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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 7 avril 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), sur le rapport d’activité du Conseil pour l’année 2014

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 7 avril 2015

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), sur le rapport d’activité du Conseil pour l’année 2014.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur Schrameck, soyez le bienvenu. C’est la deuxième fois que nous vous recevons pour la présentation annuelle du rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), prévue par l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

2014 a été la première année pleine d’application de la loi du 15 novembre 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a confié au Conseil de nouvelles responsabilités, comme la nomination des présidents de l’audiovisuel public, et des nouvelles compétences en matière de régulation économique du secteur, ce dont témoignent de façon approfondie la deuxième et la troisième partie du rapport.

Je vous remercie d’être venu nous présenter celui-ci dès avril, alors que certaines autorités indépendantes ou entreprises publiques ne nous transmettent le leur qu’en fin d’année. J’ai souvent regretté que nous examinions trop tard l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens des trois sociétés de l’audiovisuel public.

Le rapport décrit la procédure qui a abouti à la nomination du président de Radio France. A posteriori, et au-delà de l’actualité, quel regard portez-vous sur cette procédure ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? Quelles adaptations souhaiteriez-vous y apporter ?

Au terme d’un chapitre portant, comme le prévoit la loi, sur l’impact des décisions d’autorisation délivrées par le CSA, vous concluez que la télévision numérique terrestre (TNT) payante est « engagée dans un mouvement de spirale négative qui pourrait à terme remettre en cause sa pérennité ». Quelles conséquences doit-on en tirer pour les années à venir, sachant que, jusqu’à présent, le Conseil a refusé les demandes de passage en gratuit des chaînes de la TNT payante ?

Enfin, la loi du 15 novembre 2013 a réformé la procédure de sanction mise en œuvre par le CSA, afin de la mettre en conformité avec le principe d’impartialité. Avez-vous eu l’occasion d’appliquer la nouvelle procédure ? Plus généralement, le rapport montre que le CSA fait un usage limité de son pouvoir de sanction. Comment expliquez-vous cette situation ? Celle-ci ne risque-t-elle pas de réduire l’effet dissuasif des sanctions ?

M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). J’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter notre rapport annuel. Comme vous l’avez noté, monsieur le président, nous sommes fidèles à notre principe de réactivité. Ce devoir nous est tracé par la loi, aux termes de laquelle le rapport est élaboré durant le premier trimestre de l’année. Ce rapport a fait l’objet d’une délibération en collège, le 18 mars, avant d’être adressé, à la fin du mois, tant à votre commission qu’à de hautes personnalités de la République.

Dans l’exposé liminaire, je m’en tiendrai à l’objet de l’audition, sans ignorer que l’actualité vous conduira sans doute à ne pas limiter vos questions à l’année 2014.

Mon audition s’inscrit dans la continuité des contacts permanents qui me lient à votre commission ou à d’autres instances de l’Assemblée. En 2014, j’ai été auditionné, non seulement le 6 mai, sur le rapport annuel de 2013, mais, le 24 juin, par la commission des Affaires européennes, puis, le 16 octobre, par la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique. J’ai été entendu personnellement par M. Beffara sur les perspectives de la loi de finances pour 2015. Cette année, j’ai été auditionné par votre commission le 13 janvier sur le bilan quadriennal de France Télévisions et, le 31 mars, par la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.

Le CSA a remis plusieurs rapports au Parlement. Trois d’entre eux concernent les élections municipales, européennes ou néocalédoniennes. Les autres portent sur des sujets comme la représentation de la diversité à la télévision, l’intensité sonore en télévision ou la concentration du média radiophonique. Début 2015, un rapport a été rendu sur la radio numérique terrestre (RNT).

J’aborderai pour commencer le fait que 2014 est la première année pleine d’application de la loi du 15 novembre 2013. Puis je soulèverai plusieurs questions sur l’avenir de la plateforme TNT et du média radio. J’évoquerai ensuite l’adaptation de la régulation audiovisuelle à l’ère numérique. Enfin, au terme de ce trimestre tragique, je consacrerai quelques minutes à l’affirmation et à l’illustration des valeurs dont vous nous avez confié la garde, au service de la République.

La loi de 2013 a rénové le statut et le fonctionnement de notre institution. Celle-ci, en devenant une autorité publique indépendante, a acquis une plus grande autonomie dans la gestion du budget et une meilleure maîtrise financière, grâce à la fongibilité des crédits de personnel et d’intervention. Cette fongibilité nous permet de mieux nous adapter à nos missions, par exemple en arbitrant entre le recours à des emplois ou à des prestations techniques. Elle nous permet aussi d’organiser un fonds de roulement, grâce auquel nous lissons des investissements sur plusieurs années, ce qui est essentiel dans le dossier de la bande des 700 MHz. Dans un souci de plus grande prévisibilité, nous recourons à des instruments de gestion pluriannuels : gestion des reports, possibilité de mise en réserve, adaptation de l’outil Chorus, qui est assez lourd.

Sur le plan interne, une innovation importante découle de la mise en place, en matière de sanction, d’un rapporteur indépendant, chargé de l’engagement des procédures, selon des modalités arrêtées par décret en décembre 2013. Prochainement, le rapporteur, M. Fraisse, désigné en janvier 2014 par le vice-président du Conseil d’État, présentera ses premiers rapports au collège.

Celui-ci étant resserré autour de huit membres – pardon si j’empiète un peu sur 2015 –, le nombre des formations internes du Conseil a été réduit de vingt-six à dix-neuf. Ce chiffre peut encore paraître élevé, mais il s’accorde à la gamme des compétences que vous nous avez attribuées. Cependant, plus d’un quart des structures internes ont été supprimées, ce qui rend notre fonctionnement plus efficace et plus resserré.

Je soulignerai à présent le renforcement de la dimension économique de la régulation. Nous recourons davantage aux études d’impact. Certaines ont été réalisées dans le cadre des demandes d’évolution du modèle économique de chaînes de télévision payantes ; d’autres ont été engagées en amont d’appels à candidatures pour des services de radio.

D’autre part, nous procédons plus volontiers, comme vous l’avez souhaité, à des évaluations, notamment économiques, avant d’accorder une autorisation d’utilisation de fréquence. Le rapport consacre à cette question un chapitre de 35 pages, ce qui constitue une première dans l’application de l’article 18. L’an dernier, j’avais regretté de n’avoir pu, faute de temps, mener cette étude à bien.

Au cours de ses travaux, le Parlement a fréquemment souligné que le CSA constitue un espace de dialogue, au carrefour des intérêts divers, parfois divergents, du secteur économique essentiel qu’est l’audiovisuel. La meilleure illustration en est probablement le séminaire intitulé « L’audiovisuel, enjeu économique », qui s’est tenu le 2 octobre 2014, et qui a été ouvert par la ministre de la culture et de la communication, et clos par le Président de la République.

Le Conseil a vu ses responsabilités renforcées en matière d’audiovisuel public. Non seulement il a désigné le président de Radio France, mais il a mis en œuvre sa compétence nouvelle d’avis, prévu par l’article 53 de la loi, sur les rapports d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens, tant de Radio France que de France Médias Monde et, en janvier 2015, de France Télévisions. Il a aussi exercé sa compétence de rapport, qui n’est pas nouvelle, sur l’exécution du cahier des charges. Enfin, il a rempli la nouvelle mission que vous lui avez confiée, qui consiste à établir un bilan quadriennal sous forme d’avis motivé sur les résultats des sociétés de l’audiovisuel public. Son rapport sur France Télévisions concerne la période 2010-2014. Je relève à ce stade que le rapport interministériel qui a débouché sur les orientations gouvernementales annoncées le 4 mars 2015 ne comporte aucune dissonance avec celui que le CSA a rendu le 10 décembre 2014.

Ces travaux éclairent les candidats à la présidence de France Télévisions. Un communiqué publié le 1er avril précise que nous avons reçu trente-trois candidatures à cette fonction. Au regard de la vocation particulière du service public, je mentionnerai enfin notre rapport sur l’offre culturelle des chaînes du groupe France Télévisions, publié en juillet.

J’en viens à l’avenir de la plateforme TNT et du média radio, auquel je consacrerai le deuxième temps de mon intervention.

L’avenir de la bande des 700 MHz est un enjeu pour le financement de la création. Le Gouvernement a officialisé sa décision de réallouer cette bande de fréquence, qui représente 30 % de la ressource hertzienne actuellement affectée à l’audiovisuel. Dès le 26 novembre 2014, nous avons émis un avis au Gouvernement, rendu public, qui rappelle l’importance des services de la TNT nationale pour les usagers des médias audiovisuels et le soutien à la production cinématographique et audiovisuelle française. Nous avons souligné les contraintes très lourdes qui pèsent sur cette réaffectation, dont le délai de mise en œuvre est fixé au 1er juillet 2019, mais dont la première étape doit intervenir dès avril 2016. Alors que le déploiement des six nouvelles chaînes de la TNT autorisées en 2012 n’est pas encore achevé, le Conseil a insisté sur l’importance d’assurer la pérennité de l’infrastructure numérique de très haut débit qu’est la plateforme TNT. Il s’agira, grâce à des mesures que vous choisirez, d’accompagner cette mutation de grande ampleur par l’assistance à l’équipement des foyers, la modernisation des technologies de diffusion et de codage, l’évolution vers la haute, voire l’ultra-haute définition.

