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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 9 décembre 2014

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Patrick Bloche, président et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères puis de M. Michel Vauzelle, vice-président puis de Mme Valérie Fourneyron, secrétaire

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires étrangères, de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens en 2013

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 9 décembre 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission
et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères)

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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission des affaires étrangères, de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, sur l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens en 2013.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Madame Saragosse, merci d’avoir accepté l’invitation de nos deux commissions. France Médias Monde fédère RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya, chaîne arabophone très appréciée au Proche et Moyen-Orient, qui transmet depuis Paris. Chaque année, la commission des affaires étrangères – éclairée par les travaux de nos deux rapporteurs, Patrice Martin-Lalande et François Rochebloine – émet un avis budgétaire sur l’action audiovisuelle extérieure.

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) dont vous aviez présenté devant notre commission les grandes orientations marquait le rétablissement des liens de confiance entre France Médias Monde et les pouvoirs publics et témoignait de la remobilisation des équipes de l’entreprise autour d’un projet fédérateur. Pour évoquer votre présence dans le monde, vous aviez distingué les zones d’influence traditionnelle, les zones de développement – l’Afrique non francophone, les pays du Golfe, l’Europe – et les zones de conquête : l’Asie et l’Amérique latine. Quels progrès ont été réalisés et quels obstacles avez-vous rencontrés dans ces trois domaines ?

Quels sont vos résultats et vos perspectives de développement au Maghreb et en Afrique francophone où la France est très impliquée ? France Médias Monde y détient une position solide, mais rien n’est jamais acquis ; comment envisagez-vous l’avenir ? Quelles sont vos priorités et de quels investissements avez-vous besoin pour consolider vos positions ?

CNN, Deutsche Welle et la chaîne chinoise CCTV possèdent toutes une version en espagnol ; l’Iran a également lancé HispanTV dans cette langue. Quelle est votre stratégie en Amérique latine ? Envisagez-vous une diffusion en espagnol ? Ce projet – qui aurait le soutien de notre commission – est-il prévu dans le prochain COM et quel en serait le coût ? Avez-vous commencé à y travailler ?

Enfin, quelle est la contribution de France Médias Monde à la diplomatie économique, une des priorités du Gouvernement ?

M. le président Patrick Bloche. Cette première présentation de l’exécution du COM de France Médias Monde porte sur l’année 2013 ; malgré ce décalage habituel, ne vous privez pas, madame, d’évoquer l’actualité de l’entreprise que vous présidez. Cette année, l’exercice apparaît particulier car bien que portant sur la période 2013-2015, ce COM, auquel la commission des affaires culturelles et de l’éducation avait donné un avis favorable en décembre dernier, n’a été signé qu’en avril 2014 ; son application à l’année 2013 se fait donc de manière rétroactive.

Madame la présidente, votre rencontre annuelle avec les commissions parlementaires – prévue par la loi relative à la liberté de communication – permet de confronter la gestion passée de France Médias Monde aux objectifs du COM, mais également d’échanger sur l’état présent de l’entreprise, ses projets et ses difficultés éventuelles. Au-delà de nos clivages partisans, nous tenons tous à saluer le talent avec lequel vous avez réussi à mettre de l’ordre dans cette maison.

Pas plus que Radio France, France Médias Monde n’a encore signé d’accord d’entreprise – un enjeu social important pour les trois sociétés de l’audiovisuel public. Où en sont les négociations ?

Le développement ou du moins la stabilité des recettes publicitaires de France 24 – qui risquent de baisser avec la fin, en 2013, du chiffre d’affaires minimum garanti par France Télévisions Publicité – revêt une importance cruciale. Quelles sont les perspectives en cette matière pour 2014 et 2015 ? Plus largement, même si nous en avons récemment débattu dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, pourriez-vous nous dire quelles seront, l’an prochain, vos marges de manœuvre budgétaires ?

Enfin, le COM 2013-2015 prévoit le développement des antennes de France Médias Monde sur le territoire national. Ce projet ayant suscité des interrogations au sein de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pourriez-vous en rappeler les objectifs, le coût et l’état d’avancement ? Pourquoi militez-vous en sa faveur ?

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde. Ce contrat d’objectifs et de moyens, dont je vous présenterai le premier bilan d’exécution, est le fruit d’un travail collectif. Dès l’automne 2012, les équipes de direction et les salariés de France Médias Monde se sont réunis pour élaborer un plan stratégique qui a servi de socle au document qui n’a été signé avec l’État, le 9 avril 2014, qu’après avoir été approuvé par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et notre conseil d’administration. Ainsi, chacun a contribué au projet de refondation de l’audiovisuel extérieur français.

Sans fusionner les rédactions, la nouvelle structure – rebaptisée France Médias Monde en juin 2013 – réaffirme l’identité de chaque média dans le cadre d’une société unique aux directions transversales communes à l’ensemble des entités, dont les organigrammes ont été approuvés conformément aux procédures légales. Ce chantier et la réforme des instances représentatives du personnel nous ont occupés une partie de l’année 2013. En même temps, sans attendre la signature de ce COM rétroactif, nous avions commencé à travailler. En effet, dans le paysage audiovisuel mondial, quand on ne progresse pas, on régresse – et de façon parfois irréversible. Face à une concurrence d’une violence inouïe – certains rivaux disposent ainsi de trois fois plus de moyens que les nôtres – et à une révolution numérique qui rebat constamment les cartes, il faut nous adapter en permanence pour garder nos parts de marché. Ce COM arrivant après une année d’incertitude qui avait suspendu l’élan de nos médias, il était urgent d’avancer.

Dès le déménagement de RFI et de Monte Carlo Doualiya, à l’automne 2012, nous nous sommes efforcés d’accroître notre présence sur les cinq continents, en distinguant les zones de consolidation, de développement et de conquête. Dès la fin 2013, nous étions passés de 206 à 256 millions de foyers raccordés en permanence à France 24, en trois langues. En octobre 2014, nous avons atteint 280 millions de foyers et en fin d’année, nous frôlerons les 300 millions ; s’y ajoutent les reprises partielles, qui devraient dépasser les 100 millions de foyers. Nos radios – RFI et Monte Carlo Doualiya – ont mis en service cinq nouveaux émetteurs en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Elles ont également accru leur présence sur le câble et le satellite, utilisés partout dans le monde, ainsi que sur le téléphone. Nous avons enfin étendu notre réseau de quelque 800 radios partenaires, concluant en deux ans 150 nouveaux partenariats, en particulier en Amérique latine. Il y a quelques jours, les dirigeants de ces radios sud-américaines se sont déplacés en masse pour participer à notre séminaire régional organisé avec l’aide de l’Alliance française, témoignant de « l’attente de France » sur ce continent.

Nous avons développé notre présence en France de manière ciblée : France 24 est désormais disponible en Île-de-France sur le canal 33 de la télévision numérique terrestre (TNT), ainsi que sur les 256 écrans des aéroports de Paris – un appel d’offres que nous avons remporté cet été. En 2013, nous avons également diffusé RFI et Monte Carlo Doualiya sur la bande FM à Marseille, dans le cadre d’une expérience exceptionnelle ; nous continuons d’y réfléchir car la légitimité internationale de nos médias – dont le nom contient celui de notre pays – est confortée par leur notoriété en France.

