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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 14 octobre 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 04

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 14 octobre 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

——fpfp——

La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication.

M. le président Patrick Bloche. Nous avons le plaisir d’accueillir pour la première fois depuis sa prise de fonctions Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, la sanctuarisation des crédits de votre ministère pour les trois ans à venir est une très bonne nouvelle, qui montre que la culture est une priorité de l’action du Gouvernement. Vous serez sans doute amenée à nous parler d’un grand texte traitant des enjeux de la culture, qu’il s’agisse de la création ou du patrimoine, mais aussi de la question des intermittents ou du dispositif précieux du financement de la création – sachant que nombre d’acteurs nationaux se sont notamment inquiétés mi-septembre quand Netflix a été officiellement lancé dans notre pays.

Enfin, je vous remercie chaleureusement de l’intérêt que vous avez publiquement manifesté à l’égard des propositions formulées en juillet dernier par la mission d’information sur la création architecturale. Avec les collègues ayant participé à ce travail, nous recherchons en effet un véhicule législatif adapté permettant de mettre en œuvre nos préconisations.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie de votre invitation à venir m’exprimer devant votre commission pour la première fois dans le cadre de mes nouvelles fonctions et de me permettre de vous présenter les grandes priorités qui guideront mon action à la tête de mon ministère pour porter le projet culturel du Gouvernement.

Dans notre contexte actuel de crise économique, sociale mais aussi morale, alors que notre société est traversée par des courants antagonistes qui éloignent les Français les uns des autres et fragmentent notre corps social, nous avons un besoin vital de retisser du lien, de favoriser la rencontre entre nos concitoyens. Alors que la tentation est au pessimisme et au repli sur soi, nous avons aussi besoin d’insuffler un esprit de conquête, à rebours du défaitisme ambiant. Alors que l’avenir inquiète, que nous sommes comme crispés, cramponnés à ce que nous considérons comme nos acquis, nous devons nous tourner vers l’innovation et écouter les nouvelles générations.

C’est la responsabilité des femmes et des hommes politiques de montrer aux Français ce qu’ils ont en commun et de leur redonner confiance. La culture est une force sur laquelle nous pouvons – et devons – compter pour mettre notre société en mouvement. Pour recréer du lien social, pour créer un désir de France, ici et partout dans le monde, pour favoriser le renouvellement des générations et nous tourner résolument vers la jeunesse et l’avenir. C’est tout le sens du projet culturel que je veux porter et des priorités que je suis venue vous présenter aujourd’hui. Si ces priorités ne couvrent pas l’ensemble du champ de mon ministère, elles visent à tracer une voie et à définir un horizon politique pour engager l’ensemble des acteurs et de nos partenaires.

La première de mes priorités est de repenser l’accès à la culture pour les nouvelles générations. Il ne s’agit pas seulement de lancer une initiative de plus, mais de revisiter la conception même de nos politiques culturelles et donc de notre action à tous au quotidien.

Je veux partir des pratiques culturelles des Français, notamment des jeunes. Les nouvelles générations, en particulier ceux qu’on appelle les natifs du numérique, ont de nouvelles manières de lire, d’écouter, de regarder, d’aimer et d’admirer. La culture est pour les jeunes une expérience et un moyen d’expression qui sont étroitement liés aux nouveaux modes de sociabilité, tels les réseaux sociaux et les valeurs coopératives. Je souhaite que nous prenions mieux en compte ces pratiques pour mieux les accompagner.

Cela passe par bien sûr par l’éducation artistique et culturelle, dont le Président de la République a fait une priorité et pour laquelle le Premier ministre a rappelé l’ambition du Gouvernement. Elle est au cœur de ma mission. J’ai demandé à cet effet aux directeurs régionaux des affaires culturelles de faire un inventaire des actions pédagogiques mises en œuvre par les institutions culturelles, les collectivités territoriales et les acteurs de la culture à destination des publics jeunes, scolaires, en vue d’identifier, de valoriser et d’étendre les bonnes pratiques.

Par ailleurs, la réforme des rythmes scolaires nous donne l’opportunité d’une ambition plus vaste pour tous les enfants. Nous travaillons étroitement avec la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem. Nous sommes ainsi en train d’élaborer une feuille de route interministérielle pour consolider notre partenariat et nous aurons très prochainement l’occasion de faire une communication conjointe en Conseil des ministres sur le sujet. Nous serons d’ailleurs demain ensemble à Radio France pour signer une convention commune sur l’éducation artistique et culturelle.

Cette priorité passe aussi par l’accompagnement des nouveaux usages et des nouvelles pratiques pour favoriser l’accès des jeunes à la culture. Nous devons nous saisir de l’incroyable énergie créative qui, autour par exemple du jeu vidéo, permet d’explorer de nouvelles formes de récit et de nouveaux exercices d’écriture, à la croisée de la littérature et du code, ou autour des hackathon, véritables marathons de projets collectifs où les données culturelles publiques sont réutilisées au service d’applications ou de services numériques innovants. Sans oublier le mash-up – le mixage –, où les imaginations s’emparent des œuvres du domaine public pour les transformer – j’ai, par exemple, vu récemment une démonstration de table de montage très intuitive permettant aux enfants d’élaborer de petits films et d’exercer leur créativité.

Je souhaite que cette énergie collective et collaborative irrigue tous les secteurs culturels au service d’une culture partagée et participative, et non plus verticale et élitiste. Une véritable appropriation de la culture par les jeunes est aujourd’hui nécessaire pour que chacun devienne acteur des pratiques culturelles.

Ma deuxième priorité est de renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays.

Nous avons en France de formidables atouts, qu’il nous faut mieux valoriser. Notre littérature, par exemple, qui vient d’être consacrée par la plus prestigieuse distinction : le Prix Nobel. Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature, constitue une grande fierté pour notre pays, car au-delà de l’œuvre d’un immense écrivain, c’est la vitalité et le rayonnement de notre littérature qui sont ainsi célébrés. Je rappelle que c’est grâce à sa langue, et ceux qui la manient avec talent, que la France est en tête du palmarès des Prix Nobel de littérature : 15 depuis la création du Prix, dont 3 ces dix dernières années, ce qui est assez remarquable.

Notre littérature n’est pas notre seule force. Je pense au succès de nos œuvres cinématographiques et audiovisuelles, de nos jeux vidéo, de notre musique ou de notre animation : au-delà du rayonnement du cinéma français dans le monde, il faut rappeler la réussite musicale de chanteurs francophones comme Zaz, Stromae ou Phoenix, la consécration des séries françaises comme Les Revenants ou Braquo, ou le succès de jeux vidéos comme Just dance, développé à Montreuil, ou Criminal Case, élu meilleur jeu au monde sur Facebook en 2013. Nous devons miser sur ces atouts et renforcer l’exportation de nos industries culturelles. C’est dans cette perspective que je veux faire de la France une championne de la fiction. J’ai eu l’occasion de le dire aux professionnels rassemblés à La Rochelle pour le Festival de la Fiction TV : faire de la France une championne de la fiction, c’est porter l’ambition du rayonnement de la création française dans le monde, pour que nous soyons l’une des premières nations du cinéma, mais aussi en France, car nous sommes un des rares grands pays européens dont la production nationale ne dépasse pas en audience la production américaine. En Allemagne ou au Royaume-Uni, la fiction locale est beaucoup plus regardée qu’ici. Or j’ai pu me rendre compte de nos atouts lorsque j’ai visité le tournage de la série Versailles. Nous devons créer les conditions pour mieux accompagner la prise de risque éditoriale, pour encourager les nouvelles formes de création, les nouveaux talents, pour mieux aligner les intérêts des auteurs, des producteurs et des diffuseurs, avec en perspective une création indépendante et innovante et des chaînes capables de fédérer largement autour d’une œuvre clairement identifiée par les téléspectateurs.

Nous devons aussi continuer à faire rayonner et à exporter nos savoir-faire et notre excellence patrimoniale : je pense par exemple aux musées, aux conservateurs, aux formateurs, aux restaurateurs du patrimoine et aux archéologues. Beaucoup de pays, comme le Maroc, nous font d’ailleurs connaître leur intérêt pour des coopérations en matière de patrimoine, de gestion des musées ou de collections. J’annoncerai prochainement des initiatives dans ce domaine.

Ma troisième priorité est d’encourager le renouveau créatif.