Nous sommes déjà confrontés à des décisions très lourdes, notamment pour poursuivre le déploiement des chaînes de la TNT. Le Conseil a décidé un moratoire de la douzième et avant-dernière phase de déploiement des nouvelles chaînes, initialement prévue le 7 avril 2015 dans le département de la Savoie. Au terme d’une consultation que nous avons organisée du 21 janvier au 23 février, il est apparu que les multiplexes R5 et R8 étaient mis en cause. C’est ce qui nous a conduits à préconiser un moratoire sur le déploiement des douzièmes et treizièmes phases à l’automne 2015, dans l’attente des décisions du Parlement, et à lever ce moratoire pour le multiplexe R7. J’insiste sur les conséquences de cette réaffectation, tant pour l’audiovisuel que pour l’économie et l’emploi. La situation économique des multiplexes et des diffuseurs peut se trouver gravement mise en cause. Le CSA a d’ailleurs alerté le Gouvernement sur l’importance de prévoir des mesures de compensation.

Une nouvelle consultation publique sera lancée dans les prochains jours, afin de présenter aux acteurs de l’audiovisuel la ressource rendue disponible à compter d’avril 2016 et de recueillir leur contribution, la modification du barème des millièmes attribués au sein des multiplexes aux différentes chaînes de la TNT et l’ensemble des conséquences économiques liées à la délivrance des nouvelles autorisations.

J’en viens à l’avenir du média radio. Nous vous avons adressé un rapport sur la modernisation du régime de la concentration, dont la régulation constitue une de nos missions centrales. Il faut préserver le pluralisme des services de radio, sans pour autant compromettre le dynamisme économique des acteurs, dont dépend l’existence d’une pluralité d’opérateurs.

Le dispositif actuel de régulation de la concentration présente selon le CSA plusieurs limites. Le plafond de concentration de 150 millions d’habitants est issu d’une réflexion basée sur des hypothèses technologiques, démographiques et techniques qui datent de 1994, alors que la population française et le parc de fréquences disponibles ont augmenté depuis. La méthode de calcul et l’indicateur de couverture ont progressé avec l’évolution des recommandations méthodologiques internationales, ce qui peut provoquer un manque de continuité dans les résultats. Défini sur un périmètre national, le plafond n’intègre pas les enjeux locaux du pluralisme, pourtant essentiel, et le dispositif de régulation de la concentration dans son ensemble ne prend pas en considération les nouveaux modes de consommation de la radio, de plus en plus utilisés par les Français.

Le Conseil a proposé au Parlement d’examiner différentes pistes d’évolution, notamment l’indexation du plafond sur l’évolution démographique, le changement de cet indicateur et la mise en valeur de plafonds locaux.

Par ailleurs, nous avons poursuivi l’optimisation de la diffusion analogique, que la saturation de la bande FM rendait nécessaire. Nous avons engagé une campagne de densification du spectre, basée sur une concertation relative aux principes à suivre pour le choix des zones géographiques, qui doit faire l’objet d’un appel à candidatures, et sur l’analyse des principes techniques de planification des fréquences. Nous avons lancé des appels à candidatures dans le ressort des comités territoriaux de l’audiovisuel (CTA) de Lyon et de Caen. Nous avons reproduit cette démarche en début d’année pour le CTA de Marseille et de la collectivité de Corse.

En ce qui concerne la progression de la diffusion numérique, nous avons constaté en octobre que treize des quatorze multiplexes de la RNT autorisés dans les zones de Marseille, Nice et Paris en 2013, étaient entrés en service. Ils diffusent quatre-vingt-dix-neuf programmes, essentiellement selon la norme DAB+ (Digital Audio Broadcasting), adoptée en août 2013. L’année 2014 marque le lancement concret de ce mode de diffusion, sans qu’on puisse préjuger du rôle que tiendra la RNT, entre le socle historique de la modulation de fréquence et la radio sur IP (Internet Protocol) de plus en plus utilisée, notamment au moyen d’applications mobiles.

Nous avons considéré qu’il appartenait au régulateur de mettre en œuvre, tout en veillant à la préservation des équilibres du secteur, la volonté exprimée à quatre reprises par le législateur de développer la plateforme RNT en France. En 2015, le Conseil poursuivra ce développement en préparant le lancement de nouveaux appels à candidatures notamment dans les zones où des expérimentations sont en cours et ont donné pleinement satisfaction et dans les principales agglomérations frontalières, où l’offre de radio est manifestement limitée, surtout pour des questions de coordination internationale, difficiles à résoudre. Nous poursuivons d’autres études sur les modèles de distribution nationale, les technologies hybrides de diffusion Broadcast Broadband et la RNT dans les territoires d’outre-mer. Nous envisageons une consultation publique sur l’opération d’élargissement.

La troisième partie de mon intervention porte sur l’adaptation de la régulation audiovisuelle à l’ère du numérique. Le 2 décembre, nous avons rendu un avis, important à nos yeux, sur le projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision. Sur ce texte, qui a été soumis à la consultation du Conseil d’État, le Gouvernement n’a pas encore rendu sa décision. Nous avons insisté sur l’importance de ménager un équilibre entre le rôle des producteurs, qui voient leur fonction garantie juridiquement, et celui des éditeurs, qui peuvent être appelés à intervenir lorsque le producteur ne dispose pas, pour l’œuvre, d’une capacité de distribution assurant des conditions de commercialisation équivalentes.

Si sensibles que nous soyons à l’impératif de circulation des œuvres, en vue de laquelle nous avons proposé plusieurs mesures, nous sommes conscients, comme le Gouvernement, que, dans le cadre de l’application de l’innovation qu’instaure la loi du 15 novembre 2013 sur les parts de producteurs susceptibles d’être détenues par les éditeurs, la réflexion a vocation à s’élargir, pour engager une réforme d’ensemble du régime de soutien à la production audiovisuelle.

J’insiste sur l’importance d’agir à l’échelon européen. Au printemps dernier, le Gouvernement a engagé une consultation publique sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), qu’un texte doit prochainement assouplir et développer. Le 14 avril, les vingt-huit membres du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (European Regulators Group for Audiovisual Media Services, ERGA) seront réunis à Paris, où ils aborderont des thèmes essentiels. Le CSA leur a proposé une déclaration sur la liberté d’expression, sur laquelle ils ont un rôle à jouer.

Nous continuerons nos travaux sur divers sujets : les conditions de l’indépendance des régulateurs au sein de l’Union européenne, la protection des mineurs, la compétence matérielle, avec notamment l’apparition de cette nouvelle catégorie d’acteurs que sont les distributeurs, et la compétence territoriale, c’est-à-dire la problématique de l’application des règles du pays d’origine ou du pays de diffusion. Le CSA a obtenu, en plus de celle de l’ERGA, la présidence du groupe de travail dédié à cette question.

Je conclurai sur notre rôle au service des valeurs de la République, qui vient d’être violemment agressée. Le législateur nous a confié pour mission de combattre toutes les formes de discrimination et de contribuer activement à la cohésion sociale. À ce titre, nous avons signé, le 24 novembre, une convention de partenariat avec le Défenseur des droits. Notre tâche est également de promouvoir l’égalité par la compensation des handicaps, qui s’est traduite par la signature de deux chartes : l’une, le 11 février 2014, pour la formation et l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans le secteur de l’audiovisuel, l’autre, le 15 janvier, pour la qualité de la langue des signes à la télévision.

Nous avons aussi appliqué les prescriptions de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Notre délibération du 2 février 2015 précise, dans l’optique de coordination voulue par le législateur, les critères d’appréciation susceptibles de contribuer à la lutte contre les préjugés sexistes.

Nous veillons à mettre en lumière, dans les médias audiovisuels, la richesse de notre lien social et de notre langue. Ainsi, nous avons organisé un colloque, le 9 décembre 2014, sur les jeunes et les médias. Le 16 mars, lors de la semaine de la langue française, nous avons eu l’initiative d’un autre colloque, sur les services de radio et de télévision. J’espère que vous avez eu l’occasion d’écouter les messages diffusés dans ce cadre à la télévision et, ce qui est nouveau, à la radio.