En 2013 a démarré la refonte de l’ensemble de nos sites internet fixes et mobiles, ainsi que de nos applications. La mobilité et le caractère participatif des réseaux sociaux renvoient aux deux grandes révolutions comportementales qu’amène le numérique ; nous devons nous en saisir pour rester à la pointe des nouvelles technologies et affirmer notre modernité. Notre stratégie s’est révélée payante : dès la fin 2013, la fréquentation de nos univers numériques s’est accrue de 20 % ; aujourd’hui, l’augmentation atteint 33 %, avec 27 millions de visites mensuelles sur nos sites en octobre et novembre derniers. La percée sur les réseaux sociaux est également très significative : avec 14,5 millions d’amis sur Facebook et 5 millions d’abonnés sur Twitter, nous figurons parmi les médias français les plus présents dans cet espace. Nous avons enfin, dès 2013, accompagné les virages technologiques : une grande partie de nos studios sont désormais équipés pour la radio filmée et nous achevons le basculement en haute définition de la production de France 24. Une diffusion sous ce mode exigerait toutefois des capacités de paiement supérieures des opérateurs de satellites ; cette question sera à l’ordre du jour dans le cadre du prochain COM.

Pourtant, à quoi bon disposer d’un réseau mondial, développer de nouvelles applications et de nouveaux sites, et se hisser à la pointe de la technologie, si ce n’est pas d’abord et surtout pour délivrer un message et faire entendre dans le monde une voix singulière ? C’est sur la valeur de nos contenus et de ceux et celles qui les créent qu’est avant tout fondé notre contrat d’objectifs et de moyens. Nos publics ne s’y trompent pas : France 24 compte 43,2 millions de téléspectateurs différents chaque semaine, soit 3,6 % de plus qu’en 2012 ; l’audience cumulée hebdomadaire de RFI s’élève à 36,7 millions d’auditeurs, en progression de 6,4 % ; Monte Carlo Doualiya – qui partait de plus bas – enregistre 7,5 millions d’auditeurs hebdomadaires différents, soit une progression de 11,4 %. Ces indicateurs d’audience ne sauraient cependant être confondus avec l’auditoire total de nos médias : France 24 diffusant dans 180 pays et RFI dans 150, généraliser la mesure serait trop coûteux. Là où notre audience est mesurée, nous nous situons toujours dans le top 10 des classements, souvent dans le top 5, parfois dans le top 3, et même en première place.

L’attractivité de nos contenus vient des principes qui constituent le socle commun de nos médias : traiter l’actualité internationale au sens large – politique, géopolitique, sociétal, culturel, économique – et en quatorze langues, promouvoir le débat d’idées et non une vision monolithique du monde, et revendiquer le fait de parler depuis la France, sans arrogance, mais sans auto-flagellation. Fédérant des chaînes indépendantes de service public – et non des chaînes gouvernementales –, nous portons une certaine idée de l’information, loin de tout esprit partisan. Nous estimons ainsi que l’information doit trouver sa source au plus près des faits, sur le terrain, et payons parfois très cher cette exigence. En ce jour où nous célébrons la libération du dernier otage français, je pense à Ghislaine Dupont et à Claude Verlon, mais aussi à Jean Hélène et à Johanne Sutton, qui ont payé de leur vie leur conception du journalisme. Le 2 novembre est devenu, à l’initiative de la France, la Journée internationale pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes ; ce rendez-vous nous a donné l’occasion de remettre la première Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon.

Nous avons décliné ce socle commun de valeurs par média, pour marquer la singularité de chacun d’entre eux. France 24 est, chaque jour davantage, la chaîne de l’information en continu ; nous avons assoupli le parallélisme entre les trois antennes en français, en anglais et en arabe pour mieux les adapter à leur bassin géographique et linguistique. Nous avons donné la priorité au direct, au terrain, aux reportages, et allongé nos journaux. Outre cette réactivité, la chaîne a cultivé la mise en perspective au travers de nombreux magazines comme ActuElles, Le Paris des arts ou L’Heure du Maghreb. RFI est une radio d’actualité qui possède une forte armature d’information, mais qui propose également des magazines longs de cinquante minutes ; le format et les contenus de ces deux médias sont donc bien différents. À RFI, nous avons distingué les programmes « Afrique » du reste du monde et mis l’accent sur les langues étrangères. Nous avons relancé le khmer à budget constant, montant à treize heures de diffusion par jour, ce qui a fait passer notre audience de 150 000 personnes à 1 million par semaine. Nous avons démarré la diffusion en roumain, et sommes la première radio pour les cadres dirigeants à Bucarest. Nous nous apprêtons à lancer la rédaction en mandingue – famille de langues à laquelle appartient le bambara. Au total, nous diffusons en quatorze langues. Enfin, Monte Carlo Doualiya est une radio généraliste et une référence en matière d’information ; les émissions telles que La Blogueuse du jour, Les Impertinentes ou Rap & Co nous ont permis de rajeunir et de féminiser son audience.

Nous avons réalisé ce travail dans un cadre budgétaire contraint que nous avons scrupuleusement respecté. Sur la période 2011-2015, les ressources publiques d’exploitation allouées à France Médias Monde ont baissé, en valeur absolue, de 10,7 millions d’euros. Notre dotation a diminué de 4,3 % depuis 2011, passant de 252,7 à 242 millions. Au total, 54 millions d’euros ont été économisés par France Médias Monde sur la période. Nos ressources propres, qui s’élevaient à 9,8 millions d’euros en 2011 et qui atteindront 10,4 millions en 2015, progressent de 6,1 %. Ces chiffres apparaissent raisonnables étant donné la situation dégradée sur le marché mondial de la publicité, où la concurrence est très violente. Avec la perte par notre entreprise du chiffre d’affaires minimum garanti, tout déficit publicitaire pèse désormais sur nous et non sur France Télévisions Publicité, ce qui est décourageant pour nos équipes. Après les chiffres décevants de 2013, elles se sont néanmoins mobilisées, répondant à notre ardente demande, pour réussir à redresser la barre. En 2014, nous comptons ainsi renouer avec des résultats plus acceptables : France 24 devrait réaliser une recette de 2,3 millions d’euros nets, soit une augmentation de 0,8 million ; en 2015, les recettes de la chaîne dépasseront certainement la barre des 2,5 millions. Notons que le chiffre d’affaires publicitaire total de France Médias Monde atteint près de 5 millions d’euros – à comparer aux 10 millions que réalise BBC World News. Un grand média public – qui de surcroît porte le nom de son pays – ne peut pas se livrer au publireportage, vendre ses reportages, ou parrainer des journaux ou magazines d’information. La déontologie nous interdit également d’accepter, par exemple, que des entreprises pharmaceutiques parrainent des émissions médicales. Dès lors, les recettes publicitaires internationales ne couvriront jamais la majeure partie de nos financements, et si nous ne devions compter que sur ces ressources, des concurrents privés nous remplaceraient certainement pour accomplir nos missions.

Nous avons également effectué des efforts importants de productivité : 19 millions d’euros ont été économisés dans le cadre des plans de départs volontaires qui nous ont permis de supprimer 253 emplois nets, soit 20 % de nos effectifs. Nous avons par ailleurs économisé 20,8 millions d’euros sur les achats et les autres frais de fonctionnement. C’est grâce à ces mesures que nous avons pu développer notre financement malgré la baisse significative de notre dotation budgétaire. Enfin, notre masse salariale a été maîtrisée : en 2013, elle n’a cru que de 1,3 % ; hors provision pour harmonisation sociale, elle a même baissé de 0,8 %. Or notre masse salariale représente 51 % de nos coûts ; nous devons nos contenus à nos salaires puisqu’une grande radio de référence n’achète pas ses programmes et qu’une chaîne d’information en continu ne saurait acheter à l’avance les sujets qui se produiront demain. Nous travaillons en direct et toute amélioration de notre offre conduit à un accroissement de la masse salariale. Aussi, au bout de deux plans de départs, nous manquons de marge de manœuvre. Pourtant, malgré les contraintes qu’elles subissent, nos équipes font tout ce qu’elles peuvent pour réussir.

