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Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mardi 2 juin 2015

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 44

Présidence de M. Patrick Bloche, président

– Réception d’une délégation de la commission de la culture et des médias du Bundestag : réunion de travail sur la diversité culturelle, à l’occasion du 10e anniversaire de la convention UNESCO du 20 octobre 2005

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 2 juin 2015

La séance est ouverte à seize heures cinquante-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)

——fpfp——

La Commission reçoit une délégation de la commission de la culture et des médias du Bundestag pour une réunion de travail sur la diversité culturelle, à l’occasion du 10e anniversaire de la convention UNESCO du 20 octobre 2005.

M. le président Patrick Bloche, coprésident. J’ai le plaisir d’accueillir cet après-midi, en votre nom à toutes et à tous, nos collègues députés de la commission de la culture et des médias du Bundestag qui, comme nous en étions convenus à Berlin en décembre dernier, sont venus partager pendant deux jours les travaux de notre commission, afin de partager nos visions et, si possible, de rapprocher nos positions sur les enjeux créatifs et culturels actuellement en débat au sein de l’Union européenne.

Avant de laisser la parole au président Siegmund Ehrmann afin, notamment, qu’il nous présente les membres de sa délégation, je souhaite évoquer en quelques mots le sujet de l’échange à l’ordre du jour de cet après-midi.

La convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles fêtera ses dix ans le 20 octobre prochain, et cet anniversaire constitue une excellente opportunité pour faire un point sur la situation de la diversité culturelle dans le monde et sur les actions menées en faveur de sa défense, notamment sur le fondement de cette convention.

Cet anniversaire va permettre à l’UNESCO d’encourager de nouveaux signataires à rejoindre la convention. Ils sont déjà nombreux et comptent parmi eux l’Union européenne elle-même, mais je rappelle, et ce n’est pas anodin, que les États-Unis ne sont par exemple pas partie à cet accord.

Mais ces dix ans constituent également pour un pays comme la France – ou comme l’Allemagne – l’occasion de faire le point sur les moyens consacrés à la promotion de la diversité culturelle, sur nos territoires nationaux, mais aussi en Europe et dans le monde. Il est en effet très important que la coopération internationale intègre la dimension de la diversité culturelle, afin de soutenir les États soucieux de préserver l’intégrité de leur culture et la vitalité de leurs créateurs. La notion de culture s’étend même au-delà, pour englober aussi le patrimoine, et notamment le patrimoine architectural, qui est trop souvent exposé à des menaces de destruction, comme dans les territoires actuellement dominés par Daesh.

Enfin, la question de la diversité des expressions culturelles prend une nouvelle dimension à l’ère numérique et la convention UNESCO pourrait sûrement jouer un rôle dans la promotion d’un flux varié et équilibré d’expressions culturelles, face aux comportements hégémoniques des géants du web.

Tous ces enjeux peuvent, me semble-t-il, constituer un thème bien adapté pour nos premiers échanges de cet après-midi. Au sein de notre commission, nous menons nous-mêmes une réflexion sur l’application de cette convention et j’aurai bientôt l’occasion de présenter un rapport d’information à ce sujet.

M. le président Siegmund Ehrmann, coprésident (traduction). C’est un grand honneur pour moi de vous retrouver cet après-midi et de présider avec vous cette réunion conjointe. Tout d’abord, je vous présente notre délégation de la commission de la culture et des médias du Bundestag allemand. Vous voyez d’un côté Mme Herlind Gundelach, vice-présidente chrétienne-démocrate (CDU-CSU) de notre commission, ainsi que Mmes Ursula Groden-Kranich et Elisabeth Motschmann, qui appartiennent au même groupe politique. De l’autre côté se trouvent Mme Sigrid Hupach, du groupe La Gauche (Die Linke), Mme Ulle Schauws, du groupe Alliance 90/Les Verts et M. Burkhardt Blienert, du groupe social-démocrate (SPD), auquel j’appartiens également.

C’était un vrai événement de vous accueillir en décembre pour une journée et demie à Berlin ; j’ai senti que nous réagissions de la même manière, que nous partagions les mêmes questionnements et le même intérêt à approfondir nos contacts. Je vous remercie donc d’être venus à Berlin, comme je vous remercie aussi d’avoir pu, aujourd’hui, assister à une séance de questions au Gouvernement. Elle se déroule d’une manière assez différente chez nous. J’ai trouvé dans ces échanges directs de questions et réponses un encouragement à faire de même. Voilà un bon style. Les prises de position sont nettes et polémiques, elles s’entrechoquent et le gouvernement doit répondre. Nous connaissons chez nous une autre forme, qui n’est pas moindre, de culture du débat et de confrontation entre gouvernement et parlement. Mais cette confrontation directe était en tout état de cause très intéressante, de même que les sujets abordés, y compris quand ils pouvaient susciter la polémique, ce qui est après tout dans la nature du débat politique.

Il était judicieux de votre part de proposer pour thème de discussion la convention UNESCO sur la diversité culturelle. En 2005, le sujet a été beaucoup débattu au Bundestag. Il y a environ trois ans, un rapport intermédiaire a été publié, qui présentait l’état de la protection de la diversité dans les différents champs d’activité. Une foule de sujets restent cependant à discuter, où un besoin pressant de réglementation se fait sentir. Cher collègue Patrick Bloche, vous avez rappelé que les États-Unis d’Amérique ne sont pas encore signataires de la convention, ce qui nous invite à réfléchir à la question de savoir quelle portée peut avoir la convention sur la diversité culturelle dans le contexte des négociations autour du partenariat transatlantique sur le commerce et les investissements (PTCI). C’est une discussion qui provoque de nombreux débats et intéresse au plus haut point l’opinion publique en Allemagne.