Cela passe par une politique ambitieuse en faveur de nos écoles de l’enseignement supérieur culturel. Avec 101 établissements et plus de 36 000 étudiants répartis sur tout le territoire, le réseau de nos écoles est un formidable vivier de talents. Je l’ai dit aux directeurs d’école lorsque je les ai rencontrés, ce sont nos écoles qui posent les bases du rayonnement durable de ce qui est l’une des singularités et l’une des forces de notre pays : la créativité, l’innovation et la qualité artistique. Ce sont elles qui contribuent au renouveau de la création dans notre pays par la singularité de leur approche pédagogique et de leur formation, par la qualité des débouchés qu’elles offrent à leurs diplômés et par leur capacité à développer une recherche de premier plan.

Je voudrais faire en sorte que tous les talents puissent être accompagnés, que l’on puisse travailler sur de nouveaux grands projets de résidence et que les futurs grands noms de la création française de demain puissent ne pas être laissés au bord du chemin par notre système de formation.

Soutenir le renouveau créatif passe par la formation des créateurs et des artistes, mais aussi par leur accompagnement tout au long de leur parcours professionnel. Donc par la prise en compte de la discontinuité spécifique de l’emploi des artistes et des professionnels de la création. À ce titre, je tiens à rappeler que la richesse et la diversité de l’offre de spectacle vivant, mais aussi de notre production audiovisuelle et de notre cinéma, reposent pour une part sur le régime de l’assurance chômage des artistes et des techniciens du spectacle. Je pourrai revenir plus en détail sur la refondation de ce régime et sa pérennité dont je sais qu’elles vous tiennent autant à cœur qu’à moi.

Je souhaite aussi ouvrir plus largement le ministère de la culture et de la communication aux nouvelles formes de création : les nouvelles esthétiques liées à l’essor de l’hybridation et du numérique, non plus comme seul outil de diffusion, mais comme processus de création, ou bien les nouveaux modèles culturels, comme l’entreprenariat. Je souhaite que ce ministère soit porteur d’un esprit d’audace créative et d’innovation.

Plus largement, l’État doit continuer d’être garant de la liberté de création et de son ouverture à toutes les formes d’expression artistique. C’est un des enjeux du projet de loi que je présenterai au Parlement au premier semestre de l’année 2015. Le débat auquel il donnera lieu sera l’occasion pour le Gouvernement d’affirmer son attachement aux principes fondateurs de l’identité de notre pays en matière de culture : la liberté de création, mais aussi le soutien aux créateurs et la protection de leur statut, l’accessibilité la plus large des œuvres de l’esprit.

Ce projet de loi comportera aussi d’importantes dispositions relatives à l’architecture et au patrimoine, qui permettront, d’une part, de clarifier le droit des espaces protégés dans un souci d’efficacité et d’intelligibilité pour nos concitoyens – sans pour autant renoncer au niveau de protection – et, d’autre part, de mettre en œuvre certaines recommandations du rapport de Patrick Bloche sur la création architecturale. Mon objectif sera de libérer les énergies créatives au service du dynamisme de notre pays et de valoriser la création d’hier, qui est le patrimoine d’aujourd’hui, et la création d’aujourd’hui, qui sera le patrimoine de demain.

Pour mettre en œuvre ces priorités, le ministère bénéficie, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, d’un budget sanctuarisé pour les années 2015 à 2017, et même en très légère hausse. Nous avons fait des choix et opéré des redéploiements dans le sens de l’action que je souhaite mener, en veillant à ce que l’État puisse ouvrir un dialogue fructueux avec les collectivités territoriales s’agissant de la compétence culturelle, partagée et partenariale.

D’abord, la priorité en faveur de la jeunesse et de l’éducation artistique et culturelle est marquée par la mise en place de 10 millions d’euros de crédits nouveaux hors investissement, dont 2,5 millions d’euros pour l’éducation artistique et culturelle et 7 millions d’euros pour l’enseignement supérieur culturel.

Ensuite, l’engagement du Gouvernement en faveur de la création est réaffirmé, puisque les crédits augmenteront de 2 % par rapport à 2014, pour permettre de financer le réseau dense des lieux dédiés au spectacle vivant ou aux arts plastiques, donner aux opérateurs les moyens de contribuer au renouvellement de l’offre culturelle et à l’ouverture aux nouvelles formes de création, et lancer des projets d’investissement tournés vers les territoires.

Enfin, la part de financement par subvention budgétaire des sociétés de l’audiovisuel public est réduite à 160 millions d’euros. Comme vous le savez, elle a vocation à disparaître entièrement en 2017. Le financement des grandes institutions audiovisuelles sera donc à terme totalement indépendant du budget de l’État et reposera, hors ressources propres, sur la seule contribution à l’audiovisuel public.

Après avoir présenté mes priorités et les moyens pour les mettre en œuvre, je voudrais évoquer ma méthode de travail. Je refuse une approche essentiellement gestionnaire de la culture. Bien sûr, le budget est important et je le défendrai toujours avec force et engagement. Comme je me battrai pour défendre les moyens et les acteurs de la culture. Mais ce qui compte est le sens que l’on donne à nos politiques culturelles et aux réformes que nous engageons.

Ce sens, il nous faut le construire avec tous les acteurs de la culture sur l’ensemble de notre territoire. J’ai eu l’occasion de le dire à tous mes interlocuteurs et aux partenaires sociaux que j’ai reçus : j’attache une très grande importance au dialogue et à la concertation. Je suis donc heureuse que la présente audition, première étape de ce dialogue, me permette de recueillir votre avis et de répondre à vos interrogations.

Je citerai deux exemples de cette méthode non gestionnaire qui m’est chère. Tout d’abord, concernant l’audiovisuel public dont nous sommes si fiers, nous devons nous interroger sur le sens de ses missions de service public avant de débattre d’un éventuel retour de la publicité ou de la redevance. C’est en ce sens que le Président de la République a annoncé que l’État exprimera sa vision stratégique et ses objectifs fondamentaux pour France Télévisions avant la nomination du prochain président de la société par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il nous faut réfléchir à l’avenir de l’audiovisuel public et aux moyens de son indépendance, tout comme l’indépendance et le pluralisme de la presse doivent être confortés dans la transition très brutale qu’elle traverse.

C’est encore avec une méthode de travail collaborative et innovante que je souhaite que mon ministère se saisisse des enjeux de la réforme territoriale et de la modernisation de l’action publique. Je l’ai rappelé avec force devant les directrices et directeurs des affaires culturelles des collectivités territoriales réunis pour les Assises de la Fédération nationale des associations des directeurs des affaires culturelles (FNADAC) : c’est dans le dialogue et la concertation, avec audace et inventivité, que nous pourrons refonder le rôle du ministère sur les territoires et faire que la culture soit au cœur du développement de notre pays.

Vous le savez, le Premier ministre l’a rappelé, nous devons préparer dès aujourd’hui l’État dont nous aurons besoin demain : un État ouvert à la participation de la société civile, exemplaire en termes de qualité du service rendu, qui maintient une présence efficace sur les territoires et se tourne résolument vers les attentes de la population. Dans ce contexte de réforme, le ministère de la culture et de la communication a une occasion unique pour refonder son action, notamment sur les territoires, en partenariat avec les collectivités territoriales. La revue des missions de l’État ne doit pas être un exercice purement gestionnaire ou comptable : nous devons nous en saisir pour clarifier le rôle et les priorités du ministère, le sens de ses missions, afin de lui donner les moyens d’une nouvelle ambition.

Ma présentation n’est évidemment pas exhaustive et je pourrai revenir plus en détail sur certains points si vous le souhaitez. J’attache beaucoup d’importance à l’échange et au travail parlementaire : je suis donc à l’écoute de vos questions, auxquelles je tâcherai de répondre le plus précisément possible.

M. Marcel Rogemont. Je vous adresse, au nom du groupe SRC, mes félicitations pour votre nomination à ce ministère, qui arrive dans un climat budgétaire beaucoup plus clément pour la culture qu’il ne le fut dans les années passées. C’est donc une bonne nouvelle pour nous, et bienvenue.

Les dossiers de cette rentrée sont nombreux : l’éducation artistique et culturelle ; les questions soulevées par l’arrivée de Netflix ; les problèmes de fiscalité ; le financement de la création ; le régime de l’intermittence – comment conjuguer à cet égard une intervention législative sur les annexes VIII et X avec l’accord UNEDIC ? – ; ou le projet de loi sur la création et le patrimoine, dont le contenu ne cesse de s’enrichir.

