avons pour ambition commune d’accompagner 3 000 entreprises en plus des 10 000 que nous accompagnons déjà. À l’étranger, les collaborations supposent de passer des accords pays par pays : nous en avons signé à ce jour avec quarante-trois pays sur les cinquante où nous avons à intervenir en commun auprès des entreprises.

Le troisième accord a été passé avec les régions. Ubifrance comme l’AFII travaillaient déjà avec elles mais nous avons souhaité, dès l’année dernière, en collaboration avec l’Association des régions de France (ARF), signer un accord en juin pour montrer que nous travaillons désormais en couvrant l’ensemble du champ, que cela soit l’export, l’investissement ou la promotion des territoires et des entreprises. Cet accord nous a donné un point d’ancrage avant la réforme territoriale. Nous avons avancé dans les discussions et nous conclurons d’ici à quelques semaines un nouvel accord avec l’ARF comme avec chacune des treize régions.

Le quatrième accord nous lie aux conseillers du commerce extérieur, au nombre de 4 500. Ils peuvent jouer un rôle important de promotion de l’attractivité et du volontariat international en entreprise.

Enfin, il faut citer toute une série de partenaires : Atout France, Expertise France, l’Agence française de développement (AFD), le MEDEF. Nous sommes en discussion avec les opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) et nous allons établir un partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la francophonie représentant 20 % de nos opérations collectives.

L’action de ces divers acteurs est mise en valeur sur le portail franceinternational.fr qui les rend plus lisibles pour les entreprises.

La négociation du contrat d’objectifs et de performance (COP) a été un moment fort de l’année 2015. Signé avec les ministres en octobre dernier, il fixe pour trois ans divers objectifs chiffrés. Il est à souligner que lors de sa première année d’existence, en dépit des efforts que toute fusion requiert, Business France a dépassé tous les objectifs du COP, alors même que ceux-ci étaient supérieurs aux objectifs cumulés des COP d’Ubifrance et de l’AFII.

Nous avons ainsi accompagné 9 750 entreprises à l’export à travers 500 opérations collectives, dont 150 pavillons France dans les grands salons. Dans les six mois, 47 % des entreprises ayant bénéficié de nos prestations ont signé un ou plusieurs courants d’affaires – soit une augmentation de neuf points – et 75 % ont noué des nouveaux contacts commerciaux.

Pour le volontariat international en entreprise, ce COP comporte une ambition forte : atteindre l’objectif de 10 000 volontaires internationaux en entreprise d’ici à 2017 – en 2015, la barre des 9 500 a été franchie pour la première fois.

Pour ce qui concerne le développement des investissements étrangers en France, l’objectif du COP a été dépassé de 11 % et nous avons fortement progressé puisque nous avons accompagné, en liaison avec les régions, 522 projets d’investissements sur les 962 concernant la France, soit 54 %. Ces investissements ont permis de maintenir ou de créer 33 000 emplois en France, dont 14 000 relèvent des projets accompagnés.

En matière de communication, outre les différents rapports que vous recevez régulièrement, nous avons participé à plus de 600 opérations. Nous avons lancé une collection que nous appelons entre nous les « incollables de l’attractivité » : édités en neuf langues, ces documents sont diffusés très largement à travers le monde et sont destinés à tous les opérateurs et institutions liés à la France, qu’il s’agisse des ambassades, des services économiques, de nos collaborateurs, des conseillers du commerce extérieur, des chambres de commerce. Ces documents ont pour but de mieux diffuser les chiffres clés, souvent mal connus, relatifs aux divers aspects des investissements – fiscaux, sociaux, financiers. Nous avons publié la semaine dernière un document spécialement consacré à la place financière de Paris. Plus de 5 000 articles de presse ont cité Business France et 30 000 personnes chaque jour suivent notre fil d’information.

Nous avons également lancé des opérations autour de la French Tech, dont le programme d’investissements d’avenir nous a confié la promotion internationale. Je citerai l’opération que nous avons mise en place dans le cadre du Consumer Electronic Show de Las Vegas. L’effet de la fusion s’est fait particulièrement sentir : les équipes dédiées à l’export accompagnaient les start-up dans leur recherche de clients tandis que celles dédiées aux investissements approchaient des investisseurs en capital-risque pour les entreprises ayant besoin de capitaux et l’équipe chargée de la promotion orchestrait la présence de la France, deuxième délégation en nombre de start-up derrière les États-Unis.

Enfin, à la demande du Gouvernement, nous avons lancé en octobre dernier la campagne Creative France, peu visible dans notre pays puisqu’elle est destinée à se déployer à l’étranger, dans dix pays : elle valorise la créativité et l’innovation dans tous les secteurs pour les entreprises de toute taille.