Chez nous, le Bundestag ne se prononce que sur certaines matières relatives à la culture. L’État fédéral n’est en effet compétent en ce domaine que pour le soutien à Berlin, capitale culturelle, ou encore pour la définition d’un cadre légal du droit d’auteur ou des caisses sociales de prévoyance et d’assurance-maladie des artistes. Mais il est aussi compétent pour la culture commémorative, la culture de la mémoire jouant un grand rôle du fait de l’histoire sanglante du vingtième siècle.

Si vous me permettez ainsi une transition vers la politique culturelle extérieure, je dirais qu’elle constitue également un domaine d’action important. Ainsi, quelle réponse apporter aux attentats perpétrés contre le patrimoine culturel ? Sa protection constitue un enjeu essentiel. Comme législateurs, au niveau national, nous devons adapter les normes en réglementant l’importation de biens culturels qui peuvent être issus du pillage de ces villes ou régions. Le Bundestag examine en profondeur ces questions, qui sont aussi des questions d’actualité.

Examinant la convention UNESCO relative à la diversité culturelle, nous devons aussi nous demander quel bilan nous pouvons en tirer au niveau national, dix ans après sa signature. Garantit-elle toujours que la culture et les biens culturels ne sont pas prioritairement une marchandise soumise à la domination du marché, mais une expression de l’être qui reste soustraite à ses forces et appartient, en dernier ressort, à l’identité culturelle du pays et de la nation ? La responsabilité spéciale de l’État vis-à-vis de l’art et de la culture ne risque-t-elle pas pourtant de se décliner de plus en plus en termes de marché, s’agissant du soutien au film, à la production radiophonique ou télévisuelle ? Ce sont autant de secteurs qui fonctionnent en effet en suivant les lois du marché ; pourtant, l’État a la responsabilité de soutenir par un financement public ces institutions qui, en définitive, ne peuvent exister et subsister en s’appuyant seulement sur le marché.

Notre pays est entré dans une transition démographique qui conduit au dépeuplement de certains espaces, où certaines infrastructures culturelles menacent de s’effondrer. Quelles contre-mesures pouvons-nous prendre pour ne pas laisser disparaître certaines institutions culturelles et conserver leur vitalité malgré le défi démographique ?

La convention de l’UNESCO porte sur le patrimoine culturel, mais la place de l’architecture est une autre question qui nous préoccupe. Dans ce domaine, en particulier, nous accordons autant d’attention au patrimoine qu’à la culture contemporaine. Enfin, la convention s’intéresse à la dimension interculturelle, tant dans le monde qu’au sein de notre société, car le dialogue interculturel est devenu un moteur de développement de nos cultures nationales, qui offrent une nouvelle patrie à des personnes qui en ont besoin et évoluent grâce à l’apport venu de l’étranger.

Je serais donc très curieux de savoir comment vous appliquez la convention UNESCO sur la diversité culturelle.

M. le président Patrick Bloche, coprésident. Nous avons voulu organiser nos échanges avec cohérence. Lorsque nous abordons cet après-midi le sujet de la diversité culturelle, nous le faisons en lien avec le débat de demain matin, toujours avec nos amis du Bundestag, en présence de Mme Catherine Trautmann et de Mme Doris Pack, sur les enjeux du droit d’auteur et certaines initiatives lancées dans ce domaine par la Commission européenne.

Quant à notre séance de questions au Gouvernement, elle était plutôt calme cet après-midi ! Pour l’heure, je propose de passer successivement la parole aux orateurs des groupes politiques, tant du Bundestag que de l’Assemblée nationale.

M. Michel Pouzol. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je voudrais dire que les produits et services culturels sont voués par nature à osciller entre la sphère artistique et la sphère marchande, entre la production symbolique et la production matérielle. Cette ambiguïté propre aux activités culturelles, mais aussi le poids économique de la nébuleuse culturelle dans l’économie française et européenne, en font le sujet de débats parfois très polémiques tant au niveau national qu’international.

Adoptée en 2005 et entrée en vigueur en 2007, la convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles a reçu dès sa création l’adhésion de 115 États dont la France, le Royaume-Uni, la Chine, l’Inde, le Canada, l’Australie, le Brésil mais aussi l’Union européenne. Cette convention admet explicitement la spécificité des biens et services culturels et la légitimité de l’intervention publique dans le secteur culturel en intégrant les principes d’une finalité plus large : celle de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Pour tous ceux qui se sont battus pour que soit reconnue et protégée l’exception culturelle française, il est clair que cette convention crée de fait, au niveau international, autant d’exceptions culturelles nationales qu’elle a de signataires et nous ne pouvons, nous Français, que nous en réjouir et nous en féliciter.

Cette convention a en outre le mérite de rappeler que la diversité culturelle doit être intégrée en tant qu’élément stratégique dans les politiques nationales et internationales de développement, ainsi que dans la coopération internationale pour le développement durable.

Il faut rappeler également que les principes de la nature spécifique des biens et services culturels et du droit souverain des États d’adopter des politiques culturelles sont explicitement encadrés par d’autres principes directeurs, notamment les notions d’accès équitable et de respect de toutes les cultures.

