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Commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du gouvernement et des services de l’état, notamment ceux des ministères de l’économie et des finances, de l’intérieur et de la justice, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du gouvernement

Mercredi 12 juin 2013

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Charles de Courson, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Rémy Garnier, inspecteur des impôts à la retraite

M. le président Charles de Courson. Nous poursuivons nos travaux en recevant M. Rémy Garnier, inspecteur des impôts à la retraite.

Je vous remercie, monsieur, d’avoir répondu à l’invitation de notre commission.

Comme vous le savez, cette commission d’enquête a pour objet de faire la lumière sur d’éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’État dans la gestion de « l’affaire Cahuzac ».

Mediapart a révélé, dès le 4 décembre, que vous aviez fait état de soupçons relatifs à la détention par Jérôme Cahuzac d’un compte à l’étranger dans un mémoire en défense daté du mois de juin 2008. Nous souhaitons donc comprendre quelles informations étaient en votre possession et qui a eu connaissance des révélations contenues dans ce mémoire.

Avant d’aller plus loin, il me revient de vous préciser que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous remercie de bien vouloir vous lever, de lever la main droite et de dire : « Je le jure. »

M. Rémy Garnier, inspecteur des impôts à la retraite. Je le jure sous réserve du respect du secret professionnel et de l’anonymat de certains aviseurs.

M. le président Charles de Courson. L’article précité couvre cette hypothèse : « Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée (…) Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » Les articles 226-13 et 226-14 fixent les conditions de protection du secret professionnel. Vous pouvez donc prêter serment sans restriction.

M. Rémy Garnier. Un de mes aviseurs ne souhaite pas que son nom soit révélé. L’administration fiscale, je le précise, a recours à des aviseurs qu’elle rémunère parfois et dont elle garantit l’anonymat.

M. le président Charles de Courson. Pour l’instant, je vous demande de lever la main droite et de dire : « Je le jure. »

M. Rémy Garnier prête serment.

M. Rémy Garnier. En préambule, je souhaite réagir aux propos tenus devant vous par certains représentants de la direction générale des finances publiques et par des responsables de leur ministère de tutelle. À les en croire, personne n’a rien vu, rien lu, rien entendu. Pour ma part, je suis en mesure de vous livrer les noms d’une dizaine de personnes qui étaient au courant, ou auraient dû l’être si elles avaient fait correctement leur travail, depuis 2008, 2011 ou 2012. Pour elles, les révélations de Mediapart le 4 décembre 2012 n’auraient pas dû être une découverte : mon mémoire du 11 juin 2008 est en effet passé entre un certain nombre de mains.

Je souhaite en particulier réagir aux propos méprisants, insultants et mensongers de Mme Amélie Verdier, prononcés ici même sous la foi du serment. Mme Verdier m’a décrit comme un « Columbo autoproclamé ». Je la mets au défi de produire une seule déclaration ou un seul écrit où je m’affuble de ce surnom, plutôt flatteur, que je dois davantage à mes résultats qu’à mon imperméable un peu défraîchi !

Mme Verdier qualifie également mon mémoire de « fantaisiste ». Elle m’accuse d’avoir produit des écrits « incohérents » et me décrit comme un « procédurier » contre sa propre administration et contre de nombreux collègues. C’est un mensonge par action, par omission et par insinuation malveillante. Elle oublie de préciser que j’ai engagé ces procédures contre l’administration pour me défendre contre des sanctions disciplinaires arbitraires, répétées et injustes. Et je la mets au défi de produire la liste des collègues que j’aurais poursuivis : c’est un mensonge pur et simple !

Mme Verdier m’accuse également d’avoir pris des libertés avec le secret fiscal et de m’être affranchi des instructions de ma hiérarchie. La cour administrative d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 30 mai dernier, lui apporte un cinglant démenti : elle reconnaît que j’avais parfaitement le droit de consulter ce dossier en me servant du seul outil qui m’était laissé, l’application informatique Adonis, alors que j’étais dans un placard depuis une dizaine d’années.

Mme Verdier reprend des « éléments de langage » émis par divers communicants du ministre Jérôme Cahuzac, par son avocat, Me Gilles August, ou par une certaine presse satirique paraissant le mercredi, et malheureusement répercutés dans tous les médias. Pendant six mois, j’ai subi le tir croisé de ces attaques odieuses. Mais le pire était à venir : interrogé par un hebdomadaire de Lausanne, L’Hebdo, M. Daniel Richer, président du tribunal administratif de Bordeaux, m’a accusé, dans un courrier électronique publié en partie par la journaliste, de délation et effectue rien de moins qu’une comparaison avec la délation sous l’occupation nazie. Il est heureux que tous les magistrats de Bordeaux ne soient pas de ce bois-là ! Je rends d’ailleurs hommage à ceux qui m’ont donné raison dans les quelque douze procédures que j’ai gagnées devant la justice administrative. J’ai également gagné devant la Cour européenne des droits de l’homme et gagné à deux reprises en cassation.

En matière fiscale, je totalise aujourd’hui vingt-huit dégrèvements faisant suite à des impositions abusives. L’administration n’a jamais été en mesure de me redresser d’un centime !

Je veux donc lancer un cri de colère car, pendant ce temps, les fraudeurs rigolent dans notre dos ! Des vérificateurs comme moi se font quotidiennement insulter et menacer. Il y a deux ans, on a menacé un collègue d’Agen de le tuer à l’arme blanche. Un vérificateur a été assassiné à Marseille dans l’indifférence de la hiérarchie et de la direction générale des finances publiques. Je le dis à M. Parini : c’est une honte pour la démocratie, une honte pour la République, une honte pour la France !

Dans un tel contexte, et au risque de passer pour un provocateur, je vous avoue que M. Cahuzac me paraît sympathique, quelle que soit la gravité des fautes qu’on a pu lui reprocher : il a fait des aveux, il a demandé pardon à ceux qu’il avait offensés – j’en fais partie – et, surtout, il a reconnu le piège que l’administration m’avait tendu en 2001 dans le prolongement de l’affaire France Prune, du nom de cette union de coopératives de pruniculteurs que j’avais vérifiée en 1999. Il l’a déclaré dans le journal Sud-Ouest daté du 30 octobre 2011 et il me l’a répété lors de notre entretien du 26 octobre 2012.

Mon destin a croisé celui de Jérôme Cahuzac en trois occasions.

La première fois, c’était en 1999, dans le cadre de l’affaire France Prune.

La deuxième en 2008, au sujet de l’avertissement disciplinaire qu’on m’avait infligé pour avoir consulté son dossier avec l’application Adonis.

La troisième en 2012, pour un entretien en tête à tête.

J’articulerai mon propos autour de ces trois dates, non sans préciser que je laisse à la disposition de votre commission une série de documents qui apportent des preuves manifestes à l’appui de ce que je dis.

En 1999, après que j’ai notifié des redressements à France Prune en décembre 1998, Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne, intervient au plus haut niveau, celui du secrétariat d’État au budget tenu à l’époque par M. Christian Sautter. La vérification étant en cours, cette intervention est quelque peu intempestive.

Dans une note confidentielle dont je vous remets ici une copie, le service juridique de la direction générale des impôts valide d’abord mon analyse du service sans la moindre ambiguïté : « Les pratiques de l’union de coopératives et de sa filiale s’inscrivent manifestement en contradiction avec les usages commerciaux les plus élémentaires. À cet égard, l’intérêt du groupe ne saurait justifier à lui seul de telles pratiques. » Cela n’empêchera pas ma hiérarchie, deux ans après, d’instruire mon procès en soutenant que j’avais fait une application personnelle de la loi fiscale. Sans doute ignorait-elle que j’avais eu ce document confidentiel entre les mains, ce qui lui permettait de raconter n’importe quoi !

M. le président Charles de Courson. Quel est ce document ?

M. Rémy Garnier. Le projet de réponse du secrétaire d’État au député pour rejeter sa requête, préparé par la direction générale des impôts et qui valide intégralement ma position après une analyse approfondie du service juridique – analyse au cours de laquelle, soit dit en passant, je n’ai pas été consulté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Comment vous l’êtes-vous procuré ?

M. Rémy Garnier. Par fuite, sans aucun doute. Il m’a été remis par mon chef de brigade, lequel n’aurait pas dû me le remettre.

Cet épisode a lieu en mars 1999. En juin de la même année, à mon insu, tous les redressements sont abandonnés à l’issue d’une enquête où l’on ne m’a même pas entendu et dont les conclusions sont à l’opposé de ce qui avait été écrit en mars.

M. le président Charles de Courson. Il s’agit de la décision du 2 juin 1999 de M. Christian Sautter.

M. Rémy Garnier. C’est exact. Le problème est que la vérification est toujours en cours. Ce qui met fin à une vérification, c’est la réponse aux observations du contribuable. Je ne serai informé de l’annulation des redressements qu’en novembre, et sommé de répondre dans le sens souhaité par le secrétaire d’État. Dans un premier temps, il s’agit d’un ordre verbal. Je refuse. Je reçois ensuite l’ordre écrit et je n’ai d’autre possibilité que d’accepter, en émettant toutefois des réserves qui seront interprétées plus tard comme quelque peu désobligeantes pour le secrétaire d’État. À l’époque, ma hiérarchie valide ces réserves intégralement et par écrit. Deux ans après, on prétendra le contraire. Je détiens les pièces qui prouvent non seulement qu’elle a approuvé ma position, mais aussi qu’elle a abondé dans mon sens ! Cette affaire m’a valu des félicitations écrites et une augmentation de ma note de 18,25 à 18,5, ce qui me plaçait parmi les meilleurs de ma catégorie – inspecteur du 12e échelon – au niveau national. Contrairement à ce que laisse entendre Mme Amélie Verdier, je n’étais pas le dernier de la classe !