Un chantier compliqué – que nous avons décidé de placer sous le signe de l’équité et de la responsabilité – attend la direction et les organisations syndicales de France Médias Monde ; nous y travaillons depuis mars 2014. Nous savons que l’État a fait un effort notable en notre faveur : étant donné la situation budgétaire difficile, nous prenons cette légère évolution de notre dotation comme un signe de confiance et de reconnaissance des efforts de productivité déjà accomplis. Nous continuerons à développer nos ressources propres, malgré l’atonie du marché. À ce propos, il est dommage que les entreprises françaises, sous-estimant la qualité de nos programmes et notre puissance à l’échelle planétaire, soient trop peu nombreuses à nous suivre dans l’aventure internationale en matière publicitaire. Nous préparerons également le prochain COM qui doit commencer en 2016 ; parmi les axes importants y figureront les langues – France 24 en espagnol fait partie des dossiers en préparation – et le numérique. Dans ce dernier domaine, il faudra notamment travailler sur les métadonnées, un enjeu capital. En effet, notre performance en matière de web sémantique, d’indexation et de recherche des savoirs en langue française détermine notre capacité future à exister comme des médias de pointe et à le faire savoir – condition de survie désormais incontournable.

Forts des talents dont regorgent nos médias, nous avons décidé de mettre de côté, pour un temps, le pessimisme de l’intelligence – si français ! – pour nous concentrer sur l’optimisme de la volonté. J’espère que nous arriverons à mettre en œuvre l’ensemble des objectifs de ce COM déjà bien entamé.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie pour cette présentation exhaustive et vous félicite pour votre contribution à l’effort budgétaire – tâche dont je mesure la difficulté.

(M. Michel Vauzelle, vice-président de la commission des affaires étrangères, remplace Mme la présidente Élisabeth Guigou).

M. le président Patrick Bloche. Merci pour votre propos synthétique qui a rappelé les principaux défis que France Médias Monde affronte dans le cadre de l’exécution du COM 2013. Sur le plan budgétaire, 2015 sera une année nouvelle puisque vous ne bénéficierez plus d’une subvention de l’État, les recettes de la contribution à l’audiovisuel public couvrant l’intégralité des 242 millions d’euros de financement public. Vous gagnez ainsi une indépendance à l’égard du budget de l’État, ce qui vous met à l’abri des régulations et des gels actuellement si fréquents.

L’un des rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, M. François Rochebloine, empêché, vous prie d’excuser son absence ; l’autre – M. Patrice Martin-Lalande – nous rejoindra plus tard.

Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les crédits de l’audiovisuel et les avances à l’audiovisuel public. Madame la présidente, en évoquant avec talent les enjeux, les réussites et la spécificité de France Médias Monde, vous avez parlé de refondation. À lire le rapport d’exécution du COM, on mesure la pertinence de ce terme : succédant, avec votre équipe, à une ancienne présidence qui avait fragilisé cette maison, vous avez réorienté en profondeur la stratégie du groupe et en avez réformé la gouvernance. Pour faire partie du conseil d’administration de l’entreprise, je sais notamment que vous avez mis en place des organigrammes précis, respectant les instances représentatives du personnel.

Où en sont les négociations sur l’accord d’entreprise ? Vous l’avez dit, les plans de départs volontaires se sont traduits par la suppression de 253 postes ; en même temps, vous évoquez dans le rapport la « permanentisation » des pigistes. Pourriez-vous nous en dire plus ? Mme Françoise Miquel, chef de la mission du Contrôle général, économique et financier, suggère de créer un groupement des employeurs de l’audiovisuel public sous forme d’une association loi de 1901, qui permettrait aux intermittents dits techniques d’être employés en CDI ; qu’en pensez-vous ?

Vous insistez sur l’appartenance de France Médias Monde à l’audiovisuel public et affirmez votre volonté de coopérer avec les autres sociétés de programme ; où en est ce projet, notamment pour ce qui est des nouveaux médias numériques ? Quels objectifs poursuivez-vous ?

La création de France Médias Monde s’est traduite par la fusion d’équipes de radio et de télévision porteuses d’histoires singulières. Les représentants des salariés auditionnés nous ont confié que les statuts et les rémunérations variaient fortement entre RFI et France 24. Pensez-vous procéder à une harmonisation ? S’agit-il d’un point important des négociations actuellement en cours ?

Vous évoquez dans le rapport d’exécution du COM les discussions avec France Télévisions Publicité ; comment évoluent-elles ? Vous venez de parler avec émotion du sort des journalistes disparus. Dans le rapport, vous insistez sur les actions de prévention et de sécurité de vos équipes et sur la nécessité de formation ; pourriez-vous développer ce point ? Vous avez également affirmé être la voix de la France – et non du Gouvernement ; pouvez-vous expliciter cette idée ? Enfin, j’ai lu dans le document que France Médias Monde tend vers l’égalité entre les hommes et les femmes ; qu’en est-il ?

M. Michel Vauzelle, président. Madame la présidente, M. François Rochebloine m’a chargé de vous transmettre ses questions. Quelles sont les relations entre France Médias Monde et TV5 Monde, dont vous avez été directrice générale de 2008 à 2012 ? Une concurrence négative a parfois semblé régner entre les deux antennes, certains opérateurs ne percevant pas l’intérêt de diffuser deux chaînes en français ; est-ce encore le cas ? Le COM préconise d’entériner l’apaisement des tensions et d’inventer de nouvelles synergies ; lesquelles ? Comment favoriser la complémentarité – et non la concurrence – entre ces deux chaînes ?

La diffusion de RFI en bambara – langue vernaculaire parlée au Mali, où la France est très attendue – fait partie de vos priorités de développement pour la période 2013-2015. Son lancement a malheureusement été retardé en raison des coupes budgétaires subies par France Médias Monde en loi de finances rectificative de juillet dernier. Pourriez-vous expliciter les enjeux de ce projet ?

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente, les journalistes de France Médias Monde portent la voix de la France ; le groupe SRC s’associe à la douleur des familles et des collègues de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon dont vous avez évoqué la mémoire.

L’existence du contrat d’objectifs et de moyens entre France Médias Monde et l’État constitue une surprise en soi puisqu’entre 2008 et 2012, ce document a fait défaut. Au-delà du changement de nom, vous avez donc bâti, avec l’ensemble des forces de l’entreprise, un véritable projet stratégique. Les sommes en jeu étant considérables, je vous remercie d’avoir œuvré pour installer un climat d’apaisement et de mobilisation qui tranche avec l’atmosphère qui nous avait perturbés lorsque nous avions visité les locaux.

Lors de la signature du COM, M. Laurent Fabius a évoqué un « rêve participatif »…

Mme Marie-Christine Saragosse. C’est en réponse à ma remarque – « l’avenir appartient à ceux qui rêvent plus fort que les autres » – que le ministre des affaires étrangères a parlé de « rêve participatif », l’expression lui semblant plus poétique que « contrat d’objectifs et de moyens ». Au-delà de la boutade, il faut savoir rêver et mettre les mains dans le cambouis dans le même temps. Avoir une vision aide à avancer.