Il faut rappeler aussi que dans le cadre des négociations menées autour de la mise en œuvre d’un accord commercial entre les États-Unis et l’Union européenne, cette convention réaffirme sa complémentarité et sa non-subordination vis-à-vis des autres ententes internationales, tout en consacrant l’importance de la société civile comme un acteur majeur de la diversité culturelle. Permettez-moi de le rappeler une nouvelle fois : la culture prise dans toutes les dimensions de sa diversité ne saurait en aucun cas se réduire à un produit marchand comme les autres.

C’est bien là la force dynamique de cette convention, qui établit les droits et les devoirs des États en matière de diversité culturelle, respectivement envisagés à deux niveaux. À l’échelle nationale, la convention garantit aux États leur capacité à maintenir et développer des politiques en faveur de la diversité culturelle, en préservant leur liberté de choix en termes de mesures appropriées, mais aussi en réaffirmant le rôle des institutions de service public et les industries culturelles indépendantes.

Sur le plan international ensuite, la convention réaffirme l’importance de la coopération culturelle internationale, la promotion de la diversité culturelle dans d’autres enceintes multilatérales et en matière de développement.

Cette convention prend sans nul doute place parmi les instruments fondateurs du droit international à la culture en confirmant le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et les mesures qu’ils jugent appropriés pour la mise en œuvre et la défense de la diversité culturelle sur leurs territoires.

Cette convention doit nous servir de base au niveau européen puisqu’elle consacre l’égale dignité de toutes les cultures et reconnaît que les biens culturels sont porteurs de valeur et de sens, et sont donc au cœur de l’identité des peuples.

S’il fallait encore s’en convaincre, la hargne et la violence que les terroristes de Daesh mettent à rayer de l’histoire de l’humanité une partie de son patrimoine culturel et architectural suffiraient à nous mobiliser collectivement pour cette cause fondamentale.

Sans doute sommes-nous encore loin du compte sur de nombreux territoires intraeuropéens. De nos diversités devraient émerger des valeurs communes, européennes, dans lesquelles nous pourrions toutes et tous nous reconnaître et nous construire.

Alors oui, cette convention est fondamentale, y compris dans le processus d’intégration européen, mais sans doute est-il temps de la repenser, de lui donner un dynamisme nouveau à l’heure du numérique et de la menace terroriste contre la culture et le patrimoine. Sans doute est-il grand temps de poser les bases d’une culture européenne commune qui saurait prendre en compte les spécificités des uns et des autres pour l’inscrire dans une dimension plus solidaire.

Il s’agit d’une nécessité tout à la fois politique et économique qui doit conduire, dix ans après sa signature, à ce que cette convention, au-delà de son symbolisme, nous engage concrètement ensemble dans la mise en œuvre de nos politiques publiques et de nos orientations stratégiques.

Mme Herlind Gundelach (traduction). Je vous remercie à mon tour de nous avoir donné l’occasion d’assister à la séance de questions au Gouvernement. Si elle était calme aujourd’hui, elle est vraiment toujours très paisible chez nous ! Le président du Bundestag a d’ailleurs engagé une réflexion pour savoir comment la rendre plus vivante. Après ce que nous avons vu aujourd’hui, nous nous engagerons également en faveur de débats plus vifs au parlement allemand.

Permettez-moi deux autres remarques préliminaires. J’observe que votre commission est très nombreuse, avec 71 membres, alors qu’elle est chez nous l’une des plus petites. Sans doute cela tient-il au fait que la souveraineté des Länder dans le domaine culturel est l’un des acquis les plus importants de notre fédéralisme. Cela ne facilite pas notre travail, car nous devons toujours dépasser ces frontières de compétence. De même, l’État fédéral n’a pas de compétence en matière scolaire, alors que ces questions sont débattues dans votre commission. Tout au plus l’État fédéral a-t-il pu récemment obtenir une meilleure coopération dans le domaine de la recherche et de la science, en s’appuyant sur le soutien financier qu’il apporte aux Länder pour qu’ils assurent ces missions.

Quant à la convention UNESCO sur la diversité culturelle, son application se décline en Allemagne à trois niveaux : le niveau fédéral, pour lequel un rapport intermédiaire a été publié, comme l’a rappelé notre président de commission ; le niveau des Länder ; le niveau des communes, enfin, qui mettent en œuvre une part importante de la politique culturelle.

Le comité du patrimoine mondial de l’UNESCO se réunira à la fin du mois à Bonn. Moi qui viens de Hambourg, je nourris l’espoir que notre récente demande d’inscription y soit prise en compte. Mais j’évoque surtout cette réunion parce je tiens de la présidente de ce comité, qui est Allemande, qu’une résolution commune née des attentats contre des biens culturels à Palmyre est aussi à l’ordre du jour. Elle appellerait à ériger ce type d’attentats en crime de guerre, car on ne peut se contenter de les déplorer. Lutter contre ce genre d’exactions et les empêcher demeure malheureusement une affaire très difficile.

Je remarque que vous êtes également compétents en matière de médias et de politique culturelle extérieure. Au Bundestag, une sous-commission de la commission des affaires étrangères suit ce dernier sujet. Ma collègue Elisabeth Motschmann en fait partie. Mais en matière de médias, comment traitez-vous de la question de la numérisation et du patrimoine numérique ? Adoptez-vous des normes en ce domaine ? Que pensez-vous des réflexions en cours au sein de la Commission européenne ? Votre expérience nous intéresse au plus haut point.