J’ai d’ailleurs apporté une feuille de notation qui montre que j’ai été considéré comme « excellent », voire « exceptionnel », jusqu’à l’affaire France Prune : « vérificateur exceptionnel par sa puissance de travail, par l’approfondissement de ses investigations et analyses » ; « son travail d’une clarté exemplaire et ses facultés de synthèse dans les cas les plus difficiles en font un agent dont la collaboration est particulièrement appréciée » ; « apte au grade supérieur » ; « excellent » dans toutes les cases.

Pour en terminer avec France Prune, je suis réinvesti contre mon gré, en dépit d’un document dans lequel j’explique pourquoi il est inutile de procéder à une nouvelle vérification sur place – document que l’administration, devant le conseil de discipline, prétendra avoir perdu. Mes supérieurs profitent d’une lettre de dénonciation dont le contenu ne me sera révélé que cinq ans plus tard – une « lettre cachée » conduisant à une « lettre de cachet », pour reprendre l’expression des syndicats à l’époque – pour me dessaisir avec la plus grande brutalité et pour me déplacer d’office de la direction régionale Sud-Ouest vers un placard de la direction départementale à Agen. C’est mon premier placard, j’en connaîtrai trois.

J’en viens à la deuxième affaire où mon parcours croise celui de Jérôme Cahuzac, l’« affaire Adonis ». Le 3 avril 2008, après une pré-enquête qui a duré plus d’un an, une procédure disciplinaire est ouverte à mon encontre pour avoir consulté, le 9 mars 2007, le dossier fiscal de M. Cahuzac par le moyen de l’application informatique Adonis. Cette ouverture est décidée par la direction générale à mon insu : je n’en serai informé qu’après la clôture de l’instruction, et c’est à ce moment que je rédige le mémoire intitulé « S’adonner à Adonis », dans lequel il est question du compte suisse de Jérôme Cahuzac et de diverses anomalies dans ses charges et ses revenus déclarés. Ce mémoire dresse le contexte de ces anomalies : les rapports avec les laboratoires pharmaceutiques, l’activité passée au cabinet de Claude Évin, le financement douteux, à hauteur de 4 millions de francs, de l’appartement situé 35, avenue de Breteuil, l’emploi de la femme de ménage sans papiers qui a valu à M. Cahuzac une reconnaissance de culpabilité sans peine. Tous les faits évoqués se sont révélés exacts, à l’exception de la possession de biens à Marrakech et à La Baule – encore étaient-ce là des informations dont je reconnaissais avoir seulement « ouï dire » et dont je demandais la vérification.

Pour ce qui est du compte suisse, je n’utilise pas le conditionnel car mes sources sont fiables. Je pense notamment à un collègue qui a eu l’enregistrement en sa possession et qui m’en a avisé en 2002 ou 2003 – je ne suis pas absolument certain de la date : placé dans un placard, menacé de révocation, définitivement écarté du contrôle fiscal, j’avais à l’époque d’autres chats à fouetter.

En 2006, lorsque je suis affecté à mon troisième et dernier placard, la brigade d’études et de programmation, j’ai tout le loisir d’approfondir la question. Comme il se trouve que Maître Gonelle est aussi mon avocat, je lui pose la question lors d’une rencontre qui n’avait rien à voir avec M. Cahuzac. C’est moi qui l’interroge sur ce compte suisse et non l’inverse. Il me confirme l’existence de l’enregistrement dont il possède deux CD, le contenu précis dudit enregistrement, le fait qu’il en a remis une copie au juge Bruguière. Tout cela me conforte dans l’idée que l’information est solide. Je n’ai pas l’ombre d’un doute quant à la véracité de l’enregistrement et de son contenu.

M. Alain Claeys, rapporteur. Au moment où vous interrogez M. Gonelle, comment savez-vous qu’il détient cet enregistrement ?

M. Rémy Garnier. Il se trouve que le fonctionnaire qui m’a avisé en 2002 ou 2003 est un ami commun.

M. le président Charles de Courson. Le fameux « monsieur X », qui est à la retraite.

M. Rémy Garnier. En effet, mais dont l’épouse est fonctionnaire en activité et craint des représailles, ce qui est parfaitement compréhensible quand on connaît mon parcours.

M. le président Charles de Courson. M. Gonelle nous a même précisé qu’il s’agit de l’ancien président de la Ligue des droits de l’homme de Villeneuve-sur-Lot.

M. Rémy Garnier. C’est le moyen de remonter jusqu’à l’homme.

M. Alain Claeys, rapporteur. Cet ami vous informe donc de l’existence de l’enregistrement et du fait qu’il est en possession de M. Gonelle.

M. Rémy Garnier. Oui. Comme je vous l’ai dit, j’ai alors d’autres préoccupations mais je relance l’affaire lorsque j’ai l’occasion d’en parler avec Michel Gonelle en 2006 et je consulte le dossier de M. Cahuzac le 9 mars 2007.

M. le président Charles de Courson. Ce collègue, d’après vos dires, a eu l’enregistrement en sa possession…

M. Rémy Garnier. Il s’agissait d’une cassette audio.

M. le président Charles de Courson. L’avez-vous vue ?

M. Rémy Garnier. Je n’ai jamais vu ni entendu cet enregistrement avant les révélations de Mediapart.

M. le président Charles de Courson. Votre honorable correspondant vous a cependant dit qu’il en avait un exemplaire.

M. Rémy Garnier. Oui. Mais, comme Maître Gonelle, il s’est montré réticent à me le remettre. La raison en est simple : il savait, étant donné ma réputation, que je l’aurais utilisé tout de suite !

J’en reviens à mon mémoire du 11 juin 2008. Comme vous pouvez le constater, il est adressé à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, selon la dénomination de l’époque…

M. Alain Claeys, rapporteur. Pourquoi ne saisissez-vous pas plutôt le procureur de la République ?

M. Rémy Garnier. J’ai déjà donné et déjà payé ! En l’an 2000, j’avais saisi le procureur de la République en raison de l’urgence, avec l’accord verbal de ma hiérarchie. Peu après, une note du 8 août 2000, signée par le directeur divisionnaire en charge du contrôle fiscal à la direction spécialisée de contrôle fiscal (Dircofi) Sud-Ouest, indique que « les transmissions directes d’informations au parquet sont exclues ». Une deuxième note du 26 septembre 2000 va plus loin : « les transmissions directes d’informations au parquet sont proscrites ».

Mme Marie-Françoise Bechtel. Que dit la suite de ces notes ?

M. Rémy Garnier. Je lis la première : « Les transmissions directes d’informations au parquet sont exclues, sauf circonstances très particulières dont la direction doit être préalablement informée. »

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il est normal de passer par la direction.

M. Rémy Garnier. Non. L’article 40 du code de procédure pénale dit tout autre chose. Or l’agent qui transmet des informations au parquet se voit sanctionné !

M. Alain Claeys, rapporteur. Par la suite, vous écrivez à de nombreuses reprises aux ministres du budget successifs : à Éric Woerth le 13 février 2009, à François Baroin le 23 septembre 2010, le 29 mars 2011 et le 2 mai 2011, à Valérie Pécresse le 8 mai 2012. Confirmez-vous dans ces courriers les révélations concernant Jérôme Cahuzac ?

M. Rémy Garnier. Absolument pas. Permettez-moi de revenir un instant sur l’article 40 du code de procédure pénale. Pour justifier de mauvaises appréciations littérales, mon chef de brigade écrit sur ma feuille de notation pour 2002 : « Il convient de souligner que, dans cette affaire qui s’est conclue finalement par un accord dont il s’attribue seul les mérites, M. Garnier avait dans un premier temps, comme il le rappelle lui-même, saisi directement le procureur de la République. » Comme si c’était une tare !

M. le président Charles de Courson. Vous confirmez qu’il s’agissait d’une autre affaire que l’affaire Cahuzac ?

M. Rémy Garnier. Oui. Ce que je veux montrer, c’est que le système est parfaitement verrouillé lorsque le dysfonctionnement que l’agent veut dénoncer met en cause son supérieur hiérarchique. Je me suis trouvé dans cette situation à maintes reprises puisque j’ai dénoncé une quarantaine d’affaires scandaleuses mettant parfois en cause l’honnêteté la plus élémentaire de certains membres de la haute hiérarchie. Si vous saisissez directement le procureur, on vous sanctionne pour défaut de loyauté ; si vous ne le saisissez pas…

M. Alain Claeys, rapporteur. Nous avons entendu votre réponse, monsieur Garnier.

M. Rémy Garnier. Il y a plus grave : le procureur lui-même estime que l’administration est dans son droit !

M. Alain Claeys, rapporteur. Notre commission, je le rappelle, enquête sur une période précise et sur des faits précis qui concernent le fonctionnement de l’État. Nous ne sommes pas ici pour refaire tout le contentieux qui vous a opposé à votre administration et je n’ai pas de jugement à porter sur cette question.

