Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires culturelles et de l'éducation > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 28 octobre 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Projet de loi de finances pour 2015 (n° 2234) (seconde partie) :

• Présentation, ouverte à la presse, des rapports pour avis sur les crédits de la mission Enseignement scolaire et de la mission Recherche et enseignement supérieur :

- Enseignement scolaire (Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis)

- Recherche (Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis)

- Enseignement supérieur et vie étudiante (Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis)

– Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 28 octobre 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

——fpfp——

M. le président Patrick Bloche. Avant d’aborder notre ordre du jour, je vous indique que, comme il en avait pris l’engagement en commission élargie mercredi dernier, M. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports, nous a fait parvenir le rapport de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports concernant les effets de levier des subventions d’équipement du Centre national pour le développement du sport (CNDS). Ce document est à votre disposition au secrétariat de notre Commission.

Deux autres rapports émanant du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche vous ont été adressés ce matin par voie électronique. Le premier, conformément à ce que nous avions fait inscrire à l’article 63 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, dresse un bilan des dispositions introduites par la loi du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, dite « loi Carle ». Le second, prévu à l’article 83 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, est consacré à l’évolution du statut d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER).

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Sylvie Tolmont, sur les crédits pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire », et de Mme Sophie Dion (Recherche), et Mme Sandrine Doucet (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Patrick Bloche. Permettez-moi de rappeler au préalable quelques points de méthode. Comme vous le savez, l’examen des crédits comporte trois temps : nos dix rapports pour avis font l’objet d’une présentation et d’une discussion au sein de notre Commission, consacrées plus particulièrement aux thèmes que les rapporteurs ont choisi de traiter dans la seconde partie de leur travail ; les crédits des missions dont nous sommes saisis sont également examinés en commission élargie, avec nos collègues de la commission des finances et, le cas échéant, d’autres commissions ; puis arrive le temps de la discussion en séance publique.

Les trois rapports pour avis qui nous seront présentés aujourd’hui portent sur les crédits de missions relevant d’un même ministère, celui de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons déjà examiné en commission élargie les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais pas ceux de la mission « Enseignement supérieur et recherche ». Le bureau de la Commission a néanmoins considéré qu’il y avait une certaine cohérence à traiter globalement de crédits concernant l’intégralité du parcours des élèves, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur.

Nos trois rapporteures, Sylvie Tolmont, Sophie Dion et Sandrine Doucet, ont chacune choisi de traiter une thématique spécifique afin de mettre l’accent sur un secteur ou un enjeu particulier des politiques publiques en faveur de l’enseignement et de la recherche. Leurs projets de rapports vous ont été adressés vendredi dernier et hier.

Je vais tout d’abord donner la parole à Sylvie Tolmont, qui, dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a centré son rapport sur les structures d’enseignement adapté du secondaire, les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA), qui sont des dispositifs souvent méconnus.

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je commencerai par quelques éléments de contexte avant de présenter les pistes de réflexion développées dans ce rapport qui porte en effet, monsieur le président, sur les sections SEGPA et les EREA à l’heure de la refondation de l’école.

Les SEGPA et les EREA scolarisent, à partir de la classe de sixième, des élèves présentant des difficultés graves et durables d’apprentissage et ne maîtrisant pas toutes les compétences attendues à la fin du CE1.

Ces deux structures se distinguent toutefois sur un point essentiel. Les premières, qui accueillaient 94 384 élèves à la rentrée 2013, font partie intégrante des collèges. Les secondes, en revanche, sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui scolarisent des élèves – 10 250 l’année dernière – présentant des difficultés comparables à celles des élèves de SEGPA mais dont la situation personnelle justifie un hébergement en internat.

Le positionnement et le fonctionnement mêmes de ces structures contredisent deux grands objectifs corrélés que posait la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, à savoir la réaffirmation du collège unique et la promotion de l’école inclusive.

En outre, le nouveau cycle regroupant le CM1, le CM2 et la sixième remet en question la pertinence d’une orientation vers l’enseignement adapté à l’issue du CM2. C’est autour de cette première grande réflexion que s’articulent les questions posées dans ce rapport.

Toutefois, l’examen de la situation des SEGPA et des EREA suppose que l’on dépasse le cadre de cette première interrogation, dont les contours doivent du reste être nuancés. En effet, les objectifs poursuivis par ces structures et les bénéfices indéniables qu’elles apportent à des élèves, qui relèvent tous de la grande difficulté scolaire, sont d’une telle évidence qu’ils ne permettent pas de réduire la question à une simple contradiction avec des principes. L’organisation de dispositifs dérogatoires permet effectivement d’offrir un cadre bienveillant à ces élèves.

Comme le montre le tableau figurant en page 15 du rapport pour avis, les élèves de SEGPA sont ceux qui souffrent des plus grandes inégalités en termes d’apprentissages et de statut socio-économique. La classe de cours préparatoire (CP) a pesé très lourdement sur leur « destin scolaire » : 84 % d’entre eux ont redoublé leur CP.

Quant aux élèves des EREA, leur situation est avant tout synonyme de fragilité exceptionnelle. Pour reprendre les propos entendus lors de ma visite à l’établissement de Bonneuil-sur-Marne, les jeunes qui y sont scolarisés sont souvent « abîmés » par la vie.

Face à ces publics très particuliers, les structures adaptées disposent de réels atouts. J’en citerai trois :

– d’abord, un taux d’encadrement optimal par rapport aux conditions d’enseignement ordinaires du second degré. Pour les SEGPA, ce taux est la résultante d’une norme nationale fixant le nombre maximal d’élèves par classe à seize, ce plafond étant d’ailleurs rarement atteint. Dans les EREA, on compte en général un adulte pour deux élèves, un taux d’encadrement évidemment exceptionnel qui explique la quasi-absence de décrochage dans ces établissements ;

– ensuite, la présence d’équipes enseignantes qui comprennent des spécialistes de la grande difficulté scolaire et qui se concertent chaque semaine, ce qui permet une réelle mise en cohérence des apprentissages ;

– enfin, dans les EREA, une articulation entre les activités éducatives de l’internat et le projet pédagogique de l’établissement, qui permet de prendre en charge l’enfant ou l’adolescent dans sa globalité.

Ce cadre protecteur favorise de facto la personnalisation de la réponse apportée à la situation de chaque élève.

Malgré ces atouts, l’enseignement adapté reste critiquable ou fragile sur certains points.

Premièrement, la procédure d’orientation vers ces structures, qui repose sur les commissions départementales d’orientation vers les enseignements adaptés (CDOEA), donne trop de place aux tests psychométriques et au préjugé selon lequel il existerait un « profil d’élève de SEGPA », et prend insuffisamment en compte les acquis scolaires. En outre, une fois l’orientation vers la SEGPA établie, les dossiers des élèves ne sont plus réexaminés en cours de scolarité, ce qui empêche toute sortie de cette filière et toute réintégration dans le cursus ordinaire.

Deuxièmement, les élèves de SEGPA et ceux du collège pratiquent très rarement des activités communes alors qu’ils sont scolarisés dans le même établissement, ce qui accentue le déficit de connexion entre SEGPA et collège. Des points de rencontre réguliers entre la SEGPA et d’autres enseignants, d’autres élèves, d’autres disciplines, ne pourraient qu’encourager les possibles retours des élèves de SEGPA dans le parcours classique.

Les EREA, quant à eux, vivent trop souvent en vase clos, n’ayant que très peu de contacts ou d’échanges avec les collèges et lycées professionnels voisins.

Troisièmement, si le taux de spécialisation des enseignants d’EREA et de SEGPA est encore assez élevé, les départs en formation pour obtenir les certifications correspondantes sont en chute libre. Dans le cas des EREA, on atteint même un seuil critique en ce qui concerne les professeurs des écoles éducateurs chargés de l’internat puisque leur recrutement n’est plus ouvert depuis que le Conseil d’État a annulé, en 2002, le texte qui régissait leurs obligations de service. Leurs postes sont de plus en plus occupés par des assistants d’éducation recrutés par contrat, alors qu’il faudrait les confier à des personnels qualifiés et chevronnés.

