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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 8 avril 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 38

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Audition de M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 8 avril 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition de M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France.

M. le président Patrick Bloche. Après avoir auditionné hier après-midi Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui nous a présenté son rapport d’activité pour l’année 2014, nous accueillons ce matin Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France.

En ce vingt et unième jour de grève, je ne vous cacherai pas, monsieur le président, l’inquiétude de la représentation nationale dans son ensemble. La commission des affaires culturelles et de l’éducation est très attachée au service public de la radio, à son esprit, à sa qualité, au modèle culturel qu’il représente. Lors d’une visite de la Maison de la radio, en mars 2013, à l’invitation de M. Jean-Luc Hees, nous avions découvert les différentes antennes et les professionnels qui les font vivre au quotidien et cela avait été pour tous les parlementaires présents, je peux en témoigner, réellement enthousiasmant. Je me souviens tout particulièrement d’un moment de grâce : une répétition du chœur de Radio France.

Depuis trois semaines, nous sommes donc nombreux – comme le montrent les messages que nous ont envoyés beaucoup d’auditeurs – à ressentir comme un vide en allumant notre poste de radio le matin. Nous sommes inquiets parce que nous constatons que cette grève, exceptionnelle par sa durée, révèle pour le moins un déficit du dialogue social au sein de l’entreprise et traduit, et cela est plus profond, le réel désarroi des personnels, désarroi dont nous avons pu prendre directement la mesure.

Depuis plusieurs mois, notre commission attend, pour Radio France, la conclusion d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec l’État actionnaire. Ce document, sur lequel, dois-je le rappeler, nous serons amenés à donner un avis, doit être fondé sur une vision claire du devenir de Radio France dans les années à venir.

Dans la foulée de cette audition, vous allez présenter, monsieur le président, votre projet stratégique en comité central d’entreprise (CCE) extraordinaire, projet stratégique que vous nous avez communiqué hier après-midi et qui a opportunément pris en compte les marges de manœuvre nouvelles, notamment budgétaires, que le Gouvernement a souhaité vous donner. C’est une étape essentielle qui doit permettre de renouer le dialogue avec tous les salariés de Radio France.

La présente audition a dès lors une seule ambition : contribuer à sortir enfin, par le haut, d’une situation de blocage intenable et de préparer l’avenir de Radio France avec un double souci de transparence et de responsabilité. En un mot, vous l’avez compris, cette audition se veut avant tout utile.

M. Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France. Permettez-moi tout d’abord de présenter les personnes qui m’accompagnent : Maia Wirgin, ma directrice de cabinet, Christian Mettot, directeur général adjoint chargé du dialogue social et des ressources humaines et Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France.

Vous l’avez souligné, monsieur le président, nous en sommes au vingt et unième jour de grève et pour tous ceux qui, comme moi, sont des auditeurs fidèles de Radio France, c’est avec une grande tristesse que, tous les matins, nous ne pouvons écouter nos programmes habituels. Vous me donnez l’occasion de vous présenter le projet stratégique que j’ai remis à la ministre de la culture et de la communication mercredi dernier. Elle m’a répondu vendredi soir et, durant le week-end, nous avons intégré les différentes orientations qu’elle m’a transmises pour pouvoir présenter, en comité central d’entreprise extraordinaire, ce projet pour Radio France.

J’insisterai sur ce projet car les trois semaines de grève nous ont fait oublier le fond du sujet, qui est de permettre à Radio France de se développer au cours des cinq prochaines années, dans le cadre du COM que nous serons amenés à vous présenter. Il s’agit, malgré les contraintes budgétaires, de donner à Radio France tous les moyens de faire vivre le service public de la radio et toutes les possibilités offertes par les nouvelles technologies afin qu’à l’horizon 2020, il soit toujours aussi présent dans la vie quotidienne des Français – je rappelle que, tous les jours, 14 millions d’auditeurs nous écoutent –, mais aussi toujours aussi en phase avec la société française – le service public tel que je le conçois et tel que le sous-tend le projet doit offrir des programmes de qualité au plus grand nombre.

Les grandes lignes du projet stratégique pour les cinq prochaines années que j’ai présentées, avec mon équipe, lors du CCE des 24 et 25 mars derniers, n’offraient pas beaucoup de nouveautés par rapport au projet que j’avais présenté il y a plus d’un an au CSA puisque, comme le législateur l’a souhaité à l’occasion de la réforme de novembre 2013, la nomination à la tête des sociétés nationales de programmes comme Radio France se fait sur la base d’un projet stratégique. Or mon projet avait visiblement convaincu le CSA de son bien-fondé pour à la fois transformer le service public de la radio et préserver ses grandes missions, son esprit, son modèle culturel, tant il est vrai que l’on ne fait pas la même chose dans une radio de service public que sur les chaînes concurrentes. Même si ces dernières offrent de très bons programmes, il y a bel et bien un esprit du service public que j’ai à cœur de défendre, et c’est cet esprit qui m’a donné envie de rejoindre Radio France il y a bientôt un an.

Le projet stratégique est construit autour de quatre axes.

Il s’agit, dans un premier temps, d’élargir les missions de service public, à savoir d’affirmer notre identité de service public, d’affirmer l’identité de nos sept chaînes en intégrant les nouveaux usages numériques, les changements de mode d’écoute de la radio par les Français – je pense aux plus jeunes dont un tiers écoute la radio par un autre moyen qu’un poste de radio, comme une tablette ou un téléphone portable –, en somme de toucher le public le plus large possible.

Le second axe consiste en l’affirmation de la place de l’information, de la musique et de la culture – missions qui se trouvent au cœur de Radio France –, toujours en tenant compte des évolutions technologiques et sociologiques.

Le troisième axe concerne la rencontre avec de nouveaux publics. Radio France, ce n'est pas seulement sept chaînes, quarante-quatre stations locales de France Bleu, deux orchestres, un chœur, une maîtrise, c’est aussi la Maison de la radio. On a pu d’ailleurs constater, au moment de l’incendie du 31 octobre dernier, à quel point les personnels mais aussi les Français étaient attachés à ce bâtiment historique – il a plus de cinquante ans –, sans équivalent : il n’y a pas de Maison de la télévision mais bien une Maison de la radio. Mon but est d’ouvrir ce lieu au plus grand nombre afin que nous rencontrions nos publics traditionnels mais aussi de nouveaux publics – nous avons un magnifique auditorium, le studio 104 a été entièrement rénové, tout comme de nouveaux studios publics. À mes yeux, la Maison de la radio doit devenir, plus largement, une Maison de la culture – figure en effet, parmi nos nouvelles missions, la production de spectacles, de concerts, de tout ce qui fait l’identité culturelle de Radio France.

Le quatrième et dernier axe, la modernisation de l’entreprise et de sa gestion, est peut-être celui qui inquiète le plus. Le rapport de la Cour des comptes, rendu public mercredi dernier, souligne que Radio France est au bout du modèle économique que l’entreprise a toujours connu, un modèle fondé sur une augmentation, chaque année, de la dotation versée par l’État par le biais de la redevance audiovisuelle – appelée contribution à l’audiovisuel public depuis 2009. Cette dotation a crû jusqu’en 2012, puis a baissé avant qu’elle ne soit stabilisée pour les trois prochaines années. Je rappelle que l’État finance Radio France à 90 % via ladite contribution et que les 10 % restants sont liés à la publicité, aux partenariats et à diverses opérations de diversification. Nous sommes par conséquent très dépendants de l’État. Aujourd’hui, ayant intégré pleinement dans mon projet la contrainte budgétaire de l’État et le nécessaire effort de rétablissement des finances publiques, Radio France est obligée de se développer, de se transformer avec des ressources stagnantes.

Dans le même temps, notre modèle de production est aussi notre force, notre singularité puisque, contrairement à France Télévisions, tout est fait en interne à Radio France : rien n’est acheté à l’extérieur, toutes les émissions sont produites par les personnels de Radio France – techniciens, chargés de réalisation, attachés de production, metteurs en ondes, producteurs, journalistes. La crise vient d’un effet de ciseau : les recettes de ce modèle intégré n’augmentent pas – elles ont baissé puis, aujourd’hui, stagnent –, alors que les charges s’accroissent mécaniquement chaque année d’environ 4 millions d’euros, la masse salariale représentant près de 60 % des charges d’exploitation.

Des efforts ont été faits ces dernières années, bien avant que je n’arrive, et il faut les saluer. Or nous devons consentir un effort supplémentaire car, avec la dotation qui nous est attribuée pour les prochaines années, notre déficit, dès 2015, s’élèvera à un peu plus de 21 millions d’euros. Pour rétablir l’équilibre économique de Radio France tout en lui permettant de se développer, notamment à travers le numérique qui ne représente que 1 % du budget global – ce qui n’est pas normal dans une entreprise de médias –, pour qu’elle puisse continuer d’assumer ses missions de service public dans l’excellence, elle doit se transformer. C’est le plus difficile car cette modernisation se traduira notamment, j’y reviendrai, par un plan de départs volontaires, par l’arrêt de diffusion sur ondes moyennes et sur grandes ondes, mais aussi par le développement des recettes grâce à l’arrivée de nouveaux annonceurs publicitaires.

Nous nous trouvons, le mot n’est pas trop fort, à un moment historique de la Maison de la radio qui a absorbé, il y a une dizaine d’années, l’arrivée du numérique sans toutefois changer son modèle de fonctionnement. Or, je le répète, nous devons nous transformer pour nous renforcer. Le projet que je vous ai présenté, qui est aussi celui que j’avais défendu devant le CSA, forcément amendé du fait de la situation économique que j’ai découverte l’été dernier, vise à préserver le service public et même à développer ses missions. Radio France, par exemple, n’a pas de webradio et reste l’un des seuls services publics en Europe à ne pas avoir enrichi son offre hertzienne, son offre FM, d’une offre numérique. Nous avons des besoins, des possibilités, de grandes forces – à savoir nos talents, nos compétences, notre sens de l’innovation qui ont toujours été l’une des clefs du succès du service public. Mais nous devons agir dans le cadre d’un effort qui nous est demandé par l’État – contrainte que j’intègre et à laquelle il faut ajouter un chantier immobilier difficile à vivre. Ce dernier a commencé il y a plus de dix ans et devrait se terminer en 2018. Il est lourd à porter financièrement, la dégradation de notre trésorerie étant d’ailleurs très liée à sa poursuite. Ce chantier, j’y insiste, est pénible à vivre au quotidien pour des personnels qui doivent continuer à produire du son, d’où une grande lassitude. Le chantier pèse donc sur nos comptes mais aussi beaucoup sur l’état d’esprit de la Maison.