M. Patrick Hetzel. Au nom du groupe Les Républicains, je vous souhaite la bienvenue. Je me réjouis de nos échanges autour de la convention de 2005 et de ses conséquences dans nos deux pays, où la diversité culturelle est une question centrale. Ce n’est pas un hasard. Tous deux, ils partagent une culture et une histoire ancrée dans une certaine tradition. La question de la politique culturelle n’est pas neuve elle non plus. En France, elle s’est développée à partir du général de Gaulle et d’André Malraux. Sur cette base, des actions axées sur la diversité et sur l’exception culturelle ont vu le jour, ces deux notions me semblant mériter d’être citées en même temps.

La convention UNESCO a reconnu la diversité culturelle elle-même comme partie intégrante du patrimoine mondial. Cette avancée conceptuelle et paradigmatique a produit des effets sur les politiques publiques. Il est surprenant que les États-Unis d’Amérique se soient exclus de cette démarche. Nous aurons sans doute encore à travailler pour les amener à signer la convention. Loin de nous appauvrir, la diversité nous enrichit.

Lorsque nous évoquons la diversité culturelle, il me semble important de ne pas en oublier la dimension linguistique. La langue véhicule la culture. La diversité de l’enseignement linguistique doit donc être assurée. C’est un sujet de préoccupation pour nous. Sans entrer dans un débat politicien, il faut affirmer que, de part et d’autre du Rhin, la langue du voisin doit être promue, car c’est aussi, à côté des jumelages de villes, une manière de promouvoir la culture du voisin et, partant, la meilleure connaissance et reconnaissance de l’autre.

Enfin, je salue les efforts de l’Union européenne pour asseoir cette diversité linguistique et culturelle. Elle ne peut qu’inspirer davantage confiance à nos concitoyens en suivant cette voie, qui passe par des partenariats et des échanges accrus entre nos deux nations, dans le droit fil du traité de l’Élysée.

M. le président Siegmund Ehrmann, coprésident (traduction). Je vous suis très reconnaissant d’avoir souligné le rôle important des jumelages dans la relation franco-allemande dans la compréhension mutuelle entre les deux peuples. Ils concernent plus de deux mille deux cents villes.

M. Burkhardt Blienert (traduction). Il me semble que c’est une bonne idée d’échanger régulièrement entre nos deux commissions, par-dessus la frontière, et je suis très heureux que nous puissions répondre aujourd’hui à votre visite à Berlin au mois de décembre. La convention UNESCO nous fournit un sujet évident de discussion. Nos positions communes peuvent jouer un rôle important pour poser un juste questionnement et tracer des perspectives.

Au sein de mon groupe politique, le SPD, je suis chargé du suivi de la politique de soutien à l’industrie cinématographique. Par-delà les difficultés inhérentes au PTCI, il devient parfois difficile de distinguer initiative privée et soutien public. Aussi toutes les parties prenantes – producteurs, spectateurs, distributeurs – doivent-elles assumer leur part de responsabilités dans le développement de la culture. Et chaque pays doit recourir à ses propres standards pour définir la qualité attendue, en s’appuyant sur la société civile.

Un nouveau cadre législatif pour le soutien au cinéma doit être bientôt défini en Allemagne, dont le but est d’améliorer la qualité de la production. La numérisation et la constitution d’archives seront également concernées, car, sans conservation du passé, il ne saurait y avoir d’avenir. En ce domaine, si je compare notre situation avec celle qui prévaut en France, j’ai le sentiment que nous avons un pas de géant à accomplir. Ce faisant, nous ne défendons pas seulement à mes yeux nos propres intérêts, mais des intérêts européens. Car les règles relatives à la numérisation, à la conservation au maintien du patrimoine cinématographique sont à établir au niveau de l’Union.

M. Rudy Salles. Au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Le Bundestag est assurément le parlement dont nous nous sentons le plus proche. Ce fait relève d’une certaine exception parlementaire et politique. Je suis content que nous entretenions une relation riche et féconde, portée par la volonté commune de défendre la diversité culturelle. La culture allemande et la culture française ayant cessé d’être des cultures dominantes, nous devons prendre garde à n’être pas avalés. Ensemble, nous serons plus forts pour mener ce combat.

C’est pourquoi j’évoque plutôt, de préférence à l’exception culturelle, la diversité culturelle, car il s’agit d’une notion plus parlante où beaucoup de peuples peuvent se reconnaître. Mon collègue Patrick Hetzel a évoqué à juste titre le sujet de la défense de la langue, alors que la réforme des programmes des collèges conduira à la suppression des classes bilangues. Chers collègues allemands, quel avis portez-vous sur la question ? Quelle est à Berlin la perception de cette évolution ?

M. le président Patrick Bloche, coprésident. Nos hôtes peuvent constater que la grande coalition existe aussi en France… mais entre Les Républicains et l’Union des démocrates et indépendants !

Mme Sigrid Hupach (traduction). Au nom de mon groupe politique La Gauche (Die Linke), je me réjouis à mon tour de la tenue de cette réunion conjointe. Des thèmes importants ont déjà été abordés. S’agissant du bilan à dix ans de la convention UNESCO, l’exercice prend son sens par rapport à la définition du mandat de négociation européen dans le cadre des pourparlers relatifs au PTCI avec les États-Unis d’Amérique. Ils ne sont en effet pas encore signataires de la convention, ce qui préoccupe notre groupe. Comment faire pour que l’exception culturelle et l’exclusion des services audiovisuels, que nous avons obtenue, soit respectée dans le futur traité ? La Commission européenne poursuivra-t-elle cet objectif ?