M. Marcel Rogemont. Trop souvent, les Français en voyage cherchent en vain France 24 ; comment les aider ?

Vous avez obtenu la diffusion de France 24 en Île-de-France sur la TNT gratuite – réussite étonnante lorsque l’on sait qu’une chaîne payante d’information en continu se l’est vu refuser. Entendez-vous demain être plus largement présents sur le territoire national ? Pensez-vous développer la diffusion de Monte Carlo Doualiya ailleurs qu’à Marseille ? Cette excellente initiative pourrait notamment être reprise en Île-de-France ; en effet, nous souhaitons tous concurrencer davantage des chaînes arabes telles qu’Al Jazeera afin d’en encadrer le message par une information venant de France.

Comptez-vous récupérer des ressources propres grâce à la diffusion en France ? Dès lors, que deviendra votre contrat avec la régie France Télévisions Publicité ? Quelles sont vos ambitions en matière numérique ? Avez-vous les moyens d’assurer la diffusion sur internet ? Comment se déploie-t-elle aujourd’hui ? Voyez-vous des accords possibles avec France Télévisions ? Il serait bon, enfin, que vous nous en disiez davantage sur le prochain contrat d’objectifs et de moyens.

Mme Dominique Nachury. Madame la présidente, merci pour votre présentation qui, au-delà du bilan 2013, évoque le COM 2013-2015 et les perspectives de l’entreprise. Le groupe UMP salue en particulier le récent record de fréquentation des sites de France Médias Monde, qui ont enregistré près de 27 millions de visites en octobre dernier.

Vous dites avoir économisé 19 millions d’euros grâce aux plans de départs et 20,8 millions sur les frais de fonctionnement, ces sommes servant à soutenir l’investissement et le développement de l’entreprise. Mais avez-vous un projet pour augmenter vos ressources propres, dont le montant s’établit largement en dessous des objectifs fixés ? Comment comptez-vous faire face à la dégradation du marché publicitaire en général et à la fin du chiffre d’affaires minimum garanti par France Télévisions Publicité en particulier ? Pensez-vous pouvoir atteindre votre objectif de 4,3 millions d’euros de recettes ?

Vous prévoyez actuellement de lancer la diffusion de RFI en bambara, implantez France 24 en Île-de-France et menez une politique offensive en Amérique latine avec le démarrage d’une diffusion en espagnol. Votre budget vous permettra-t-il de mener vos projets à bien ?

Le COM prévoit le renforcement de la diffusion sur tous les supports numériques ; n’aurait-on pas pu imaginer un site unique ? Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères regrettent que le budget de marketing – qui pourrait soutenir cette offre numérique comme il soutient les audiences – ait baissé de moitié depuis 2011.

Le COM met également l’accent sur la poursuite de synergies. L’abandon des fusions des rédactions a permis aux chaînes de retrouver un climat plus apaisé tout en laissant la porte ouverte à des collaborations, certains correspondants étant communs à plusieurs antennes. Les mutualisations en cours dans le domaine financier, juridique et celui des ressources humaines devraient permettre une économie annuelle de 1,4 million d’euros. En revanche, le regroupement des équipes à Issy-les-Moulineaux a coûté plus cher que prévu. France Médias Monde négocie actuellement avec les organisations syndicales un accord d’entreprise dont l’objectif est l’harmonisation du statut de l’ensemble des collaborateurs des différentes rédactions. Ce chantier devrait-il s’achever en 2015 ? Quels en sont l’état d’avancement et les chances d’aboutir ? Une harmonisation par le haut serait-elle compatible avec le budget ? Enfin, que pouvez-vous dire de la convention-cadre entre France Médias Monde et TV5 Monde, censée renforcer les relations entre les deux entreprises ?

M. Michel Vauzelle, président. Vous avez insisté sur votre volonté de travailler avec les pays de langue espagnole, notamment en Amérique latine. La crise mondiale – économique et sociale, mais également morale et politique – entraîne dans ces pays une forte « demande de France » parmi les élus et au sein de la jeunesse. Mieux faire entendre notre voix sur ce continent peut donc se révéler important pour l’influence de notre pays.

Mme Virginie Duby-Muller. Depuis l’an dernier, la modification de son cahier des charges a permis à France Médias Monde d’émettre sur le territoire français. France 24 a débuté en septembre la diffusion de ses programmes sur un canal de la TNT gratuite en Île-de-France. Vous souhaitez également développer la présence en France de vos radios
– RFI, déjà disponible à Paris, et Monte Carlo Doualiya –, dans le cadre d’une expérimentation. Or le paysage radiophonique de la bande FM se caractérise par la grande rareté des fréquences et d’importantes tensions, chaque appel à candidatures mettant en concurrence des dizaines de radios privées. Depuis le 20 juin 2014, un nouvel espace radiophonique se met en place avec la radio numérique terrestre (RNT) : plus de cent stations sont déjà accessibles au public à Paris, Marseille et Nice, en numérique hertzien, dans le respect des fondamentaux du média radio – gratuité et anonymat pour l’auditeur, diversité des éditeurs et pluralisme des programmes, maîtrise des coûts de diffusion et régulation des contenus par le CSA. Un engagement en RNT vous permettrait d’obtenir rapidement et de façon pérenne une nouvelle présence pour vos deux radios à Marseille et à Nice ; ne faudrait-il pas présenter une demande en ce sens au Gouvernement ?

S’agissant des objectifs éditoriaux en matière de multilinguisme, quelle stratégie adoptez-vous pour l’émission en langues étrangères sur le sol français ? Quel bilan tirez-vous de l’expérimentation de Monte Carlo Doualiya à Marseille ? L’an passé, M. Pierre Léautey
– rapporteur de la commission des affaires culturelles sur le projet de COM 2013-2015 – avait émis d’importantes réserves quant à ce projet, estimant que : « la diffusion d’un programme de service public en langue arabe sur la TNT pourrait susciter des revendications ». Ma collègue Annie Genevard avait abondé dans son sens. Où en est votre réflexion sur ce point ?

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, j’ai été frappé à jamais de vous voir sur le terrain lors du décès tragique des journalistes de RFI. Rarement une image – qui a bouleversé tous ceux qui l’ont vue – a contenu autant d’émotion, rendant les discours superflus.

J’aimerais que le rêve participatif dont nous débattons soit un rêve éveillé ! Vos perspectives m’apparaissent très proches de celles de la Francophonie ; en effet, comme le montre le merveilleux titre « France Médias Monde », vous êtes la – ou une – voix de la France qui, par le biais des médias, s’adresse au monde ; à ce titre, vous portez une grande responsabilité. Les risques de la diversité culturelle et linguistique rappellent que la langue véhicule des valeurs, des façons d’être et de vivre, de regarder et d’apprécier le monde ; en cela, votre travail spécifique d’information va au-delà de l’éthique du journalisme ordinaire. Nous devrions, tout en respectant votre indépendance, renforcer la communauté des messages délivrés par la Francophonie et l’intermédiaire privilégié que vous constituez. Ne pourrions-nous collaborer plus étroitement encore à ce sujet ?

M. Michel Piron. Madame la présidente, mon collègue François Rochebloine étant absent, je tiens à vous remercier, au nom du groupe UDI, pour le travail remarquable que vous avez accompli.

(Mme Valérie Fourneyron, secrétaire de la commission des affaires étrangères, remplace M. Michel Vauzelle, vice-président.)

Mme Sophie Dessus. Je vous remercie également, vous et vos équipes, pour la qualité du travail accompli et vous félicite pour le courage dont vos équipes font preuve, parfois au péril de leur vie, pour porter les informations à notre connaissance. N’en déplaise aux grincheux qui prennent plaisir à dénigrer notre pays, vous rappelez que la langue française et donc les médias qui lui servent de support sont essentiels au rayonnement de la France dans le monde. C’est la belle cause que vous défendez et que nous soutenons.

