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Commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité

Mercredi 15 octobre 2014

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Hervé Gaymard, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Léchevin, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), M. José Caire, directeur « villes et territoires durables » et M. Damien Siess, directeur adjoint « productions et énergies durables »

La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

M. Hervé Gaymard, président. Mes chers collègues, nous accueillons M. Bruno Léchevin qui est, depuis mars 2013, le président du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). M. Léchevin est accompagné de deux proches collaborateurs : M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables » et M. Damien Siess, directeur adjoint « Productions et énergies durables ».

Monsieur le président, vous connaissez bien le secteur de l’énergie : d’abord en y ayant exercé des responsabilités syndicales importantes, puis en tant que membre du collège de la CRE de 2000 à 2008, ensuite en tant que délégué général du Médiateur de l’énergie. J’ajoute que vous appartenez également au conseil d’administration d’EDF, au titre des six administrateurs désignés par l’État.

On rappellera aussi que l’ADEME pilote le travail de l’Observatoire de la précarité énergétique, une instance nouvelle qui vient d’ailleurs de rendre publiques ses premières analyses. À cet égard, il nous intéresse de connaître votre position sur les tarifs sociaux en vigueur et l’instauration à venir d’un « chèque énergie » qui pourrait se substituer à ce régime spécifique.

Les questions tarifaires ne sont donc pas étrangères à l’ADEME, même si sa principale mission, en tant qu’opérateur de l’État, est la mise en œuvre des politiques d’efficacité énergétique. Dans cet esprit, notre commission devra également s’intéresser aux conditions d’approvisionnement et de tarifs applicables aux industries dites « électro-intensives ». Notre regard entend porter sur les conditions tarifaires visant les différents types de consommation, en cherchant à mieux connaître les bases qui structurent les prix de l’électricité.

Monsieur le président, nous allons vous écouter avec attention, dans un premier temps au titre d’un bref exposé liminaire. Puis les membres de notre commission, à commencer par Mme Valter, rapporteure, vous poseront différentes questions.

En vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les personnes auditionnées sont tenues de déposer sous réserve, notamment, des dispositions de l’article 226-13 du code pénal réprimant la violation du secret professionnel. Cette même ordonnance exige des personnes auditionnées qu’elles prêtent serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande de lever la main droite et de dire : « Je le jure ».

(M. Léchevin prête serment.)

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m’auditionner en tant que président de l’ADEME, ce bel outil au service des politiques publiques en matière d’énergie et d’environnement, et de me donner l’opportunité d’échanger avec vous sur les tarifs de l’électricité. Nous sommes, par nature, particulièrement concernés par la réussite de la transition énergétique et convaincus que la France possède le potentiel pour atteindre l’objectif que constitue cette transition, d’une part en maîtrisant ses consommations, d’autre part en ayant davantage recours aux énergies renouvelables.

L’ADEME a montré dans ses visions énergétiques pour 2030 et 2050, qui ont nourri le débat de la loi sur la transition énergétique, que cette transition était non seulement bénéfique sur le plan environnemental, mais également sur le plan économique et social, à travers la croissance verte et la création d’emplois sur le territoire national. Aujourd’hui, mon propos portera essentiellement sur les énergies renouvelables électriques et sur les travaux de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), dont l’ADEME assure le pilotage opérationnel.

Tous les experts reconnaissent que les coûts de l’énergie sont amenés à augmenter, que ce soit en raison du coût de certains investissements, de l’augmentation du coût de la sécurité nucléaire – je pense notamment aux coûts « post-Fukushima » – ou des combustibles fossiles, ou encore en conséquence de décisions de politiques publiques – donner un signal-prix au carbone, intégrer des ENR dont la majorité sont aujourd’hui plus chères que les énergies conventionnelles.

Je fais partie de ceux qui soutiennent que cette augmentation des coûts de l’énergie est non seulement inéluctable, mais doit être supportable pour la majorité des consommateurs, et ce d’autant plus que les retombées nationales de la croissance verte seront importantes. Cela dit, ce n’est pas parce qu’on considère qu’une augmentation est inéluctable qu’il ne faut pas être vigilant sur la transparence des coûts, leur réalité, leur objectivité, les efforts de productivité que les grands opérateurs doivent accomplir, ainsi que les signaux-prix que nous donnons, les problématiques relatives au pouvoir d’achat et à la compétitivité des entreprises. L’inéluctabilité de la hausse des coûts de l’énergie nécessite également un accompagnement particulier des publics précaires, parallèle à celui mis en œuvre pour les industriels grands consommateurs d’énergie – notamment avec le plafonnement de la contribution à la CSPE.

Pour ce qui est de l’évolution des modes de soutien aux ENR électriques, faisant suite à un nouvel encadrement communautaire, la loi propose que les modes de soutien aux ENR se rapprochent progressivement du marché. Cette évolution vise à soumettre progressivement les énergies renouvelables aux signaux-prix du marché, les incitant à produire lorsque le système électrique est en situation de tension – c’est-à-dire lorsque les prix sont élevés. C’est un point très positif pour accompagner les ENR vers la maturité économique.