Quant aux attentats contre l’héritage culturel de l’humanité, comme ceux commis par l’État islamique, ils nous émeuvent aussi. Je réserve mon propos sur la numérisation et sur les droits de la propriété intellectuelle à notre réunion de demain, mais je sais que la France a déjà pris l’offensive au niveau européen et j’ai bon espoir que nous aurons des échanges fructueux à ce sujet.

Mme Ulle Schauws (traduction). Je vous remercie de votre invitation. Au Bundestag, je suis la porte-parole du groupe Alliance 90/Les Verts sur les affaires culturelles. Vous êtes assurément le parlement avec lequel nos échanges sont les plus intenses, si j’en crois mon expérience de députée élue pour son premier mandat. Dans le contexte des pourparlers sur le PTCI, qui pèse au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès, il est important que nous poursuivions notre dialogue.

Sur la diversité linguistique et sur la suppression des classes bilangues, je ne veux pas m’immiscer dans un débat national et je ne me prononcerai pas. Nous sommes du moins pleinement d’accord sur l’exclusion du PTCI des sujets touchant à la diversité culturelle. Le groupe Alliance 90/Les Verts est très actif sur les questions internationales et se fait fort de défendre ses positions, tant au niveau national qu’au niveau européen, sur les pourparlers transatlantiques, sur leur nécessaire transparence et sur la négociation d’un éventuel mécanisme d’arbitrage et de règlement des différends, que nous voyons d’un œil très critique.

Notre groupe a confié à un chercheur le soin de définir quelle forme juridique pourrait revêtir l’exclusion des services audiovisuels, que vous avez obtenue, mais aussi l’exclusion de la diversité culturelle dans le traité de partenariat transatlantique, de sorte que les matières correspondantes ne soient pas couvertes par le texte et que les États-Unis d’Amérique ne puissent y introduire de dispositions dangereuses pour la diversité culturelle. Dans notre république fédérale, le soutien à la culture s’exerce au niveau fédéral et il pourrait être menacé par des dispositions du traité, si l’on n’y prend garde. Le procédé juridique retenu pour définir des exceptions serait aujourd’hui celui de listes négatives de domaines non couverts. Il suscite notre scepticisme. Qu’en pensez-vous ?

Selon l’expertise que nous avons commandée, l’exclusion des médias numériques et des services audiovisuels ne saurait être assurée par une clause générale ou par une mention dans le préambule du traité. Pour sécuriser cette exclusion, il conviendrait plutôt de le faire expressis verbis, en insérant les dispositions idoines dans chacun des chapitres séparés du traité. Quelle est votre position à ce sujet ?

Mme Colette Langlade. La France et l’Allemagne ont beaucoup de points communs en matière culturelle, puisqu’elles ont toutes deux en partage une langue au rayonnement international, un patrimoine cinématographique mis en valeur par des festivals comme ceux de Cannes ou de Berlin ou encore une littérature très riche. La coopération culturelle entre nos deux pays s’inscrit par ailleurs dans une tradition d’ouverture incarnée par l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), qui a fêté ses cinquante ans en 2013.

Nous avons de nombreuses raisons de défendre la diversité culturelle, qui revêt aussi une dimension linguistique. C’est pourquoi je me réjouis que la France ait repris le processus de ratification de la charte des langues régionales de 1992, que l’Allemagne a ratifiée en 1998. Ainsi, tant la pratique que l’apprentissage de l’occitan reculent en France, alors que cette langue minoritaire constitue un authentique patrimoine culturel, symbole de l’histoire de nos régions. Je m’interroge sur la place reconnue au bas allemand ou au romani en Allemagne aujourd’hui. Quel bilan tirez-vous de l’application de cette charte protectrice des langues dans votre pays ?

Mme Elisabeth Motschmann (traduction). Vous me pardonnerez, je suis une femme de terrain qui siège depuis peu au parlement national. Auparavant, comme élue de la ville de Brême, j’ai obtenu le classement de notre hôtel de ville au patrimoine mondial de l’humanité. Ce fut une expérience éprouvante et une naissance difficile, plus difficile que celle de mes trois enfants. Aussi voudrais-je savoir ce que vous faites une fois qu’une ville est classée. Bénéficie-t-elle à ce titre d’un soutien financier et de la part de qui ?

J’ai écouté attentivement notre collègue du groupe socialiste, qui a affirmé que les « biens culturels sont porteurs de valeur et de sens » et qu’il faut réaffirmer le rôle des institutions qui les soutiennent. En font partie les communes et beaucoup d’institutions, y compris, à mon sens, les églises, ne serait-ce que par leur architecture, leurs peintures ou leurs sculptures, ou leur rôle dans la diffusion de la musique. Les incluriez-vous également au nombre des institutions qui promeuvent la culture, malgré la forme laïque de votre État ?

Dans l’Union européenne, le dialogue interculturel et interreligieux doit être renforcé non seulement entre les États membres, mais en leur sein même, car ils accueillent beaucoup de migrants d’autres cultures qui sont aussi marqués par d’autres traditions et d’autres influences religieuses. Sur ce terrain, il me semble qu’un important travail est à faire.

