Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires culturelles et de l'éducation > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires culturelles, et de l’éducation

Mercredi 17 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Michel Ménard, vice-président

– Examen de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (n° 2822) (M. Patrick Bloche, rapporteur)

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 17 juin 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)

——fpfp——

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (n° 2822).

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi du groupe Socialiste, républicain et citoyen, relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

Je salue la présence parmi nous de notre collègue Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et je remercie Mme la ministre de la Culture et de la Communication d’avoir accepté d’assister à la réunion de notre commission. Votre présence est d’autant plus indispensable que vous êtes porteuse de plusieurs amendements qui enrichiront ce texte, texte certes technique mais essentiel.

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)

M. Patrick Bloche, rapporteur. J’ai donc le plaisir de vous présenter ce matin mon rapport sur la proposition de loi que j’ai déposée avec Bruno Le Roux, Corinne Erhel et plusieurs députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen, relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT).

La TNT utilise actuellement des bandes de fréquence comprises entre 470 et 790 Megahertz (MHz). Au printemps 2013, le Président de la République a pris la décision de transférer aux opérateurs de réseau mobile la bande comprise entre 694 et 790 MHz, dite « bande 700 MHz». Un arrêté du Premier ministre du 6 janvier 2015 a modifié en conséquence le tableau national de répartition des bandes de fréquence, après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Pour associer les parlementaires à ce processus, l’article 18 de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, issu d’un amendement que j’avais déposé, a créé une commission composée de parlementaires, dite « Commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle » (CMDA). Cette commission s’est réunie deux fois et a rendu son avis public le 13 mai dernier.

Le transfert de la bande 700 MHz poursuit deux objectifs essentiels : accompagner le développement du très haut débit mobile, tout en garantissant dans la durée les intérêts et la modernisation de la TNT, qui demeure, je le rappelle, l’offre gratuite de référence et le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique dans notre pays, puisqu’en contrepartie de l’attribution gratuite d’une fréquence les opérateurs audiovisuels doivent obéir à un cahier des charges qui leur impose de contribuer activement au financement de la création.

En ce qui concerne les besoins des services mobiles, depuis le lancement de l’internet mobile et l’arrivée des smartphones et tablettes, les volumes de données échangées sur ces réseaux connaissent une croissance soutenue. Selon les études, cette croissance, supérieure à 60 % par an ces dernières années en France, devrait se poursuivre à un rythme exponentiel, de sorte que les opérateurs mobiles auront besoin de fréquences nouvelles au plus tard en 2020, c’est-à-dire demain. Il est donc indispensable de créer dès à présent les conditions pour « dégager » de nouvelles fréquences en faveur de ces opérateurs.

Ce transfert s’inscrit par ailleurs dans un mouvement international et européen. Dès 2013, la Commission européenne a lancé une réflexion sur l’avenir de la bande 700 MHz. En septembre 2014, M. Pascal Lamy lui a remis un rapport qui préconise son transfert en 2020, ou plus tôt pour les pays qui le souhaiteraient. Conformément à ces préconisations, une décision européenne demandant aux États membres de libérer la bande 700 MHz avant 2020 pourrait intervenir dès 2016. Plusieurs pays européens ont déjà annoncé leur intention de procéder à ce transfert. C’est le cas de l’Allemagne, qui a déjà engagé la procédure de cession des fréquences. En France, leur vente aux opérateurs mobiles devrait avoir lieu en décembre 2015, après le lancement d’un appel à candidatures en juillet prochain.

La libération de la bande 700 MHz par la TNT se fera en deux grandes étapes. Pour diffuser toutes les chaînes avec moins de fréquences, il faudra d’abord généraliser une norme de compression plus efficace, dite MPEG-4, qui permettra de regrouper l’ensemble des chaînes de la TNT dans six multiplex au lieu de huit. Cette première étape doit être effectuée en avril 2016 – c’est vous dire combien le calendrier est contraint.

Dans un second temps, le CSA devra organiser le dégagement de la bande 700 MHz et le repli de l’offre TNT dans la bande de fréquences restante. Pour ce faire, une campagne de réaménagements des fréquences sera mise en œuvre zone par zone entre octobre 2017 et juin 2019 – vous trouverez dans mon rapport la carte correspondant au calendrier de ces réaménagements. En Île-de-France – c’est la seule exception – les réaménagements de fréquence auront lieu dès avril 2016, pour permettre aux opérateurs mobiles de les utiliser dès cette date.

La proposition de loi prévoit tout d’abord les évolutions législatives nécessaires à la libération de la bande 700 MHz. Elle permet en particulier d’imposer la norme MPEG-4 aux autorisations en cours et facilite la recomposition des multiplex de la TNT – les multiplex R5 et R8 étant voués à disparaître.

Au-delà, elle offre à la TNT les garanties d’un développement durable et d’une modernisation continue. L’article 2, conformément aux recommandations du rapport Lamy, propose ainsi de sanctuariser la bande de fréquences restante, dite « bande UHF », pour la diffusion de la TNT jusqu’en 2030, avec une clause de rendez-vous en 2025. Il s’agit d’une garantie forte, qui doit donner à l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel la visibilité et la sécurité juridique dont ils ont besoin pour continuer à investir et assurer ainsi le succès de la TNT. Je vous rappelle que cette dernière a été créée par une loi de 2000, qu’elle a été mise en œuvre cinq ans plus tard, il y a donc dix ans.

À cet égard, il est important de souligner que la généralisation de la norme de compression MPEG-4 est une chance pour la TNT, car elle permettra de faire passer l’essentiel, voire la totalité des chaînes, en haute définition. Pour l’avenir, la proposition de loi facilite l’introduction de nouvelles normes encore plus performantes et de nouveaux formats comme l’ultra-haute définition, sans qu’il soit besoin de repasser systématiquement par la loi.

Enfin, la proposition de loi prévoit les mesures nécessaires à l’accompagnement des acteurs concernés par la libération de la bande 700 MHz.

Plusieurs dispositifs d’information et d’accompagnement doivent être introduits pour assurer la continuité de la réception par les téléspectateurs. C’est l’objet des amendements identiques que le Gouvernement et votre rapporteur ont déposés conjointement pour leur permettre de passer l’obstacle de l’article 40. Ces dispositifs sont calqués sur ceux mis en place avec succès au moment du passage au « tout numérique » et de l’extinction du signal analogique. Les téléspectateurs qui reçoivent les programmes de télévision par l’antenne râteau devront, avant avril 2016, s’assurer que leur téléviseur est compatible avec la norme MPEG-4. Si tel n’est pas le cas, ils devront faire l’acquisition d’un adaptateur TNT HD, vendu à partir de 25 euros dans le commerce.

Fin 2014, le taux de foyers exclusivement dépendants de la réception par l’antenne râteau et non dotés d’un équipement compatible HD était estimé à 6 %, soit 1,7 million de foyers. Parmi ces foyers, ceux qui sont dégrevés de contribution à l’audiovisuel public bénéficieront d’une aide à l’équipement d’un montant d’environ 25 euros. Cette aide est toutefois ciblée sur les téléspectateurs recevant la TNT par voie hertzienne terrestre. C’est pourquoi je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur la possibilité d’en étendre le bénéfice, pour un montant identique d’environ 25 euros, aux foyers dégrevés de contribution à l’audiovisuel public et disposant d’un accès gratuit à la TNT par le câble ou le satellite.

Entre 2017 et 2019, pendant la campagne de réaménagements des fréquences, les téléspectateurs devront faire une recherche et une mémorisation des chaînes au moment où les opérations techniques se feront dans leur région. Pour les foyers, en nombre limité, qui pourraient perdre la réception de la télévision après ces réaménagements, il faudra soit procéder à une réorientation de l’antenne, soit passer à un moyen de réception alternatif de la télévision – satellite, câble, ADSL ou télévision par internet. Ces téléspectateurs bénéficieront alors d’aides versées sans condition de ressources : une aide à la réorientation de l’antenne, d’un montant maximal de 120 euros par foyer, à laquelle environ 450 000 foyers seraient éligibles ; une aide au passage à un mode de réception alternatif, d’un montant maximal de 250 euros par foyer, à laquelle environ 190 000 foyers seraient éligibles. Par ailleurs, une assistance technique sera assurée auprès des téléspectateurs âgés ou handicapés pour le branchement et le réglage des équipements. Toutes ces aides seront gérées par l’ANFR
– l’Agence nationale des fréquences – qui en a l’expérience et fera ainsi office de « guichet unique ».

Enfin, autre volet essentiel, une campagne de communication nationale à l’attention du public sera mise en œuvre à partir de novembre 2015, voire plus tôt si nous légiférons rapidement. J’insiste sur la nécessité de lancer ce plan de communication le plus en amont possible afin de préparer au mieux les téléspectateurs à ce basculement. On pourrait par exemple envisager de diffuser un bandeau déroulant sur l’ensemble des chaînes de télévision afin de prévenir les téléspectateurs de la nécessité d’adapter leur poste.

Il convient également d’accompagner au mieux les acteurs de l’audiovisuel. L’article 8 de la proposition de loi met ainsi à la charge des opérateurs mobiles l’ensemble des coûts des réaménagements nécessaires à la libération de la bande 700 MHz. L’article 9 met également à leur charge les coûts de résolution des brouillages qu’ils causeront par l’occupation de la bande. Les opérateurs audiovisuels que nous avons auditionnés ne souhaitent pas en effet que l’ensemble de l’opération grève trop lourdement leur budget.

En ce qui concerne le passage au MPEG-4, il présente pour les chaînes des aspects positifs en matière de réduction des coûts de diffusion et d’accroissement de l’offre en haute définition. Se pose néanmoins, madame la ministre, la question de l’indemnisation de la rupture anticipée des contrats de diffusion sur les deux multiplex R5 et R8. Comme vous le savez, l’arrêt anticipé des émetteurs assurant la diffusion de ces deux multiplex suscite l’inquiétude des chaînes concernées, compte tenu des encours qui resteront à honorer dans le cadre des contrats de diffusion qui les lient aux diffuseurs techniques. Ces derniers – au nombre de trois – craignent quant à eux de subir avec cet arrêt anticipé une déstabilisation de leur modèle économique. Quels sont, dès lors, les mesures envisagées afin de limiter les inquiétudes de ces acteurs ?

La CMDA, dans son avis, souligne également l’enjeu que représente l’adaptation au MPEG-4 des postes secondaires afin que l’opération n’entraîne pas une perte d’audience globale pour la TNT. L’aide à l’équipement se limite au poste principal. C’est la raison pour laquelle il me paraît essentiel de bien prendre en compte la question de l’adaptation des postes secondaires dans la communication qui sera faite en direction des téléspectateurs.