Il convient toutefois de bien prendre en compte certains points. Premièrement, les évolutions du système de soutien discutées ici n’en modifieront pas significativement le coût absolu pour la société, mais uniquement la répartition entre les acteurs ou les modalités d’octroi pour un acteur donné. En effet, le soutien est nécessaire pour couvrir un surcoût et assurer une rentabilité suffisante aux investisseurs. Le passage d’une logique de tarif d’achat à une logique de complément de rémunération à la vente sur le marché n’abaissera pas automatiquement le coût du soutien pour la collectivité. Elle pourrait même l’augmenter légèrement à court terme, comme c’est le cas en Allemagne, afin de soutenir la montée en puissance de nouveaux acteurs intermédiaires assurant un niveau d’agrégation pour la vente sur le marché.

Deuxièmement, dans un secteur qui a été très chahuté par un manque de constance des politiques de soutien ou des dispositions réglementaires, il est absolument indispensable que ces nouveaux systèmes de soutien ne viennent pas s’ajouter au niveau de risque des projets. Les projets d’ENR se financent principalement par la dette bancaire, dont les taux augmentent vite dès que le risque est ou semble élevé. À titre d’exemple, une augmentation de 2 % du taux de financement liée à la perception d’un risque accru induit une augmentation de 9 % du coût de revient de l’électricité éolienne. Lors de la transition vers le nouveau dispositif de soutien, il est indispensable de mettre en avant stabilité et lisibilité envers les investisseurs et de prévoir une phase d’expérimentation, une concertation et la publication d’une feuille de route claire et lisible sur les évolutions à venir dans les trois ou quatre prochaines années.

Tous les acteurs de la filière s’accordent sur un point : indépendamment des soutiens financiers, ils attendent essentiellement de la stabilité et de la lisibilité dans la durée – dans ce domaine, de grands progrès restent à accomplir.

Le deuxième grand sujet que je veux évoquer est celui de la précarité énergétique, du chèque énergie et du travail accompli par l’ONPE. La précarité énergétique est un sujet majeur pour une part de plus en plus importante de nos concitoyens, qui demandent une réponse à la hauteur des enjeux. Si la définition de la précarité énergétique fournie dans la loi Grenelle 2 – « est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat » – a le mérite de lui donner une existence légale, il est désormais nécessaire d’aller plus loin, de mieux comprendre, mieux définir, mesurer, localiser et cibler la précarité énergétique pour mieux combattre ce phénomène croissant et durablement installé.

C’est la raison d’être de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), mis en place le 1er mars 2011 et opérationnel depuis mai 2012. Présidée par Jérôme Vignon
– également président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale –, l’ONPE est placé sous le pilotage opérationnel de l’ADEME. Rassemblant les acteurs du logement, de l’énergie et de la solidarité, l’Observatoire a pour premier objectif de disposer d’une connaissance fiable et partagée d’une situation dont on suppose qu’elle touche toujours plus de Français, dans un contexte de crise sociale, d’incertitude économique et de hausse des factures d’énergie, mais qui est en même temps très difficile à appréhender dans ses multiples dimensions – pauvreté, autorestriction, arbitrage entre différents postes de dépenses ou encore problématique d’éloignement des centres villes.

La question de la précarité énergétique est en effet plus vaste que ne le laisse entendre la définition officielle, focalisée sur les ménages pauvres qui résident le plus souvent dans des habitations à faible efficacité thermique. Elle résulte de l’alourdissement des charges contraintes des ménages, liées au logement et à la mobilité, qui restreignent le revenu disponible, du coût des travaux de rénovation, de l’étalement urbain qui accroît la dépendance des ménages à la voiture individuelle pour les déplacements domicile-travail – nécessité d’une d’un deuxième véhicule, allongement des kilomètres parcourus – et bien sûr du renchérissement prévisible des prix de l’énergie, en particulier de l’électricité.

Conscient de la diversité des situations et des enjeux politiques soulevés par le choix des indicateurs statistiques, l’ONPE propose – c’était l’objet d’un colloque organisé le 3 octobre dernier – de caractériser des populations en situation de précarité énergétique à partir de trois approches. La première est l’approche par l’économie de la consommation : relative à l’effort financier, elle consiste à identifier des ménages qui consacrent une part importante de leur revenu dans les dépenses d’énergie ; la deuxième est l’approche par le ressenti des ménages de leur niveau de confort dans leur habitat, qui identifie les ménages déclarant souffrir du froid dans leur logement ; la troisième est l’approche par la privation, qui identifie les ménages ayant des dépenses d’énergie significativement inférieures aux dépenses théoriques pour accéder à un confort standard.