Quatrièmement, les parcours scolaires en SEGPA ou en EREA s’apparentent à des « voies sans retour » : une fois entrés, leurs élèves n’en ressortent quasiment jamais pour rejoindre les classes ordinaires du collège ou du lycée professionnel. Cette vision « tubulaire », que révèle l’absence de passerelles avec le cursus ordinaire, est préoccupante, alors même que la refondation de l’école réaffirme le principe du collège unique.

Cinquièmement, la terminologie retenue dans le code de l’éducation – qui qualifie les difficultés des élèves concernés de « graves et permanentes » – suggère, à elle seule, le caractère immuable de leur orientation, sans autre issue possible que d’achever son parcours de formation en SEGPA ou en EREA.

Sixièmement, la configuration des plateaux techniques où sont dispensés les enseignements préprofessionnels de SEGPA réduit considérablement le champ des possibles en matière d’orientation professionnelle et ne donne pas toujours lieu à des formations adaptées au tissu économique local et aux enjeux actuels de l’emploi.

Enfin, contrairement aux objectifs fixés par les deux circulaires qui les encadrent, ces structures ne garantissent pas à tous leurs élèves un accès à une qualification de niveau 5, du type du certificat d’aptitude professionnelle (CAP).

Je tiens à dire encore une fois que les réussites humaines des SEGPA et des EREA sont incontestables et nombreuses. Mais les performances des SEGPA, dont un quart seulement des élèves arrivent à une classe terminale de l’enseignement secondaire qui les conduira à un diplôme, devraient nous interpeller. Je me félicite donc que le ministère de l’éducation nationale ait mis en place deux groupes de travail pour réfléchir à l’avenir de ces structures.

Je voudrais maintenant aborder l’autre champ de réflexion dans lequel s’inscrit cette étude. En effet, pour légitimes qu’ils soient, ces questionnements ne doivent pas conduire à sacrifier des structures qui offrent ce que l’enseignement secondaire n’est pas aujourd’hui en mesure d’apporter à ces élèves, à savoir un cadre exceptionnellement attentif à leurs besoins et qui leur permet d’apprendre autrement. La fermeture des SEGPA constituerait, de fait, une perte irréparable pour le collège d’aujourd’hui. À long terme, en revanche, lorsque des équipes pluridisciplinaires enseigneront une culture commune de la maternelle au collège – et à cette condition seulement ! –, la question de leur suppression pourra se poser.

En attendant, il convient d’adapter ces structures en tenant compte des limites du système actuel.

D’abord, l’orientation vers l’enseignement adapté devrait reposer sur des critères scolaires et donner lieu, chaque année, à un réexamen du dossier de l’élève pour faciliter les retours vers la voie ordinaire. Ensuite, cette orientation ne devrait pas être conditionnée au redoublement de l’élève en primaire, car le redoublement représente à la fois un coût pour l’éducation nationale et une souffrance pour l’enfant qui n’est pas défendable.

Parallèlement, la sixième de SEGPA devrait laisser la place, à titre expérimental dans un premier temps, à une « sixième mixte » permettant une scolarisation partielle en sixième ordinaire. Dans le même esprit, des groupes rassemblant plusieurs heures par semaine les élèves de la SEGPA et ceux du collège devraient être institués dans quelques disciplines, dont, à tout le moins, la technologie, l’éducation artistique et l’éducation physique et sportive. En outre, les échanges de service entre professeurs de SEGPA et de collège gagneraient à être développés pour inciter plus systématiquement les élèves de SEGPA à passer le brevet. De même, des liens plus étroits avec les lycées professionnels voisins permettraient de pousser les élèves des SEGPA, mais aussi ceux des EREA, à préparer le baccalauréat professionnel.

Le travail remarquable des personnels enseignants d’EREA et de SEGPA devrait être davantage valorisé. Il conviendrait notamment de permettre l’intégration des directeurs de ces structures dans le corps des personnels de direction, par le biais de listes d’aptitudes spécifiques, et de prévoir un grade de reclassement attractif.

Dans le même ordre d’idées, les EREA, en pointe en matière éducative et pédagogique, devraient devenir des établissements « supports » pour les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Pour cette raison, le maintien de ces établissements m’apparaît indispensable, même dans le cadre d’une école inclusive.

Ce travail m’a permis de découvrir un aspect méconnu de l’éducation nationale qui, à bien des égards, pourrait être une source d’inspiration pour la refondation pédagogique de l’école. Les SEGPA et les EREA ne sont que la pointe émergée d’un phénomène, celui de la grande difficulté scolaire, qui concerne plus de 10 % des élèves. Ce constat me conduit à formuler un vœu : les enseignants – pas seulement ceux des SEGPA et EREA – devraient tous apprendre à faire progresser des élèves différents ayant des besoins différents. Pour l’école républicaine, dont le principe d’inclusion est une des raisons d’être, pour la richesse et la qualité de la formation délivrée dans les ESPE – un des objectifs prioritaires de la refondation –, c’est un beau défi à relever !

M. le président Patrick Bloche. La parole est maintenant à Sophie Dion, qui a choisi, pour son avis sur les crédits de la recherche, une thématique originale : « Recherche et montagne ».

Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis pour les crédits de la recherche. J’ai en effet choisi, dans le cadre de l’examen du budget de la recherche, d’étudier un sujet qui l’est trop peu souvent : la montagne. Je ne pensais pas, du reste, que le Premier ministre confirmerait officiellement ce choix en proclamant, le 17 octobre 2014 : « La montagne est l’avenir de la France. » Avenir de la France, certainement, mais aussi incomparable laboratoire de recherche à ciel ouvert !

La montagne reste pourtant à la périphérie des sciences. Alors qu’elle couvre 29 % du territoire national, elle ne mobilise que peu de moyens de recherche : 100 millions d’euros par an seulement selon les estimations, ce qui ne paraît pas à la hauteur des enjeux.

Au plan environnemental et climatique, la montagne est un véritable laboratoire du changement global. Parce qu’elle constitue un écosystème très riche, c’est aussi un important réservoir de la biodiversité. Mais ce milieu riche est aussi un milieu fragile, plus sensible que la plaine, par exemple, au changement climatique : alors que la température du globe s’est élevée de 0,5 degré au cours du siècle dernier, celle des Alpes a crû de 1,5 degré. La montagne est donc un bon indicateur des conséquences du changement climatique. Elle concentre par ailleurs des ressources naturelles importantes, notamment en eau. Elle fournit aussi des ressources minières et pétrolières.

Il faut avoir à l’esprit tous les enjeux liés à l’anthropisation de ce milieu si particulier. Les risques naturels y sont plus prégnants qu’ailleurs, qu’il s’agisse des avalanches, des éboulements ou des crues. En tant que zone géologique active, la montagne fait l’objet d’une surveillance sismique particulière.

Elle est aussi le terrain privilégié de nombreuses activités sportives et de loisirs, donc d’enjeux relatifs à la santé et aux pathologies liées à l’altitude.

Si la montagne intéresse la médecine et la physiologie, elle intéresse également les sciences humaines et sociales. Développement du tourisme, changements intervenus dans les usages agricoles ou industriels, gestion des flux : toutes ces questions mobilisent les chercheurs en économie, en droit, en sociologie, en histoire ou en géographie.

À Grenoble, à Chambéry, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, différents laboratoires d’écologie, de sciences de la terre et de sciences humaines et sociales conduisent des recherches passionnantes. Certains sont rattachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d’autres appartiennent à de grands organismes de recherche comme l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ou l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Certains ont même un statut associatif, comme le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude ou, dans le domaine médical, l’Institut de formation et de recherche en médecine de montagne.

