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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Jeudi 17 septembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 56

Présidence de M. Michel Ménard, vice-président

– Suite de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2954) (M. Patrick Bloche, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Jeudi 17 septembre 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Michel Ménard, vice-président de la Commission)

——fpfp——

La Commission poursuit l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2954) (M. Patrick Bloche, rapporteur).

Chapitre V
Enseignement supérieur

Avant l’article 17

La Commission examine l’amendement AC101 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je propose de changer l’intitulé du chapitre V pour qu’il évoque l’enseignement artistique. Compte tenu de nos échanges d’hier, il faut élargir la portée du chapitre à tout ce domaine au lieu de le limiter à l’enseignement supérieur.

M. Patrick Bloche, rapporteur. L’objet de ce chapitre est l’enseignement supérieur artistique et aucune disposition du projet ni aucun amendement – à une exception près – ne s’en écarte. On évoquera certes les conservatoires, mais dans leur dimension de préparation à l’enseignement supérieur. Il n’y a donc aucune raison de donner un avis favorable à cet amendement.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Même avis.

M. François de Mazières. Donc, tous les amendements que nous proposerons plus loin deviendront sans objet ! Alors que la ministre s’est dite attachée à l’importance de l’enseignement artistique, cette grande loi sur la culture de le mentionnerait pas du tout ? Cela me paraît gênant !

M. Michel Herbillon. Je ne comprends pas la position du rapporteur et de la ministre. Mme la ministre et nous tous avons souligné hier l’importance de l’enseignement artistique et voté à l’unanimité plusieurs amendements sur ce sujet. En accord avec cet objectif prioritaire, nous proposons de substituer le mot « artistique » au mot « supérieur », mais cette initiative reçoit un avis défavorable, ce qui préjuge du sort de tous les autres amendements qui vont au-delà de l’enseignement supérieur. Cela me semble contradictoire ; j’espère donc que la ministre et le rapporteur se raviseront.

M. le rapporteur. L’amendement à venir de Mme Marie-George Buffet, éventuellement rectifié par le Gouvernement, pourrait correspondre à la demande générale. Compte tenu des dispositions du projet de loi, on ne saurait réduire le chapitre consacré à l’enseignement supérieur au seul enseignement artistique. Je vous propose de retirer votre amendement en vue de la discussion du suivant.

Mme la ministre. Je partage la position du rapporteur.

M. François de Mazières. C’est précisément l’inverse, monsieur le rapporteur : nous proposons non de réduire, mais d’élargir la portée du chapitre ! Au-delà de la sémantique, c’est un problème de fond : veut-on exclure l’enseignement artistique de cette loi ? Je maintiens évidemment notre amendement.

M. le rapporteur. Avec la proposition du Gouvernement relative à l’amendement de Mme Buffet, nous prendrons en compte vos préoccupations. Mais il faut que le titre du chapitre corresponde précisément aux dispositions du projet de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AC116 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit de répondre au souhait général de ne pas en rester au seul enseignement supérieur, mais d’élargir la portée du chapitre à d’autres niveaux d’enseignement, notamment aux conservatoires. Mme la ministre a évoqué ces derniers dans ses propos hier et m’a adressé un courrier indiquant qu’une nouvelle politique en direction des conservatoires était en train de voir le jour. Ces questions font clairement l’objet de la préoccupation du ministère et je suis ouverte à toute correction permettant de répondre à ce souci.

M. le rapporteur. Laissant à César ce qui appartient à César, je donne par anticipation un avis favorable à la proposition que nous fera Mme la ministre.

Mme la ministre. Je propose en effet de rectifier cet amendement en retenant pour le chapitre V l’intitulé suivant : « Enseignement supérieur de la création artistique et enseignement artistique spécialisé », qui permet de couvrir l’ensemble des cas évoqués.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement AC337 du Gouvernement.

Mme la ministre. La nouvelle politique en direction des conservatoires se veut lisible et tournée vers tous les jeunes. Il faut rendre l’ensemble des pratiques artistiques plus accessibles, plus en phase avec les usages actuels et les attentes, et renouveler les pédagogies. De nombreux conservatoires font déjà beaucoup d’efforts en ce sens, mais je souhaite que l’État continue à assumer son rôle aux côtés des collectivités territoriales pour faire fonctionner ces équipements dont le rôle est crucial dans la promotion de notre objectif commun de démocratisation culturelle et de développement de la pratique artistique.

Cette nouvelle ambition que je porte pour les conservatoires n’a pas besoin de passer par une refonte de l’organisation mise en place dans la loi de 2004, cette dernière, au cœur de nombreux débats, ne faisant en réalité que préciser ce qui est inscrit dans les textes depuis 1983, à savoir que les établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et du théâtre relèvent de l’initiative et de la responsabilité des communes, des départements et des régions, sauf pour ce qui concerne l’enseignement supérieur. Je souhaite continuer à m’appuyer sur ces grands principes et tirer les conséquences d’une nouvelle intervention de l’État.

Le renouvellement de la politique nationale pour les conservatoires suivra quatre axes politiques. D’abord, il s’agit de confirmer l’organisation issue de la loi de 2004 qui fixe les responsabilités respectives des communes, des départements, des régions et de l’État, celui-ci conservant ses attributions : le contrôle et le suivi pédagogique des conservatoires, leur conventionnement et l’enseignement supérieur artistique.

Ensuite, il faut réaffirmer et approfondir le rôle de l’État en matière d’expertise et d’orientation pédagogique par l’inscription dans la loi des schémas nationaux d’orientation pédagogique qui existent déjà, mais qui viennent trouver ici une consécration législative. Ces schémas traduiront les attentes de l’État en matière d’innovation pédagogique, de développement des pratiques collectives et de méthodes d’apprentissage, permettant d’attirer des jeunes toujours plus nombreux et de diversifier l’offre artistique.

Troisième axe : nous renommerons l’actuel cycle d’enseignement professionnel initial (CEPI) – créé par la loi de 2004, mais très peu mis en œuvre par les collectivités – « enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant ». Ce terme – qui désigne les classes préparatoires, un concept connu de tous – est introduit par le projet de loi à l’article 17, alinéa 22, pour l’enseignement des arts plastiques. Cette dénomination commune permettra de rendre l’organisation des enseignements artistiques plus lisible pour nos concitoyens.

Enfin, je compte réengager l’État financièrement dès 2016 dans le fonctionnement des conservatoires, le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 leur réservant des moyens dédiés nouveaux. Les critères de réintervention de l’État trouveront leur traduction dans le schéma national d’orientation pédagogique, dont mes équipes et les opérateurs concernés débattent depuis plusieurs semaines.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je remercie le Gouvernement d’avoir pris l’initiative de cet amendement qui aborde les conservatoires et leurs liens avec l’enseignement supérieur artistique, nous permettant par là même de traiter une question pendante depuis plus d’une dizaine d’années. Le CEPI – troisième cycle créé par la loi de 2004 – a été présenté comme un transfert de compétences, mais est apparu à beaucoup comme une nouvelle mission que les régions devaient financer sans compensation adéquate. Au bout de dix ans, seules deux d’entre elles – Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes – ont mis en place des CEPI dans certains de leurs conservatoires. Je salue donc la décision du Gouvernement de maintenir sa subvention. Ce dispositif global et cohérent me semble garantir le développement du dernier cycle des conservatoires, dont il clarifie les missions.

M. Marcel Rogemont. L’initiative est importante. En effet, il est curieux que l’enseignement supérieur dans les conservatoires soit financé essentiellement par les communes ou leurs intercommunalités. L’implication des régions dans la formation professionnelle devrait être beaucoup plus affirmée ! Envisagez-vous, madame la ministre, de rappeler la responsabilité des régions en cette matière, par exemple dans le cadre des contrats État-région ? Les régions devraient se donner les moyens d’assumer cette tâche, et cette question pourrait être évoquée dans les commissions régionales. En effet, l’enseignement artistique fait bien partie de l’enseignement professionnel : je rappelle – même si ce type d’établissements n’entre pas dans le cadre de cette disposition – que, deux ans après avoir terminé leurs études, 80 % des élèves de l’École régionale des beaux-arts de Rennes ont un emploi.

M. François de Mazières. Nous saluons les apports de cet amendement, mais en regrettons les limites. Madame la ministre, lors de la présentation de la loi de finances pour 2015, je vous avais dit que je m’étonnais de voir disparaître la ligne permettant le financement par l’État des conservatoires. Mon intervention vous avait troublée ; après un temps de réflexion, vous avez reconnu qu’il s’agissait d’une erreur, et je suis heureux de voir ces enseignements et la participation de l’État consacrés dans ce texte. Le colloque que nous avons organisé dans ces murs avec la présidente de la commission des affaires culturelles du Sénat a dû également jouer son rôle ; c’est à l’occasion de cet événement qu’a été annoncé ce changement de position dont je vous sais gré.

En revanche, ayant une longue expérience d’élus à la culture et – dans mon cas – d’élu maire, Marcel Rogemont et moi-même savons que les conservatoires à rayonnement régional sont aujourd’hui financés à 90 % par les villes. Cette anomalie représente un problème fondamental. Vous promettez une intervention de l’État ; pourtant, en période de crise financière, chacun cherche à se désengager, même si les collectivités locales font de gros efforts pour continuer à soutenir la culture. Le système des financements mérite d’être clarifié. Conseiller du Premier ministre au moment de l’élaboration de la loi de 2004, c’est moi qui avais proposé cette solution. Étant à l’époque maire-adjoint à la culture dans une ville où était situé un conservatoire à rayonnement régional, j’avais constaté cette anomalie incroyable : la formation professionnelle d’élèves – même venus de l’étranger – était quasiment totalement financée par la ville, avec l’aide marginale de l’État. Puisque la formation professionnelle dans les autres matières est assurée par la région, elle devrait également l’être en matière d’enseignement artistique.

Pourquoi la loi de 2004 n’a-t-elle pas été appliquée ? Devant ce transfert de charges, les régions ont souhaité voir l’État leur transférer les moyens financiers équivalents – un des principes de la décentralisation. L’État ne l’a pas fait ; c’est pourquoi les régions n’ont pas endossé cette compétence pourtant fixée par la loi. Les amendements qui suivent proposent de clarifier les choses, notamment en matière de responsabilités financières pour l’enseignement professionnel, en revenant à la loi de 2004.

Mme la ministre. Nous reviendrons dans un instant sur le rôle des régions à l’occasion de la discussion sur l’amendement du rapporteur. Ce rôle est déjà inscrit dans la loi, notamment dans l’article du code de l’éducation qui prévoit que les régions sont compétentes pour le financement de la formation professionnelle initiale – ce qui inclut le CEPI dispensé par les établissements d’enseignement artistique. Quant à l’enseignement public préparatoire à l’enseignement supérieur artistique, il devra être pris en compte dans le schéma de développement de la formation professionnelle initiale des jeunes, élaboré par la région. Nous rediscuterons des aspects financiers à l’occasion de l’examen des amendements correspondants.

Nommée ministre au début du mois de septembre 2014, je n’ai été influencée ni dans un sens ni dans l’autre, monsieur de Mazières, par vos interpellations dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Vous vous êtes beaucoup impliqué dans la question des conservatoires et j’ai toujours entendu vos remarques avec beaucoup d’intérêt, mais j’avais décidé très tôt que l’État devait réinvestir ce domaine, avant toute réaction des élus aux décisions antérieures.

M. le rapporteur. Je me réjouis de ne pas avoir voté la loi de 2004 et je salue l’initiative du Gouvernement !

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AC102 et AC103 de M. François de Mazières tombent.

La Commission aborde l’amendement AC381 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conséquences du réinvestissement de l’État dans le troisième cycle des conservatoires et du maintien de ses subventions – c’est tout l’enjeu du budget pour 2016 – en indiquant que les régions ne seront plus les seules à financer cette formation, ce qui d’ailleurs, pour les raisons que j’ai indiquées, n’a jamais été le cas.

Mme la ministre. Je suis favorable à cet amendement qui renforce la proposition de ne pas modifier l’organisation ni la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État, tout en permettant d’acter le réengagement de celui-ci dans le financement du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur spécialisé. C’est dans ce partenariat entre l’État et les collectivités territoriales que ces formations pourront connaître un développement à la hauteur des enjeux, et c’est avec une implication résolue des régions dans le champ des enseignements artistiques comme dans d’autres champs de la formation professionnelle que la formation et l’éducation artistiques pourront s’épanouir dans tous les territoires au profit de tous les jeunes.

