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Commission des affaires étrangères

Mardi 12 juillet 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n°89

Présidence de Mme Elisabeth Guigou, Présidente

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisation la ratification de la convention de Minamata sur le mercure (n° 3848) – M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur  2

– Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon relatif au transfert d'équipements et de technologies de défense (n° 3849) – M. Jean-Luc Bleunven, rapporteur.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisation la ratification de la convention de Minamata sur le mercure (n° 3848).

La séance est ouverte à dix-sept heures.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous examinons, sur le rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn’, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisation la ratification de la convention de Minamata sur le mercure (n° 3848)

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur. Madame la Présidente, mes chers collègues, il me revient de vous présenter un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention de Minamata sur le mercure.

Cette convention n’est pas anecdotique. Elle vise à réduire les principales sources d’émission et de rejet de mercure et impose des mesures de réduction et de contrôle de ce métal tout au long de son cycle de vie.

La toxicité du mercure est connue depuis l’antiquité, puisque Pline l’Ancien décrivait dès le Ier siècle les symptômes de l’empoisonnement au mercure dans son Histoire naturelle. Ce qui est apparu plus récemment est, d’une part, la toxicité de l’absorption du mercure à faible dose et, d’autre part, l’importance des rejets de mercure dans l’environnement et les conséquences sur la santé de ces rejets.

Le mercure est en effet employé dans de nombreux processus de fabrication industrielle ainsi que dans des activités telles que l’orpaillage, ainsi que pour la fabrication de produits d’usage courant tels que les amalgames dentaires ou, jusqu’à une date récente, les thermomètres médicaux.

Le mercure rejeté circule dans l’air, l’eau ou les sédiments. Les populations particulièrement menacées par la contamination sont notamment celles qui vivent de la pêche à proximité d’une source de mercure. Le syndrome physique et neurologique grave qui touche les personnes contaminées au mercure a reçu le nom de « maladie de Minamata », par référence à la contamination des habitants de la baie du même nom, au Japon, entre 1932 et 1966.

Ainsi, plus qu’une prise de conscience des dangers du mercure qui étaient connus depuis longtemps, c’est la compréhension de la diffusion de ses rejets qui a abouti à l’action récente de la communauté internationale. Plusieurs textes internationaux traitant de la pollution ont ainsi incorporé des dispositions sur le mercure, dont les émissions ont atteint leur maximum historique en 1970.

Afin de mettre fin à la dispersion des normes de limitation de l’usage du mercure, il a cependant été décidé en 2009, lors du 25ème Conseil d’administration (CA) du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), d’établir un instrument unique et juridiquement contraignant encadrant cette substance, démarche qui a abouti en janvier 2013 à l’adoption de la convention de Minamata, en hommage aux victimes de la pollution de la baie du même nom.

Premier accord international depuis douze ans dans le domaine de la chimie et des déchets et première convention ratifiée par les États-Unis dans ce domaine, la convention de Minamata contient trente-cinq articles ainsi que cinq annexes

Les articles 3 à 7 de la convention interdisent l’exploitation de nouveaux gisements de mercure, soumettent le commerce des stocks existants à des restrictions et établissent une liste de produits et de procédés industriels faisant appel au mercure qui devront disparaître à une date butoir. L’article 7 concerne plus particulièrement l’orpaillage.

Les articles 8 à 12 détaillent les obligations des parties en matière de réduction des émissions et de stockage de mercure ainsi que de gestion des sites contaminés.

Les articles 13 à 15 traitent de la mise en œuvre de la convention et de son financement par le Fonds pour l’Environnement mondial, tandis que l’article 16 traite de la protection des populations à risques.

Les articles 17 à 22 traitent de la coopération et des échanges d’informations entre les parties, tandis que les articles 23 à 28 traitent des procédures de règlement des différends et mettent en place une conférence des Parties ainsi qu’un Secrétariat. Les articles 29 à 35 détaillent les modalités d’adhésion et de ratification à la convention.

Enfin, quatre des cinq annexes contiennent des informations d’ordre technique tandis que la dernière annexe détaille les procédures d’arbitrage.

Cette convention aura peu d’effets juridiques puisque la plupart des mesures qu’elle contient figurent déjà dans les droits nationaux ou dans les textes internationaux traitant de la pollution. La valeur ajoutée de ce texte est la mise en place des mécanismes de consultation qui permettront une réduction contrôlée, progressive mais effective et réaliste des rejets de mercure.

La convention de Minamata a été à ce jour signée par 128 états et ratifiée par 28 d’entre eux. Je vous invite donc à approuver ce projet de loi afin que la France puisse à son tour la ratifier, et montre ainsi le chemin quant aux ambitions européennes en matière de lutte contre la pollution par des métaux lourds, et permette, ce faisant, d’adopter pour 2017 le paquet « mercure » présenté par la Commission européenne il y a quelques mois, car il s’agit là d’un renforcement du cadre européen existant qui est nécessaire.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3848 sans modification.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon relatif au transfert d'équipements et de technologies de défense (n° 3849)

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous poursuivons avec l’examen, sur le rapport de M. Jean-Luc Bleunven, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Japon relatif au transfert d'équipements et de technologies de défense (n° 3849).