Enfin, l’article 30-3 de la loi du 30 septembre 1986 permet aux collectivités territoriales situées dans des zones géographiques qui ne sont pas couvertes par les opérateurs de multiplex de mettre en place une rediffusion locale des services de la TNT à partir d’émetteurs qu’elles opèrent. Près de soixante-dix émetteurs dits « 30-3 », qui reçoivent par satellite le signal de télévision qu’ils rediffusent, devront être adaptés pour continuer à rediffuser les services de la TNT après l’arrêt du MPEG-2. Cela induira un coût, certes assez faible, mais la CMDA a fait part de son souhait de voir les collectivités territoriales concernées bénéficier d’une compensation pour couvrir l’ensemble de leurs coûts. Madame la ministre, que pensez-vous de cette proposition ?

Voilà l’essentiel des enjeux de ce dossier technique, mais qui ne doit surtout pas rester un dossier réservé aux spécialistes, car l’avenir des services mobiles et de la TNT est bien l’affaire de tous.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. À l’initiative de son président, François Brottes, la commission des Affaires économiques s’est saisie pour avis des articles 8 et 9 de la proposition de loi, qui modifient le code des postes et des communications électroniques et portent plus précisément sur des aspects liés aux télécommunications et aux opérateurs de téléphonie, à savoir la prise en charge des coûts des réaménagements résultant du transfert.

L’attribution du spectre et sa gestion dans le temps constituent un enjeu hautement stratégique tant pour le secteur audiovisuel que pour celui des télécommunications. Pour les acteurs de l’audiovisuel, le défi technique et financier est important. Pour les opérateurs de téléphonie mobile, il s’agit de répondre aux besoins liés à la croissance exponentielle des données échangées. Permettez-moi de citer quelques chiffres : le trafic mobile, en constante augmentation, devrait ainsi être multiplié par dix entre 2014 et 2019 ; en 2019, le trafic mondial de données mobiles représentera 292 fois la totalité du trafic mobile et fixe sur IP généré en l’an 2000 ; l’augmentation croissante du trafic mobile s’explique aussi par le développement des objets connectés, dont le nombre atteindra, en France, 16,7 millions d’ici 2019, contre 3,1 millions l’an passé.

Cette tendance ouvre des perspectives considérables de développement de services et d’applications mobiles innovantes à destination de la population et des entreprises, à même de relancer la croissance et l’emploi. La France doit évidemment saisir cette opportunité.

La réaffectation de la bande 700 MHz aux télécommunications permettra d’assurer les besoins croissants en spectre des services mobiles. Elle s’inscrit dans une dynamique mondiale et européenne. Initiée par la Conférence mondiale des radiotélécommunications en 2012, elle a fait l’objet de travaux approfondis au niveau européen.

Afin de garantir le succès de cette réaffectation, la recherche d’un équilibre entre les intérêts de la filière des télécommunications, ceux des acteurs de l’audiovisuel, l’aménagement du territoire et la valorisation du patrimoine de l’État devra être au cœur du processus.

Lors de sa réunion du 10 juin dernier, la commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de la présente proposition de loi. Cette position est néanmoins conditionnée à l’adoption, par votre commission, d’un amendement proposant l’insertion d’une disposition consacrant, dans le code des postes et des communications électroniques, la nécessité de prendre en compte les impératifs d’aménagement du territoire dans le cadre de la procédure d’attribution de fréquences aux opérateurs mobiles. Cette modification s’appliquera tant dans le cas qui nous occupe aujourd’hui que dans celui, probable, de la future libération d’une autre bande de fréquences. Je vous invite donc à voter cet amendement.

Au cours de cette réunion, j’ai été saisie de deux questions dont j’ai promis de me faire le relais auprès de vous, madame la ministre. La première, posée par Mme Jeanine Dubié concerne l’extension, au-delà de la région Île-de-France, de la diffusion de la chaîne France 24, propriété de France Médias Monde et dont l’État est l’actionnaire principal. La seconde touche à la difficulté rencontrée par certains de nos concitoyens pour bénéficier d’une réception de bonne qualité de la TNT.

J’en terminerai par trois points qui me paraissent essentiels à l’équilibre entre tous les acteurs et à une bonne anticipation de la bascule technologique pour garantir un service continu aux téléspectateurs.

Il nous faut d’abord anticiper les stocks nécessaires d’équipements permettant d’adapter les téléviseurs les plus anciens, ainsi que les téléviseurs secondaires.

J’insiste ensuite sur le fait que la communication à destination du grand public, assortie d’un dispositif d’accompagnement des téléspectateurs, engagée le plus en amont possible, sera déterminante.

Enfin, l’évaluation de l’impact de cette réorganisation des fréquences sur les acteurs audiovisuels, tant éditeurs que diffuseurs, me paraît incontournable. Certains acteurs audiovisuels se plaignent de manquer de visibilité, concernant notamment les coûts liés à l’arrêt anticipé des multiplex R5 et R8. On avance, pour l’un et pour l’autre les chiffres de 35 et 60 millions d’euros : êtes-vous d’accord avec cette évaluation ? Plus largement, comment évaluer les préjudices éventuels qu’auront à subir l’ensemble des acteurs ? Est-il prévu de mettre en place un fonds public d’indemnisation ? Par quel tiers de confiance pourrait-il être piloté ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication. Je tiens au préalable à saluer le travail du rapporteur M. Patrick Bloche et de la rapporteure pour avis Mme Corinne Erhel, et à souligner que nous avons tous le souci que le saut technologique soit un vrai progrès pour tous les Français sans exception.

Sous une apparence assez technique, cette proposition de loi, vouée à accompagner une évolution spectaculaire des usages et des technologies numériques, est d’une grande importance politique et me tiens d’autant plus à cœur que je me suis intéressée au sujet sous diverses casquettes. J’avais d’ailleurs annoncé en mai 2013 devant l’IDATE – Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe – la décision de principe prise par le Président de la République d’affecter la bande 700 MHz aux usages mobiles.

L’objet premier de la proposition de loi est de permettre la réaffectation de la bande de fréquences 700 MHz au haut débit mobile, dont les usages sont en très forte augmentation, les Français optant de plus en plus massivement pour la presse en ligne, la vidéo à la demande, la télévision de rattrapage, la radio et la musique en ligne. Il est donc nécessaire aujourd’hui d’accompagner ces usages et de créer un cadre dans lequel les professionnels des médias pourront continuer à innover ; c’est un enjeu essentiel pour l’avenir de notre création et pour la force de frappe de nos industries créatives.

Le deuxième grand objectif du texte est de permettre la modernisation de la TNT, qui est le premier moyen d’accès des Français à la télévision. Elle constitue une plate-forme de référence à laquelle les téléspectateurs sont extrêmement attachés et qui reste aujourd’hui le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique française.

Aujourd’hui, la TNT est plébiscitée par nos concitoyens, et je suis donc très attachée à ce que le rôle social essentiel de cette télévision pour tous puisse être conservé au gré des évolutions des usages et des technologies. La TNT doit donc continuer à proposer des services toujours plus innovants pour répondre aux attentes des acteurs économiques mais surtout pour répondre aux attentes de l’ensemble des téléspectateurs, notamment les plus fragiles économiquement.

Loin de constituer un danger, la progression de la réception de la télévision par l’ADSL et la fibre introduit une concurrence fertile qui rend l’innovation nécessaire. L’augmentation continue de la taille des écrans de télévision et de leur qualité d’image, combinée avec les nouvelles habitudes des téléspectateurs, rendent aujourd’hui inéluctable la généralisation du format de diffusion en haute définition, puis en ultra-haute définition sur la TNT. Les écrans diffusant en 4K et bientôt en 8K sont des innovations incroyables, et il convient d’ores et déjà d’anticiper sur l’arrivée de ces normes de diffusion, qui deviendront très prochainement la qualité de référence.

Afin d’accompagner ces avancées et compte tenu de la rareté du spectre, les technologies de codage vidéo de la TNT doivent également être modernisées. Cette proposition de loi permet donc le remplacement pour toutes les chaînes, dès avril 2016, de la norme MPEG-2, norme standard lancée il y a dix ans, par la norme MPEG-4, qui permet d’optimiser l’utilisation du spectre. Cette nouvelle norme permettra bien à l’ensemble des téléspectateurs d’avoir accès à la totalité des chaînes gratuites en haute définition. C’est l’objet de l’appel à candidatures que vient de lancer le CSA.

Comme pour toutes les migrations technologiques, l’arrêt du MPEG-2 ne doit pas se faire au détriment du public, et nous devons veiller à accompagner cette transition, en particulier auprès des plus fragiles, car la télévision joue un rôle primordial dans la vie de nos concitoyens et dans la fabrication du lien social.

Cette transition fera donc l’objet d’un accompagnement très précis, et je me félicite d’être en phase sur ce point avec le rapporteur, aux amendements duquel le Gouvernement se ralliera, puisque nous avons déposé les mêmes.

Les aides financières et l’accompagnement technique seront mis en œuvre pour permettre aux foyers les plus modestes encore équipés de récepteurs uniquement compatibles avec le MPEG-2 de renouveler leur équipement. Là aussi, vous proposez avec raison, monsieur le rapporteur, de reprendre les dispositifs d’aide prévus pour le passage au « tout numérique », qui ont montré leur efficacité. Le Gouvernement vous soutiendra donc dans cette démarche.

Je serai particulièrement attentive à l’accompagnement de tous les téléspectateurs, de manière à ce qu’aucun foyer, à la veille de l’Euro 2016, ne se retrouve devant un écran noir du fait de cette mutation, y compris ceux qui perdraient l’accès au signal hertzien à l’occasion des replanifications de fréquences. Nous sommes en ordre de marche pour accompagner cette transition et si j’ai tenu à être présente ce matin, c’est pour vous apporter toutes les réponses aux questions que vous vous posez sur les dispositifs de soutien envisagés.

La décision de passer à la norme de compression MPEG-4 ne concerne que la télévision hertzienne terrestre. Vous m’avez interrogée, monsieur le rapporteur, sur l’accompagnement des foyers dépendant du câble et du satellite : la modernisation du parc et du réseau de diffusion relève de la compétence et de la seule responsabilité des opérateurs, que rien n’oblige à passer au MPEG-4 dans les mêmes délais que la TNT. Ils souhaitent le faire pour améliorer la qualité du service rendu à leur public, ce qui est une excellente chose, mais aussi pour optimiser leurs coûts de diffusion. Il est donc normal qu’ils assument le coût de cette migration, comme cela avait été le cas lors du passage au « tout numérique ».