M. François de Mazières. C’est mieux que rien ; pourtant, bien des régions risquant de basculer dans l’opposition, vous souhaitez manifestement confier cette responsabilité à des collectivités qui n’appartiendraient pas à votre majorité. Il eût été plus responsable d’opter pour une répartition claire des missions de financement en reprenant les termes de la loi de 2004, qui avait été bien pensée mais qui n’a pas été appliquée par les régions faute d’un accord avec l’État sur le transfert des charges.

La Commission adopte l’amendement.

Article 17 : Structuration de l’enseignement supérieur de la création artistique, du cinéma et de l’audiovisuel

La Commission est saisie de l’amendement AC104 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Je pense, madame la ministre, que vous souscrirez à cet amendement. La mode, parent pauvre de la création, est aujourd’hui un peu oubliée, alors que la mode française est réputée dans le monde entier et représente un élément essentiel de notre culture. J’aimerais donc que ce mot figure dans cette loi.

M. le rapporteur. Je suis tout aussi attaché que vous à la mode, mais le projet de loi essaie d’éviter de dresser une liste à la Prévert de l’ensemble des métiers auxquels forment les écoles d’art, au profit d’une formulation générale, appuyée sur le concept décisif de création, qui englobe évidemment le champ de la mode évoqué par l’amendement. À trop chercher l’exhaustivité, on prend le risque d’oublier telle ou telle vocation des écoles d’art. Afin de ne pas faire naître de mécontentements, je vous propose d’en rester à la rédaction actuelle.

Mme la ministre. En effet, s’il fallait énumérer l’ensemble des disciplines, il faudrait également mentionner la photographie, le graphisme ou les arts numériques... La mode représente un sujet important, mais elle est déjà incluse dans le terme « création artistique ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC299 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. L’accès à l’art représentant une nécessité pour tous les étudiants en art, nous proposons de favoriser l’accès de ce public – généralement demandeur et sensible – aux musées et aux lieux culturels.

M. le rapporteur. Favorable. C’est une excellente initiative qui découle naturellement de la vocation de l’enseignement supérieur de la création.

Mme la ministre. Bien que je partage l’objectif recherché par cet amendement, je considère que celui-ci est d’ores et déjà satisfait par la politique impulsée par mon ministère. Les étudiants bénéficient déjà de la gratuité ou d’un accès facilité à l’ensemble des institutions culturelles. L’amendement peut donc être retiré. Cela dit, réaffirmer ce principe dans la loi lui donnerait davantage de solennité.

M. le rapporteur. Il reste possible de redéposer l’amendement en séance…

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AC105 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Hier, nous avons beaucoup insisté collectivement sur le rôle des associations ; ce mot mérite donc de figurer dans l’énumération des partenaires des écoles d’art prévus à l’alinéa 11 de l’article. En effet, nos établissements d’enseignement culturel travaillent aussi avec les associations.

M. le rapporteur. Cet amendement utile rappelle que de nombreuses associations ont vocation à interagir avec les écoles d’art, afin d’en assurer le rayonnement et l’excellence. Avis favorable et merci à François de Mazières et à ses collègues pour cette initiative.

Mme la ministre. Avis favorable également.

La Commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC293 de Mme Sandrine Doucet.

Mme Sophie Dessus. Cet amendement concerne l’éducation artistique et culturelle, considérée comme une composante de la formation générale de tous les élèves, de l’école au lycée. Nous souhaitons que la loi mette l’accent sur l’importance du partenariat dans les parcours d’éducation artistiques et culturels. C’est l’occasion de mettre en place des pratiques pédagogiques construites en commun qui envisagent l’art comme vecteur de connaissances, la réussite de l’apprentissage reposant sur la collaboration entre les différents acteurs qui font vivre un territoire.

M. le rapporteur. Favorable. Cet amendement met en évidence le rôle important que doivent jouer les écoles d’art dans la mise en œuvre, tout au long de la scolarité, des parcours d’éducation artistiques et culturels introduit en 2013 dans la loi pour la refondation de l’école de la République.

Mme la ministre. Favorable également. L’amendement permet de signifier aux établissements d’enseignement supérieur le rôle qu’ils jouent dans le parcours d’éducation artistique et culturel et leur donner la possibilité de développer des partenariats avec les structures et les réseaux qui participent à l’éducation artistique et culturelle.

M. Marcel Rogemont. Je ne suis pas contre cette mesure, mais faut-il pour autant faire explicitement et précisément référence au « parcours d’éducation artistique et culturelle » dans sa dénomination résultant de la loi pour la refondation de l’école ? Si ces dispositions venaient à être modifiées, il faudra alors également corriger le texte que nous nous apprêtons à adopter.

M. Yves Durand. Cette mention permettra au contraire de sécuriser le dispositif.

M. Michel Ménard, président. Cette loi a été si bien travaillée qu’elle ne sera pas remise en cause avant des décennies !

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC380 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à lever une ambiguïté du texte en précisant clairement que les écoles d’art pourront délivrer, conjointement avec une école doctorale, des diplômes de doctorat. À cet effet, elles seront accréditées par le ministre de l’enseignement supérieur, sur avis conforme du ministre de la culture.

L’article L. 759-2 du code de l’éducation, dans la rédaction proposée par le projet de loi, ne fixe pas de limite aux diplômes que les écoles d’art pourront délivrer sur accréditation. Elles pourront donc aussi délivrer des diplômes de troisième cycle, voire de doctorat. Un autre article, L. 759-3, traite des diplômes délivrés conjointement avec des écoles doctorales de l’université ; il apparaît légitime que ce type de diplôme confère le même grade que ceux que délivrent couramment les écoles doctorales. Cette disposition constitue un élément de reconnaissance des écoles d’art et répond à une attente de leurs étudiants et de leurs équipes. Comme il est précisé dans l’étude d’impact, les écoles délivreront ainsi soit des troisièmes cycles d’école – lorsqu’elles sont habilitées par le ministre de la culture –, soit des doctorats, en particulier lorsqu’elles s’associent à des universités et sont habilitées conjointement par le ministre de la culture et le ministre de l’enseignement supérieur. Ces mesures représenteront un progrès décisif pour que notre pays se dote des fameux « doctorats de pratique », les « PhD », qui constituent un atout des meilleurs systèmes d’enseignement supérieur.

Mme la ministre. Avis favorable. La France est en retard en matière de reconnaissance des doctorats de création, ce qui fragilise l’attractivité et la compétitivité de nos écoles, comme nous le constatons dans les classements internationaux. Le PhD étant devenu la norme internationale, il nous faut progresser. Le texte et l’amendement permettent cette avancée et je souscris pleinement à cette proposition du rapporteur.

M. François de Mazières. Ne faudrait-il pas plutôt mentionner « des diplômes de troisième cycle et des doctorats » ?

M. le rapporteur. Relisez le projet de loi et les articles du code de l’éducation auxquels il fait référence, qui prévoient bien, mais dans d’autres alinéas, les diplômes de troisième cycle des écoles d’art auxquels vous faites référence, et vous verrez que ma proposition se fonde sur de bonnes raisons et fera le bonheur des écoles d’art et de leurs étudiants.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AC382 du rapporteur.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

La Commission examine l’amendement AC296 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Il s’agit de permettre à l’État d’agréer les écoles de préparation aux concours d’accès aux écoles d’architecture, sur des programmes pédagogiques en lien avec les enseignements qui y sont dispensés. Cela clarifierait le rôle de ces écoles préparatoires.

M. le rapporteur. Cet amendement se heurte malheureusement à un obstacle : il n’existe pas aujourd’hui de telles formations, et il n’est pas opportun de les encourager. La vaste majorité des écoles d’architecture recrutent après le baccalauréat ou, lorsqu’elles sont ouvertes au niveau « bac + 1 », sélectionnent des étudiants ayant débuté une licence ou effectué une première année de classe préparatoire scientifique, dont l’excellence est reconnue et qui permet en outre une convergence avec les autres métiers scientifiques, que nous appelons de nos vœux pour les architectes. Je demande le retrait de cet amendement.

Mme la ministre. Même avis.

M. Marcel Rogemont. Je partage la remarque du rapporteur. Les écoles d’architecture sont accessibles après le baccalauréat ; n’accréditons pas l’idée qu’il faille une année de préparation pour y entrer.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement AC379 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Il s’agit de créer une énumération non exhaustive des missions des écoles d’architecture pour favoriser l’avenir du métier et sa reconnaissance.

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à préciser les missions des écoles d’architecture, en cohérence avec les dispositions du projet de loi relatives aux écoles d’art.

S’inscrivant dans le prolongement des recommandations du rapport de M. Vincent Feltesse de 2013 et de celui que j’ai moi-même rédigé sur la création architecturale en 2014, il précise que les missions de ces établissements doivent s’étendre à la formation continue et affirme leur vocation à conduire des activités de recherche, à participer à la veille artistique et scientifique, à concourir à la coopération internationale et à contribuer fortement à la vie architecturale des territoires. Il prévoit que les écoles mettent en place des enseignements obligatoires d’au moins une langue étrangère dont l’absence de maîtrise – notre mission d’information l’avait bien montré – handicape les architectes.

Ces propositions, consensuelles et attendues, concrétiseraient les nombreux travaux que la Commission a conduits sur ce sujet. Avis favorable, donc.

Mme la ministre. Je fais miennes les ambitions du rapporteur et du groupe qui a déposé cet amendement. Comme vous, je suis attachée au renforcement et au développement des missions de ces établissements dans le domaine de la recherche, de la transmission de la culture architecturale, du développement de l’innovation ou encore de la contribution à la vie architecturale, économique, sociale et environnementale du territoire. Je partage également votre souhait de voir fleurir des partenariats avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales et les entreprises, et suis particulièrement attentive à ce que les écoles nationales supérieures d’architecture développent tout leur potentiel dans le paysage de l’enseignement supérieur culturel et recherchent des synergies avec les communautés d’universités et d’établissements (COMUE).

La dimension internationale représente également un engagement fort des écoles, permettant de valoriser le savoir-faire français en matière d’architecture et de patrimoine, dont l’excellence est universellement reconnue. Je souhaite donc que nous travaillions ensemble au développement d’un dispositif rénové en matière de formation continue des architectes. Inscrire ces missions dans le code de l’éducation nationale sera un acte très marquant, mais nous devrions mener un travail conjoint, d’ici la séance publique, afin de ne pas oublier des missions qui mériteraient de figurer dans le code. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.

M. Michel Herbillon. Nous souhaitions donner notre accord à cet amendement. Je voudrais souligner l’excellent travail effectué par notre commission dans le cadre de la mission d’information sur la création architecturale, présidée par M. Patrick Bloche, à laquelle j’ai activement participé. Je suis heureux de constater que plusieurs propositions que nous y avions formulées se retrouvent dans ce texte. Ainsi, lorsque le Parlement réalise un travail constructif de fond, en amont du processus législatif, l’on aboutit à un projet de loi de meilleure facture que lorsqu’on agit dans la précipitation, ou, pire, lorsqu’on attend le fameux rapport Schwartz – longuement évoqué hier – pour mettre au point des dispositions relatives à un secteur aussi important que la musique.

Mme Sophie Dessus. Sans retirer l’amendement, nous pourrions travailler dans les jours qui viennent avec les collaborateurs de Mme la ministre pour être en mesure, le cas échéant, de compléter la liste au moment du débat en séance.

M. le rapporteur. Ayant donné un avis favorable, je ne peux que le confirmer.

M. Michel Herbillon. Nous voterons cet amendement.

Mme la ministre. Compte tenu des échanges que nous venons d’avoir, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AC298 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Nous proposons de placer les écoles d’architecture sous la co-tutelle du ministère de la culture et de celui de l’enseignement supérieur, afin de donner une légitimité supplémentaire aux étudiants diplômés de ces écoles et d’insister sur le lien de ce métier avec les professionnels émanant du secteur scientifique, par exemple les ingénieurs.

M. le rapporteur. Cet amendement reprend l’une des propositions du rapport Feltesse sur les écoles d’architecture. J’ai toutefois une bonne nouvelle : il est satisfait. La loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a non seulement placé tous les établissements d’enseignement supérieur, dont ces écoles, sous la co-tutelle pédagogique du ministère de l’enseignement supérieur, mais a même précisé que l’accréditation des écoles d’architecture était assurée conjointement par les deux ministres. Le ministre de la culture ne conserve que le monopole de la tutelle administrative, mais celle-ci n’entre évidemment pas dans l’objet de cette démarche qui vise à assurer la cohérence pédagogique et la qualité des échanges entre tous les établissements de l’enseignement supérieur. Je suggère donc de retirer l’amendement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AC297 de Mme Lucette Lousteau.