En ce qui concerne la première approche, l’indicateur traditionnellement utilisé est le taux d’effort énergétique – le TEE, représentant le rapport entre dépenses d’énergie et revenus du ménage. C’est, a priori, l’indicateur le plus simple pour mesurer la précarité énergétique : si pour se chauffer, les Français dépensent en moyenne près de 5 % de leurs ressources, ceux qui consacrent au chauffage plus du double sont en situation de précarité énergétique. Ce taux reste toutefois très imparfait pour prendre en compte les revenus disponibles. C’est pourquoi l’ONPE propose d’explorer une méthode plus globale s’appuyant sur de récents travaux de scientifiques britanniques. Il s’agit d’étudier la population pauvre et modeste qui, pour atteindre un niveau de confort convenable, doit avoir des dépenses d’énergie la faisant basculer sous le seuil de pauvreté, à savoir 60 % des revenus médians.

Le phénomène, qui concerne aussi bien des consommations excessives contraintes que des situations de restriction, requiert ainsi le suivi d’un panier de plusieurs indicateurs. En réalité, chaque indicateur met l’accent sur une facette du phénomène, fait émerger des profils-types de ménages en précarité et recouvre des enjeux politiques spécifiques. Selon les approches précédemment évoquées, les ménages en précarité énergétique sont en majorité des propriétaires âgés en milieu rural et des locataires âgés de moins de 50 ans en milieu urbain.

Ces travaux sur les indicateurs ont ainsi permis de prendre la vraie mesure quantitative de la précarité énergétique. Sur la base du taux d’effort énergétique – l’indicateur traditionnellement retenu –, 3,8 millions de ménages, soit 8 millions de personnes, seraient touchés par ce phénomène. Sur la base du panel d’indicateurs proposés prenant également en compte les comportements – dont celui de ne plus se chauffer –, le niveau de revenu et le ressenti de l’inconfort, l’Observatoire évalue ainsi à plus de 11 millions les personnes en situation de précarité énergétique, soit près 20 % de la population. Avancer un tel chiffre n’est pas faire preuve de catastrophisme : au contraire, il est possible que nous soyons en dessous de la réalité, car pour l’établir, nous nous sommes appuyés sur une enquête réalisée auprès des ménages par l’INSEE en 2006 – la dernière à ce jour, mais qui devrait être prochainement réactualisée en prenant en compte tout ce qui s’est passé depuis 2007, notamment la hausse des prix de l’énergie et les répercussions de la crise sur les familles les plus vulnérables.

La transition énergétique dans laquelle nous sommes engagés – chacun sait à quel point la ministre y est attachée – ne se fera pas contre les citoyens : elle ne peut se faire qu’avec et pour eux. Il serait donc inconcevable d’abandonner plusieurs millions de nos concitoyens sur le bord du chemin : nous parlons ici de plus de cinq millions de ménage. La loi de transition énergétique adoptée en première lecture prévoit de mettre en place un chèque énergie qui, en plus de répondre à une vraie demande, doit bénéficier à l’ensemble des consommateurs d’énergie, quel que soit leur mode de chauffage – pas seulement le gaz et l’électricité, mais aussi le fioul, les réseaux de chaleur et le bois – ce dernier concernant plutôt les consommateurs ruraux. Cette contribution universelle et solidaire est très importante, car nous consommons tous de l’énergie, pour une redistribution aux plus démunis basée sur la collectivité, et non énergie par énergie, ce qui constitue un vrai saut qualitatif par rapport aux tarifs sociaux qui ont montré leurs limites, d’une part dans le fait qu’ils ne bénéficiaient qu’à ceux se chauffant à l’électricité ou au gaz, d’autre part en faisant trop dépendre des opérateurs une politique de redistribution et de solidarité nationale voulue par la puissance publique, ce qui ne signifie pas qu’il faille y renoncer.

Bien sûr, il ne s’agit pas de se limiter à des mesures d’urgence en se contentant d’aider les consommateurs à payer leurs factures : un travail de fond doit être accompli sur la durée en rénovant les logements – surtout les plus précaires et ceux pouvant être qualifiés de « passoires énergétiques » – afin de consommer mieux et moins.

Je conclurai sur la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), un outil de politique publique fondamental – dont je connais bien les mécanismes, puisque j’ai eu le privilège de faire partie de son collège fondateur. J’y vois la clé de voûte des politiques publiques, entre le soutien aux ENR et la précarité énergétique. Si, dans l’absolu, c’est un bon système, permettant de répartir le surcoût de développement de la politique de soutien aux ENR, son montant a explosé ces dernières années pour représenter aujourd’hui environ 13 % de la facture d’un ménage – et cette hausse va se poursuivre régulièrement dans les années à venir, même si elle est plafonnée à 3 euros par mégawattheure (MWh). Il faut néanmoins noter que le montant de la CSPE reste beaucoup plus faible en France qu’en Allemagne, où elle quatre fois plus élevée. À titre d’exemple, un ménage français paie environ 1,65 centime d’euro par kilowattheure (kWh) – sur un kWh à environ 15 centimes d’euros –, tandis qu’en Allemagne, la compensation appelée Erneuerbare-Energien-Gesetz (EEG), uniquement destinée au soutien aux ENR, s’élève à 5,3 centimes d’euros le kWh.