Le projet que je viens de vous présenter dans ses grandes lignes et que j’exposerai plus en détail en compagnie de mes directeurs et de mes directrices en CCE tout à l’heure, est vraiment un projet de développement devant permettre à la radio publique de toucher, d’ici à cinq ans, le public le plus large possible tout en maintenant son niveau d’excellence, d’exigence dans un cadre économique qui n’est plus du tout celui qu’on a connu jusqu’à présent. D’où la grande inquiétude, la colère que je comprends – même la colère des grévistes, alors que souvent nous ne sommes pas d’accord. Nous devons affronter un grand défi pour éviter que la radio publique ne décroche de la réalité de la société française, de ses changements culturels, de ses changements sociologiques, technologiques. Nous devons relever ce grand défi pour nous ancrer dans la société française, rester en phase – en miroir – avec elle. Le service public de la radio étant financé par tous, il doit s’adresser à tous.

M. Michel Françaix. À ceux qui doutent de la nécessité d’un service public, cette grève révèle au moins, au grand jour, la singularité de Radio France. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous sont en manque de cette radio d’offre qui doit proposer à ses publics des émissions dont ils ne savent pas encore qu’ils en ont envie, et qui n’est pas une radio marketing dont l’objectif est de donner au public ce qu’il veut entendre. Oui, les valeurs de la radio publique, c’est la quête de sens, loin d’une offre banalisée et aseptisée, c’est oser des choses qu’on n’entend pas ailleurs – et parfois c’est raté mais parfois la magie fonctionne. Oui, le fil rouge du service public, c’est une autre gestion du temps – l’humour, le ton, la distance, la créativité, les idées décalées. La radio publique est aussi indispensable que l’eau et le gaz, disait Jean Vilar.

Dire cela n’est pas faire injure aux radios privées, comme le croyait hier un de nos collègues du groupe UMP, mal inspiré, en posant une question à la ministre de la culture et de la communication. Maintenir cette spécificité en période d’austérité demande plus que jamais une vision, une volonté attendues et qui tardent peut-être à jaillir et dont l’absence explique pour l’essentiel la grève.

Le projet de l’entreprise ne peut se résumer à la restauration de son équilibre financier, même si cela est indispensable. Et si vous n’êtes pas responsable, monsieur le président, du manque de moyens correspondant à votre volonté de garantir l’existence d’un grand service public, si, pour une grande part, vous n’êtes pas responsable du coût du chantier, gouffre financier sans fond, si vous n’êtes pas responsable d’un contexte budgétaire contraint, vous êtes redevable – et vous le savez mieux que quiconque – d’une ambition, d’un projet à partager avec l’ensemble des acteurs de cette entreprise. La position de la tutelle devrait vous permettre de disposer de moyens supplémentaires pour réaliser ce souhait – le vôtre, le nôtre – puisque la dotation de 80 millions d’euros, qui va vous être octroyée, doit vous permettre d’avancer.

Où en est-on de la convention collective ? Où en est-on du COM ? Pouvez-vous définir un peu plus nettement ce que sera votre politique musicale ? Nous avons compris qu’il n’y aurait pas de fusion des orchestres, mais vous savez mieux que quiconque la frustration des musiciens qui ont le sentiment qu’on peut faire mieux en matière de communication, alors que même la billetterie ne fonctionne pas. La politique musicale n’est pas assez bien définie, elle est mal comprise, comment allez-vous l’améliorer ?

Vous avez dit un mot du tournant numérique dont vous nous avez fait tous rêver mais qui n’avance peut-être pas au rythme souhaité.

La syndication des radios locales est sans doute nécessaire mais saurez-vous préserver l’identité régionale ?

Tout en sachant bien le travail important que votre équipe et vous-même êtes en train de mener, trop souvent nous avons eu le sentiment, ces derniers temps, que vous lanciez des ballons d’essai sans que nous puissions déterminer si vous aviez la volonté politique d’aboutir.

Moderniser l’entreprise ? Trois fois oui. Mais conserver cet artisanat d’excellence dans un projet partagé, voilà le pari qu’il vous faut réussir, que nous allons réussir puisque, comme le disait le président de la commission, nous avons la volonté d’être utile, de ne pas nous tourner vers le passé mais de préparer l’avenir et de réussir ensemble. Bonne chance à Radio France !

M. Franck Riester. Nous en sommes, on l’a dit, au vingt et unième jour de grève. Le président de la commission a parlé d’inquiétude ; or c’est aussi de colère qu’il s’agit ici, celle des salariés, des auditeurs et, plus largement, des Français. Il faut donc, en urgence, sortir de la crise dont on connaît les origines. En effet, l’État n’a pas honoré sa signature : 87 millions d’euros prévus dans le COM 2010-2014 n’ont pas été versés pour la période 2012-2014. À cela s’ajoute le coût pharaonique des travaux dont on ignore s’ils seront un jour achevés. Les réformes d’organisation n’ont pas été conduites depuis de nombreuses années
– inutile de faire allusion au rapport de la Cour des comptes, très clair à cet égard. Le dialogue social n’est pas poursuivi – nous avons rencontré l’intersyndicale et, manifestement, il reste des progrès à faire en la matière.

Le Gouvernement, dans ce contexte, joue au pompier pyromane : voir la ministre de la culture et de la communication se présenter comme un recours pour essayer de résoudre la crise alors que c’est ce même Gouvernement qui a coupé les budgets pourtant payés par les Français, tant par le biais de la contribution pour l’audiovisuel public qu’à travers la taxe TELCO, créée pour précisément financer l’audiovisuel public, c’est tout de même assez scandaleux.

Les Français paient pour l’audiovisuel public et il faut que cet argent aille à l’audiovisuel public. Nous n’en savons pas moins qu’à un moment où l’argent public se fait rare, tout le monde doit faire des efforts et aucune entreprise, fût-elle publique, ne doit être exemptée des efforts que nous demandons aux Français. Mais pour quelle réforme ? Votre projet, monsieur Gallet, est celui de votre présidence, peut-être celui que le CSA a validé mais pas celui avalisé ni par l’État ni par la représentation nationale. Nous attendons donc les propositions de l’État par rapport à ce COM car nous ne savons rien de ce qu’il attend pour la radio publique.

Que faire pour sortir de la crise ? La ministre de la culture et de la communication a déclaré lundi que l’État prévoyait une dotation en capital. Avez-vous des éléments précis en la matière ? Il est en effet évident qu’il faut, à brève échéance, sortir de l’ornière financière.

Ensuite, quelles pistes de réforme concrètes allez-vous proposer cet après-midi aux équipes de Radio France ? Il nous paraît important que la représentation nationale soit informée.

Par ailleurs, quelles décisions peuvent être prises pour reconsidérer la voilure du projet immobilier ?

Enfin, comment comptez-vous renouer le dialogue social avec les salariés de Radio France qui – j’ai rencontré nombre d’entre eux – sont d’accord pour faire des réformes, à condition que le cap soit clair ?

Mme Barbara Pompili. À mon tour je ne cache pas mon inquiétude face au mouvement social que connaît la Maison de la radio. Une telle mobilisation est historique et pose la question du dialogue social au sein de cette maison et de la gravité des crispations. Radio France est une fierté nationale, alors sachons, tous ensemble, la faire vivre. Les chiffres ne doivent pas faire oublier le projet éditorial de Radio France, projet qui doit être l’épine dorsale de toute réflexion, de toute décision, y compris budgétaire. Il est également essentiel que les partenaires sociaux soient associés aux réflexions en cours pour dessiner la radio publique de demain. Votre projet stratégique mentionne votre volonté de renforcer le dialogue social et d’accompagner les réformes mais l’idéal est d’associer les partenaires sociaux à la définition même des objectifs stratégiques et le futur COM devra être à la hauteur de ces attentes.

Je souhaite vous entendre plus précisément sur la situation financière. Certes les dérapages concernant le chantier ont commencé avant votre arrivée ; mais comment en est-on arrivé à une telle situation ? Alors que les moyens affectés à la production et la diffusion diminuent, plus de 400 millions d’euros non prévus ont été engloutis dans un chantier titanesque dont la finalité m’échappe. Pourquoi ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme ? Les responsabilités doivent être clairement établies.

Sa situation financière menace l’avenir du groupe car au coût exorbitant du chantier s’ajoutent les diminutions des dotations de l’État. Il reste difficile de demander plus et mieux ou la même qualité avec moins de moyens. Ce système conduit à des situations où les pressions subies par les personnels deviennent intenables.

Nous devons également interroger l’État sur les 87 millions d’euros qui n’auraient pas été versés car, même en période de vaches maigres, il doit honorer ses engagements.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que les nouvelles économies envisagées ne sont pas sans conséquences. C’est pourquoi, pour sortir la tête haute de cette situation sans amoindrir la qualité du service public, il conviendrait d’imaginer d’autres sources de financement.

Vous n’êtes pas sans connaître notre position sur la gratuité des podcasts ou sur la publicité. L’éthique de certaines publicités diffusées sur telle ou telle chaîne publique pose d’ailleurs problème et mériterait qu’on s’y intéresse de près. La décision d’augmenter le nombre d’annonceurs ne nous rassure pas.

D’autres pistes doivent être envisagées pour garantir des financements pérennes à la hauteur d’un service public digne de ce nom, comme l’élargissement de l’assiette de la redevance. Et si je ne suis pas opposée à une mutualisation des locaux – vous parliez de Maison de la culture – je préfère rappeler des évidences. Ainsi, la privatisation temporaire des moyens de Radio France ne doit jamais se faire au détriment de la production de cette maison ou des besoins des personnels. Dans ce contexte, monsieur Gallet, pouvez-vous préciser votre position sur la gratuité des podcasts, sur la publicité et sur les conditions de location des espaces de Radio France ?

J’y insiste : en aucun cas le manque de financement ne doit conduire à détériorer l’offre radiophonique publique. Je suis donc inquiète quand j’entends que pour faire des économies, la réponse est un plan de départs volontaires qui toucherait plus de 300 personnes. L’humain ne doit pas être la variable d’ajustement.

Mon inquiétude est la même quand j’entends que, pour les mêmes raisons, il pourrait être envisagé de s’en prendre aux orchestres symphoniques. Votre projet stratégique aborde désormais la question sous l’angle d’un redimensionnement des quatre formations. Pourriez-vous préciser ce dont il s’agit ?