Se rassembler et rassembler, les chaînes de télévision l’ont fait autour du message « Nous sommes la France », le 14 juillet dernier. Ce message sera réitéré et enrichi également à la radio. Cette année, nous menons une action pour prendre en compte le fait qu’après l’école, les médias jouent un rôle essentiel pour maintenir et développer la cohésion de la communauté nationale. Le CSA a pris l’initiative d’écrire aux chaînes de télévision pour leur proposer une réunion, le 28 mai, en vue d’examiner des propositions susceptibles d’être mises en œuvre avant l’été, et de préparer le colloque du 6 octobre sur la diversité.

Nous mènerons ces actions dans une démarche constante de mobilisation des télévisions et des radios, et d’implication de tous les acteurs de ce qu’on nomme la « chaîne de valeurs de l’audiovisuel », tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre territoire. Au premier rang de ces valeurs, figure notre attachement à la liberté d’expression et de communication, au pluralisme et à la diversité des médias, ainsi qu’au rayonnement de la création. Vous pourrez compter sur le CSA tout au long de cette année pour prolonger et amplifier les actions mentionnées dans le rapport. Je signale particulièrement notre souci de maintenir l’assise économique de la régulation audiovisuelle, et de faire en sorte que la TNT puisse se développer, y compris dans le secteur payant, alors que les produits qu’offre la TNT payante connaissent une restriction préoccupante dans un monde où la place de la télévision payante est en questionnement permanent.

M. Marcel Rogemont. La loi du 15 novembre 2013 attribue de nouvelles responsabilités au CSA. Je pense notamment au bilan quadriennal sur France Télévisions, ainsi qu’aux avis sur les contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de Radio France, sur lesquels nous vous avons entendu avec intérêt, compte tenu de l’actualité.

De nouveaux pouvoirs de régulation économique vous ont également été confiés. La loi impose désormais que certaines décisions soient précédées d’une étude d’impact. Cette procédure a été mise en œuvre dans le cadre de la demande de passage en gratuit de LCI, et nous respectons particulièrement votre décision.

Prochainement, vous statuerez sur le sort de Numéro 23. Est-il acceptable qu’une chaîne ayant bénéficié d’une fréquence gratuite en 2012 puisse aujourd’hui être revendue ? Je rappelle que son déficit annuel est de 10 millions d’euros et que la vente s’élèverait à 90 millions d’euros. Belle plus-value sur le bien public ! À l’époque, le projet figurait sans doute dans les arrière-pensées du président de la chaîne. À moins qu’il n’ait été inspiré par le rachat de Direct 8 et D17 par Canal+, à hauteur de 465 millions d’euros.

Ces situations sont symptomatiques d’une politique qui, sous couvert de privilégier de nouveaux entrants et d’éviter la constitution de groupes, ne rencontre pas la réalité économique du secteur. Vous pourriez me répondre que le délai de deux ans et demi a été respecté et que la plus-value est taxée à 5 %. Mais, compte tenu de telles pratiques, n’est-il pas opportun de revoir le dispositif ?

Par ailleurs, à l’article 3-1-1 de sa convention, la chaîne se présente comme la chaîne de la diversité. Que faut-il entendre par ce terme ? En réponse à ma collègue Martine Martinel, un des cofondateurs a cité pêle-mêle « les minorités visibles, les homosexuels, les femmes, les handicapés, les familles recomposées, monoparentales. » Je m’interroge sur les largesses de cette ligne éditoriale. Dans la réalité, la programmation est essentiellement composée de magazines de société, d’émissions de téléréalité, de séries américaines et de films à faibles entrées. Sur quel critère se fonde le CSA pour considérer, dans son dernier bilan relatif à la chaîne, que l’exigence de diversité est satisfaite ?

Une chaîne, surtout si elle bénéficie d’une fréquence allouée gratuitement, ne peut se contenter d’être appréhendée comme une simple entreprise, dont le dirigeant ne serait qu’un homme d’affaires. Mes remarques vous suggèrent-elles des évolutions législatives ? Certains avaient regretté l’abondance de propositions que comportait votre précédent rapport annuel, dont, pour ma part, je m’étais félicité. Cette année, la créativité législative serait-elle en berne au CSA ?

Quoi qu’il en soit, je vous remercie de l’action que vous menez sur le plan européen, compte tenu de l’importance jouée par l’Union européenne dans l’évolution du paysage audiovisuel français.

M. Christian Kert. Monsieur le président Olivier Schrameck, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre rapport et l’inaltérable sérénité dont vous faites preuve alors que les choses ne sont pas aussi faciles que ce que vous affichez ; par ailleurs, votre rapport est plein d’enseignements et sa lecture donne la mesure du travail réalisé. Vous avez respecté l’ensemble de vos obligations légales et vous êtes fortement engagé dans la défense du pluralisme et de l’égalité entre les hommes et les femmes. L’an dernier, nous vous avions un peu bousculé en vous reprochant l’aspect trop ministériel du rapport qui l’est beaucoup moins cette fois ; j’en déduis que, soit vous vous êtes emparé de ces fonctions, soit vous vous préparez à le faire, nous serons donc attentifs à vos prochains rapports.

L’audiovisuel public traverse une crise grave et vous n’y êtes pour rien. Cependant, nous attribuons ce dysfonctionnement à la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public qui confie au CSA le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme. Cette disposition a créé un mélange des genres dont, en dernière analyse, vous êtes victime. Cette loi, nous l’avons dénoncée car elle ne pose qu’un vernis d’indépendance qui, en réalité, n’est qu’un affichage permettant à l’exécutif de se défausser de ses propres responsabilités sur vous. À cet égard, il suffit de songer aux millions d’euros qui ont été soustraits des comptes de Radio France et France Télévisions au cours des deux dernières années sans avoir été accompagnés par un nouveau projet stratégique. Cela alors que Radio France en est à son vingtième jour de grève et que j’ignore si vous envisagez d’aider à trouver une solution. De fait, celui qui régule ne devrait pas être celui qui nomme, cette hypocrisie devrait cesser et le pouvoir de nomination être rendu au Président de la République. Cela nous épargnerait le spectacle auquel nous assistons aujourd’hui : une crise majeure et un président sommairement convoqué par son autorité de tutelle qui, soudain, poussée par l’opposition, se rappelle qu’elle est l’actionnaire prioritaire. On peut dire que les masques sont tombés et que ce sont les sociétés nationales de programmes qui pâtissent de la situation. Comme Franck Riester y a fait récemment allusion, faut-il adopter un système à l’anglaise avec un Haut conseil dédié ?

Dans le domaine de l’actualité, une fois de plus, un canal attribué par le CSA est vendu quelques années après : la chaîne Numéro 23 devrait rejoindre le groupe NextRadio TV, permettant ainsi à ses actionnaires de réaliser une transaction de 90 millions d’euros. On parle là d’un bien public dont la distribution, sur la base d’un projet, est placée sous la responsabilité de l’autorité que vous dirigez. De même, le CSA serait en négociation avec le groupe M6 pour diminuer l’obligation musicale de la chaîne W9, pouvez-vous nous apporter quelques lumières sur ce sujet ?

Le rapport du CSA relatif à la RNT ne précise pas le calendrier de l’appel à candidatures, ni les villes et territoires concernés, ni la couverture de population visée. Pouvez-vous compléter notre information ?

Le président de Radio France demande plus de publicité sur les antennes publiques, selon vous, est-ce le bon moment pour une telle réforme ? En ce qui concerne le plafond de concentration en radio, vous avez pour mission de le préserver ; or, dans le bilan d’activité, vous invitez le Parlement à envisager la réforme, voire la suppression de celui-ci. Nous n’y voyons plus très clair, pouvez-vous nous éclairer ?

Mme Barbara Pompili. Le mouvement de grève à Radio France est historique, tant par sa durée que par son ampleur et cela en dit long sur le grave état de crispation du dialogue social dans cette maison. De nombreuses situations décrites par les syndicats ne sont pas sans évoquer ce qu’a pu traverser France 3 avant d’arriver au malaise social et au mal-être décrit par de trop nombreux salariés de ce groupe. Je veux parler ici du manque de vision claire pour l’avenir, d’un projet stratégique qui ne semble pas partagé par les personnels qui font vivre l’audiovisuel public ainsi que d’économies que l’on impose à celles et ceux qui produisent ce que nous écoutons ou regardons. Si la situation économique est difficile et n’épargne personne, il faut prendre en considération les conséquences des coupes budgétaires et leur gravité car, se servir de l’humain comme variable d’ajustement, c’est s’en prendre à celles et ceux qui travaillent à la qualité des émissions, des informations diffusées mais aussi à notre richesse culturelle comme à notre patrimoine. Aussi suis-je très inquiète au sujet de ce qui se passe à Radio France.

Certes, le CSA n’est pas responsable des difficultés budgétaires du groupe, mais la nomination de Mathieu Gallet s’est bien faite en fonction d’un projet stratégique. J’aimerais donc en savoir un peu plus sur celui-ci et sur votre vision du service public que doit défendre Radio France dans les choix futurs restant à effectuer, particulièrement dans la perspective du futur contrat d’objectifs et de moyens (COM). Cela nous permettra peut-être de mieux comprendre ce qui se passe.