M. Rémy Garnier. J’entends bien, mais j’ai juré de dire toute la vérité !

Comme lors de l’audition de M. Gonelle, vous semblez croire que la saisine du procureur est la panacée. Vous ne savez pas comment cela se passe à Agen ! Agen, c’est Outreau-sur-Garonne, monsieur !

Laissez-moi vous lire la réponse du procureur : « En ce qui concerne les informations que vous avez transmises au parquet dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale, il m’apparaît que le fait de demander aux fonctionnaires de ce service de ne pas transmettre d’informations au parquet ne constitue pas une infraction. » En d’autres termes, le procureur se dépossède lui-même de ses prérogatives.

M. Alain Claeys, rapporteur. Revenons-en aux faits. Quand avez-vous fait la connaissance de Michel Gonelle ?

M. Rémy Garnier. En 2003 ou 2004 – je ne me rappelle pas la date précise –, lorsque j’ai fait appel à lui pour me défendre au pénal.

M. Alain Claeys, rapporteur. C’est à ce moment-là qu’il devient votre avocat ?

M. Rémy Garnier. Oui.

M. Alain Claeys, rapporteur. Donc ce n’est pas lui qui vous a parlé en premier d’un compte détenu en Suisse par Jérôme Cahuzac : c’est un ami commun dont vous ne souhaitez pas donner le nom.

M. Rémy Garnier. Je n’en ai pas l’autorisation. Sans doute avez-vous la possibilité de remonter jusqu’à lui.

M. Alain Claeys, rapporteur. Après que cette personne vous a informé en 2002 ou 2003, vous demandez confirmation à M. Gonelle, sachant que c’est un ami commun.

M. Rémy Garnier. Je demande cette confirmation en 2006, lorsque je suis investi d’une mission de recherche. À mon sens, la recherche consiste à ratisser large, pas à suivre les directives précises d’une hiérarchie.

M. Alain Claeys, rapporteur. C’est par cet ami, qui a dû avoir accès à l’enregistrement, que vous apprenez que M. Cahuzac a un compte en Suisse ?

M. Rémy Garnier. Oui, et Me Gonelle me confirme en tous points cette information à la fin de 2006.

M. Alain Claeys, rapporteur. Votre mémoire du 11 juin 2008 consacre deux pages à Jérôme Cahuzac, avec des informations qui peuvent se révéler justes mais aussi des ouï-dire.

M. Rémy Garnier. Deux ouï-dire. Ils tombaient un peu à côté de la plaque, je le reconnais, mais je les ai présentés comme des ouï-dire.

M. Alain Claeys, rapporteur. Jusqu’à quel niveau hiérarchique ce mémoire est-il remonté ?

M. Rémy Garnier. La première phase est interne et administrative dans le cadre de l’instruction disciplinaire, la seconde est juridictionnelle, devant le tribunal administratif de Bordeaux en première instance puis devant la cour administrative d’appel. Tout au long de ce cheminement de plusieurs années, au moins une dizaine de personnes, plus ou moins élevées dans la hiérarchie de la direction générale des finances publiques, du ministère du budget et du ministère des finances, ont lu ou auraient dû lire ce document, puisqu’il a été utilisé contre moi.

M. Alain Claeys, rapporteur. Au départ, il est adressé à la direction des ressources humaines de votre ministère ?

M. Rémy Garnier. Je m’adresse au ministre du budget sous couvert de M. Joseph Jochum, directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest. C’est une obligation déontologique : on ne peut passer par-dessus son supérieur hiérarchique.

Le 19 juin 2008, M. Jochum rédige un rapport qu’il adresse à Mme Gabrielle Rochmann, au bureau RH2B (ressources humaines) de la direction générale des finances publiques à Paris.

M. Alain Claeys, rapporteur. Avez-vous ce rapport ? Pouvez-vous nous le communiquer ?

M. Rémy Garnier. Oui.

M. Alain Claeys, rapporteur. Quelle est la fonction de Mme Rochmann ?

M. Rémy Garnier. Elle est aux ressources humaines. Je n’ai pas d’autre précision. Mon directeur, M. Jochum, se montre plutôt réservé sur ma culpabilité. Il propose un simple avertissement disciplinaire.

M. Alain Claeys, rapporteur. Les ressources humaines accusent-elles réception du rapport de M. Jochum ?

M. Rémy Garnier. Oui, bien sûr.

M. Alain Claeys, rapporteur. Avez-vous cet accusé de réception ?

M. Rémy Garnier. Non car c’est à la Dircofi qu’il est adressé.

Le 17 décembre 2008, M. Philippe Rambal, directeur adjoint au directeur général des finances publiques Philippe Parini, prend un arrêté ministériel – par délégation de signature, bien entendu – visant mon mémoire en défense du 11 juin 2008 et prononçant un avertissement pour abus de fonction. J’ai du mal à croire que M. Parini n’a jamais été au courant de cette sanction.

M. le président Charles de Courson. Le directeur adjoint au directeur général des finances publiques a donc eu votre mémoire entre ses mains, puisque ce document est visé par un arrêté signé de sa main.

M. Rémy Garnier. Tout à fait. À ce stade, nous en sommes à cinq personnes : M. Éric Woerth – puisque je m’adresse au ministre et que, s’il n’a pas été saisi, il aurait dû l’être –, M. Jochum, Dircofi Sud-Ouest, Mme Rochmann, bureau RH2B, M. Rambal et M. Parini.

J’en viens à la phase juridictionnelle. La procédure de recours contre un avertissement pour excès de pouvoir est une procédure contradictoire. Tous les mémoires que j’adresse dans ce cadre à la juridiction sont aussitôt communiqués au ministère de l’économie et des finances, notamment au secrétariat général et à la direction des ressources humaines, sous-direction des ressources humaines ministérielles, bureau des services juridiques DRH1A. Cela fait encore quatre personnes qui auraient dû connaître l’existence de ce document, puisqu’elles ont rédigé pour le ministre des mémoires en défense qui m’accusent lourdement.

M. Alain Claeys, rapporteur. Pour l’information de notre commission d’enquête, permettez-moi de lire un extrait du compte rendu de l’audition de M. Philippe Parini :

« M. Alain Claeys, rapporteur. Vous n’avez donc pas été amené à transmettre ce rapport à votre successeur.

« M. Philippe Parini. Pour être plus précis, durant l’été 2008, peu de temps après mon arrivée, j’ai été informé par mon directeur adjoint, en charge des ressources humaines, qu’une procédure disciplinaire avait été engagée par mon prédécesseur à l’égard d’un agent et qu’elle devait être confirmée. À cette occasion, j’ai pris connaissance d’une note destinée à cet adjoint, laquelle n’évoquait que le niveau de la sanction à prendre – blâme, avertissement, etc. La demande de sanction avait d’abord été formulée par le responsable régional, puis transmise à la Direction générale des impôts, qui l’avait validée. Mon prédécesseur l’avait confirmée. Il convient de rappeler que nous procédions à l’époque à la fusion du Trésor public et des impôts. Une des préoccupations était donc d’harmoniser les règles propres aux deux administrations, qui étaient différentes dans presque tous les domaines. Cela explique que des questions de principe se soient posées à cette occasion, alors qu’en temps normal, un dossier de ce type ne remonte pas jusqu’au directeur général.

« La note faisait mention d’un mémoire en défense présenté par l’agent mis en cause. Elle indiquait également les raisons de la procédure disciplinaire : il avait consulté de manière anormale les dossiers d’un certain nombre de responsables ainsi que le dossier fiscal d’un élu local. C’est tout.

« M. Alain Claeys, rapporteur. Il n’y avait pas de nom ?

« M. Philippe Parini. Aucun nom ne figurait dans la note qui m’a été transmise. On ne parlait que de la consultation des dossiers de supérieurs hiérarchiques et de celui d’un élu local, député de la circonscription. Surtout, aucune allusion n’était faite au contenu du mémoire présenté par l’agent mis en cause. Je ne savais donc pas que ce dernier y dénonçait une fraude fiscale.

« M. Alain Claeys, rapporteur. Vous n’aviez donc pas connaissance de l’accusation portée au sujet de M. Cahuzac ? Vous ne pouviez donc transmettre à votre successeur, Bruno Bézard, aucune information spécifique ?

« M. Philippe Parini. En effet. Je n’avais pas connaissance de cette accusation. Je n’ai donc ni agi, ni transmis d’information à M. Bézard. La même réponse vaut d’ailleurs pour les ministres qui se sont succédé. »

M. Rémy Garnier. Il est bien écrit, à la page 9 de mon mémoire : « Il se nomme Jérôme Cahuzac. » Cela ne correspond pas, semble-t-il, avec les explications de M. Parini.

M. Alain Claeys, rapporteur. Selon M. Parini, aucun nom ne figurait dans la note de synthèse qu’on lui avait faite.

Vous avez consulté plusieurs dossiers fiscaux, dont ceux de supérieurs hiérarchiques. Quelle était votre motivation ?

M. Rémy Garnier. Lorsqu’un aviseur m’informe, avec tous les éléments de preuve, qu’un directeur triche sur ses frais professionnels, ou commet de graves insuffisances d’évaluation sur des biens de succession, ou déduit 90 000 euros sans que personne ne lui demande de comptes, alors que ces mêmes directeurs m’ont poursuivi pendant des années – à ce jour, je totalise vingt-huit dégrèvements, parfois pour des sommes dérisoires –…

M. Alain Claeys, rapporteur. Revenons-en à Jérôme Cahuzac, s’il vous plaît.

M. Rémy Garnier. Ce procès que vous me faites a déjà été tranché par la cour administrative d’appel, qui valide intégralement ma position.