En ce qui concerne votre volonté de développer l’offre de FIP et France Bleu, c’est une très bonne chose, sauf si cela se fait à moyens constants et je souhaite vous entendre également sur ce point.

J’aimerais que vous vous exprimiez sur la mutualisation des programmes de France Bleu, idée qui circule régulièrement. On s’éloignerait, si cette mutualisation était appliquée, de la mission de proximité de cette radio, mission à laquelle nous sommes très attachés. Ainsi, s’attaquer à la diffusion en langues régionales, comme cela est écrit noir sur blanc dans votre projet stratégique, serait une erreur.

Enfin, si le numérique – secteur où il est en effet possible d’innover – représente un défi pour Radio France, il ne doit pas être relevé aux dépens de l’offre existante et sans les personnels, cela afin que le numérique devienne une source d’enrichissement personnel.

Je m’interroge par ailleurs sur le sort de RF8, station absente de votre document stratégique, et je suis très heureuse de constater que la radio numérique terrestre (RTN) est mentionnée dans votre document mais, là aussi, j’attends des précisions.

Je conclurai sur les hypothèses formulées par la Cour des comptes. Elles reflètent une regrettable approche comptable, aux antipodes des missions de service public remplies par Radio France. À la lecture de votre document stratégique et des différents entretiens que vous avez accordés ces derniers jours, je comprends que vous partagez cette analyse, notamment lorsque vous réaffirmez le maintien du Mouv’ ou de France Musique. Je souhaite néanmoins entendre de nouveau votre opposition claire à la fusion des rédactions de France Inter, France info et France Culture.

M. Rudy Salles. La situation de blocage qui perdure à Radio France est dramatique puisque sa mission de service public, l’accès à l’information et à la culture sont mis à mal même si je n’irais pas jusqu’à déclarer, comme la ministre, que le service public a le monopole de l’information et de son décryptage. Dramatique aussi parce que cette grève enfonce une entreprise publique déjà fragilisée par la crise et que ce sont les contribuables qui en assumeront in fine les 3 millions d’euros de coût total.

Le plan stratégique que vous avez présenté revêt une importance vitale et doit, selon nous, répondre à trois impératifs pour que Radio France sorte de la crise.

Si Radio France entend assumer une véritable ambition et une véritable stratégie pour se développer, cela ne pourra pas se faire sans que l’entreprise n’adopte une véritable culture de gestion, comme le demande également la Cour des comptes dans son récent rapport. Que prévoit le plan en ce sens ? Dans un contexte budgétaire très dégradé, la radio publique ne pourra pas s’exonérer à l’avenir de mettre en œuvre des gains de productivité, à l’image de ceux réalisés par France Télévisions ou France médias monde. À cet égard, vous avez précisé que les coûts différés des podcasts impliquaient un coût d’archivage, d’éditorialisation et de distribution pouvant justifier l’acquittement d’une contrepartie modeste. Défendez-vous toujours cette option ?

Par ailleurs, comptez-vous maintenir les mesures d’économies prévues initialement, qui passent notamment par les 300 à 380 départs volontaires ? Peuvent-elles faire l’objet d’un consensus avec les partenaires sociaux ?

Enfin, l’État et la direction de Radio France doivent s’accorder pour déterminer les conditions d’une sortie de crise mais aussi les réformes indispensables pour assurer la pérennité du service public de la radio. La situation de blocage, qui dure depuis maintenant trois semaines, illustre les insuffisances de la gouvernance des sociétés de l’audiovisuel public. Les présidents de ces sociétés sont dorénavant nommés par le CSA sur la base d’un projet stratégique, mais leurs moyens et leur feuille de route restent déterminés par le Gouvernement. Aussi l’attitude de la ministre est-elle surprenante : l’État actionnaire ne tient pas ses engagements budgétaires envers Radio France car ce sont plus de 87 millions d’euros qui manquent pour la période 2012-2014. Vos entretiens avec la ministre vous ont-ils convaincu que vous disposeriez à l’avenir d’une véritable autonomie managériale qui doit constituer un objectif indispensable à moyen terme ?

Mme Gilda Hobert. Votre présence, monsieur Gallet, nous permet d’échanger sur l’avenir de Radio France dans un contexte d’enlisement dans des difficultés structurelles, financières et humaines. Trois semaines de grève ont déjà eu des répercussions dommageables et ont conduit à une reconsidération de certains éléments destinés à sauvegarder la Maison de la radio et à pourvoir à son développement.

Depuis le début du conflit, nous avons lu et entendu des propos, fondés ou non, parfois contradictoires, sur les stratégies de refondation de Radio France. Aussi espérons-nous que vous allez nous apporter quelques réponses donnant sens à notre espoir commun de sortir le plus rapidement possible de cette impasse.

Nommé il y a un an par le CSA, vous êtes confronté à cette triste réalité de dégradation financière qui pourrait à terme conduire à la faillite du groupe Radio France. La Cour des comptes, qui a confirmé les difficultés de trésorerie, a souligné dans son rapport la nécessité absolue de procéder à des aménagements. Quant à Mme Pellerin, elle a dit son souhait d’un retour à l’équilibre tout en spécifiant qu’au-delà d’une stratégie économique, il fallait construire une stratégie de modernisation sociale – nous en sommes tous d’accord – assortie d’un projet d’entreprise visant à garantir la mission spécifique de Radio France, c’est-à-dire la diffusion de savoirs. Cela apparaît au groupe RRDP une nécessité urgente et impérieuse : garantir un service public de qualité accessible au plus grand nombre.

Évidemment, Radio France, c’est également son personnel, nombreux, exerçant dans des secteurs divers. Après ces trois semaines de grève, nous espérons que le dialogue social pourra enfin être renoué de manière durable. Toutefois, votre projet stratégique 2015-2019 prévoit des efforts sur la masse salariale, laquelle représenterait 60 % des dépenses, des efforts impliquant, entre autres, une réduction des effectifs via des départs volontaires. Ces efforts consentis par les salariés font-ils partie des millions d’économies nécessaires pour régler le déficit ?

Complémentarité et diversité figurent dans le projet à propos des sept antennes qui composent Radio France ; il y est fait mention d’actions qualitatives en matière de sciences, de culture générale, de littérature, de musique et, bien entendu, d’information.

Je fais partie de ceux qui écoutent France info au réveil puis, au cours de la journée, d’autres antennes de Radio France.

J’en viens à la musique. Le projet artistique reste à définir mais l’intention semble bonne : cohérence entre production et diffusion musicales, commande de créations musicales. Si une stratégie de diversité des genres musicaux est envisagée, un accès à la musique classique pour tous, un équilibre intergénérationnel sont-ils envisagés ? Je pense à une interaction entre Mouv’, antenne étiquetée « jeunes » et France musique ou France Culture.

Je terminerai par une question sur le développement du numérique. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur de nouvelles applications qui pourraient être proposées ?

Moi aussi je souhaite longue vie à Radio France.

Mme Marie-George Buffet. Cette audition se tient au vingt et unième jour d’une grève qui montre surtout l’attachement des salariés à une Radio France ambitieuse. Elle se tient aussi peu avant un comité central d’entreprise sur lequel, au nom du groupe GDR, je voudrais vous interroger.

La crise de confiance dont on parle aujourd’hui naît sans doute d’une contradiction : tous les contrats d’objectifs et de moyens, la tutelle, la représentation nationale elle-même expriment toujours des ambitions fortes, et justifiées, puisqu’elles fondent l’existence même d’un service public financé à 90 % par l’argent des contribuables ; mais, dans le même temps, le même ministère de tutelle, la même représentation nationale expliquent que les contraintes budgétaires s’imposent, et réduisent les moyens. J’ai retrouvé cette contradiction dans votre projet stratégique : vous réaffirmez des ambitions élevées, vous souhaitez maintenir l’identité des sept chaînes, vous soulignez l’importance de l’information, de la musique, de la culture, la nécessité de rencontrer de nouveaux publics et de moderniser… Puis vous faites des propositions pour un retour à l’équilibre financier. Et, alors que le ministère annonce le versement d’une dotation dans des conditions que vous nous préciserez, les mesures préconisées sont bien traditionnelles : réduction des charges de fonctionnement, réductions d’emploi – une nouvelle fois, c’est bien l’emploi qui est la variable d'ajustement –, poursuite de la syndication…

Vous ouvrez ensuite des pistes : évolution du mode de fonctionnement de l’ensemble des secteurs d’activité et des métiers de Radio France, réforme des moyens de production, redimensionnement des quatre formations musicales… Ces propositions sont-elles celles que vous présenterez tout à l’heure devant le comité central d’entreprise ? Je ne vois rien là qui puisse permettre de construire un dialogue social, et donc de dessiner une sortie de crise. Si vous avez reçu des assurances sur une nouvelle dotation, allez-vous avancer d’autres idées, notamment pour préserver l’emploi ? Pouvez-vous préciser en quoi consistent les réformes et les évolutions que vous évoquez ?

Mes paroles ne visent pas à distribuer, à la tutelle ou à la direction de Radio France, de bons ou de mauvais points. Si nous avons une ambition pour l’audiovisuel public, alors il faut lui donner les moyens d’être à la hauteur de cette ambition.

Mme Martine Martinel. Vous l’avez compris, nous l’avons tous dit : Radio France nous manque ! La radio publique manque à ses auditeurs – sans que je veuille jeter par là l’opprobre sur d’autres radios.

Lorsque je vous ai auditionné en septembre, en compagnie de Mme Catherine Sueur, directrice générale déléguée de Radio France, pour la préparation de mon avis sur le budget 2015, vous avez minimisé les contraintes budgétaires que vous mettez maintenant en avant : pourquoi ?

À quoi attribuez-vous une telle détérioration du climat social ? Pour avoir rencontré des membres de l’intersyndicale, je sais que leurs revendications ne sont pas toutes d’ordre budgétaire ; ils expriment une réelle défiance vis-à-vis de la direction, au point d’en appeler à l’État pour qu’il nomme un médiateur. Pouvez-vous revenir sur votre méthode de gouvernance ? Comment expliquez-vous cette difficulté spécifique, apparemment nouvelle, de Radio France, alors que d’autres semblent mieux réussir avec des contraintes budgétaires qui ne sont pas moindres ?

Enfin, vous avez dit que votre projet stratégique ne comportait rien de nouveau par rapport à celui que vous aviez présenté devant le CSA. Sans vous demander de dévoiler ce que vous direz tout à l’heure devant le comité d’entreprise, comment convaincre des salariés attachés à leur métier et à la radio publique sans rien proposer de neuf ?