Pour éviter de se retrouver dans la même situation que Radio France, il me paraît essentiel que la procédure de nomination applicable à France Télévisions soit la plus transparente possible, notamment en ce qui concerne le projet présenté par la personne qui sera retenue. Cela permettrait probablement de mieux savoir dans quelles eaux nous naviguons. Je souhaiterais aussi savoir comment le CSA entend concilier à la fois l’indépendance de l’institution dans le choix final et la feuille de route de l’État. À cet égard, je partage l’analyse de votre rapport d’activité selon laquelle il convient de mieux affirmer l’identité respective de chaque chaîne et j’en profite pour insister sur l’attachement des écologistes à faire de France 3 la chaîne des régions.

Qu’il s’agisse de France Télévisions ou de Radio France, les situations conflictuelles que connaissent les deux groupes, émaillées par des grèves et des plans de départ, illustrent combien il est urgent de mener une réflexion de fond sur le financement de l’audiovisuel public afin d’apporter des solutions pérennes permettant d’avoir un service public de qualité. Assiette de la redevance, financement par la création, voilà autant de pistes qu’il conviendrait de suivre. En ce qui concerne la publicité sur Radio France, j’entends que le nombre d’annonceurs devrait être augmenté, cela ne me ravit guère, vous vous en doutez, et je m’interroge sur l’éthique présidant au choix des annonceurs car entendre des publicités sur l’optimisation fiscale sur le service public peut choquer. J’en profite d’ailleurs pour rappeler, et vous le savez, notre attachement à la neutralité du net.

Je souhaite aussi revenir sur d’autres enjeux présents dans votre rapport d’activité ; prenons tout d’abord la fameuse question de la chronologie des médias. Il est désormais urgent de dépasser les bonnes intentions afin que l’offre légale et la vidéo à la demande deviennent intéressantes pour le public, je pense à la qualité du produit proposé, à sa date de disponibilité ou encore son prix à la location. J’ai l’impression qu’on ne cesse d’identifier les problèmes sans que rien ne change. D’où ma question : comment avancer concrètement ? Je ferai la même remarque au sujet de la radio numérique terrestre. Je tiens aussi à indiquer combien la question des plafonds de concentration peut être épineuse et je vous invite à la plus grande vigilance au regard des conséquences possibles pour les radios indépendantes. Je vous avais déjà alerté sur cette question par le passé.

Je suis par ailleurs très heureuse de trouver dans votre rapport le souhait de soutenir les télévisions locales – cet enjeu nous tient à cœur. Je m’associe à vos inquiétudes en ce qui concerne la retransmission des manifestations sportives sur des chaînes gratuites, il faudra rester vigilant et aboutir de façon tangible.

Dans votre volonté de donner aux associations et aux fondations un meilleur accès aux médias, vous pouvez compter sur le soutien des écologistes. Je souhaite enfin insister sur une autre question qui, elle aussi, a besoin d’être concrétisée : notre société est très diverse mais cette diversité ne s’incarne encore pas assez sur nos antennes. Je vous sais volontariste sur cet enjeu et vous avez donné des rendez-vous en juin et à l’automne, j’espère que cela se traduira au plus vite dans les faits.

M. Rudy Salles. Merci monsieur le président du CSA pour la présentation de ce rapport en début d’année, date qui, comme l’a souligné le président Bloche, nous donne toute satisfaction. Le rapport du CSA pour l’année 2014 rappelle à juste titre certaines missions essentielles de l’audiovisuel public, telles la promotion de la cohésion sociale, son rôle majeur dans l’éducation des plus jeunes, ou bien encore sa fonction citoyenne d’information auprès du plus grand nombre. Les premiers mois de l’année 2015 nous ont toutefois montré, à plusieurs reprises, que ces missions n’étaient pas toujours remplies convenablement, notamment au cours de trois épisodes récents. Le premier est la couverture des événements de janvier par les chaînes d’information en continu, qui aurait pu mettre la vie d’autrui en danger, et pour lesquels des ex-otages ont porté plainte. La recherche du scoop ne doit pas créer une menace supplémentaire pour les personnes concernées. Le deuxième est l’annonce erronée du décès d’un patron d’industrie par l’AFP, répercutée par tous les autres médias sans vérification préalable. Agir dans l’urgence ne doit pas se faire au détriment de l’exactitude d’une information. Enfin, troisième moment critique : l’interview d’un ancien ministre, au cours duquel le journaliste a évoqué une « influence juive ». Une fois encore, la course à l’audience ne doit pas se faire au prix d’une banalisation de propos antisémites.

Dès lors, une question se pose : où placer le curseur entre information et respect, respect des personnes qui font l’objet d’une attention des médias mais aussi respect des citoyens, qu’ils soient lecteurs, spectateurs ou auditeurs, et qui méritent dans tous les cas la véracité des faits ?

La vocation du CSA est de veiller à ne pas rompre le lien de confiance, déjà fragilisé, qui existe entre la population française et ses médias. Les sanctions prononcées sont-elles toujours adaptées à la gravité des faits lorsque la confiance est rompue ? Quels dispositifs le CSA compte-t-il mettre en place afin d’éviter la multiplication de ces dérapages à l’avenir ?

Par ailleurs, nous sommes à la veille du processus de nomination du futur Président de France Télévisions, nous souhaitons que celui-ci soit observé dans la plus grande transparence. Malheureusement, certaines déclarations viennent semer le doute sur le caractère collégial de la décision qui doit être prise. Particulièrement celles de la ministre de la Culture, Mme Fleur Pellerin, qui indiquait récemment dans le Figaro que la nomination relevait du Président du CSA. Pouvez-vous nous confirmer que cette décision ne vous appartient pas et qu’elle relève bien du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel ainsi que le prévoit la loi ?

Le CSA a également en charge d’assurer le pluralisme sur les chaînes de radio et de télévision, j’appelle tout particulièrement votre attention sur ce point. Or des distorsions importantes existent entre les différentes formations politiques quant à la répartition des temps d’antenne. Ainsi, sur le site Internet du CSA, on trouve les chiffres suivants pour la période du 9 février au 20 mars, lors de la campagne du premier tour des élections départementales : sur France 2, Debout la France, 6,93 % ; Europe Écologie les Verts, 5,04 % ; Front National, 13,09 % ; Lutte ouvrière, NPA plus Parti de Gauche, 25,70 % ; PS, 20,36 % ; UDI, 1,68 % ; UMP, 20,84 %.

Pour la période du 23 au 27 mars, second tour, sur France Inter : Front National plus Ligue du Sud, 40,92 % ; Parti Communiste, 2,56 % ; Parti Socialiste, 30,95 % UMP, 24,04 % ; UDI, 0 %.

Comme je l’ai indiqué, ce sont les chiffres publiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ; vous avouerez qu’ils ont de quoi nous questionner. Je vous demande donc quelle est votre action en la matière puisque, manifestement, il y a des distorsions flagrantes et inadmissibles, très préjudiciables au pluralisme. J’ajouterai que sur France 2, l’émission « Des Paroles et des Actes », n’a jamais invité un responsable de la formation que je représente.

Enfin, on a pu lire dans différents journaux, ne vous en offusquez pas, que la présidence du CSA disposait d’un cabinet d’environ huit personnes, comparable à celui d’un cabinet ministériel. Pouvez-vous nous donner les fonctions de chacun de ses membres ? Il me paraît normal de vous poser la question afin qu’elle soit évacuée.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président Schrameck, je voudrais prolonger le propos de Christian Kert qui a dit que vous étiez serein en évoquant le titre d’une émission de France Inter qui reprenait approximativement un vers de Lucrèce : « Qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de vous »… À lire votre rapport, on constate que tout s’agite autour de vous. Mais surtout que le CSA travaille beaucoup ; vous nous apportez des informations et des études d’impact très précieuses. Il a été dit tout à l’heure que la tutelle se soustrayait à ses obligations, il me semble cependant, qu’au cours des crises actuelles, elle fait preuve de présence. Vous avez montré votre indépendance en évoquant vos choix ainsi que les avertissements donnés à propos de la bande 700 MHz, par exemple. Quant aux questions portant sur la composition de votre cabinet, elles me semblent déplacées.

Peut-on, à partir de la vente d’une chaîne de télévision utilisant un canal attribué gratuitement, Numéro 23, réaliser une plus-value très importante ? Vous invitez gentiment le Parlement à envisager la réforme, voire la suppression, des plafonds de concentration, pouvez-vous préciser votre pensée ? Au cours du mois dernier, vous avez été élu président de l’ERGA, des informations à ce sujet seraient bienvenues. Enfin, vous avez montré votre attachement aux jeunes en organisant un colloque consacré au regard que ceux-ci portent sur les médias ainsi qu’à leurs attentes. Sur ces questions, le CSA a-t-il des avis pour faire avancer la réflexion à l’avenir ?