Cette transition sera par ailleurs accompagnée d’une large campagne de communication qui se déploiera à la fois au plan national et au plan local, pour que chacun soit parfaitement informé des événements à venir et puisse s’assurer de la conformité de son équipement. Le Gouvernement est bien conscient des difficultés opérationnelles liées à l’arrêt du MPEG-2 dès avril 2016, mais ce calendrier resserré a aussi pour objectif de répondre rapidement au besoin de libérer des fréquences pour le haut débit mobile. Il correspond peu ou prou à celui adopté par l’Allemagne, selon les préconisations remis par Pascal Lamy à la Commission européenne. Il permettra d’assurer le passage au MPEG-4 avant l’Euro 2016, de manière à ne pas perturber la retransmission de cet événement exceptionnel, et en assurera une diffusion de meilleure qualité.

Enfin, il est nécessaire que la bande de fréquences affectée à l’audiovisuel en dessous de la bande 700 MHz reste allouée à ce secteur au moins jusqu’en 2030, avec une clause de rendez-vous. C’est un signal fort que nous souhaitons envoyer aux éditeurs de services audiovisuels, en les dotant d’une visibilité suffisante pour sécuriser leur prochain cycle d’investissements et accompagner la modernisation de cette plate-forme de référence.

C’est aussi pour accompagner les éditeurs de services de télévision que la proposition de loi prévoit que les coûts des réaménagements nécessaires à la libération des fréquences ne seront pas à leur charge mais à celle de ceux qui en seront les premiers bénéficiaires, c’est-à-dire les opérateurs mobiles.

D’autres professionnels s’inquiètent de l’impact de cette transition, notamment les prestataires techniques de diffusion, qui devront interrompre la diffusion de deux multiplex pour libérer les fréquences. Le Gouvernement a donc décidé de lancer une mission d’expertise, destinée à évaluer le plus précisément possible l’impact économique et financier de l’arrêt du MPEG-2 et de la suppression de ces deux multiplex sur les acteurs de la diffusion. Les conclusions de cette mission fourniront une base solide de diagnostic.

Dans quelques mois, la cession de la bande 700 MHz sera soumise à un processus d’enchères. Le Gouvernement sera naturellement particulièrement attentif à ce que cette opération s’effectue selon des modalités propres à valoriser au mieux les intérêts patrimoniaux de l’État et à ce qu’elle se traduise pour tous les Français par une amélioration de leurs offres numérique et télévisuelle.

En ce qui concerne France 24 enfin, la vocation première de l’audiovisuel extérieur de la France est de porter au-delà de nos frontières un regard français sur l’actualité mondiale. Pour autant, la vitalité de l’activité internationale sur notre territoire, où séjournent de nombreux étrangers, donne toute sa pertinence à une diffusion des antennes de France Médias Monde sur certaines portions de ce territoire. En Île-de-France, RFI est diffusée en FM depuis 1991 et la version française de France 24 a été lancée en TNT le 23 septembre 2014. Dans le cadre des négociations en cours du contrat d’objectifs et de moyens pour 2016-2020, le Gouvernement étudiera les éventuelles opportunités d’extension de cette diffusion. En tout état de cause, dans un cadre financier contraint, ces développements ne pourront être opérés au détriment de la diffusion mondiale des médias de l’audiovisuel extérieur.

M. Michel Pouzol. L’intitulé quelque peu barbare de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre fait en réalité référence au transfert de la bande des 700 MHz vers les services de très haut débit mobile.

Ce texte s’inscrit dans une très longue tradition française d’évolution des normes de diffusion audiovisuelle, de la lointaine bataille entre le PAL et le SECAM au mort-né D2 Mac Paquets, qui préfigurait la haute définition en France, en passant par la création de bouquets commerciaux ou de la TNT compressée en MPEG-2.

Actuellement, la bande 700 MHz est utilisée pour la diffusion des services de la TNT, télévision – gratuite ou payante – reçue grâce aux traditionnelles antennes râteaux. Les chaînes de la TNT bénéficiant d’un accès gratuit et universel revêtent une importance primordiale pour nos concitoyens, dans la mesure où elles participent des missions d’intérêt général qui sont celles de la politique audiovisuelle française. Sa très large couverture, sa qualité d’image, son accès à faible coût font de la TNT l’offre de référence de la télévision française. Aujourd’hui, face à l’arrivée de nouveaux médias audiovisuels, son ancrage dans le paysage audiovisuel français se doit donc d’être renforcé. Il convient dès lors de l’accompagner dans sa modernisation.

La libération de nouvelles fréquences semble par ailleurs indispensable au regard de l’augmentation du trafic des données mobiles et du volume de ces données échangées sur les réseaux grâce aux smartphones et aux tablettes, outils qui ont véritablement révolutionné nos pratiques.

Ainsi un mouvement s’est-il engagé pour permettre l’utilisation d’une partie de la bande de fréquences actuellement utilisée pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre – la bande qui va de 694 à 790 MGz dite « bande 700 MHz» – par les opérateurs de communications électroniques pour des services mobiles à très haut débit.

Il faut rappeler qu’il y a dix ans, le 30 mars 2005, était lancée la TNT. Ce changement a permis d’enrichir l’offre de services payante et gratuite et de redynamiser un secteur fort de notre économie. L’objectif de cette proposition de loi est de poursuivre ce mouvement en développant le très haut débit mobile et en améliorant la qualité d’image en HD voire en ultra-HD, pour tous les téléspectateurs, sur tout le territoire, grâce notamment au basculement de la norme de compression MPEG-2 utilisée aujourd’hui vers la norme MPEG-4, plus performante et moins consommatrice de fréquences, pour une qualité d’image très supérieure.

La catégorie de téléspectateurs concernée par l’évolution de la norme de la TNT diffère selon le mode de réception. Les téléspectateurs recevant la télévision par l’antenne râteau doivent d’ores et déjà vérifier que leur équipement est compatible avec la HD et devront, le 5 avril 2016, date du basculement, procéder à une recherche et à une mémorisation des chaînes de la TNT. En revanche, les téléspectateurs qui reçoivent la télévision par ADSL ou fibre optique ne seront pas concernés par cette opération. Enfin les téléspectateurs recevant la télévision par le câble ou le satellite – nombreux dans les zones blanches – devront vérifier que leur décodeur ou adaptateur est bien compatible avec la HD.

À ce sujet, des amendements du rapporteur et du Gouvernement prévoient la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement devant éviter à ces téléspectateurs de se retrouver devant un écran noir. Ce plan comporte une campagne nationale de communication, une aide financière à l’acquisition d’un adaptateur, ciblée sur les citoyens dégrevés de contribution à l’audiovisuel public, et une assistance technique gratuite destinée aux personnes âgées et handicapées.

Ce changement doit être mis en œuvre selon un calendrier bien défini, le passage au MPEG-4 devant se faire entre le 4 et 5 avril 2016, ce qui évitera d’avoir à effectuer des réglages et aménagements complexes au moment de la diffusion de l’Euro 2016, les manifestations sportives de ce type étant réputées constituer un pic commercial en matière de renouvellement des matériels domestiques.

Nous espérons enfin que la vente des fréquences aux opérateurs de téléphonie mobile desserrera l’étau du dernier budget de la culture de ce quinquennat. C’est en tout cas le vœu que forme le groupe Socialiste, républicain et citoyen pour que la mise en œuvre de cette proposition de loi soit en tout point une opération exemplaire et vertueuse.

M. Franck Riester. Nous nous réjouissons de la généralisation de la haute définition dont va bénéficier la TNT comme de l’affectation de nouvelles fréquences à l’internet mobile haut débit, qui est en pleine expansion. Il ne faut néanmoins pas sous-estimer les conséquences de ces évolutions pour nos compatriotes. En avril 2016, c’est-à-dire dans très peu de temps, le basculement de la norme MPEG-2 vers la norme MPEG-4 risque de se traduire, pour 15 à 20 % des foyers, qui ont acquis leur téléviseur avant 2008, par une interruption de la réception télévisuelle.

Le réaménagement des fréquences entre 2017 et 2019 va par ailleurs imposer à bon nombre de téléspectateurs de modifier leur antenne ou leur installation technique. Certains se verront dans l’obligation de changer de mode de réception de la télévision et de passer du mode hertzien au satellite ou à l’ADSL.

On peut s’étonner, dans ces conditions, de la précipitation dont fait preuve le Gouvernement. Ne vaudrait-il pas mieux laisser aux usagers le temps de s’équiper en téléviseurs compatibles avec la norme MPEG-4 et d’être mieux informés sur les incidences de ces importants bouleversements ? Quant à justifier cette urgence par des impératifs budgétaires, on peut douter du chiffre avancé pour les recettes attendues de la cession de la bande 700 MHz : est-il raisonnable de parler de 2 milliards d’euros, quand l’Allemagne n’en a tiré que 450 millions d’euros ?

Sur la forme ensuite, pourquoi avoir opté pour une proposition de loi plutôt que pour un projet de loi ? Est-ce pour se dispenser d’étude d’impact ? Pourquoi ne disposons-nous pas d’un relevé précis des aides que vous comptez attribuer aux citoyens qui auront besoin d’être accompagnés soit dans le basculement soit dans la réorientation des fréquences ? Pourquoi n’avons-nous aucun élément précis sur la campagne de communication que vous comptez mettre en place pour informer nos compatriotes ?

Je rappelle, pour comparaison, que le basculement de l’analogique vers le « tout numérique » s’était effectué sur trois ans, entre 2009 et 2011, qu’il avait fait l’objet de deux projets de loi, s’était accompagné de la création d’un groupement d’intérêt public, France Télé Numérique, et s’était vu doté d’un budget de 300 millions d’euros, dont au final seuls 110 millions avaient été mobilisés.

Nous attendons donc du Gouvernement, avant le vote en séance plénière, des détails et des engagements, en particulier sur la manière dont il entend accompagner les collectivités locales et les éditeurs que le changement de multiplex expose à de vrais risques financiers, puisqu’ils vont devoir payer des compensations aux sociétés distributrices, principalement TDF, pour rupture de contrat. Seront-ils indemnisés ?

Mme Isabelle Attard. S’il nous faut légiférer sur la bande 700 MHz, c’est que les opérateurs ont besoin de fréquences radioélectriques nouvelles pour faire face à la croissance exponentielle de l’activité numérique. Ces fréquences forment un spectre sur lequel sont émises les communications. Or ce spectre faisant partie du domaine public, c’est bien à l’État de l’attribuer. Il a été décidé de transférer aux opérateurs de télécommunications la bande 700 MHz, actuellement utilisée par la TNT. Les fréquences qu’elle recouvre sont dites « basses » et surnommées les « fréquences en or », car elles présentent le double avantage non seulement de traverser le béton et de bien pénétrer dans les immeubles mais également d’être très utiles dans les zones peu denses où elles assurent une bonne couverture avec un nombre limité d’antennes. Leur réattribution représente donc une reconfiguration majeure du marché de la téléphonie mobile, avec des enjeux comparables à ceux du premier dividende numérique. Elle entraîne également, ce qui n’est pas négligeable, une reconfiguration de la TNT.