M. François de Mazières. Merci, monsieur le président, d’avoir organisé cette audition : nous nous inquiétons tous de la durée de cette grève – même si l’on peut trouver de bons journaux sur RTL et Europe 1.

Monsieur Gallet, votre exposé liminaire a confirmé que vous partagiez les ambitions de la représentation nationale pour Radio France. Mais vous ne répondez pas à la question posée par Mme la ministre : comment limiter les dépenses ? Quel est le montant minimal dont vous auriez besoin, tant en fonctionnement qu’en investissement ?

Quelles sont les économies que vous proposez réellement, au-delà des 300 à 380 emplois que vous entendez supprimer ? Et quels emplois, précisément, seront supprimés ?

Enfin, vous faites aujourd’hui figure de bouc émissaire, mais il me paraît néanmoins utile que vous donniez quelques explications sur des dossiers qui vous concernent et dont la presse a fait état.

Mme Sophie Dessus. Dans les jours de tourmente que traverse Radio France, nous ne pouvons que remercier le président de la Commission de vous avoir invité, et vous remercier, monsieur Gallet, d’avoir accepté cette invitation. Notre débat, ce matin, ne peut pas se limiter à la présentation du projet stratégique de Radio France : on ne peut pas construire sur des sables mouvants. Il est essentiel pour nous de vous entendre, comme il est nécessaire que vous entendiez les voix qui montent vers vous : ces vingt et un jours de grève révèlent un malaise profond chez les salariés. Depuis plus de dix ans, un déficit supérieur à 250 millions d’euros a été accumulé, et la réhabilitation de la Maison de la radio s’est révélée un gouffre financier ; aujourd’hui, votre image de jeune PDG prometteur est devenue désastreuse dans l’opinion, et le dialogue social est à l’arrêt.

Personne ne niera que l’État, dans un contexte budgétaire tendu, a diminué ses dotations ; le rapport de la Cour des comptes confirme que des restructurations et des modernisations sont indispensables. Mais votre solution d’un plan de 300 à 380 départs dits « volontaires » est violente ! Les dépenses occasionnées par le chantier de la Maison ronde ont plus que doublé depuis le plan présenté par Jean-Marie Cavada, et nul ne songe à dire que Mathieu Gallet est le seul responsable de cette situation ; mais les articles qui paraissent semaine après semaine dans le Canard enchaîné ont des effets dévastateurs dans l’opinion. Les citoyens paient une redevance qui doit leur permettre d’écouter une radio publique diversifiée, indépendante et de qualité – mais cette radio est devenue muette. L’effet est tout aussi dévastateur sur l’ensemble des personnels de Radio France, prêts à faire des efforts, mais qui attendaient un projet qu’ils n’ont pas vu venir. Ils faisaient confiance à leur nouveau patron ; ils viennent de voter contre lui une motion de défiance.

Si Mme la ministre a pu apporter des réponses apaisantes sur le maintien des orchestres et sur une aide au chantier, les suppressions d’emplois demeurent un vrai problème, comme le lourd tribut payé au redéploiement des moyens par le réseau local France Bleu, sacrifié sur l’autel de la rentabilité, et qui n’a plus aujourd’hui de moyens pour produire.

Est-ce cela que vous appelez « l’esprit du service public » ? Il me semble que le service public exige intégrité et respect de l’intérêt général. Des réponses données pour résoudre ce conflit dépendra l’avenir de notre radio publique, qui ne doit pas devenir une radio comme les autres. Notre rôle est de demeurer vigilants.

M. Michel Herbillon. En ce moment de vérité, devant la représentation nationale, je voudrais que nous évitions les paroles convenues : quelle est votre analyse de la situation actuelle ? Il y a un an, vous avez été nommé à l’unanimité par le CSA, et il y avait une attente, voire un enthousiasme ; aujourd’hui, au vingt et unième jour de grève, la situation est bloquée, et vous êtes mis en cause, y compris personnellement, et injustement. Vous ne pouvez pas être le bouc émissaire, mais vous ne pouvez pas non plus vous affranchir de toute responsabilité. Comment, précisément, concrètement, en est-on arrivé là ? La durée de cette grève la rend historique ; on sent bien la colère et le mécontentement des salariés comme des auditeurs, qui sont attachés au service public, dans un contexte financier que vous avez rappelé.

Vous avez très justement indiqué que les recettes stagnaient tandis que les dépenses s’accroissaient. Comment allez-vous rétablir l’équilibre économique de cette entreprise ? C’est la responsabilité du chef d’entreprise que vous êtes. Comment allez-vous renouer le dialogue social ? Vous avez parlé de votre ambition, du service public, nous vous approuvons sur ces points ; mais quelles mesures concrètes, à court et à moyen terme, allez-vous prendre ?

Mme Valérie Corre. De nombreux salariés de France Bleu, parmi lesquels ceux de France Bleu Orléans, s’inquiètent de l’avenir de cette radio, dont la mission de proximité est indispensable. De nouvelles antennes s’ouvrent, comme ce fut le cas récemment à Saint-Étienne, mais les postes et les moyens diminuent partout en France. Il est impératif que le service public soit présent sur tout le territoire ; il est également impératif que le réseau France Bleu conserve sa raison d’être : informer les Français de l’actualité de leur région. J’avoue douter qu’il soit possible de mener à bien cette mission avec de nouvelles suppressions de postes.

De ce point de vue, la mutualisation des programmes, que vous appelez la « syndication », prévue à partir de septembre prochain pour les programmes locaux dans la tranche horaire de treize heures trente à dix-sept heures, constitue une rupture. À cela s’ajoutent la diminution de la retransmission d’événements sportifs locaux, la suppression d’émissions interactives et une faible couverture des élections départementales, malgré la réponse que vous avez apportée au président Bloche.

Dans le projet que vous nous avez transmis hier, vous évoquez une « refonte du cahier des missions et des charges » de Radio France. Quel est le sens de cette phrase ? Pouvez-vous nous confirmer que cette refonte ne se fera pas au détriment des programmes locaux ?

Enfin, le rapport de la Cour des comptes montre des problèmes conséquents de gestion des ressources humaines ; dans le protocole d’accord que vous avez proposé, vous le reconnaissez, puisque vous écrivez que « consciente qu’il existe au plus haut niveau de la direction de l’établissement des méthodes managériales potentiellement génératrices de risques psychosociaux, la direction s’engage à y mettre fin dans les meilleurs délais ». Là encore, concrètement, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

Mme Dominique Nachury. Pour maintenir l’excellence et assurer le développement, dans un contexte économique difficile, vous appelez à une diversification des recettes. Lors de votre nomination, vous aviez déclaré ne pas souhaiter que soit modifié le cadre réglementaire qui limite les messages publicitaires sur Radio France ; vous sollicitez aujourd’hui votre tutelle pour élargir la possibilité de faire de la publicité sur vos antennes à d’autres types d’annonceurs et à certaines marques commerciales. Or le marché publicitaire de la radio en France est en fort recul, et les radios commerciales vivent exclusivement de ce marché en récession : un élargissement ne risque-t-il pas d’aggraver les difficultés de tous les acteurs, et ne dénaturerait-il pas l’identité forte des antennes du service public de la radio ? « Radio France doit se transformer tout en restant elle-même », avez-vous écrit.

M. Hervé Féron. Les orchestres de Radio France ont besoin d’un projet d’avenir. Il leur manque aujourd’hui une direction ! Jean-Paul Quennesson, musicien et syndicaliste, signale que ni l’Orchestre philharmonique ni l’Orchestre national n’ont aujourd’hui de délégué artistique. Des voix se sont élevées pour réclamer la fusion des deux orchestres, afin de réduire les coûts mais aussi de redonner de la cohérence ; Mme Fleur Pellerin s’est dite, elle, attachée au maintien des deux formations, évoquant plutôt un redimensionnement. Au lieu de les réduire, ne faudrait-il pas utiliser ces deux orchestres autrement ? L’Orchestre national de Lille, par exemple, a su redéfinir ses missions en allant au-devant de nouveaux publics, notamment les enfants et les détenus : pourquoi ne pas tenter quelque chose de similaire avec les orchestres de Radio France ?

Je souhaite également appeler votre attention sur la situation spécifique du réseau France Bleu. Les syndicats s’inquiètent des menaces de suppression de plusieurs centaines de postes et dénoncent une raréfaction des crédits budgétaires depuis 2011 ; bien que le groupe Radio France affirme vouloir développer France Bleu, les moyens alloués aux programmes ont été réduits, et certains programmes locaux purement et simplement supprimés. Ancien de Radio France moi-même, j’ai vu au fil des années les moyens se restreindre et les animateurs, les journalistes, les équipes perdre les moyens de sortir de leur studio : ils ne vont plus à la rencontre des gens. La radio doit pourtant vivre avec son territoire et en être le reflet. France Bleu est asphyxiée, alors que tous les discours prônent la qualité par la proximité. Si des économies doivent être faites, elles ne doivent pas l’être sur le dos de France Bleu, qui demeure performante et proche des gens.

Quelles sont vos intentions pour les radios locales, leurs emplois, leurs budgets et leurs programmes ?

M. Christian Kert. Je rejoins la question quelque peu provocatrice de Michel Herbillon. Dans une situation dont on peut imaginer qu’elle est difficile pour vous, vous parvenez à ne pas montrer le moindre trouble. D’après la presse, vous n’envisagez heureusement pas de démissionner ; vous devez donc vous sentir prêt à affronter cette situation avec vos collaborateurs et vos collaboratrices. Dites-le bien, réaffirmez devant nous cette volonté de conduire cette maison !

Nous comprenons tout à fait l’inquiétude des personnels de Radio France. On nous indique néanmoins que la grève serait conduite de façon un peu particulière, avec une sorte de roulement des grévistes – un grand quotidien du soir cite même un « mode d’emploi » de la grève à Radio France. Est-ce vrai ? Y a-t-il des intermittents de la grève à Radio France – sauf le respect que j’ai bien sûr pour tous ces personnels ?

D’autre part, s’agissant de la publicité, je comprends votre souci de trouver de nouvelles ressources, mais est-il vraiment opportun d’en appeler à la publicité commerciale, alors que vous risqueriez ainsi de déstabiliser les radios privées ?