M. Alain Claeys, rapporteur. Monsieur Garnier, je ne suis ni juge ni procureur et je ne fais pas de procès ! Je suis un simple parlementaire, comme tous les membres de cette commission.

La troisième et dernière fois que votre chemin croise celui de Jérôme Cahuzac, c’est une rencontre le 26 octobre 2012 à votre demande…

M. Rémy Garnier. Pas à ma demande. Vous vous fondez sur les déclarations de Mme Verdier, qui sont fausses.

M. Alain Claeys, rapporteur. C’est donc Jérôme Cahuzac qui a souhaité vous rencontrer ? Avez-vous évoqué, lors de cet entretien, les accusations formulées contre lui dans votre mémoire du 11 juin 2008 ?

M. Rémy Garnier. Non, à aucun moment. Ce n’était pas l’objet de ma visite.

M. Alain Claeys, rapporteur. Vous dites pourtant que vous n’avez pas demandé à le rencontrer.

M. le président Charles de Courson. Expliquez-nous toutes les circonstances de cette rencontre.

M. Rémy Garnier. Avant cela, il aurait été préférable d’en terminer avec le deuxième épisode. J’étais sur le point de vous donner le nom d’autres personnes qui ont eu le dossier entre les mains.

Mais je réponds à votre question. Le 30 mai 2012, au moment de la campagne des législatives, M. Cahuzac anime une réunion publique dans mon chef-lieu de canton, Laroque-Timbault. Alors que je suis présent dans la salle, un tiers l’interpelle de manière assez virulente sur l’affaire France Prune et sur mon propre sort. M. Cahuzac dit que cette intervention tombe bien puisque M. Garnier, qui est dans la salle, pourra y répondre. Je lance à mon tour une charge contre l’administration fiscale, en rappelant à M. Cahuzac qu’il est désormais le ministre chargé du budget, qu’il y a continuité de l’État, que les litiges pendants devant les juridictions administratives sont intitulés « Rémy Garnier contre le ministre du budget » et que, à ce titre, il se doit de prendre ses responsabilités en mettant un terme à ce scandale qui dure depuis plus de dix ans.

M. le président Charles de Courson. M. Cahuzac vous connaît ?

M. Rémy Garnier. C’était la première fois que je le voyais physiquement.

M. le président Charles de Courson. Alors comment pouvait-il vous reconnaître ?

M. Rémy Garnier. Les journaux ont largement débattu de l’affaire France Prune, ma photo était partout.

M. Alain Claeys, rapporteur. Bref, il vous reconnaît.

M. Rémy Garnier. Avant l’ouverture de la réunion, je me suis trouvé le premier à lui serrer la main au moment où il est descendu de voiture. C’est lui qui est venu vers moi.

M. le président Charles de Courson. Vous êtes donc un homme connu ?

M. Rémy Garnier. Malheureusement. L’affaire France Prune a été un séisme. Au moins une centaine d’articles sont parus dans la presse locale.

M. le président Charles de Courson. Et que vous dit-il ?

M. Rémy Garnier. Après que je l’ai interpellé – ce qui est un peu gonflé de ma part, j’en conviens, mais c’est ma nature –, il me fait la promesse, devant la centaine de personnes qui assistaient à la réunion, de me recevoir dès qu’il en aura la possibilité. Un de ses directeurs de cabinet à la mairie de Villeneuve-sur-Lot vient aussitôt prendre mes coordonnées, me donner son numéro de téléphone mobile, etc.

À partir de ce moment, je fais le siège de la mairie pour obtenir un rendez-vous. Je suis d’abord reçu par M. Yannick Lemarchand. À cet égard, les déclarations de Mme Verdier sont consternantes : comment peut-elle ignorer les fonctions de cette personne ?

M. Lemarchand me reçoit le 16 juillet 2012 pendant deux heures trente, au cours desquelles je lui remets une épaisse liasse de documents comprenant tous les détails du fameux piège que m’avait tendu la hiérarchie au moment de l’affaire France Prune.

M. Alain Claeys, rapporteur. À aucun moment vous ne parlez du dossier du ministre ?

M. Rémy Garnier. À aucun moment je ne parle du compte suisse de Cahuzac. Je ne viens pas pour régler les problèmes de Cahuzac mais pour régler les miens !

M. Alain Claeys, rapporteur. Lui remettez-vous le mémoire ?

M. Rémy Garnier. Non. Je n’apporte que les dossiers concernant mon contentieux personnel avec l’administration fiscale. Je fais valoir que l’administration perd tous ses procès, qu’elle vient de perdre en appel…

M. Alain Claeys, rapporteur. Le mémoire est quand même une pièce importante.

M. Rémy Garnier. Je n’ai pas à mélanger les affaires. Peu avant mon entretien avec M. Lemarchand, la cour administrative d’appel avait confirmé un jugement du tribunal administratif annulant mon exclusion de fonctions prononcée en 2004. C’était une peine gravissime. Savez-vous ce que cela représente, d’être exclu pendant un an sans traitement, sans avoir la possibilité de travailler et en devant supporter des frais d’avocat et de déplacement considérables ?

J’avais gagné mon premier procès en octobre 2009. Qu’à cela ne tienne ! M. Woerth a fait immédiatement appel. Et il a perdu de nouveau !

Ce que je venais dire à M. Lemarchand, c’est qu’il était temps que l’administration tire les conclusions de ces épisodes. Mes revendications tenaient en cinq points.

Premièrement, la sanction des coupables. Chez Renault, quand on a accusé des cadres supérieurs d’espionnage industriel contre leur propre entreprise, l’affaire a été pliée en trois mois ; et moi, au bout de douze ans, j’en suis toujours au même point !

M. Alain Claeys, rapporteur. Revenons-en à notre sujet.

Vous rencontrez donc M. Lemarchand pendant deux heures et demie. Que se passe-t-il ensuite ?

M. Rémy Garnier. Je fais bien comprendre à M. Lemarchand que je ne vais pas m’en tenir là. Je continue à faire le siège de la mairie, notamment auprès de Mme Vidal, secrétaire. On m’informe que le dossier que j’avais remis à M. Lemarchand a été transmis à Mme Marie-Hélène Valente, chef du cabinet du ministre et, de ce fait, placée sous l’autorité directe de Mme Amélie Verdier.

Or Mme Valente a déclaré la semaine dernière à votre commission que, selon M. Cahuzac, j’étais un honnête homme et un bon investigateur. Le confirmez-vous ?

M. le président Charles de Courson. Vous aurez communication du compte rendu de son audition.

M. Rémy Garnier. La divergence de vues entre Mme Valente et Mme Verdier à mon sujet à de quoi surprendre !

M. Alain Claeys, rapporteur. Nous en étions à la transmission du dossier à Mme Valente.

M. Rémy Garnier. On me dit alors qu’elle me contactera pour fixer le rendez-vous.

M. Alain Claeys, rapporteur. C’est elle qui le fixe ?

M. Rémy Garnier. Non. Je n’ai jamais eu personnellement Mme Valente au bout du fil. C’est sans doute une secrétaire qui me donne le rendez-vous avec M. Cahuzac le 26 octobre, pour une durée déjà fixée à trente minutes.

Le jour J, à l’heure H, j’arrive avec mon dossier sous le bras – le même que celui que j’avais présenté à M. Lemarchand – et j’expose à M. Cahuzac les tenants et les aboutissants de ce fameux piège, en lui montrant les pièces écrites qui prouvent que l’administration s’est comportée de façon détestable. Et je peux mettre des noms, d’autant que vous avez entendu certaines de ces personnes. M. Olivier Sivieude, par exemple : il s’est fondé sur des éléments manifestement faux, sur un dossier d’accusation truqué de A à Z, pour faire virer un agent dont le seul tort était de révéler des dysfonctionnements dans son administration.

M. le président Charles de Courson. Revenons-en à notre affaire.

M. Alain Claeys, rapporteur. Le secrétariat de Jérôme Cahuzac vous fixe ce rendez-vous pour le 26 octobre.

M. Rémy Garnier. À la mairie de Villeneuve-sur-Lot, je le précise.

M. Alain Claeys, rapporteur. Avant cela, avez-vous reçu la visite du détective Alain Letellier, comme l’affirme le journal L’Express dans son édition du 15 avril 2013 ? Si oui, pour quelles raisons venait-il vous voir ?

M. le président Charles de Courson. On prétend que M. Letellier aurait été mandaté par Mme Cahuzac.

M. Rémy Garnier. Le 14 septembre 2012, je reçois un appel téléphonique de M. Florent Pedebas, gendarme à la retraite travaillant comme agent de renseignement privé en collaboration avec M. Letellier. Il m’indique que M. Letellier et lui-même souhaiteraient me voir. Rendez-vous est pris le 3 octobre 2012 à Laroque-Timbault. Je les conduis alors à mon domicile.