Je terminerai par une note moins optimiste. Cette dynamique positive pourrait en effet être freinée voire remise en cause par l’incertitude budgétaire qui pèse sur l’agence. Notre budget se monte à environ 200 millions d’euros. La subvention d’État a baissé de 17 % en cinq ans et de 8 % pour la seule année 2015, si bien que celle-ci ne couvre à présent plus que 50 % de notre budget et ne nous permet même plus de supporter nos charges de personnel. Autrement dit, nous devons équilibrer notre budget grâce à la recherche de ressources propres. Cela ne constitue pas en soi un problème : que les PME et les ETI paient une partie de nos services nous a obligés à gagner en qualité et à réussir encore mieux, en étant solidaires de leurs résultats. Toutefois cette logique trouve sa limite, le tissu des PME et ETI étant fragile. Aujourd’hui, lorsqu’un euro est investi par la puissance publique pour la création d’emplois et d’activités par l’export et les investissements, nous devons trouver un euro grâce aux entreprises et aux partenariats. Cela veut dire qu’une subvention d’un euro génère un euro, mais cela signifie aussi qu’une baisse de subvention nous prive de deux euros. Si ces incertitudes budgétaires persistent, grevant notre capacité à prévoir, nous devrons accompagner moins d’entreprises à l’export et chercher moins d’investisseurs car nous avons déjà consenti d’énormes efforts de réduction des coûts en interne.

Soulignons que la dotation publique française est particulièrement basse dans le paysage européen : au Royaume-Uni, pays peu réputé pour être centralisateur et étatiste, notre homologue dispose d’un budget de 473 millions d’euros, dont 96 % proviennent de l’État, et en Italie, d’un budget de 188 millions d’euros, à 89 % subventionnés par l’État. Autrement dit, notre budget est d’un tiers voire de moitié inférieur à celui des agences européennes.

Quant au plafond d’emplois, il ne s’applique pas seulement à la partie de notre budget supportée par les subventions publiques mais aussi aux ressources propres, en vertu des règles régissant les établissements publics à caractère industriel et commercial. La moitié de notre budget est constituée de ressources propres et nous ne pouvons pas déployer les ressources humaines correspondantes pour de nouveaux contrats.

La contradiction croissante entre les ambitions et les moyens est le premier de nos soucis. Nous avons établi le COP en nous fondant sur un engagement triennal de l’État de 113 millions d’euros de subventions, la loi de finances initiale les a fixées à 110 millions et aujourd’hui, nous n’en sommes qu’à 100, 7 millions. Il nous sera extrêmement difficile de réaliser nos ambitions si nous ne disposons pas d’un cadre financier plus prévisible.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la directrice générale, vous avez évoqué les rapports de Business France avec divers partenaires, notamment ceux de la francophonie. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la francophonie économique. Le langage des affaires peut-il s’accommoder de la langue française ? Nous pensons au premier chef à l’Afrique, qui compte le plus grand nombre de pays francophones, aux autres pays membres de l’Organisation internationale de la francophonie, mais aussi aux pays qui tout en n’étant pas francophones ont une appétence pour la langue française et le droit français comme certains pays d’Asie ou d’Amérique du Sud.

M. François Scellier. Dans le cadre de la mission d’information sur les investissements étrangers en France que j’ai conduite, il est apparu que les freins principaux qui entravaient leur essor étaient pour l’essentiel l’instabilité des règles fiscales et la lourdeur des charges sociales, dont souffrent également les entreprises françaises. Considérez-vous qu’il existe d’autres freins ?

Par ailleurs, quelles sont d’après vous les causes principales des transferts de sièges sociaux de grands groupes à l’étranger ?

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la présidente, me confirmez-vous que cette audition est ouverte à la presse ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Oui, il s’agit d’une audition publique.

M. Jean-Paul Bacquet. Alors je m’abstiendrai de poser les questions que j’ai formulées tout à l’heure dans un cercle restreint.

Mme Élisabeth Guigou. Je donne maintenant la parole à M. Phillippe Cochet, qui a été rapporteur de la mission d’information sur les faiblesses et défis du commerce extérieur français présidée par M. Axel Poniatowski.

M. Philippe Cochet. Nous pouvons toujours nous plaindre du peu d’ETI que compte la France, la situation ne s’améliorera pas tant que des freins, notamment fiscaux et sociaux, entraveront leur essor.

En matière d’export, il faut distinguer l’export européen du grand export, lequel souffre de carences. Pourriez-vous nous éclairer sur cet aspect ?