Mme Sophie Dessus. Nous proposons de créer, au sein du titre 1er, un chapitre VI intitulé : « Les écoles d’architecture de l’enseignement supérieur ». En effet, la loi prévoit nombre de dispositions en matière pédagogique pour l’enseignement supérieur dans les domaines du spectacle vivant, des arts plastiques, du cinéma et de la communication, mais non pour les écoles d’architecture. Le but est de créer une énumération non exhaustive de leurs missions pour favoriser l’avenir du métier et sa reconnaissance.

M. le rapporteur. Pour des raisons de forme, je propose de retirer cet amendement : le chapitre V du titre 1er étant intitulé « L’enseignement supérieur » sans autre précision, les amendements relatifs aux écoles d’architecture que nous avons adoptés s’y insèrent très naturellement.

Mme la ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement AC106 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. La stratégie du réseau culturel français à l’étranger, pourtant essentielle, apparaît très peu dans le texte. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport en la matière et plus particulièrement sur les modalités du rapprochement entre le réseau culturel public – Institut français et Campus France – et celui de l’Alliance française.

Je rappelle que la loi du 27 juillet 2010 prévoyait une expérimentation sur trois ans du rattachement du réseau de coopération et d’action culturelle du ministère des affaires étrangères à l’Institut français. Cette expérimentation s’est achevée le 31 décembre 2013 et le ministre des affaires étrangères a considéré que les résultats n’étaient pas à la hauteur des attentes.

Toutefois, comme le considérait alors la Cour des comptes : « La fin de l’expérimentation ne devrait pas conduire à un retour au statu quo ante mais permettre de relever plusieurs défis […]. » Tout le monde en est conscient, notamment ceux qui s’intéressent au rayonnement de la culture française à l’étranger. La séparation entre l’Institut français et le réseau de l’Alliance française constitue vraiment un handicap lourd et, de plus, un facteur de coûts. Il est donc important que l’État se penche sur la question.

M. le rapporteur. Je partage totalement la préoccupation de François de Mazières sur l’indispensable cohérence entre le réseau culturel du ministère des affaires étrangères et celui du ministère de la culture.

Mme la ministre. Nous partageons tous l’idée selon laquelle le réseau culturel extérieur est un atout essentiel pour la culture française. Par l’amendement AC344 après l’article 37, le Gouvernement vous proposera de confier aux ministres de la culture et des affaires étrangères la co-présidence du conseil d’orientation stratégique créé par la loi du 27 juillet 2010, ainsi que la co-tutelle de l’Institut français. Aussi, plutôt que de vous remettre un rapport, avons-nous décidé d’agir dès à présent afin de mieux intégrer politique culturelle et politique extérieure. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, au profit, donc, de l’amendement du Gouvernement qui sera examiné tout à l’heure.

M. François de Mazières. Nous sommes heureux d’apprendre l’avancée importante que vous envisagez. Néanmoins, elle ne dispense pas d’une étude de ce qui se passe sur le terrain. Mon amendement est donc complémentaire du vôtre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC119 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La signature par la France de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle adoptée le 2 novembre 2001 par l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) implique l’exclusion de la culture de toute négociation commerciale européenne et internationale. Cela concerne les secteurs qui conjuguent la création, la production culturelle et la commercialisation de biens et de services culturels protégés par le droit d’auteur et le droit voisin.

Ma seconde préoccupation concerne la notion de service d’intérêt général. On sait bien comment, en application de certaines directives européennes, des entreprises ayant une vocation de diffusion culturelle ou de l’information sont mises en concurrence – nous le verrons tout à l’heure à propos de l’archéologie préventive –, d’où la nécessité de reconnaître comme participant à un service d’intérêt général toutes les entreprises du secteur.

M. le rapporteur. Je suis très sensible au contenu de cet amendement, d’autant qu’il se réfère aux prises de position de l’UNESCO sur la diversité des expressions culturelles. Reste qu’il est déclaratif ; or nous sommes censés écrire la loi. Je vous suggère donc de le retirer.

Mme la ministre. Même avis.

M. Marcel Rogemont. Je trouverais dommage que Mme Buffet retire un amendement porteur d’avenir pour la culture.

Mme Marie-George Buffet. Je comprends la position du rapporteur, mais nous pourrons mesurer, à l’article 20, toutes les conséquences qu’emporte la notion de service d’intérêt général, notion qui va subir bien d’autres attaques encore au nom du principe de libre concurrence. Il serait donc bon que la commission envoie un signe fort en adoptant l’amendement. Si elle ne le faisait pas, je le représenterais en séance.

M. le rapporteur. Je suis très ennuyé, car ma tâche de rapporteur consiste à veiller à ce que la loi soit aussi bien rédigée que possible et à ce que sa portée ne soit pas amoindrie par des dispositions purement déclaratives, quand bien même celles-ci recueillent mon approbation.

M. François de Mazières. La loi, certes, ne doit pas être « bavarde », mais il me semble que le contenu de l’article 2, par exemple, n’est pas uniquement normatif. C’est pourquoi je souscris à l’amendement de Mme Buffet, qui constitue un symbole fort.

M. Yves Durand. Je propose à Mme Buffet de retirer son amendement et d’examiner dans quelles conditions il pourrait être réintroduit à l’article 2. Surtout, nous attendons de Mme la ministre, en séance, une déclaration solennelle montrant la force de notre engagement commun.

La Commission rejette l’amendement.

Avant l’article 18

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC384 du rapporteur, AC261 de M. Michel Ménard, AC226 de Mme Gilda Hobert et AC307 de M. Jean-Pierre Le Roch.

M. le rapporteur. Il est indispensable – et c’est l’objet de l’amendement AC384 – de reconnaître et de protéger le patrimoine immatériel, c’est-à-dire les savoir-faire, les traditions orales et les pratiques sociales porteuses d’identités locales ou nationales. Il s’agit également de donner une assise légale à une politique qui, aujourd’hui, est relativement éparse en la matière.

Mme la ministre. La France a approuvé, en 2006, la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Cette notion, cependant, ne figure pas dans la définition du patrimoine retenue par le code du patrimoine. Or la France peut être fière de son patrimoine immatériel, comme le montrent la diversité et le nombre de biens immatériels inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité – l’année dernière encore, le gwoka, preuve de la vitalité de la culture musicale guadeloupéenne, y a été ajouté.

Le Gouvernement souscrit donc tout à fait au principe consistant à insérer le patrimoine culturel immatériel dans l’article L. 1 du code du patrimoine. Cet amendement complète très utilement le texte.

M. Michel Ménard, président. L’amendement AC261 paraît satisfait par celui du rapporteur.

Mme Gilda Hobert. Je suis heureuse et fière, en tant que Lyonnaise, à la perspective que les Canuts ou Guignol pourront être officiellement considérés comme faisant partie du patrimoine de l’humanité, et je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

Mme Sophie Dessus. Tous pour le patrimoine immatériel, donc tous derrière le rapporteur !

Les amendements AC261, AC226 et AC307 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC384.

Elle examine ensuite les amendements AC347 et AC333 du Gouvernement.

Mme la ministre. Je souhaite, si vous le permettez, défendre ensemble les amendements AC347 et AC333, ce dernier étant rédactionnel.

Vous savez combien le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés contre les atteintes au patrimoine commun de l’humanité, commises en ce moment en Syrie après que ce fut le cas en Irak, au Mali ou en Afghanistan. Le chef de l’État a confié une mission à M. Jean-Luc Martinez, président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, sur la protection du patrimoine lors des conflits armés, et je me suis moi-même entretenue sur ce sujet durant de nombreux mois avec lui et avec d’autres professionnels
– archéologues, scientifiques, représentants des marchés de l’art… Dans un contexte d’intensification du trafic mondial de biens culturels, et étant donné la situation dramatique, sur le plan patrimonial, de certaines zones de conflit, il apparaît nécessaire à tous de renforcer notre législation en matière de circulation illicite des biens culturels et de lutte contre ce fléau. À cette fin, quatre mesures vous sont ici proposées.

Actuellement, les contrôles exercés en France sur les mouvements internationaux des biens culturels sont orientés vers l’exportation, principalement par souci de protection du patrimoine national, et ne prennent pas spécifiquement en compte l’importation. Il est donc proposé de compléter le code du patrimoine en créant une faculté de contrôle douanier à l’importation spécifique pour les biens culturels. L’introduction de ce contrôle à l’importation permettra à la France de se conformer pleinement à ses engagements internationaux, en particulier à la Convention de l’UNESCO du 17 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Ce dispositif s’appliquera aux biens culturels en provenance des États parties à ladite convention, non-membres de l’Union européenne, et qui ont mis en place un dispositif de certificat ou d’autorisation à l’exportation de biens culturels. Parallèlement, je souhaite lancer une initiative auprès de mes homologues européens pour étudier les voies et moyens de renforcer les contrôles à l’importation de biens culturels pour les flux intra-européens.

La deuxième mesure consiste en l’interdiction de la circulation de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a été prise en ce sens. Seront ainsi concernés les biens culturels irakiens et syriens enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, conformément à l’article 17 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes pour les États, mais les règlements déjà adoptés par l’Union européenne comportant des interdictions d’importer, d’exporter et de transférer des biens culturels qui en sont illicitement issus demandent en outre aux États membres de prévoir des sanctions dans leur droit interne pour rendre ces mesures de restriction effectives.

La troisième mesure est très novatrice en ce qu’elle permet la création en France de refuges pour les biens culturels menacés. La Convention de l’UNESCO du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, dite convention de La Haye, prévoit la création de refuges pour abriter des biens culturels mobiliers, en cas de conflit armé, par chaque État partie à la Convention sur son propre territoire. Dans cet esprit, et sur le modèle de la loi fédérale suisse sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, de catastrophe ou de situation d’urgence, il s’agit d’étendre ce concept de refuge en prévoyant la possibilité de mise à disposition, en France, de locaux sécurisés pour recevoir en dépôt les biens culturels se trouvant dans une situation d’urgence et de grave danger en raison d’un conflit armé ou d’une catastrophe sur le territoire d’un État étranger qui les possède ou les détient. Un tel dispositif d’accueil permettrait à la France d’offrir une protection temporaire à des éléments du patrimoine mobilier des pays concernés par des conflits, exposés à de graves menaces de destruction ou de disparition. Elle pourrait aussi trouver à s’appliquer dans des situations de catastrophe naturelle.

Enfin, la provenance des biens composant les collections publiques doit être irréprochable. Afin de mieux appliquer les engagements de la France qui a ratifié en 1997 la Convention de l’UNESCO du 17 novembre 1970, je vous propose de prévoir un dispositif législatif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi, mais dont il s’avérerait qu’ils ont en réalité été volés ou exportés illicitement dans un autre État partie à la convention, de demander au juge judiciaire l’annulation du contrat ou du legs par lequel il en a fait l’acquisition. Le contrat ou legs étant annulé par le juge judiciaire, un déclassement du domaine public ne serait pas nécessaire puisque l’acte civil qui avait constitué la première étape de la procédure d’intégration du bien dans le domaine public mobilier en raison de son intérêt public culturel serait anéanti.

Ces deux amendements seront complétés, à l’article 30, par l’amendement AC341 visant à habiliter le Gouvernement à inclure dans l’ordonnance prévue audit article la réorganisation de la partie du code du patrimoine dans laquelle s’inséreront ces dispositions, ainsi que par l’amendement de coordination AC340 après l’article 32.

Nous ne serons jamais trop vigilants sur ces questions de trafic illicite de biens culturels. Vous lisez régulièrement des articles, dans la presse, montrant que ces trafics prospèrent, fournissant une grande partie de ses ressources au terrorisme djihadiste et mettant en danger le patrimoine. Grâce au vote de ces amendements, la France deviendra un pays exemplaire.

M. le rapporteur. Comme vient de le préciser Mme la ministre, l’amendement AC347, communément appelé « amendement Palmyre », comprend quatre dispositions importantes permettant de lutter plus efficacement contre le trafic de biens culturels. Je me réjouis que ces dispositions, qui devaient initialement faire l’objet d’une ordonnance du Gouvernement prévue à l’article 30 du projet de loi, aient été réintroduites dans le texte par voie d’amendement.