Comment amoindrir le poids de la CSPE pour les consommateurs – surtout s’ils sont en situation de précarité – et financer le chèque énergie ? Une première piste – qui, je le sais, ne fait pas l’unanimité – consiste à étendre l’assiette de la contribution aux autres énergies, notamment si l’on considère que les consommateurs de gaz ou de fioul pourront demain bénéficier du chèque énergie. À titre d’exemple, si l’on estime que le chèque énergie coûtera un milliard d’euros, ce qui correspond en moyenne à 200 euros par an versés de façon forfaitaire à cinq millions de foyers défavorisés, ou 250 euros par ans si l’on ne vise que quatre millions de foyers – à comparer aux 1,6 million de foyers aidés en 2013 –, l’élargissement de la CSPE aux consommations de fioul, de gaz et d’électricité des secteurs résidentiels et tertiaires permettrait de faire passer le montant de la contribution allouée à la précarité de 3,30 euros du MWh – si l’assiette de la CSPE était limitée à l’électricité – à 1,20 euro du MWh. Ce système représente une vraie solution – qu’il faudra bien trouver, puisque le chèque énergie est inscrit dans la loi sans que son financement soit précisé pour le moment.

Si le chiffre d’un milliard d’euros que je viens de citer peut effrayer, il convient toutefois de le relativiser, ce que je ferai en citant un exemple que je donne fréquemment. Le premier projet d’éolien offshore va ainsi représenter, lui aussi, une somme d’un milliard d’euros à la charge de la collectivité, à payer sur vingt ans. Rappeler quelques ordres de grandeur en la matière est toujours utile : par exemple, en 2013, les tarifs sociaux de l’électricité coûtaient à la collectivité un peu plus de 100 millions d’euros, alors que le montant de la CSPE dépassait 5 milliards d’euros cette même année : comme on le voit, la prise en compte de la question sociale est plutôt marginale par rapport au montant de la CSPE.

Bien entendu, il ne s’agit pas de remettre en cause notre soutien aux ENR ou la péréquation tarifaire, ce serait un comble ! Mais gardons à l’esprit ces ordres de grandeur pour permettre des choix politiques sociétaux sereins en toute connaissance de cause. À l’échelle des ménages aussi, les montants peuvent permettre de fixer les idées et de considérer comme insuffisante l’aide au paiement actuelle : un ménage précaire chauffé à l’électricité et payant une facture moyenne de 1 700 euros par an recevra 140 euros d’aide, alors qu’il contribuera à hauteur de 190 euros à la CSPE… d’une manière un peu caricaturale, on pourrait donc dire qu’il finance lui-même son tarif social.

Une autre possibilité, qui évite la lourdeur de mise en place de ce nouveau prélèvement, est de considérer que le montant nécessaire au financement du chèque énergie correspondrait à une redistribution forfaitaire de l’assiette carbone en cours d’intégration dans les taxes intérieures sur la consommation, qui représenterait, à l’horizon 2016, 4 milliards d’euros, sur lesquels 800 millions d’euros pourraient être fléchés pour financer la précarité énergétique d’après l’avis du comité de fiscalité écologique – un avis non rendu public, puisque le comité a vécu, mais néanmoins quelques initiés ont eu accès à cet avis.

Si demain, nous voulons faire assumer à tous la hausse prévisible des prix de l’énergie, il ne faut pas oublier que s’éclairer, se chauffer, se déplacer, c’est aussi un droit, c’est un bien essentiel dans une société moderne et solidaire. Pour réussir une transition énergétique que l’on présente à juste titre comme un modèle de société plus sobre, plus respectueuse des ressources, il faut parvenir à la rendre désirable et y associer tout le monde : les acteurs économiques, bien sûr, mais aussi les collectivités et nos concitoyens, y compris les plus vulnérables, ceux qui se trouvent en situation de précarité énergétique.

Mme Clotilde Valter, rapporteure. Monsieur le président, vous avez dit que les coûts et les tarifs allaient augmenter. De ce point de vue, la transition énergétique va jouer un rôle considérable, en aidant les personnes en situation précaire au moyen des dispositifs du chèque énergie et de la rénovation thermique des logements. Cela dit, quelle analyse faites-vous des mécanismes de fixation des tarifs, qui aboutissent à ce que ceux-ci augmentent sans cesse ? Au-delà du pari de la transition se pose une question de fond, celle de la structure même des tarifs et de leur répercussion sur le budget des ménages. Même si vous préconisez d’élargir la prise en charge de la transition par un plus grand nombre de consommateurs, une hausse continue des tarifs pourrait, à la longue, toucher même les plus modestes.

Denis Baupin. Ma première question porte sur les énergies renouvelables et l’évolution des mécanismes de soutien. Pouvez-vous nous confirmer que votre souhait d’aboutir à une minimisation des coûts pour les consommateurs vous conduit à soutenir les dispositifs de prime ex post – calculée à la fin de l’année – plutôt que ceux de prime ex ante – calculée en amont ?