Mme Aurélie Filippetti. L’ensemble des opérateurs du ministère de la culture ont été soumis, c’est vrai, à de fortes contraintes budgétaires, du fait de la crise. Je tiens néanmoins à rappeler que Radio France a été relativement préservée, notamment par rapport à France Télévisions – j’y avais moi-même veillé, en particulier parce que toute la production est réalisée en interne, ce qui représente environ 60 % des dépenses. J’entends que l’État n’aurait pas versé 87 millions d’euros : ce chiffre est virtuel ! Il est calculé par rapport aux promesses du COM, que nous avions dès sa signature dénoncées ici même comme irréalistes. En fait, la baisse de la dotation est de l’ordre de 10 millions d’euros, qu’il faut mettre en regard de l’effort considérable demandé à France Télévisions.

Pour le triennal 2015-2017, en revanche, Radio France a été totalement préservée : la dotation sera stabilisée en euros courants, ce qui doit permettre de mener les réformes nécessaires. Celles-ci ne pourront, je le souligne, intervenir que dans le cadre d’un dialogue social de qualité, que vous appeliez d’ailleurs de vos vœux devant le CSA l’an dernier. Aucun projet nouveau, à la hauteur des attentes de cette magnifique maison de service public, ne se fera sans l’assentiment des salariés.

Comment allez-vous rétablir le dialogue social dans l’entreprise ?

M. Frédéric Reiss. À l’ère du numérique, développer l’offre multimédia de Radio France constitue évidemment un enjeu majeur. Pour le reste, dès le COM de 2013, la direction de Radio France prévoyait d’« améliorer et [de] moderniser la gestion des ressources » et de « bâtir les conditions de l’équilibre financier ». La modernisation de la gestion devient aujourd’hui la priorité des priorités. Vous êtes confronté à un problème que les élus locaux connaissent bien : comment faire mieux avec moins ?

S’agissant de la qualité des programmes de l’audiovisuel, le rapport du CSA pour 2014 montre un recul de la satisfaction du public : la radio obtient toujours une note moyenne supérieure à celle de la télévision, mais cette note est en baisse, notamment pour les programmes d’information. Qu’envisagez-vous pour remonter la pente ? Comment interprétez-vous les propos de votre ministre de tutelle sur la « mission spécifique de décryptage de l’information » de France Inter ?

Mme Sylviane Alaux. France Bleu est la chaîne qui a consenti le plus gros effort de réduction budgétaire de Radio France : les budgets destinés à payer les contrats à durée déterminée et les piges sont réduits de 20 % chaque année, depuis quelques années déjà, alors que rien n’a été fait au fil des ans pour transformer certains de ces emplois précaires en emplois consolidés. Cela entraîne une dégradation des programmes et de l’information, ce qui est grave, car la mission de service public de ces radios locales est atteinte.

Quels sont les critères sur lesquels vous vous appuierez pour demander des efforts budgétaires aux différents corps de métiers de Radio France ? Nombre d’entre nous ont dénoncé la situation actuelle : vingt et un jours de grève, des revendications légitimes, un dialogue social en souffrance, sans que les attitudes des uns et des autres – de l’État, du CSA… – soient toujours lisibles. Le moment de nommer un arbitre, un médiateur, voire un administrateur susceptible d’être l’interlocuteur de tous n’est-il pas venu ?

M. Laurent Degallaix. Comme beaucoup, je déplore cette grève qui s’éternise, car comme beaucoup, je suis très attaché au modèle de l’audiovisuel public français. Vous dépendez fortement, vous l’avez rappelé, de l’État ; chaque gouvernement porte une part de responsabilité dans la situation actuelle. Il vous faut maintenant mener un gros travail de modernisation, très attendu, notamment dans le domaine du numérique ; encore faut-il en avoir les moyens. À défaut d’honorer ses engagements financiers, l’État ne pourrait-il pas, via l’Agence des participations de l’État, vous allouer une dotation financière qui vous donnerait les moyens de vos, de nos ambitions pour Radio France ?

Qu’en est-il par ailleurs du projet de fusion entre FIP et France Musique ?

Mme Marie-Odile Bouillé. Je veux d’abord dire mon attachement à la radio de service public, dont le rôle est de transmettre et de partager, et qui depuis plus de vingt jours est presque silencieuse. Votre maison compte quatre formations musicales : l’Orchestre national de France, l’Orchestre philharmonique de Radio France, le Chœur et la Maîtrise de Radio France. Dans un récent rapport, notre collègue Martine Martinel soulignait l’inflation des coûts de ces formations musicales – de 55,4 millions d’euros en 2009 à 58 millions d’euros en 2014 – et surtout la diminution du nombre de concerts diffusés à l’antenne. Elle notait qu’en 2012, « 190 concerts ont été produits par les formations orchestrales et vocales de Radio France, contre 222 en 2011 et 205 en 2010 ». Des propositions de réforme ont été faites. Quelle politique musicale entendez-vous mener dans les années à venir ? Les formations musicales sont-elles utilisées autant qu’elles le pourraient ? Sont-elles présentes sur les antennes autres que celle de France Musique ? Quelle place envisagez-vous de leur accorder dans votre politique d’ouverture aux différentes musiques, et que proposez-vous pour toucher de nouveaux publics, en particulier les plus jeunes ?

M. Paul Salen. Votre projet stratégique semble dessiner une nouvelle organisation, transversale, avec une direction resserrée, une nouvelle politique des ressources humaines fondée sur la diversité et un nouveau dispositif social qui viserait à récompenser l’effort et le mérite. Tout cela me semble louable. Mais le budget est en déficit et des emplois sont menacés. Quels sont les moyens nécessaires à la mise en place de cette nouvelle organisation ? Comment allez-vous mener cette réforme ?

Mme Isabelle Attard. Nous ressentons tous, le président de la Commission l’a dit, un grand manque lorsque la radio se tait. Mais peu savent que ces journaux qui nous manquent aujourd’hui sont pour la plupart réalisés par des précaires ; or ceux-ci ne font pas grève. En 2012, il y avait 5 000 collaborateurs en « CDD d’usage » à Radio France, et ce chiffre ne semble pas avoir bougé : il semble donc être considéré comme normal de disposer d’un stock – mot terrible – d’intermittents ! Comment entendez-vous faire reculer la précarité ? La plupart de ces intermittents, de ces précaires sont depuis très longtemps dans la maison et travaillent tout au long de l’année.

Pouvez-vous également nous expliquer votre méthode de calcul du taux de grévistes ? Un calcul en fonction du nombre total de salariés ne me semble pas correct : il faut calculer en fonction du nombre de personnes qui doivent travailler ce jour-là.

Nombre d’entre nous ont pu entendre l’intersyndicale. Leurs questions – qui ne s’adressent pas qu’à vous, mais aussi à M. Schlesinger, à Mme Sueur, à M. Mettot… – portent surtout sur le projet de Radio France. Nul ne songe à nier qu’il existe des contraintes budgétaires, et chacun est conscient qu’il faut faire des choix ; mais il faut aussi dessiner une ligne directrice, qui seule permettra de faire des choix à moyen et à long termes. Tous, à Radio France comme ici, l’attendent. C’est sur cet état d’esprit à Radio France que j’aimerais avoir des précisions, car c’est là aussi, je crois, que se pose le problème.

Mme Colette Langlade. Face à l’explosion de l’offre de contenus en ligne, Radio France s’est-elle adaptée assez vite ? Comment continuer de financer la radio publique, alors que les auditeurs consomment aujourd’hui sons et images en mode délinéarisé sur tous les écrans, à toute heure du jour et de la nuit ? Vous vous étiez pourtant engagé, monsieur Gallet, lors de votre nomination, à disséminer dans cette entreprise une culture numérique qui ne représente toujours aujourd’hui qu’une faible part du budget de Radio France.

Quant aux radios locales, vous avez dit tout à l’heure votre attachement aux quarante-quatre stations de proximité France Bleu, chaînes généralistes de proximité, radios d’information, de services et de divertissement qui fédèrent un public large et populaire. Ces radios sont souvent, en termes d’audience, le premier média départemental : resteront-elles vraiment locales ? Pouvez-vous rassurer aujourd’hui leurs salariés, et surtout leurs auditeurs ?

Mme Claudine Schmid. Au mois de décembre 2012, j’avais interrogé votre prédécesseur, M. Jean-Luc Hees, sur les taux d’audience de Radio France à l’étranger. Il n’avait malheureusement pas pu répondre à ma question. Avez-vous connaissance de ces taux ?

Alors qu’il serait souhaitable que Radio France soit mieux diffusée à l’étranger, j’apprends dans la presse que les émissions en ondes longues et moyennes vont disparaître. Ce n’est pas satisfaisant pour nos compatriotes qui résident à l’étranger, comme pour tous ceux qui s’intéressent à la France. Tous n’ont malheureusement pas accès à l’internet.

La grève actuelle suscite beaucoup d’émoi hors de nos frontières également. Avez-vous songé à établir un service minimum dans le domaine de l’information ? Sinon, serait-il envisageable de diffuser des journaux d’information sur une autre chaîne ? Les auditeurs risquent en effet de se détourner des chaînes de service public pour aller vers les chaînes locales ou privées.

Je regrette enfin que ni ces éléments, ni plus généralement votre stratégie relative à l’étranger ne soient évoqués dans votre projet stratégique.

Mme Julie Sommaruga. Les salariés de Radio France sont très attachés à l’avenir de la radio de service public ; la direction doit entretenir avec eux un dialogue permanent et approfondi, indispensable pour les associer davantage aux orientations du groupe et au contenu des programmes. Comment entendez-vous l’organiser ? Comment recréer les conditions d’un dialogue social normalisé, apaisé, et donc un climat de confiance ?

M. Michel Piron. Je suis frappé de n’avoir entendu parler de stratégie qu’en lien presque exclusif avec les contenants. Nous sommes tous conscients du poids écrasant des contraintes financières, sociales, voire peut-être politiques, qui pèsent sur vos épaules. Je m’étonne cependant qu’il soit dans votre projet si peu question de contenus. Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’excellence en matière de contenus ? Prenons l’exemple de la musique. Ne faudrait-il pas s’interroger sur les contenus qui sont offerts, et sur les publics auxquels ces contenus devraient être destinés – avant de se demander quel orchestre devra être au service de ces contenus proposés à ces publics ? L’orchestre est-il aujourd’hui au service de la partition, ou bien la partition au service de l’orchestre ?