Mme Isabelle Attard. Ce type de dispositif est en effet important, mais je ne suis pas dupe de cet amendement « Palmyre », qui pourrait également s’appeler l’amendement « Guimet » – je songe aux plaques d’or récemment restituées à la Chine. Cet amendement permettra à l’avenir d’éviter de demander à des donateurs de récupérer leurs dons à des musées nationaux, c’est-à-dire de faire en toute légalité ce qui a parfois été fait « en dehors des clous ».

M. François de Mazières. Nous nous félicitons également de cet amendement bien qu’il soit particulièrement long. Nous aimerions pouvoir l’examiner à tête reposée pour donner un avis plus circonstancié, mais la démarche est excellente.

M. Marcel Rogemont. Je me réjouis vivement que la ministre nous propose un tel amendement : nous passons ainsi d’une conception quelque peu égoïste et hexagonale de la protection du patrimoine à une vision plus universelle. Il est presque dommage qu’il soit surnommé « amendement Palmyre », car s’il constitue certes une réponse à des événements tragiques, il va bien au-delà.

M. Michel Herbillon. Lorsque nous ne sommes pas d’accord avec telle ou telle mesure, ou lorsque nous avons un point de vue différent de celui exprimé par la ministre, nous le disons avec force, mais lorsque nous sommes d’accord avec elle, nous l’exprimons avec tout autant de fermeté. C’est pourquoi je n’hésite pas ici à souligner que Mme Pellerin vient d’exposer une belle initiative et que la France s’honore de prendre ce type de disposition.

La Commission adopte successivement les amendements AC347 et AC333.

Elle en vient à l’amendement AC321 de Mme Sophie Dessus.

Mme Sophie Dessus. La langue française – dont on oublie parfois qu’elle fait partie de notre patrimoine immatériel – est le vecteur de la pensée française. Selon certaines projections, d’ici à 2060, le nombre de locuteurs francophones pourrait tripler. Ce n’est donc pas le moment de baisser les bras. Dans la compétition qui nous oppose à la langue anglaise, nous disposons de très fortes potentialités pour diffuser nos valeurs.

M. le rapporteur. Cet amendement rappelle en effet les objectifs de notre politique de rayonnement culturel pour la langue française. Sur le fond, j’y suis très favorable mais peut-être mentionner le continent africain en tant que tel n’est-il pas utile : il s’agit, de façon ambitieuse, de développer l’usage du français partout dans le monde, partout où il y a un « désir de France », pour reprendre le titre d’un rapport publié il y a quelques années.

Sous cette réserve, je donnerai en séance un avis favorable à votre amendement, modifié en ce sens.

Mme la ministre. Même avis.

Mme Sophie Dessus. Compte tenu de la réserve du rapporteur, l’amendement sera modifié et, en attendant, je le retire.

M. Marcel Rogemont. On peut toujours le rectifier, la remarque du rapporteur étant tout à fait pertinente – je n’aurais en effet pas pu voter l’amendement ainsi rédigé.

Mme Marie-George Buffet. Il est en effet plus sage de le retirer et, en tout cas, de supprimer les mots : « notamment en Afrique », ce continent ne devant pas être considéré comme notre « chasse gardée ». Nous devons également éviter d’utiliser des expressions telles que « le monde francophone », car il ne s’agit pas de dominer le monde par le biais de notre langue, mais de la faire rayonner, de partager des valeurs.

M. François de Mazières. Nous sommes tout à fait d’accord sur le sens et la portée de la disposition proposée. Ayant évoqué tout à l’heure le caractère déclaratif de certains amendements, la question se pose néanmoins de savoir où placer celui-ci : doit-on le renvoyer à l’article 2 ?

L’amendement est retiré.

Article 18 : Fonds régionaux d’art contemporain

La Commission examine l’amendement AC411 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, la dénomination de fonds régional d’art contemporain (FRAC) correspondant bien à un label de la création artistique au sens de l’article 3.

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Après l’article 18

La Commission est saisie de l’amendement AC421 du rapporteur.

M. le rapporteur. J’ai pris l’initiative de déposer plusieurs amendements afin que nous n’oubliions pas un pan important du patrimoine : les archives et les archivistes, sans la mention desquels le texte serait déséquilibré.

L’amendement AC421 vise à définir ce que sont les archives. À l’ère du numérique, il paraît évident de mentionner qu’elles ne se réduisent pas aux documents papier. C’est pourquoi je vous propose de préciser qu’il s’agit de « documents physiques et numériques ».

Mme la ministre. Sur le principe, je suis favorable à cette clarification de la définition des archives, comme d’ailleurs aux amendements suivants du rapporteur, mais cette disposition pourrait trouver place dans un autre texte auquel le Gouvernement est en train de travailler. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Marcel Rogemont. La préoccupation du rapporteur est tout à fait légitime. On constate en effet, au sein des communes, que la plus grande part des communications entre décideurs se fait via internet et que la disparition de toute trace de ces échanges empêcherait la compréhension de la genèse des décisions prises. Il est d’autant plus indispensable d’intégrer les données numériques parmi les documents à conserver que les personnes en cause ont spontanément tendance à penser que ces données revêtent un caractère strictement personnel et non pas public.

Mme Marie-George Buffet. J’ai déjà souligné le fait qu’on ne saurait rédiger un texte de loi sur le patrimoine sans évoquer les archives. Je me félicite par conséquent de l’initiative du rapporteur, surtout si l’on songe au travail remarquable accompli par les archivistes et à la qualité des archives en France.

M. François de Mazières. Au nom de mon groupe, je félicite également le rapporteur. En effet, l’absence des archives dans un texte traitant du patrimoine était très surprenante. Je regrette néanmoins que ces dispositions soient introduites par voie d’amendements du rapporteur. Elles nous semblent néanmoins judicieuses, et nous espérons qu’elles seront votées.

Je n’ai par ailleurs pas bien compris la réponse de la ministre : y aura-t-il un projet de loi spécifique sur les archives ?

Mme la ministre. Il est envisagé d’inclure dans le projet de loi sur les droits et libertés numériques des dispositions sur l’archivage numérique.

M. François de Mazières. Voilà qui ne nous rassure guère...

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC448 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement traite de la mutualisation entre collectivités publiques pour la conservation des archives numériques.

Des équipements spécifiques sont indispensables pour assurer l’archivage à très long terme des données numériques. Outre les coûts importants de mise en œuvre et de maintenance, les systèmes d’archivage électronique nécessitent un personnel technique de haut niveau et une veille technologique constante. Or, certaines personnes publiques qui ont l’obligation de conserver et de gérer des archives numériques, je pense en particulier aux communes et à leurs groupements, n’en ont pas les moyens.

L’amendement vise donc à permettre les mutualisations entre services publics d’archives, afin de favoriser les économies d’échelle et la préservation de la mémoire numérique des territoires.

Mme la ministre. Même avis que sur l’amendement précédent.

M. Marcel Rogemont. Je suis tout à fait favorable à l’amendement. Néanmoins, même dans des communes modestes, l’archivage des documents physiques exige des investissements de plus en plus importants. Dans le contexte du développement de l’intercommunalité, il conviendrait donc d’étendre le dispositif de mutualisation proposé par le rapporteur aux archives physiques.

M. le rapporteur. Je me suis rendu au printemps dernier à Montpellier où j’ai pu constater, dans un superbe bâtiment que m’a fait visiter notre collègue Kléber Mesquida, par ailleurs président du conseil départemental de l’Hérault, ce qu’était la responsabilité particulière du département en la matière. Pour répondre plus précisément à notre collègue Rogemont, la mutualisation est déjà prévue, fort heureusement, pour les archives papier. C’est pourquoi la mutualisation visée par l’amendement ne concerne que l’archivage numérique.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC449 du rapporteur.

M. le rapporteur. Tout le monde sera, je suppose, sensible à cet amendement, les archivistes au premier chef puisqu’il vise à limiter les possibilités de démembrement de fonds d’archives privés.

Cinquante-sept fonds d’archives privés bénéficient actuellement d’une mesure de classement comme « archives historiques ». Or, la plupart du temps, c’est un ensemble organique qui est protégé et non un seul document ; si bien que le risque de dispersion de fonds organiques, lors d’une vente pièce à pièce par exemple, est très fort, alors que le démembrement du fonds rend caduc l’intérêt qui avait conduit à son classement.

Cet amendement vise donc à interdire le démembrement de fonds d’archives privés classés comme « archives historiques » en raison de leur intérêt historique. Il ménage néanmoins la possibilité d’autoriser la division d’un fonds, par exemple entre des héritiers, lorsque cette division correspond à des sous-ensembles organiques.

Mme la ministre. L’amendement vise en effet à renforcer la protection d’un ensemble dont la division amoindrirait fortement l’intérêt et à renforcer les obligations des propriétaires. Toujours pour les mêmes raisons, cependant, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Michel Herbillon. Le rapporteur propose une très bonne mesure. La récente affaire du manuscrit de Chateaubriand a montré l’importance de ne pas démembrer un certain nombre d’archives historiques qui font partie de notre patrimoine. Aussi soutenons-nous cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC450 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, lié au précédent que la Commission vient d’adopter, prévoit de sanctionner le démembrement des fonds d’archives privés classés comme archives historiques.

Mme la ministre. Je m’en remets encore à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC451 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous en avons terminé avec les archives, et je remercie Mme la ministre pour sa grande sagesse sur le sujet…

Le présent amendement est d’un autre ordre et vise à accorder la gratuité de l’entrée des musées aux auteurs d’œuvres plastiques, graphiques et photographiques, pour les expositions permanentes aussi bien que temporaires.

Mme la ministre. Je partage le souhait du rapporteur de favoriser la possibilité, pour les artistes plasticiens, les graphistes et les photographes de se confronter aux œuvres d’art appartenant aux collections des musées de France. L’article L. 442-6 du code du patrimoine dispose d’ailleurs que les droits d’entrée des musées de France sont fixés afin de favoriser l’accès de ces musées au public le plus large ; il revient ensuite au pouvoir réglementaire d’appliquer ce principe important. Vous savez que la France a des principes de gratuité généreux, notamment pour les publics jeunes.

Plasticiens et graphistes rencontrent parfois des difficultés pour accéder à certains musées. Aussi, après avoir demandé à mes services, le cas échéant, de clarifier l’arrêté du 30 juin 1975 relatif à la dispense et à la réduction du droit d’entrée pour la visite des musées nationaux et des collections appartenant à l’État, je m’engage à en rappeler les dispositions aux établissements.

Au bénéfice de cette explication et de cet engagement, je demande au rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.

M. Christian Kert. Un artiste plasticien a-t-il une carte ? On risque en effet de voir se multiplier les plasticiens aux entrées des musées pour profiter de la gratuité…

M. François de Mazières. L’initiative du rapporteur est excellente mais, comme Christian Kert, je suis ennuyé par l’absence de définition des artistes concernés. Une solution serait de considérer que sont concernés les artistes inscrits à la Maison des artistes. Je proposerai un sous-amendement en ce sens.

M. le rapporteur. Évidemment, il n’existe pas de carte d’artiste plasticien comme il y a une carte de presse. Je suis par conséquent parfaitement conscient de la nécessité de produire un justificatif et je rejoins la proposition de M. de Mazières.

Aussi, et tenant compte des observations de la ministre, je retire mon amendement afin de le retravailler.

M. Marcel Rogemont. J’appelle l’attention du rapporteur sur le fait que si l’on peut donner des instructions fermes aux musées nationaux, les musées de France sont quant à eux, pour l’essentiel, des musées locaux – or les élus locaux sont capables de décider eux-mêmes de leur politique tarifaire.

L’amendement est retiré.

Article 19 : Protection des biens des collections des musées de France en cas de restauration

La commission adopte l’amendement de coordination AC452 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Chapitre II
Réformer le régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique archéologique

Article 20 : Politique scientifique archéologique et régime juridique des biens archéologiques

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AC453 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AC375 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. L’amendement vise à clarifier le rôle des différents acteurs de la chaîne archéologique, notamment celui de l’État qui assure la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

M. le rapporteur. Pour ce qui concerne l’archéologie préventive, je n’ai pas présenté d’amendements, laissant le soin à Mme Faure de décliner plusieurs propositions qu’elle a défendues dans le rapport qu’elle a remis à la ministre de la culture et de la communication et qu’elle a présenté devant la Commission.