M. Alain Claeys, rapporteur. Quel était l’objet de ce rendez-vous et qui les mandatait ?

M. Rémy Garnier. D’après ce que j’ai cru comprendre, ils étaient mandatés par Mme Cahuzac. Du reste, dès le début de l’entretien, j’ai senti que je n’étais pas concerné : l’objet était de savoir quelles étaient les relations de Jérôme Cahuzac avec Florence Parly.

M. le président Charles de Courson. Pourquoi vous posaient-ils ces questions ?

M. Rémy Garnier. Des gens souhaitent un rendez-vous, je le leur accorde. Même à la retraite, je suis preneur d’informations pour peu qu’elles puissent servir ma cause. Ce que j’attendais, c’était des informations précises sur les activités suisses. Quoi qu’il en soit, je leur fais comprendre que cela ne m’intéressait pas. Aussitôt, ils en viennent à l’aspect financier du dossier, en particulier aux relations entre Jérôme Cahuzac et les laboratoires pharmaceutiques – dont certains ont été cités – en rapport avec le compte suisse, dont ils connaissaient l’existence. Je crois même me souvenir qu’ils avaient effectué un voyage à Singapour neuf mois plus tôt.

M. le président Charles de Courson. Quel est le but de leurs questions ?

M. Rémy Garnier. Ils veulent que je leur donne des renseignements. En l’occurrence, j’ai pris tous les renseignements qu’ils m’ont fournis et je n’en ai donné aucun.

M. Alain Claeys, rapporteur. M. Letellier est donc au courant du compte suisse.

M. Rémy Garnier. Oui. Ces personnes avaient même des documents sous les yeux, dont une liste de laboratoires qui auraient alimenté le fameux compte. Ils n’ont pas voulu me donner cette liste.

M. le président Charles de Courson. Vous ont-ils dit quelles étaient leurs motivations ? Avaient-ils des instructions ?

M. Rémy Garnier. C’était dans le cadre de la procédure de divorce.

M. Alain Claeys, rapporteur. Pourquoi venir vous voir, alors ?

M. Rémy Garnier. Parce qu’ils pensent que j’ai des éléments à leur donner.

M. le président Charles de Courson. Comment savent-ils que vous existez ?

M. Rémy Garnier. M. Florent Pedebas travaillait auparavant à la brigade de recherche de la gendarmerie de Villeneuve-sur-Lot. Il connaît donc tous mes démêlés avec l’administration fiscale à propos de l’affaire France Prune.

M. Alain Claeys, rapporteur. Villeneuve-sur-Lot est une grande famille !

M. le président Charles de Courson. Comment sait-il que Jérôme Cahuzac détient un compte en Suisse ?

M. Rémy Garnier. D’après ce que je peux déduire, M. Alain Letellier le sait de Mme Patricia Cahuzac. Comme je vous l’ai dit, j’ai compris qu’il s’agissait d’une affaire de divorce, d’autant qu’ils ont ensuite abordé les aspects financiers, me laissant entendre qu’ils avaient fait un voyage à Singapour.

M. Alain Claeys, rapporteur. Pourriez-vous préciser ?

M. Rémy Garnier. M. Letellier, en tout cas, aurait fait un voyage à Singapour, et mes deux interlocuteurs m’ont fait comprendre qu’ils étaient eux-mêmes « filochés » par d’autres détectives privés.

M. Alain Claeys, rapporteur. Cette rencontre a lieu début octobre. Vous voyez M. Cahuzac le 26 du même mois. Quel est l’objet de cet entretien ? Vous ne parlez absolument pas de l’affaire ?

M. Rémy Garnier. Absolument pas. Encore une fois, je viens pour dire à M. le ministre, qui a la haute main sur toute l’administration fiscale, qu’il a reconnu publiquement dans Sud-Ouest que cette administration m’avait tendu un piège et je lui demande d’en tirer toutes les conséquences, à savoir, comme chez Renault : sanction des coupables, réhabilitation et juste indemnisation de la victime, abandon des procédures en cours et, surtout, mise en place d’une protection effective des agents chargés du contrôle fiscal, tant ceux-ci sont parfois maltraités dans l’indifférence totale de la haute hiérarchie.

M. le président Charles de Courson. Que vous répond M. le ministre ?

M. Rémy Garnier. Que j’ai raison sur toute la ligne.

M. Alain Claeys, rapporteur. Avez-vous le sentiment qu’il connaît le mémoire ?

M. Rémy Garnier. Je suis convaincu que non. Je m’attends pourtant au pire : je sais que c’est un boxeur et que, s’il est au courant, il risque de se fâcher !

M. Jean-Marc Germain. Vous ne lui parlez pas du compte ? C’est incompréhensible !

M. Rémy Garnier. Je prends rendez-vous pour régler mes problèmes, pas pour régler ceux du divorce de Cahuzac ! Les tribunaux m’ayant donné raison, je demande au ministre d’en tirer les conséquences. Cela s’arrête là. Je considère que je n’avais pas à parler d’un compte suisse car je serais alors passé pour un maître chanteur, ce que je ne suis pas. Ce n’est pas mon style. Moi, je défends mon honneur. Cela s’arrête là !

M. le président Charles de Courson. Que vous répond le ministre ?

M. Rémy Garnier. « Vous avez raison, l’administration vous a tendu un piège en 2001. » Cela ne fait que confirmer ce qu’il a déjà dit à Sud-Ouest mais cela fait plaisir à entendre ! « Vous gagnerez en justice sur l’essentiel, peut-être pas sur la totalité, de l’avis de mon cabinet. »

M. Alain Claeys, rapporteur. Le cabinet avait en effet demandé une note vous concernant avant ce rendez-vous.

M. Rémy Garnier. À entendre Mme Verdier, il n’a retenu que les appréciations très négatives à mon égard, négligeant complètement tous les éléments que j’avais produits.

M. Alain Claeys, rapporteur. Vous ne rencontrez plus M. Cahuzac après cette date ?

M. Rémy Garnier. Non.

Mais j’ai juré de dire toute la vérité, alors laissez-moi terminer. M. Cahuzac achève l’entretien en m’indiquant que j’ai raison mais que c’est une question d’honneur : « Dans votre propre intérêt, vous devez aller en justice où vous gagnerez, et moi, je n’interviendrai pas. » L’entretien a duré les trente minutes prévues. Le ministre a été parfaitement courtois. Au moment de nous séparer, je lui dis que je suis très déçu et que j’attendais beaucoup mieux.

Circonstance aggravante pour la DGFIP, je reçois peu de temps après des mémoires à charge contre moi émanant du bureau DRH1A et datés du 25 octobre. Les décisions étaient prises avant même mon entretien avec le ministre ! Me sentant trahi, j’écris une lettre ouverte à Cahuzac intitulée « De la posture à l’imposture ».

M. Alain Claeys, rapporteur. Pourriez-vous nous transmettre ce document ?

Une dernière question : les journalistes de Mediapart vous contactent-ils ?

M. Rémy Garnier. M. Fabrice Arfi me téléphone pour prendre rendez-vous avec moi le 14 novembre 2012. Je vais à sa rencontre à la gare TGV et l’emmène chez moi, où nous discutons pendant trois heures.

M. Alain Claeys, rapporteur. Avait-il déjà votre mémoire ou est-ce vous qui le lui remettez ?

M. Rémy Garnier. Quand je l’ai rencontré, il était au courant de mon mémoire. Je lui en ai remis un exemplaire après m’être autocensuré : je réécris un paragraphe où j’évoque des anomalies dans les déclarations fiscales de Jérôme Cahuzac.

M. Alain Claeys, rapporteur. C’est donc vous qui remettez le document à Mediapart.

M. Rémy Garnier. Je crois me souvenir que je remets à M. Arfi un exemplaire ainsi autocensuré.

M. Alain Claeys, rapporteur. Lui parlez-vous de l’enregistrement ?

M. Rémy Garnier. Il en a été question. Je n’ai pas de souvenirs très précis là-dessus.

M. le président Charles de Courson. Lui donnez-vous toutes les informations que vous avez livrées à notre commission ?

M. Rémy Garnier. Je sais qu’il y a un enregistrement. Sans doute M. Arfi est-il revenu voir diverses personnes, mais il ne m’a pas tenu au courant.

M. Alain Claeys, rapporteur. Il est néanmoins reparti avec votre mémoire.

M. Rémy Garnier. Il est reparti avec mon mémoire autocensuré.

M. le président Charles de Courson. Lui avez-vous dit que M. Gonelle vous avait confirmé la véracité des informations de votre aviseur ?

M. Rémy Garnier. Je le pense, même si je n’ai pas le souvenir du détail de ce que je lui ai dit.

M. le président Charles de Courson. Envoyez-vous votre mémoire du 11 juin 2008, adressé à M. Éric Woerth, directement au ministère ?

M. Rémy Garnier. Non. Je l’adresse à la Dircofi Sud-Ouest car le document doit suivre la voie hiérarchique.

M. Hervé Morin. Dans ce cas, le ministre ne risquait pas de le recevoir !

M. le président Charles de Courson. Vous n’avez aucune certitude que le mémoire soit remonté au-delà des bureaux des ressources humaines ?

M. Rémy Garnier. Aucune.

M. Hervé Morin. Vous n’avez pas terminé votre témoignage concernant l’année 2008.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Oui, vous souhaitiez citer quelques noms.