Mes questions porteront sur l’audiovisuel. Vous rappeliez que lors du festival de la fiction TV de La Rochelle, vous avez insisté sur la priorité qui doit être donnée au rayonnement international de la France, et tant mieux car cela est vrai. Outre que nous sommes un des rares grands pays européens dont la production nationale ne dépasse pas en audience la production américaine, la Cour des comptes relève que notre production s’exporte mal. En complément des propositions du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), quelles mesures pourraient être prises pour renforcer l’attractivité de nos programmes et des producteurs d’émissions ?

Quel est par ailleurs votre avis sur la reconnaissance de véritables pouvoirs économiques au CSA ? Quelles suites entendez-vous donner à loi du 15 novembre 2013, notamment dans l’éventualité d’un rapprochement de cette instance avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ? Quelles propositions entendez-vous faire et selon quel calendrier ?

Enfin, les bénéficiaires de la redevance audiovisuelle souhaiteraient que des compléments soient apportés alors que la subvention budgétaire que vous avez évoquée a vocation à disparaître. L’assiette doit-elle évoluer pour tenir compte de la réalité des consommations audiovisuelles ? Vous semblez ne pas être hostile au retour de la publicité sur France Télévisions, qui bénéficie aujourd’hui des deux tiers de cette dotation : quelles en seraient les conditions ?

M. Michel Herbillon. Madame la ministre, le groupe UMP vous souhaite la bienvenue et la réussite de votre mission.

Mais force est de constater que cette deuxième partie du quinquennat risque fort de ressembler à la première en matière culturelle, tant votre action s’inscrit dans la continuité de celle de votre prédécesseure.

Cela est décevant pour le groupe UMP car cette première partie a consisté à défaire tout ce qui avait été fait par la précédente majorité et à abandonner ou remettre en cause les projets initiés. Ce fut le cas pour le centre national de la musique, le musée de la photo à Paris ou le centre d’art Lascaux IV. En outre, aucun projet culturel d’ampleur n’a émergé avec ce gouvernement alors que chaque domaine de la politique culturelle a eu droit à son rapport d’information ou à sa commission de réflexion. Le bilan se limite au seul projet de loi sur l’audiovisuel, dont la portée est assez limitée.

Cela fait de longs mois que nous attendons le projet de loi sur le patrimoine, toujours annoncé par votre prédécesseur et toujours reporté. Il en est de même du projet de loi sur la création ou d’une loi sur la presse et l’Agence France-Presse (AFP), que vous n’avez d’ailleurs pas citée dans votre intervention. Quant à l’éducation artistique et culturelle, votre prédécesseur en a parlé beaucoup plus sous forme d’incantation, sans mise en œuvre concrète.

Votre mission n’est certes pas simple et vous avez été nommée dans vos fonctions alors que les principaux arbitrages budgétaires étaient déjà rendus. Mais si votre budget est sanctuarisé, les deux années précédentes se sont traduites par une saignée inédite depuis le début de la VRépublique dans tous les domaines de la culture, avec 4 % de baisse en 2013 et 2 % en 2014 – en contradiction totale avec les propos du candidat Hollande qui, le 18 mars 2012, a annoncé au Salon du livre que ce budget serait préservé. Il est vrai que ces propos tranchaient avec ceux de Martine Aubry, qui avait indiqué au Festival d’Avignon, en tant que Première secrétaire du Parti socialiste, vouloir augmenter ce budget de 30 à 50 % ! On a vu ce qui s’est passé en 2013 et en 2014.

Mais vous vous contentez de bien peu, puisqu’avec une maigre progression de 0,3 %, le budget de la culture baissera au regard de l’inflation. D’autant qu’il cache des coupes budgétaires importantes, dont nous aurons l’occasion de débattre. On comprend que vous préconisiez – par commodité ou par habileté – une méthode non comptable !

Nous attendons des actions claires et précises ainsi que des intentions enfin mises en œuvre. Depuis un mois et demi, nous reconnaissons dans vos déclarations l’ancienne ministre chargée du numérique : si je salue votre volonté d’apporter un certain modernisme et de mettre en avant l’audiovisuel et le numérique, je veux vous rappeler que le patrimoine, le livre, la presse, le spectacle vivant, les industries culturelles, les musées, le marché de l’art, le cinéma ou le régime des intermittents sont aussi des sujets importants, appelant de votre part une ambition et des réponses à leurs problèmes.

Enfin, la Philharmonie de Paris, qui avait été initiée par la précédente majorité, devrait faire la fierté de tous, d’autant qu’elle est le seul projet culturel actuel en France : alors que nous sommes à trois mois de son ouverture, ses ambitions sont remises en cause. Maintenez-vous la vocation internationale de cet établissement ? Au moment où la Mairie de Paris se désengage, allez-vous assumer au nom de l’État les engagements financiers, tant en matière d’investissement que de fonctionnement, nécessaires à la réussite de ce projet ?

Bref, notre position est exigeante et constructive et nous attendons des réponses claires et un calendrier précis pour faire en sorte que cette deuxième partie du quinquennat puisse effacer l’échec de la première.

Mme Isabelle Attard. Madame la ministre, je souhaite, au nom du groupe écologiste, vous poser plusieurs questions. Durant deux ans, nous avons reçu plusieurs fois la précédente ministre et attendions tous ici plusieurs projets de loi, notamment sur la création et le patrimoine. Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier d’examen du projet de loi global dont vous nous avez parlé ?

Par ailleurs, notre commission a examiné une proposition de loi concernant la protection des sources des journalistes en janvier dernier : quand le Gouvernement l’inscrira-t-il à l’ordre du jour de la session parlementaire ?

En outre, la révolution technologique que nous traversons nécessite des adaptations de nombreuses lois, tout en respectant l’esprit qui est à l’origine du droit d’auteur issu de la Révolution française. Pour paraphraser Jérémie Zimmermann, le droit d’auteur a été conçu comme un droit d’équilibre entre les auteurs, les intermédiaires et leur public. Comme le disait Isaac Le Chapelier, rapporteur de la première loi sur le droit d’auteur en France en 1791, « le fruit de la pensée d’un écrivain est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété. » La propriété passe de cette façon des mains de l’auteur à celles de son public.

C’est ainsi qu’est née la notion de domaine public. Après une durée de quelques années après la création, l’auteur perdait ses droits sur son œuvre au profit de la société. Cette durée n’a fait que se prolonger, et atteint aujourd’hui 70 ans après le décès de l’auteur – ce qui nous amène à une durée moyenne de 140 ans après la création. Le compromis entre les droits de l’auteur et ceux du public est maintenant clairement déséquilibré, alors que le domaine public est une source immense de création. Ainsi, la majorité des films de Walt Disney de notre enfance ont été adaptés à partir d’œuvres du domaine public, tout comme Sacré Graal des Monty Pythons, ou plus près de nous Kaamelott. Et le mash-up dont vous parliez est bien la réutilisation d’œuvres existantes aboutissant à des œuvres originales.

De plus en plus souvent, le domaine public est attaqué par d’autres droits, notamment celui des marques. Ainsi, les descendants d’Arthur Conan Doyle tentent d’interdire les adaptations de Sherlock Holmes en prétendant détenir un droit sur une marque. C’est pourquoi nous souhaitons connaître votre point de vue sur le domaine public des œuvres de l’esprit et sur la protection juridique que vous entendez lui accorder. Le projet de loi sur la création devait aussi répondre au défi du financement global de celle-ci. Cela concerne par exemple la rémunération pour copie privée (RCP). Les professionnels ne sont officiellement pas assujettis à la copie privée, ce qui est logique. Le système actuel, dans lequel ils doivent la payer, puis se faire rembourser, est une aberration. En effet, sur une fourchette estimée entre 39 et 57 millions d’euros annuels, seuls 188 000 euros ont été remboursés par an. Il y a certes eu 1 900 conventions d’exonération signées par des entreprises pour ne pas payer, mais elles ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des millions d’entreprises, de collectivités, d’associations et d’autres organisations de notre pays. Ne pensez-vous pas qu’il serait plus simple d’exonérer tout le monde, sauf les particuliers, à la source, c’est-à-dire sur la facture ?

De plus, le fonctionnement de la commission RCP pose problème. Avez-vous des pistes d’évolution de cette instance ?

Plusieurs voix s’élèvent au sein de celle-ci pour une harmonisation des barèmes entre les pays européens : qu’en pensez-vous ?

S’agissant de la redevance TV, vous sembliez très réservée sur son augmentation alors que le Président de la République y paraît favorable. Qu’en sera-t-il ?