M. Patrick Hetzel. Les interrogations, y compris de la part du président Bloche car ce sujet lui tient à cœur, se font de plus en plus nombreuses au sujet de la situation du CSA comme juge et partie – l’exemple de Radio France en témoigne. Je sais qu’il est parfois difficile de s’exprimer sur des sujets qui relèvent du Législateur mais le Législateur lui-même souhaiterait avoir votre point de vue sur l’éventuelle dissociation de vos pouvoirs de nomination, d’une part et vos pouvoirs de contrôle, d’autre part. La BBC est ainsi dotée d’un conseil d’administration qui choisit lui-même son président. On pourrait imaginer un CSA qui n’aurait qu’à exercer son contrôle de façon impartiale. L’institution n’est-elle pas fragilisée par la situation actuelle ? N’êtes-vous pas gêné par des critiques de plus en plus nombreuses ? On le constate de façon implicite au sujet de Radio France où l’on vous dit que vous n’êtes pas responsable alors même que c’est vous qui avez nommé le président. Afin de garantir votre impartialité, ne serait-il pas préférable de procéder à la dissociation de vos pouvoirs de nomination et de contrôle ?

M. Hervé Féron. Le 21 janvier 2015, le CSA a rendu un rapport sur l’évolution des modes de diffusion radio traitant principalement de l’avenir de la radio numérique terrestre. Dans ce rapport, très attendu par une large partie de l’industrie radiophonique, le CSA se montre favorable au déploiement de la RNT sur une large partie du territoire. Néanmoins, ce document ne comporte pas le calendrier d’appel aux candidatures nécessaire pour que des radios soient autorisées et que s’engage vraiment le déploiement de la RNT en France. Avez-vous décidé de ce calendrier, et si oui, sur quelles villes ou territoires portera-t-il ? Enfin, quelle sera la couverture de population visée ?

Dans une étude publiée en janvier 2014, le CSA a rappelé la nécessité de mener une réflexion sur les obligations de diffusion de chansons françaises pesant sur les radios. La question des quotas pose en effet de vrais problèmes : pour s’arranger avec la loi, on constate que la programmation de la majorité des radios est concentrée sur un très faible nombre de titres. Forcément, le public est lassé d’entendre cinquante fois par jour le même artiste, et dans le même temps, les autres titres francophones des artistes émergents ne trouvent pas leur place. Plus d’un an après, pouvez-vous nous dire où en est cette réflexion ?

Vous avez affirmé que l’éducation et la jeunesse constituent un enjeu essentiel situé au cœur de l’action du régulateur. J’ai récemment interpellé par question écrite la ministre de l’éducation nationale sur l’idée de la création d’un journal télévisé pour enfants. En effet, il s’agit d’aider les enfants à faire le tri parmi le flot d’informations reçues, afin de développer leur esprit critique et leur apprendre à analyser le monde dans sa globalité. Que pensez-vous de cette idée, qui me paraît aujourd’hui d’actualité ?

Comme le CSA le relève, il y a lieu de regretter la faiblesse de la couverture médiatique des élections européennes en 2014. Pourtant, c’est bien le rôle des médias de susciter l’intérêt des citoyens pour les questions d’actualité, au premier rang desquelles les questions politiques, y compris à l’échelon européen. Comment remédier à cela et inciter les médias à traiter des élections européennes ? Par ailleurs, pouvez-vous d’ores et déjà nous donner un avis concernant la couverture médiatique des élections départementales ?

Toujours concernant la couverture médiatique des élections, le CSA souligne la nécessité de faire évoluer le cadre législatif et réglementaire en la matière. La fameuse « période de réserve » pourrait sembler caduque aujourd'hui, notamment dans les outremers ou sur les réseaux sociaux. Pensez-vous que le projet de loi relatif au numérique puisse constituer un bon véhicule pour cela ? Plus largement, quelle sera la place du CSA dans ce texte ?

Mme Dominique Nachury. Votre rapport évoque la campagne menée en 2014 en faveur de la protection du jeune public à travers deux forums, l’un adressé aux parents, l’autre aux jeunes. Quelles suites entendez-vous donner aux nombreuses contributions reçues, particulièrement au sujet de la pertinence de la signalétique ?

La couverture médiatique des attentats du mois de janvier dernier a fait l’objet de 21 mises en demeure et 36 avertissements que certains ont jugés moralisateurs ; a contrario, pensez-vous que le CSA devrait étendre le champ de son contrôle aux réseaux sociaux ? La chaîne de télévision Numéro 23, qui va être vendue, est la chaîne de la diversité : cette exigence de diversité sera-t-elle imposée au repreneur ? La désignation du prochain président de France Télévisions va avoir lieu prochainement, il y a trente-trois candidats : comment les choses vont-elles se passer ?

M. Stéphane Travert. Le 10 décembre 2014, le CSA a établi le bilan de la société France Télévisions pour la période 2010-2014, soit la durée de la présidence de M. Rémy Pflimlin. À ce titre, vous avez fondé votre analyse sur le COM 2011, modifié en novembre 2013, pris en compte les documents produits par le groupe France Télévisions et auditionné les acteurs du groupe public. Dans votre avis, vous avez tenu compte du contexte actuel et passé du secteur de l’audiovisuel, notamment l’instabilité des ressources publiques affectées à France Télévisions, la situation dégradée des investissements publicitaires ainsi qu’une concurrence accrue. Vous avez conclu que les actions entreprises depuis quatre ans se sont inscrites dans une perspective de long terme et, pour certaines d’entre elles, ne porteront pleinement leurs fruits que dans quelques années. Cependant, vous avez observé que tous les objectifs n’ont pas été entièrement atteints.

En ce qui concerne l’offre de programmes des différentes chaînes du groupe, vous estimez indispensable de procéder à une clarification des lignes éditoriales de France 2 et France 3 afin de faciliter leur coexistence, et de limiter la concurrence interne tout en recherchant la conquête de nouveaux publics. Pourriez-vous, monsieur le président, nous indiquer en quoi ces deux chaînes sont concurrentes et, le cas échéant, si cela concerne les rédactions chargées de l’information ? Alors que le rapprochement de ces dernières pourrait se concrétiser courant 2015, ne pensez-vous pas qu’une telle mutualisation des moyens réduirait à néant les efforts futurs pour distinguer les lignes éditoriales respectives de ces chaînes ? De fait, si l’on veut donner à France 3 son rôle de chaîne des territoires, il paraît indispensable de conserver des rédactions locales proches de nos concitoyens.

Que pensez-vous du maintien de la période de tuilage entre l’ancien et le nouveau président d’un groupe public audiovisuel, comme cela a été fait à Radio France entre Jean-Luc Hees et Mathieu Gallet ? L’expérience sera-t-elle poursuivie lors de l’arrivée du nouveau président de France Télévisions, alors que cette période de trois mois au cours de laquelle les deux présidents devaient travailler ensemble ne s’est pas déroulée comme il avait été prévu ?

M. Lionel Tardy. Le rapport pour 2014 ne comporte aucune proposition de modification législative ou réglementaire alors que, dans le précédent, ces recommandations figuraient en tête du document. Cela signifie-t-il que vous aviez été trop audacieux ou est-ce parce que vous avez renoncé à toute régulation des contenus présents sur internet ?

Je m’interroge au sujet d’une phrase relevée dans le rapport dans laquelle vous faites part de votre inquiétude devant les algorithmes utilisés par les sites de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Lorsqu’un abonné a regardé plusieurs vidéos, le site est ainsi en mesure de lui suggérer des films, séries, etc. répondant à ses préférences. Vous considérez que ces algorithmes, nourris par des données personnelles, comportent des risques d’atteinte à la vie privée et sont susceptibles d’être contraires à l’exigence de diversité culturelle. Vous écrivez que la menace est « d’enfermer l’utilisateur dans ses propres affinités ». Je serais à mon tour inquiet si ce genre de recommandation devait faire partie des obligations liées à la diversité culturelle. Si un utilisateur ne regarde que des séries américaines, je ne vois pas ce qu’il y a d’illogique à ne pas lui proposer de séries francophones. Je vois mal en quoi, si telle est la question, le CSA pourrait intervenir au sujet de ces algorithmes. Pouvez-vous me préciser votre point de vue ?

Mme Sophie Dessus. Je remercie le président Bloche et vous-même, monsieur le président, pour cette présentation du rapport annuel dans une période qui n’est pas banale. Beaucoup de choses ayant été dites, je souhaite vous faire part de ce que les élus entendent dans leurs circonscriptions au sujet de la situation de Radio France. Après dix-neuf jours de grève, un profond malaise règne chez les salariés. Le déficit accumulé depuis des années et la rénovation du bâtiment constituent un gouffre financier. Enfin, l’image d’un jeune président prometteur est devenue désastreuse, particulièrement à travers une série d’articles de presse, dont un nouveau est annoncé pour demain.