Je donne par conséquent un avis favorable à tous les amendements présentés par notre collègue, à commencer par celui-ci, qui vise à préciser utilement le rôle de l’État. Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré à quel point la demande était forte pour que l’État garantisse la qualité scientifique des opérations.

Mme la ministre. Je salue le rapport très documenté de Mme Faure sur les dysfonctionnements du secteur de l’archéologie préventive liés à la loi du 1er août 2003 qui a ouvert le domaine des fouilles à la concurrence. Le rapport préconise la clarification du rôle de chacun des acteurs de la politique d’archéologie préventive et le renforcement des coopérations entre les acteurs publics. Je souscris totalement au bilan établi dans des délais très brefs, je tiens à le souligner, par son auteur, qui a su prendre le temps d’auditionner un très grand nombre de personnes et de représentants d’institutions, et je fais miennes ses préconisations.

J’approuve totalement, en particulier, le présent amendement, qui clarifie et renforce les missions de l’État en tant que garant de la politique publique de l’archéologie préventive, et qui lui permet en outre d’assurer la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

Je précise au passage que deux amendements très intéressants de Mme Faure se sont vu opposer l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement, qui y était favorable, n’a pu les reprendre à son compte dans les délais impartis, mais je vous proposerai, en séance, des dispositifs sur ces deux points, à savoir le respect des exigences en matière sociale, financière et comptable, pour la délivrance des agréments, après avis du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA).

Mme Marie-George Buffet. La loi du 1er août 2003 a mis en péril le développement de l’archéologie préventive ; or on sait l’importance de cette activité pour préserver notre patrimoine, certes, mais également pour écrire l’histoire de nos sociétés. Tous les amendements présentés par Martine Faure, qui a travaillé sur ce dossier de façon remarquable, ainsi que les amendements que je présente moi-même, visent à clarifier les compétences des acteurs et à réaffirmer le caractère public de la maîtrise d’ouvrage. Nous avons besoin, en effet, de cette responsabilité publique pour éviter, du fait d’une mise en concurrence avec le privé, une baisse de la qualité scientifique de l’archéologie préventive.

Je me félicite de ces amendements et j’espère que nous allons écrire, avec cet article 20, une nouvelle étape pour l’archéologie préventive.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC291 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement vise, d’une part, à rétablir le délai d’un mois, après réception du dossier d’aménagement en préfecture de région, qui est imparti à l’État pour la prescription d’un diagnostic et, d’autre part, à modifier le mécanisme de caducité des prescriptions de diagnostic. Les aménageurs insistent en effet pour que les délais soient respectés par l’ensemble de la chaîne archéologique.

M. le rapporteur. Avis favorable cet amendement qui modifie les délais de mise en œuvre des diagnostics.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AC357 du Gouvernement.

Mme la ministre. Le Gouvernement souhaite que la loi reconnaisse et consacre le rôle notable que les collectivités territoriales jouent dans l’exploitation scientifique des résultats des opérations archéologiques, rôle dont témoignent le nombre des publications ou des colloques de leurs services d’archéologie, l’intégration d’agents territoriaux dans les unités mixtes de recherche ou leur participation à des projets collectifs de recherche. L’investissement des collectivités territoriales dans la recherche et sa valorisation, qui ne se limite pas au domaine de l’archéologie préventive, n’était pas jusqu’à présent explicitement reconnu dans la loi.

Par cet amendement, le Gouvernement entend combler cette lacune, et je ne doute pas que votre Commission saura honorer l’ensemble des scientifiques du secteur de l’archéologie en le votant de manière unanime et transpartisane.

M. le rapporteur. Avis favorable à cette reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans l’exploitation scientifique et la diffusion des résultats des opérations d’archéologie.

M. François de Mazières. Nous y sommes également favorables, ayant nous-mêmes déposé des amendements allant dans ce sens.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC228 de Mme Gilda Hobert.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à simplifier les conditions de délivrance de l’agrément aux collectivités territoriales, en précisant que le dossier que celles-ci doivent fournir ne porte que sur leur capacité scientifique et technique et non, comme le prévoit le projet de loi, sur leur capacité « scientifique et administrative, technique et financière ».

M. le rapporteur. Je partage votre préoccupation, madame Hobert, dans la mesure où les collectivités sont déjà soumises, par ailleurs, à un contrôle financier de l’État. Toutefois, l’amendement AC355 du Gouvernement, que nous examinerons ultérieurement et qui vise également à simplifier les démarches pour les collectivités territoriales en remplaçant l’agrément par un dispositif spécifique d’habilitation, me paraît préférable. Je vous propose donc de retirer votre amendement à son profit.

Mme la ministre. Le Gouvernement le souhaite également.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie ensuite l’amendement AC35 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Cet amendement a la même finalité que celui de Mme Hobert. Les collectivités territoriales faisant déjà l’objet de nombreux contrôles, il nous paraît inutile de les renforcer.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC355 du Gouvernement et les amendements identiques AC40 de Mme Marie-George Buffet et AC236 de Mme Gilda Hobert.

Mme la ministre. Bien qu’ils soient des partenaires historiques des services de l’État, les services archéologiques des collectivités territoriales sont actuellement soumis à la même procédure d’agrément que les opérateurs privés. Afin d’améliorer la coopération des acteurs publics dans le domaine de l’archéologie préventive, le Gouvernement propose donc que ces services soient désormais soumis, non plus à un agrément, mais à une habilitation.

Celle-ci sera délivrée par une décision conjointe des ministres chargés de la culture et de la recherche, après avis du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Elle sera valable sans limitation de durée – alors que l’agrément actuel vaut pour cinq ans –, mais fera l’objet d’un bilan opérationnel et scientifique tous les cinq ans, lequel sera également soumis au CNRA. Elle sera également territorialisée, ce qui limitera le champ d’intervention de ces services, pour les diagnostics comme pour les fouilles, au périmètre du territoire de la collectivité considérée. J’ajoute que, même si elle est en principe sans limitation de durée, cette habilitation pourra être suspendue ou retirée, après avis du CNRA, en cas d’évolution importante des services concernés au regard de leurs compétences scientifiques.

Enfin, cette habilitation prendra en considération la coopération de nature conventionnelle entre l’État et la collectivité territoriale concernée, notamment en matière d’exploitation scientifique et de mise en valeur des données, et l’existence d’un projet scientifique territorial archéologique global. Elle permettra ainsi de favoriser des partenariats scientifiques fructueux, au bénéfice de la connaissance de notre histoire et de notre patrimoine.

Je vous remercie donc de bien vouloir adopter cet amendement, qui marque un tournant majeur des relations entre l’État les collectivités territoriales en matière de politique archéologique.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je me réjouis que le Gouvernement ait pris l’initiative de déposer cet amendement, qui reconnaît le rôle particulier que jouent les collectivités territoriales en matière d’archéologie préventive, en les soumettant à un dispositif d’habilitation spécifique, différent de l’agrément actuel. Ce faisant, il favorise la simplification des démarches administratives de ces collectivités. J’ajoute qu’en précisant que l’habilitation délivrée ne couvre que le territoire de la collectivité, à la fois pour les diagnostics et pour les fouilles, il reprend une préconisation contenue dans le rapport de notre collègue Martine Faure.

M. Marcel Rogemont. Il s’agit en effet d’un très bon amendement. L’intégration des services des collectivités territoriales dans la sphère publique a pour contrepartie la territorialisation de leurs interventions. J’apporte cette précision, car je sais que ces services souhaiteraient à la fois être intégrés à la sphère publique et pouvoir agir comme des opérateurs privés en intervenant en dehors du territoire de leur collectivité. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre…

Mme Marie-George Buffet. Je veux tout d’abord rendre hommage aux personnels de ces services. Je souscris entièrement à l’amendement du Gouvernement – et je retire donc l’amendement AC40, qui a le même objet. Je crois en effet qu’il faut à la fois simplifier l’agrément et limiter l’intervention de chaque collectivité au périmètre de son territoire.

M. François de Mazières. Nous approuvons également cet amendement, qui permet de reconnaître le travail que les collectivités territoriales accomplissent depuis longtemps dans le domaine archéologique. Il présente également l’avantage de limiter le risque de concurrence, qui existe aujourd’hui. Son adoption obligera d’ailleurs sans doute un certain nombre d’organismes qui interviennent actuellement au-delà des frontières de leur collectivité à se remettre en question.

Les amendements AC40 et AC236 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC355.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AC36 de Mme Annie Genevard et les amendements identiques AC148 de M. François de Mazières et AC232 de Mme Gilda Hobert.

M. François de Mazières. Je retire les amendements AC36 et AC148, car l’amendement que nous venons d’adopter va dans le sens souhaité en consacrant le rôle des services archéologiques des collectivités territoriales.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC232 est également retiré, car il est satisfait.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques AC42 de Mme Marie-George Buffet et AC238 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. La décentralisation « au coup par coup » que l’on observe en matière d’archéologie préventive soulève plusieurs problèmes. Pour y remédier, nous proposons, d’une part, de réaffirmer la compétence obligatoire de l’État – compétence qu’elle exerce par l’intermédiaire de son établissement public – en matière de réalisation des diagnostics et, d’autre part, d’appliquer, pour les diagnostics réalisés par les collectivités territoriales, les dispositions de la convention instaurée à l’article L. 522-8 du code du patrimoine en remplacement de l’agrément actuel.

M. le rapporteur. Votre amendement, madame Buffet, est satisfait par l’adoption de l’amendement AC355 du Gouvernement. Je vous invite donc à le retirer, d’autant qu’il n’a plus beaucoup de sens après le retrait de l’amendement AC40.

Mme la ministre. Je souhaiterais évoquer l’amendement, relatif aux agents de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), que Mme Buffet n’a pu présenter car il n’a pas franchi l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. Cet amendement avait pour objet de titulariser ces agents et de leur offrir à cette occasion un droit d’option leur permettant de choisir de rejoindre la fonction publique ou de conserver leur statut actuel.

Le Gouvernement est favorable au renforcement de la mobilité des agents de l’INRAP, notamment vers les services régionaux d’archéologie (SRA), auxquels leur expérience sera extrêmement précieuse. Les modifications introduites par le projet de loi nécessiteront du reste un renforcement des SRA. D’autres solutions que la titularisation, qui a des implications budgétaires et statutaires extrêmement importantes, sont cependant envisageables, et je m’engage à ce que la question fasse l’objet, d’ici à la deuxième lecture, d’une concertation en lien avec Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marie-George Buffet. Au-delà de la question du transfert de compétences aux collectivités, la mobilité permettrait aux personnels de l’INRAP, dont les représentants soulignent la pénibilité des tâches, de continuer à vivre de façon différente leur passion pour l’archéologie.

Mme Gilda Hobert. Je retire également l’amendement AC238, qui est identique à l’amendement AC42. Je confirme que les agents de l’INRAP souhaiteraient que la pénibilité de leurs tâches soit prise en compte.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement AC352 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement a pour objet d’apporter une série d’améliorations techniques aux procédures d’archéologie préventive, notamment la phase de mise en œuvre des diagnostics. Nous proposons ainsi de modifier l’article L. 523-7 afin que, lorsque l’État ne s’est pas prononcé dans un délai fixé par voie réglementaire, la prescription soit réputée caduque.

M. le rapporteur. Avis favorable. Cet amendement vise à prendre en compte les modifications introduites par le décret du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, qui prévoit un délai de trois mois maximum pour la signature de la convention de diagnostic entre l’aménageur et l’opérateur.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AC44 de Mme Marie-George Buffet et AC240 de Mme Gilda Hobert, les amendements identiques AC46 de Mme Marie-George Buffet et AC242 de Mme Gilda Hobert, ainsi que les amendements AC292 et AC290 de Mme Martine Faure.

Mme Marie-George Buffet. Mes amendements, dont le second est de repli, ont un même objet : le retour à une maîtrise d’ouvrage publique. Toutefois, les amendements que nous avons adoptés, en particulier l’amendement AC355 du Gouvernement, répondent en partie à cette préoccupation.

Mme Gilda Hobert. J’estime, pour les mêmes raisons que Mme Buffet, que mes amendements sont également satisfaits.