Nous recevions la semaine dernière le directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), qui souhaite le durcissement de la lutte contre le partage, qu’il va même jusqu’à appeler « piratage ». Toutes les études montrent qu’une des principales causes de la copie non rémunérée est la déficience de l’offre légale, qui est très insuffisante en France. Si vraiment les internautes refusent de payer pour des œuvres, pourquoi les distributeurs ont-ils si peur de l’arrivée de Netflix ? Vous avez d’ailleurs déclaré sur France Inter que Netflix ne faisait qu’utiliser les possibilités d’optimisation fiscale offertes par les lois européennes. Je suis tout à fait d’accord avec vous : ce sujet n’est pas du ressort de votre ministère. Avez-vous signalé ce grave problème d’harmonisation fiscale intra-européenne au ministre de l’économie et des finances ?

Il existe pourtant des mesures simples pour favoriser le développement de l’offre légale. Aujourd’hui, chaque plateforme doit négocier individuellement avec chaque détenteur de catalogue musical. Cela crée d’énormes disparités d’accès et une concentration très dommageable du secteur entre les mains de quelques acteurs. Que penseriez-vous de permettre à tout commerçant en ligne de vendre des contenus avec un catalogue grossiste public ? Enfin, la répression du partage a démontré son inefficacité. Comme la précédente ministre, vous voulez réduire le budget de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). Vous avez en outre détaché sa directrice juridique pour l’envoyer à Bruxelles dans le cadre des négociations sur le marché unique du droit d’auteur en Europe. Ne pensez-vous pas qu’il serait enfin temps de mettre fin à cette riposte graduée et de consacrer les millions d’euros concernés aux créateurs, dont aucun n’a jusque-là touché un centime ?

Pianolas, disques vinyles, radio, télévision, cassette audio, magnétoscope, MP3, chaque évolution technologique a provoqué de vives résistances avant qu’une façon de rémunérer les créateurs ne soit trouvée. Il est plus que temps de définir un compromis pour régler ce problème, comme l’ont fait en leur temps les licences de diffusion radio ou la rémunération copie privée. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Mme Gilda Hobert. Je vous félicite, au nom du groupe RRDP, pour votre nomination et vous remercie d’être parmi nous.

Vous avez la responsabilité d’un magnifique ministère, en charge à la fois de l’esprit, des sens et de la création. Je m’en tiendrai à l’humain, et à la question de la diversité culturelle.

Le Conseil de l’Europe soutient notamment, dans le cadre du programme Cités interculturelles, des initiatives d’associations ou de lieux en faveur de l’interculturalité. Des conseils régionaux et des villes, comme Lyon, s’associent parfois à ce soutien, ce qui donne lieu à des rencontres, débats, projections, spectacles, mais aussi à des créations artistiques croisées ou entremêlées. Quels moyens et outils pensez-vous mettre en œuvre pour encourager ou susciter ces initiatives ?

Par ailleurs, l’univers carcéral est sclérosant et parfois avilissant, voire annihilant. Mais des initiatives ouvrent des perspectives par l’entremise des arts. Des pratiques sont ainsi proposées tant dans le domaine de l’écriture que celui des arts du spectacle ou de la photographie. Ces ateliers, proposés par des animateurs qui sont le plus souvent des artistes, donnent parfois lieu à des ouvertures sur l’extérieur. Cependant, la prison est le plus souvent difficile à pénétrer pour ces artistes : les bonnes volontés se heurtent à des difficultés administratives ou des règles sécuritaires. Or lorsque les personnes incarcérées ont l’opportunité de s’exprimer par un art, elles y trouvent de la sérénité. Pouvez-vous vous engager à peser de votre autorité pour que soient facilitées la pratique des arts en prison et son exposition en dehors du milieu carcéral, ainsi qu’à prévoir des financements à cette fin ?

Le cirque change et évolue. La formation professionnelle aux arts du cirque aussi et doit désormais s’adapter à la logique L.M.D. : à quelle échéance sont prévus ces changements et en quoi pourront-ils se traduire sur les formations préparatoires aux concours de l’enseignement supérieur ?

Enfin, comment envisagez-vous une issue législative à la situation de précarité que vit la majorité des intermittents du spectacle ?

Mme Marie-George Buffet. Je m’inquiète, au nom du groupe GDR, des moyens de mise en œuvre de la politique culturelle dans l’ensemble des territoires, notamment de ceux accordées aux directions régionales des affaires culturelles. Ces dernières années, des conservatoires locaux ou des bibliothèques ont vu leurs subventions réduites ou supprimées. Et les collectivités locales voient leur dotation globale de fonctionnement (DGF) durement touchée. J’étais ainsi il y a quelques minutes avec des représentants du Studio Théâtre de Stains, qui est soutenu par les 4 000 habitants de cette localité mais voit une nouvelle fois sa convention remise en cause, alors qu’il répond aux critères que vous avez soulignés sur le rôle de la culture pour les jeunes, la citoyenneté et le lien social.

Je me réjouis de votre annonce d’une loi d’orientation pour les intermittents, mais pouvez-vous être plus précise sur vos propositions tendant à répondre à leurs attentes et sur le calendrier que vous envisagez ?

Lors du dîner de la presse à la Fête de l’Humanité au mois de septembre, vous avez fait allusion à une loi concernant l’AFP et la presse. Or la proposition de loi sur l’AFP suscite des inquiétudes chez les personnels, notamment la distinction entre les missions d’intérêt général – susceptibles de financement public – et celles qui ne le seraient pas, ainsi que l’éventualité d’une dissolution de cette agence, qui connaît un déficit de 35 millions d’euros, ou celle de créer une filiale de celle-ci.

Qu’est devenu par ailleurs le projet de loi sur la protection des sources des journalistes ? Sera-t-il inscrit à l’ordre du jour ?

S’agissant de l’audiovisuel public, la fin des dotations publiques en 2017 pose la question de ses moyens. On ne peut lui demander de faire preuve de qualité et de jouer son rôle dans le développement de la création sans lui donner les dotations nécessaires. Quelle est votre réflexion au sujet des nouveaux critères envisagés pour la redevance, qui pourraient reposer sur les ressources ou l’élargissement de l’assiette ? Que pensez-vous des conséquences sur l’emploi, alors qu’on annonce 650 emplois à temps plein de moins à France Télévisions ?

Enfin, nous avons voté en 2013 une résolution concernant le traité transatlantique pour maintenir et protéger l’exception culturelle : quel est votre avis sur les négociations en cours ?

Mme Martine Martinel. Lors du séminaire du CSA le 2 octobre dernier, vous avez souhaité que la France soit championne du monde de l’audiovisuel avec une plus grande industrialisation et une plus forte structuration de ce secteur. Vous avez évoqué aussi votre désir de réviser le cadre juridique dans un sens qui puisse stimuler l’innovation et la prise de risque : pouvez-vous nous en dire davantage ?

Par ailleurs, le Fonds de soutien au théâtre privé, qui vient de fêter ses 50 ans, permet de maintenir à Paris une offre diversifiée entre théâtre public et théâtre privé : quelle politique comptez-vous mener en matière théâtrale, notamment concernant le théâtre public et les dotations qui lui sont attribuées ?

M. Christian Kert. Vous héritez d’une situation de la HADOPI hybride ou bancale : celle-ci est asphyxiée car la subvention qui lui est attribuée ne lui permet pas de conduire ses missions. Comptez-vous revenir sur cet état de fait, de manière à ce que cette autorité indépendante dispose de moyens suffisants pour appliquer la loi ?

Mme Marie-Odile Bouillé. L’attribution à deux Français du Prix Nobel de littérature et d’économie est un motif de fierté, loin du dénigrement ambiant : elle souligne la reconnaissance de notre culture et d’une politique forte et dynamique dans ce domaine.

L’un des moyens à cet effet est l’éducation artistique et culturelle, de la maternelle à l’université. Le parcours d’éducation artistique est mis en place dans un certain nombre d’écoles grâce à la circulaire conjointe des ministres de l’Éducation nationale et de la Culture de mai 2013. Pouvez-vous faire un point d’étape plus précis sur ce sujet ? En outre, le projet de loi de finances fait, comme vous l’avez rappelé, une large place à cette question. Mais que prévoira le projet de loi sur la création artistique pour fixer les grands objectifs des politiques culturelles et ouvrir la possibilité d’actions innovantes, adaptées à la diversité et au renouvellement des expressions artistiques ?

Quel est votre avis au sujet d’un grand chantier tendant à traduire dans la loi l’engagement de notre pays en faveur de l’exception culturelle ?