La bande 700 MHz représente 30 % des ressources de la TNT, qui couvre pour l’instant 89 % du territoire, alors que l’État s’était engagé sur une couverture à 97 %, sachant que les deux phases d’extension qui restaient encore à conduire ont été suspendues et que le CSA estime que le transfert risque d’entraîner des perturbations dans certaines zones ainsi que des brouillages.

Si cette réaffectation s’inscrit dans le processus d’harmonisation européen faisant suite à la Conférence mondiale des radiotélécommunications de 2012 où il a été décidé de flécher ces fréquences vers les services mobiles à partir de 2015, ne soyons pas dupes : l’objectif est aussi de renflouer les caisses de l’État, puisque le Gouvernement espère tirer de l’opération plus de 2 milliards d’euros, déjà inscrits dans le budget de la défense pour 2015. D’où ce calendrier accéléré, qui prévoit que la proposition de loi soit promulguée fin novembre pour que la bande 700 MHz puisse être attribuée dès la fin de l’année aux opérateurs mobiles.

Des problèmes demeurent néanmoins, liés au fait que les opérateurs et l’État ont des besoins contradictoires. L’innovation et la qualité des services poussent à ce que chaque acteur se voie attribuer une large portion du spectre. Or si l’État veut accroître ses bénéfices, il lui faut vendre le plus grand nombre de lots possible. D’où une première contradiction. L’État souhaite également maintenir un degré de concurrence suffisant entre les opérateurs, ce qui implique que les lots distribués soient assez nombreux mais n’est pas forcément compatible avec la volonté de mettre aux enchères des lots d’une taille satisfaisante.

Reste le problème de Free. L’ARCEP s’était initialement interrogée sur la possibilité de réserver un lot de fréquences à l’opérateur Free, avant d’en être dissuadée par les risques juridiques que comporterait une telle opération. Certes Free dispose de moins de fréquences que les autres opérateurs, et Bouygues Telecom, dans la même situation lors de son arrivée sur le marché, s’était bien vu consentir des avantages visant à palier ce handicap, mais les concurrents de Free ont fait observer que l’entreprise de Xavier Niel avait déjà eu la possibilité d’obtenir des fréquences basses en 2011 lors des enchères de la bande 800 MHz mais avait décliné l’offre, ce qui les amène à considérer que Free n’est pas un nouvel entrant à aider. Qu’en pensez-vous ?

La pression des opérateurs est d’autant plus forte qu’ils ont déjà déboursé beaucoup d’argent lors de l’attribution de la bande des 800 MHz et qu’on leur demande de payer dès 2015 pour des fréquences dont ils n’auront l’usage qu’entre 2017 et 2019. D’où leur manque d’empressement à voir cette loi promulguée.

Par ailleurs, la reconfiguration de la TNT risque d’être coûteuse. Selon M. Olivier Schrameck, président du CSA, 8 % des foyers équipés d’au moins un téléviseur ne sont pas équipés d’un adaptateur TNT compatible avec la norme MPEG-4, ce qui nécessite de prévoir, à l’attention de ces foyers, un plan d’accompagnement qui va générer des coûts supplémentaires.

Le groupe écologiste aurait enfin apprécié que cette reconfiguration soit l’occasion d’organiser un véritable dispositif de soutien à la création audiovisuelle et s’interroge sur la pertinence d’attribuer les 2 milliards d’euros attendus de l’opération au budget de la défense, quand tant d’autres budgets de l’État sont en diminution depuis le début du quinquennat.

M. Rudy Salles. La réaffectation des fréquences de la bande 700 MHz, aujourd’hui utilisée pour la diffusion de la TNT, s’inscrit dans un mouvement international. En effet, le développement de l’internet mobile, la multiplication des smartphones et des tablettes, la croissance continue du volume de données échangées sur les réseaux mobiles rendent absolument indispensable la libération de nouvelles fréquences.

Notre groupe considère que la France doit envisager cette nécessaire transition numérique comme un gisement de productivité, de croissance et d’emplois potentiels. Pour autant, il nous semble impératif d’éviter un écueil : dégager un nouveau dividende numérique destiné à garantir le développement du très haut débit mobile ne doit pas se faire au détriment du téléspectateur, à qui doit être garantie la continuité de la réception audiovisuelle. Madame la ministre, vous nous avez donné sur ce point quelques assurances, nous en attendons le détail.

La présente proposition de loi définit le deuxième dividende numérique et organise les modalités techniques de libération des fréquences tout en assurant une sécurité juridique et une visibilité économique à l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel. Notre groupe soutient ces objectifs, mais il sera particulièrement attentif à ce que la nouvelle affectation des fréquences prenne en compte, d’une part la pérennité du modèle économique des diffuseurs audiovisuels, pour qui l’abandon de ces fréquences nécessitera un basculement vers de nouveaux moyens de distribution et de diffusion, ce qui générera nécessairement des coûts ; d’autre part, la qualité du service proposé au consommateur, que ce soit en matière de très haut débit mobile ou de réception audiovisuelle.

Je défendrai en outre deux amendements à cette proposition de loi, qui poursuivent le même objectif : limiter les dérives de la spéculation financière autour des attributions de fréquences hertziennes aujourd’hui réservées prioritairement à de nouveaux entrants. Ces nouveaux entrants sans surface industrielle ou financière suffisante sont ensuite revendus pour faire une plus-value, ce qui constitue manifestement un détournement de la volonté initiale du législateur. Aussi, tout en défendant le renforcement du pluralisme, je vous proposerai que la priorité systématique accordée aux nouveaux entrants soit supprimée. Le CSA devra simplement être le garant du maintien de la diversité des opérateurs.

M. Jean-Noël Carpentier. Le transfert de la bande 700 MHz vers les opérateurs mobiles s’inscrit dans un cadre international. De ce point de vue, notre pays s’adapte aux évolutions technologiques de notre monde, en particulier au développement de l’internet mobile qui s’accompagne d’importantes mutations culturelles.

Cette proposition de loi permet pour cela la libération de nouvelles fréquences, et notre groupe adhère à ses objectifs servis par un calendrier que je n’estime pas pour ma part trop précipité. Il importe en effet de favoriser le « tout numérique » et de ne prendre aucun retard en la matière : il en va de nos emplois. Des garde-fous sont certes nécessaires, le rapporteur les a évoqués dans son rapport.

Je me félicite également des aides et des accompagnements qui sont proposés, car il ne saurait y avoir de rupture de service.

Enfin, je partage avec mes collègues l’idée qu’il faut réguler les dérives spéculatives, car il n’est pas moral d’investir dans une chaîne à faible coût pour en dégager ensuite une forte plus-value.

M. Marcel Rogemont. Chacun est conscient de la nécessité de cette proposition de loi, qui répond à des impératifs techniques et économiques. Je plaide, cela étant, pour une responsabilisation accrue du CSA au regard des conséquences économiques de ses décisions, dans l’esprit de la loi du 15 novembre 2013.

Les amendements que j’ai déposés vont dans ce sens et entendent mieux encadrer la diversification des opérateurs. Si l’objectif consistant à permettre l’émergence de nouveaux entrants est louable, force est de constater que certains bénéficiaires de fréquence ne se comportent pas de la façon la plus respectable. En témoigne notamment la récente décision prise par la chaîne Numéro 23 de vendre la fréquence qu’elle avait obtenue. Tous les entrants ne sont pas mauvais – je pense en particulier au groupe Next Radio –, mais la diversité ne doit pas se faire à n’importe quel prix, qu’on parle de 90 millions ou des 200 millions pour lesquels Vincent Bolloré a revendu ses chaînes TNT à Canal+. Je trouve ces situations regrettables et, tout en me félicitant que le Gouvernement ait déposé un amendement visant à taxer davantage la vente des chaînes de la TNT, je vous soumettrai pour ma part un amendement ayant pour objet d’inscrire dans la loi une durée de détention obligatoire d’une chaîne avant sa revente.

M. Patrick Hetzel. Le point faible de cette proposition de loi est qu’elle n’est accompagnée d’aucune étude d’impact financier ou industriel, puisque ce n’est juridiquement pas nécessaire. La ministre pourrait-elle nous indiquer si le ministère de la culture et Bercy ont, de leur côté, procédé à des évaluations ?

M. Stéphane Travert. Cette proposition de loi va permettre d’offrir à tous les téléspectateurs de France les nouveaux formats d’image et de son en haute définition. L’arrêt de la norme MPEG-2 et son remplacement par la norme MPEG-4 en avril 2016 nécessite que les personnes disposant de téléviseurs anciens investissent dans un nouvel adaptateur TNT HD externe pour continuer à recevoir la TNT. Pour ce faire, l’État prévoit un plan d’accompagnement qui consiste, d’une part, en une aide financière pour l’achat d’un adaptateur et, d’autre part, en une aide à l’installation via des interventions à domicile pour les personnes âgées ou souffrant d’un handicap. Parallèlement, une campagne de communication nationale sera mise en œuvre à partir de novembre 2015 pour sensibiliser l’ensemble des téléspectateurs. Quelles sont les dispositions envisagées pour répondre aux difficultés, récurrentes et courantes, de réception de la TNT que rencontrent les habitants des zones frontalières – notamment dans le Cotentin où certains foyers voient leur réception brouillée par les ondes plus puissantes des îles anglo-normandes – ou des zones blanches, non couvertes par la TNT ? Le changement de norme de diffusion permettra-t-il de résoudre ces difficultés ?

M. Frédéric Reiss. Il semblerait que l’Allemagne ait opté pour une technologie de flux différente du MPEG-4, à savoir le MPEG-5. En conséquence, les Alsaciens-Mosellans des zones frontalières ne pourront plus regarder les chaînes allemandes via la TNT française, mais uniquement via le satellite ou le câble, offres généralement payantes. Il s’agit des chaînes nationales – ARD et ZDF – mais aussi des chaînes locales comme SWR. À l’heure où l’avenir des classes bilangues s’est assombri, cette perspective n’est pas culturellement anodine dans une région bilingue. Des solutions techniques ont-elles été envisagées au niveau européen pour que les Alsaciens ne soient pas obligés de s’équiper d’un décodeur allemand en plus de l’équipement français ? Je tiens à vous faire part ici de l’inquiétude des élus locaux et de la population de ces régions frontalières, qui risquent de se voir privés de la réception des chaînes allemandes par voie terrestre, alors que l’intensification des relations franco-allemandes est plus que jamais d’actualité.