La recherche sur la montagne est relativement récente. Beaucoup de ces laboratoires sont nés dans les années 1990 et 2000. Les résultats sont néanmoins très prometteurs. Dans le domaine environnemental et écologique par exemple, on peut aujourd’hui modéliser les effets du changement climatique sur la végétation. Dans le domaine des risques, on comprend mieux les avalanches, et l’on peut limiter les chutes de blocs de pierre par une couverture forestière appropriée. Dans le domaine de la santé, on évalue mieux les effets de l’altitude et on combat mieux le mal aigu des montagnes.

Pour autant, la recherche sur la montagne a encore du mal à se fédérer. Il existe certes un laboratoire d’excellence (LABEX) qui regroupe des laboratoires de sciences humaines et sociales sur ce sujet, et un autre, dans le domaine des sciences de la vie et de la terre, qui se préoccupe en partie de ces questions. L’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale, de son côté, réunit les principaux acteurs de la recherche en montagne, mais sous le seul aspect environnemental. Les sciences humaines et les sciences dures ne se parlent pas encore, ou trop peu.

Là plus qu’ailleurs, les financements sont difficiles à trouver. En effet, les projets de recherche sur la montagne prennent plus de temps que les autres, que ce soit en écologie, en géosciences ou en sciences humaines. Pour être valables, les recherches doivent accumuler de longues séries de données, ce qui peut s’avérer impossible dans le cadre de contrats de recherche de trois ou cinq ans.

La montagne manque également de visibilité en tant qu’objet de recherche, si bien que les chercheurs ont du mal à se positionner pour répondre à des appels à projets qui, dans la plupart des cas, sont généralistes. Comme le littoral, la montagne devrait faire l’objet d’un intérêt accru dans le cadre du financement sur projet.

Les contrats de recherche sont une bonne chose, dans la mesure où ils orientent la recherche vers des enjeux que les pouvoirs publics considèrent comme prioritaires. Mais le soutien de base est également important pour mener des recherches qui sont, à un instant donné, moins attractives. C’est pourquoi je crois qu’il est impératif à la fois de faire une place à la montagne dans les appels à projets et de permettre aux laboratoires de bénéficier de financements suffisants pour mener les recherches qu’ils estiment porteuses d’avenir.

M. le président Patrick Bloche. Notre troisième rapporteure pour avis à intervenir ce matin est Sandrine Doucet, pour les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante ; elle a porté son attention sur la rénovation des formations technologiques courtes dispensées par les sections de technicien supérieur et les instituts universitaires de technologie.

Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. J’ai en effet choisi de centrer mon rapport sur les sections de technicien supérieur (STS) et les instituts universitaires de technologie (IUT), qui sont directement concernés par une des mesures phares de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche : l’institution de quotas d’accès en faveur des bacheliers professionnels et technologiques.

Au-delà de la question des quotas, j’ai souhaité me pencher sur l’avenir de ces filières technologiques courtes, qui sont en quête de nouveaux équilibres.

Le fonctionnement et les résultats – en termes de diplomation et d’insertion professionnelle – des STS et les IUT sont l’une des grandes réussites de notre système d’enseignement supérieur. Ces filières ont su offrir une formation professionnalisée aux futurs cadres intermédiaires de nos entreprises et de nos services, tout en étant un vecteur d’ascension sociale pour de nombreux jeunes issus de milieux modestes. Elles sont en outre appréciées des PME car leurs cursus sont le fruit d’une co-construction entre les formateurs et les employeurs. Enfin, elles sont plébiscitées par les familles : l’encadrement qu’elles proposent à leurs étudiants assure une transition « en douceur » entre le lycée et l’enseignement supérieur.

Pourtant, force est de constater que les STS et les IUT traversent aujourd’hui une zone de turbulences que j’ai tenté de cartographier dans mon rapport en l’articulant autour de deux grandes problématiques : d’une part, la démocratisation de l’accès à ces filières sélectives et de la réussite au diplôme ; d’autre part, la cohérence entre les niveaux de qualification et les besoins en compétences des entreprises.

Commençons par l’enjeu de la démocratisation. Il suppose que l’on corrige les flux de bacheliers à l’entrée des STS et IUT car ceux-ci sont devenus un facteur d’iniquité. Le processus d’orientation et de sélection dans notre système éducatif étant dominé par le baccalauréat général et la série S, les titulaires de ce diplôme prennent dans les IUT des places aux bacheliers technologiques qui, de ce fait, s’orientent vers les STS au détriment des candidatures de bacheliers professionnels. C’est ainsi que de nombreux bacheliers professionnels s’orientent par défaut vers l’université, où leur taux de réussite en trois ans à la licence est de 3,1 % seulement. Cet échec est un gâchis humain d’autant plus inacceptable qu’il pénalise des jeunes issus de milieux peu favorisés : je rappelle que l’on compte chez les ouvriers trois fois plus de titulaires du baccalauréat professionnel que du baccalauréat général.

Le contrat social proposé à ces jeunes est donc faussé. C’est bien pourquoi nous avons adopté, l’année dernière, le dispositif des quotas. Mais je ne pense pas qu’il suffise d’ouvrir la porte des IUT et des STS à certains bacheliers pour démocratiser l’accès à ces filières : il faut aussi accompagner ces bacheliers vers la réussite.

Cette politique d’accompagnement devrait mobiliser – comme c’est d’ailleurs le cas dans certains IUT et STS – une large palette d’instruments : établissement de bilans de compétences en fin de premier semestre, institution de « modules passerelles » entre la terminale et la première ou les deux années de STS, politique d’orientation des bacheliers professionnels prenant en compte le fait que ceux-ci réussissent mieux lorsque leur lycée accueille aussi des STS, recours au tutorat et développement des parcours permettant d’obtenir le diplôme universitaire de technologie en deux ans et demi ou trois ans.

Parallèlement à ces mesures, l’accueil en STS et en IUT des bacheliers professionnels et technologiques qui sont en échec à l’université devrait être facilité par la mise en place de « rentrées décalées » ou de semestres d’adaptation.

Tout ceci demande des moyens, ce qui implique que les référentiels de formation des STS accordent une large place aux heures d’accompagnement des étudiants fragiles et que les IUT et les universités jouent sans arrière-pensées le jeu des contrats d’objectifs et de moyens prévus par la loi du 22 juillet 2013 et encadré par deux décrets adoptés l’été dernier.

J’en viens maintenant à la seconde problématique, celle de la cohérence entre formation et besoins des entreprises. Dans ce domaine, je dois avouer que les interrogations, voire les tensions à l’œuvre, sont très nombreuses.

J’évoquerai notamment les inquiétudes des entreprises et des formateurs concernant le positionnement du brevet de technicien supérieur (BTS) et du diplôme universitaire de technologie (DUT) ainsi que la qualité des baccalauréats rénovés.

Premièrement, nous constatons un « déport » des sorties de l’enseignement supérieur de bac + 2 vers bac + 3, c’est-à-dire du BTS ou du DUT vers la licence professionnelle ou au-delà, ce qui complique le recrutement par les PME des techniciens dont elles ont besoin. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a même parlé de « dévoiement » du DUT, qui est devenu un passeport pour la poursuite d’études pour 87 % de ses diplômés. Ce phénomène de grande ampleur a d’ailleurs conduit un de mes interlocuteurs à considérer que certaines spécialités d’IUT pourraient se transformer en classes préparatoires intégrées à l’université, une option vivement contestée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Ces poursuites d’études ne sont pas étrangères au fait que les jeunes se détournent des métiers de l’industrie alors que toutes les études prospectives démontrent que celle-ci offrira, dans les dix prochaines années, de nombreux emplois qualifiés, souvent à forte composante numérique.

Deuxièmement, la qualité des nouveaux baccalauréats professionnels et technologiques, notamment celle du fameux baccalauréat « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable » (STI2D), fait débat. Pour certains, le « bac pro » obtenu en trois ans a réduit l’employabilité de ses titulaires et ses modalités d’obtention relativement souples pourraient, du fait de l’afflux des bacheliers professionnels résultant des quotas, avoir des répercussions sur le niveau du BTS. En outre, le « fléchage » de ces bacheliers vers cette filière pourrait donner une forme de prépondérance aux apprentissages par le geste au détriment d’une approche un peu plus conceptuelle, ce qui entraînerait des pertes de compétences. Quant aux nouveaux « bacs techno », mes interlocuteurs ont été jusqu’à les qualifier de « bacs sans technologie ». Cette évolution suscite une certaine perplexité chez les responsables du réseau des IUT.