M. Paul Salen. En ouvrant le séminaire du CSA, vous avez rappelé que les règles de concurrence devaient être les mêmes pour tous dans l’Union européenne et qu’il fallait harmoniser les conditions fiscales en son sein, sans instaurer de fiscalité punitive ni de croisade anti-internet. Pouvez-vous nous préciser comment vous pensez y parvenir ?

Mme Sandrine Doucet. L’article 10 de la loi pour la refondation de l’école fait de l’éducation artistique et culturelle une composante de la formation générale. Cette éducation contribue en effet à l’épanouissement des aptitudes individuelles et à l’égalité d’accès à la culture, notamment par la connaissance du patrimoine. Comment votre ministère peut-il rendre ce patrimoine accessible dans cet esprit d’égalité ?

Les campus universitaires constituent aussi un vrai sujet en matière d’égalité d’accès territoriale. Construits en dehors des centres villes, ils sont éloignés de l’offre culturelle. Si on peut signaler des initiatives comme « Un tramway nommé campus » à Grenoble, la distance et les moyens financiers des étudiants constituent des obstacles à leur initiation culturelle : comment englober dans un même parcours, de la maternelle à l’université, une initiation et une proximité culturelles ?

Mme Annie Genevard. Depuis les « Entretiens de Valois » créés par Mme Christine Albanel, l’instauration du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), instauré par Mme Catherine Trautmann, la mise en place de la rencontre d’Avignon à l’initiative de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNAC), le ministère cherche le cadre d’un dialogue avec les collectivités, qui sont les premiers financeurs de l’action culturelle dans notre pays – avec 7,6 milliards d’euros –, au premier rang desquels les communes et leurs groupements, puis les départements et les régions.

Mais l’esprit qui anime ce dialogue peine à trouver une déclinaison sur les territoires. Est-il juste que, sur les 3,3 milliards d’euros que l’État dépense en région, 2,2 milliards soient destinés à l’Île-de-France ? Alors que les communes de moins de 10 000 habitants représentent 97 % des communes de France, les enquêtes et statistiques du ministère n’en font pas mention : est-ce raisonnable ? Enfin, est-il équitable que les établissements labellisés par le ministère, qui bénéficient parfois de véritables rentes de situation, bloquent l’essentiel des financements culturels, notamment en milieu urbain, et assèchent toute possibilité de redéploiement ?

En outre, alors que vous appelez de vos vœux la prise en compte et le développement des usages numériques culturels, le haut débit ignore une grande partie du territoire national et seul un quart des adolescents a accès à l’éducation artistique et culturelle. Comment entendez-vous aborder votre relation avec les collectivités territoriales ? On a bien compris que vous ne vouliez pas « renverser la table » : l’avenir dira s’il faut s’en réjouir ou déplorer cette prudence.

M. Hervé Féron. Alors que nous célébrons cette année les vingt ans de quotas de chansons françaises à la radio, le rapport de M. Jean-Marc Bordes a souligné l’importance du maintien des quotas de musique francophone. Même à l’heure d’internet, l’exposition à la radio reste primordiale pour la carrière d’un artiste. Or la diversité musicale sur les ondes est menacée : nombre de radios diffusent exagérément les mêmes titres de musique, ce qui est néfaste pour la création, car cela réduit le nombre d’artistes ayant accès à ce média, ainsi que pour les auditeurs, qui n’ont pas la possibilité de découvrir de nouveaux talents. Nous devons donc soutenir votre proposition d’introduire davantage de diversité pour que les titres francophones les plus diffusés ne puissent excéder 50 % de la diffusion francophone mensuelle de radio. Une autre proposition pertinente serait d’élargir les quotas de 40 à 50 % de chansons francophones pour que les artistes émergents trouvent une meilleure place sur les ondes. Enfin, une meilleure exposition des artistes français à la télévision, avec la programmation d’un plus grand nombre d’émissions musicales, est souhaitable pour soutenir une création musicale diversifiée.

M. Franck Riester. Je vous félicite également pour votre nomination. Toutefois, au-delà de vos déclarations, rien de concret n’a été fait, qu’il s’agisse de la réforme de la régulation, de l’audiovisuel public, de l’organisation de la filière musicale ou de l’intermittence.

Allez-vous maintenir pour la HADOPI un budget de 6 millions d’euros, qui ne correspond pas du tout à ses besoins ?

S’agissant du financement de France Télévisions, vous dites qu’on arrête d’augmenter les impôts et, pourtant, vous accroissez la redevance, soi-disant pour répondre à des problèmes de l’audiovisuel public, dont le Gouvernement est responsable, puisqu’il baisse la dotation budgétaire mise en œuvre par la précédente majorité et confortée par une taxe « telco », créée spécifiquement à cet effet et dont le rendement s’élevait à 200 millions d’euros, que vous passez par pertes et profits. Allez-vous maintenir dans les années qui viennent les dotations de l’État pour l’audiovisuel public ?

Par ailleurs, allez-vous relancer le projet de centre national de la musique, que tous les professionnels du secteur considéraient comme une bonne réponse à l’organisation de la filière musicale, sur le modèle du CNC pour la filière cinématographique ?

Mme Brigitte Bourguignon. L’architecture française, de renommée mondiale, est en crise. Le nombre d’architectes diminue depuis 2002 de façon inquiétante et les rapports de Vincent Feltesse et Patrick Bloche sur l’enseignement de l’architecture et la qualité architecturale n’ont pour le moment pas été suivis d’effet. Y a-t-il des projets en cours pour sortir l’architecture française de sa torpeur et la faire briller dans le monde ?

Mme Virginie Duby-Muller. Le projet annuel de performances de la mission Médias, livre et industries culturelles indique que plusieurs politiques publiques « continuent d’être adaptées à l’aune de plusieurs missions d’expertise récentes », évoquant un prochain projet de loi, sans apporter de précisions sur les réformes envisagées. Le ministère a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de réorienter la protection du droit d’auteur vers la lutte contre la contrefaçon commerciale sans préciser non plus ses intentions. Par ailleurs, un rapport sur les outils opérationnels de prévention et de lutte contre la contrefaçon commerciale en ligne a été remis à votre prédécesseure en mai dernier : comportant quatre propositions intéressantes complémentaires au nécessaire maintien de la réponse graduée, il a été rédigé avec la participation active des services de la HADOPI, qui semble être la mieux placée pour mettre en œuvre les outils suggérés. Celle-ci a d’ailleurs récemment annoncé sa volonté de s’engager sur cette voie. Il serait bon que les rôles soient clairement répartis en tenant compte de l’expertise technique nécessaire : souhaitez-vous mettre en œuvre les propositions de ce rapport et confier cette mission à cette autorité ?

Mme Colette Langlade. Les métiers d’art, qui recouvrent 220 métiers de tradition, des plus anciens – potiers, tailleurs de pierre – aux plus contemporains – comme les infographistes –, doivent être défendus et promus, d’autant qu’ils sont parfois la seule activité culturelle sur les territoires ruraux et qu’ils contribuent au développement économique. Ainsi, le Pôle Métiers d’Art de Nontron en Périgord vert, qui a été choisi parmi les 200 meilleurs musées de France, poursuit des objectifs larges : sensibiliser les publics locaux et touristiques, et animer le territoire par de multiples actions à vocation culturelle : expositions, résidences d’artistes, ou visites et ateliers pour les scolaires. Quel est votre avis sur la situation des métiers d’art ? Je me réjouis d’entendre à cet égard que l’enseignement est au cœur de vos priorités. Quelles initiatives souhaitez-vous soutenir pour l’implantation et le maintien de ces professionnels sur les territoires ruraux ?

M. Lionel Tardy. Le Parlement est dans l’incertitude permanente sur plusieurs questions depuis 2012. Nous apprenons les choix du Gouvernement en écoutant les rumeurs ou en lisant la presse, mais le mieux serait d’avoir vos réponses face à la représentation nationale !

Pouvez-vous nous confirmer l’abandon du projet de loi sur la création ? Quel sort sera réservé à la HADOPI et y aura-t-il une fusion avec le CSA ? À quoi bon maintenir le budget de la HADOPI pour 2015 à un niveau trop faible ? Et pourquoi ne pas débattre ici des missions alors que vous les réduisez par la contrainte budgétaire ?

Par ailleurs, le CSA fusionnera-t-il avec l’ARCEP, conformément à l’annonce du Président de la République ?