Envisagez-vous de développer davantage encore les médias francophones en Afrique, au Moyen-Orient, au Proche-Orient et éventuellement au Qatar, où se met en place un partenariat audiovisuel ? Quels projets de développement de contenus numériques francophones permettraient à France Médias Monde de renforcer sa présence sur internet ? Y aura-il place un jour, au sein de votre groupe, pour une chaîne francophone de promotion de la culture, de la gastronomie, du tourisme et des savoir-faire français ?

Mme Valérie Fourneyron, présidente. Le talent avec lequel vous avez présenté votre stratégie dit le dynamisme avec lequel vous dirigez cette maison depuis que vous avez pris sa destinée en mains, dans des conditions difficiles ; la progression de vos audiences le reflète. J’ai entendu des interrogations sur la baisse de vos ressources propres ; au regard de l’évolution générale des recettes publicitaires et compte tenu de votre souhait de préserver la qualité des contenus que vous diffusez, approcher un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros est une satisfaction en soi.

Dans son avis du 11 décembre 2013, le CSA proposait de compléter le projet de COM de France Médias Monde pour 2013-2015 par des engagements ou des indicateurs relatifs à la diffusion de programmes à caractère culturel sur France 24, à la promotion de « jeunes talents musicaux » sur RFI et à l’accessibilité des programmes de France 24 aux personnes handicapées. Qu’en est-il ?

M. Bernard Brochand. Étant à l’origine de la création de France 24, j’ai suivi le fil de ses infortunes, pensant avec tristesse que sa fin se profilait. Je vous félicite donc, madame, d’avoir sauvé cette chaîne publique qui permet à quelque 300 millions de foyers dans le monde de connaître les réalisations françaises, avec d’autant plus de chaleur que je sais, pour avoir moi-même imposé à l’époque, avec difficulté, la langue arabe, combien il est malaisé de gérer une chaîne en plusieurs langues. Grand voyageur, j’ai toujours plaisir à entendre, à l’étranger, ce « bonjour » de la France, et les informations que vous diffusez sont plus intéressantes et plus précises que celles de vos concurrents.

L’ancien président de multinationale que je suis comprend mal que les grandes entreprises françaises dédaignent d’acheter de l’espace publicitaire sur vos écrans, négligeant ainsi les quelque 300 millions de téléspectateurs dont vous faites état. Elles auraient pourtant besoin de ce soutien. La création de France 24 visait autant à diffuser des émissions en français au bénéfice de la francophonie qu’à aider nos exportations. En cette période où notre balance commerciale n’est pas dans la meilleure des situations, je me ferais volontiers, avec votre assentiment, votre ambassadeur auprès des maisons de luxe pour les convaincre de la nécessité de faire de la publicité sur vos écrans…

Mme Sandrine Doucet. Vous militez, Madame, en faveur de la diffusion des antennes de France Médias Monde sur le territoire national, mais ce militantisme ne s’arrête pas là : à vous entendre, et à lire votre rapport d’activité 2013-2014, on constate que vous concevez RFI comme une voix singulière, que les programmes de France 24 sont établis sur le triptyque liberté-égalité-actualité et que vous entendez mettre les femmes à l’honneur sur les antennes de Monte Carlo Doualiya. De même, pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, vous consacrez un volet à la promotion de la diversité et vous favorisez les initiatives en faveur de l’égalité des chances. Vous avez dit aussi votre rejet de l’impunité pour ceux qui ont assassiné deux journalistes de RFI. Ces valeurs forgent une identité. En développant sa diffusion dans le monde, RFI pourra-t-il la renforcer ?

Mme Colette Langlade. Je vous remercie, Madame, pour l’action dynamique et volontaire que vous menez. Dans un paysage audiovisuel mondial en constante évolution, avec une concurrence particulièrement rude, vous devez vous battre pour conserver des parts de marché. Je retiens, à cet égard, des éléments positifs : l’augmentation à 280 millions, en octobre dernier, du nombre de vos téléspectateurs, vos 800 radios partenaires, votre partenariat avec l’Alliance française. Votre stratégie visant à assurer l’information en continu est donc payante. Pourriez-vous nous en dire plus sur le basculement de France 24 en haute définition ? Par ailleurs, comment parviendrez-vous à féminiser l’audience ?

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai été empêché d’assister à cette séance depuis son début ; je vous prie, Madame, de m’en excuser. Le représentant de la Cour des comptes que mon collègue François Rochebloine et moi-même avons auditionné en septembre a insisté sur la nécessité d’un outil politique de pilotage de l’audiovisuel extérieur de la France ; quel est l’état de la réflexion sur le sujet ? Par ailleurs, l’évolution de vos audiences depuis la fin du premier semestre appelle-t-elle de nouveaux commentaires ? Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ensemble l’hypothèse de la diffusion de vos antennes sur le territoire national et la question a été abordée lors d’un déjeuner de travail réunissant le ministre des affaires étrangères, la présidente de notre commission des affaires étrangères et le président de notre commission des affaires culturelles. Nous sommes tous convaincus qu’il faut offrir sur le territoire national d’autres médias que ceux que certains sont tentés d’aller chercher au loin et qui véhiculent des concepts extrémistes et communautaristes. Nous renforcerons le pacte républicain en offrant à tous ceux qui résident en France la possibilité de prendre connaissance de la vision française de l’actualité internationale. À quels progrès s’attendre ?

M. William Dumas. France 24 cherche à consolider ses positions dans ses zones d’influence traditionnelles, qui sont l’Afrique – dont le Maghreb –, le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Qu’en est-il en particulier au Mali et en République centrafricaine ? Dans un autre domaine, vous vous étiez, madame, engagée en faveur de la défense et de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, aussi bien à l’antenne que dans votre organisation interne ; qu’est-il advenu ?

M. Christian Kert. Nous avons longtemps regretté le manque de cohérence et de lisibilité des offres numériques des sociétés de l’audiovisuel public. L’entreprise France Médias Monde pourrait-elle être le moteur de projets menés en collaboration avec les autres sociétés financées à titre principal par dotations publiques ?

Mme Marie-Christine Saragosse. Je regrouperai mes réponses par thèmes. L’accord social, madame Martinel, consistera à rapprocher salariés de la radio et salariés de la télévision. Je n’ose imaginer ce qu’il adviendrait si l’on entreprenait de rapprocher les salariés de Radio France et ceux de France Télévisions ; c’est pourtant ce que, pour ce qui nous concerne, nous nous attachons à faire. Or les sociétés concernées ont des histoires très différentes : l’une vient de fêter sa huitième année d’existence quand l’autre date de l’époque post-coloniale ; l’une est une entreprise de service public soumise à la convention collective nationale de la production audiovisuelle, l’autre dépend de la convention collective nationale des chaînes thématiques… L’écart est donc assez marqué. Nous avons commencé par travailler sur le droit syndical pour avancer facilement, et nous nous attaquons actuellement aux temps de travail et aux rémunérations, deux volets qui forment toujours le nœud d’un accord d’entreprise. L’évolution des métiers, très dynamique, sera traitée à part ; nous voulons inscrire cette question dans le prochain COM, à l’échéance 2016.