En matière de politique culturelle extérieure, nous nous employons chacun de notre côté à renforcer, vous le français, nous l’allemand, grâce au réseau des instituts Goethe et des écoles allemandes à l’étranger. Ils reçoivent notre soutien tant sur le plan financier que sur celui des ressources humaines.

Nous aborderons plutôt demain le sujet du PTCI. Certes, les biens culturels sont porteurs de sens et d’identité, ce qui est bien mon avis, mais nous sommes, comme chrétiens-démocrates, moins critiques que d’autres partis sur ce projet de traité. Des règles claires sont sans conteste nécessaires pour protéger le droit d’auteur, la propriété intellectuelle et l’héritage culturel mais les États-Unis d’Amérique ont cependant eux aussi des biens culturels à sauvegarder ; ils ont aussi des intérêts en ce domaine. C’est pourquoi il me semble qu’agir de manière claire et transparente – je donne raison aux Verts sur ce dernier point – suffira à préserver ces intérêts de part et d’autre.

Mme Annie Genevard. Je voudrais aborder trois sujets. D’abord, le président Ehrmann nous a invités à livrer notre sentiment sur le dialogue interculturel. Je dirais pour ma part qu’il y a à ce sujet deux dangers à éviter. Le premier est celui de la progression de l’uniformité, effet pervers de la mondialisation ; les politiques culturelles publiques ont ici tout leur rôle à jouer, car elles sont le ferment de la préservation de la diversité culturelle. Mais le deuxième danger n’est-il pas celui d’une juxtaposition sans échange réel entre les cultures ? Chacun s’enferme alors dans son quartier, dans sa communauté, dans sa culture. Ce modèle est remis en question, y compris je crois, dans votre pays. En tout état de cause, entre ces deux dangers, la solution se trouve à mon sens dans le choix d’une ligne de crête exigeante.

Vous avez abordé, madame Motschmann, la question d’un financement des politiques culturelles qui bénéficie aussi aux églises. L’idée est intéressante, mais la laïcité est chez nous un principe qui constitue comme un totem. Chez vous comme chez nous, les communes jouent sinon un grand rôle en matière culturelle. À ce propos, êtes-vous tout comme nous préoccupés par la juste répartition de l’offre culturelle sur l’ensemble du territoire ? Il y a en France, de ce point de vue, des zones blanches qu’il convient de combler.

Je salue enfin l’effort que vous faites, en pays germanique, en faveur de la promotion de l’architecture contemporaine. Si vous dites vouloir vous inspirer de nous en matière de soutien à l’industrie cinématographique, c’est donc à nous de nous inspirer de vous s’agissant de la promotion de l’architecture contemporaine.

M. William Dumas. Comme président de l’établissement public du Pont du Gard, je voudrais aborder l’aspect marchand et l’aspect commercial de la culture. Laissez-moi souligner qu’on ne peut compter seulement sur l’argent public en ce domaine. Vous évoquiez les trois niveaux d’administration en Allemagne ; nous en avons non moins de cinq ! J’ai nommé l’État, les régions, les départements, les communautés de communes et les communes…

Certes, en matière de préservation ou de restauration du patrimoine, le soutien public est acquis, qu’il s’agisse des arènes de Nîmes ou des arches du Pont du Gard. Mais les lieux culturels doivent aussi se prendre eux-mêmes en main. Le Pont du Gard est inscrit au patrimoine de l’humanité. Arles, Nîmes souhaitent le devenir. Cette année, la grotte Chauvet a obtenu ce classement. Située dans un département peu peuplé, l’Ardèche, elle pourrait néanmoins attirer bientôt entre 350 000 et 500 000 personnes par an.

Au Pont du Gard, nous recevons chaque année un million et demi de visiteurs, dont 700 000 sont des étrangers, venant du Royaume-Uni, de la Chine ou de l’Allemagne. Grâce à ces visiteurs, le site peut être entretenu et conservé pour être découvert par le plus grand nombre. Aussi me semble-t-il judicieux de réfléchir à des politiques commerciales adaptées, respectueuses des lieux et de l’héritage culturel et conçues pour un public qui ne soit pas non plus trop nombreux. Car, avec la crise, le financement des dépenses de fonctionnement ne peut plus être pris en charge par les collectivités publiques. Or les charges les plus lourdes sont les charges de fonctionnement, et non les dépenses d’investissement. En Allemagne, quel type de dépenses les collectivités prennent-elles en charge ?

Pour les dix ans de la convention UNESCO sur la diversité culturelle, une mobilisation de grande ampleur serait de mise contre les attentats contre le patrimoine culturel perpétrés par exemple à Palmyre. Ils constituent un désastre humanitaire de grande ampleur. Le site du Pont du Gard est lui aussi un vieux site romain. Peut-être un pont virtuel serait-il envisageable entre les deux sites ? J’y suis totalement prêt.

Enfin, j’ajouterais que les pays en voie de développement ont également besoin de notre soutien. La mise en valeur économique de leurs sites culturels n’en est encore qu’à ses balbutiements. Au Pont du Gard, nous avons ainsi accueilli des délégations tunisiennes et algériennes qui ont été heureuses de s’informer sur le cadre juridique et réglementaire des politiques susceptibles d’être mises en œuvre sur les sites culturels.