Troisièmement et dernièrement, nous sommes confrontés à un réel problème d’articulation des objectifs fixés par la nation concernant le pourcentage de bacheliers – 80 % d’une classe d’âge – et celui de diplômés de l’enseignement supérieur – 50 % d’une classe d’âge. Nous allons certainement atteindre les 80 % de bacheliers, mais uniquement grâce à la progression du nombre de bacheliers professionnels, et cette tendance ne nous aidera pas à accroître le niveau de qualification de la population. Tel est le constat de la Conférence des présidents d’université et du comité chargé de rédiger la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur. Ce dernier rappelle que France Stratégies a retenu comme objectif un taux de titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5 égal à 21,5 % en 2020 et que la Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs a identifié un besoin de formation de 13 000 diplômés supplémentaires par an.

Aussi la mobilisation autour des quotas de bacheliers professionnels ne doit-elle pas nous faire oublier qu’il est de notre intérêt d’accroître le nombre de bacheliers technologiques et généraux. Comme le suggère le Syndicat général de l’éducation nationale, affilié à la Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT), nous pourrions peut-être fixer des objectifs en termes de types de bacheliers formés et augmenter, à partir de là, la part des bacheliers généraux issus des milieux défavorisés, ce qui permettrait une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur long.

Mon travail, vous l’aurez compris, ne vise pas à proposer des recettes toutes faites : il établit une sorte de questionnaire qui appelle des réponses nuancées, loin de toute posture dogmatique. Le modèle de formation proposé par les IUT et les STS garde, certes, toute sa pertinence, mais il doit désormais concilier des exigences de plus en plus nombreuses. C’est sans doute l’occasion ou jamais de s’appuyer sur les acquis de ces deux réseaux pour réfléchir aux contours d’une filière universitaire technologique complète, qui irait du « post-bac » au doctorat et qui proposerait des parcours de formation plus souples afin d’accroître la mobilité sociale à tous les âges de la vie.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, mes chères collègues, pour le travail qui a permis l’élaboration de ces trois beaux rapports, et donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

M. Émeric Bréhier. Je m’associe à ces remerciements.

Chacun des trois rapports traite, à sa manière, de la mise en application de textes que nous avons adoptés et donne la mesure du chemin qui reste à parcourir entre le vote de la loi et son application effective. Nous devons rester à cet égard extrêmement attentifs.

Vous mettez bien en lumière, madame Tolmont, le paradoxe qui existe entre des structures d’enseignement adapté qui résultent de la priorité donnée par l’éducation nationale à la lutte contre l’échec scolaire, et le principe d’inclusion que nous avons longuement discuté lors des débats sur la loi pour la refondation de l’école. Selon vous, à quel horizon peut-on raisonnablement envisager une disparition des SEGPA par intégration dans le dispositif global de l’éducation nationale ? Parallèlement, comment améliorer l’intégration des EREA dans le système éducatif général ?

J’espère que vous pardonnerez à un député de plaine de poser une question aussi triviale, madame Dion : dans les laboratoires dont vous soulignez la pertinence du projet de recherche, avez-vous relevé une évolution favorable des crédits pérennes, sachant que les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), chère au cœur de notre collègue Patrick Hetzel, ont, eux, diminué ?

Au-delà d’un accès aux formations dont vous avez souligné les effets parfois paradoxaux, madame Doucet, comment faire pour que les étudiants de STS et d’IUT réussissent et pour que ces diplômes contribuent véritablement à l’ascenseur social ?

M. Xavier Breton. Je remercie également les trois rapporteures.

Je concentrerai mon intervention sur l’enseignement scolaire. Votre rapport, madame Tolmont, mérite d’être salué : souvent méconnues, les structures d’enseignement adapté accomplissent dans l’ombre un travail remarquable. Votre coup de projecteur est très opportun.

Je souscris également à votre approche pragmatique : le fonctionnement de ces structures, avez-vous démontré, contredit certes les principes réaffirmés du collège unique et de l’école inclusive, mais on ne peut ignorer le travail souvent remarquable réalisé par les SEGPA et les EREA, et l’impossibilité, pour le second degré, de scolariser dans de bonnes conditions des élèves qui se situent parfois, écrivez-vous, « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique ». Votre rapport souligne bien l’intérêt de ces enseignements adaptés, qu’il s’agisse des effectifs réduits ou de la personnalisation de la réponse apportée à chaque élève selon sa situation.

J’ai relevé trois propositions particulièrement intéressantes : le développement des échanges avec les collégiens et enseignants hors SEGPA ; la remise en cause de la pertinence du critère du redoublement, lequel correspond à une interprétation étroite de la circulaire du 29 août 2006 et ignore les effets négatifs du redoublement ; la mise en place d’une évaluation permettant d’assurer un meilleur suivi des élèves.

Votre rapport relève que les effectifs des SEGPA ont baissé de 17 %, passant de 113 800 élèves en 2002 à 94 400 en 2013. Quelles sont les raisons de cette baisse, sachant que le taux d’encadrement n’a pas diminué dans la même période ?

Vous regrettez par ailleurs que les plateaux techniques des SEGPA soient peu modernes et peu diversifiés. Que proposez-vous à cet égard ?

Pour ce qui est de la trajectoire des élèves concernés, tout semble joué dès l’entrée en primaire, dites-vous. La scolarité du premier cycle ne permet pas de remédier à leurs difficultés. Dès lors, ne conviendrait-il pas de s’orienter vers un repérage précoce des difficultés dès l’école maternelle ? Bien que cette question soulève toujours de vifs débats et se heurte, sur certains bancs, à une opposition culturelle, le diagnostic que vous établissez nous conduit à la poser.

Enfin, vous indiquez avoir « parfois eu la tentation, sans doute provocatrice, de croire que la réussite des EREA tenait au fait que l’administration de l’éducation nationale s’en était désintéressée ». Est-ce un plaidoyer pour une plus grande autonomie des établissements ?

En tout cas, je vous remercie encore pour ce rapport. Là où vous voyez une contradiction, je vois plutôt une interrogation sur la manière de faire vivre et de décliner les principes du collège unique et de l’école inclusive.

Mme Barbara Pompili. Madame Tolmont, je tiens à vous remercier du travail d’investigation que vous avez conduit sur des secteurs souvent mal connus et pourtant, aujourd’hui encore, malheureusement nécessaires !

Alors que la loi pour la refondation de l’école promeut l’école inclusive et que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît le droit à la scolarisation aux élèves en situation de handicap, l’existence de structures adaptées comme les SEGPA ou les EREA n’est pas sans nous interpeller, tout en justifiant l’intérêt de votre rapport.

Si nous prônons l’école inclusive et l’adaptation du système aux besoins de chaque élève, incluant le parcours individualisé et l’accompagnement humain, nous constatons aujourd’hui que nous sommes encore loin d’atteindre cet idéal. Oui, l’existence même des SEGPA et des EREA est la preuve que l’école inclusive n’existe pas encore. C’est pourquoi quiconque prônerait leur disparition immédiate prendrait le risque d’aggraver les difficultés scolaires et sociales de nombreux élèves qui, ne sachant vers quelles structures se tourner, seraient très mal accueillis dans le milieu dit ordinaire.