Mme Laurence Arribagé. Nous suivons tous avec attention et inquiétude le déroulement de cette grève. Vous devez sortir de la crise sociale, rétablir l’équilibre des comptes, définir ce que sera Radio France à l’avenir et enfin redonner confiance et envie aux 14 millions d’auditeurs quotidiens. Oui, il y a bien un esprit Radio France, un esprit de service public, culturel, libre, curieux, ouvert sur les autres et sur le monde. Les journalistes, les techniciens et le personnel de cette grande maison en sont les artisans. Mais cette excellence ne peut être totalement déconnectée de la situation financière alarmante de Radio France, qui appelle des réformes structurelles. Une refondation globale de son modèle est nécessaire, en particulier pour intégrer l’évolution numérique, pour apporter plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines, pour mieux s’adapter aussi aux métiers de demain.

Au-delà des polémiques, pensez-vous que le modèle de Radio France est encore viable ? Votre projet stratégique pour les quatre prochaines années est-il à même de résoudre les questions de fond qui se posent aujourd’hui ?

Mme Régine Povéda. Merci d’être venu nous présenter votre projet stratégique pour Radio France.

Vous vous préparez à un plan de départs plus ou moins volontaires dans les rangs des journalistes et techniciens qui composent le réseau. Alors que les témoignages de précaires se multiplient, que les intermittents sont très nombreux à la Maison ronde, que les écarts entre les situations d’embauche y sont vertigineux, quelle est votre stratégie en matière de contrats et d’emploi ?

Consciente que des économies sont nécessaires, je m’étonne qu’aucun de vos prédécesseurs ne se soit inquiété du coût faramineux des travaux de la Maison de la radio. Je crois savoir, en effet, que le projet aujourd’hui mis en œuvre a été commandé bien avant votre nomination. Aurait-il fallu un audit dès votre arrivée ?

Élue de Lot-et-Garonne, une terre de rugby que vous connaissez bien mais d’où France Bleu est absente, je m’inquiète pour cette radio de proximité qui accompagne nombre de nos concitoyens au quotidien. Votre projet indique que vous souhaitez assurer le maillage territorial par le redéploiement des reporters en résidence. Quelles mesures sont destinées à France Bleu dans votre plan d’économies, d’investissement et de redéploiement, pour qu’enfin France Bleu puisse vivre en Lot-et-Garonne ?

M. le président Patrick Bloche. Merci, chers collègues, d’avoir respecté votre temps de parole, ce qui a permis à quelque vingt-huit intervenants de s’exprimer en près d’une heure, couvrant tous les problèmes auxquels Radio France est aujourd’hui confrontée.

Rassurez-vous, Monsieur le président-directeur général, nous n’attendons pas de vous que vous répondiez spécifiquement à toutes les questions. En revanche, comme plusieurs de mes collègues, je ne puis vous inviter qu’à fendre l’armure devant la représentation nationale.

M. Mathieu Gallet. Dans ce cas, je commencerai par le thème de la dernière question, qui me touche d’autant plus qu’elle m’est posée par une élue du département où je suis né, et où mes parents vivent encore.

Le réseau France Bleu est l’une des plus belles richesses de Radio France, pour plusieurs raisons. Nous sommes les seuls à disposer de cet étroit maillage territorial. Assurément, certaines zones y échappent encore : le Sud-Ouest, la région lyonnaise, une partie du Nord-Est – je songe à la région Lorraine. C’est précisément l’une de mes ambitions que d’achever la couverture du territoire. Car outre l’information, le divertissement, la musique, les émissions culinaires qui font partie de l’identité culturelle de nos territoires, France Bleu apporte du lien social. Je me rends toutes les quatre ou cinq semaines dans les stations du réseau et je peux vous assurer qu’il s’agit d’un très beau modèle pour toute la Maison de la radio. On y travaille au sein de petites équipes très dévouées et très proches de leurs auditeurs et du tissu associatif, culturel, politique local.

Je souhaite donc que nous continuions à développer le réseau France Bleu, si nous en avons les moyens financiers et humains, évidemment – et si nous disposons de suffisamment de fréquences. En effet, notre absence du grand Sud-Ouest s’explique par le fait que nous n’avons qu’une seule fréquence à Toulouse. C’est France Bleu Toulouse qui est reprise en Lot-et-Garonne, où il n’existe aucun reporter en résidence. Mais France Bleu Périgord, c’est une formidable audience ! L’attachement au réseau est donc très puissant. Par conséquent, nous devrions pouvoir le développer – tout en tenant compte des contraintes qui pèsent sur nous et des efforts à consentir, d’où des problèmes complexes de redéploiement qui sont traités au niveau humain, au plus près des cinq « micro-locales » concernées. Nombre d’élus, députés et sénateurs m’ont d’ailleurs écrit à propos du projet de redimensionnement du réseau et des micro-locales. La direction des ressources humaines, avec Christian Mettot, comme la direction du réseau France Bleu, avec Anne Allard-Petit qui en est l’administratrice, ont procédé personne par personne pour qu’aucun ne reste sur le bord de la route, pour redéployer le réseau en respectant les contraintes humaines, familiales, personnelles des collaborateurs.

En ce qui concerne la question de Mme Claudine Schmid sur l’international, je ne l’ai peut-être pas assez montré dans mon dossier, mais cette dimension fait véritablement partie de mes ambitions. Pour la développer, nous pouvons tirer profit du numérique, ainsi que du fait que notre modèle économique repose sur la production interne, ce qui nous évite les problèmes de droits auxquels est confrontée la télévision – et qui empêchent par exemple de regarder depuis l’étranger les programmes rediffusés sur le site Pluzz. Voilà pourquoi 40 % de l’audience des podcasts de France Culture se trouve hors de France ; je ne dispose pas de tous les chiffres de l’audience, mais en voilà un que je puis déjà vous donner.

Je l’ai écrit – en quelques brèves lignes qui devront être développées dans le COM –, je souhaite que nous réfléchissions à la création d’une chaîne Radio France à destination des francophones et des francophiles, qui, comme nous l’avons fait lors de la Journée de la langue française, le 16 mars dernier, programmerait le meilleur de toutes nos chaînes à l’intention de ce bassin incroyablement riche – on parle de 700 millions de locuteurs francophones d’ici à 2050. En la matière, Radio France peut jouer un rôle très différent de celui de Radio France Internationale pour faire rayonner dans le monde l’excellence de la production radiophonique française. Cela ne coûte pas nécessairement très cher puisque la production est déjà faite : il s’agit simplement de repenser l’offre éditoriale de toutes les chaînes pour en proposer une qui diffuse en streaming, mais où l’on puisse également réécouter les programmes.

Bref, je n’oublie pas du tout l’international ni ce que Radio France peut apporter au soft power français en donnant à entendre ce que nous produisons de meilleur tous les jours : des documentaires, des fictions, des grands magazines, des émissions musicales.

Plus généralement, à vous écouter, je perçois l’attente que suscitent le projet, les contenus. Voici quelques mots de ces derniers puisque je n’en ai pas beaucoup parlé, me dit-on. La grève qui dure depuis trois semaines fait oublier un peu vite que, depuis la rentrée de septembre, les antennes de Radio France accumulent les succès d’audience. Cela m’aide considérablement à tenir bon, en raison de ce que cela signifie des choix faits par les directeurs et directrices que j’ai nommés.

En effet, entré en fonction le 12 mai, j’ai immédiatement entrepris, avec Frédéric Schlesinger et les directeurs que nous avons désignés, de repenser nos grilles, ce qu’il fallait faire avant début juillet. Ainsi, en six semaines, un travail formidable a été abattu par ces hommes et ces femmes, avec leurs équipes, pour proposer d’importants repositionnements. D’abord à France Info, pour, dès septembre, revenir à l’actualité « chaude », à l’ADN de la chaîne : l’information en continu. Qu’aurait fait France Info en janvier si nous n’avions pas renoué avec ce modèle réactif qui, aujourd’hui, retrouve son public ? À France Inter ensuite, où ont été opérés des changements radicaux dont certains m’ont été reprochés. C’est vrai, j’ai fait partir, en soutenant Laurence Bloch, directrice de France Inter, qui me l’avait proposé, un certain nombre de producteurs. Aujourd’hui, je me le reprends en plein visage, parce qu’il y a des symboles. J’assume. Je soutiens mes équipes. Je ne suis pas directeur des programmes et des antennes de Radio France, ce n’est pas mon job. En revanche, il y a des hommes et des femmes dont c’est le métier et qui ont le courage de faire bouger les lignes. C’est aussi le cas à France Musique : ce n’était pas évident non plus pour Marie-Pierre de Surville de faire partir une grosse dizaine de producteurs historiques pour en apporter de nouveaux et repenser la programmation de la chaîne. À Mouv’, que tant de parlementaires m’ont conseillé de fermer à cause de son coût et au motif que le secteur commercial proposait déjà des radios jeunes – alors qu’il suffit d’écouter la chaîne pour mesurer ce qui l’en sépare –, je suis fier du boulot qui a été fait pendant six mois par Bruno Laforestrie et ses équipes pour concevoir une chaîne du service public qui s’adresse aux jeunes, notamment à ceux qui ne viennent pas du milieu auquel appartiennent habituellement les auditeurs du service public, une chaîne pour tous, dédiée aux cultures urbaines et périurbaines mais aussi aux jeunes des zones rurales. J’ai bien connu cela : vous savez, à quinze ans, à Villeneuve-sur-Lot, on n’a pas beaucoup de radios à écouter et on ne se tourne pas naturellement vers France Musique ! Cela vient plus tard ; ce fut ma chance. Aujourd’hui, je souhaite un service public qui s’adresse à toute la société française.

Ce travail sur les contenus, accompli en très peu de temps, est aujourd’hui source de succès. Il me tarde de connaître les prochains chiffres de l’audience qui seront disponibles le 15 avril, car sans enfreindre l’interdiction qui m’est faite de les révéler, je peux vous dire que, malgré les trois semaines de grève, j’ai lieu d’être assez fier de nos résultats intermédiaires. Toutes nos chaînes ont vu leur audience progresser, de France Bleu à France Musique, en passant par France Culture dont les scores sont incroyables : 2,2 points d’audience, 1,2 million d’auditeurs par jour, pour un niveau d’exigence inégalé dans le monde ! Voilà qui confirme qu’il n’y a pas à opposer excellence et audience : Radio France est capable des deux. Mon but est d’accroître le nombre d’auditeurs : qu’à la fin de mon mandat il n’y en ait pas 14 millions, mais plus encore. Pour y parvenir, il faut repenser notre gamme de programmes. J’aimerais aussi que FIP passe de 10 à 150 fréquences. Je comprends que mes concurrents du privé n’en aient pas du tout envie ! Imaginez seulement : si cette chaîne incroyable, qui fait découvrir tous les types de musique, sans publicité, couvrait 150 villes, on ferait un malheur !