En arrivant à la présidence de France Médias Monde, sachant ce que seraient nos difficultés pour dégager ces crédits a posteriori, j’ai prévu un budget de 3,5 millions d’euros à cette fin dès le premier exercice, même si l’accord n’était pas signé tout de suite. J’ai l’intention de respecter cette enveloppe, qui sera évidemment ajustée puisque toutes les mesures qui seront décidées dans l’accord n’auront pas d’effet rétroactif. Dans ce cadre financier clair, nous essayerons de faire converger les temps de travail et d’harmoniser les rémunérations, mais le seul résultat de la fusion ne saurait être que, après deux plans de départs, faire la même chose coûte plus cher : il serait absurde que l’accord ait pour conséquence l’augmentation globale de la masse salariale. J’ai bon espoir que l’accord sera conclu en 2015 mais il est vrai que les syndicats et la direction seront tous soulagés lorsque le texte sera signé. Ce ne sera pas la première fois que je conclurai la négociation d’une convention collective : celle de TV5 Monde avait été menée à son terme lorsque Yves Bigot m’a succédé, et il l’a signée telle quelle. En résumé, les choses avancent. Ce ne sera pas simple, mais nous sommes déterminés et nous avons confiance dans le bon sens général et la volonté des organisations syndicales d’aboutir dans un esprit d’équité et de responsabilité.

Vous avez aussi abordé la question de la sécurité. Notre société est effectivement extrêmement exposée. Aucun reportage ne vaut une vie, mais quand on couvre le type d’actualités que nous couvrons, le risque zéro n’existe pas. La multiplication des zones de crises et la diversification des risques nous obligent à nous aguerrir, car nous n’avons vocation à n’être ni des héros, ni des victimes. Aussi avons-nous engagé le recrutement d’un spécialiste de la sécurité au sein de notre équipe, et mis au point, en capitalisant sur l’expérience de nos grands reporters et de nos correspondants, une formation spécifique ouverte à tous nos salariés dont les pigistes et à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel, public et privé. Ces stages ont été lancés en septembre ; y interviennent médecins, psychiatres, militaires et journalistes aguerris. Ces stages transversaux auxquels participent des salariés des trois sociétés du groupe contribuent grandement à la constitution d’une culture d’entreprise.

Nous avons aussi voulu canaliser l’émotion dont a parlé M. Dufau en nous tournant vers l’avenir. Pour opposer le savoir à l’obscurantisme et la solidarité à la barbarie, nous avons créé la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Les deux premiers lauréats sont une jeune journaliste et un jeune technicien radio maliens. Pendant quelques semaines, ils feront un stage en immersion à la rédaction de RFI et au sein de nos organismes partenaires, l’école de journalisme de Sciences Po et l’INA.

J’en viens à la diffusion de nos antennes en France. RFI a une fréquence FM en Île-de-France depuis vingt ans et, depuis le 23 septembre dernier, France 24 est également disponible sur la TNT en Île-de-France. Cela a une valeur tout autre que symbolique, puisque de ce fait notre audience a, selon Médiamétrie, augmenté de 33 % en un mois, alors même que nous ne sommes visibles par ce moyen qu’en Île-de-France. Nous ne nous attendions pas à une variation de cette ampleur.

Note budget ne nous permet pas d’absorber le coût d’un canal TNT national. Celui d’un canal TNT en Île-de-France est un peu inférieur à 200 000 euros, un montant qui nous a semblé raisonnable pour prendre notre élan en France. Il en va de notre légitimité à l’international. Au moment de négocier l’octroi de ce type de fréquences dans d’autres pays, il est difficile de s’entendre demander : « Pourquoi n’êtes-vous pas sur la TNT en France ? Serait-ce que, n’étant pas assez séduisants pour le public français, vous vous réservez pour l’étranger ? »…

Dès mon arrivée à France Médias Monde, j’avais proposé à France Télévisions une réflexion sur la possibilité de projets communs pour l’information continue. À cette époque, France Télévisions renégociait son COM ; le moment n’était donc pas le bon, mais la proposition demeure. En effet, France 24, chaîne d’information de service public, autorisée à diffuser sur la TNT en Île-de-France à la différence d’une autre chaîne – ce que je déplore, car je ne pense pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres – a aussi une ouverture particulière sur le monde. Cela peut être utile aux populations d’origine étrangère résidant en France, sans parler des nombreux Français qui, comme moi, ont une ascendance étrangère. C’est important aussi à l’heure de la mondialisation, et France 24 a une mission de service public spécifique. Cela étant, nous n’avons pas de projet de couverture nationale pour l’instant. Nous n’avons pas davantage de décrochage publicitaire sur la TNT, ce qui signifie que nous ne déstabilisons pas un marché publicitaire difficile puisque nous ne concurrençons pas les chaînes d’information en quête de recettes. Nous sommes complémentaires, et nous travaillons très bien ensemble à l’international, notre réseau de correspondants ne rechignant jamais à donner un coup de main lorsqu’il s’agit de couvrir en urgence une actualité brûlante.

Dans tous les cas, je serai heureuse que la notoriété de notre chaîne continue de s’épanouir – et même si la TNT reste le mode de diffusion dominant, on peut nous regarder par le biais du câble, du satellite et de l’ADSL.

Vous avez aussi évoqué la radio numérique terrestre. Ce mode de diffusion m’intéresse beaucoup, et j’ai eu des discussions passionnantes avec le syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI). Le groupe NRJ a déposé devant le Conseil d’État un recours en annulation des autorisations données à 107 stations de diffuser leurs programmes en RNT ; nous attendons de savoir quelle suite lui sera réservée. Pour sa part, le Parlement a voté la loi sur la radio numérique. D’importantes communautés étrangères vivant en France, nous pensions que la RNT, qui permet de cibler les villes de diffusion et qui n’est pas saturée, serait une solution intéressante pour les langues étrangères de RFI – le vietnamien, le khmer, le mandarin, l’espagnol, le portugais, le russe… – et aussi pour Monte Carlo Doualiya qui offre des programmes en arabe. L’autre avantage de la RNT est de sauvegarder l’exception culturelle. Dans les habitudes d’écoute actuelles, la radio « over the top », autrement dit la radio distribuée sur internet en s’affranchissant des règles contractuelles habituelles, vient immédiatement derrière l’analogique et la FM ; dans cet espace, l’exception culturelle française aura peut-être plus de mal à résister que sur la RNT. Nous attendons de savoir quel sera le futur de la RNT en France pour avancer dans cette voie, en accord avec la tutelle.

Notre COM nous invite à être pragmatiques, ce que nous sommes par le biais de partenariats avec plus de 200 radios en France. Nous continuons de leur fournir des journaux télévisés en fonction des autorisations qui nous sont données mais il y a peut-être mieux à faire avec ces radios qui défendent les mêmes valeurs que les nôtres. Certes, les fréquences FM analogiques sont rares, mais nous continuons d’espérer.

Vous m’avez demandé des précisions sur l’expérimentation menée à Marseille. C’était une fréquence événementielle, ouverte pour neuf mois, en 2013, dans le cadre de la manifestation « Marseille-Provence capitale de la culture européenne ». Ce fut une expérience unique, au cours de laquelle nous avons mêlé des programmes en français et un décrochage quotidien en arabe pour Monte Carlo Doualiya entre 14 heures et 18 heures. Sans que nous ayons fait de publicité particulière, cette expérience a, selon Médiamétrie, accru notre notoriété de 20 %, et nous avons reçu beaucoup de courrier. De surcroît, être à Marseille, c’est avoir une ouverture supplémentaire sur les pays de la Méditerranée. Pour nous, il est important, sur le plan symbolique, d’être présents en France. Notre cahier des charges l’autorise, et nous ne serions en concurrence avec personne puisqu’il n’est pas question de recettes publicitaires pour notre radio. J’espère donc, en accord avec Radio France et le CSA, trouver une solution permettant d’obtenir une fréquence qui ne modifierait pas le périmètre public-privé, mais je sais que ce sera difficile ; à Strasbourg, par exemple, la moitié des fréquences sont occupées par des radios allemandes.