Or, c’est précisément sur le milieu ordinaire qu’il convient d’agir pour le rendre capable, à terme, d’accueillir les élèves en grande difficulté. Il n’est pas acceptable que le système scolaire continue de reproduire et d’aggraver les inégalités sociales, alors qu’il devrait servir de tremplin à ces élèves. Nous ne pouvons plus accepter que les plus fragiles soient extraits du milieu ordinaire pour être placés dans des filières vues et vécues comme des voies de garage, où l’on essaie de les oublier en limitant au maximum les relations entre milieu adapté et milieu ordinaire – c’est un point que vous soulignez. C’est comme si ces deux mondes coexistaient sans se voir, puisque, même lorsqu’ils partagent le même site, ils ne partagent pas les mêmes locaux, ce qui interdit tout mélange ou tout échange entre les élèves et les professeurs de ces deux mondes, qu’il s’agisse des cours, des activités sportives et artistiques, des voyages scolaires, des dynamiques d’établissement, voire de la cantine – il y a fort heureusement quelques exceptions. Il est donc urgent d’agir pour pallier les défaillances de notre système, qui rejette une partie des jeunes.

La loi de refondation de l’école constitue une première étape, notamment parce qu’elle redonne la priorité au primaire – les professionnels de SEGPA le soulignent : il faut s’attaquer aux difficultés dès le primaire – et qu’elle restaure la formation des enseignants. Il faut toutefois aller plus loin. Devant les difficultés spécifiques rencontrées par certains élèves, nombre d’enseignants se sentent encore aujourd’hui trop démunis. Le manque de formation de l’ensemble des équipes pédagogiques à l’accueil des élèves en situation de handicap ou en grande difficulté étant une des racines du mal, il faut tout faire pour y remédier.

Il convient également d’assouplir le système, afin de permettre à chaque élève de bénéficier d’un suivi et d’un parcours individualisés. Il devrait être possible de mieux « circuler » à l’intérieur d’un cycle et de fonctionner par petits groupes et par projets. Il faut également augmenter les moyens humains pour accompagner chaque élève et mieux ouvrir l’établissement à son milieu.

Je tiens à insister sur la nécessité d’améliorer l’existant car, de l’avis même des professionnels travaillant en SEGPA, la suppression à court terme de ces structures relève de l’utopie. En attendant que l’inclusion en milieu ordinaire puisse devenir la norme, il convient d’améliorer le fonctionnement des SEGPA et des EREA pour leur permettre de répondre aux difficultés des élèves que ces structures accueillent.

Vos préconisations, madame la rapporteure pour avis, vont dans le bon sens puisqu’elles tendent à renforcer les liens entre le milieu ordinaire et le milieu adapté pour les élèves et les enseignants, à réviser les critères d’orientation, à supprimer la condition devenue absurde du redoublement, à systématiser le réexamen des situations des élèves scolarisés en milieu adapté, à accroître les sorties d’élèves vers la voie « ordinaire », notamment grâce aux liens créés lors du réexamen des situations, à revoir les missions des EREA en les intégrant à leur environnement scolaire, à mieux valoriser le travail des personnels et à mettre l’accent sur leur formation. J’espère que vos conclusions trouveront rapidement un écho favorable et concret.

M. Rudy Salles. La France se situe seulement au dix-huitième rang de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour la performance de ses élèves. Quant au rapport de la Cour des comptes « Gérer les enseignants autrement », rendu public le 22 mai 2013, il souligne que les résultats insatisfaisants de notre école ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants. Il était donc indispensable d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants : or cette réforme est totalement absente du projet de loi de finances.

Nous regrettons tout d’abord que ce texte ne réponde pas à la principale difficulté soulevée par la réforme des rythmes scolaires, à savoir l’absence de financement pérenne. Comptez sur nous pour le rappeler ! Le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, reconduit à la rentrée 2015 au bénéfice des communes les plus fragiles, ne peut constituer une solution satisfaisante. L’inquiétude demeure particulièrement importante pour les collectivités territoriales qui doivent financer cette réforme, alors même que le gouvernement leur demande simultanément de contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros aux 50 milliards d’euros d’économies annoncées.

L’UDI apportera par ailleurs une attention toute particulière à la lutte contre le décrochage et soutiendra le développement des expériences peu coûteuses, fondées sur la mise en confiance en soi et sur des jeux collectifs et individuels, menées de manière concluante par des associations comme Coup de Pouce Clé.

S’agissant des crédits de la recherche, notre groupe s’interroge sur les orientations prises, qui visent à faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économies. En matière de soutien à la recherche et à l’innovation, nous nous inquiétons notamment de la suppression du programme 410 qui porte sur la « Recherche dans le domaine de l’aéronautique », secteur d’excellence employant 320 000 personnes, qui continue de se développer en période de crise et représente le premier secteur d’exportation de notre économie. Nous déplorons également que les moyens alloués au programme 191 – « Recherche duale (civile et militaire) » –, qui vise à maximiser les retombées civiles de la recherche de la défense et à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile, n’aient pas été amplifiés.

Nous regrettons enfin que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne préfigure pas les grandes orientations soutenues par notre groupe. Nous défendons tout d’abord la création d’écosystèmes économiques permettant de rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, et de lier le développement des infrastructures à celui des bassins économiques. Nous souhaitons également affirmer le rôle stratège de l’État en matière de recherche et d’innovation au service de la compétitivité, afin de soutenir massivement les entreprises dans ces secteurs d’excellence que sont l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition écologique et le numérique. De plus, l’enjeu de l’enseignement supérieur ne saurait, pour notre groupe, se résumer au déploiement de moyens supplémentaires, alors qu’il convient surtout de créer des liens toujours plus forts entre l’université et le monde extérieur. Si le programme promeut la coordination étroite à l’échelle d’un territoire académique des établissements publics d’enseignement supérieur, il est en revanche plus flou s’agissant des partenariats, pourtant indispensables, avec le monde économique et social. Enfin, la suppression des bourses au mérite, pour une économie de 14 millions d’euros en 2015 et de 35 millions en 2017, signe l’arrêt de la logique de recherche de l’excellence. Or celle-ci doit être poursuivie par l’enseignement supérieur s’il veut assumer son rôle essentiel, qui est de former la ressource humaine, laquelle constitue la plus grande richesse de la nation.

Mme Marie-George Buffet. Je tiens à saluer, comme vous le soulignez dans votre rapport, madame Tolmont, l’augmentation significative du nombre des enfants en situation de handicaps scolarisés, une augmentation qui impose de poursuivre le travail sur le statut et le déroulement de carrière des auxiliaires de vie scolaire (AVS).

Vous souhaitez que tous les enfants puissent un jour bénéficier d’un parcours commun et partager le même socle, au sein d’une école de la réussite débutant dès la maternelle : on ne verrait plus alors d’enfants en grande difficulté contraints de redoubler leur cours préparatoire. Vous soulignez toutefois qu’il faut tenir compte de la réalité : nul ne sait, en effet, quand l’école aura les moyens d’accueillir tous les enfants. C’est pourquoi nous devons saluer le travail effectué dans les SEGPA et les EREA.

Votre rapport évoque différents problèmes, notamment l’insuffisance des personnels qualifiés et l’absence de pilotage et de soutien académiques des enseignements adaptés, tout en s’interrogeant sur l’inclusion raisonnée et la manière dont l’école doit s’ouvrir à l’enseignement adapté, notamment par des échanges permettant aux enfants scolarisés en SEGPA de sortir d’un parcours tubulaire. Enfin, vous pointez l’absence de retour vers la voie « ordinaire », qui pose la question du suivi du parcours scolaire de ces enfants.

Madame Doucet, dans votre rapport pour avis sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante, vous évoquez, dans le cadre du « Plan 40 000 », le fait que les CROUS soient sollicités pour 30 000 nouveaux logements étudiants : quelle est aujourd’hui la capacité de financement des CROUS ? Je suis par ailleurs étonnée des écarts existant, selon les académies, entre les loyers des chambres en cité universitaire. Il conviendrait de se pencher sur la question.

Vous évoquez également la rénovation des formations technologiques courtes. Certes, trop souvent, les jeunes ont l’impression d’être orientés vers les filières professionnelles parce qu’ils ne sont pas capables de suivre l’enseignement général. Toutefois, pourquoi semblez-vous hésiter sur la poursuite des élèves issus de la voie professionnelle au niveau universitaire ?