M. Rémy Garnier. Nous en étions à la phase juridictionnelle et aux mémoires que les fonctionnaires du bureau DRH1A avaient rédigés contre moi, allant jusqu’à m’accuser d’outrage. L’arrêt de la cour d’appel de Toulouse sur lequel ils se fondent a été cassé par deux fois, la première pour vice de forme avec renvoi devant ladite cour, la seconde sur le fond. Pourtant, l’administration fait comme si de rien n’était, au mépris de l’autorité de la chose jugée par la plus haute juridiction, et m’accuse d’outrage. Lorsque, pour ma part, j’accuse mon directeur d’avoir commis des faux témoignages en justice et d’avoir suborné des témoins, j’apporte des preuves. Ce n’est pas un outrage, c’est la vérité !

On m’a objecté que « l’exception de vérité ne fait pas obstacle à l’outrage », bref, n’importe quoi ! La Cour de cassation m’a donné raison par deux fois. L’administration n’a pas le droit de se référer à des condamnations annulées ainsi. Outrageants ou pas, je maintiens mes propos dans leur intégralité.

M. le président Charles de Courson. Vous écrivez à Éric Woerth le 13 février 2009, à François Baroin le 23 septembre 2010, le 29 mars 2011 et le 2 mai 2011, et à Valérie Pécresse le 8 mai 2012. Pour le coup, vous vous adressez directement au ministre.

M. Rémy Garnier. En effet. Ce n’est pas la même chose.

M. Alain Claeys, rapporteur. Évoquez-vous la situation de M. Cahuzac dans ces courriers ?

M. Rémy Garnier. Non. Je défends d’abord mon honneur. Chez Renault, je le répète, M. Carlos Ghosn a dû réintégrer ou indemniser les cadres injustement accusés et en licencier les coupables. C’est ce que je demande depuis dix ans à tous les ministres du budget. Le dossier Cahuzac n’est plus mon problème.

J’en viens aux noms que vous demandiez. Au bureau DRH1A, un mémoire est rédigé par M. Pascal Meyrignac…

M. le président Charles de Courson. Vous nous remettrez tous les documents. Les membres de la commission pourront ainsi les consulter.

M. Hervé Morin. Les noms que M. le rapporteur ne vous a pas laissé le temps de citer sont ceux de fonctionnaires des impôts ?

M. Rémy Garnier. Il s’agit d’un élu local et de plusieurs fonctionnaires des impôts.

M. Hervé Morin. Qui est l’élu local ?

M. Rémy Garnier. Jérôme Cahuzac.

M. le président Charles de Courson. Nous adresserons aux membres de la commission ce mémoire dans lequel M. Garnier évoque les actions répréhensibles qu’auraient commises certains de ses supérieurs hiérarchiques ainsi que le cas d’un élu, Jérôme Cahuzac.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Puisque cette audition est ouverte à la presse, il est important que M. Garnier donne les noms.

M. le président Charles de Courson. Évitons les confusions. Les accusations de M. Garnier à l’égard de différents membres de la hiérarchie des services des impôts figurent dans son mémoire du 11 juin 2008. Cet aspect est hors du champ de notre commission d’enquête, mais il peut apporter des éclaircissements sur l’affaire qui nous occupe.

M. Rémy Garnier. Bien que la question soit en effet hors champ, il apparaît qu’un certain nombre de personnes sont au courant. Dans ces conditions, l’étonnement général qui a suivi les révélations de Mediapart le 4 décembre a de quoi intriguer.

J’ai indiqué quelles personnes étaient informées dans la phase administrative puis dans la phase juridictionnelle. Au ministère des finances, donc, M. Pascal Meyrignac rédige contre moi un mémoire en défense daté du 5 mai 2011, M. Marc Le Roux en signe un autre le 25 octobre 2012. Concernant ma demande en indemnisation, Mme Évelyne Ranuccini produit un mémoire en date du 22 novembre 2012 qui se réfère à cette affaire pour me refuser toute indemnisation. Il y a enfin la directrice des ressources humaines, Mme Michèle Féjoz.

M. Gérald Darmanin. Lors de votre long entretien avec M. Lemarchand, directeur de cabinet à la mairie de Villeneuve-sur-Lot et chargé, si j’ai bien compris, des affaires réservées de M. Cahuzac, ne faites-vous pas comprendre à votre interlocuteur que vous connaissez l’existence du compte en Suisse pour obtenir un rendez-vous avec le ministre ?

M. Rémy Garnier. Absolument pas. Ces démarches, je le répète, ont trait à ma propre situation.

M. Gérald Darmanin. En instance de divorce, Mme Cahuzac mandate des détectives privés pour rassembler des preuves et obtenir, on l’imagine, un jugement favorable. Vous nous dites qu’il serait question d’une liaison entre M. Cahuzac et une ancienne Secrétaire d’Etat au budget.

M. Alain Claeys, rapporteur. Nous n’avons pas à formuler de telles allégations.

M. le président Charles de Courson. Mes chers collègues, comme l’hypothèse en a été formulée lors de l’une de nos auditions, la première information, celle de 2001, aurait pu avoir été bloquée par une intervention de la secrétaire d'État au budget de l’époque. Nous auditionnerons les personnes qui se sont occupées de l’affaire à la brigade interrégionale d’intervention (BII) de Bordeaux. S’il faut remonter dans la hiérarchie, nous le ferons. Mais la vie privée de M. Cahuzac ne nous concerne pas.

M. Alain Claeys, rapporteur. Toute autre démarche que celle proposée par le président nous ferait sortir de l’esprit de notre commission, mon cher collègue.

M. Hervé Morin. Le dossier de M. Cahuzac est demandé par la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest en 2001 et y reste bloqué pendant six ans, alors que l’intéressé dépend de l’administration fiscale de Paris. Pourquoi ?

Par ailleurs, les deux détectives privés vous indiquent-ils directement qu’ils connaissent l’existence d’un compte en Suisse, ou est-ce vous qui avez cru comprendre qu’ils le savaient ?

Jusqu’à la rédaction de votre mémoire de 2008, l’existence de ce compte vous est connue parce que M. Gonelle vous a affirmé qu’il détenait un enregistrement. Au cours de la consultation de la base informatique qui vous vaudra la procédure disciplinaire, trouvez-vous des éléments qui corroborent cette affirmation ?

M. Rémy Garnier. On ne trouve sur la base accessible par l’application Adonis que les déclarations d’impôt sur le revenu, la situation du recouvrement, les éventuelles déclarations des tiers déclarants – employeurs, par exemple –, la situation en matière d’impôts locaux. Aujourd'hui, on peut également y consulter des renseignements relatifs au patrimoine – déclaration au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune. Mais on n’y trouve que cela. En consultant le dossier Cahuzac, je savais très bien que je n’avais aucune chance d’y trouver des preuves au sujet d’un compte en Suisse.

M. Hervé Morin. Vous n’aviez pas d’autres sources ?

M. Rémy Garnier. J’avais les informations concordantes émanant de mon collègue et de M. Gonelle.

L’aviseur dont j’ai parlé est allé voir à Bordeaux un collègue aujourd’hui décédé, M. Mangier, qui travaillait à la BII, c'est-à-dire à l’antenne locale de la DNEF (direction nationale d’enquêtes fiscales), non rattachée à la Dircofi. Il lui fait part de ses forts soupçons sur M. Cahuzac et sur le compte suisse. Je précise que les agents de recherche peuvent conduire des investigations sans se cantonner à un territoire ou à une période. À la suite de cette visite, M. Mangier aurait réclamé le dossier.

M. le président Charles de Courson. C’est exact.

M. Rémy Garnier. D’après ce que m’a révélé la DNIF (division nationale des investigations financières) lorsque j’ai été moi-même interrogé, il existe deux versions différentes. La version de M. Mangier, telle qu’il l’a rapportée à mon collègue d’Agen, est qu’il a demandé le dossier mais que Bercy ne le lui a jamais remis.

M. le président Charles de Courson. C’est faux.

M. Rémy Garnier. Mangier étant décédé, on ne peut plus vérifier.

La version donnée par Bercy à la DNIF est que le dossier a été effectivement transmis à Bordeaux, où il est resté six ans sans faire l’objet d’aucune exploitation, avant de revenir à Bercy. Malheureusement, je n’en sais pas plus.

Quant aux détectives, ils avaient l’air sûrs qu’il y avait un compte en Suisse.

M. Hervé Morin. Vous l’ont-ils dit ?

M. Rémy Garnier. Oui, en Suisse ou à Singapour. Ils enquêtaient des deux côtés.

M. le président Charles de Courson. Dans votre mémoire, vous exposez les détails du financement de l’appartement parisien de M. Cahuzac et vous faites état de l’origine douteuse d’un apport de 4 millions de francs. Comment avez-vous eu accès à ces informations ?

M. Rémy Garnier. M. Cahuzac avait donné le plan de financement de l’appartement. Pour un professionnel du contrôle fiscal comme moi, un tel plan paraît tout de suite suspect : la justification ne fait que déplacer le problème, puisqu’elle appelle une justification plus en amont. Il ne suffit pas de dire qu’un parent vous a donné 2 millions, encore faut-il savoir d’où sortent ces millions.

M. le président Charles de Courson. Ces données ne sont pas tirées d’Adonis, je suppose…

M. Rémy Garnier. Je vous remettrai un mémoire que j’ai intitulé « En bloc et en détail » et qui répond entièrement à votre question. J’y explique pourquoi les suspicions que j’avais en 2008 se sont vérifiées après coup.