Pour ce qui est de la précarité énergétique, le chiffre de 11 millions de précaires énergétiques est un révélateur du terrible échec résultant de l’absence de stratégie énergétique de ce pays. On nous a répété durant des décennies que l’électricité n’était pas chère en France, ce qui n’a évidemment pas incité aux économies d’énergie, mais bien au développement du chauffage électrique.

Je vous rejoins sur le fait que le chèque énergie constitue une grande avancée, et pour ma part j’estime que ce dispositif ne doit pas seulement permettre de payer sa facture, mais aussi aider à réduire sa consommation en facilitant, par exemple, l’achat d’un réfrigérateur ou d’un appareil de production d’eau chaude sanitaire à basse consommation. Cette piste vous paraît-elle intéressante ?

Enfin, la seule façon de faire diminuer sa facture quand les prix augmentent consiste à diminuer sa consommation. Un certain nombre de dispositifs de maîtrise de l’énergie sont prévus par la loi, notamment celui des certificats d’économies d’énergie (CEE). L’ADEME avait estimé que pour la période 2014-2016, l’objectif d’économies d’énergie devait s’élever à 900 térawattheures (Twh) cumac. Cette évaluation est-elle toujours d’actualité ?

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Il est toujours délicat de répondre à une question portant sur la construction des tarifs. Indépendamment du fait que les tarifs doivent couvrir les coûts avec une marge raisonnable – sur le montant de laquelle il est permis de s’interroger – et de la nécessité pour tous les grands opérateurs de réaliser d’importants efforts de productivité, on sait que c’est l’empilement des différents paramètres du tarif qui a un effet inflationniste. Au stade de la production, de lourds besoins se font sentir en matière d’investissements – pas seulement pour l’avenir, mais aussi dès maintenant, notamment pour garantir la sûreté du parc nucléaire, avec un degré d’exigence renforcé depuis l’accident de Fukushima, En ce qui concerne les réseaux, le Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) rémunère les gestionnaires de réseaux publics pour compenser les charges qu’ils engagent du fait du transport et de la distribution de l’électricité ; dans ce domaine, après une longue période de sous-investissement, on a retrouvé une dynamique d’investissement destinée à augmenter la qualité, ce qui a forcément un impact sur le tarif. Enfin, le tarif comprend aussi des taxes, dont la CSPE. Les trois composantes que je viens d’évoquer – production, réseaux, taxes – tendant à augmenter, il en est de même de leur addition, et rien ne permet d’espérer une inversion de courbe dans les années à venir.

À mon sens, le seul moyen pour que la facture cesse d’augmenter – voire baisse un peu –, c’est de mieux et moins consommer. L’un des principaux dispositifs prévus à cet effet par la loi est le plan de rénovation. On sait que le bâtiment représente 44 % de la consommation d’énergie en France : compte tenu de l’état du parc, il y a donc un travail considérable à faire durant des années, même en se fixant la plus ambitieuse des politiques
– 500 000 logements à rénover, c’est énorme. Parallèlement, il faudra maintenir les politiques d’accompagnement, en particulier auprès des publics les plus précaires.

Cela dit, le souci de protéger le consommateur ne doit pas nous empêcher de lui dire la vérité, ce que je ne craignais déjà pas de faire du temps où j’étais délégué général du Médiateur de l’énergie, car à défaut d’envoyer les bons signaux, de mettre en œuvre les politiques appropriées, on finit tôt ou tard par se trouver confronté à une situation inextricable. En l’occurrence, j’estime nécessaire que le juste prix soit payé par tous ceux qui peuvent le payer, comme le veulent la logique économique et le jeu de la compétition – tout en tenant compte des choix de politique publique, qui doivent être assumés. Refuser toute hausse des prix au motif que certains ne peuvent pas payer procède d’un raisonnement erroné : en fait, il faut partir du principe selon lequel ceux qui peuvent payer le juste prix – il y en a beaucoup, même si on a toujours tendance à considérer qu’on paye trop – doivent le faire, tandis que les personnes en situation de précarité énergétique ont, elles, vocation à bénéficier d’un traitement spécifique. Application du juste prix d’une part, traitement de la précarité énergétique par redistribution d’autre part, tels sont les deux principes qui nous permettront à la fois de couvrir les coûts et de faire preuve de solidarité – et c’est à la lumière de ces considérations que le milliard d’euros de la CSPE trouve sa justification.

« Mieux consommer, moins consommer », ai-je dit dans mon propos liminaire. De ce point de vue, nous sommes restés trop longtemps dans une logique où l’on n’attend qu’une chose du consommateur : qu’il paye sa facture de manière passive, sans se poser de questions. La hausse des prix consécutive à l’évolution du mix énergétique va avoir pour conséquence de modifier l’état d’esprit du consommateur, qui va progressivement devenir consommateur-acteur – aidé en cela par la mise en place de smart grid, et notamment du compteur intelligent Linky –, à la fois auto-producteur, auto-consommateur et effaceur. C’est la combinaison de ces éléments – intelligence technologique et des comportements d’une part, signaux-prix adaptés d’autre part – qui doit permettre de réduire le montant des factures à moyen terme.