Le commerce extérieur français souffre d’un problème majeur : la frilosité qu’éprouvent les banques quand il s’agit d’accompagner des entreprises souhaitant exporter et les diktats de certains pays, notamment les États-Unis, auxquels elles se soumettent pour freiner le développement de certains marchés comme l’Iran. Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer la situation ?

Lors des travaux de la mission d’information, il avait été souligné qu’exporter une première fois requérait un effort considérable. Le problème est qu’il n’y a souvent ni deuxième ni troisième fois. Quels accompagnements proposez-vous aux entreprises de taille moyenne ou intermédiaire pour leur permettre d’exporter à nouveau ?

Nous avions également noté que les régions s’étaient lancées dans des initiatives perturbantes pour Ubifrance : chacune se croyant plus intelligente que les autres déployait des efforts qui venaient concurrencer ceux de l’opérateur. Pourriez-vous approfondir ce point ?

Mme Linda Gourjade. Business France permet aux jeunes actifs de faire une première expérience professionnelle ou de faire évoluer leur carrière grâce au volontariat international en entreprise. En 2015, près de 9 000 volontaires étaient en poste à l’étranger dans seulement 2 000 entreprises – ce qui paraît peu au regard des 120 000 entreprises exportatrices en France.

Vous nous avez indiqué qu’à la suite de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), le partenariat entre Business France et les nouvelles régions se renforçait et qu’un travail était engagé avec l’ARF et les conseils régionaux. Le dispositif du VIE est appelé à prendre de l’ampleur d’ici à 2017, avec la possible participation de ces collectivités, compétentes en matière de développement économique. Avez-vous amorcé des échanges avec les régions à ce sujet ? Quelles seraient vos propositions ?

M. Michel Terrot. J’aurais, madame la directrice générale, deux questions factuelles : quels sont, selon vous, les secteurs géographiques les plus porteurs ? Sur le continent africain, quels sont les deux ou trois pays qui concentrent nos exportations ?

Mme Valérie Fourneyron. Ma première question concerne une économie internationale extrêmement puissante : l’économie maritime et portuaire. Aujourd’hui, près de 90 % des marchandises sont transportées par bateau. La France dispose de la deuxième superficie maritime au monde. Des réformes successives ont conduit à transformer nos ports autonomes en sept grands ports maritimes dotés de conseils de surveillance et de directoires. Vous avez évoqué de nombreux partenariats. Consacrez-vous une réflexion particulière à nos établissements publics portuaires, qui pèsent fortement dans l’économie de notre pays ? Je vous renvoie au récent rapport d’information que Paul Giacobbi et Didier Quentin ont consacré à la diplomatie et à la défense des frontières maritimes de la France.

Ma deuxième question porte sur l’Amérique latine et plus particulièrement la Colombie, à laquelle j’ai consacré un rapport à l’occasion d’un projet de loi relatif à une convention fiscale et d’un projet d’accord sur la protection des investissements. La France est le premier pays étranger en matière d’emplois salariés. Quelle est votre stratégie à l’égard de ce pays et de ses voisins qui pourraient rejoindre le groupe des BRICS – Brésil, Russie, Inde et Chine ?

M. André Schneider. Quelles sont les relations de votre agence avec les organisations d’aides au développement, madame la directrice générale ?

M. Michel Destot. Vous avez beaucoup évoqué l’export, enjeu très important, mais moins l’accueil des investissements étrangers en France. Pourriez-vous nous préciser dans quel sens se déploient vos actions pour les encourager ? Quel rôle jouent dans votre dispositif les métropoles, qui sont le territoire d’accueil privilégié de beaucoup d’investissements étrangers ? Y a-t-il déjà des résultats ? Comment s’opèrent les choix en fonction de telle ou telle thématique ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. J’ajouterai une question à celles, nombreuses, posées par mes collègues. Elle concerne le Royaume-Uni et les conséquences du Brexit auxquelles se consacrera, à l’initiative du président de notre assemblée, une commission transversale composée de membres de plusieurs commissions.

Pour les biens, nous avons avec ce pays un excédent commercial bilatéral qui est parmi les plus importants de nos excédents. Nous échangeons un intense flux de services. Et sommes liés par des investissements directs croisés : la proportion des investissements britanniques dans le stock d’investissements étrangers en France est de 10 %, soit 60 milliards d’euros ; la part des investissements français dans les investissements étrangers au Royaume-Uni représente également 10 % mais recouvre un montant plus important, de 90 milliards d’euros.

Pourriez-vous nous donner votre appréciation des conséquences du vote britannique pour les domaines qui vous concernent ? Quelles actions envisagez-vous alors qu’au Royaume-Uni se manifestent déjà des velléités de réorientation des investissements et de transferts de sièges sociaux ?