M. le rapporteur. Je partage votre volonté de mieux réguler la concurrence dans le secteur de l’archéologie préventive, mais vos amendements vont très loin, puisqu’ils visent à revenir au système antérieur en confiant à l’État la réalisation des opérations de fouilles. Je peux être également nostalgique, d’autant plus que je m’étais opposé à l’ouverture des opérations de fouilles à la concurrence, mais nous sommes en 2015, et les dispositions que nous adoptons, notamment celles qui s’inspirent du rapport de Mme Faure, permettront plus que jamais à l’État d’exercer un contrôle scientifique et technique des opérateurs.

Mme la ministre. Les préconisations contenues dans le rapport de Mme Faure me semblent répondre aux préoccupations des auteurs de ces amendements. Je leur demande donc de bien vouloir les retirer.

Les amendements AC44, AC240, AC46 et AC242 sont retirés.

Mme Martine Faure. L’amendement AC292 vise à inscrire explicitement dans la loi que l’État assure la maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations et veille au bon fonctionnement du service public de l’archéologie.

Quant à l’amendement AC290, il a pour objet de confier à l’INRAP le monopole de la réalisation des opérations sous-marines, notamment pour des raisons liées à la compétence scientifique de ses agents.

M. le rapporteur. L’amendement AC292 est un amendement de coordination auquel je suis naturellement favorable. L’amendement AC290, quant à lui, est d’une portée différente ; c’est une très bonne initiative. Certes, il y est question de monopole, et je sais les réactions que ce mot peut provoquer chez certains, mais il s’agit avant tout, me semble-t-il, de clarifier les rôles respectifs de l’État, via le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), et de l’INRAP en matière d’archéologie préventive en mer. Ainsi, le DRASSM est conforté dans sa mission régalienne de prescription et de contrôle, tandis que l’INRAP bénéficie d’un monopole en matière d’exécution des diagnostics et des opérations de fouilles.

Cet amendement se justifie, premièrement, par le fait qu’il s’agit du domaine public maritime et, deuxièmement, par l’ampleur des investissements nécessaires et le coût particulièrement élevé des fouilles en mer.

Mme la ministre. Je suis très favorable à l’amendement AC292, qui vise à clarifier et renforcer les missions de l’État en consacrant le rôle de celui-ci en matière de maîtrise d’ouvrage scientifique des opérations.

En ce qui concerne l’amendement AC290, je rappelle que l’INRAP est déjà, en l’état actuel des textes, seul habilité à réaliser des opérations de diagnostic dans le domaine maritime. Compte tenu du nombre assez peu élevé des fouilles sous-marines et de l’expérience que nous avons de l’ouverture à la concurrence, il me paraît préférable de confier à un seul opérateur l’ensemble de ces fouilles afin de lui permettre d’atteindre une expérience critique sur le plan scientifique. Pour des raisons qui tiennent à la sécurité, à la cohérence scientifique et aux économies d’échelle, il est souhaitable que ces opérations soient confiées à l’opérateur national. Je suis donc également favorable à cet amendement.

M. Christian Kert. Ainsi, la philosophie n’est pas la même selon que l’on est sur terre ou sous l’eau… (Sourires.) Je crois en effet me souvenir que nous étions convenus, lors d’un débat précédent, que l’INRAP ne devait plus avoir de monopole. Comment justifier qu’il en exerce un dans le domaine subaquatique ?

M. François de Mazières. Cet amendement répond à une demande de l’INRAP qui connaît actuellement de graves difficultés financières et souhaite s’assurer ainsi un marché. Mais il faut faire attention, car nous traversons une grave crise économique. Et ce n’est pas parce qu’un organisme d’État est en difficulté qu’il faut tout concentrer entre ses mains. En tout état de cause, une telle disposition mérite de faire l’objet d’une réflexion complémentaire, en tout cas pour ce qui est de notre groupe, d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur. Je veux rassurer nos collègues Kert et de Mazières. Je rappelle tout d’abord que je m’étais opposé, en tant que député, à l’ouverture des fouilles préventives à la concurrence et, à cet égard, le projet de loi comporte des dispositions qui me paraissent particulièrement opportunes. En tout état de cause, je rappelle que les opérations visées se déroulent sur le domaine public maritime et je précise que l’amendement de Mme Faure n’a pas pour objectif de sauver financièrement l’INRAP. Pour ce faire, il faudrait que nous réfléchissions collectivement au devenir de la redevance d’archéologie préventive, mais c’est un débat d’ordre budgétaire.

Mme Marie-George Buffet. Les difficultés de l’INRAP sont liées, certes, à la redevance, mais aussi à la concurrence. En redonnant, grâce à ce projet de loi, plus de poids à l’autorité publique, nous aidons donc l’institut à sortir de ses difficultés.

La Commission adopte successivement les amendements AC292 et AC290.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC229 de Mme Gilda Hobert, AC335 du Gouvernement et AC374 de Mme Annie Genevard.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement vise, une fois de plus, à simplifier les procédures applicables à l’archéologie préventive. Le demandeur, lorsqu’il s’agit d’une collectivité territoriale, est déjà soumis au contrôle administratif de l’État, tel qu’il est prévu à l’article 72, alinéa 6, de la Constitution, et au contrôle budgétaire prévu aux articles L. 1612-1 à L. 1612-20 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, l’instauration d’un contrôle administratif et financier confié au ministère de la culture, à qui il revient de délivrer l’agrément d’opérateur d’archéologie préventive, pourrait introduire une nouvelle complexité administrative. En outre, l’article L. 522-7 du code du patrimoine dispose déjà que les services archéologiques des collectivités territoriales sont soumis au contrôle scientifique et technique de l’État.

Mme la ministre. L’amendement AC335 est un amendement de cohérence qui tire les conséquences du fait que les collectivités locales seront désormais soumises à une habilitation et non plus à un agrément.

M. François de Mazières. L’amendement AC374 est satisfait.

M. le rapporteur. L’amendement AC229 est également satisfait, madame Hobert, puisqu’il fait référence à l’agrément qui, pour les collectivités, a été remplacé par une simple habilitation. Je vous suggère donc de le retirer. Par ailleurs, je suis favorable à l’amendement AC335.

Les amendements AC374 et AC229 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC335.

Puis elle examine l’amendement AC167 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement visait à exclure les collectivités territoriales du champ de l’agrément, en limitant celui-ci aux opérateurs privés. Mais on en revient au débat de fond, qui porte sur le rôle que l’on confie à ces derniers. Or, j’ai le sentiment que l’on est en train de revenir sur la concurrence, et ce n’est pas une bonne chose. S’il est certainement nécessaire de renforcer leur contrôle, il ne faut pas supprimer leur rôle.

M. le rapporteur. Je n’ai pas suivi votre raisonnement, monsieur de Mazières. Je m’attendais en effet à ce que vous nous annonciez le retrait de votre amendement, puisque celui-ci vise à distinguer, à l’instar d’un amendement du Gouvernement que nous avons déjà adopté, les collectivités territoriales et les opérateurs privés.

M. François de Mazières. L’amendement AC167 est en effet satisfait. J’ai simplement voulu souligner que le véritable problème était celui du rôle à donner aux opérateurs privés.

M. le rapporteur. Les choses sont extrêmement claires. Nous ne revenons pas sur l’ouverture à la concurrence des fouilles préventives, qui a été décidée par la précédente majorité. Mais nous distinguons entre les différents opérateurs : l’INRAP, dont un certain nombre de dispositions rappellent le rôle essentiel, les collectivités territoriales, auxquelles nous envoyons un signal en les soumettant à une simple habilitation plutôt qu’à un agrément, et les opérateurs privés, qui demeurent soumis à un agrément ainsi qu’à un contrôle scientifique, technique, administratif et financier.

Mme la ministre. Je suis d’accord avec le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’exclure les collectivités territoriales du dispositif d’agrément des opérateurs. Or, j’ai précisément déposé un amendement, que vous avez adopté, qui prend en compte la place particulière que les collectivités territoriales occupent dans la mise en œuvre de la politique publique d’archéologie. Votre amendement est donc satisfait, monsieur de Mazières. C’est pourquoi je vous suggère de le retirer.

M. Marcel Rogemont. Les choses sont claires, monsieur de Mazières : les opérateurs privés sont soumis à un agrément, les collectivités territoriales à une habilitation.

M. François de Mazières. Je retire l’amendement, mais je pense qu’il sera nécessaire de clarifier le rôle exact des opérateurs privés.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques AC48 de Mme Marie-George Buffet et AC244 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement AC48, qui vise à améliorer les contrôles, est assez proche de l’amendement AC288 de Mme Faure, que nous examinerons ultérieurement. Il s’en distingue sur un point seulement : je propose, quant à moi, d’associer le ministère de la recherche à la définition des éléments constitutifs de la demande d’agrément.

Mme Gilda Hobert. L’amendement AC244 précise en effet que les éléments constitutifs de la demande d’agrément d’un opérateur en archéologie préventive sont établis par un cahier des charges et que cet agrément est soumis, tout au long de sa durée validité, au respect de ce cahier des charges par le bénéficiaire, ainsi que le préconisait Mme Faure dans son rapport.

M. le rapporteur. Ces amendements reprennent en effet une proposition de Mme Faure. L’existence d’un cahier des charges permettrait d’assurer une plus grande transparence quant aux conditions d’obtention de l’agrément. Cependant, ces conditions sont déjà précisées par les dispositions des alinéas 13 à 15 de l’article 20, qui disposent que l’agrément est délivré au vu d’un dossier établissant la capacité scientifique, administrative, technique et financière du demandeur, que la personne agréée transmet chaque année à l’État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité et, enfin, que l’agrément peut être refusé, suspendu ou retiré. Ces amendements me paraissent donc déjà satisfaits.

Mme la ministre. Ces amendements correspondent à notre préoccupation de renforcer le contrôle scientifique de l’État, notamment dans la procédure de délivrance des agréments, mais l’amendement AC288 de Mme Faure apporte des garanties supplémentaires et a donc la préférence du Gouvernement. J’ajoute que la notion de cahier des charges existe déjà dans le droit de l’archéologie préventive – il s’agit du cahier des charges scientifiques, annexé aux prescriptions de l’État – et qu’il est préférable de ne pas créer de confusion. Je demande donc à leurs auteurs de retirer ces amendements. Je précise également que le Gouvernement proposera d’enrichir l’amendement de Mme Faure en séance publique en y intégrant des éléments issus des amendements qui sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

Mme Marie-George Buffet. Je retire l’amendement AC48, et retirerai aussi l’amendement AC365, satisfait par celui de Mme Faure.

Mme Gilda Hobert. Je retire également les amendements AC244 et AC378.

Les amendements sont retirés.

Les amendements identiques AC365 de Mme Marie-George Buffet et AC378 de Mme Gilda Hobert sont retirés.

La Commission examine l’amendement AC288 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement précise que les éléments constitutifs des offres des opérateurs comportent un projet scientifique d’intervention, le prix proposé et une description détaillée des moyens humains et techniques mis en œuvre. Ainsi l’État pourra appliquer la même grille de lecture à l’ensemble des offres.

M. le rapporteur. J’approuve en tous points cet amendement qui précise le contenu des offres des opérateurs transmises à l’État.

Mme la ministre. Avis très favorable. L’harmonisation du contenu des offres des opérateurs proposé dans cet amendement sera un facteur d’équité, puisque le travail comparatif, qui incombe aux services de l’État, en sera facilité.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AC168 de M. François de Mazières tombe.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC230 de Mme Gilda Hobert, AC37 de Mme Annie Genevard, AC369 de Mme Martine Faure et AC147 de M. François de Mazières.

Mme Gilda Hobert. Par l’amendement AC230, nous proposons de laisser à la personne qui projette d’exécuter les travaux la possibilité de sélectionner les offres qui lui conviennent avant de les transmettre à l’État pour s’assurer de leur conformité aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2. Il s’agit également de garantir à cette personne les délais dans lesquels l’État instruira le dossier.

M. François de Mazières. Nous exprimons le même type de préoccupations dans l’amendement AC37.

Mme Martine Faure. Par l’amendement AC369, je propose que l’État procède à la vérification de la conformité des offres reçues aux prescriptions de fouilles édictées en application de l’article L. 522-2, note le volet scientifique et s’assure de l’adéquation entre les projets et les moyens prévus par l’opérateur.

M. François de Mazières. Il s’agit d’éviter l’engorgement des services en prévoyant que les projets scientifiques transmis à l’État feront l’objet d’une présélection.