Mme Colette Langlade. Cette proposition de loi correspond aux attentes de nos concitoyens, à leur intérêt, et sera bénéfique pour l’ensemble des acteurs de la télévision et de la téléphonie mobile. Je m’interroge néanmoins sur le calendrier d’ensemble du projet, qui comprend la vente des fréquences, le changement de norme, la recomposition des multiplex puis les réaménagements des fréquences de la TNT. Ces différentes opérations doivent avoir lieu dans des délais très tendus, qui ne laissent guère de marges d’erreur. Pour que ces délais puissent être tenus, vous avez insisté, monsieur le rapporteur, sur la nécessité que la loi soit votée par le Parlement avant la fin novembre 2015 et qu’une première lecture ait donc lieu avant l’été. Quelles sont les actions que compte mettre en place le Gouvernement avec les régulateurs concernés pour garantir que le calendrier sera bien respecté ?

Mme Annie Genevard. L’objet de ce texte est d’offrir de nouvelles possibilités de développement au numérique mobile pour répondre à l’explosion des usages, en libérant une bande de fréquences dite « bande des 700 MHz », actuellement partiellement utilisée par la TNT. Cet objectif est louable, mais encore faut-il en mesurer les conséquences en termes tout d’abord de perturbations pour la TNT, qui devra s’adapter à de nouvelles fréquences alors que nous sortons à peine du passage de l’analogique au numérique, qui a fourni le premier dividende numérique. Pour avoir éprouvé les effets de cette difficile transition numérique en zone rurale, de montagne de surcroît, je crains que l’opération ne pénalise une fois encore les personnes âgées et défavorisées, équipées d’anciens téléviseurs et grand consommateurs de télévision du fait de leur solitude.

J’attire en second lieu votre attention sur le fait que le développement rapide des technologies hertziennes va concurrencer le développement de la fibre dont les zones rurales sont encore loin d’être équipées. Encore une fois, l’écart se creusera entre les grandes agglomérations, qui bénéficieront de services de plus en plus performants, et le reste du pays qui se désertifiera de plus en plus. À cet égard, nous souscrivons naturellement à l’amendement proposé par la commission des Affaires économiques, tout en craignant qu’il ne demeure un vœu pieux tant sont encore nombreuses les zones blanches où aucune communication n’est possible, même avec le plus performant des mobiles.

Dans cette affaire, j’ai peur que l’objectif non avoué du Gouvernement soit surtout de récupérer rapidement les 2 milliards d’euros de recettes inscrits au budget de la défense, quelles qu’en soient les conséquences sur l’accès de nos concitoyens, surtout les plus défavorisés, aux nouvelles technologies numériques. Sans parler du risque d’augmentation du coût pour les usagers, car il faudra bien que les opérateurs, qui ne semblent d’ailleurs pas très favorables à ce développement prématuré, répercutent les coûts d’accès à ces nouvelles fréquences.

Madame la ministre, vous dites vouloir prendre en compte plus particulièrement la fragilité économique de nos concitoyens, mais la dimension territoriale n’a à aucun moment été évoquée dans votre propos. Pourquoi cette omission ?

Je vous poserai enfin la même question que mon collègue Frédéric Reiss, mais concernant la réception des chaînes de télévision suisses dans les zones frontalières.

M. Jacques Cresta. Le déploiement du code vidéo MPEG-4 s’inscrit dans les évolutions progressives qui ont déjà eu lieu depuis le lancement de la TNT en 2005, sa généralisation en 2011 et la fin de la diffusion en analogique. Néanmoins, chacune de ces étapes a contraint les diffuseurs et les spectateurs à consentir un effort d’investissement. Je m’interroge donc sur la pérennité des matériels dont nos concitoyens devront s’équiper pour pouvoir continuer à regarder leurs programmes, qu’il s’agisse des postes de télévision ou des adaptateurs à connecter aux modèles anciens. Leur technologie sera-t-elle adaptée aux futurs changements technologiques qui toucheront les normes de codage vidéo ?

Les petites chaînes de la TNT devront investir pour modifier le codage vidéo de leurs programmes ; cet effort ne s’avérera-t-il pas lourd pour elles, alors que le passage au MPEG-4 risque d’occasionner des baisses temporaires d’audience et donc de recettes ?

M. Michel Piron. Je tiens à souligner la qualité du travail juridique effectué à l’occasion de ce texte. Comment s’adapter à des techniques et à des pratiques changeant si brutalement ? La question recoupe la frontière des domaines législatif et réglementaire. On se tromperait gravement si la loi précisait de manière excessive le cadre technique, appelé à évoluer rapidement. Ce texte doit bâtir le socle et renvoyer au champ réglementaire le contenu des normes. L’article 9 de la proposition de loi ne s’écarte-t-il pas de cette saine séparation ?

Monsieur le rapporteur, qu’est-ce qui a motivé votre choix du titre « proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre » ?

M. Hervé Féron. L’attribution de nouvelles fréquences à des opérateurs télécoms dès décembre 2015 doit nous permettre de dégager un dividende numérique ayant pour objet de financer l’effort de défense et d’attirer sur notre sol des entreprises intéressées par une bonne couverture du territoire en 4G voire en 5G. Apple a récemment préféré s’installer en Asie plutôt qu’en Europe pour régler les fréquences que pouvait utiliser l’iPhone. Pourriez-vous nous éclairer sur les impacts économiques de l’attribution de fréquences nouvelles dans les années à venir ?

J’attire votre attention sur la menace représentée par Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA) pour le secteur des télécoms : le 20 octobre dernier, Apple a intégré directement à son iPad air 2 une carte sim compatible uniquement avec trois opérateurs du marché américain. Étendue au monde, cette pratique pourrait réduire les opérateurs télécoms à de simples fournisseurs de bande passante. La proposition de loi permet-elle de lutter contre ce danger en renforçant nos fleurons nationaux des télécoms face aux GAFA ? Plus largement, serait-il possible d’accroître les obligations pesant sur ces acteurs installés dans des paradis fiscaux qui inondent nos marchés d’offres de services très compétitives ?

Mme Dominique Nachury. Nous devons rester vigilants sur les conséquences de ce saut technologique pour le public en termes d’achat de téléviseurs ou d’adaptateurs.

On a valorisé la vente des fréquences par l’État à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Les sommes qui seront investies dans l’achat de nouvelles fréquences ne seront pas affectées à la fibre optique. Ne risque-t-on pas d’accuser un retard dans ce domaine ?

Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le rapporteur, tout le monde comprend bien que cette proposition de loi est télécommandée par le Gouvernement.

La logique qui lie les articles de ce texte entre eux repose sur la décision de transférer la bande 700 MHz. Les articles 8 et 9 concernent les coûts des réaménagements, qui seront supportés par les opérateurs via l’extension de la taxe afférente. Dans la mesure où ces obligations financières ont déjà été prévues par la bande 800 MHz, il est normal qu’elles s’appliquent à la bande 700 MHz.

Le traitement des réclamations des téléspectateurs par les opérateurs me paraît à même de répondre aux risques de brouillage de la TNT évoqués par le CSA.

S’agissant de vos amendements, monsieur le rapporteur, l’aide aux téléspectateurs pour le basculement vers la norme MPEG-4 est nécessaire, mais il faudra agir vite car le problème se posera dès les années 2020 avec le basculement vers la norme HEVC. Comment mieux anticiper ces évolutions et adopter une vision de long terme qui fait défaut dans ce texte ? L’information des téléspectateurs est également primordiale, même si l’organisation d’une campagne de communication ne devrait pas trouver de place dans une loi.

Enfin, les amendements AC7 et AC8 augmentent les pouvoirs de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) dans la gestion financière du transfert et lui octroient un droit de communication de la part de l’administration fiscale. Ces extensions répétées s’opèrent sans réflexion globale. L’ANFR disposera-t-elle d’un budget et des moyens suffisants pour remplir efficacement ces nouvelles missions ?

Il ne faudrait pas que la réaffectation de la bande 700 MHz soit uniquement un moyen pour accroître très rapidement les ressources de l’État. Or le Gouvernement a confirmé notre crainte en affectant d’ores et déjà dans le budget de 2015 les 2,1 milliards d’euros attendus.

En l’absence d’étude d’impact, pourriez-vous nous transmettre des éléments chiffrés permettant de disposer d’une évaluation globale de l’ensemble des coûts devant être supportés par les opérateurs bénéficiaires ? Confirmez-vous que la vente aux enchères prévue dans moins d’un mois générera bien une recette de 2,1 milliards d’euros, comme le prévoit l’État ?

M. Christophe Premat. Je souhaite saluer la volonté de mettre en œuvre les mesures législatives permettant le transfert de la bande de 700 MHz, exploitée par la TNT, vers les services de très haut débit mobile. Les objectifs de cette proposition de loi répondent au principe de continuité, d’adaptabilité et d’égalité du service public. Le transfert ne portera ainsi pas préjudice aux téléspectateurs grâce aux mesures d’accompagnement prévues – aides financières, interventions à domicile pour les personnes fragiles et campagnes de communication. Cette proposition de loi répond aux avancées technologiques récentes ; plusieurs pays européens ont déjà annoncé leur intention de réattribuer la bande de 700 Mhz aux services mobiles à très haut débit, ce qui implique que tout le service public évolue afin de satisfaire les besoins collectifs. Enfin, cette opération s’appliquera à l’ensemble du territoire français.

Les plates-formes de codage sont concernées par le sous-titrage Digital Video Broadcasting (DVB) : le passage du MPEG-2 au MPEG-4 permettra-t-il à nos concitoyens d’avoir accès à des programmes sous-titrés sur la TNT ? Sur le même sujet, l’article 4 de la proposition de loi dispose qu’il y a une « possibilité pour le CSA de lancer des appels à candidature pour des standards de diffusion innovants en télévision ». Le CSA pourra-t-il exiger des candidats qu’ils proposent systématiquement une version originale sous-titrée pour les programmes provenant des pays étrangers ?

Par ailleurs, la France devra transposer au plus tard le 1er juillet 2016 une directive européenne de 2013 relative aux précautions à prendre contre l’exposition aux champs électromagnétiques. Qu’est-il fait en cette matière pour le transfert de cette bande ?

M. le rapporteur. Nos échanges de ce matin, auxquels je vous remercie d’avoir si activement participé, montrent toute la place qu’occupe le Parlement dans ce débat.