M. Jean-Luc Bleunven, rapporteur. Madame la Présidente, mes chers collègues, la commission doit se prononcer sur un accord relatif au transfert des équipements et des technologies de défense conclu avec le Japon en mars 2015.

Il s'agit d'un accord plutôt unique en son genre. Je vais vous en exposer brièvement la raison.

Jusqu'à récemment, le Japon avait une doctrine extrêmement stricte pour les exportations d'armement. En pratique, cela avait conduit à exclure toute forme de coopération internationale sur des programmes d'armement, sauf avec son partenaire historique, les Etats-Unis.

Cette doctrine très restrictive découlait du statut militaire singulier du Japon. Après la deuxième guerre mondiale, vaincu et occupé par les troupes américaines, le Japon a inscrit dans sa Constitution l'interdiction de recourir à la force pour régler les différends internationaux et même l'interdiction d'entretenir une force armée. Cet interdit a été assoupli au fil du temps pour permettre au Japon de se protéger, mais ce pacifisme constitutionnel a continué d'imprégner fortement la politique de défense du Japon. Et il a guidé les choix du pays en matière d'exportations d'armement.

Cependant, en 2014, le gouvernement japonais a décidé d'assouplir les règles de ses exportations d'armement. Cette décision est à replacer dans le contexte général d'une révision de la politique de défense du Japon dans le sens d'une plus grande affirmation du pays, face à un environnement stratégique jugé inquiétant. Aussi substantielle que soit cette évolution, elle s'apparente davantage à une normalisation de la position du Japon qu'à une hypothétique résurgence du militarisme japonais pointée du doigt par ses voisins chinois et nord-coréens.

Nous sommes d’ailleurs en pleine actualité puisqu’il y a eu ce dimanche une majorité très large au Sénat japonais pour permettre au Premier ministre de modifier la Constitution.

La meilleure affirmation du Japon passe aussi par le développement de son industrie de défense, qui demeure relativement sous-développée par rapport au niveau technologique du pays. L'assouplissement des règles des exportations d'armement doit permettre au Japon de transférer des équipements et technologies pour conduire des projets de développement ou de production d'armements en coopération internationale.

C'est dans ce contexte qu'intervient l'accord que nous examinons aujourd'hui. L'ouverture de la politique d'exportation d'armements du Japon reste très prudente, et notre partenaire tient à ce que des garanties strictes soient données sur les transferts d'équipements ou de technologies, notamment sur leur utilisation finale et sur l'interdiction de transfert à des personnes ou à des Etats tiers.

Il faut souligner que ces garanties n'ont rien d'inhabituel pour la France, qui les fait toujours figurer dans les arrangements techniques encadrant des projets industriels ou de développement donnés. Mais ces arrangements techniques sont conclus au niveau ministériel. L'originalité consiste ici à inclure ces garanties dans un accord intergouvernemental.

C'est, pour le Japon, un préalable à la conduite de tout programme d'armement en coopération internationale. Notre partenaire a conclu des accords de ce type avec le Royaume-Uni en 2013, l'Australie en 2014, l'Inde et la Malaisie en 2015. D'autres sont en cours de négociation avec les Philippines et l'Indonésie.

Concrètement, quel est le contenu de l'accord signé entre la France et le Japon ? Il prévoit que nos deux pays mettent à la disposition l'un de l'autre les équipements et technologies de défense nécessaires à la conduite de programmes d'armement en coopération ou, plus généralement, d'activités visant à renforcer notre coopération de défense.

Ces programmes d'armement d'intérêt commun ont vocation à être identifiés par un comité bilatéral sur les équipements de défense qui avait été créé dès 2014.

Pour autoriser les transferts d'équipements ou de technologies de défense, l'accord crée un comité conjoint qui rassemble des représentants de tous les ministères compétents en matière d'exportations d'armement des deux Etats. En France, il s'agit des ministères de la défense, des affaires étrangères et de l'économie, ainsi que du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce comité doit approuver les transferts pour qu'ils puissent se tenir.

Il faut signaler que l'accord du comité ne se substitue en rien à la procédure nationale de délivrance des licences d'exportation. Celles-ci doivent être obtenues au préalable, auprès de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.

Outre l'accord du comité conjoint, l'accord prévoit plusieurs garanties pour assurer un usage des équipements et technologies transférées efficace, conforme à la Charte des Nations Unies et à la finalité du programme d'armement commun, ainsi que pour prévenir leur transfert à des tiers. Une clause garantit la protection des informations classifiées communiquées à l'occasion des transferts, conformément aux termes de l'accord de sécurité bilatéral conclu en 2011.

Voilà, en quelques mots, l'essence du contenu de l'accord sur lequel nous devons nous prononcer. Il pose un cadre juridique qui rendra possible le développement de projets industriels ou de recherche communs avec le Japon. Cependant, cet accord n'identifie en rien les projets ni même les domaines dans lesquels cette coopération pourrait trouver à d'épanouir. C'est le rôle du comité sur les équipements de défense qui se réunit deux fois par an depuis 2014.