Mme Muriel Pénicaud. Je commencerai par évoquer l’export, puis les investissements, et finirai par la géographie et les partenariats.

Pour notre mission d’accompagnement de l’export, nous disposons d’un bijou : le volontariat international en entreprise et je salue l’initiative des parlementaires qui ont eu la bonne idée de mettre en place ce dispositif après la suppression du service militaire. Les volontaires aident véritablement les entreprises à prendre pied sur les marchés étrangers : 75 % d’entre eux décrochent lors de la première année un contrat pour l’entreprise dans laquelle ils sont en poste ; 97 % trouvent un emploi à la fin de leur volontariat. En outre, le VIE génère le capital humain international de demain. L’Association pour l’emploi des cadres (APEC) a montré dans une étude récente que 30 % des cadres internationaux interrogés avaient fait du volontariat international en entreprise.

Nous ne manquons pas de candidats : ils sont au nombre de 85 000 aujourd’hui contre 50 000 il y a seulement quelques années. La plupart sont très diplômés et sont même prêts à quitter l’emploi qu’ils occupent pour se lancer dans cette aventure. Nous sommes face à une génération façonnée par Erasmus et YouTube qui a la passion de l’ouverture internationale. Notre principal problème est de trouver plus d’entreprises où ils pourraient être affectés. Si tous les grands groupes puisent dans le formidable vivier que constitue pour elles le VIE, seules 1 900 PME y ont recours. Beaucoup d’entre elles ne connaissent tout simplement pas ce dispositif. Et quand elles le connaissent, elles estiment souvent que les démarches seront trop compliquées. Elles ignorent que Business France met à leur disposition la base de données où figurent les candidatures, recrute en refacturant et s’occupe des assurances. Une équipe veille vingt-quatre heures sur vingt-quatre aux VIE, qui sont disséminés dans cent trente pays.

Nous avons demandé aux chambres de commerce et d’industrie, aux conseillers du commerce extérieur, au MEDEF, à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) de nous aider à faire connaître ce dispositif, car nos équipes sont surtout présentes à l’étranger. Il y a encore beaucoup à faire.

Les VIE ne bénéficient pas tous du même soutien d’une région à l’autre : certaines n’octroient aucune aide quand d’autres, comme les Pays de la Loire, financent l’intégralité du VIE pour les très petites entreprises et les PME la première année. C’est l’une des questions que nous aborderons avec les nouvelles régions.

S’agissant des entreprises de taille intermédiaire, il me semble important d’inventer un mode d’articulation avec les grands groupes. L’une des forces de l’économie allemande est la capacité des grands groupes à emmener avec eux les ETI sous-traitantes à l’étranger à chaque nouveau contrat. Et en Italie, le caractère très patrimonial du tissu économique fait qu’une branche en amène souvent une autre. En France, les fédérations professionnelles sont très investies dans cette approche, je pense notamment au groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) qui veille à ce que les sous-traitants soient aussi intégrés dans la dynamique de l’export. Ce type de démarche, encore trop marginal, doit se développer.

Nous pouvons nous appuyer aussi sur les pôles de compétitivité, le dispositif des familles prioritaires à l’export, l’Alliance Industrie du futur, l’Institut pour la ville durable Vivapolis, pour encourager des groupements de grandes entreprises à entraîner des PME dont l’expérience à l’étranger est sécurisée par de gros contrats.

J’en viens au grand export. Aujourd’hui, 60 % des exportations françaises sont intra-européennes. Il ne faut pas négliger les marchés européens et les nouveaux marchés qui émergent. L’Europe est la première marche sur laquelle s’appuient les entreprises. Avant d’aller à Shanghai, dans la Silicon Valley ou à Lagos, il est bon qu’elles fassent l’expérience de l’export en Europe. Cela leur permet de se familiariser avec d’autres langues et codes des affaires.

Nous consacrons 35 % de notre réseau à l’export européen et 65 % au grand export. Nous nous concentrons sur des zones qui recèlent beaucoup d’opportunités qui ne sont pas encore assez exploitées par les PME : l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Le grand export réclame un accompagnement sur mesure. Au fil des années, nous notons d’ailleurs un accroissement des demandes d’accompagnement personnalisé. Sur près de 10 000 entreprises que nous accompagnons, 6 000 bénéficient d’un tel accompagnement, dont 1 000 à travers un intense coaching avec BPI. Notre travail de tous les jours est de conseiller les entreprises qui viennent nous voir, qu’elles appartiennent au secteur de l’électronique, de la cosmétique, ou de la viticulture, pour les orienter vers les distributeurs et les importateurs qui pourront donner de l’essor à leur activité.