Voilà ce que je souhaite pour Radio France. En même temps, des contraintes s’imposent à moi. Ma faute est probablement de les avoir intégrées très tôt, lorsque nous avons découvert, dès septembre, que la dotation prévue pour les trois années à venir allait nous obliger à faire des choix, que le mode de fonctionnement qu’avait toujours connu Radio France – sur le thème « l’intendance suivra » – n’était plus envisageable. Si j’ai tenu compte de ces contraintes, c’est que je suis loyal envers mon actionnaire et non en confrontation avec lui, même si l’on peut débattre et ne pas être d’accord. Je ne dis pas qu’au cours des dernières semaines l’entente a été parfaitement cordiale, mais, en tout état de cause, l’État, qui n’est ni de droite ni de gauche, soutient Radio France.

Sur la dotation qui nous est aujourd’hui promise, je ne dispose d’aucune précision : je n’ai pas le chiffre de 80 millions que M. Michel Françaix a évoqué et je ne sais pas à quoi le montant qui sera alloué correspond. Or, si je me souviens bien de mes fonctions antérieures, une dotation en capital comme celle de 150 millions dont avait bénéficié France Télévisions en 2008, lors de l’annonce de la suppression de la publicité, doit être validée par les autorités de Bruxelles et ne peut financer que des dépenses de développement. Une telle dotation ne pourrait donc couvrir la fin du chantier.

Je demande par conséquent que le soutien apporté par l’État passe aussi par la contribution à l’audiovisuel public, dont l’assiette doit faire l’objet d’une réflexion. De l’augmentation qu’elle a connue depuis 2012 et que tous les Français constatent en recevant leur avis de taxe d’habitation, pas un euro supplémentaire n’est allé à Radio France. En effet, France Télévisions a bénéficié d’une fraction plus importante de la redevance pour compenser la baisse de la dotation budgétaire. Je peux ainsi témoigner du fait que l’on a retiré à l’INA 20 millions d’euros pour donner davantage à France Télévisions, notamment. L’enveloppe étant fermée, ce que l’on donne à certains doit en toute logique être retiré à d’autres.

Mes discussions actuelles avec l’État me confirment qu’il fera ce geste de soutien, mais j’ai besoin de pouvoir distinguer ce qui relèvera d’une dotation en capital de ce qui résultera d’une augmentation de la contribution à l’audiovisuel public d’investissement. Car leur effet sur nos comptes n’est pas le même, la première allant au bilan alors que la seconde passe par le compte de résultat, est donc reprise en produit exceptionnel et améliore ainsi notre compte d’exploitation. Je ne dispose pas encore de cette précision, mais je ne doute pas qu’elle me sera apportée au cours des jours à venir.

En ce qui concerne les orchestres et la politique musicale, le choix du redimensionnement n’était pas le mien – je ne m’en cache pas –, mais résulte d’une décision de la ministre de la culture et de la communication. En conséquence, mon équipe et moi-même travaillons à définir le projet artistique qui pourrait être mené à bien dans ce cadre. Ce qui compte, en effet, c’est le projet artistique : que l’on ne fasse pas de la musique pour faire de la musique, mais pour un public, ou plutôt des publics – ceux qui sont déjà amateurs de musique classique et que nous ferons venir, à n’en pas douter, dans notre magnifique auditorium ; mais aussi un nouveau public, un public jeune.

Cela suppose de concevoir nos concerts différemment, d’en décaler les horaires et les jours, car le public n’est pas le même à vingt heures en semaine, le samedi, ou encore le dimanche à onze heures. Vous le verrez le 16 avril prochain lors de la présentation de la saison 2015-2016 : nous avons tenu compte de toutes ces données sociologiques afin d’atteindre un public familial, qui ne se limite pas à celui du seizième arrondissement de Paris.

Cela suppose également des activités pédagogiques du type de celles dans lesquelles nombre de nos musiciens sont déjà investis. Dans le cadre du projet de la Maison de la radio, nous avons déjà construit de formidables ateliers pédagogiques et je ne doute pas que nous pouvons encore enrichir cette offre. Nous avons ainsi signé un accord avec les trois rectorats de la région parisienne afin de faire venir les écoles. Vous le constaterez si vous passez à Radio France, c’est un plaisir de voir tous ces gosses découvrir la musique classique. J’étais hier soir à la Maîtrise de Radio France, à Bondy, avec la ministre de la culture et de la communication : c’était formidable d’entendre ces filles et ces garçons souvent issus de milieux très éloignés de la musique classique et qui choisissent, comme d’autres une section sportive, un cursus où leur emploi du temps inclut treize heures hebdomadaires d’enseignement musical. Cela fait partie de nos missions et c’est un sillon que je suis très heureux de continuer à creuser.

S’agissant des formations musicales, le statu quo n’est plus possible, la ministre l’a dit. Il s’agit de nourrir une ambition forte, notamment en matière de diffusion de nos concerts et de captation vidéo, à l’image de ce qui se fait déjà soit sur Culturebox, le site de France Télévisions, soit sur ARTE Concert. Avec ARTE, nous pouvons tout à fait imaginer d’assurer dans quelques années notre propre diffusion sur les sites internet de Radio France, sur le modèle de l’Orchestre philharmonique de Berlin. C’est un défi que de repenser la place des formations musicales dans le cadre d’un redimensionnement qui sera difficile : je ne me vois pas demander à l’un des deux orchestres d’abandonner le grand répertoire. Soyons clairs, en effet : si l’on redimensionne, ce n’est pas pour que les deux formations se ressemblent encore plus ! Il faudrait donc demander à l’une des deux de renoncer à ce qu’elle fait, attendre de l’Orchestre philharmonique qu’il troque Bruckner contre Stockhausen. Je ne suis pas sûr de me sentir prêt à porter ce projet.

Cela fait l’objet d’un débat. Pour ma part, j’avais proposé d’autres solutions, dont le cofinancement de l’Orchestre national de France avec la Caisse des dépôts et consignations, sur le modèle du Théâtre des Champs-Élysées dont Radio France est actionnaire à 34 %. Cette option me semblait préserver l’identité artistique de chacune des formations. Il aurait naturellement fallu maintenir le lien avec Radio France, par la diffusion des concerts ou la production de certains d’entre eux à la Maison de la radio. La proposition avait un autre mérite : maintenir l’emploi. Or, je l’ai dit, je ne porterai pas de plan de départs contraints à Radio France, ni au sein des formations musicales ni ailleurs. Nous avons donc un gros travail à faire pour rendre une identité artistique à chacun des deux orchestres dans le cadre d’un redimensionnement qui permettra aussi de faire porter une partie de l’effort sur les musiciens.

Car tous les corps de métiers, toute la Maison de la radio devront prendre leur part, à Paris, dans les régions, de manière équilibrée. Je n’entends pas sacrifier certains métiers ou missions pour en préserver d’autres. C’est toute la difficulté de l’exercice. On le constate à vous écouter, chacun ici est attaché aux missions du service public et à son périmètre, et tout le monde a compris qu’il fallait faire des économies ; mais où, s’il faut tenir compte de toutes vos observations ? À moins de me tourner vers l’État pour qu’il apporte à nouveau de l’argent. Ce serait oublier qu’aujourd’hui, il n’y a pas d’argent en plus. Nous devons donc nous réformer en respectant le sens de l’équilibre, de l’équité et des responsabilités – moi le premier, avec mon équipe.

MM. Christian Kert et Michel Herbillon demandent comment sortir de la situation actuelle. La durée de la grève en fait l’une des plus longues de notre histoire. À cela, plusieurs raisons. L’inquiétude, probablement. Ma personnalité, aussi ; je prends ma part de responsabilité : je ne suis pas quelqu’un de très expansif, ce qui ne veut pas dire que je ne serre pas la main de mes collaborateurs. Il faut arrêter de penser que je serais, en plus, malpoli ! On peut raconter tout ce que l’on veut, j’ai été convenablement élevé et je sais dire bonjour, y compris dans les ascenseurs. Cela étant, je dois sans doute moi aussi me remettre en question. Toutefois, le fond du problème, ce n’est pas moi. C’est le modèle économique de Radio France, les choix douloureux auxquels nous sommes aujourd’hui conduits, la détérioration de la situation, l’impossibilité, difficile à admettre, que l’on ne peut plus continuer comme avant.

J’entendais s’exprimer ce matin sur France Inter un ancien Premier ministre : c’est vrai, le monde des nouvelles technologies et des médias change si vite ! Qu’étaient Twitter il y a cinq ans, Facebook il y a sept ans ? Quand on pense que Google est né en 1998 ! Nous sommes un média ancien, puisqu’il date des années 1930, qui doit s’adapter à cette transformation de la technologie et de l’univers concurrentiel, à ce changement de société. Je n’ai pas envie que, dans cinq ans, l’âge moyen de l’auditeur de Radio France soit encore plus élevé qu’aujourd’hui ! Si le service public de la radio, payé par tous, ne s’adresse plus qu’aux personnes de soixante ans et au-delà, cela pose un problème.

Pour nous adresser aux nouveaux publics, nous devons consacrer des moyens au numérique, faire des propositions sur les plateformes de partage, bref aller les chercher là où ils vont, par habitude, parce que les habitudes sociales changent. Hier, le répétiteur de la Maîtrise a évoqué devant les enfants le son d’un vieux disque rayé, avant de réaliser qu’ils ne savaient pas ce que c’était. Moi-même, j’appartiens à une génération qui écoutait des vinyles et passait des quarante-cinq tours sur un mange-disque !