M. Jean-Marc Germain. Nous ne vous accusons pas d’avoir fait du chantage. Cela étant, nous sommes un peu surpris que, le 30 mai 2012, vous ne parliez pas à M. Cahuzac de la conviction que vous aviez acquise très tôt de l’existence d’un compte en Suisse. Vous ne parlez pas non plus de ce compte à M. Lemarchand lorsque vous le rencontrez en juillet 2012. Et il n’en est toujours pas question lors de votre entretien avec le ministre en octobre 2012. Pourquoi ne faites-vous pas état de cette information ? Il ne s’agit pas d’exercer un chantage, mais d’avoir un échange franc avec lui.

Lorsqu’ils vous rencontrent le 3 octobre 2012, les détectives vous indiquent qu’ils se sont rendus à Singapour. Eux-mêmes sont suivis, nous dites-vous, par une autre équipe d’enquêteurs privés. Avez-vous idée de qui a pu mandater cette deuxième équipe ?

M. Rémy Garnier. Ce sont eux qui m’ont dit qu’ils étaient suivis. Ce n’était pas du tout mon sujet. Leurs problèmes ne m’intéressent pas.

M. le président Charles de Courson. Comment pouvez-vous cependant, en tant qu’inspecteur des impôts, alors que vous détenez l’information et que M. Gonelle vous la confirme en 2006, rencontrer une personne dont vous savez que c’est un fraudeur sans lui en parler ?

M. Rémy Garnier. Premièrement, je suis en retraite. J’ai consacré quarante ans de ma vie au contrôle fiscal, j’ai enfin le droit d’aller à la pêche à la ligne !

Deuxièmement, je viens régler un problème qui concerne ma propre situation. Je ne viens pas faire un contrôle fiscal chez M. Cahuzac.

M. le président Charles de Courson. Vous pouviez simplement lui dire que vous aviez la preuve qu’il détenait un compte en Suisse.

M. Rémy Garnier. J’ai une intime conviction. Ce n’est pas une preuve. Certains journaux ont affirmé que je n’excluais pas l’innocence de Cahuzac. Ce que j’ai dit, c’est que je ne l’exclus pas à 100 %. Je l’exclus à 99 %.

Pour le reste, j’ai fini ma carrière. On m’a assez maltraité comme cela, je ne vais pas m’occuper de ce qui ne me regarde pas. Il existe des services chargés du contrôle fiscal. Je ne vais quand même pas faire leur boulot gratuitement alors qu’on m’a foutu dehors !

Par contre, j’ai un lourd contentieux à régler avec l’administration, qui m’a plus que maltraité. Il n’était pas question, pour autant, de demander à Cahuzac de régler ce problème en échange de mon silence sur son compte.

M. le président Charles de Courson. Nous l’avons bien compris : vous n’avez pas fait de chantage.

M. Rémy Garnier. Non. J’ai seulement dit à M. Cahuzac qu’il avait le pouvoir de décision pour mettre fin à une situation scandaleuse, la mienne. Qu’il ait un compte ou pas… Après tout, je présume qu’il n’est pas le seul à en avoir un !

M. Jean-Marc Germain. Qu’en est-il de la deuxième équipe d’enquêteurs, à laquelle Le Canard enchaîné fait également allusion ?

M. Rémy Garnier. Je n’ai aucune information. Cette équipe, si elle existe, n’a pas cherché à me contacter.

M. le président Charles de Courson. Les deux détectives que vous recevez ne vous disent pas qui peuvent être ceux qui les suivent ?

M. Rémy Garnier. J’ai entendu un nom, un dénommé Moreau, peut-être, à Bordeaux. Ils ont aussi parlé d’agents de renseignement missionnés par un laboratoire pharmaceutique. Mais je n’ai rien de précis à ce sujet.

M. le président Charles de Courson. Un laboratoire qui aurait craint des révélations sur le financement du compte en Suisse de Jérôme Cahuzac ? L’actuel avocat de M. Cahuzac, M. Jean Veil, a affirmé que l’alimentation de ce compte avait deux sources : au moins trois laboratoires pharmaceutiques, mais aussi des versements en espèces en provenance de la clinique d’implantation capillaire.

M. Rémy Garnier. J’ai en effet cru comprendre que les « filochards » étaient missionnés par des laboratoires pharmaceutiques.

M. le président Charles de Courson. On ne vous a pas donné de noms ?

M. Rémy Garnier. Non.

M. Philippe Houillon. Je trouve « gonflé » d’aller demander à un ministre de vous aider à régler votre situation alors même que la consultation de son dossier fiscal est un des éléments qui sont à l’origine de ladite situation et que vous déposez, au cours de la procédure, un mémoire où vous le mettez en cause.

Par ailleurs, vous répétez depuis le début de cette audition que tout le monde savait ou aurait dû savoir. N’avez-vous pas dans l’idée, au moment où vous allez voir M. Cahuzac, que celui-ci sait que vous l’avez mis en cause. Qu’est-ce qui vous pousse à aller lui demander un service alors que vous pouvez légitimement penser qu’il y a un risque qu’il sache que vous êtes au courant ?

Selon les deux détectives que vous avez rencontrés, le compte en Suisse aurait été alimenté par les laboratoires. Avez-vous plus de précisions ?

M. Rémy Garnier. Selon vous, je serais allé demander un service à M. Cahuzac. Je récuse le terme avec virulence. Je viens demander l’application de la loi telle qu’elle a déjà été prononcée à onze reprises par les juridictions administratives ! Chaque fois qu’on me déplace d’office et que la justice ordonne ma réintégration, on me redéplace d’office aussitôt. Après avoir été écarté de la brigade où j’ai exercé le métier de vérificateur avec passion pendant trente ans, il faudra dix ans pour que j’y sois réintégré, deux ans après ma retraite. C’est scandaleux ! Onze condamnations de l’État, vous trouvez cela normal ?

M. Philippe Houillon. Je retire le terme de « service ». Néanmoins, vous vous attendez sans doute à ce que M. Cahuzac vous parle du compte en Suisse.

M. Rémy Garnier. J’ai évidemment prévu le coup. Je pensais qu’il devait être au courant, étant donné que la rencontre avait été préparée pour lui par ses collaborateurs M. Lemarchand, Mme Valente et Mme Verdier.

M. le président Charles de Courson. Avez-vous eu le sentiment qu’il savait que vous saviez ?

M. Rémy Garnier. M. Cahuzac a peut-être des défauts mais il a aussi quelques qualités que tout le monde lui reconnaît : il est franc.

M. le président Charles de Courson. Nous vous laissons la responsabilité de cette appréciation !

M. Rémy Garnier. Il l’a été avec moi, du moins. Je suis absolument convaincu que s’il avait su que je savais, il en aurait parlé. A contrario, le fait qu’il n’en ait pas parlé m’incite à penser qu’il n’était pas au courant. Et, s’il ne l’était pas, c’est parce que la direction générale des finances publiques l’a enfumé. Elle a d’ailleurs enfumé tout le monde, en haut comme en bas, et j’en suis la première victime.

M. le président Charles de Courson. Qu’en est-il des laboratoires ?

M. Rémy Garnier. Il ne faut pas oublier l’affaire de la société Cahuzac Conseil, qui a facturé, de 1993 à 1997 ou 1998, environ 5 millions de francs de prestations.

M. le président Charles de Courson. Comment connaissez-vous ce chiffre ?

M. Rémy Garnier. M. Fabrice Arfi m’a laissé prendre copie des données essentielles des comptes, année par année. Ce n’est un secret pour personne puisque les sociétés ont obligation de les publier : il suffit de se rendre au greffe du tribunal de commerce de Paris. M. Arfi avait ces documents.

M. le président Charles de Courson. Il s’agit de la partie française des versements.

M. Rémy Garnier. Oui, c’est la partie émergée de l’iceberg. On constate d’ailleurs que le chiffre d’affaires baisse année après année, ce qui amène à se demander s’il n’y a pas un phénomène de vases communicants, les versements augmentant en Suisse à mesure qu’ils baissent en France. Mais nous sommes là en pleine supposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au moment de l’affaire France Prune, Michel Gonelle est maire de Villeneuve-sur-Lot et concurrent de Jérôme Cahuzac. Est-ce une des raisons pour lesquelles vous le choisissez comme avocat, sachant que vous étiez en conflit dès 1999 avec M. Cahuzac ? En quelle année parlez-vous avec lui de manière précise de l’enregistrement ?

M. Rémy Garnier. En 2006.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les problèmes rencontrés avec France Prune se traduisent par une première mesure disciplinaire à votre encontre.

M. Rémy Garnier. La première mesure disciplinaire remonte à 2001, et M. Cahuzac n’a rien à voir là-dedans.

Mme Marie-Christine Dalloz. En 2002 ou 2003, vous apprenez l’existence d’un enregistrement. Or vous attendez 2006 pour demander à M. Gonelle des précisions à ce sujet.

M. Rémy Garnier. Oui.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant, il est votre avocat avant cette date.

M. Rémy Garnier. Je vous vois venir : je suis le suspect idéal !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas du tout ! Je souhaite seulement comprendre.

M. Rémy Garnier. Je suis le suspect idéal pour trois raisons.

Premièrement, puisque Cahuzac a effacé des redressements en 1999, on m’accuse d’avoir voulu me venger. Deuxièmement, je mentionne le compte suisse dans mon mémoire de 2008. Troisièmement, je suis encore censé vouloir me venger après le rendez-vous du 26 octobre, puisqu’il n’a pas donné suite à ma requête.