Pour ce qui est des énergies renouvelables, je suis effectivement plutôt favorable à un mécanisme de prime ex post – sur ce point, je laisserai Damien Siess vous donner des explications techniques plus détaillées.

Vous m’avez également demandé, monsieur Baupin, si le chèque énergie devait être affecté uniquement au paiement de la facture de chauffage. En tant que président de l’ADEME, je suis tenté de considérer qu’il est utile de financer tout ce qui peut permettre de consommer moins et mieux et que, de ce point de vue, l’aide à l’achat de matériel électroménager à basse consommation peut être une bonne idée – si ce n’est qu’un tel dispositif serait un peu compliqué à mettre en œuvre. Tel qu’il est actuellement défini, le chèque énergie me paraît constituer un outil efficace au service d’une politique publique de redistribution, visant à ce que les personnes se trouvant dans les situations les plus précaires ne soient pas laissées au bord de la route.

M. Damien Siess, directeur adjoint « Productions et énergies durables » à l’ADEME. Pour ce qui est du poids du facteur de risque dans le coût des énergies renouvelables, nous préférons largement les systèmes prévoyant une prime ex post. Mettre en œuvre un système de prime ex ante reviendrait à dire que l’on a un niveau-cible auquel on ne veut pas revenir – en gros, celui des tarifs actuels – et à faire une prévision sur la rémunération qui pourrait être obtenue par le marché pour calculer le montant du complément versé sous la forme d’une prime. « La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir », disait Pierre Dac. De fait, deux écueils sont à éviter : celui consistant à surestimer la rémunération obtenue sur le marché – faute d’une rentabilité suffisante, les producteurs seront confrontés à des difficultés, et des défaillances industrielles pourront même survenir, ce qui freinera le développement des ENR ; et celui consistant à sous-estimer la rémunération, ce qui, comme on l’a constaté par le passé, ne manquerait pas de susciter des critiques à l’égard de la politique publique et des effets d’aubaine qu’elle crée. En tout état de cause, l’incertitude relative au niveau de rémunération du marché conduirait à prendre une marge sur le niveau de risque et les taux de financement bancaire, ce qui se traduirait, paradoxalement, par une augmentation significative du coût public du soutien aux ENR – nous aurions alors un système plus intelligent, mais beaucoup plus cher.

Le système ex post, dans lequel la prime est modulée a posteriori en fonction des résultats obtenus sur le marché, présente l’avantage d’inciter les acteurs individuels à être le plus vertueux possible. Du fait de la sécurité relativement élevée qu’il présente quant à son niveau de financement, il constituerait sans doute la meilleure transition que l’on puisse imaginer entre le système actuel de tarifs réglementés, appelé à disparaître, et le futur système de marché libre, qui va progressivement s’imposer à mesure que les filières ENR augmenteront leur niveau de compétitivité économique, jusqu’à pouvoir rivaliser avec les filières classiques – ce qui est déjà pratiquement le cas pour certaines d’entre elles. Comme chacun le sait, le diable est dans les détails, c’est pourquoi nous serons très attentifs – voire contributeurs, dans la mesure du possible – au contenu des futures ordonnances relatives à cette question, où nous souhaitons voir le système de prime ex post s’imposer.

En ce qui concerne les CEE, l’évaluation de 900 Twh cumac semble tout à fait réaliste, même si certains la trouvent ambitieuse.

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Cette évaluation ne vient-elle pas d’être boostée dans le cadre de la loi sur la transition énergétique ?

M. Denis Baupin. … Pas tant que ça : le seuil envisagé est seulement passé de 660 TWh cumac à 700 TWh cumac.

M. Damien Siess, directeur adjoint « Productions et énergies durables » à l’ADEME. Je vous confirme qu’il reste de la marge en matière d’économies d’énergie : à niveau de confort inchangé, l’objectif de 900 TWh nous paraît tout à fait accessible.

M. Alain Leboeuf. Monsieur le président, si vous êtes manifestement très enthousiaste au sujet du plan de transition énergétique, pour ma part, je m’interroge sur le fait que vous estimiez que les gens « peuvent payer » – alors que le Président de la République et le Premier ministre considèrent que nous avons atteint un niveau de saturation en matière de prélèvements – même si, j’en conviens, les tarifs de l’énergie constituent un autre poste de dépenses. Vous nous dites que la facture énergétique des ménages va diminuer grâce aux économies engendrées par les travaux de rénovation thermique, mais que cela va prendre en vérité beaucoup de temps ; en revanche, vous n’avez pas précisé à quel moment la transition énergétique allait entraîner une augmentation des prix de l’énergie, et je crains fort que cette augmentation ne précède les économies que l’on attend de la baisse de la consommation, aggravant encore la précarité énergétique dans notre pays.