M. le président Patrick Bloche. Je souhaite rassurer M. Rudy Salles, ainsi que tous les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. En effet, le Premier ministre vient d’annoncer, au Sénat, que le fonds d’amorçage, destiné à soutenir les communes dans l’aménagement des rythmes scolaires, sera maintenu l’année prochaine au même niveau que cette année. Cette bonne nouvelle nous conduira sans aucun doute à corriger, en séance publique, le projet de loi de finances pour 2015. Nous avions été nombreux, sur tous les bancs, à nous inquiéter : force est de constater que le gouvernement nous a entendus, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir collectivement. Notre mobilisation n’aura pas été vaine.

Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent poser des questions.

Mme Sophie Dessus. Mme Tolmont nous a alertés sur l’avenir des SEGPA, qui jouent un rôle important, notamment en milieu rural : je l’en remercie. Sans doute le principal défaut des SEGPA est-il le manque d’inclusion : toutefois, leur suppression aggraverait la situation des élèves concernés, ce qui arriverait s’ils étaient jetés dans le bain commun des classes de collège et ne bénéficiaient plus de l’enseignement spécifique que leur offrent des enseignements spécialisés. Leur suppression ne saurait être sérieusement envisagée tant que nous ne serons pas en mesure de les remplacer.

Madame Dion, c’est dans son intégralité que le secteur de la recherche m’inquiète. Le Président de la République avait choisi de rendre hommage à Pierre et Marie Curie le jour de son investiture, le 15 mai 2012. C’était un hommage appuyé rendu au génie français et un signal fort envoyé à tous nos savants et chercheurs.

Chacun sait que la recherche conditionne notre avenir. La France doit innover si elle veut rester à la pointe, apporter des réponses aux grands enjeux environnementaux et sanitaires et trouver les moyens de maintenir le financement de son modèle social.

Il convient de stimuler, d’un côté, la recherche privée des entreprises – le crédit impôt recherche s’y emploie – et, de l’autre, la recherche publique. Or celle-ci rencontre des difficultés. Permettez-moi de citer quelques titres récents de la presse : « Mal payés, mal équipés, mal considérés, les chercheurs dépriment » ; « Les chercheurs déprimés face aux suppressions de postes » ; « Jérôme, chercheur, dix ans d’études pour 1 800 euros nets » ; « Le Gouvernement reste ferme face aux chercheurs en colère ».

Tout élu sait qu’il ne faut pas se fier aux journaux. Toutefois, ces titres révèlent un grave problème. Quels sont les moyens alloués à la recherche, qui est une priorité ? Ne peut-on faire un geste pour les 30 000 chercheurs qui ne sont pas toujours payés à la hauteur de leurs mérites ? Comment les inciter à ne pas quitter la France ? Comment sortir de la précarité les 15 000 chercheurs qui enchaînent les CDD – l’INSERM a récemment perdu un contentieux contre l’un d’entre eux devant le tribunal administratif de Paris ? Comment assurer la simplification de la jungle administrative, où se perdent bon nombre de directeurs à la seule fin d’obtenir des crédits ? Quelle réponse apporter à la marche des chercheurs qui dure depuis plusieurs semaines ?

François Mitterrand avait organisé des États généraux de la recherche pour réfléchir à l’avenir de celle-ci. Nous devons trouver des solutions pour soutenir la recherche publique.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, le gouvernement souhaite inscrire la prorogation du financement de la réforme des rythmes scolaires dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 : c’est une avancée, assurément, mais quid de la pérennisation, qui est le terme clé ? Vous ne l’avez pas évoquée. Pour les communes, en effet, la dépense reviendra tous les ans. C’est pourquoi nous serons très attentifs à la question de la pérennisation du fonds d’amorçage.

Le budget accordé à la recherche par projets est en deçà du seuil critique – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de l’examen des projets de budgets pour 2013 et 2014. Le PLF pour 2015 n’améliore en rien la situation.

Quant au volet enseignement supérieur de la mission, Mme Doucet évoque de manière succincte, page 10 de son rapport pour avis, la suppression des bourses au mérite, bourses qui, je tiens à le rappeler, ne concernaient que des boursiers sur critères sociaux. Pour utiliser la terminologie gouvernementale – j’ai horreur du clivage qu’elle instaure –, il ne s’agit donc pas d’« enfants de riches ». Une fois de plus, c’est un gouvernement de gauche qui porte un coup de canif au mérite républicain, ce que nous ne pouvons que regretter car celui-ci était un ciment.

Le budget présenté par le gouvernement manque de vision et de souffle. C’est dommage pour un secteur tel que l’enseignement supérieur et la recherche, qui relève assurément de l’immatériel mais doit être considéré comme un investissement. Or le dossier de presse du gouvernement souligne que « l’optimisation de la gestion financière du secteur de l’enseignement supérieur » devrait rendre possible une nouvelle « contribution au redressement des finances publiques à hauteur de 100 millions d’euros ». Cela signifie que le gouvernement met le secteur à la diète. Il existe donc un immense décalage entre l’affirmation du gouvernement selon laquelle ce secteur est sanctuarisé et les faits, à savoir sa mise à la diète qui ne sera pas sans poser aux établissements d’enseignement supérieur un problème financier d’autant plus grave que la montée en puissance, en année pleine, de l’ordre de 45 millions d’euros, du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) creusera encore leur situation. Il manquera au bas mot 150 millions d’euros au budget des établissements d’enseignement supérieur.

De plus, le texte est muet sur le nouveau modèle d’allocation des moyens, annoncé pour 2015 par Mme Fioraso : il devrait inclure la masse salariale. Or le gouvernement a gelé ce chantier pour 2015, ce qui ne fait que confirmer le décalage entre les paroles et les actes.

Mme Isabelle Attard. Le financement des universités inquiète le monde de la recherche : suppression d’options, accueil limité des étudiants, tirage au sort dans certaines filières, gel d’emplois sont autant d’exemples glanés dans les rapports d’activité des universités. Selon la conférence des présidents d’université, les universités manqueront en 2015 de 200 millions d’euros pour financer leurs dépenses obligatoires. Si les écologistes se réjouissent du traitement, plutôt favorable, réservé aux étudiants, leur inquiétude est grande en ce qui concerne les nouvelles embauches promises par le gouvernement : celles-ci ne serviraient qu’à combler le manque de personnels administratifs. Il conviendrait donc de rétablir la situation et de se fixer l’objectif d’atteindre 3 % du PIB pour la recherche d’ici à dix ans, ce qui impliquerait d’augmenter chaque année son budget d’un milliard d’euros : nous en sommes loin !

C’est l’ensemble du modèle d’allocation qu’il convient d’ailleurs de réformer. Madame Dion, si vous avez cent fois raison d’évoquer dans votre rapport pour avis la situation de la recherche dans les zones de montagne, votre analyse vaut pour l’ensemble de la recherche. Vous concluez en soulignant que « certains domaines de recherche, qui peuvent apparaître moins attractifs à un instant donné, doivent bénéficier de moyens de financement pérennes » : le groupe écologiste réclame depuis deux ans et demi des financements ne dépendant pas de l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour permettre aux laboratoires de travailler. Vous ajoutez qu’« il importe d’assurer aux laboratoires des soutiens de base plus conséquents » : nous sommes totalement d’accord avec vous. Le développement du financement via l’ANR s’est effectué au détriment de la subvention publique aux organismes de recherche et à leurs équipes. En 2014, les résultats des derniers appels d’offres ont déçu : 8,5 % de succès sur 8 000 demandes.

Les appels à projet contribuent à mettre en concurrence les chercheurs et les organismes, ce qui entraîne un gaspillage de temps qui serait mieux employé à la recherche elle-même : c’est ce que soulignent tous les chercheurs et tous les enseignants, ingénieurs et techniciens qui manifestent actuellement, ainsi que les 700 directeurs d’unités qui menacent de recourir à une démission administrative, comme ils l’avaient déjà fait il y a quelques années. La situation actuelle est regrettable. Madame la rapporteure, pensez-vous, comme moi, que le nécessaire relèvement des financements permanents des équipes de recherche s’impose ?