Monsieur Riester, vous avez regretté que ce sujet ne donne pas lieu au dépôt d’un projet de loi, mais de grandes réformes sont d’origine parlementaire, et je garde à titre personnel un souvenir précieux de la loi créant le pacte civil de solidarité (PACS) il y a quelques années. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, mais nous n’avons pas été « télécommandés », pour reprendre l’expression de Mme Virginie Duby-Muller. Nous avons ainsi fait voter un amendement à la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public créant la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle (CMDA), même si les parlementaires intéressés par ces questions se sont réunis de manière informelle avant même la mise en place officielle de la CMDA.

Il s’agit de poursuivre la modernisation de la TNT, car ce texte s’inscrit dans un processus initié par la loi du 1er août 2000 définissant le cadre législatif du déploiement de la TNT et poursuivi par son lancement effectif, sous l’impulsion d’un grand président du CSA, M. Dominique Baudis. À cette époque, certains demandaient déjà du temps et réclamaient d’attendre le développement de la norme MPEG-4 ; face à ces résistances, M. Baudis avait perçu l’intérêt de la TNT, notamment en termes de pluralisme des opérateurs, et a donc imposé sa mise en œuvre, jusqu’à l’extinction définitive du signal analogique en 2009. Aujourd’hui, nous accomplissons une nouvelle étape qui sera marquée par le passage au tout MPEG-4 en avril 2016 et par le réaménagement des fréquences entre 2017 et 2019. Comme l’ont noté MM. Jean-Noël Carpentier et Rudy Salles, nous nous inscrivons dans un mouvement international et européen. Madame Duby-Muller, nous avons prévu plusieurs dispositions pour que le passage à la norme HEVC dans les années à venir ne nous contraigne pas à modifier la loi. Les évolutions technologiques ne seront donc pas entravées par un retard de la législation.

Le ministère de la défense sera le principal bénéficiaire de cette vente – le montant se trouve d’ailleurs inscrit dans le budget en cours d’exécution –, mais j’ai retenu le souhait, exprimé par M. Michel Pouzol et par Mme Isabelle Attard, de voir une partie du produit de la vente aux enchères de la bande 700 MHz bénéficier au secteur culturel ou à la création audiovisuelle. Je n’ose espérer, madame la ministre, que vous récupériez l’intégralité du montant de cette transaction ; s’il en était ainsi, les budgets qu’obtenait M. Jack Lang entre 1981 et 1986 apparaîtraient soudain bien faibles !

Nous confierons à l’ANFR la mission d’assurer la réussite du passage à la norme MPEG-4 et du réaménagement des fréquences ; elle a déjà montré ses capacités lors du passage au tout numérique, et nous ne devons pas susciter d’inquiétudes excessives, comme la survenue d’un écran noir en avril 2016. Mme Corinne Ehrel préconise avec raison que le calendrier retenu soit évalué avec les opérateurs et les diffuseurs. J’en profite pour remercier la commission des Affaires économiques d’avoir très pertinemment déposé un amendement relatif à l’enjeu essentiel de l’aménagement du territoire, notamment dans l’attribution de la bande 700 MHz aux opérateurs mobiles. Je souhaiterais que notre Commission intègre cette préoccupation dans le texte.

Il importe également de prendre en compte les inquiétudes relatives aux zones frontalières ; en 2009, le passage au numérique avait déjà entraîné une perte de la réception des chaînes étrangères qui étaient reçues en analogique dans ces territoires. Il s’agit donc d’un problème ancien, mais qui s’avère indépendant des normes, si bien que l’on peut être rassuré sur ce point.

Madame Annie Genevard, je partage votre préoccupation de ne pas creuser les inégalités territoriales – notamment au détriment des zones rurales de montagne – et sociales. Tous les spectateurs doivent bénéficier d’une réception télévisuelle de bien meilleure qualité.

Madame la rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, vous avez lancé une alerte sur le besoin de disposer d’un stock d’adaptateurs suffisant pour pouvoir équiper l’ensemble des postes de télévision, y compris secondaires. Notre rapidité à adopter ce dispositif législatif constituera une garantie pour que les fabricants s’inscrivent dans cette dynamique.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir évoqué le déploiement d’une mission d’expertise pour les trois diffuseurs techniques qui subiront le plus l’impact de l’arrêt des multiplex R5 et R8. Cela prouve que le Gouvernement a bien à l’esprit la nécessaire indemnisation financière résultant de la fin anticipée des contrats. Madame Ehrel, vous avez souligné l’importance de l’évaluation de cette indemnisation, car nous avons entendu, au cours des auditions que nous avons conduites, des chiffres très différents. Les diffuseurs techniques et les chaînes de télévision doivent être indemnisés à hauteur du préjudice réellement subi.

La situation de Free ne concerne pas directement le travail que nous effectuons ce matin. Les opérateurs mobiles devront supporter des coûts, comme l’a indiqué Mme Duby-Muller, liés à l’acquisition des nouvelles fréquences libérées de la bande 700 MHz, aux réaménagements de fréquences et à la résolution des brouillages.

Monsieur Christophe Premat, le sous-titrage se développe déjà actuellement et l’on peut souhaiter que ce mouvement se poursuive afin de satisfaire davantage les téléspectateurs, mais cette évolution n’est pas conditionnée par un changement de norme.

La stimulation de la diversité doit-elle venir des opérateurs actuels ou doit-on privilégier l’entrée de nouveaux entrants ? Certains amendements nous offriront l’opportunité de nous pencher sur cette question, notamment celui traitant de la revente de la chaîne Numéro 23. À ce sujet, comme l’a fait remarquer M. Marcel Rogemont, la deuxième lecture du projet de loi porté par M. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, a intégré le passage de 5 à 20 % du taux de la taxe appliquée à la revente d’une chaîne de la TNT acquise moins de cinq ans auparavant. Ceux qui soutiennent cette avancée ne devraient donc pas voter la motion de censure contre le Gouvernement !

Mme la rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Madame Genevard, M. le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique a signé un accord le 21 mai dernier avec les opérateurs télécoms sur la résorption des zones blanches. Transcrit dans le projet de loi pour la croissance et l’activité à l’article 33 septies D, il pose l’obligation de résorber les zones blanches en 2G au plus tard le 31 décembre 2016 et celles en 3G le 30 juin 2017.

Intégrer la préoccupation de l’aménagement du territoire dans le texte s’avère important pour que cette opération et celles qui suivront respectent les orientations de cette politique publique.

Le cahier des charges à destination des opérateurs est en cours d’élaboration ; il vise à définir un cadre stable, lisible et équitable pour les acteurs, car le secteur des télécoms se trouve depuis quelques années sous tension.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication. M. le rapporteur a excellemment répondu aux interrogations soulevées par les membres de la Commission, ce qui prouve bien que cette proposition de loi n’est pas « télécommandée » par le Gouvernement, contrairement au terme désobligeant qui a été employé.

En mai 2013, lors de la présentation d’un rapport du DigiWorld Institute, anciennement Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE), j’ai annoncé la décision de principe, prise par le président de la République, de réaffecter la bande 700 MHz. La loi créant la CMDA date du 15 novembre 2013 ; en octobre 2014, à l’occasion d’un colloque au CSA, le président de la République a affirmé que la procédure de transfert de la bande serait engagée en 2015. Nous suivons donc ce calendrier sans précipitation particulière.

Le Gouvernement, comme l’ensemble des députés qui soutiendront ce texte, prend en compte l’évolution des usages et des attentes des téléspectateurs ; nous devons faire profiter nos concitoyens du saut technologique tout en intégrant les exigences liées à l’aménagement du territoire et la préoccupation de ne pas voir nos concitoyens les plus fragiles économiquement confrontés à des difficultés lors du basculement ou de la nouvelle planification des fréquences. Trop de frilosité nuit aux Français, qui doivent bénéficier de l’apport des nouvelles technologies et d’une meilleure couverture mobile, dans les zones saturées comme l’Île-de-France comme dans les territoires plus isolés. Depuis deux ans, nous avons préparé le changement d’avril 2016 en engageant la réflexion sur le tableau national de la répartition des bandes de fréquences avec l’ANFR, en consultant l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel pour mesurer l’impact économique et technologique de ce basculement, en conduisant des expériences permettant d’évaluer les brouillages aux frontières et en discutant avec les pays limitrophes pour anticiper la gestion du basculement.

Nous conduirons une étude sur l’impact économique et financier de cette opération pour les télédiffuseurs, à laquelle le Parlement sera étroitement associé. La CMDA a, par ailleurs, été informée des résultats des consultations qui ont été menées par mes services depuis près de deux ans.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre 1er
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relatives à la liberté de communication

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement AC20 de M. Franck Riester. 

M. Franck Riester. La proposition de loi ne précisant pas le caractère spécifique des distributeurs de programmes audiovisuels, cet amendement vise à pallier cette lacune.

M. le rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, et j’ai d’ailleurs participé avec M. Franck Riester à un colloque organisé par des distributeurs qui nous a permis d’appréhender leur rôle essentiel et particulier. Ces acteurs constituent un maillon fondamental de la création de valeur du programme télévisuel. Ils participent en outre au rayonnement international de la culture française.

Votre amendement proclame une reconnaissance et n’a pas de portée normative. J’en comprends l’intérêt et me retourne vers Mme la ministre. Son avis sera le mien.

Mme la ministre. Je souscris également à l’intention affichée par le texte de cet amendement, mais j’émets un avis défavorable à son adoption puisqu’il est dénué de portée normative. En outre, il ne définit pas la notion de programme audiovisuel et son objet ne possède pas de lien avec la présente proposition de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Article 1er : Habilitation du pouvoir réglementaire pour modifier les normes techniques au cours de la période de validité des autorisations

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Attribution de la bande UHF au CSA pour la TNT jusqu’au 31 décembre 2030

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 : Régime des recompositions de multiplex

La Commission examine l’amendement AC17 de M. Franck Riester. 

M. Franck Riester. Il s’agit de supprimer la référence à l’article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui régit les autorisations allouées par le CSA à la radio numérique terrestre (RNT). Cette proposition de loi concernant la TNT, il nous semble pertinent de dissocier les deux domaines et d’abandonner toute référence à la RNT.

M. le rapporteur. Je vous remercie, messieurs Riester et Kert, d’avoir déposé cet amendement ; le CSA vient de lancer des consultations publiques pour le déploiement de la RNT dans vingt nouvelles zones, après son lancement à Paris, Marseille et Nice en juin 2014. Modifier maintenant le cadre juridique de la RNT s’avérerait donc particulièrement inopportun, et votre amendement permet de lever toute ambiguïté et d’affirmer que cette proposition de loi n’a pour seul objet, comme l’indique son titre, que la poursuite de la modernisation de la plate-forme TNT. J’émets donc un avis favorable à son adoption.