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Je ne suis pas venu plaider en faveur d’une hausse des prix de l’énergie, mais simplement souligner que des paramètres objectifs montrent que nous allons vers une hausse – au demeurant déjà constatée. Si tous les gouvernements s’efforcent, indépendamment de leur orientation politique, de limiter cette hausse, tant pour préserver la compétitivité des entreprises que le pouvoir d’achat des ménages, elle finit toujours par nous rattraper. C’est pourquoi, à mon sens, nous devons faire en sorte d’en limiter les effets en les compensant par une baisse de la consommation.

Selon le scénario établi par l’ADEME pour la période 2014 à 2030, la facture énergétique des ménages doit augmenter sous l’effet d’une hausse des prix et des taxes, avant de diminuer sous l’effet d’une baisse de la consommation énergétique. Comme vous le dites, il n’est pas exclu que les prix de l’énergie augmentent plus vite que notre capacité à faire baisser la consommation, ce qui poserait alors des problèmes en matière de compétitivité des entreprises et de pouvoir d’achat, c’est pourquoi nous devons nous atteler le plus vite possible à l’immense chantier de la rénovation des logements.

M. Alain Leboeuf. J’entends bien, mais vous raisonnez sur la base de formules mathématiques relevant de la macro-économie. Personnellement, je pense que nos concitoyens vont se trouver divisés en deux catégories : d’une part, ceux qui auront la possibilité de rénover leur logement dès maintenant, ce qui leur permettra d’espérer une diminution de leur facture ; d’autre part, ceux qui ne seront pas en mesure de le faire, et seront donc frappés de plein fouet par l’augmentation des tarifs qui va toucher tout le monde. Quand vous citez des moyennes, vous oubliez que les Français ne disposent pas tous des mêmes ressources, et que certains d’entre eux risquent de se trouver confrontés à d’énormes difficultés.

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Je suis d’accord sur ce point, et je vous répète que je ne suis pas favorable à une hausse des prix de l’énergie – sur laquelle je n’ai d’ailleurs aucun pouvoir. Plutôt que de vous dire que tout va bien, j’ai préféré vous tenir un discours courageux en soulignant le caractère inéluctable de la hausse des prix, afin de montrer l’urgence qu’il y a à traiter le problème de la précarité énergétique qui touche au quotidien des millions de foyers, en ville comme à la campagne. C’est le travail de l’Observatoire de la précarité énergétique que de quantifier et préciser ce phénomène de la manière la plus fine possible, afin de définir au mieux les politiques publiques à mettre en œuvre.

M. Alain Leboeuf. Je voulais surtout souligner qu’il faut rester prudent et, plutôt que de critiquer et de rejeter en bloc les anciens dispositifs, réfléchir à la manière de les faire évoluer.

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Ma critique à l’égard des tarifs sociaux se limite à dire qu’ils peinent à toucher leur cible et ne sont pas à la hauteur des enjeux, ayant d’ores et déjà montré leurs limites, en dépit de la loi Brottes qui les a généralisés. À mon sens, le chèque énergie a vocation à compléter et enrichir les dispositifs actuels – et s’il montre toute son efficacité, les tarifs sociaux tomberont d’eux-mêmes. Je ne suggère donc pas de remettre en cause le système actuel, mais de faire mieux en lui donnant une dimension plus équitable, par un élargissement à l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit le mode d’énergie auquel ils ont recours. Il n’est pas normal qu’une personne disposant de faibles ressources et se chauffant au gaz puisse cumuler deux aides pour un montant total de 200 euros en moyenne – ce qui est assez proche du chèque énergie –, alors qu’une autre, ne se chauffant ni au gaz ni à l’électricité, n’a quasiment droit à rien. Le système a montré ses limites. Il il faut donc l’enrichir, ce qui est l’objet du chèque énergie. J’ai beaucoup de respect pour les fournisseurs historiques – notamment pour EDF, une maison que je connais bien pour y avoir débuté ma carrière et pour siéger actuellement à son conseil d’administration en tant que représentant de l’État –, mais je considère qu’il ne leur appartient pas de faire de la redistribution, qui doit relever de la politique publique. Je précise par ailleurs un point qui n’est pas forcément connu, à savoir le fait que les réductions de facture – ainsi que les frais de gestion qu’elles entraînent – sont répercutées sur l’ensemble des consommateurs ; là encore, c’est un inconvénient que ne présente pas le chèque énergie.

Mme Isabelle Le Callennec. J’estime, moi aussi, que plus la facture énergétique augmentera et plus les Français vont prendre conscience de la nécessité de moins consommer. En ce qui concerne les tarifs sociaux et le chèque énergie, je pense qu’il faut s’interroger sur le problème de seuil qui risque de se poser. Il a été dit tout à l’heure qu’il y a ceux qui peuvent payer et les autres, et je me demande si les personnes éligibles aux tarifs sociaux et au chèque énergie ne vont pas, de ce fait, être moins attentives à leur consommation d’énergie – alors que les économies d’énergie doivent concerner tout le monde. Les bailleurs sociaux ont, à mon sens, un très grand rôle à jouer dans l’incitation à moins consommer.