Les citoyens auditeurs s’inquiètent donc de la bonne utilisation de la redevance, garantie de l’indépendance, de la diversité et de la qualité du service fourni. Certes, la ministre de la culture a heureusement apporté des réponses apaisantes sur le maintien des deux orchestres de Radio France ainsi que sur une rallonge de 80 millions pour rééquilibrer le budget du chantier de la Maison ronde. Cependant, demeurent les problèmes des suppressions d’emplois dits volontaires, du dialogue social rompu et de la disparition programmée des radios locales qui paient un lourd tribut au redéploiement des moyens. Monsieur le président, des réponses que pourra apporter le CSA sur ce que doit être ce service public, sur le profil devant être celui des femmes et des hommes qui le servent, dépendra l’avenir du service public de la radio comme de la télévision, qui, de par leur éthique, ne peuvent être des services audiovisuels comme les autres, exception culturelle oblige.

Mme Isabelle Attard. Dans votre rapport, vous déplorez le manque de différentiation des programmes des chaînes de service public au regard de celles du service privé, or celle-ci est au cœur des revendications des personnels de Radio France qui considèrent que le travail qu’ils fournissent à ce titre n’est pas reconnu. On s’interroge alors sur le projet proposé par Mathieu Gallet lors de sa nomination et accepté par le CSA. Le ministère a indiqué ne pas avoir fixé de cadre à cette occasion car il faisait confiance au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce dernier apparaît ainsi comptable du choix du projet exposé par le candidat à la présidence et qui suscite l’interrogation des personnels en grève : la définition, les lignes de force de ce projet sont floues et les questions ne trouvent pas de réponse. Celle-ci ne saurait d’ailleurs porter uniquement sur le chantier de la Maison ronde, on ne peut d’ailleurs pas arrêter un navire lancé à pleine vitesse. Je souhaiterais avoir votre point de vue au sujet de cette différence qui doit caractériser le service audiovisuel public car, comme l’a souligné Barbara Pompili, ajouter de la publicité ne constitue pas une garantie.

Vous indiquez par ailleurs qu’un quart des messages reçus de la part des auditeurs porte sur le défaut de déontologie et de pluralisme : quelles recommandations adressez-vous aux diverses chaînes pour remédier à ce manque de pluralisme ?

Mme Colette Langlade. Le 9 décembre dernier, le CSA a organisé à la Sorbonne un colloque sur le thème : Les écrans et les jeunes : quelle place, quelle offre, quelles évolutions ? L’objet de cet événement était de s’interroger sur les contenus regardés par les jeunes de treize à vingt-quatre ans ainsi que de les questionner au sujet des offres qui leur sont adressées. C’était aussi l’occasion de faire participer les intéressés, collégiens, lycéens et étudiants, à des tables rondes consacrées à des thèmes tels que la stratégie à adopter à l’égard des producteurs d’émissions et des éditeurs de services télévisés pour attirer les adolescents. Ainsi que vous l’avez écrit, ce colloque a réuni des témoignages de la part des jeunes et permis des échanges de points de vue. Allez-vous utiliser et mettre en œuvre les fruits de ce travail effectué auprès d’une catégorie d’âge à laquelle nous sommes tous attentifs ?

Mme Régine Povéda. Quelles sont aujourd’hui les perspectives de la télévision française ? Trop de programmes de téléréalité, productions françaises ou d’inspiration étrangère, donnent une image déplorable des jeunes, de leur avenir et de ce qu’ils peuvent attendre de notre société. Ce spectacle dégradant est devenu roi, particulièrement autour de vingt heures, moment où nombre de nos jeunes concitoyens regardent la télé en revenant de l’école. Que compte faire le CSA pour améliorer le contenu de ces tranches horaire ?

Comme le clame un commentateur célèbre, les Français doivent savoir : quelle est votre position au sujet des prises de parole antisémites, antimusulmanes, racistes ou xénophobes de certains auditeurs qui agissent ainsi au nom de la liberté d’expression et font par là même passer des messages extrémistes ? Enfin, l’image de la femme est trop souvent caricaturale alors que peu d’entre elles sont présentes à la télévision : présentatrices, invitées ou consultantes. Que compte faire le CSA pour améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes car, comme il est indiqué dans votre rapport, une baisse en pourcentage des interventions des membres de la gent féminine a été constatée ?

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président du CSA, le nombre des orateurs et la diversité des questions posées montrent tout l’intérêt de votre présence parmi nous. Je n’oublie pas l’actualité de notre commission puisque nous entendrons demain matin, à neuf heures trente, M. Mathieu Gallet, président de Radio France. Il nous a d’ores et déjà transmis son projet stratégique dont j’ai voulu que chaque commissaire reçoive une copie cet après-midi afin de nourrir nos échanges. Si vous souhaitez vous exprimer sur la crise et le conflit social que traverse Radio France, n’hésitez pas à utiliser tout le temps de parole qui vous conviendra et à profiter de l’écoute attentive de la représentation nationale.

M. Olivier Schrameck. Monsieur Rogemont, vous m’avez interrogé, ainsi que plusieurs de vos collègues, au sujet de la chaîne Numéro 23.

Sur le plan juridique, l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par la loi du 15 novembre 2013, nous amène à distinguer deux hypothèses : celle d’un changement de contrôle simple et celle d’un changement de dénomination et/ou de programmation. Selon l’alinéa 1er de l’article et la jurisprudence du Conseil d’État, le changement de contrôle constitue « une modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée » et il n'est susceptible d’être autorisé que s’il n’est pas « de nature à compromettre l’impératif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public ». Les alinéas 5 et 6 de l’article, qui s’appliquent sans préjudice de l’application de l’alinéa 1er, disposent que lorsque la modification du contrôle « est susceptible de modifier de façon importante le marché en cause, l'agrément est précédé d'une étude d'impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires ». La loi précise que tout éditeur de services détenteur d'une autorisation « doit obtenir un agrément du CSA en cas de modification du contrôle direct ou indirect » de la société titulaire de l’autorisation et que « cet agrément fait l'objet d'une décision motivée ». Ni la loi, ni les travaux parlementaires ne précisant les conditions que le CSA est susceptible de faire valoir, il nous semble que les critères généraux des articles 29 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 trouvent à s'appliquer. Nous nous inscrirons le cas échéant dans cette procédure.

Cela dit, j’ai bien compris que vos interrogations ne se limitaient pas au terrain du droit. Un débat public s’ouvre et j’entends les critiques de ceux qui n’estiment pas normal qu’un actif assis en grande partie sur l’utilisation gratuite du domaine public hertzien puisse être vendu. La question est posée, mais permettez-moi de vous dire qu’elle s’adresse au législateur. En effet, ce dernier a non seulement prévu l’agrément dans la loi du 15 novembre 2013 mais il a aussi fait de ce dernier « le fait générateur » d’une taxe de 5 % assise sur la valeur des titres apportés, cédés ou échangés, votée à l’article 44 de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Autrement dit, le législateur a envisagé ce type d’opération. Pour ma part, je pense que l’attribution gratuite est une question substantielle. Je ne peux toutefois en dire plus : vous me reprocheriez légitimement de vouloir me substituer au législateur.

Lors de la publication des précédents rapports annuels, en particulier du dernier d’entre eux, il a été reproché au CSA de prétendre faire œuvre de législateur en proposant des orientations de modifications législatives. Toutes les propositions émises dans les deux derniers rapports sont encore sur la table. Certaines ont trouvé leur traduction dans la loi du 15 novembre 2013, mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles, notamment de celles qui ont trait aux services audiovisuels numériques et à l’accroissement éventuel du rôle du CSA en matière de régulation économique. Il ne nous a pas paru nécessaire de reprendre ce qui avait déjà été écrit ni d’aller plus loin sachant qu’aucun texte de loi relatif à l’audiovisuel n’était annoncé. Nous n’avons cependant pas renoncé à une démarche qui avait trop longtemps été laissée en jachère, et nous avons fait deux propositions complémentaires. L’une relative aux conditions de reprise des médias vise à articuler le droit de l’audiovisuel et celui des entreprises en difficulté afin d’éviter que les radios ne soient muettes ou que les écrans ne deviennent noirs au cours d’une procédure de redressement judiciaire. L’autre concerne la diversité car le CSA « a considéré que les dispositions de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relatives à la diversité étaient trop imprécises et sans force obligatoire pour pouvoir estimer que le Conseil dispose d’un pouvoir réglementaire en ce domaine ». Pour que nous puissions jouer sur ce sujet le même rôle que celui qui est le nôtre en matière de respect du pluralisme et de l’égalité entre les hommes et les femmes, nous appelons le législateur à « donner davantage d’assise » à notre action, car c’est à lui qu’il appartient de faire ce choix.