J’en reviens à votre question.

En 1999, M. Cahuzac était député, et n’importe quel député de quelque bord que ce soit aurait fait la même démarche. Je n’ai jamais eu le moindre grief contre Cahuzac personnellement. Mais je considère que son intervention et le coup d’éponge donné par Christian Sautter étaient parfaitement illégaux. Je tiens d’ailleurs à votre disposition un document qui confirme mon analyse. Il s’agit d’une ordonnance d’irrecevabilité faisant suite à une de mes plaintes contre la plus haute hiérarchie, signée par Mme Corinne Goetzmann, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris : « Ces interventions ministérielles que la partie civile contestait n’étaient pas susceptibles d’être assimilées à une transaction normale. Elles étaient susceptibles de constituer les délits d’abus d’autorité dirigé contre l’administration, de concussion et d’opposition à fonctions. »

Mme Marie-Christine Dalloz. Confirmez-vous par ailleurs que le mémoire en défense rédigé par M. Marc Le Roux, du bureau DRH1A, contre votre propre mémoire de 2008 est daté du 25 octobre 2012, soit la veille de votre rencontre avec le ministre Jérôme Cahuzac ?

M. Rémy Garnier. Tout à fait.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Votre avocat Maître Gonelle et vous-même avez un ami commun, désigné tantôt comme inspecteur des impôts, tantôt comme aviseur, tantôt comme contrôleur. Choisissant une voie informelle, et non l’article 40 du code de procédure pénale ou la divulgation à la presse, Me Gonelle a informé cet ami du message mentionnant le compte en Suisse.

M. Rémy Garnier. J’ai en effet pour avocat Me Gonelle, ancien député-maire RPR de Villeneuve-sur-Lot, ce qui me fait considérer comme suspect. Or, politiquement, je me situe aux antipodes de M. Gonelle : je suis un militant syndical CGT et mon précédent avocat était Me Gérard Boulanger, lui-même président d’une section locale de la Ligue des droits de l’homme. On peut appartenir à des bords différents et posséder un plus petit commun dénominateur, à savoir le respect des lois de la République, de la déontologie et de l’égalité des citoyens devant l’impôt.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’administration fiscale a-t-elle demandé la suppression de tel ou tel passage des mémoires successifs que vous lui avez adressés, au motif qu’ils seraient injurieux ou diffamatoires ? De même, est-il arrivé qu’une juridiction administrative biffe certains passages pour le même motif, ou transmette le mémoire au procureur de la République, estimant que des éléments pouvaient être caractéristiques d’infractions pénales ?

M. Rémy Garnier. Dans une décision qui par ailleurs me donnait raison, le tribunal administratif a censuré deux passages qu’il jugeait diffamatoires. Cela m’a amené à faire appel alors que j’avais obtenu gain de cause. Après deux ans d’instruction et d’échanges de mémoires, la cour administrative d’appel a considéré qu’elle n’était pas compétente en appel et a transmis le dossier en cassation au Conseil d’État. Il m’a alors été demandé de désigner un avocat. J’ai considéré que je m’étais assez ruiné comme cela pendant ces douze années de procédure. Habituellement, je me défends tout seul, sauf au pénal où je suis assisté par Me Gonelle. Bref, je n’ai pas voulu payer un avocat, d’autant plus qu’il n’y avait pas, à mon sens, de motif valable de cassation.

Le premier passage considéré comme diffamatoire concerne un chef de brigade, qui m’a fait virer en 2001…

M. le président Charles de Courson. Je comprends, vu ce que vous avez enduré, que vous soyez très impliqué dans cette affaire. Mais, pour notre part, nous nous occupons de l’affaire Cahuzac et je ne crois pas qu’il y ait de lien.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il y a un lien ! Dans un de vos mémoires, monsieur Garnier, vous dévoilez l’existence d’un compte suisse. L’administration fiscale demande-t-elle la suppression de ce passage ?

M. Rémy Garnier. Non.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Donc l’administration accepte ce passage. Il est important de le savoir.

Quant aux deux passages que vous évoquez, est-ce le juge qui les supprime d’office sans que l’administration l’ait demandé ?

M. Rémy Garnier. Oui. L’administration n’avait pas soulevé cette question.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. MM. Letellier et Pedebas vous auraient indiqué en passant que le compte suisse était alimenté par des versements réalisés par des laboratoires. Pourriez-vous préciser ?

M. Rémy Garnier. Leur dossier était ouvert. Ils ont affirmé avoir la liste des laboratoires qui ont alimenté le compte. Je leur ai demandé s’ils avaient les montants laboratoire par laboratoire, ils m’ont répondu par la négative.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Et le montant global ?

M. Rémy Garnier. Non, même si, à un moment donné, il a été question de 1,5 million d’euros.

M. le président Charles de Courson. Les juges d’instruction auront la réponse par la voie judiciaire.

M. Rémy Garnier. Je précise : il était question de 1 million d’euros au départ, puis de 1,5 million.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je peux comprendre votre amertume et je veux bien croire que vous avez essayé de faire correctement votre travail avant d’être confronté à des blocages.

Cela étant, si l’on considère la chronologie depuis l’affaire France Prune, on se demande pourquoi, neuf ans après, vous faites mention de M. Cahuzac dans un mémoire en défense qui concerne un contentieux vous opposant à votre hiérarchie. Et pourquoi ne mettez-vous en cause qu’un seul élu local ?

M. Rémy Garnier. Mes actions devant la justice administrative répondent à des sanctions que je conteste. Dans ce cadre, je me défends tout seul, sans Me Gonelle. Celui-ci n’est intervenu que sur les dossiers au pénal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Lorsque vous rencontrez M. Gonelle, vous devez bien lui demander confirmation de ce que vous avez ouï dire par un ami commun. Or, d’un seul coup, plus personne n’en parle, et c’est en 2008 que vous revenez à la charge. Pourquoi Cahuzac réapparaît-il à ce moment-là ?

M. Rémy Garnier. Depuis 2001, je vis sous la menace permanente d’une révocation. Croyez-vous que, dans ce contexte-là, le compte suisse de Cahuzac soit ma préoccupation première ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Alors pourquoi en parlez-vous en 2008 ?

M. Rémy Garnier. Lorsque je suis investi de nouveau d’une mission de recherche, je reviens à mon cœur de métier.

À cet égard, il convient de distinguer la mission de recherche, qui consiste à « ratisser large » pour alimenter les brigades de vérification, et la vérification proprement dite. Pour ma part, je suis chargé des recherches, même si l’on ne m’en donne ni les moyens juridiques ni les moyens matériels.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Pouvez-vous récapituler les personnes à qui vous avez dit ou laissé entendre que M. Cahuzac aurait un compte en Suisse ?

M. Rémy Garnier. J’ai rédigé ce document en 2008 mais je n’ai parlé à personne. J’estime avoir fait mon boulot. L’affaire est entre les mains de ma hiérarchie. Moi, j’ai assez à faire à m’occuper de ma défense devant les juridictions. C’est une occupation à plein temps, y compris depuis trois ans que je suis à la retraite. Le compte suisse de Cahuzac, ce n’est pas mes oignons : je défends mon honneur !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je comprends. Néanmoins, n’en avez-vous pas parlé localement, par exemple à la gendarmerie ou à certains de vos amis ?

M. Rémy Garnier. J’ai déjà évoqué l’article 40 du code de procédure pénale et la façon dont la justice fonctionnait à Agen. Mais il y a mieux…

M. le président Charles de Courson. Répondez précisément à la question précise de Mme Bechtel.

M. Rémy Garnier. Je n’ai pas parlé du compte, sauf, évidemment, entre personnes partageant le même secret.

M. le président Charles de Courson. Qui sont ces personnes ?

M. Rémy Garnier. Me Gonelle…

M. Philippe Houillon. Et le président de la Ligue des droits de l’homme ?

M. Rémy Garnier. Bien sûr.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Mais pas de nouveaux enquêteurs ?

M. Rémy Garnier. Si, lorsque j’ai été interrogé par la DNIF au début de janvier 2013, par exemple.

Permettez-moi tout de même faire une observation sur le fonctionnement de la justice. J’ai signalé au procureur de la République un cas de faux en écritures publiques commis par un officier de police judiciaire, c'est-à-dire non pas un délit mais un crime. Le procureur l’a classé sans suite. La justice ne fonctionne pas comme elle le devrait !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Pourquoi ne répondez-vous pas à ma question, qui est purement factuelle ?

M. Rémy Garnier. Je le répète, je n’ai jamais parlé à personne. J’ai rédigé un mémoire et cela s’est arrêté là.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument personne ?

M. Rémy Garnier. À l’exception des enquêteurs de la DNIF, de M. Arfi, de M. Letellier.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Personne dans l’administration fiscale locale ?

M. Rémy Garnier. À ma connaissance, non.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Aucun membre du cabinet de M. Cahuzac à Villeneuve-sur-Lot ?

M. Rémy Garnier. Absolument pas.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Aucun gendarme ?

M. Rémy Garnier. Non. Je ne vois pas où vous voulez en venir.

M. le président Charles de Courson. Monsieur Garnier, merci pour ces précieuses informations.