De même, celui-ci a-t-il annoncé l’extension de la redevance audiovisuelle aux appareils autres que la télévision, ce qui demande d’y réfléchir car cela pose des problèmes en termes de cible. Quel est l’état de la réflexion sur ce point ? Cette mesure est-elle envisagée pour le budget 2016 ? Comment comptez-vous associer le Parlement à cette réflexion ?

M. Michel Françaix. J’espère que vous souhaitez toujours avoir une AFP de grande qualité. En 1982, elle avait failli mourir avant que François Mitterrand ne décide d’investissements importants sur la photo : aujourd’hui, pour que l’agence maintienne son rang, il faudra consacrer de nouveaux moyens à la vidéo et il va falloir mettre de l’argent sur la table.

Par ailleurs, il est incompréhensible que deux coopératives n’arrivent pas à travailler ensemble pour trouver des solutions meilleures pour l’ensemble de la presse. La publicité diminue, les kiosques ferment et les journaux sont en crise, ce qui pose la question de savoir comment permettre à de nouvelles formes d’entrepreneurs de presse d’exister. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Mme Sophie Rohfritsch. Quelle est votre position sur l’opérateur étranger Netflix, qui a été intégré à la box d’Orange et dispose d’un avantage concurrentiel important, avec plus d’un million d’abonnés captifs – ce que je crois être une menace pour la création française ? Comment comptez-vous régler cette question concurrentielle au profit de diffuseurs français ?

Mme Martine Faure. Les bibliothèques et les médiathèques sont un lieu de vie et d’accès à la connaissance permettant d’atténuer la fracture numérique. Mais de nombreux projets, pourtant nécessaires et bien étudiés, n’aboutissent pas en raison de contraintes structurelles, architecturales et financières. Comment mieux accompagner les collectivités territoriales pour installer et faire fonctionner ces établissements, notamment dans les zones isolées et défavorisées ?

En outre, si je salue les efforts faits en matière de patrimoine, j’attire votre attention sur les difficultés que rencontrent parfois les élus pour faire fonctionner et inscrire leurs monuments dans le cadre d’une politique culturelle, intercommunale et touristique régionale. Le château des ducs d’Épernon à Cadillac, magnifique monument du XVIIe siècle, vit par exemple replié sur lui-même, jalousement gardé par des conservateurs, alors qu’il est au cœur du village. Peut-on envisager une plus grande ouverture des monuments historiques sur leur ville et une responsabilité partagée pour les faire mieux vivre au sein de leur territoire ?

M. Michel Pouzol. Vous avez rencontré récemment la Présidente de la HADOPI, instance désignée pour lutter contre le piratage et favoriser l’offre légale, et, semble-t-il, écarté à cette occasion l’idée d’une absorption de cette instance par le CSA comme certains l’avaient parfois envisagé. Cela nous semble aller dans le bon sens : celui d’une réflexion en profondeur sur l’efficacité de la lutte contre le piratage telle qu’elle est conçue aujourd’hui.

Il n’en demeure pas moins que l’offre légale française accuse un retard au regard des nouveaux usages liés au numérique, nonobstant l’arrivée de Netflix, qui inquiète les acteurs du secteur. Ce géant de la vidéo à la demande (VOD), si populaire aux États-Unis, répond sans doute aux demandes d’un certain public mais aussi à une nouvelle façon de consommer les contenus, individualisée et personnalisée, voire interactive, et qui couvre parfois plusieurs champs de l’expression culturelle.

Face à cette révolution des usages et des contenus née de la consommation du numérique, la chronologie des médias protège l’écosystème du cinéma français. Afin de mieux lutter contre le piratage et favoriser l’attractivité des offres de VOD en France, le rapport Lescure préconisait la réduction des délais de diffusion des films sur les plateformes à 24 ou 18 mois. Le CSA a d’ailleurs repris cette suggestion en proposant que les services en ligne signent une convention pour obtenir des avantages concurrentiels : les concurrents français de Netflix – pour ne citer que lui – bénéficieraient alors d’un débit prioritaire sur les tuyaux des fournisseurs d’accès à internet (FAI).

L’enjeu est ici à la fois culturel et économique : allier une offre légale de qualité et pérenniser le financement de la création française. Nombreuses sont les nouvelles entreprises de ce secteur, souvent géantes, presque toujours américaines, qui se soustraient à leurs obligations fiscales en ne s’acquittant pas de la TVA sur leur chiffre d’affaires, ce qui est pourtant la moindre de leurs obligations. Elles ne participent pas au financement de la création cinématographique française tout en bénéficiant de sa vitalité.

C’est pourquoi j’aimerais connaître vos préconisations concernant l’évolution de la réglementation pour permettre au cinéma et à l’audiovisuel français de lutter à armes égales avec les géants du net. Est-il envisageable que nous appliquions à ces sociétés la réglementation du pays de destination de l’offre et non celle du pays dans lequel est basé le siège de ces entreprises qui exploitent le web pour concurrencer de façon déloyale les opérateurs français ?

Pensez-vous adapter la chronologie des médias aux réalités nouvelles de l’industrie cinématographique ? Estimez-vous pertinent de tourner le dos à des dispositifs de type HADOPI, très sectorialisés et ne répondant qu’à une seule problématique, en privilégiant dans le cadre d’une loi sur la création artistique une réflexion globale posant les bases de la nouvelle exception culturelle française, si importante pour le rayonnement de notre nation, mais aussi cruciale pour notre économie ?

Plus largement, envisagez-vous de mener une réflexion propre à l’ensemble du secteur culturel, qui inclurait, outre les problèmes de financement et les nécessaires protections des créateurs, une réflexion non moins importante sur le statut des artistes et techniciens du spectacle, de la culture et de l’audiovisuel, le devenir de l’intermittence et, au-delà, le rôle de l’image et de la culture dans notre système éducatif et notre société en mutation ?

M. William Dumas. J’ai apprécié votre récente déclaration tendant à associer patrimoine culturel et patrimoine naturel, qui font en effet la richesse de la France. En témoigne l’Établissement public du Pont du Gard – que je préside –, joyau culturel de notre patrimoine gardois, qui détient deux classements, l’un au patrimoine mondial de l’Unesco et l’autre, comme grand site de France. Le nombre de ses visiteurs est passé en trois ans d’1,2 à 1,5 million, alors que les professionnels du tourisme enregistrent dans l’ensemble, tant à la montagne qu’à la mer, des baisses de 10 à 30 % dans ce département. Quelles sont vos intentions pour simplifier la réglementation du patrimoine, sans en altérer la qualité, ainsi que de nos monuments ?

S’agissant de la réforme territoriale, quelle est votre position sur l’attribution de la compétence en matière culturelle et patrimoniale aux régions ou aux départements ?

Enfin, concernant la gratuité de la diffusion des événements sportifs, nous assistons depuis plusieurs années à une augmentation du coût des droits de retransmission, que les chaînes publiques et gratuites éprouvent de plus en plus de difficultés à obtenir. Pour l’Euro 2016, la chaîne payante BeIn Sport a ainsi acquis l’intégralité des droits : 51 matchs seront en diffusion payante contre 22 retransmis gratuitement. Cette situation est choquante car les chantiers de rénovation et d’agrandissement des stades ont souvent bénéficié de financements publics de l’État et des collectivités territoriales. Quelles mesures pourrait prendre le Gouvernement pour permettre à un plus grand nombre de matchs d’être diffusés gratuitement ?

Mme Valérie Corre. L’éducation artistique est un engagement fort de la loi de refondation pour l’école, auquel nous sommes beaucoup ici à être attachés. Mais, malgré les paroles et les circulaires, elle n’est pas toujours assez ambitieuse sur nos territoires, en raison notamment de l’insuffisante présence des artistes dans nos écoles : non qu’ils ne souhaitent pas y venir, mais le mode de rémunération ne les y incite pas.

Une mission de concertation doit faire des propositions au sujet des intermittents d’ici la fin de l’année : que pensez-vous de la possibilité de comptabiliser systématiquement les interventions des artistes en milieu scolaire dans les annexes VIII ou X, ou ce qui leur succédera ? Le fait que ce ne soit actuellement pas le cas risque de faire basculer ceux-ci vers le régime général, ce qui dissuade l’implication de nombreux artistes, pourtant volontaires. Des consignes à l’égard des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et un message fort en direction des collectivités locales sont nécessaires à cet égard.

M. Stéphane Travert. Ma question portera sur la décentralisation culturelle et, plus précisément, sur le projet de loi attendu par les acteurs du monde de la culture concernant la redéfinition des compétences des différents échelons territoriaux, notamment des régions. Dans le futur projet de loi de clarification de l’organisation territoriale de la République, un volet est en effet consacré aux compétences partagées dans le domaine de la culture, du sport et du tourisme.