M. Michel Herbillon. Cher collègue Burkhardt Blienert, si vous pensez devoir vous inspirer du modèle français, je crois que vous aurez raison de le faire dans le domaine du soutien à l’industrie cinématographique, plutôt que celui des relations entre le Gouvernement et le Parlement. Le modèle allemand me paraît à cet égard supérieur au nôtre, car notre république n’est pas une république authentiquement parlementaire. Je sais que le président du Bundestag, M. Norbert Lammert, a engagé une réflexion au sujet des questions au Gouvernement. Sans doute aurait-il avantage à regarder le déroulement des travaux outre-Manche, où j’ai pu assister à une séance de question time, assurément plus interactive que notre séance de questions au Gouvernement. En France, les choses sont malheureusement assez formatées.

Dans le domaine du cinéma, le modèle français, assez sophistiqué, me semble avoir fait la preuve de son succès. Il constitue sans conteste un élément important de l’exception culturelle. Ainsi, alors que notre production compte encore, la production cinématographique italienne se réduit aujourd’hui hélas à peu de chose, si l’on se souvient de Visconti ou de Fellini, pour avoir été tuée par la télévision commerciale. Nos mécanismes de financement du cinéma, telle l’avance sur recettes, ont empêché cela.

Sans doute l’Union européenne gagnerait à présenter aux citoyens son visage culturel. Alors qu’elle est mise en cause et que des interrogations se font jour sur sa pertinence, cela pourrait être un élément fédérateur et rassembleur de montrer que l’Europe de la culture existe, notamment à destination de la jeunesse. Le patrimoine et la culture sont par eux-mêmes des éléments d’attractivité ; ils illustrent ce qu’est l’Europe, quelle est la diversité de ses monuments et de ses paysages – car la liste du patrimoine mondial établie par l’UNESCO inclut aussi des sites naturels. Trop souvent, la priorité est donnée aujourd’hui aux sujets économiques et sociaux. Je trouve que c’est dommage. Peut-être faudrait-il imaginer de créer un label européen qui soit représentatif de la culture en Europe ? Récemment, deux villes françaises ont été inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO : Albi et Bordeaux. Ce classement constitue un élément d’attractivité pour les touristes européens et extraeuropéens.

Comme il a déjà été dit, la culture est porteuse de sens et d’identité, ce qui en fait un élément fédérateur. Bien entendu, son organisation répond en Allemagne à des caractéristiques particulières, du fait de sa nature fédérale. En France, elle relève d’un ministère central institué en 1958 par le général de Gaulle, et dont André Malraux fut le premier titulaire. Il conduit une action importante vis-à-vis des monuments, des musées ou du spectacle vivant. Mais la politique culturelle se décline aussi aux niveaux régional, départemental et municipal. C’est une problématique très actuelle, car le manque de moyens des collectivités territoriales, aggravé par la réduction des dotations consenties par l’État, produit de fâcheuses conséquences sur le plan culturel.

J’en viens enfin à l’enseignement de la langue allemande en France. La réforme des collègues a suscité en France une polémique. Je m’en suis entretenu avec l’ambassadeur d’Allemagne. Mon groupe politique s’est opposé à la réforme du collège comportant la suppression des classes bilangues. Je voudrais réaffirmer que nous sommes attachés à l’apprentissage de la langue de l’autre et nous serons très attentifs à ce que l’apprentissage de l’allemand se développe dans notre pays.

Permettez-moi de me référer sur ce point à une conférence de presse du général de Gaulle donnée en 1962. Il y affirmait ne pas croire que « l’Europe puisse avoir aucune réalité vivante si elle ne comporte pas la France avec ses Français, l’Allemagne avec ses Allemands, l’Italie avec ses Italiens, etc. Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe, dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et qu’ils avaient pensé et écrit en quelque espéranto ou volapük intégré… ». Ces réflexions pourraient être étendues au domaine de la musique, de l’opéra ou de la peinture. En tout état de cause, nous sommes très attachés, à l’Assemblée nationale, à l’apprentissage des langues.

Mme Valérie Corre. Je vous retrouve également, chers collègues allemands, avec grand plaisir. J’habite Orléans, dans la région Centre-Val-de-Loire, qui est classée au patrimoine de l’UNESCO comme étant un paysage culturel évolutif et vivant. Peut-être aurons-nous l’occasion de nous y rendre ensemble si vous revenez au printemps prochain ?

Le sujet de la diversité culturelle ne laisse pas de donner des motifs d’inquiétude. L’évolution du paysage télévisuel tend à l’uniformisation et au moins-disant culturel. Le recul des langues régionales est également préoccupant, tandis que le français est de moins en moins utilisé dans le monde et que d’autres langues prennent le pas. Notre présence économique et culturelle ne fait ainsi que s’amenuiser.

S’agissant de la pratique de l’allemand, il s’agit d’une question qui se pose depuis de nombreuses années. La réforme dont nous parlons ne nuit en rien aux dispositifs qui incitent notre jeunesse à apprendre l’allemand. Je voudrais donc vous rassurer sur ce point. Les enfants pourront continuer d’apprendre l’allemand en sixième. Un délégué interministériel est chargé de vérifier que, dans toutes les académies, la réponse à la demande et l’organisation pédagogique sont en adéquation avec les objectifs poursuivis.

Quant à notre séance de questions au Gouvernement, je vous avouerais que l’on ne s’y amuse que la première ou la deuxième fois. Mais la lassitude naît bien vite devant cette manière polémique de faire de la politique et ces querelles inutiles.