Selon les écologistes, la meilleure piste pour trouver des financements est le crédit d’impôt recherche (CIR), qui n’a pas démontré, loin de là, son efficacité à stimuler les investissements privés de recherche, n’exerçant aucun effet de levier. Avant 2012, le Parti socialiste avait demandé l’organisation d’un débat public sur le sujet : or le CIR demeure intouchable, en dépit des fortes critiques dont il fait l’objet, de toutes parts, y compris de la Cour des comptes.

M. Hervé Féron. Comment concilier, madame Doucet, l’objectif, inscrit dans la stratégie de Lisbonne, d’atteindre 50 % de diplômés du supérieur, et, plus largement, celui de répondre aux besoins de notre économie en étudiants diplômés de haut niveau, avec la promotion du BTS ou du DUT, qui sont des filières courtes ?

Depuis la publication du décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service des personnels enseignants, les professeurs du secondaire se sont vu assigner une mission d’orientation à l’égard de leurs élèves, en sus de leurs obligations initiales. Or cette mission supplémentaire risque de se heurter au manque de moyens horaires. Comme vous le suggérez pour les professeurs des sections de techniciens supérieurs (STS) chargés d’accompagner les élèves en difficulté, ne pensez-vous pas nécessaire d’aménager des plages horaires spéciales pour les enseignants du secondaire afin de leur permettre de remplir ces nouvelles missions d’orientation sans alourdir leur charge de travail, qui est déjà importante ?

M. Claude Sturni. Madame Doucet, je suis très sensible à l’avenir des formations supérieures dites courtes, que vous évoquez dans votre rapport pour avis – je partage un grand nombre de vos remarques. Toutefois, ces formations risquent de se voir dévaloriser si elles ne tissent pas des liens étroits avec leur environnement économique, c’est-à-dire les employeurs potentiels. Un second risque de dévalorisation est constitué par l’inadéquation du contenu de la formation avec les attentes des acteurs économiques, c’est-à-dire, là aussi, des employeurs. Dans les régions frontalières – je pense naturellement à l’Alsace –, la maîtrise d’une langue étrangère peut décider de l’obtention d’un emploi à l’issue de la formation : cette maîtrise représente donc un enjeu capital. La région Alsace développe l’enseignement bilingue franco-allemand : c’est pourquoi les employeurs sont sensibles à la possibilité, offerte aux jeunes, de poursuivre cette formation dans l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse, du reste, de l’allemand ou de l’anglais, qui s’impose de plus en plus dans le monde économique.

Je voudrais également vous faire part d’un regret : votre rapport pour avis n’approfondit pas suffisamment la question de l’apprentissage, alors même que, dans le cadre des filières courtes, l’alternance de périodes en entreprise et de périodes en établissement d’enseignement me paraît particulièrement pertinente.

Enfin, votre insistance sur la proximité entre un jeune et l’équipe pédagogique qui l’encadre me laisse dubitatif. À mes yeux, la proximité qui compte pour un jeune est celle qui s’établit entre lui et les perspectives d’emploi et d’insertion sociale et professionnelle qui l’attendent à l’issue de son parcours de formation. Il serait important de rappeler que l’objectif principal de la formation est de trouver un emploi.

Mme Colette Langlade. Madame Tolmont, si, à l’entrée en SEGPA ou en EREA, le choix des filières paraît assuré, tel n’est pas le cas à la sortie. Vous soulignez que c’est le dialogue, lorsqu’il est établi de façon continue, qui permet de former l’avis des familles et des élèves sur le choix des parcours qualifiants. Il ne faut pas non plus oublier l’apport que représentent le professionnalisme des équipes d’enseignants, notamment en EREA, et leur connaissance des réseaux de proximité.

S’agissant des outils qui permettent d’assurer le suivi des élèves des EREA, qu’en est-il du cahier de tutorat et du dossier de suivi ? Est-il facile aujourd’hui d’obtenir des données précises sur l’insertion sociale des élèves à la sortie des établissements, qu’ils aient obtenu ou non un CAP, ou sur leur parcours vers de nouvelles qualifications ?

Mme Martine Martinel. Les rapporteures ont eu le mérite de se pencher sur des aspects méconnus de leur mission, qu’il s’agisse du parcours des élèves en grande difficulté, de la recherche en zone de montagne ou des filières techniques ou professionnelles, trop souvent dévalorisées.

Madame Tolmont, pouvez-vous revenir sur le nécessaire maintien de la classe de sixième en SEGPA, alors que la loi de refondation de l’école vise à la consolidation du cycle formé par le CM1, le CM2 et la sixième ? Quelles précisions pouvez-vous également nous apporter sur l’inclusion raisonnée de ces structures dans le paysage éducatif ? Sans remettre en cause le professionnalisme des équipes pédagogiques, comment rompre avec l’aspect « ghetto » de ces classes ?

Madame Doucet, contrairement à M. Sturni, le développement de la proximité entre les jeunes et leurs équipes pédagogiques au sein des filières courtes me paraît un point très intéressant : pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Pascal Demarthe. Au collège, les SEGPA accueillent des élèves présentant des difficultés d’apprentissage graves et durables. Or la loi de refondation de l’école, adoptée en juillet 2013, a posé deux principes qui pourraient bousculer le fonctionnement des SEGPA : il s’agit de la volonté de mettre fin au redoublement, qui est une condition actuellement indispensable à l’orientation en SEGPA, et de la création du cycle commun école-collège, qui devrait logiquement impliquer le report de l’orientation à la fin de la classe de sixième.

Les difficultés rencontrées par certains élèves ont des causes exogènes qui doivent trouver des solutions ailleurs que dans le strict cadre scolaire. Or, l’école elle-même produit des situations d’échecs : c’est pourquoi il convient de faire évoluer le système de notation, les programmes et la formation. Le fait que la difficulté scolaire soit inhérente à l’apprentissage n’est ni une fatalité ni une maladie.

La présence d’enseignants spécialisés auprès des maîtres, au sein de leurs classes, qui sont le premier lieu de la différenciation pédagogique, est indispensable. La suppression massive, sous le précédent quinquennat, des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) a ainsi eu un effet très négatif.

Le rapport sur « Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire », remis par les inspecteurs généraux Jean-Pierre Delaubier et Gérard Saurat, insiste sur l’absence de réponse apportée par le collège à la situation des élèves en grande difficulté. LA SEGPA y est présentée comme un espace de réhabilitation des élèves les plus fragiles, car ils y travaillent dans un climat de confiance et de respect propice à la réussite. Toutefois, les améliorations qui sont préconisées se révèlent difficiles à réaliser : densifier la notion de réseaux entre SEGPA et lycée professionnel ; s’ouvrir davantage vers le collège grâce à des temps d’apprentissage partagés avec les autres collégiens ; proposer des parcours plus diversifiés ; prendre en compte le nouveau cycle CM1-CM2-6e.

Pourquoi ne pas poursuivre après l’école élémentaire le travail des RASED en s’appuyant sur le cycle école-collège ? Ne pourrait-on pas également faire évoluer le travail des enseignants spécialisés de SEGPA vers une collaboration plus étroite avec les enseignants de collège, en imaginant des inclusions plus systématiques dans des classes ordinaires et en s’appuyant sur des enseignants volontaires ? Ces dispositions auraient le double avantage de lever les inquiétudes et les réticences des parents qui perçoivent trop souvent l’orientation en SEGPA comme ségrégative et de faire évoluer la représentation parfois négative des élèves entre eux, voire des adultes.

La question de l’évolution des SEGPA méritera d’être débattue dans le cadre de la réforme du collège.

Par ailleurs, la création des unités localisées pour l’insertion scolaire (ULIS), qui ont toutes pour caractéristique d’avoir un nombre d’inscrits plus élevé que celui qui est préconisé, ne doit pas se faire aux dépens des SEGPA, qui conservent toute leur pertinence pour les élèves présentant des difficultés graves et persistantes, surtout lorsqu’ils sont porteurs de handicaps.