Monsieur Kert, croyez bien que je n’ai aucune ambition ministérielle. À mon sens, le rôle d’une autorité publique indépendante est d’autant plus important qu’elle se distingue des pouvoirs publics exécutifs. Si j’aborde la période actuelle avec sérénité, comme certains d’entre vous l’ont fait remarquer, c’est parce que je pense qu’une autorité publique indépendante doit constituer un pôle d’équilibre, de référence et de stabilité lorsque des crises se produisent – ce qui est fréquent dans le secteur de l’audiovisuel. Soyez certains que je ne mésestime pas pour autant la crise qui frappe actuellement le service public de Radio France !

Je ne me prononcerai pas sur l’attribution législative de compétences au CSA. Elle repose sur une répartition claire : le CSA a vocation, sous le contrôle du législateur, à veiller à ce que les exigences programmatiques, formulées par ce dernier et mises en œuvre par voie réglementaire dans le cahier des charges, soient respectées. Pour tout le reste, que ce soit le contrôle de l’actionnaire, la tutelle, le contrôle économique et financier, nous n’avons aucune compétence. Nous ne disposons d’ailleurs d’aucune information relative aux données collectées par le ministère de tutelle, le contrôle économique et financier, le conseil d’administration de l’entreprise ou, le cas échéant, par la Cour des comptes qui décide souverainement de l’échéance, des modalités et de l’objet de ses contrôles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans une crise qui est de nature à influencer les missions de service public d’un diffuseur, le CSA a demandé au président de Radio France de lui soumettre les orientations qu’il a transmises aux pouvoirs publics.

Le dédoublement fonctionnel que certains d’entre vous mettent en cause vaut pour toute autorité qui dispose d’un pouvoir sur un organisme de service public et, en particulier, pour l’exécutif lui-même. Tout système peut être échafaudé par le législateur ; je n’ai pas à en juger. En respectant l’indépendance et l’impartialité que l’on attend de nous, ma mission consiste à faire en sorte que les procédures qu’il a voulues soient exécutées dans l’esprit dans lequel elles ont été adoptées.

Si le CSA n’est pas compétent pour définir les orientations que le président de Radio France entend prendre dans le cadre des directives que lui a données le Gouvernement en la personne de Mme la ministre de la culture et de la communication, il se tient toutefois étroitement informé. En portant des jugements sur le fond, je ne voudrais ni outrepasser le rôle qui est le nôtre ni anticiper sur la consultation du comité central d’entreprise extraordinaire qui se tiendra demain et qui bénéficie d’une stricte protection légale en matière d’information préalable. Je n’ai en revanche aucune hésitation pour dire à quel point moi-même et le collège du Conseil tout entier regrettons profondément que, jusqu’à présent, le dialogue social n’ait pas permis de faire apparaître des solutions au conflit en cours, et à quel point nous sommes sensibles aux inquiétudes et aux préoccupations des collaborateurs de Radio France, comme aux attentes et aux déceptions des auditeurs du service public face à une crise financière sans précédent.

Lors de la désignation du président de Radio France, au début de l’année 2014, cette crise financière ne faisait l’objet d’aucune information, d’aucun écho, d’aucune mise en garde. Tel n’est pas le cas de la situation actuelle de France Télévisions. À la demande du législateur, nous avons rédigé un rapport qui traite des questions financières et des ressources humaines dans l’entreprise tandis que, de son côté, le Gouvernement rendait public un rapport et des orientations. Par ailleurs, avant d’entamer la procédure de nomination de son président, nous avons demandé à Mme Françoise Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier « Médias-Culture », et à M. Jean-Charles Aubernon, contrôleur général économique et financier de France Télévisions, de venir présenter la situation financière du groupe.

Il n’y a absolument pas de négociation avec le groupe M6 à propos de W9. Nous avons été saisis à plusieurs reprises par M6 d’une demande concernant les obligations de W9 en matière de programmation musicale, comme nous l’avons été par un autre groupe, en l’espèce Canal Plus, de la situation de la chaîne D17. Nous examinons actuellement la question qui nous a été soumise. Loin de constituer une négociation, ce travail nous amène plutôt à une réflexion sur notre rôle de régulation, sujet que certains d’entre vous ont aussi abordé en évoquant la place de la chanson française. Il nous faut en effet réfléchir à la notion de quotas pour faire une part à la diversité et aux horaires d’écoute de façon à affiner notre contrôle qui doit être plus efficace, plus souple et plus réactif.

Nous avons délibéré à plusieurs reprises sur le calendrier de mise en place de la radio numérique terrestre (RNT) et nous avons tracé les contours d’une méthode qui est exposée dans notre rapport. Nous privilégierons certaines zones d’appels à candidatures que nous annoncerons dans les prochaines semaines. Deux cas se présentent : soit l’étude d’impact assortie d’une consultation publique est nécessaire aux termes de la loi, soit elle ne l’est pas. Dans le second cas, une initiative pourra être prise avant la fin du printemps, dans le premier, il faudra attendre la rentrée. Quoi qu’il en soit, je l’ai dit d’emblée : 2015 sera une année déterminante. Le seuil des 20 % de couverture de la population a un certain nombre de conséquences économiques : sera-t-il atteint ? Sans doute pas dès cette année, mais il nous faut encore affiner et compléter nos capacités de mesure d’audience. Si le Parlement souhaite nous donner des indications, nous les prendrons évidemment entièrement en compte.

Le cahier des charges réglementaires qui fixe les obligations de Radio France en matière de publicité n’a pas été modifié depuis 1987. Il comporte aujourd’hui des références incertaines. Le CSA souhaite qu’une définition claire des annonceurs auxquels Radio France peut avoir recours succède à l’incertitude actuelle – en la matière, il faut agir par voie réglementaire – mais il n’a formulé aucun souhait relatif à une extension de la publicité. De façon générale, suivant les indications du législateur, le CSA est particulièrement attentif aux équilibres du marché publicitaire, conscient qu’ils constituent l’une des conditions de la qualité et du dynamisme du secteur audiovisuel.

Le CSA est particulièrement vigilant concernant les modalités de concentration des radios au plan local. Si les règles relatives à la concentration au niveau national concernent les grands réseaux, nous nous devons d’être attentifs à la diversité et au pluralisme par « bassin d’écoute ». Tel est le sens des observations du rapport annuel.

Madame Pompili, il appartient aux candidats à la présidence de France Télévisions
– j’aurais pu parler au passé puisque les dossiers de candidature ont été déposés – de prendre en compte toutes les réflexions et les orientations énoncées durant la période récente. À ce stade de la procédure, vous comprendrez qu’il n’est pas opportun que je formule quelque observation que ce soit concernant ces orientations.

Je puis en revanche m’exprimer sur la chronologie des médias, sujet sur lequel nous avons remis en 2013 un avis à Mme la ministre de la culture et de la communication. Cette chronologie constitue à nos yeux un facteur important de l’équilibre et de la promotion du secteur audiovisuel : nous estimons qu’il est très fâcheux que nous n’ayons pas de part à l’élaboration des règles applicables en la matière.

Pour ce qui concerne la retransmission télévisée des manifestations sportives, nous sommes confrontés à un grand danger : le basculement de la télévision gratuite vers la télévision payante. C’est la raison pour laquelle il me semble que la gestion des droits fait partie intégrante de la chaîne de valeur du secteur audiovisuel. Nous en avons encore eu un exemple il y a deux jours en apprenant que les droits du championnat de deuxième division de rugby français (Pro D2) étaient dévolus à Canal Plus, Eurosport et France 3, pour une somme supérieure à 6 millions d’euros, soit six fois plus que les montants en jeu lors de la précédente attribution. Si ce phénomène s’accentue, la télévision gratuite, et je pense en particulier au service public, aura de plus en plus de mal à avoir accès aux manifestations sportives. Cette tendance est déjà une réalité comme l’ont montré les difficiles négociations pour la diffusion du tournoi de tennis de Roland-Garros ou le fait que de nombreux matchs de la coupe Davis n’ont pas été retransmis par des chaînes de télévision gratuites.

Le CSA a publié au mois de juin dernier un guide indicatif des critères communs aux médias audiovisuels pour promouvoir des associations ou des fondations à l’antenne. Nous sommes évidemment favorables à la transparence en la matière et au dialogue entre les médias audiovisuels et les représentants de la société civile que sont les associations.

Monsieur Salles, nous avons adressé vingt et une mises en demeure et quinze mises en garde à la suite de la couverture des événements tragiques vécus par notre pays au début du mois de janvier dernier. Avant que nous ne soyons informés de mises en cause de nature judiciaires, le CSA a été le seul à s’exprimer : il a pris ses responsabilités en application des missions que le législateur lui a confiées. Les mises en demeure n’ont concerné que des faits circonscrits mais un grand nombre de chaînes de télévision et de stations de radio se sont exposées aux mêmes reproches qui tenaient à la mise en cause potentielle de la vie des otages, à la non-observation des directives du parquet relative à l’identification de terroristes, et au respect de la dignité humaine en ce qui concerne la mort du policier Ahmed Merabet. En la matière, l’expression des parlementaires est pour nous essentielle.