Les frilosités des banques sont réelles quand il s’agit d’exporter vers certains pays. Je pense à l’Iran : aucune banque française n’est en mesure de prêter des fonds. Nous avons ouvert un bureau à Téhéran en octobre dernier : il connaît un formidable afflux de demandes. La technologie et le savoir-faire français sont très attendus dans ce très beau marché de 85 millions d’habitants. Ce sont des banques non-françaises – canadiennes, italiennes, allemandes –, n’ayant pas le problème de la double compétence, qui accompagnent les PME qui souhaitent exporter là-bas. Le fait que BPI s’investisse beaucoup dans l’accompagnement à l’export sur le plan financier pourra faire évoluer le comportement des banques classiques, qui se sentiront sans doute plus sécurisées.

Vous avez raison, monsieur Cochet, d’insister sur le fait que tout l’enjeu pour les primo-exportateurs est de transformer l’essai. L’exportation, comme l’innovation, suppose un investissement qui ne porte ses fruits que deux ou trois ans après. Les entreprises, la première fois qu’elles tentent d’exporter, signent rarement un contrat tout de suite ou un contrat durable. L’accompagnement des PME est décisif : une entreprise n’apportant pas de valeur ajoutée au marché dans lequel elle veut s’implanter ne réussira pas. Une étude récente a montré que 80 % des entreprises exportatrices sont parmi les plus innovantes et que 80 % des plus innovantes exportent. Le lien entre innovation et internationalisation est profond. Ajoutons que les entreprises qui exportent sont aussi les plus robustes, celles qui emploient le plus et qui embauchent le plus. Exporter suppose de remettre en cause les habitudes acquises : le bouchon d’une bouteille devra avoir une autre forme pour le marché japonais et la teinte d’une crème cosmétique devra être adaptée à la carnation des consommatrices d’un autre marché.

À cet égard, les partenariats seront décisifs. Nous avons projeté à l’international l’essentiel de nos équipes. En France, elles sont partagées entre la direction du volontariat international en entreprise, l’accueil des investissements étrangers, la promotion et le sectoriel. Nous n’avons que quelques personnels en région. Pour ne pas faire de doubles emplois avec l’argent public, nous pouvons nous appuyer sur les chambres de commerce, sous l’égide des régions. Le premier conseil stratégique donné aux PME est décisif. Il faut savoir identifier les entreprises qui ne sont pas prêtes. C’est la raison pour laquelle le travail qualitatif en amont est extrêmement important.

L’économie portuaire et maritime, madame Fourneyron, renvoie à deux enjeux : l’investissement et l’export. Nos infrastructures portuaires figurent parmi nos premières ressources pour attirer les investissements. Nous disposons du meilleur mix d’infrastructures de transports de l’Europe, qu’il s’agisse de Roissy, deuxième aéroport européen en termes de trafic et premier hub logistique – raison pour laquelle Fedex y a installé son pôle pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique –, du réseau ferroviaire, du réseau autoroutier ou des ports. Nous menons un travail avec le port de Saint-Nazaire et avec le port du Havre, avec lequel nous ciblons les relations avec la Chine, et nous rencontrerons bientôt les responsables du port de Dunkerque. La logistique a pris une importance capitale du fait de l’e-commerce. Les entreprises de ce secteur font la différence sur le coût du kilomètre jusqu’à l’utilisateur final : autant il est facile de faire fonctionner une plateforme, autant il est difficile de mettre en place une logistique performante. Notre infrastructure est l’un des arguments forts que nous pouvons mettre en avant auprès de nos interlocuteurs étrangers. Depuis quinze ans, fait peu connu, nous sommes le premier pays pour l’accueil des investissements industriels. L’un de nos atouts, outre la productivité et la qualification de la main-d’œuvre, est la capacité à réexporter grâce aux transports. Nous n’avons pas encore épuisé toutes les possibilités que recèlent les ports mais ils constituent sans nul doute un atout à valoriser pour attirer les investissements et l’export.

S’agissant de l’investissement, précisons que la France compte 20 000 investisseurs étrangers qui représentent 2 millions d’emplois directs, un tiers de l’export français et 28 % de la recherche et développement. Autrement dit, ces entreprises font des investissements à long terme qui irriguent notre tissu économique et notre recherche.

Nous avons identifié trois priorités en matière d’investissements : l’industrie, la recherche et développement et les sièges sociaux.