Mme la ministre. Je partage totalement l’argumentation développée par M. le rapporteur et suis donc également favorable au vote de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Possibilité pour le CSA de lancer des appels à candidatures pour tout standard de diffusion innovant de la TNT

La Commission est saisie des amendements identiques AC16 de M. Rudy Salles, AC19 de M. Franck Riester et AC22 de M. Marcel Rogemont.

M. Rudy Salles. Le terme de « diversification » implique l’augmentation du nombre d’opérateurs et me semble trop large. En effet, ce système entraîne une spéculation financière profitant à de nouveaux entrants qui cèdent leurs chaînes à de grands groupes pour des sommes extrêmement élevées. En décembre 2012, la chaîne Numéro 23 a été lancée sur la TNT, mais ses actionnaires ont récemment annoncé leur intention de céder la société pour 88,3 millions d’euros à NextRadio TV. Cette vente symbolise l’échec de la diversification et le contournement de l’esprit de la loi par des entreprises pour servir leurs intérêts et réaliser une plus-value. Cette situation ne doit pas perdurer, et nous devons abandonner le terme de « diversification », beaucoup trop vaste, qui ouvre la porte à des entreprises qui ne respectent pas les objectifs de la loi du 30 septembre 1986. Il est donc proposé de le remplacer par le mot de « diversité », qui semble plus approprié car il n’obligerait pas le CSA à autoriser de nouveaux entrants.

M. Franck Riester. L’arrivée de nouveaux entrants ne doit pas être obligatoire, et il convient de laisser au CSA la faculté de la refuser.

M. Marcel Rogemont. La responsabilité du CSA dans l’affectation des fréquences est importante sur le plan économique ; le CSA doit pouvoir évaluer précisément les dossiers qui lui sont soumis. L’équipe de Numéro 23 avait mis en avant une diversité très particulière reposant sur le nombre de femmes et de handicapés, et calquée sur les obligations imposées aux chaînes et contrôlées par le CSA. Dès le début, ce dossier était insoutenable, et l’expérience a montré que le dessein de la société ne concernait pas la promotion de la diversité sous quelque forme que ce soit, mais bien la réalisation d’une opération financière. Cela est tout à fait regrettable, et je remercie le Gouvernement d’être revenu sur sa position et d’avoir accepté d’augmenter la taxation sur la vente des chaînes dans le projet de loi Macron. Nous devons tirer les leçons de cet épisode malheureux : je fus très favorable à l’arrivée de nouveaux entrants, mais j’estime aujourd’hui que l’on peut laisser au CSA une plus grande liberté dans le choix d’accepter ou de refuser l’arrivée de nouveaux acteurs.

M. le rapporteur. L’objectif de ces amendements est de faire en sorte que le CSA favorise la diversité dans les autorisations qu’il délivre, sans qu’il ne soit pour autant contraint à rechercher obligatoirement de nouveaux entrants. L’expérience de la chaîne Numéro 23 stimule en effet notre volonté de veiller à empêcher l’arrivée d’acteurs n’ayant pas de réel projet de développement de la TNT. Cependant, les quatre amendements identiques suivants, qui visent à modifier l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, poursuivent plus efficacement ce but que les trois que nous examinons.

Dans un souci de cohérence avec l’avis favorable que j’ai émis pour l’adoption de l’amendement AC17 de M. Franck Riester, je demanderais aux trois auteurs de ces amendements de les retirer, car ils auraient un impact sur la RNT. Cette proposition de loi ne concerne que la TNT, et la modification de l’article 29 de la loi de 1986 aurait des conséquences potentiellement importantes pour la radio qu’il nous est difficile d’évaluer ; la radio constitue un secteur sensible dans lequel la diversification des opérateurs ne se pose pas du tout dans les mêmes termes que pour la télévision.

En résumé, je vous propose de retirer les amendements AC16, AC19 et AC22, et souhaite, afin d’atteindre notre objectif commun, que la Commission adopte les amendements identiques AC25, AC15, AC18 et AC21.

Mme la ministre. Même avis. Nous souhaitons tous qu’un vrai pluralisme anime le marché de la TNT tout en permettant aux chaînes de trouver un modèle économique durable, qui assure la production et la diffusion de programmes de qualité au bénéfice du public. Cet article 29 de la loi de 1986 sert de fondement au processus d’autorisation en radio comme en télévision, et ces trois amendements auraient un impact considérable pour le secteur radiophonique dont les ressorts économiques diffèrent fortement de ceux de la TNT. Je partage donc la recommandation de M. le rapporteur de retirer ces amendements au profit des suivants, qui ne visent que la TNT.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient aux amendements identiques AC25 du rapporteur, AC15 de M. Rudy Salles, AC18 de M. Franck Riester et AC21 de M. Marcel Rogemont.

M. le rapporteur. Nous devons viser l’article 30-1 de la loi de 1986 pour ne faire le choix de la diversité – et non plus de la diversification – que pour la TNT.

M. Rudy Salles. Défendu.

M. Franck Riester. Défendu.

M. Marcel Rogemont. Défendu.

M. Christophe Premat. Monsieur le rapporteur, l’adoption de ces amendements a-t-elle bien pour conséquence de maintenir la notion de diversification dans la RNT et de la remplacer par celle de diversité dans la TNT ?

M. le rapporteur. Nous ne traitons que de la TNT et laissons de côté le secteur radiophonique, y compris la RNT. Ces quatre amendements identiques cherchent à ce que le CSA, lorsqu’il attribue de nouvelles fréquences, ne pense pas que le législateur souhaite à tout prix l’arrivée de nouveaux entrants.

L’expérience du déploiement de la TNT, depuis la constitution de son cadre législatif jusqu’aux épisodes récents qui ont été évoqués, nous incite à stabiliser son paysage au moment où nous changeons de mode de compression et où nous réaménageons les fréquences. Nous voulons également sécuriser la situation des opérateurs audiovisuels actuels de la TNT. Comme le souligne souvent son président, M. Olivier Schrameck, le CSA se montre particulièrement sensible à la volonté du législateur, et il convient de lui envoyer le message contenu dans ces amendements.

M. Franck Riester. Il faudrait vérifier si le retrait des amendements visant l’article 29 de la loi de 1986 et le vote de ceux touchant à l’article 30-1 de cette même loi n’introduisent pas une contradiction. Il sera peut-être nécessaire de déposer un amendement solide juridiquement au moment de la discussion en séance publique.

M. le rapporteur. Je précise à nouveau que l’article 29 touche la radio et la télévision, alors que l’article 30-1 ne concerne que la TNT ; en conséquence, si nous voulions le modifier sans changer le régime applicable à la radio, nous devrions effectuer un travail chirurgical de réécriture d’ici à la séance publique.

M. Marcel Rogemont. L’expérience des affectations de fréquences pour la radio a connu les mêmes vicissitudes que celles constatées pour la télévision. De nombreuses stations ont ainsi été revendues peu après leur attribution. Le paysage de la radio, notamment celui de la RNT, mérite toutefois d’être davantage nourri que celui de la télévision.

M. le rapporteur. La télévision a bien basculé au tout numérique en 2009, mais la RNT n’existe pas encore totalement, la bande FM restant le principal moyen de diffusion de la radio aujourd’hui. Si nous avions voté les amendements précédents, nous aurions créé un bouleversement majeur pour l’ensemble de la bande FM.

Mme la ministre. J’émets un avis favorable à l’adoption de ces quatre amendements identiques.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Conditions de retrait des autorisations accordées aux opérateurs de multiplex

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6 : Conditions de retrait des autorisations accordées aux collectivités territoriales, propriétaires de constructions, syndicats de copropriétaires et constructeurs

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Article 7 : Abrogation de dispositions obsolètes

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Après l’article 7

La Commission examine les amendements identiques AC12 du rapporteur et AC1 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Cet amendement de coordination vise à regrouper au sein d’un chapitre nouveau intitulé « Aide et information au téléspectateur » le dispositif d’accompagnement des téléspectateurs prévu aux articles 99 à 101 de la loi du 30 septembre 1986.

Mme la ministre. Un saut technologique peut susciter des craintes, que nous souhaitons lever en accompagnant nos concitoyens.

Le Gouvernement retire les amendements qu’il a déposés sur cet article et les suivants et soutient ceux présentés par M. le rapporteur.

L’amendement AC1 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC12.

La Commission examine les amendements identiques AC10 du rapporteur et AC2 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’instaurer un dispositif d’accompagnement afin que les téléspectateurs puissent continuer à recevoir les services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre à l’occasion du changement de normes de diffusion et des opérations de réaménagement des fréquences audiovisuelles.

Ce dispositif, qui reprend celui mis en place avec succès pour l’arrêt de la diffusion analogique, reposera sur une aide à l’équipement au bénéfice des foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public, un soutien sans condition de ressources destiné à permettre l’intervention sur le dispositif de réception, une assistance technique en faveur des personnes âgées ou handicapées et l’organisation de campagnes de communication destinées à assurer la meilleure information des téléspectateurs.

Mme la ministre. Le Gouvernement souhaite que le législateur accompagne les téléspectateurs pour qu’ils continuent à recevoir les programmes de télévision. Ce plan d’accompagnement comporte plusieurs volets.

Tout d’abord, lors du basculement d’avril 2016, les foyers dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public recevront une aide pour acquérir un adaptateur MPEG-4, celui-ci coûtant 25 euros, et nous veillerons à ce que suffisamment de boîtiers soient disponibles à cette date ; cela permettra à nos concitoyens de continuer à bénéficier des programmes de la TNT et de recevoir les six nouvelles chaînes gratuites diffusées depuis décembre 2012 auxquelles ils n’avaient pas accès. Ces foyers profiteront donc d’une amélioration de la qualité du service audiovisuel. Pour les foyers les plus modestes, cette dépense de 25 euros peut ne pas être dérisoire, et le Gouvernement désire couvrir les frais de l’achat d’un adaptateur MPEG-4.

Nous déploierons également un dispositif d’assistance technique en faveur des personnes âgées de plus de 70 ans ou en situation de handicap. Il reposera sur une intervention à domicile pour l’installation et le réglage d’un téléviseur ou d’un adaptateur.

Dans le cadre du réaménagement des fréquences sur les émetteurs à partir de 2016, une aide à la réception de la TNT sera fournie aux téléspectateurs qui la perdraient. Ce soutien atteindra 120 euros par foyer pour l’adaptation ou la réorientation de l’antenne râteau dans les zones où cette solution suffira pour recouvrer la bonne réception de la TNT. Dans les endroits où la TNT ne sera plus captée, une aide de 250 euros par foyer, allouée sans condition de ressources, financera l’acquisition d’un mode de réception alternatif comme le satellite.