J’en viens aux accords avec les sociétés de programme et autres partenaires. Un accord sera signé le 16 décembre entre France Médias Monde et TV5 Monde. Nous nous en réjouissons tous, car il entérine le principe de non-éviction qui m’est cher : la concertation en matière de distribution est conçue pour qu’une négociation ne conduise jamais à ce que l’un des deux médias évince l’autre. Nos formats sont complémentaires, nos langues le sont aussi : TV5 Monde est l’opérateur et le champion de la francophonie, France 24 parle aussi arabe et anglais ; TV5 Monde sous-titre, notamment dans les langues de RFI. Le champ des possibles est donc immense. Un partenariat a déjà été conclu en Roumanie entre RFI România et TV5 Monde, bénéfique pour les deux antennes. Nous pouvons aller plus loin et, puisque nous sommes complémentaires, proposer des offres commerciales communes. Les expatriés pourraient alors regarder sur TV5 Monde un film ou un documentaire, formats longs de divertissement, et se tourner vers France 24 pour l’information immédiate. La complémentarité entre RFI et TV5 Monde est aussi évidente ; les émissions Afrique Presse et Internationales sont d’ailleurs diffusées en partenariat. D’autres projets concernent le numérique : ainsi, Terriennes diffusé en version arabe sur le site de Monte Carlo Doualiya sera complémentaire du site Terriennes de TV5 Monde.

Nous diffusons régulièrement, ensemble, des émissions qui font événement – ainsi des interviews conjointes du Président de la République. Cependant, nous nous gardons de proposer trop d’émissions communes, pour éviter des redondances qui donneraient à des câblo-opérateurs ou à des opérateurs de satellites argument pour nous signifier qu’une seule de nos deux chaînes suffit dans leur bouquet. Nous sommes présents dans 1,6 million de chambres d’hôtel, ce qui représente 500 millions de nuitées – le plus souvent dans des hôtels de 3 à 5 étoiles. Considérant le nombre de chaînes accessibles sur les postes de télévision de ces hôtels où l’on s’exprime respectivement en anglais, en allemand et en arabe, prétendre que France 24 et TV5 Monde feraient doublon traduirait, me semble-t-il, une certaine dose de mauvaise foi. Quoi qu’il en soit, nous devons tout faire pour éviter que nos modalités de commercialisation ne desservent l’une ou l’autre de nos chaînes. Nous avons aussi des accords pour les mesures d’audience, et nous sommes convenus de faire, le plus souvent possible, des appels d’offres communs – ce qui serait bien plus intéressant encore si nous parvenions à les passer conjointement avec France Télévisions.

Quelques mots sur les accords passés avec d’autres partenaires. Nous avons conclu un partenariat avec Radio France en matière de coopération : nous avons de nombreuses opérations pilotes en Méditerranée, et Radio France pensait utile d’avoir Monte Carlo Doualiya comme chef de file pour la langue arabe. Nous avons aussi pour projet de renouveler la très vaste banque de programmes de RFI, qui sera numérique. Nous pouvons faire beaucoup en collaboration avec Radio France, à l’international et en France, par exemple dans le domaine musical, singulièrement pour la musique classique.

L’accord que nous avons passé avec France Télévisions, pour 1 million d’euros chaque année, nous permet de reprendre tous ses reportages. De la sorte, la plus grande rédaction de France travaille avec nous, et France Télévisions utilise notre réseau de correspondants chaque fois que nécessaire.

Un accord est aussi en préparation avec l’AFP ; il devrait être signé au tout début 2015. Nous avons aussi commencé de travailler avec l’INA – notre partenaire, je vous l’ai dit, dans l’attribution de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon – sur le volet « archives » mais aussi en vue de futures productions et de formations. Nous pouvons imaginer d’autres projets encore, en collaboration avec l’Agence française de coopération médias (CFI).

J’entends régulièrement évoquer, comme l’a fait M. Christian Kert, l’idée d’une offre numérique « service public » unique. J’ai pris la décision, lors de mon arrivée à la présidence de France Médias Monde, de ne pas fusionner les offres numériques. J’ai créé une direction fusionnée des nouveaux médias, chargée du marketing, de l’ergonomie, des outils techniques et de la veille, mais les journalistes des rédactions « nouveaux médias » sont restés au sein des trois rédactions des médias traditionnels. Chacun doit se mettre au numérique, et l’interaction favorise ce mouvement ; si l’on sépare les équipes, la culture numérique ne se diffusera pas suffisamment. Il y a donc une ergonomie commune au groupe, et nous allons aussi créer un thesaurus, une sémantique plus offensive destinée à faciliter notre référencement sur le web. Nous avons aussi des projets en commun, tel un site consacré au football en Afrique.

Mais nous constatons que l’entrée sur nos sites est liée pour moitié au moins, à la marque linéaire ; cela signifie que l’on peut parfois perdre en notoriété sur le numérique. Or nous avons des marques mondiales, ce qu’il y a de plus difficile à construire ; c’est sur elles que nous capitalisons, et non sur France Médias Monde, marque ombrelle. Ces raisons expliquent mon extrême prudence à l’idée d’une fusion qui pourrait se révéler intempestive. Je suis favorable à des thématiques, à une ergonomie, à une nomenclature et à une sémantique pour le web communes, mais je tends à penser, comme nos amis britanniques, que ce qui est petit est beau et que l’on perd parfois en agilité quand on atteint une trop grande taille – or la capacité d’adaptation rapide est l’une des qualités essentielles qui doivent nous caractériser. Cela étant, je suis prête à poursuivre ma réflexion à ce sujet.

La parité entre hommes et femmes est un sujet qui me tient à cœur. Pour notre groupe, la question vaut pour nos antennes et pour notre organisation interne. Le fait d’être un média nous oblige à être exemplaires. Nous ne pouvons nous limiter à refléter l’état de la société : il nous appartient d’être des précurseurs. C’est pourquoi nous définirons, avec le CSA, des indicateurs quantitatifs destinés à garantir l’augmentation du nombre de présentatrices et d’animatrices dans nos émissions – elles représentent déjà 50 % de l’effectif et parfois davantage. D’autre part, la parole des experts n’est pas sexuée mais universelle : nous avons donc distribué à nos rédactions l’annuaire des expertes francophones – malheureusement, nous ne disposons pas de l’équivalent en anglais ni en arabe. À ce jour, le taux de femmes consultées en qualité d’expertes s’établit en moyenne à 30 % de l’ensemble des experts consultés sur nos antennes ; nous souhaitons faire beaucoup mieux, et pour cela chaque journaliste doit être conscient de l’enjeu. Enfin, nous avons créé des émissions consacrées aux femmes, telle ActuElles.

Pareillement, l’entreprise elle-même se doit d’être exemplaire. Notre comité exécutif est paritaire – la présidence étant exercée par une femme, elles sont mêmes, d’une unité, plus nombreuses que les hommes. Avec huit femmes pour sept hommes, le conseil d’administration est aussi majoritairement féminin. L’encadrement est également paritaire et les femmes y sont présentes à tous les niveaux. Mais l’écart des salaires entre les hommes et les femmes est encore de 8 % ; pour corriger cette disparité, les mesures individuelles prises depuis deux ans lors de la négociation annuelle obligatoire ont concerné les femmes pour 53 %. Je ne doute pas que nous parviendrons progressivement à appliquer effectivement le principe « à travail égal, salaire égal ». Je sais que cela se peut : quand j’ai quitté TV5 Monde, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes n’était plus que de 4 %.