Or, par le biais des financements croisés, les collectivités territoriales financent aujourd’hui plus de 80 % des projets culturels et sportifs. Il est donc fondamental que les financements croisés soient clairement inscrits dans la loi. Aussi, l’affirmation de la compétence partagée et de la nécessaire coordination des échelons territoriaux est un élément tout à fait rassurant pour les acteurs culturels.

Néanmoins, une possibilité de délégation de la compétence de l’État en matière culturelle vers les conseils régionaux par le biais d’une convention inquiète professionnels et amateurs, qui craignent que la culture et le sport deviennent des variables d’ajustement dans le budget de certaines collectivités à la faveur des alternances politiques.

Quel est votre sentiment sur cette possibilité permettant le transfert de l’instruction et de l’octroi des subventions des DRAC vers les directions culturelles régionales par exemple ? N’y aurait-il pas là un risque de rupture d’équité territoriale ?

Mme Sylvie Tolmont. En réponse à la volonté du CSA de développer la radio numérique terrestre (RNT) en France, trois agglomérations – Paris, Marseille et Nice – se sont engagées dans ce projet en 2014. Aujourd’hui, la RNT a vocation à se déployer mais son émergence est encore timide. Malgré des atouts indéniables, elle présente quelques limites, notamment l’absence des grandes stations nationales, privées et publiques, et le problème de l’équipement des foyers souhaitant la recevoir – sans oublier le fait que les radios sont aujourd’hui accessibles via internet et de nombreux supports numériques nomades.

Par ailleurs, les radios associatives à l’échelle des territoires manifestent leurs inquiétudes. Aucun financement spécifique n’est en effet prévu pour faciliter l’intégration de ces radios à la RNT. Face au surcoût important que représente le passage au numérique, il est évident que l’enveloppe d’aide destinée à accompagner les 650 radios associatives présentes sur la bande FM ne pourra permettre cette opération. Si le pari de la RNT est ambitieux, au nom de l’égal accès à la culture, du pluralisme des expressions et de l’éducation à la citoyenneté, il repose sur un modèle économique fragile.

Madame le ministre, quel programme de déploiement de la RNT envisagez-vous ? Comment pensez-vous favoriser l’entrée des radios associatives sur la RNT ? Quelle serait la cohérence de ce projet si les grands groupes n’y contribuent pas ? Et pourquoi la radio publique ne donne-t-elle pas l’exemple en participant au rayonnement de la RNT ?

M. Michel Herbillon. Le crédit d’impôt pour la production phonographique, qui est un dispositif essentiel pour le tissu des producteurs français, arrive à échéance le 31 août 2015 : quelle est votre position à ce sujet ? Allez-vous défendre sa prorogation ?

Par ailleurs, alors que la radio demeure le média le plus prescripteur pour permettre à un artiste de rencontrer son public, quels sont vos projets pour favoriser davantage la diversité à la radio et contrecarrer la très forte concentration des titres ? Que pensez-vous de la proposition de M. Jean-Marc Bordes, que nous avons auditionné en juin dernier, de modifier les quotas de la musique francophone ?

Mme la ministre. Monsieur Herbillon, la loi sur l’audiovisuel a restitué au CSA le pouvoir de nomination des directeurs ou présidents de l’audiovisuel public, ce qui a été une mesure importante.

En outre, d’autres textes sont en préparation. Il s’agit de la proposition de loi de M. Michel Françaix sur la presse, qui tend notamment à rénover la gouvernance de l’AFP, champion français qu’il convient de soutenir, et à réformer la distribution de la presse. La profession doit pouvoir s’appuyer sur des règles claires, élaborées par le Conseil supérieur des messageries de presse, et une régulation renforcée, confiée à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse. Cette proposition vise également à créer un statut d’entreprise citoyenne d’information, permettant de consolider les financements participatifs et les investissements non immédiatement lucratifs autour de projets éditoriaux d’information politique et générale innovants. Le Gouvernement réfléchit à des mesures d’incitation fiscale dans le cadre d’une prochaine loi de finances pour accompagner ce nouveau régime d’entreprenariat, si la représentation nationale en vote le principe.

Quant au projet de loi sur la protection des sources des journalistes, il constitue un enjeu important pour le Gouvernement, même si je ne peux me prononcer pour l’instant sur le calendrier de son examen.

Le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, qui est ambitieux, sera présenté au premier trimestre 2015 et ne comportera pas de dispositions spécifiques à l’audiovisuel. Il contiendra en revanche des dispositions sur deux pans de mon action – la création et le patrimoine –, ce qui montre que je ne m’intéresse pas qu’à l’audiovisuel et au numérique ! Le débat sur ces deux grandes politiques publiques permettra de souligner leur cohérence et leur complémentarité. Il faut tout à la fois que la loi ait une portée normative – en tant que magistrate, j’y veillerai tout particulièrement – mais aussi qu’elle constitue un geste politique, affirmant le caractère national de notre politique culturelle et permettant l’adaptation d’un certain nombre de principes fondateurs.

J’ai d’ailleurs souhaité définir, dès ma prise de fonctions, une stratégie nationale en faveur de l’architecture, car je suis convaincue que cette discipline a un rôle majeur à jouer pour nos paysages urbains, qu’une trop faible proportion de la construction en France se fait en recourant aux architectes et qu’il faut démocratiser l’accès à ceux-ci, tout en agissant sur la formation et la projection à l’international de ces professionnels, dont certains sont très connus.

Si je n’ai pas encore eu le temps de mettre en œuvre d’actions concrètes, les deux rapports très riches de M. Vincent Feltesse et de M. Patrick Bloche seront des sources d’inspiration pour le projet de loi et d’autres dispositions non législatives que je serai amenée à prendre.

S’agissant du régime des intermittents, je répète que les artistes et techniciens du spectacle sont des acteurs indispensables de notre modèle culturel : il convient donc de travailler d’arrache-pied à la pérennisation de ce système – ce que fait la médiation en cours. Il n’y a pas, dans le projet de loi que je viens d’évoquer, de dispositions sur ce sujet car je souhaite que cette médiation prenne toute sa place et propose des solutions durables. Je consulte également les partenaires sociaux sur les pistes envisageables. Un certain nombre de principes devront guider les choix du Gouvernement : ce régime doit rester fondé sur la solidarité interprofessionnelle, ce qui implique des droits et des devoirs, et il convient de respecter le rôle des partenaires sociaux, dont la signature permet à ce système d’exister. Il faut faire le bilan sans tabou des évolutions passées et de l’impact des réformes conduites dans ce domaine. Notre but doit être d’assurer la viabilité économique du régime tout en réduisant la précarisation des bénéficiaires et en encourageant l’emploi permanent. Le régime doit aussi prendre en compte la réalité du travail de ces professionnels, notamment en matière d’éducation artistique et culturelle. Je suis tout à fait favorable à ce qu’il valorise les activités pédagogiques menées dans le cadre périscolaire ou de l’enseignement.

Madame Genevard, les enquêtes et statistiques du ministère mettent bien en évidence une concentration forte des équipements sur l’Île-de-France. Je souhaite donc, dans le cadre de la réforme territoriale, travailler au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) pour concilier un soutien réaffirmé à notre réseau de centres dramatiques et chorégraphiques et un dialogue ouvert, afin que les différents niveaux d’acteurs publics ne soient ni dans une surenchère, ni dans un désengagement massif, mais trouvent des partenariats. Il convient d’assurer une présence forte de l’État dans les territoires, en lien avec les collectivités, et de construire un nouveau modèle d’organisation territoriale.

Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale reconnaît la culture comme une compétence partagée, ce qui préserve la spécificité d’organisation du champ culturel, la diversité des implications, et donne toute sa place aux engagements politiques. J’aurai à cœur de mener une réflexion avec les collectivités, permettant d’assurer les missions indispensables de l’État et d’accompagner ces collectivités dans l’animation de l’action culturelle dans les territoires. Je procède d’ailleurs actuellement à la « revue des missions » du ministère avec l’ensemble des DRAC et les représentants des collectivités pour voir de quelle manière trouver les meilleures coopérations entre celles-ci, l’État et les institutions.

L’éducation artistique et culturelle (EAC) est importante, car former les jeunes consiste aussi à former le public et les artistes de demain. Il s’agit d’un enjeu de formation des talents mais aussi d’égalité, dans la mesure où la culture est socialement discriminante. Nous souhaitons donc renouveler notre approche de l’EAC, en l’adaptant aux pratiques nouvelles des jeunes.