Enfin, des campagnes de communication pluri-médias seront organisées nationalement et localement, afin d’assurer la bonne information des téléspectateurs. Les décrets d’application seront publiés dès la promulgation de la loi pour que l’ensemble de ces dispositions entrent rapidement en vigueur. Les budgets nécessaires ont été prévus, et il n’y a donc aucune inquiétude à nourrir sur le bon accompagnement de nos concitoyens.

M. Christophe Premat. Le zonage géographique constituera une dimension cruciale de la migration : quelle est la cartographie de l’information à établir ?

Mme la ministre. Le basculement s’opérera région par région, et nous préparons la planification de cette opération. Nous prévoyons également la mise en œuvre d’une campagne d’information, qui sera financée par des crédits importants et qui sera déclinée localement selon la date du basculement.

M. Franck Riester. Madame la ministre, vous évoquez un basculement région par région, mais c’est l’ensemble de la France qui connaîtra un changement de norme en avril 2016. Ensuite, la réorganisation des fréquences s’opérera zone par zone, mais l’impact sera moins lourd que pour celui du basculement d’avril prochain.

Mme la ministre. Le remplacement de la norme MPEG-2 par la MPEG-4 s’opérera bien en avril 2016, et la libération des fréquences aura bien lieu plaque par plaque, comme cela est toujours le cas. Voilà pourquoi nous avons prévu une aide à l’équipement permettant d’acquérir le boîtier nécessaire à la réception du signal en MPEG-4 et une aide à la réception pour nos concitoyens qui ne recevraient plus le signal à l’occasion des libérations par plaque.

M. Franck Riester. Le remplacement de l’analogique par le tout numérique s’était effectué région par région en même temps que la réorganisation des fréquences, alors que la séparation des deux processus rendra plus difficile le basculement du MPEG-2 au MPEG-4.

M. le rapporteur. Le basculement vers la norme de compression MPEG-4 s’effectuera en effet en une nuit pour l’ensemble du pays. Le réaménagement des fréquences, indispensable pour libérer la bande 700 MHz aura lieu ensuite. Le CSA a modifié la carte de cette opération, qui se déroulera d’octobre 2016 à juin 2019. En Île-de-France, ces deux actions se feront en même temps. La campagne de communication doit permettre de dissiper les inquiétudes : il sera éventuellement nécessaire d’acquérir un adaptateur, et non d’acheter un nouveau téléviseur ! La plupart des chaînes pourraient diffuser un bandeau déroulant alertant sur le besoin de brancher un adaptateur pour recevoir la norme de compression MPEG-4. Il convient d’être imaginatif, et les campagnes de communication devront être ciblées territorialement.

Le basculement vers la norme de compression MPEG-4 interviendra dès avril 2016, et la commission des Affaires économiques a eu raison de pointer la nécessité de disposer d’un nombre d’adaptateurs suffisant à cette date. Il convient donc que la campagne d’information débute le plus vite possible. Ce calendrier très exigeant constitue l’élément le plus saillant de l’avis de la CMDA rendu le 13 mai dernier, Mme Corinne Ehrel, les sénateurs MM. Bruno Retailleau et David Assouline et moi-même ayant été très assidus aux travaux de cette commission.

Mme la rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, l’évaluation des stocks d’adaptateurs couvre-t-elle bien les postes secondaires et pas uniquement les principaux ? Ces appareils sont en effet nombreux et peuvent être majoritairement incompatibles avec la norme MPEG-4. Cette question est souvent revenue au cours des auditions que j’ai organisées.

Mme la ministre. C’est exactement l’objet des discussions conduites actuellement entre l’ANFR et les équipementiers ; l’Agence s’assure depuis le mois de mai que les acteurs du marché développent une capacité de production suffisante pour qu’il y ait assez de boîtiers en avril prochain.

L’amendement AC2 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC10.

La Commission étudie ensuite les amendements identiques AC9 du rapporteur et AC3 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination visant à abroger des dispositions obsolètes de la loi du 30 septembre 1986 sur l’extinction du signal analogique.

L’amendement AC3 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC9.

Chapitre 2
Dispositions modifiant le code des postes et des communications électroniques

Article 8 : Prise en charge du coût des réaménagements de fréquence par les opérateurs de communications électroniques

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC24 du rapporteur.

Puis elle en vient aux amendements identiques AC11 du rapporteur et AC4 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre le préfinancement, par le fonds de réaménagement du spectre géré par l’ANFR, des dépenses occasionnées par la libération de la bande 700 MHz, qui seront supportées par les opérateurs mobiles. Ce dispositif s’inspire du mécanisme de financement du coût des réaménagements nécessaires à la mise à disposition des fréquences déjà assignées aux opérateurs de communications électroniques. Il trouve logiquement sa place à l’article 8 de la proposition de loi.

Mme la ministre. Le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement.

L’amendement AC4 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC11.

La Commission adopte ensuite l’article 8 modifié.

Après l’article 8

La Commission est saisie de l’amendement AC13 de la commission des Affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise à consacrer dans le code des postes et des communications électroniques la nécessité de prendre en compte l’aménagement du territoire dans le cadre d’une procédure d’attribution de fréquences aux opérateurs mobiles. Cela concerne donc la présente proposition de loi, ainsi que les éventuels textes qui auraient le même objet à l’avenir. Les échanges que nous avons eus à la CMDA ont montré que cette préoccupation était partagée par tous.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

Mme la ministre. J’émets un avis très favorable à l’adoption de cet amendement, et je me réjouis que cet engagement puisse trouver sa traduction législative dans ce texte et dans le projet de loi pour la croissance et l’activité.

La Commission adopte l’amendement.

Article 9 : Extension à la bande 700 MHz de la taxe instituée pour couvrir les coûts de résolution des brouillages en bande 800 MHz

La Commission examine les amendements identiques AC8 du rapporteur et AC5 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet de conférer à l’ANFR un rôle de guichet unique en lui confiant la gestion des aides, de l’assistance technique aux téléspectateurs et de la campagne nationale de communication.

Mme la ministre. Avis très favorable. Dans le cadre du fonds d’accompagnement au numérique, l’ANFR assure la gestion des aides ; elle dispose déjà d’un centre d’appel et d’un site internet dédié aux téléspectateurs, et elle aura les moyens nécessaires – autour de 80 millions d’euros – pour mener ces nouvelles opérations pour lesquelles elle jouit d’une forte légitimité.

M. Franck Riester. Dans quelle ligne budgétaire seront inscrits ces 80 millions d’euros, madame la ministre ?

Mme la ministre. D’après nos estimations actuelles, les aides à l’équipement représenteraient 2,4 millions d’euros, celles à la réception 48 millions d’euros, l’assistance technique pour les personnes âgées et handicapées 6,5 millions d’euros, et un peu plus de 25 millions d’euros seraient consacrés aux campagnes de communication. L’ANFR recevra une dotation budgétaire de l’État atteignant donc environ 80 millions d’euros pour l’ensemble de l’opération.

L’amendement AC5 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC8.

La Commission adopte l’article 9 modifié.

Chapitre 3
Dispositions diverses et finales

Article 10 : Fin de la double diffusion HD/SD des chaînes privées

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Après l’article 10

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC7 du rapporteur et AC6 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Il s’agit de mettre en place au bénéfice de l’ANFR le dispositif développé en faveur du groupement d’intérêt public (GIP) France Télé Numérique pour l’extinction du signal analogique. Afin de permettre la prise en charge financière de l’achat d’adaptateurs pour les foyers dégrevés du paiement de la contribution à l’audiovisuel public, l’ANFR, guichet unique, doit disposer des informations que seule l’administration fiscale peut lui transmettre.

Mme la ministre. Avis favorable.

M. Michel Ménard, Président. La différence entre les deux amendements est d’ordre rédactionnel.

L’amendement AC6 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AC7.

Article 11 : Application sur l’ensemble du territoire de la République

La Commission examine l’amendement AC23 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’article 11 de la proposition de loi prévoit que seul l’article 8 n’est pas applicable à l’ensemble du territoire de la République. Or c’est également le cas de l’article 9 qui modifie le I. bis de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques afin d’étendre à la bande 700 MHz la taxe instituée pour financer le recueil et le traitement des réclamations des téléspectateurs relatives aux brouillages causés par la mise en service des stations radioélectriques dans la bande 800 MHz. En effet, le I. bis de l’article L. 43 n’est pas applicable en outre-mer, de même que les articles R. 20, R. 44, R. 26 et suivants du même code qui précisent ses modalités d’application.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

La Commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à midi vingt.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2016 :

    Avis budgétaire

Rapporteur

    Mission Action extérieure de l’État

    1. Diplomatie culturelle et d’influence

M. Yves Durand

    Mission Culture

    2. Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Mme Marie-Odile Bouillé

    3. Patrimoines

M. Michel Piron

    Mission Enseignement scolaire

    4. Enseignement scolaire

Mme Barbara Pompili

    Mission Médias, livre et industries culturelles

    5. Médias : Audiovisuel – Avances à l’audiovisuel public

M. Jacques Cresta

    6. Presse

M. Michel Françaix

    7. Livre et industries culturelles

Mme Virginie Duby-Muller

    Mission Recherche et enseignement supérieur

    8. Recherche

Mme Sophie Dion

    9. Enseignement supérieur et vie étudiante

Mme Anne-Christine Lang

    Mission Sport, jeunesse et vie associative

    10. Sport, jeunesse et vie associative

M. Guénhaël Huet

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a également désigné Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France (n° 2183).

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 17 juin 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Brigitte Bourguignon, M. Emeric Bréhier, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-Noël Carpentier, M. Jean-François Copé, Mme Valérie Corre, M. Jacques Cresta, M. Pascal Deguilhem, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Michel Françaix, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, Mme Gilda Hobert, M. Guénhaël Huet, Mme Colette Langlade, Mme Annick Lepetit, M. Michel Ménard, Mme Dominique Nachury, M. Christian Paul, M. Michel Pouzol, M. Christophe Premat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, M. Rudy Salles, M. Claude Sturni, Mme Sylvie Tolmont, M. Stéphane Travert

Excusés. – Mme Laurence Arribagé, Mme Huguette Bello, M. Bernard Brochand, M. Ary Chalus, M. Bernard Debré, Mme Sandrine Doucet, Mme Claude Greff, Mme Sonia Lagarde, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau, Mme Martine Martinel, M. François de Mazières, Mme Maud Olivier, Mme Barbara Pompili, Mme Julie Sommaruga, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. – Mme Corinne Erhel, M. Michel Piron, M. Lionel Tardy, M. François Vannson