Or, les progrès de ce comité semblent plutôt modestes. Au bout de quatre réunions, aucun projet concret n'avait encore été identifié. En réalité, le marché de la défense japonais est encore extrêmement fermé pour tout autre partenaire que les Américains, et les industriels japonais ne sont pas habitués à coopérer. Il faudra donc faire preuve de patience avant des projets d'armement de grande ampleur ne voient le jour entre nos deux pays. Le ministre de la défense avait évoqué divers domaines où cette coopération pourrait, à terme, d'épanouir, comme les sonars, les sous-marins inhabités, les robots ou encore la cyberdéfense.

En attendant, il est bon que la France accompagne dès le départ l'évolution de la politique de défense du Japon et sa plus grande ouverture sur les enjeux internationaux. Le Japon est pour nous un allié et un partenaire important, en particulier dans la zone du Pacifique dont il représente la première marine de guerre. En outre, le Japon s'intéresse à l'Afrique – et à l'expertise française en Afrique. Il manifeste son intention de jouer un rôle plus grand dans le maintien de la paix. Enfin, nos deux pays sont réputés pour leurs entreprises de haute technologie. Nous avons donc des terrains communs à exploiter.

Pour toutes ces raisons, je vous encourage à approuver cet accord qui l'a déjà été par le Sénat au mois de juin. D'après le Gouvernement, le Japon n'a pas besoin d'une autorisation parlementaire pour ce texte, mais n'a pas encore transmis son instrument de ratification. L'accord entrera en vigueur dès réception du dernier instrument de ratification et sera tacitement reconduit tous les cinq ans, s'il n'est pas dénoncé par l'une des parties.

Je vous remercie.

M. Michel Terrot. Nous ne voyons pas bien l’intérêt de cet engagement réciproque ni sur quoi il porte. Le Japon est, bien sûr, un pays qui est très allant en ce qui concerne le domaine de la robotique et de la recherche au sens large. Il pourrait y avoir éventuellement une coopération dans le domaine des drones mais nous ne voyons pas la France les solliciter dans ce domaine-là. Je pense, donc, que c’est un accord qui va rester lettre morte ou presque. Je voterai le rapport mais je crains que cet accord n’ait pas de portée pratique réelle. Savez-vous quel est l’état de la coopération militaire et si des échanges de matériels ont eu lieu dans le cadre de l’accord similaire entre le Japon et l’Australie ?

M. Guy-Michel Chauveau. Le Japon a été très marqué par le terrorisme et, à partir de ce moment-là, il y a eu une évolution au Japon et notamment de la Diète de façon à s’inscrire dans un mouvement international. Ils souhaitent participer à des actions et pour cela avoir les moyens de le faire.

Comme la législation japonaise lui interdit actuellement d’intervenir sur différents territoires, le Japon cherche à compenser par le développement notamment en Afrique. De ce côté-là également, il existe des recherches possibles de coopération.

M. Jean-Luc Bleunven. Vous connaissez comme moi le contexte japonais. Il y a une pression très forte de la population pour sortir du contexte d’après-guerre. On peut considérer que les élections récentes montrent une volonté d’évoluer sur cette question. Ce rapport s’inscrit dans cette probable évolution à moyen ou long terme. Il intervient aussi dans un contexte de montée des tensions dans la région, qui se manifeste notamment avec le déploiement de batteries antimissiles en Corée, qui participe à la militarisation de la région, dans un cadre de montée en puissance de la Chine. On peut penser que des évolutions sont à venir dans ce secteur.

Mme la Présidente Élisabeth Guigou. C’est un accord important. Il faut toujours encourager un grand pays à participer davantage aux accords internationaux. Cela ne représente aucun risque pour nous, dans la mesure où nous avons des règles très précises en matière d’exportation d’armement. C’est un accord qui garantit que ces règles soient respectées et je ne vois pour cette raison aucun inconvénient à ce que cet accord soit ratifié. Je comprends la remarque de Michel Terrot. Il est cependant difficile de prévoir à l’avance comment vont évoluer les politiques de défense de nos grands partenaires. À partir du moment où le Japon manifeste une ouverture et que cela peut induire davantage de coopération avec la France, il n’y a pas de raison de se priver de cette ouverture. Au contraire, cela ouvre des opportunités nouvelles.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3849 sans modification.

La séance est levée à dix-sept heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 12 juillet 2016 à 17 heures

Présents. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Luc Bleunven, M. Alain Bocquet, M. Guy-Michel Chauveau, M. Édouard Courtial, Mme Élisabeth Guigou, M. Pierre-Yves Le Borgn', M. François Loncle, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mignon, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Kader Arif, M. Philippe Baumel, M. Gérard Charasse, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Cécile Duflot, Mme Françoise Dumas, Mme Valérie Fourneyron, M. Jean-Claude Guibal, Mme Chantal Guittet, Mme Françoise Imbert, M. Serge Janquin, M. Jean Launay, M. Patrick Lemasle, M. Bernard Lesterlin, M. Noël Mamère, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Michel Vauzelle