M. le président Siegmund Ehrmann, coprésident (traduction). Je vous remercie de nous laisser ainsi participer à votre débat sur les classes bilangues. Les observations de nos collègues Michel Herbillon et Patrick Hetzel nous invitent à la réflexion. De notre côté, nous voulons aussi développer les écoles allemandes à l’étranger, qui forment une plateforme capable de compléter l’offre disponible sur place.

S’agissant de la diversité linguistique en Allemagne, nous comptons trois langues autochtones : le frison, le danois et le sorabe. Ces groupes linguistiques existent chez nous depuis toujours. L’État fédéral a la responsabilité de maintenir et de renforcer cette tradition. Des conventions le lient à ces minorités linguistiques. Il leur apporte un soutien financier significatif, car le maintien de cette tradition linguistique et littéraire apparaît comme partie intégrante de la politique culturelle nationale.

Quant à la destruction de biens culturels dans d’autres pays, j’ai évoqué tout à l’heure le rôle que peut jouer le législateur national pour la combattre, mais je dois aussi évoquer la mission remplie par l’Institut archéologique allemand, qui effectue un travail remarquable sur les sites touchés, en partenariat avec les institutions locales.

La région du Pont du Gard est une région merveilleuse. Mais son entretien ne saurait effectivement relever uniquement de l’État. Au contraire, la symbiose entre l’État, le marché et la société civile, à savoir souvent les bénévoles, doit permettre de trouver la meilleure formule, tels les partenariats public/privé que vous avez développés. Le tourisme culturel peut dégager des ressources pour renforcer les infrastructures et soulager ainsi l’État en laissant s’épanouir les forces du marché.

Enfin, la convention de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles doit être mise en relation avec les objectifs du millénaire, c’est-à-dire le développement durable et la réduction de la pauvreté dans le monde. La culture, l’éducation et le développement humain peuvent tous trois concourir de manière importante à ce dernier objectif. C’est pourquoi nos deux commissions doivent continuer à travailler ensemble.

M. le président Patrick Bloche, coprésident. Culture et langue sont indissociables, aussi est-il naturel qu’évoquant l’une, nous parlions aussi de l’autre. Pour ma part, je souhaiterais seulement que l’apprentissage de l’allemand en France ne se confine pas à un débat franco-français, mais que nous nous interrogions plutôt sur les raisons de la baisse observée de part et d’autre du Rhin dans l’apprentissage de la langue du voisin. Cela doit être un débat franco-allemand.

Pour les enjeux du PTCI, nous avons eu le souci que le mandat donné à la Commission européenne n’intègre pas les services audiovisuels, car la culture ne saurait être assimilée à une marchandise comme les autres. Face à la révolution numérique, nous devons affirmer le principe de la neutralité technologique, selon lequel la nature du support ou la dématérialisation de l’œuvre ne remet pas en cause le droit applicable.

S’agissant du modèle français de la laïcité, il n’y a qu’en Alsace-Moselle qu’il ne s’applique pas. L’année 1905 marque une date-clé en ce domaine en ce qui concerne l’entretien du patrimoine. L’entretien de tous les édifices religieux qui lui sont antérieurs relève des collectivités publiques, à savoir de l’État s’agissant des cathédrales et des communes s’agissant des simples églises. Tous les édifices cultuels postérieurs à 1905 sont en revanche à la charge des autorités religieuses. Aucun financement public ne peut en outre servir à des fins de prosélytisme.

Dix ans après l’adoption de la convention UNESCO, le principal enjeu pour le couple franco-allemand consiste à encourager l’application volontaire et constructive des principes qu’elle contient. Ce faisant, nous ne devons pas être animés d’un sentiment de résistance, mais de promotion. Si ces mécanismes d’application reposent sur des canaux nationaux, les défis d’internet sont quant à eux transnationaux. Aussi est-il nécessaire de définir à leur égard des positions communes à l’échelle européenne.

En ce domaine, ce n’est pas seulement la conservation du patrimoine matériel, mais aussi celle du patrimoine immatériel qui posent un problème particulier. Car la numérisation de l’écrit peut également faire naître des risques d’appropriation de ce patrimoine.

Pour ce qui est de l’archéologie, je rappellerais seulement que l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont en effet conduit de nombreuses fouilles à l’époque coloniale. Aujourd’hui, les pays d’origine réclament souvent la restitution du produit de ces fouilles. Cela se heurte en France à une difficulté légale, car le principe d’inaliénabilité du patrimoine public ne permet cette restitution qu’à condition d’une loi expresse en ce sens. Ainsi fut adoptée en 2010 la loi autorisant la restitution à la Nouvelle-Zélande des têtes maories du muséum d’histoire naturelle de Rouen. En ce domaine, il convient cependant d’agir avec mesure, sous peine que la connaissance des autres cultures en pâtisse, et avec elle la prise de conscience qu’il est nécessaire de vivre tous ensemble sur la même planète.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 2 juin 2015 à 16 heures 45.

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, M. William Dumas, Mme Annie Genevard, M. Michel Herbillon, Mme Colette Langlade, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, Mme Régine Povéda, M. Frédéric Reiss, M. Marcel Rogemont, M. Rudy Salles, Mme Claudine Schmid, M. Claude Sturni, M. Patrick Vignal

Excusés. – Mme Huguette Bello, Mme Marie-George Buffet, M. Ary Chalus, M. Jacques Cresta, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Sonia Lagarde, Mme Annick Lepetit, Mme Martine Martinel, Mme Barbara Pompili, M. Christophe Premat, Mme Julie Sommaruga

Assistait également à la réunion. – M. Jean-Claude Mathis