M. le rapporteur. Je demande le retrait des amendements AC230, AC37 et AC147 ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car il ne me paraît pas opportun de revenir sur les dispositions du projet de loi visant à mettre en place un contrôle en amont de l’ensemble des projets scientifiques d’intervention (PSI) des opérateurs avant la signature du contrat avec les aménageurs. Cette disposition permet en effet de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État et de garantir ainsi une meilleure protection du patrimoine archéologique. Par ailleurs, Mme Hobert propose de laisser à l’État un délai d’une semaine pour effectuer les vérifications. Ce délai doit être fixé par décret ; il conviendra donc de veiller à ce qu’il soit raisonnable, mais un délai d’une semaine me paraît irréaliste...

Enfin, j’émets un avis favorable à l’amendement AC369 de Mme Faure, qui apporte une clarification indispensable à l’égalité de traitement entre les candidats.

Mme la ministre. Même avis. L’amendement AC369 tend en outre à garantir la meilleure qualité scientifique des opérations archéologiques.

M. Marcel Rogemont. L’amendement AC369 est très intéressant, car il permet de s’assurer, au moment où l’on constate une diminution du coût par hectare des fouilles, que le projet scientifique ne sera pas la variable d’ajustement qui permettra à l’opérateur de diminuer son prix pour être choisi.

M. François de Mazières. Tout cela est bel et bon, mais j’aimerais savoir s’il est prévu d’augmenter en conséquence les crédits du ministère et les personnels des services régionaux d’archéologie.

M. Franck Riester. J’abonde dans le sens de M. de Mazières. Nous sommes tous soucieux d’améliorer la qualité scientifique des fouilles archéologiques, mais les délais de traitement des dossiers sont tels, actuellement, que nombre d’élus ne parviennent pas à faire aboutir leurs opérations de requalification urbaine, de redynamisation des centres-villes ou de construction de logements. Je crains qu’en renforçant encore les exigences sans s’assurer que les moyens sont suffisants pour que les dossiers soient traités rapidement, on n’aggrave la situation.

Mme la ministre. Au contraire, monsieur Riester : non seulement les délais sont désormais très fortement encadrés au niveau réglementaire, mais nous prenons la précaution, grâce à cet amendement, de faire intervenir les services de l’État en amont pour ne pas s’exposer au risque de voir le dossier d’une collectivité territoriale qui a déjà contracté avec un opérateur privé être refusé, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter les délais. Quant à la question des moyens, j’y suis évidemment très sensible : c’est précisément la raison pour laquelle nous souhaitons faciliter la mobilité des agents de l’INRAP, qui pourront renforcer les compétences ou les moyens des SRA.

Les amendements AC230, AC37 et AC147 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AC369.

Puis elle examine l’amendement AC367 de Mme Annie Genevard.

M. François de Mazières. Les services de l’État sont très engorgés, les délais de traitement des dossiers augmentent. Vous avez indiqué à l’instant, madame la ministre, que des dispositions tendant à leur réduction ont été prises, mais si l’on ne donne pas plus de latitude aux fonctionnaires pour sélectionner les dossiers, le bug est inévitable. Tel est l’objet de notre amendement.

M. le rapporteur. Cet amendement est complémentaire de l’amendement AC37, qui vient d’être retiré et qui tendait à autoriser l’aménageur à ne transmettre à l’État que les PSI qu’il aurait retenus. Vous proposez de donner à l’État un délai de deux semaines pour les examiner, mais c’est au décret qu’il convient de fixer ce délai, dont je répète qu’il doit être raisonnable. Je suis donc défavorable à l’amendement et laisse à Mme la ministre le soin de vous apporter des précisions supplémentaires si elle le souhaite.

Mme la ministre. Le délai est aujourd’hui fixé par voie réglementaire à deux mois. Le Gouvernement n’a pas encore tranché quant à la nouvelle organisation de la procédure. Il procédera par décret, en veillant à ce que les services de l’État disposent d’un temps suffisant pour exercer un contrôle scientifique et technique de qualité sans pour autant rallonger les procédures de l’archéologie préventive ni modifier, donc, le délai global. Avis défavorable, par conséquent.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement AC370 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Cet amendement a pour objet de renforcer le contrôle par l’État des offres des opérateurs de fouilles.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement, qui complète opportunément l’amendement AC369, de Mme Faure également, que nous venons d’adopter, et réaffirme utilement le rôle central du projet scientifique d’intervention dans le choix de l’opérateur.

Mme la ministre. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Les amendements identiques AC363 de Mme Marie-George Buffet et AC372 de Mme Gilda Hobert sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques AC216 de Mme Isabelle Attard et AC231 de Mme Gilda Hobert.

Mme Isabelle Attard. Il ne faut pas aller trop vite en besogne quant aux exigences vis-à-vis des collectivités territoriales en matière de fouilles. La première rédaction comportait une incertitude sur la durée des contrats des responsables des opérations. Les personnels de l’INRAP, que j’ai rencontrés, ont jugé dangereux que soit ainsi gênée l’action des services des collectivités, qui ne sont pas soumises aux mêmes conditions que l’INRAP pour leurs personnels. Mais peut-être l’habilitation permettrait-elle de régler la question ? Si tel était le cas, je serais prête à retirer l’amendement, qui tend à supprimer les alinéas 23 à 25.

M. le rapporteur. Cet amendement reprend un certain nombre de préoccupations exprimées lors des auditions. Il est vrai que l’alinéa 24, qui aligne la durée du contrat de travail du responsable scientifique sur la durée prévisible de l’opération, pose des problèmes au regard des contrats des agents de la fonction publique territoriale, et que cela inquiète les collectivités. Mais, d’un autre côté, il est important que les responsables des services publics portent la responsabilité de l’opération de bout en bout, depuis les recherches jusqu’à la remise du rapport ; cette continuité doit être maintenue.

Quant à l’alinéa 25, qui interdit le recours à la sous-traitance, il permet d’assurer un meilleur contrôle par l’État des opérations de fouille. Reste que l’INRAP recourt à la sous-traitance : c’est une réalité dont on ne peut s’abstraire.

Je suis plutôt défavorable, en fin de compte, à la suppression de ces alinéas, même si vos amendements relaient des préoccupations auxquelles j’ai été sensible lors des auditions.

Mme la ministre. Je souligne que l’alinéa 24 concerne principalement les opérateurs privés, puisque les collectivités disposent de personnels dont la présence est plus stable. Je partage le souci légitime de Mme Attard de ne pas alourdir inutilement la gestion de leurs services d’archéologie, mais, comme le rapporteur l’a dit, le dispositif proposé par le Gouvernement vise à garantir la présence du responsable scientifique tout au long du processus. Mon avis est donc défavorable.

M. Marcel Rogemont. Il me semblait que l’habilitation permettait de régler le cas où une collectivité territoriale, bien que disposant de personnel permanent, recourrait, pour telle ou telle opération, à des contractuels. S’il peut arriver qu’à l’INRAP un pilote de projet soit remplacé en cours d’opération, un dispositif similaire devrait être ouvert aux collectivités, sous réserve de vérifications par les services archéologiques régionaux.

Mme Isabelle Attard. Je comprends l’esprit de ces alinéas, mais le risque est que soit entravé le travail des collectivités qui auront embauché des spécialistes pour une durée se révélant inférieure à celles des fouilles, et qui devront alors passer un nouveau contrat. Les personnels de l’INRAP ont appelé mon attention sur l’effet dissuasif que cela pourrait avoir. Je proposerai une nouvelle rédaction de ces alinéas en séance publique et, en attendant, je retire mon amendement.

M. François de Mazières. Votre raisonnement est très intéressant et j’y souscris.

M. le rapporteur. Si le retrait de l’amendement me semble judicieux, je ne suis pas certain que le travail de réécriture annoncé soit de nature à résoudre la contradiction à laquelle nous sommes confrontés. Nous appelons tous de nos vœux un contrôle scientifique et technique de qualité ; or, l’obligation de présence d’un même responsable scientifique tout au long de l’opération tend à renforcer ce contrôle, et nous ne pouvons y être que favorables. De leur côté, cependant, les collectivités font valoir que cela leur crée des difficultés.

Un autre aspect, moins évoqué mais plus problématique à mes yeux, c’est l’interdiction du recours à la sous-traitance, alors même que celui-ci est déjà une réalité, y compris de la part de l’INRAP. L’intention est bonne, mais je crains que nous n’aggravions, là aussi, les difficultés.

Les amendements AC216 et AC231 sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques AC47 de Mme Marie-George Buffet et AC359 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. Cet amendement vise, en cas de défection de l’opérateur, à renvoyer la définition des modalités d’achèvement des fouilles à une nouvelle prescription de l’État. Il s’agit de responsabiliser davantage les aménageurs dans le choix de leurs opérateurs.

M. le rapporteur. Ces amendements sont liés aux amendements AC360 et AC362 des mêmes auteurs, qui vont venir en discussion dans un instant et qui tendent à permettre à l’État de prescrire les mesures utiles lorsque les travaux nécessaires aux opérations archéologiques n’ont pas été engagés dans un certain délai. Je tiens néanmoins à souligner que les cas de caducité visés par les alinéas qu’il est proposé d’abroger ne se sont jamais réalisés. Par ailleurs, le renoncement à la mise en œuvre de la prescription ou de la caducité dans les conditions existantes ne prive pas pour autant de protection les vestiges archéologiques découverts ou présents sur le chantier. Je pense donc que l’équilibre existant doit être maintenu et je préconise le retrait de ces amendements.

Mme la ministre. Je partage totalement l’avis du rapporteur.

Les amendements sont retirés.

La Commission étudie les amendements identiques AC243 de Mme Gilda Hobert et AC361 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Gilda Hobert. Il s’agit de même, lorsque l’opérateur fait défaut, de renvoyer la définition des modalités d’achèvement des fouilles à une nouvelle prescription de l’État, afin de responsabiliser les aménageurs dans le choix de leurs opérateurs.

M. le rapporteur. Je vous suggère également de retirer ces amendements, puisque l’amendement AC353 de Mme Faure répondra sous peu à vos préoccupations.

Les amendements sont retirés.

Les amendements identiques AC360 de Mme Gilda Hobert et AC362 de Mme Marie-George Buffet, ainsi que les amendements identiques AC364 de Mme Marie-George Buffet et AC373 de Mme Gilda Hobert, sont retirés.

La Commission adopte l’amendement de coordination AC454 du rapporteur.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements AC336 du Gouvernement et AC233 de Mme Gilda Hobert.

Mme la ministre. L’amendement du Gouvernement est de cohérence.

Mme Gilda Hobert. Il satisfait le nôtre.

La Commission adopte l’amendement AC336.

En conséquence, l’amendement AC233 devient sans objet.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement AC353 de Mme Martine Faure ainsi que les amendements identiques AC49 de Mme Marie-George Buffet et AC245 de Mme Gilda Hobert.

Mme Martine Faure. Mon amendement vise à préciser le dispositif de reprise par l’INRAP des opérations de fouilles inachevées en raison d’une défaillance de l’opérateur agréé.

M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement qui précise utilement les conditions de reprise par l’INRAP des opérations de fouilles restées inachevées du fait d’une défaillance de l’opérateur, même si nous faisons par ailleurs tout notre possible pour que ces défaillances soient moins nombreuses. Le nouveau contrat qui sera nécessairement conclu entre l’aménageur et l’INRAP devra notamment fixer le prix et les délais de réalisation de l’opération, lesquels peuvent varier par rapport au contrat conclu avec l’opérateur défaillant.

Mme la ministre. Avis favorable. Il est indispensable de stabiliser les conditions de reprise par l’INRAP de ce type de chantiers. J’ajoute que le cas n’est pas théorique : il s’est produit à de nombreuses reprises au cours des dernières années.

La Commission adopte l’amendement AC353.

En conséquence, les amendements AC49 et AC245 tombent.

Puis la Commission est saisie de l’amendement AC234 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement vise à simplifier les procédures administratives en instituant un régime unique de reversement de la redevance prévue à l’article L. 524-2 du code du patrimoine pour les collectivités territoriales qui réalisent un diagnostic archéologique.