Tout cela a changé et ce sont ces transformations que je dois relayer, avec mon équipe, qui a toute ma confiance, dans une maison qui possède de formidables atouts mais qui est angoissée par cette situation à laquelle nous n’étions pas préparés. Les changements sont brutaux : la trésorerie est négative, nous avons pour la première fois voté un budget en déficit de 21 millions d’euros. Pour ma part, j’ai donné l’alarme dès le mois d’octobre en conseil d’administration, où vous avez un représentant en la personne de M. Michel Françaix, en avertissant que nous passions dans le rouge en 2014. Le chantier a pris beaucoup de retard, de sorte que, pendant un moment, nous n’avons pas décaissé la dotation de l’État destinée à le financer. Puis, tout à coup, il a avancé, l’auditorium et la partie qui abrite France Inter et France Info ont été livrés : de ce fait, l’argent est parti, et il ne rentre plus comme auparavant. Mme Aurélie Filippetti a raison : la dotation de Radio France a été stabilisée, ce qui n’allait pas de soi dans le contexte que connaît le ministère de la culture et de la communication ; dès l’époque où j’y travaillais, avant 2012, l’audiovisuel public et la presse écrite étaient les deux seuls secteurs plutôt épargnés par les baisses de crédits. Ce n’est plus le cas. Peut-être était-ce une erreur de ne pas apporter un avenant au COM comme on l’a fait à France Télévisions lorsque l’on a constaté que la trajectoire financière n’était plus soutenable. Mais nous n’allons pas refaire l’histoire : je suis là pour parler de l’avenir.

Deux mots de la campagne menée par le Canard enchaîné, qui me canarde depuis quatre semaines sans discontinuer. À propos du bureau, je me suis expliqué : ce n’est pas le mien, mais celui du président-directeur général et je n’emporterai pas le palissandre en quittant Radio France. C’est un bureau historique. Peut-être aurais-je dû différer ces travaux, coûteux du fait du lieu et de ce qu’il représente. De là à lire des allégations qui se rapportent à l’Institut national de l’audiovisuel, que j’ai quitté il y a un an, et qui concernent des contrats qui datent d’il y a quatre ans, voire, pour certains, du mandat d’Emmanuel Hoog, mon prédécesseur ! Le Canard, d’habitude assez bien informé, aurait dû savoir que le contrat Euro RSCG a été signé en 2008, avant mon arrivée à l’INA. Le journal doit avoir des sources très fiables pour ne pas se donner la peine de vérifier une information que l’on trouve sur Internet ! On me salit en racontant n’importe quoi. Je veux bien avoir le dos large, mais il y a un moment où il faut arrêter ! On ressort des histoires vieilles de quatre ans, on additionne des contrats qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, du développement stratégique à la transformation RH en passant par la communication.

Quand on parle de mes dépenses de communication, on a l’impression que j’ai dépensé, en quatre ans, un million d’euros en coiffure et make-up ! Il s’agissait de faire travailler des consultants pour une entreprise. Je comprends que certains dirigeants disent que les consultants, ce n’est pas leur truc, mais je défends pour ma part l’idée que l’on a besoin d’expertises externes. Et c’est en y recourant que, pendant quatre ans, à l’INA, j’ai rendu des comptes positifs, présenté une croissance du chiffre d’affaires – Frédéric Schlesinger, alors directeur des contenus, chargé de leur valorisation, peut en témoigner –, relancé l’activité de formation professionnelle, ouvert l’Institut à l’international. Nous y sommes parvenus en adjoignant ponctuellement à nos propres compétences celles de consultants extérieurs : où est le problème ? Il y a là aussi quelque chose qui m’agace, et je profite de l’occasion pour le dire.

J’en viens au cahier des charges de Radio France, qui date de 1987, une époque où le périmètre des entreprises publiques n’était pas exactement le même qu’aujourd’hui. On pouvait peut-être même encore faire de la publicité pour la Compagnie de Suez ou pour la Banque de Paris et des Pays-Bas ! Ce périmètre s’est restreint et je ne peux pas laisser les recettes publicitaires de Radio France exposées au risque, sans parler de la répétitivité des annonces, qui portent toujours sur telle banque ou mutuelle et dont les auditeurs sont nombreux à se lasser, nous disent-ils. Cela devient un problème éditorial. Je me satisfais donc de la décision prise par la ministre de la culture et de la communication d’étendre le champ des annonceurs. De notre côté, nous nous engagerons, par une charte annexée soit au cahier des charges soit au COM, à écarter certains annonceurs, en nous inspirant de France Télévisions.

En ce qui concerne les ondes moyennes et les ondes longues, il s’agit de types de diffusion qui, sans jouer sur les mots, viennent de loin. Les bulletins de météo marine sont diffusés sur les ondes moyennes, mais le numérique devrait permettre de proposer d’autres solutions. Il en va de même de la messe, qui, à Lyon, est diffusée sur ondes moyennes, ou des émissions en langue régionale. L’idée n’est pas d’abandonner ces missions, mais de faire différemment grâce aux moyens technologiques dont nous disposons aujourd’hui.

Au total, 13 millions d’euros d’économies sont attendus de cette modernisation du cahier des charges. Nous en avons besoin.

On me dit qu’il n’y a rien de nouveau dans le projet. C’est que je suis quelqu’un d’assez constant, animé de convictions fortes – celles qui m’ont décidé, fin 2013, à candidater à la présidence de Radio France et à travailler sur ce projet en janvier 2014. Ces convictions, je ne les ai pas perdues. Ce sont celles d’un auditeur, évidemment, d’un responsable d’entreprise aussi – c’est ainsi que je me suis présenté et je ne vais pas me changer –, mais qui fait le choix du service public. J’aurais pu rester dans le secteur commercial ; j’ai fait une carrière sympathique à Canal Plus. J’ai choisi le service public, sans être haut fonctionnaire, par conviction, parce que cela a un sens. C’est bien pour cela que l’on travaille à Radio France ; tous les collaborateurs de la maison en seront d’accord. On a le sentiment d’apporter quelque chose à ses concitoyens, et même à la civilisation, tous les jours, par le décryptage, l’enrichissement, le partage de la culture sous ses formes diverses. Je peux écouter, sur Mouv’, un jeune DJ français comme Madeon, puis, sur France Culture, de jeunes philosophes, avant d’entendre Raphaël Pichon sur France Musique. C’est cette richesse qui donne envie de rejoindre le service public, c’est pour porter ce projet que j’ai souhaité venir à Radio France.

Depuis, j’ai dû y intégrer les contraintes émanant de l’État, dont votre présence et vos questions montrent que vous êtes conscients. Je vais continuer de défendre ce projet, je le mettrai en place avec mes collaborateurs. Nous ne l’avons probablement pas assez partagé, diffusé ; tout le monde doit pouvoir se l’approprier. C’est difficile dès lors qu’il comporte un volet destiné à réaliser des économies et à repenser entièrement le modèle. Mais nous devons tous nous retrousser les manches. Je suis convaincu que les salariés de Radio France y sont favorables, dans leur grande majorité. Je reçois d’ailleurs beaucoup de messages qui m’aident à résister dans la tempête, notamment des collaborateurs de France Bleu, qui me font part de leur attachement au service public, de leur conscience de la nécessité de réformer, du fait que France Bleu incarne un modèle différent de celui des autres chaînes, et qui me disent : « tenez bon ! ». Ce ne sont pas ceux qui viennent en assemblée générale, ils ne sont pas animés du même état d’esprit, mais leurs témoignages me renforcent dans ma conviction qu’il faut transformer le service public pour qu’il continue d’exercer ses missions, à destination du plus grand nombre.

Voilà ce qui doit nous guider. Nous sommes une radio de l’offre, mais nous devons aussi aller à la rencontre de notre public, sans quoi notre légitimité sera remise en question. Voyez ce qui s’est passé au Portugal où la chaîne de télévision culturelle a été fermée, en Grèce – un sujet que j’ai bien connu – où on a fait de même, du jour au lendemain, pour le service public de la télévision qui, a-t-on dit, n’avait plus assez d’audience. Cette rencontre avec le public aura lieu sur les plateformes numériques que nous allons enrichir à cette fin par des services de webradios, mais aussi sur les antennes hertziennes. Voilà pourquoi je souhaite que l’on repense tout le plan des fréquences de Radio France, qui doit être complété, pour le réseau France Bleu, pour France Info qui ne couvre pas bien certaines zones, notamment la Bretagne, pour Mouv’ et FIP, véritables pépites qui nous permettront de nous adresser à d’autres publics.

Je dois sans doute, en effet, fendre l’armure pour faire valoir cette conviction auprès des salariés, leur dire que nous devons prendre notre avenir en main, sous peine que d’autres s’en chargent. Or ce n’est pas à la Cour des comptes de définir la stratégie de Radio France ! La Cour dresse un bilan, pose des diagnostics, formule des propositions. La Cour des comptes, c’est la Cour des comptes ; Radio France, c’est Radio France ! Avec les collaborateurs de Radio France, nous défendrons ce projet dans un climat d’angoisse, certes, mais sans oublier que nous avons de formidables atouts – je dois le leur rappeler. C’est ainsi que nous allons promouvoir notre grande mission de service public et la transformer, pour être plus forts dans cinq ans. Si cette grève peut servir à quelque chose, c’est à cela : à nous faire prendre conscience des enjeux, des difficultés du dialogue social, qu’il nous appartient, à Christian Mettot et moi-même, de renouer. Peut-être aurons-nous besoin d’une intervention extérieure pour nous y aider.

Avant tout, cependant, revenons au projet, à nos atouts, à ce que nous savons faire, c’est-à-dire de la radio : je n’ai pas prévu de changer Radio France en autre chose qu’un groupe de radio, qui se consacre aussi à la production musicale et la diffuse dans un lieu exceptionnel, la Maison de la radio. Le chantier est compliqué mais, le jour où il sera fini, on verra que l’on avait eu raison de le lancer : nous serons un lieu de culture, où viendront des publics très variés, car tel est le sens de notre mission.

J’ai encore quatre ans de mandat et je peux vous dire que, pendant ces quatre ans, je ne lâcherai rien de ces convictions.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le président-directeur général, d’avoir saisi l’occasion de vous lâcher devant la représentation nationale ! Vous avez joué le jeu et je vous sais gré de cette disponibilité. Nous vous laissons rejoindre le comité central d’entreprise, en espérant que cette audition contribuera à résoudre le conflit dans les plus brefs délais.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 8 avril 2015 à 9 heures 30.

Présents. - M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Laurence Arribagé, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Dominique Chauvel, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Bernard Debré, M. Laurent Degallaix, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Sandrine Doucet, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. William Dumas, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Maud Olivier, M. Christian Paul, M. Michel Piron, Mme Barbara Pompili, M. Michel Pouzol, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, Mme Julie Sommaruga, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Pascal Demarthe, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Sonia Lagarde, Mme Lucette Lousteau, M. Christophe Premat, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - Mme Sylviane Alaux, M. Luc Belot, Mme Marie-George Buffet, M. Alain Chrétien, Mme Aurélie Filippetti, M. Régis Juanico, M. Lionel Tardy