Dans le domaine industriel, la France est très attractive. Parmi ses atouts principaux, il y a le marché, la productivité – qui atteint 20 points de plus que le Royaume-Uni –, la qualification de la main-d’œuvre. Le coût du travail pouvait poser problème dans le passé mais grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous nous situons au même niveau que l’Allemagne. Bien évidemment, aucune entreprise ne vient en France pour investir dans le low-cost, c’est la valeur ajoutée, la qualification, l’excellence qui intéressent les investisseurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes presque toujours en compétition avec les Britanniques et les Allemands, parfois les Pays-Bas, et quasiment jamais avec les autres pays d’Europe.

La recherche et développement sont sans doute le meilleur atout sur lequel nous pouvons compter. Il est à souligner que 9 % des investissements étrangers se font précisément dans la R & D, taux supérieur à son poids dans le PIB. Nous rassemblons des talents dans la recherche publique et privée : 80 000 ingénieurs sortis des écoles chaque année, 70 000 étudiants en doctorat, dont 40 % d’étrangers. À cela s’ajoute le crédit d’impôt recherche (CIR) que je vous prie, mesdames, messieurs les députés, de protéger : il est d’une importance décisive. Ce n’est pas un hasard si Facebook a choisi d’installer son premier laboratoire de recherche et développement hors des États-Unis à Paris en 2015. Il n’y a pas de grand groupe technologique au monde, qu’il s’agisse de CISCO, Intel. Microsoft ou Samsung, qui n’ait pas un laboratoire de recherche et développement en France. C’est une force qu’il faut développer.

Après les atouts – marché, infrastructures de transport, logistique, recherche et développement, qualification –, venons-en aux freins. Ils tiennent d’abord à la rigidité du marché du travail, réelle et perçue car il y a aussi un mélange de clichés et de stéréotypes. Les investisseurs sont très surpris de découvrir, par exemple, que le temps de travail des cadres en France est le plus élevé d’Europe avec 44,7 heures par semaine, toutes choses égales par ailleurs. Ils tiennent également à l’instabilité fiscale, très perturbante pour les investisseurs, mais nous avons beaucoup progressé avec la signature de la charte de non-rétroactivité fiscale. Rappelons qu’il n’y a quasiment pas d’investissements étrangers qui ne se fassent pas sur le long terme. Quand Alexion, société américaine de biopharmaceutique, installe un laboratoire de recherche et développement au sein de l’hôpital Necker, elle investit pour trente ou quarante ans.

Notre troisième priorité pour les investissements porte sur les sièges sociaux. Il y a eu des départs, dus principalement à des raisons fiscales. Toutefois, le régime des impatriés est venu compenser ces inconvénients, même si le régime le plus favorable est celui du Royaume-Uni. Il est important qu’il puisse être étendu pour attirer les sièges sociaux qui s’implantent avec des équipes internationales. Il ne faut pas se décrocher de la moyenne européenne en matière fiscale afin de pouvoir faire jouer à plein nos atouts.

Les métropoles, monsieur Destot, constituent l’un des enjeux de nos discussions en cours avec les régions. La loi NOTRE a confié aux régions une compétence renforcée dans le domaine international avec les schémas régionaux de l’internationalisation auxquels nous participons.

Il est important à ce stade de préciser notre processus de prospection. Chaque jour, nos équipes gèrent 30 000 données pour cibler les entreprises qui commencent à s’internationaliser ou qui seraient susceptibles d’être intéressées par nos atouts. Une fois un premier tri effectué, elles se lancent dans des opérations de prospection : 5 000 entreprises ont été ainsi contactées. De ces premiers contacts ressortent 1 300 à 1 400 projets chaque année, pour lesquels nous sommes à 90 % en compétition avec d’autres pays. Il est très rare qu’une entreprise choisisse dès le départ un pays en particulier, à moins qu’elle n’y soit déjà présente – 40 % des investissements proviennent d’entreprises déjà installées. Ces projets sont soumis à toutes les régions : chaque vendredi, dans une salle de marché virtuelle, sont présentés trente à quarante nouveaux projets d’investisseurs. Ils suscitent quatre à cinq propositions d’implantation, à charge pour les régions de travailler avec l’échelon infrarégional pour finaliser leur projet. C’est à ce niveau que l’articulation avec les collectivités territoriales prend son importance. Comme vous le savez, les régions sont en train de structurer leurs d’intervention à l’international. Tout l’enjeu est que l’international et le national, échelons auxquels nous prospectons, puis le régional et l’infrarégional travaillent en continuité.

Certaines régions avaient déployé des agences à l’étranger – l’une d’entre elles a défrayé la chronique puisque l’agence qu’elle avait montée a déposé le bilan. Elles ont renoncé à cette approche, considérant désormais que mieux valait pour elle s’appuyer sur Business France. Autrement dit, notre pays ne s’expose plus au ridicule d’avoir plusieurs agences qui viennent contacter un même investisseur. Pour l’export, dans les salons, les régions, les pôles de compétitivité se mettent de plus en plus sous une bannière commune, celle du pavillon France, ce qui n’empêche pas chaque région de conserver son identité.