Vous avez évoqué nos ressources publicitaires. Il se trouve que les grandes entreprises ne sont pas organisées pour des achats de publicité sur des antennes linéaires internationales. Telle grande marque de luxe qui lance un parfum au Mexique ne pensera pas forcément à faire de la publicité sur France 24. À cela s’ajoute que nous avons un signal unique aux États-Unis, au Mexique et en Amérique latine ; comment intéresser ces grands groupes alors que nous ne pouvons leur proposer des décrochages publicitaires par territoire ? De plus, même si le lancement d’un produit s’accompagne d’une publicité de marque à l’échelle mondiale, les entreprises du luxe préféreront les médias nationaux à une antenne telle que la nôtre, et il est très compliqué de faire changer les habitudes prises en matière de publicité.

Nous rêverions de lancer une antenne de France 24 en espagnol, mais rien n’est encore décidé. Il existe une immense « attente de France » en Amérique latine, comme l’a montré le séminaire de trois jours organisé par RFI pour nos radios partenaires latino-américaines, qui a réuni à Paris plus d’une centaine de personnes venues à leurs frais. L’idée que France 24 pourrait lancer une chaîne en espagnol a provoqué des acclamations, et une réunion de travail spontanée pour définir quel format conviendrait ! D’évidence, par héritage historique, Paris est encore considéré comme une capitale d’Amérique latine… Le coût d’une chaîne en espagnol serait compris dans une fourchette de 17 à 20 millions d’euros – disons 20 millions, car il faut cesser de trop serrer la vis de France 24 et des jeunes gens qui y travaillent. Je suis consciente que, dans le contexte que nous connaissons, c’est une forte somme, mais l’Amérique latine, avec une croissance à deux chiffres, est un marché très important.

Les langues étrangères de RFI ont connu une refondation par leur mise sur internet ; les consultations en ces langues représentent 40 % de la fréquentation des sites de RFI, et elles sont en croissance continue. L’attente est très forte, si bien que tout investissement sur ces sites a un impact remarquable, et les réactions sont immédiates, en russe ou en vietnamien par exemple.

Nous produirons en haute définition dès la fin de cette année, sans coût supplémentaire en France ; c’est la diffusion en haute définition par satellite qui a un coût additionnel, les opérateurs faisant payer l’augmentation de débit qu’elle induit. Il est donc très difficile de faire ce choix – comment le financer ? Nous allons étudier quelles sont les zones à risque, pour veiller, au moment d’élaborer le prochain COM, à ne pas nous faire éjecter d’un bouquet au motif que nous ne diffuserions pas en haute définition.

Vous m’avez interrogée sur notre action en faveur de l’accessibilité de nos antennes aux personnes handicapées. Nous lancerons en 2015 deux journaux sous-titrés pour les sourds et les malentendants. Avoir créé des journaux « tout image » pour Aéroports de Paris nous a aussi donné l’idée de mettre au point avec des associations de sourds et malentendants de tels journaux sans aucun son. D’autre part, nous avons signé la charte du CSA visant à favoriser la formation et l’insertion professionnelles des personnes handicapées dans le secteur de la communication audiovisuelle. Nos effectifs comptent 18 personnes handicapées ; il nous faut progresser bien davantage, mais nous ne sommes pas parvenus à tout faire en même temps. Nous développerons en 2015 ces projets qui nous tiennent à cœur, et nous multiplierons en particulier les stages de jeunes handicapés dans nos murs.

Mme Martinel m’a interrogée sur les pigistes et la proportion d’emplois non permanents dans le groupe. Les difficultés sont de deux ordres. D’une part, les journalistes qui travaillent à France 24 en langue anglaise et en langue arabe n’ont ni leurs racines ni leur histoire en France, si bien que nous sommes obligés de maintenir un volant de pigistes pour pallier des départs d’autant plus fréquents que nos concurrents ont les moyens d’embaucher les journalistes que nous avons formés, en langue arabe notamment. D’autre part, au bout d’un temps, les pigistes intégrés dans nos effectifs permanents ne veulent plus travailler la nuit. Il nous faut donc reconstituer un volant de pigistes, qu’il nous est très difficile de réduire en dessous d’un certain seuil. En outre, nous n’avons pas commencé en 2013 la cartographie des métiers, des emplois et des besoins et, avant d’intégrer les pigistes dans l’effectif permanent, il fallait vérifier attentivement où cela devait se faire. Le mouvement d’intégration qui a repris en 2014 devrait être plus favorable, mais nous ne pourrons jamais réduire le volant de pigistes à un niveau tel qu’il mettrait la gestion de l’entreprise en péril.

J’en viens au lancement d’une rédaction de RFI en mandingue, famille linguistique de 37 millions de locuteurs, importante au Sahel. Au Mali, 60 % de la population parle imparfaitement le français, si bien qu’une partie de nos émissions n’est pas comprise, ce qui n’est pas le cas des émissions des chaînes locales, diffusées en bambara. Mais les antennes locales ont parfois moins de recul que nous pouvons en avoir, et elles n’ont pas forcément le souci du débat, de la pluralité des opinions et des règles déontologiques qui anime RFI. L’attente est immense. Lorsque je suis allée au Mali remettre la première Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon, l’annonce de l’ouverture d’une rédaction de RFI en mandingue à Bamako a suscité un engouement prodigieux ; cela est ressenti comme une reconnaissance. Or, les langues africaines représentent un enjeu considérable : l’Afrique comptera peut-être 750 millions d’habitants en 2050 mais, si la France n’y prend garde, ils ne seront pas francophones. Aussi avons-nous mis au point des méthodes d’apprentissage du français à partir du swahili, du wolof et de l’haoussa, et nous ferons de même pour d’autres langues africaines. C’est un enjeu stratégique pour la francophonie. Enfin, l’importance d’une rédaction de RFI en mandingue à Bamako n’est pas que symbolique : nos soldats sont au Mali, et chacun sait qu’une bataille ne se gagne pas seulement par les armes mais aussi par l’évolution des mentalités ; il est donc très important de faire passer des messages d’apaisement.

C’est ce que nous faisons aussi en République centrafricaine, où nous avons des correspondants, parfois des envoyés spéciaux et où, grâce à la coopération permise par RFI Planète Radio, nous allons, avec le poste diplomatique français, bientôt inaugurer un émetteur ondes courtes pour aider la radio nationale centrafricaine à renforcer son rôle d’apaisement en faveur de la reconstruction. Les médias de Centrafrique jouent déjà ce rôle avec impartialité, un reportage de RFI l’a montré.

M. Martin-Lalande m’a interrogée sur la nature du pilotage stratégique de France Médias Monde. Il relève de notre conseil d’administration et de notre tutelle, exercée conjointement par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication, par le ministère des affaires étrangères et par la direction du budget et l’Agence des participations de l’État pour les ministères des finances et de l’économie.

Je ne saurais conclure sans vous inviter à renouveler votre visite à France Médias Monde. Vous y serez accueillis à bras ouverts par nos équipes qui vous montreront ce qu’est devenue la Tour de Babel d’Issy-les-Moulineaux.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, madame, d’avoir répondu à toutes nos interrogations.

Mme Valérie Fourneyron, présidente. Je joins mes remerciements à ceux du président de la commission des affaires culturelles pour cet exposé exhaustif sur la situation de France Médias Monde.

La séance est levée à dix-neuf heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 9 décembre 2014 à 17 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Bernard Brochand, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, M. William Dumas, Mme Annie Genevard, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Martine Martinel, Mme Dominique Nachury, M. Michel Piron, M. Marcel Rogemont

Excusés. – Mme Huguette Bello, M. Ary Chalus, M. Jacques Cresta, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Pierre Giran, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. François de Mazières, Mme Barbara Pompili, M. Christophe Premat, M. Rudy Salles, Mme Julie Sommaruga