M. le rapporteur. Cet amendement soulève à juste titre le problème de la redevance d’archéologie préventive (RAP). Je remercie Martine Faure d’avoir, dans son rapport, proposé une réforme du dispositif global de financement de l’archéologie préventive. De fait, le rendement de la RAP est notoirement insuffisant pour assurer le financement de l’INRAP, et le projet de loi ne comporte pas de dispositions en la matière. Je laisse à Mme la ministre le soin de nous préciser l’état actuel de ses réflexions, voire de nous livrer quelques informations sur le contenu du projet de loi de finances pour 2016…

Mme la ministre. Le Gouvernement partage votre souci de simplifier le dispositif de reversement de la redevance aux collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics d’archéologie préventive. Il fera des propositions en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, en s’inspirant des excellentes conclusions de Mme Faure en faveur de la rebudgétisation de la RAP. En conséquence, je demande à Mme Hobert de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC455 et AC456 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AC149 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est important. Il consiste en effet en la suppression des alinéas 39 à 52, qui tendent à modifier au profit de l’État le régime de la propriété des biens issus des fouilles archéologiques. Nous considérons, à l’instar du Conseil économique, social et environnemental (CESE), que cela risque d’inciter les découvreurs à ne plus signaler leurs éventuelles trouvailles et nuira à l’archéologie, et nous préférons donc le maintien du régime actuel.

M. le rapporteur. Nous sommes face à l’une des innovations majeures du projet de loi, attendue depuis longtemps par le monde du patrimoine : l’institution d’une présomption de propriété de l’État sur les biens archéologiques mobiliers et immobiliers. De ce fait, je ne souhaite pas que l’équilibre du texte soit remis en cause par la suppression de ces alinéas.

En ce qui concerne le risque, évoqué par le CESE lors de son audition, que la présomption de propriété de l’État décourage tout particulier de faire état d’une découverte archéologique, je crois très sincèrement que cela ne changera rien au fait que se révéleront inévitablement deux sortes de gens : ceux qui, estimant avoir découvert un patrimoine commun à la nation sinon à l’humanité, considéreront qu’ils n’en sont pas propriétaires, et ceux qui seront dans une logique d’appropriation, et à qui le droit donnera tort. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Mme la ministre. Je considère que ces dispositions du projet de loi constituent un réel progrès dans la prise en considération du patrimoine de notre nation, rejoignant le modèle pour lequel ont opté d’autres grands pays d’archéologie, comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne, l’Allemagne ou la Suisse, et qui est de nature à assurer l’étude, la protection, la conservation de notre patrimoine ainsi que sa transmission aux générations futures.

Craindre que les découvreurs soient ainsi incités à ne plus signaler leurs trouvailles, c’est oublier que l’écrasante majorité des découvertes actuelles sont faites dans le cadre de fouilles illégales, non signalées, et nourrissent un trafic aisément repérable sur les sites de vente en ligne. L’objectif du Gouvernement est d’adresser un message clair à ceux qui cherchent à s’approprier le patrimoine archéologique par des fouilles clandestines. Quant aux personnes de bonne foi, heureusement nombreuses, elles comprendront que le monde de l’archéologie leur est ouvert et leur offre de nombreuses occasions d’approcher les vestiges de notre passé. Les archéologues, les personnels des musées, les associations de défense du patrimoine, le monde de la recherche, les amateurs d’histoire et d’archéologie attendent beaucoup de cette mesure, et je suis donc défavorable à l’amendement.

Mme Isabelle Attard. En tant qu’archéologue, j’ai été sensible à l’ajout de cette disposition, et me suis posé au passage beaucoup de questions sur ma propre pratique dans mon ancien métier, où j’ai été confrontée à des fouilles illégales, à des trafics d’objets archéologiques sur eBay ou d’autres sites de ce genre, au point que je me suis demandé si nous n’allions pas voir une part importante de notre patrimoine rejoindre par des voies illégales des collections privées.

Le débat existe depuis au moins un siècle et demi, au sein de l’archéologie française, sur le point de savoir à qui appartiennent les biens mobiliers archéologiques issus de découvertes fortuites. Je considère, pour ma part, qu’il est très sain de décider sans ambiguïté que ces biens appartiennent à l’État sans qu’il soit besoin de dépenser des sommes considérables, selon une procédure par ailleurs considérablement simplifiée. Il faut toutefois savoir qu’il y a dans notre pays un antagonisme extrême entre les archéologues et les associations de chasseurs de trésors, alors que, dans d’autres pays européens, c’est la coopération qui prévaut. Au Danemark ou en Angleterre, par exemple, la volonté de subtiliser ces objets à l’État n’est pas présente, et les découvreurs sont associés à l’effort public de recherche archéologique.

Je déposerai en séance un amendement visant à évaluer, au terme de cinq ans, l’impact de ce changement profond de notre système législatif sur le patrimoine archéologique, et proposerai de réfléchir ensuite à un équivalent du Treasure Act britannique, qui permettrait aux associations d’archéologues amateurs – terme qui n’est pas péjoratif à mes yeux – de participer davantage au travail effectué par les professionnels.

M. le rapporteur. Je reçois votre intervention, chère collègue, comme un soutien à cette revendication séculaire de présomption de propriété de l’État, qui trouve enfin place dans la loi de la République.

M. François de Mazières. Il serait néanmoins bon de faire le bilan de cette mesure au bout d’un certain temps, afin de vérifier qu’elle n’a pas d’effets pervers.

L’amendement AC149 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC457, AC458 et AC459 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 20 modifié.

Après l’article 20

La Commission examine les deux amendements identiques AC50 de Mme Marie-George Buffet et AC246 de Mme Gilda Hobert.

Mme Marie-George Buffet. Le crédit d’impôt recherche (CIR) a pour seule justification le soutien aux efforts de recherche et développement des entreprises, et non la subvention d’un secteur d’activité. Or, dans le domaine de l’archéologie préventive, un effet d’aubaine important est constaté, que l’on peut chiffrer à près d’un million d’euros en 2014, permettant aux entreprises privées du secteur de pratiquer un dumping qui met en difficulté aussi bien les collectivités territoriales et l’INRAP.

Il faut que le Gouvernement se donne les moyens de veiller à ce que le CIR serve vraiment la politique de recherche et développement, et ne soit pas utilisé à la seule fin de faire baisser les prix dans un contexte concurrentiel.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un vrai sujet. En tant que législateurs, nous devons veiller à ce que le CIR finance effectivement des activités de recherche, et non les dépenses courantes des opérateurs privés de façon à faire baisser leurs coûts. Je souligne que ni les collectivités territoriales, ni l’INRAP ne peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt, ce qui crée une distorsion de concurrence au détriment des opérateurs publics de l’archéologie préventive. Il s’agit d’une réelle préoccupation et je laisse à la ministre le soin de s’exprimer sur ce sujet.

Mme la ministre. Mme Buffet évoque une question extrêmement intéressante. Je souhaite rappeler que le crédit d’impôt recherche est un bel outil pour le maintien et l’installation en France des activités de recherche et de développement. Je reconnais néanmoins que son utilisation pour des opérations d’archéologie préventive ne correspond pas strictement à la logique du dispositif. J’observe en outre que certains opérateurs privés se plaignent de la concurrence du secteur public, alors même que le CIR leur procure un avantage financier réel.

J’ai demandé à mes services d’engager une discussion avec ceux du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche afin de vérifier que le CIR est bien utilisé, dans ce domaine particulier, conformément à son objectif qui est de favoriser la recherche et l’innovation et non d’équilibrer les comptes des opérateurs. Au bénéfice de cet engagement pris avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de trouver les voies et moyens d’effectivement faire du CIR un véritable aiguillon pour la recherche archéologique, je vous demande de retirer vos amendements, étant entendu que je partage votre préoccupation.

Mme Marie-George Buffet. Je retire mon amendement, mais souhaite vivement que le sujet puisse revenir en séance publique.

Mme Gilda Hobert. Je souhaite aussi que nous puissions revenir sur ce sujet.

Les amendements sont retirés.

Chapitre III
Valoriser les territoires par la modernisation du droit du patrimoine et la promotion de qualité architecturale

Article 21 : Article introductif

La Commission examine l’amendement AC383 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je suis heureux de présenter cet amendement, auquel j’attache quelque importance puisqu’il s’agit de conférer une valeur législative à la politique de labellisation des centres culturels de rencontre. Ces centres font le lien entre création et patrimoine en réhabilitant le patrimoine par un projet de création artistique ou intellectuel. Ils réunissent, autour d’un projet culturel et patrimonial, l’État, les collectivités et les acteurs de la culture et de l’éducation. La reconnaissance légale que le présent amendement leur donne permettra de développer et renforcer leur réseau. Je considère que, compte tenu du rôle qu’ils jouent, ce n’est que justice de les reconnaître dans la loi.

Mme la ministre. Je partage l’avis du rapporteur : ces institutions qui existent depuis près de quarante ans jouent dans le soutien à la création comme dans la valorisation du patrimoine et le développement culturel un rôle essentiel. Le sujet ressortit probablement au domaine réglementaire, mais inscrire dans la loi le principe de la labellisation des centres culturels de rencontre constitue une reconnaissance du succès de cette belle formule partenariale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

Après l’article 21

La Commission est saisie de l’amendement AC166 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement est une sorte de piqûre de rappel. Le Parlement avait adopté, à l’article 88 de la loi de finances pour 2015, un amendement demandant au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux (CMN) les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Cela n’a pas été fait, madame la ministre, mais cela pourrait l’être d’ici le 31 décembre. Cela fait des années que l’on évoque cette possibilité ; il est temps qu’elle soit évaluée avec précision.

M. le rapporteur. Ayant apporté l’an dernier mon soutien à cette idée, je ne puis, par cohérence, que donner un avis favorable à l’amendement.

Mme la ministre. Mes services ont effectivement expertisé la question avec le ministère des finances, et les conclusions de cette expertise vous seront communiquées sous peu.

Par ailleurs, je soutiens la démarche de mise en valeur des biens d’intérêt patrimonial appartenant à l’État, aux collectivités, institutions et établissements publics pour contribuer à l’attractivité des territoires et à la création d’emplois. Je conduis d’ailleurs à ce titre un projet partenarial avec la Fondation du patrimoine, acteur essentiel des politiques patrimoniales, avec lequel mes services travaillent de façon très étroite.

L’évolution à moyen terme des ressources de la Fondation du patrimoine constitue un sujet très préoccupant, qui mérite d’être envisagé dans sa globalité avec le ministère des finances, au-delà de la question de l’affectation d’une recette issue du loto. Je propose que cette réflexion globale soit menée et que des conclusions soient tirées à son issue et, au bénéfice de ces éléments de contexte, je vous prie, monsieur de Mazières, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François de Mazières. J’entends bien votre réponse, mais je ne comprends pas pourquoi le rapport demandé par le Parlement l’an dernier ne pourra être remis, alors même que nous proposons gentiment d’en reculer de dix mois l’échéance…

Mme la ministre. Le rapport sera remis, mais il s’agit de deux sujets différents. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, au bénéfice de mon engagement de faire réaliser une étude sur le financement de la Fondation du patrimoine.

M. François de Mazières. Si vous le souhaitez, je suis prêt à déposer en séance un amendement prévoyant un rapport sur cette question...

Mme la ministre. Libre à vous : la question n’est pas d’une actualité pressante, mais elle le sera d’ici deux ou trois ans.

M. le président. M. de Mazières, maintenez-vous votre amendement ?

M. François de Mazières. Oui, car c’est pour nous un moyen de rappeler que le Parlement avait demandé, avec le soutien conjoint de notre groupe et du groupe majoritaire par la voix du président Bloche, la remise d’un rapport avant le 1er mars dernier, et que nous aimerions que cette remise ait lieu.

M. le rapporteur. J’ai émis tout à l’heure, par cohérence, un avis favorable, mais, compte tenu des propos de Mme la ministre, je pense que l’amendement pourrait être retiré, quitte à ce que la préoccupation qu’il traduit soit prise en compte en séance d’une autre façon.

M. François de Mazières. Je maintiens l’amendement, mais suis heureux de savoir que nous pourrons en reparler en séance publique...

La Commission adopte l’amendement.

Article 22 : Modification de l’intitulé du livre VI du code du patrimoine

La Commission adopte l’article 22 sans modification.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du jeudi 17 septembre 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Benoist Apparu, Mme Isabelle Attard, M. Patrick Bloche, Mme Marie-George Buffet, Mme Valérie Corre, M. Pascal Demarthe, Mme Sophie Dessus, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Michel Herbillon, Mme Gilda Hobert, M. Christian Kert, M. François de Mazières, M. Michel Ménard, M. Franck Riester, M. Marcel Rogemont

Excusés. – Mme Michèle Fournier-Armand, M. Dominique Le Mèner, Mme Lucette Lousteau