Il est bien évident que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura des incidences sur nos plans d’action. Il est un peu trop tôt pour tenter de préciser en quel sens. Le Royaume-Uni est un partenaire très important de la France, pour les exportations – nous avons un excédent bilatéral important – mais aussi pour les investissements, lesquels représentent plus de 10 % des investissements en France – ils ont connu une hausse de 50 % en 2014 grâce à nos actions. Avec les fluctuations du cours de la livre et la fin du passeport européen pour les établissements financiers, la donne change.

C’est l’occasion, sans préjuger des évolutions futures, de mettre en valeur les atouts de la place financière de Paris qui sont mal connus. Peu de gens savent qu’elle représente 1, 8 millions d’emplois, dont 800 000 emplois directs, ce qui la place au deuxième rang en Europe après la City, qu’Euronext rassemble 40 % des échanges au sein de l’Europe. Nos chercheurs et nos mathématiciens sont très prisés par la finance : 750 start-up sur les 10 000 start-up françaises se déploient dans le domaine de la FinTech, du big data, des systèmes de sécurité ou de la simulation. Ce capital de talents constitue un autre de nos atouts. En outre, nous disposons d’une bonne disponibilité de surfaces immobilières, notamment à La Défense et dans le cadre du Grand Paris. En 2015, les transactions ont porté sur 2 millions de mètres carrés pour des prix deux fois et demi moins chers. Le secteur financier, troisième employeur de la région parisienne, comporte beaucoup d’atouts que nous nous attachons à mettre en valeur.

La francophonie représente 20 % de nos 500 opérations collectives. Pour une première expérience, exporter vers un pays francophone met en confiance les entrepreneurs : d’une part, du fait de la langue, car beaucoup sont encore mal à l’aise avec l’anglais ; d’autre part, du fait des règles du droit des affaires, qui se rapprochent des nôtres. En outre, nous disposons du réseau d’ambassades le plus développé au monde pour l’Afrique avec 47 pays où nous sommes représentés. La diplomatie économique est essentielle pour notre action : le triangle d’or liant l’ambassadeur, le service économique et Business France est l’un des grands apports de ces trois dernières années. Les entrepreneurs sont sûrs de pouvoir compter sur des équipes aguerries.

Il ne faudrait toutefois pas que ceux-ci limitent leurs initiatives à l’Afrique francophone car nous sommes attendus aussi dans les pays d’Afrique anglophone et lusophone. Nous avons une équipe spécialisée qui gère les relations avec les grands bailleurs de fonds, comme l’AFD ou la Banque mondiale, et qui aide les entreprises à accéder à un millier d’appels d’offres dans les pays tiers – tout en respectant, bien sûr, la règle du déliement de l’aide. L’aura et le rayonnement de la France dans l’aide au développement peuvent également constituer un levier.

Nous pensons que nous pouvons aller plus loin, de façon plus vigoureuse et construite. Nous sommes en discussion avec l’OIF pour voir comment tirer mieux parti de cet avantage.

Nous avons développé aussi une activité liée à la coopération internationale. Des agences sœurs ou des pays voulant créer des agences analogues à Business France nous demandent de l’aide, financée sur fonds dispensés par l’Union européenne ou par les bailleurs de fonds mondiaux.

Pour ce qui est de l’Amérique latine, le ralentissement de la croissance au Brésil, pays important pour nous, a eu des incidences pour notre activité. Cela dit, nous avons appris avec la Russie qu’il était très important de rester mobilisés dans les pays qui traversent une période difficile. La relation de confiance est essentielle dans les affaires : partir au premier coup de vent, c’est s’interdire de revenir lorsque le soleil brille à nouveau. Nous modifions nos plans d’action mais nous ne désarmons pas. Nous avons renforcé nos équipes en Argentine, en Colombie, pays en effet très prometteur, et au Mexique où la présence française en matière d’export est très forte.