Pouvons-nous espérer voir l’avenir des SEGPA s’inscrire dans une véritable réflexion commune, ce qui est essentiel pour lutter avec efficacité contre le décrochage et l’échec scolaire ?

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, vos différentes interventions ont bien illustré le travail de nos trois rapporteures. Je vous en remercie.

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Mme Buffet a eu raison de souligner que mon rapport pour avis jette la lumière sur la grande difficulté scolaire au travers de structures qui ne devraient pas se transformer en filières.

Je ne souhaite pas la suppression des SEGPA, mais je ne suis pas ministre de l’éducation nationale. Je me félicite évidemment que Mme Vallaud-Belkacem ait annoncé la semaine dernière, en commission élargie, de nouvelles dispositions pour le collège en janvier prochain. L’objectif du rapport pour avis était non pas de critiquer les structures adaptées et les personnels qui y travaillent mais de souligner que le collège unique, décidé en 1975, doit améliorer son mode de fonctionnement. Alors qu’il a permis l’intégration de tous les élèves en son sein, force est de constater qu’il est nécessaire en 2014 de travailler à sa refonte, notamment en ce qui concerne l’adaptation de sa pédagogie à l’hétérogénéité des élèves.

Il ne faut pas se voiler la face : les SEGPA sont victimes d’une image catastrophique. Quels parents rêvent, pour leurs enfants, d’une entrée en sixième SEGPA ? Ces structures sont d’ailleurs assez mal connues, d’autant qu’elles sont souvent situées à l’écart du collège. J’ai visité dans ma circonscription un collège flambant neuf : la section SEGPA était située derrière, dans des bâtiments très anciens. Cela n’enlève évidemment rien au souci de l’équipe pédagogique d’accompagner le mieux possible les élèves mais la différence de traitement sautait immédiatement aux yeux.

La baisse des effectifs en SEGPA tient en grande partie à cette mauvaise image : elle est surtout prononcée en sixième, alors même que l’entrée au collège est particulièrement difficile pour les élèves ayant rencontré de grosses difficultés à l’école primaire. Mais peut-être cette baisse a-t-elle aussi répondu à des objectifs économiques.

Monsieur Breton, ma remarque selon laquelle la réussite des EREA tenait au désintérêt que leur manifestait l’administration de l’éducation nationale était évidemment une provocation. Nous avons pu toutefois observer que les EREA, peu connus des décideurs publics, vivent à l’écart de l’éducation nationale. Les directeurs des EREA attendent d’ailleurs un cadrage actualisé de leur action puisque leurs établissements relèvent d’une circulaire de 1995 qui n’a jamais été révisée.

Madame Langlade, nous manquons de données sur l’évolution de l’insertion des élèves de SEGPA et des EREA. Mme Moisan, qui est à la tête de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), nous a toutefois livré des éléments précis recueillis sur un échantillon de 30 000 élèves entrés en sixième en 2007. Il est nécessaire d’améliorer encore le suivi de ces élèves.

Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis. Il peut sembler original de se focaliser sur la montagne, mais celle-ci constitue un objet de recherche à part entière, dont les spécialistes ont au demeurant les mêmes besoins et les mêmes difficultés que leurs homologues, dans les sciences « dures » comme dans les sciences « molles » : insuffisamment payés, ils souffrent d’un manque de reconnaissance qui contribue à la fuite des cerveaux, alors même qu’il est de notre responsabilité d’encourager les vocations parmi les jeunes.

La plupart des chercheurs se plaignent aussi du formalisme administratif des appels à projet : il conviendrait de l’alléger, car le travail qu’il implique n’est assurément pas le cœur de leur métier.

Parce qu’elle représente un investissement en faveur de notre jeunesse, cette priorité gouvernementale qu’est la recherche devrait même être exclue du périmètre des dépenses budgétaires ; qu’on le déplore ou non, elle est soumise, au niveau international, à des exigences de compétitivité qui justifieraient un certain nombre de règles spécifiques.

Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis. Vos questions, chers collègues, en témoignent, les étudiants en STS et en IUT méritent toute notre attention. Dans la filière STS, ils sont 37 % à être issus de milieux défavorisés et, dans les IUT, 43 % sont boursiers. Ils n’ont donc pas de temps à perdre dans leur cursus ; d’où l’importance, monsieur Bréhier, de l’encadrement. Afin de proposer la meilleure orientation aux lycéens, l’article 33 de la récente loi pour l’enseignement supérieur et la recherche a aussi fixé des quotas. Le projet de loi de finances pour 2015 institue, pour les bourses, un nouvel échelon dont bénéficieront plus de 77 000 étudiants ; ce sont ainsi, si l’on y ajoute les aides d’urgence, 453 millions d’euros supplémentaires qui seront alloués au bénéfice des étudiants dans les années à venir.

Grâce au « plan 40 000 », madame Buffet, 40 000 logements étudiants seront construits en cinq ans, soit 8 000 par an : c’est presque le double des programmes précédents.

S’agissant de l’accompagnement des élèves, monsieur Féron, des expériences ont été menées pour associer les lycées d’un côté, les IUT et les BTS de l’autre ; le budget de l’enseignement supérieur, en hausse cette année de 45 millions, contribuera à pérenniser ces expériences.

Les BTS et les IUT se heurtent d’ailleurs moins à la politique des quotas, désormais soumise à une étroite concertation entre les recteurs, les proviseurs et les présidents d’université, qu’au problème de l’accueil des nouveaux bacheliers issus des voies technologique et professionnelle, profondément réformées sous la précédente législature. En effet, ces derniers ont du mal à s’adapter aux exigences requises. Je rappelle, à cet égard, que le baccalauréat professionnel se prépare désormais en trois ans et non plus en quatre.

La réforme du baccalauréat technologique a également diminué le nombre de spécialités, et donc leur adéquation aux 88 options des IUT. La réussite passe, au-delà des quotas qui favorisent l’orientation, par l’accompagnement et le tutorat. On ne peut en effet se satisfaire d’une situation où seuls 3 % des bacheliers professionnels réussissent à l’université et où seuls 60 % des étudiants en STS obtiennent leur diplôme en deux ans.

Plusieurs autres opérateurs, madame Buffet, participent au logement étudiant : les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), les offices de HLM, mais aussi des opérateurs privés dans le cadre du plafonnement des loyers. Aux efforts consentis par ces trois opérateurs s’ajoute, depuis cette année, la généralisation de la caution locative étudiante, qui fut expérimentée en Aquitaine.

Sur les bourses au mérite, monsieur Hetzel, vous aurez tout loisir d’interroger la ministre vendredi matin. En tout cas, ce système portait le ferment de ses propres dysfonctionnements, puisque rien n’avait été prévu pour l’encadrer ; il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’inflation des mentions « bien » et « très bien » ait créé des difficultés financières. L’établissement de critères sociaux profitera donc d’abord aux intéressés.

La proximité des équipes éducatives, madame Martinel, est en effet appréciée par les étudiants : leurs représentants nous l’ont confirmé. Cela permet notamment aux nouveaux bacheliers technologiques de suivre des modules d’adaptation dans certaines matières, en particulier au sein des IUT où le brassage des étudiants issus des séries technologiques et des séries générales crée une dynamique qu’il faut préserver.

Comme l’indique mon rapport, page 18, monsieur Sturni, les apprentis représentent 23 % des diplômés en BTS et en IUT. Tous appellent de leurs vœux, bien entendu, le développement de ce mode de formation, gage de réussite dans le monde professionnel.

M. le président Patrick Bloche. Mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné M. Hervé Féron rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel (n° 2319).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 28 octobre 2014 à 16 heures 30

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Dominique Chauvel, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Patrick Hetzel, Mme Anne-Christine Lang, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – M. Jean-Pierre Allossery, Mme Huguette Bello, Mme Brigitte Bourguignon, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, Mme Annie Genevard, Mme Gilda Hobert, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. François de Mazières, Mme Julie Sommaruga

Assistait également à la réunion. – M. Lionel Tardy