Le CSA a été particulièrement attentif aux règles relatives au pluralisme durant la campagne pour les élections départementales qui vient de se dérouler. Nous avons publié chaque semaine un tableau de répartition des temps de parole dont vous avez cité des extraits, ainsi qu’un communiqué. Cela a permis de provoquer des effets de rattrapage d’une semaine à l’autre. Nous avons l’intention de publier un rapport, comme nous l’avons fait pour les élections de l’année 2014, qui traitera, entre autres sujets, de la période de réserve régissant la divulgation des résultats des votes, notamment outre-mer. Le respect du pluralisme de l’information constitue une obligation pour les radios et les télévisions, ce qui n’est pas le cas pour les réseaux sociaux et internet qui les concurrencent. Nous avons posé de façon répétée cette question aux pouvoirs publics tout en étant conscients qu’il sera préférable d’y apporter une réponse dans la sérénité, en dehors de la pression des échéances électorales.

Monsieur le député, je bénéficie de l’appui précieux d’un directeur de cabinet, d’une directrice-adjointe de cabinet et d’une responsable de la communication, qui m’accompagnent aujourd’hui. Sont également affectés au cabinet, un chef de cabinet, qui était déjà en poste auprès de mon prédécesseur et qui a en particulier pour fonction l’organisation des manifestations, colloques et réunions diverses comme celle que l’ERGA tiendra le mois prochain, et un chargé de mission qui aide aux recherches, à la documentation, et à la préparation des interventions. La responsable de la communication, Mme Frédérique Bayre, est aidée par deux attachés de communication. Voilà précisément la composition de l’équipe qui m’entoure. Pour avoir écrit deux ouvrages sur le sujet, je pense pouvoir vous dire que l’organisation que je viens de décrire n’a pas grand-chose à voir avec celle des cabinets ministériels.

Madame Martinel, nous assistons à une mutation des pratiques de consommation de la télévision et de la radio par les jeunes. Ils sont de plus en plus attirés par les services de musique en ligne et, pour ce qui concerne la télévision, ils utilisent des modes de réception de plus en plus diversifiés et « individualistes ». Ces évolutions placent au centre de nos réflexions la question du passage d’une télévision de l’offre, qui s’adresse à un public diversifié, à une télévision de la demande qui vise un public d’individus. Comme le constatait M. Tardy, nous sommes préoccupés par le fait que ce type de communication individualisée risque d’enfermer le téléspectateur, en particulier le jeune téléspectateur, dans un dialogue singulier qui ne l’ouvre pas à la diversité des points de vue culturels et sociaux que doivent proposer les médias pour assurer la cohésion de la communauté nationale. Nous sommes convaincus que le public jeune est au centre du questionnement médiatique sur l’avenir de la société française.

Monsieur Hetzel, aujourd’hui l’exécutif a affaire à un président de société audiovisuelle qu’il n’a pas nommé. Autrement dit, lorsqu’il lui transmet des directives, il joue pleinement, mais uniquement, son rôle d’actionnaire et celui d’autorité de tutelle. Pour le jugement qu’appelle cette situation, je ne puis que renvoyer à l’appréciation du législateur.

Monsieur Féron, des initiatives ont été prises en matière de journaux télévisés pour les enfants – LCI ne m’en voudra pas de citer son nom. Le CSA s’est déjà exprimé au sujet de la campagne pour les élections européennes sur laquelle vous m’interrogez. Nous devons respecter la responsabilité et le pouvoir éditoriaux, ce qui ne nous empêche pas de faire des recommandations sauf, en ce moment, à l’égard de France Télévisions, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Madame Nachury, c’est bien parce que les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus grand et que diverses plateformes numériques diffusent une information toujours plus abondante et recherchée que nous souhaitons, en application du principe de neutralité technologique, que les services audiovisuels fassent l’objet d’une régulation par le CSA même lorsqu’ils utilisent des supports numériques. Nous avons toutefois conscience que la régulation ne peut plus être conçue à l’ère du numérique comme elle l’était à l’époque où n’existait qu’un nombre limité de fréquences gratuites.

Monsieur Travert, la période de « tuilage » constitue une innovation voulue par le législateur. Pour des raisons de calendrier, elle avait été particulièrement brève lors du dernier changement de président de Radio France. Le futur président l’avait mise à profit pour composer son équipe mais il n’y avait pas eu de collaboration effective avec le président encore en exercice. Une telle collaboration est-elle souhaitable à la présidence de France Télévisions ? Sans engager le collège du CSA, je crois que l’on peut le penser. Cela dépendra évidemment des deux personnalités concernées – si elles sont bien deux puisque l’actuel président de France Télévisions a confirmé qu’il présentait sa candidature. La question du « tuilage » est donc à tous égards ouverte.

Madame Dessus, le CSA est évidemment extrêmement attentif aux missions de service public de Radio France et aux garanties qui leur sont liées. Le législateur attend légitimement que nous les fassions respecter.

Madame Attard, quel que soit le support concerné, le CSA doit veiller à ce que les programmes, en particulier l’information, respectent les règles énoncées par le législateur. Pour que ce respect soit complet, la législation doit évoluer. Le CSA ne peut agir aujourd’hui que dans la limite du rôle qui lui est attribué par la loi. Les radios et les télévisions ne sont pas les dernières à constater la concurrence des réseaux sociaux et d’internet et à dénoncer ce qu’ils appellent une « asymétrie de régulation ». La solution à ce problème ne relève pas de l’initiative du CSA. Il lui revient toutefois de poursuivre en la matière une réflexion attentive, continue et scrupuleuse.

Madame Langlade, j’ai évoqué l’importance de la programmation destinée au jeune public. Je ne peux pas vous répondre plus complètement car les radios et les télévisions ont une responsabilité éditoriale que nous devons respecter. Nous menons cependant des actions de sensibilisation au travers de colloques, de rencontres périodiques avec les responsables des chaînes mais aussi des auditions qui servent à établir le bilan annuel de chaque service de télévision et grand réseau radiophonique.

Madame Povéda, vous avez regretté la trop grande présence dans la programmation des émissions dites de « téléréalité » – la téléréalité n’a pas de définition juridique –, et les prises de parole trop peu encadrées des auditeurs. Si j’ai déjà évoqué la responsabilité éditoriale de la programmation, je me dois d’ajouter que le CSA est particulièrement attentif à ce qu’il appelle la « maîtrise de l’antenne ». Les responsables éditoriaux doivent veiller à ce que la distanciation et la critique nécessaires accompagnent bien toute prise de parole dont le fond ou la tonalité ne respecterait les exigences de la loi. À chaque fois que des interventions du public ou des journalistes eux-mêmes pouvaient constituer des atteintes aux principes fixés par la loi, le CSA n’a jamais hésité à émettre des mises en garde et des mises en demeure.

Nous en sommes restés aux mises en garde et aux mises en demeure parce que les articles 42 et 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 ne permettent d’entamer une procédure de sanction qu’en cas de réitération. Des mises en demeures répétées à des périodes différentes pour des motifs semblables donnent éventuellement lieu à l’intervention du rapporteur indépendant du CSA, titulaire des fonctions de poursuites et d'instruction, et, au terme de la procédure, au prononcé d’une sanction par le Conseil.

La lutte contre toutes les formes d’inégalité et même parfois de discrimination entre les femmes et les hommes constitue pour le CSA un objectif prioritaire. La reconduite de l’étude menée par l’INA sur la présence des femmes dans les journaux télévisés/parlés permet de travailler sur le sujet ainsi que les trois études des stéréotypes féminins menées par le groupe de travail « Droits de femmes » du Conseil, dont vous trouverez les conclusions dans notre rapport. Notre délibération du 4 février 2015 pour l’application de la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes permettra de mettre en œuvre, en coordination avec les chaînes, des indices qualitatifs et quantitatifs susceptibles de permettre une appréciation plus complète et plus précise des progrès qui doivent encore être accomplis quant au rôle et à l’image de la femme dans les médias et dans notre société.

M. le président Patrick Bloche. Monsieur le président, nous vous remercions. Nous sommes toujours très sensibles au respect que vous portez à la représentation nationale en répondant à chacun des orateurs de façon à la fois synthétique et précise.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– M. Marcel Rogemont, rapporteur d’information sur l’application, par le CSA, de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public ;

– M. Patrick Bloche, rapporteur d’information sur les dix ans de la convention UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;

– Mme Sandrine Doucet, pour siéger au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

Présences en réunion

Réunion du mardi 7 avril 2015 à 16 heures 30.

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Valérie Corre, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, M. Yves Durand, M. Hervé Féron, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Pascal Demarthe, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Annie Genevard, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. François de Mazières, M. Christophe Premat, Mme Julie Sommaruga

Assistaient également à la réunion. - M. Régis Juanico, M. Lionel Tardy