Je terminerai en vous donnant un exemple des synergies créées par la fusion. Du fait de notre rapprochement avec la SOPEXA, nous nous occuperons pour la première fois du salon international de l’alimentation (SIAL), qui se tiendra à Paris en octobre prochain. Nous pourrons à la fois valoriser des exportateurs français, faire venir beaucoup d’investisseurs étrangers intéressés par ce secteur, et faire la promotion de l’image de l’attractivité de la France. À travers des opérations communes mettant en jeu nos trois missions, nous pouvons aider les entreprises à se développer mais aussi accroître le rayonnement économique de la France.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup, madame la directrice générale, d’avoir répondu à ces questions avec autant de précision. Nous sommes très heureux de constater l’engagement de Business France sur ces enjeux cruciaux à nos yeux.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Autriche relatif au statut juridique des personnels de l’armée fédérale autrichienne au cours de leur séjour dans la collectivité territoriale française de Guyane (n° 3722)

Mme Valérie Fourneyron, présidente. Nous poursuivons cette réunion avec l’examen, sur le rapport de M. François Scellier, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Autriche relatif au statut juridique des personnels de l’armée fédérale autrichienne au cours de leur séjour dans la collectivité territoriale française de Guyane.

M. François Scellier, rapporteur. L'accord que j'ai été chargé de vous présenter a un objet très limité, aussi serai-je extrêmement concis.

Cet accord a été signé entre la France et l'Autriche le 4 mars 2015. Il vise à donner un statut juridique protecteur aux personnels autrichiens présents sur le territoire de la Guyane dans le cadre d'échanges militaires entre nos deux pays.

Chaque année, une poignée d'élèves-officiers autrichiens effectue un stage de seize semaines à l'école militaire spéciale Saint-Cyr Coëtquidan. Sur ces seize semaines, deux se déroulent au Centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE) situé – pour des raisons évidentes – en Guyane. Ce sont ces deux semaines par an qui ont motivé la conclusion de cet accord, pour des raisons que je vais vous exposer brièvement.

L'Autriche a proclamé sa neutralité militaire au lendemain de la deuxième guerre mondiale. C'était une condition implicite au retrait des troupes alliées de son territoire. En vertu de ce statut de neutralité, l'Autriche n'est pas membre de l'OTAN. En revanche, elle a une conception assez ouverte de sa neutralité et participe depuis 1995 au partenariat pour la paix de l'OTAN. Les actions de coopération conduites entre la France et l'Autriche sont donc encadrées par la convention sur le statut des forces signée entre les membres de l'OTAN et les membres du Partenariat pour la paix, dite « SOFA PpP ». Or la convention SOFA PpP renvoie à la convention « SOFA OTAN » qui prévoit un statut des forces pour les actions de coopération entre alliés de l'OTAN. Le SOFA OTAN a donc vocation à régir les actions de coopération entre la France et l'Autriche.

Mais le SOFA OTAN n'est applicable que dans l'Atlantique Nord, c'est-à-dire au nord du tropique du Cancer, ce qui exclut la Guyane. Lorsqu'ils se trouvent en Guyane, les militaires autrichiens sont donc soumis aux lois et règlements de la République française. Ils ne bénéficient pas des protections juridiques prévues par le SOFA OTAN, par exemple en cas de dommages ou d'infraction commis par un militaire autrichien en Guyane. Ils ne bénéficient pas non plus des facilités opérationnelles octroyées par le SOFA OTAN, par exemple pour la reconnaissance des permis de conduire.

L'accord que nous examinons a pour unique objectif de combler cette lacune en prévoyant que les stipulations du SOFA PpP – et donc, par extension, celles du SOFA OTAN – seront applicables aux militaires autrichiens lors de leur séjour en Guyane.

Cette initiative paraît de bon sens. Il n'y a pas de raison que les élèves-officiers autrichiens aient un statut juridique différent en France métropolitaine et en Guyane. Et il ne peut y avoir que des avantages à fluidifier nos échanges militaires avec l'Autriche qui, en dépit de sa neutralité, fait preuve d'un certain investissement sur la scène internationale.

J'approuverai donc cet accord et vous encourage à faire de même.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3722 sans modification.

La séance est levée à onze heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 6 juillet 2016 à 9 h 45

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Philippe Baumel, M. Guy-Michel Chauveau, M. Philippe Cochet, M. Édouard Courtial, Mme Seybah Dagoma, M. Jean-Louis Destans, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Paul Dupré, M. Éric Elkouby, Mme Valérie Fourneyron, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Marc Germain, Mme Linda Gourjade, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, Mme Chantal Guittet, M. Benoît Hamon, M. Jean Launay, M. Pierre-Yves Le Borgn', Mme Marylise Lebranchu, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Marion Maréchal-Le Pen, M. Axel Poniatowski, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Gérard Charasse, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Paul Giacobbi, M. Philippe Gomes, M. Meyer Habib, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Patrick Lemasle, M. Bernard Lesterlin, M. Thierry Mariani, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. René Rouquet, Mme Odile Saugues, M. Gabriel Serville, M. Guy Teissier, M. Michel Vauzelle