Concernant les métiers d’art, je souhaite une politique très volontariste. J’avais commencé à y travailler lorsque j’étais en charge du commerce extérieur et du tourisme car j’y voyais un outil de rayonnement de savoir-faire incomparables, que le monde entier nous envie. Je désire continuer à le faire, en partenariat avec le ministère de l’industrie, l’Institut national des métiers d’art et Ateliers d’art de France. Beaucoup de professionnels souhaitent qu’on puisse mettre en avant ces métiers pour attirer des jeunes en formation et les valoriser à l’export.

La radio numérique terrestre (RNT) est une belle innovation mais les rapports de MM. Tessier et Kessler ont mis en évidence le coût élevé induit par la diffusion simultanée en numérique et analogique – le simulcast – pendant une dizaine d’années, qui ne peut être compensé par de nouveaux revenus. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas souhaité que Radio France participe au démarrage de la RNT à Paris, Marseille et Nice. Il faut attendre le bilan de ce premier lancement, dans le cadre d’un rapport que le CSA doit rendre dans les prochaines semaines, pour envisager la suite.

S’agissant du CSA, le Président de la République n’a pas parlé de fusion avec l’ARCEP, mais seulement donné mandat au ministre chargé du numérique et à moi-même de travailler sur des modalités plus intégrées de régulation. Cette autorité a vu l’un de ses pouvoirs historiques de nomination restauré dans le cadre de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public. Une disposition prévoit également une plus grande prise en considération des équilibres économiques de l’audiovisuel par le CSA, qui devra davantage rendre compte de son action de régulation dans son rapport annuel.

Concernant les grands projets, nous sommes en train de réaliser Lascaux IV, sachant que la part de l’État n’était pas budgétée et qu’il a fallu en prévoir le financement – comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres projets que vous avez évoqués, tels le Centre national de la musique (CNM) ou la Maison de l’histoire de France. Quant au projet de la Philharmonie de Paris, il est en train de s’achever : il s’agit d’un établissement magnifique, qui est une merveille architecturale, dotée d’une programmation ambitieuse et d’actions pédagogiques innovantes ouvertes sur des départements limitrophes de Paris. Je le soutiens fortement et ne laisserai personne gâcher son ouverture. Un récent conseil d’administration, dont l’État et la ville sont membres, a permis de voter le budget de fonctionnement de 2014. L’État s’est engagé à prendre en charge le financement des travaux et à faire en sorte que celui-ci soit assuré, car cette salle fera beaucoup pour l’attractivité culturelle de la capitale.

Sur la filière musicale, puisque le projet de CNM ne peut être mis en œuvre et pour en avoir beaucoup discuté avec l’ensemble des acteurs, il est important d’accompagner un secteur qui commence à se redresser et à voir le bout du tunnel de la transition numérique. La demande de la filière est de pouvoir consolider en fonds propres de très petites entreprises (TPE), notamment de production. Je travaille à un plan pour cette filière, qui fait partie de mes priorités. J’entends ainsi soutenir les investissements, c’est-à-dire la prise de risque artistique, et suis donc favorable à la prorogation du crédit d’impôt pour la production phonographique, qui est nécessaire, même s’il doit être aménagé pour mieux répondre aux besoins des producteurs et des PME-TPE. Si le fonds d’avances remboursables aux industries musicales géré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est un bon instrument, ses conditions d’intervention sont à l’étude. J’ai souhaité que le plan de soutien au label TPE et PME et aux plateformes de musique en ligne soit mis en œuvre : beaucoup de dossiers ont été reçus, témoignant d’une forte demande de la profession. Et une réflexion est également en cours sur la protection des artistes interprètes pour permettre le développement du marché et de l’offre légale dans le numérique.

Les médias ont en effet un rôle prescripteur important pour la musique et assurent des débouchés commerciaux aux productions des artistes : le rapport Bordes a proposé à cet égard beaucoup de pistes intéressantes, que mes services sont en train d’examiner et que je souhaite voir mises en œuvre dans un futur proche.

Concernant l’audiovisuel public, le Président de la République a indiqué, lors du colloque du CSA, qu’une réflexion pouvait être engagée sur la modernisation de son financement au-delà de 2015. Le projet de loi de finances pour 2015 ne comporte donc pas de disposition modifiant l’assiette ou les modalités de calcul de la redevance. Il est vrai que nos concitoyens regardent de plus en plus la télévision sur internet ou d’autres supports, ce qui légitime une réflexion sur la modernisation de ce prélèvement. L’objectif n’est pas d’augmenter le rendement mais de moderniser l’assiette pour la rendre plus juste.

S’agissant de l’exception culturelle, ce modèle vertueux nous permet de financer la création audiovisuelle et cinématographique grâce à des mécanismes de taxe sur les tickets de cinéma ou de contribution d’un certain nombre de diffuseurs, de distributeurs ou de prestataires internet. Mais de nouveaux acteurs viennent concurrencer les acteurs traditionnels sans être soumis aux mêmes règles de promotion de la diversité, ni aux mêmes règles fiscales ou aux obligations de financement de la création. Nous devons donc à la fois consolider notre modèle d’exception culturelle – faute de quoi nous n’aurions plus de cinéma, de production ou d’espace de diffusion, comme dans certains pays – et inclure ces nouveaux acteurs, qui profitent aussi de la création, dans le mécanisme de régulation et de financement. Il s’agit d’un enjeu européen.

Cela fait deux ans et demi que je réfléchis à ces questions et notamment, depuis quelques mois, avec Jean Tirole, notre nouveau Prix Nobel d’économie. J’ai lancé avec l’École d’économie de Toulouse une réflexion pour essayer de mieux appréhender toute cette chaîne de valeurs qui se déploie aujourd’hui dans l’économie de la donnée et que l’on a du mal à appréhender, tout comme les services fiscaux. J’en ai parlé aux ministres chargés des finances et du budget, ainsi qu’au Premier ministre et au Président de la République : c’est un enjeu majeur si on veut sauvegarder le budget du ministère de la culture et la capacité de l’État à lever l’impôt. Aujourd’hui, des centaines de millions, voire des milliards d’euros de recettes fiscales échappent au budget de l’État, ce qui est inacceptable. Or beaucoup de nos collègues européens sont maintenant sensibilisés à cette question et souhaitent que nous puissions entreprendre des actions permettant un traitement équitable entre acteurs européens et extra-européens. Cela permettrait de reconstruire la clé de voûte qui tient l’ensemble de notre système et conditionne le dynamisme de la création en France et en Europe.

Quant au budget de la HADOPI, il a été discuté entre cette autorité et les ministères de la culture, de l’économie et du budget. Il est vrai que l’an dernier, un prélèvement a été opéré sur sa trésorerie, l’obligeant à puiser dans ses réserves. Je n’ai pas d’approche idéologique de cette question : j’ai rencontré hier sa présidente et je tiens à ce que cette autorité puisse remplir ses missions. Je considère que la pédagogie et la réponse graduée sont des éléments importants et n’ai jamais caché que la promotion de l’offre légale était cruciale. Beaucoup des propos du rapport de Mme Mireille Imbert-Quaretta me paraissent très intéressants et la HADOPI pourra mettre certaines de ses propositions en œuvre : je suis en train de voir celles qui exigent des aménagements législatifs ou requièrent un dialogue avec le ministère de la justice. L’établissement et la publication de listes noires me paraissent par exemple entrer dans le cadre des compétences de la HADOPI. Pour le reste, la discussion budgétaire pourra être l’occasion d’évoquer les difficultés rencontrées par cette autorité.

Pour les autres questions auxquelles je n’ai pu répondre, je propose de vous faire parvenir une réponse écrite, qu’il s’agisse notamment du droit d’auteur, de la lutte contre le piratage, du rayonnement international de la fiction, des rapports entre producteurs et diffuseurs, de la chronologie des médias, de la copie privée ou du traité transatlantique.

M. le président Patrick Bloche. Madame la ministre, je vous propose de nous revoir après la discussion budgétaire pour avoir un échange sur les derniers thèmes que vous avez évoqués. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 14 octobre 2014 à 16 heures 30

Présents. – Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. Christian Paul, M. Michel Piron, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Claude Sturni, Mme Michèle Tabarot, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, Mme Sonia Lagarde, Mme Dominique Nachury, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Patrick Gille, Mme Sophie Rohfritsch, M. Lionel Tardy