Je conclurai par une anecdote personnelle qui m’inspire une interrogation. Équipée à mon domicile d’un chauffage électrique, mais disposant également d’un abonnement au gaz de ville, j’ai reçu une proposition de GDF consistant à assurer à la fois mon approvisionnement en gaz et en électricité. Si le tarif qui m’est proposé pour l’électricité est avantageux pour les deux années à venir, rien ne permet de savoir ce qui va se passer ensuite. Savez-vous quelles idées les deux grands opérateurs ont en tête lorsqu’ils proposent un contrat mixte associant le gaz et l’électricité ?

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Au sujet de l’offre mixte, qui implique pour le consommateur de renoncer au tarif réglementé pour passer au tarif de marché, l’ADEME est très fière d’avoir mené un combat ayant abouti à l’inscription dans la loi NOME du principe de réversibilité sans condition, en vertu duquel les consommateurs ont, à tout moment et sans aucun frais, la possibilité de revenir aux tarifs réglementés. Grâce à ce principe très protecteur pour le consommateur, le risque que vous évoquez n’existe plus.

Le marché de l’électricité et celui du gaz sont différents et il existe actuellement, pour la fourniture de gaz, de vraies opportunités d’accéder à des offres inférieures au tarif réglementé. C’est ce qui a conduit l’UFC-Que choisir – que l’on ne saurait suspecter de connivence avec les grands opérateurs – à lancer, dans le cadre d’une opération « Gaz moins cher ensemble », un appel d’offres ayant abouti à une proposition alternative de Lampiris, un fournisseur belge, pratiquant un tarif environ 10 % moins cher que le tarif réglementé : 100 000 foyers français se sont déclarés intéressés par cette offre et 60 000 y ont déjà souscrit.

Quant à la question des comportements, elle est fondamentale car, si les gens profitent des marges dégagées par les avancées technologiques pour consommer plus, c’est un puits sans fond ! C’est pourquoi l’ADEME attache une grande importance au fait que les travaux de rénovation soient assortis d’une démarche pédagogique auprès de nos concitoyens. Dans ce cadre, nous accompagnons 7 000 familles dites « à énergie positive » – cette action est particulièrement dynamique en Savoie, monsieur le président…

M. le président Hervé Gaymard. En effet, il s’agit du défi de l’Association savoyarde pour le développement des énergies renouvelables (ASDER).

M. Bruno Léchevin, président de l’ADEME. Ces familles se sont engagées dans une action visant à réduire leur facture d’énergie uniquement par leur comportement, ce qui permet d’obtenir une économie de 200 euros par an en moyenne. Si cette économie reste modeste en son montant, elle montre l’importance du comportement sur la facture – et peut contribuer à l’achat d’un appareil à basse consommation, qui permettra de réduire encore les factures à venir.

L’accompagnement des comportements ne doit pas se faire uniquement au moment où les travaux de rénovation sont effectués, mais se prolonger dans la durée, afin d’éviter que les mauvaises habitudes ne reviennent. C’est dans les années 1970 qu’a été lancé le slogan « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! », sous l’égide de Jean Syrota, alors directeur de l’Agence pour les économies d’énergie – il fut président de la CRE trente ans plus tard. Si le principe consistant à économiser l’énergie est toujours d’actualité, il ne faut cependant pas que les économies de chauffage aillent au-delà du raisonnable : abaisser la température d’un logement de 20 °C à 19 °C permet de réduire sa facture de façon appréciable, mais nous ne conseillerions à personne de régler son thermostat sur 15 °C, une telle pratique entraînant une dégradation du logement et des problèmes sanitaires.

Mme Isabelle Le Callennec. Ne creusons pas le trou de la Sécurité sociale !

M. le président Hervé Gaymard. Je ferai une simple remarque sur le parc social. Comme de nombreuses autres collectivités locales, le conseil général de la Savoie, que je préside, a pris l’initiative en 2008 d’accroître sensiblement les crédits alloués au logement social – alors même que cela ne relève pas de la compétence des départements –, afin de permettre à l’Office public d’aménagement et de construction (OPAC) qui y est rattaché d’entreprendre des travaux de rénovation thermique : nous estimions en effet très préoccupant qu’un grand nombre de logements sociaux puissent être considérés comme de véritables passoires thermiques. En cette occasion, j’ai été frappé du temps de latence existant entre la décision initiale et la réalisation effective des travaux, du fait des nombreuses étapes à franchir entre les deux – établissement des diagnostics thermiques, nécessité de recueillir l’accord des propriétaires concernés etc.– et je peux vous dire qu’il faut vraiment que les élus locaux et les agents de l’OPAC soient très motivés pour qu’un projet de ce type se concrétise.

M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables » à l’ADEME. Je confirme que les opérations consistant à choisir un diagnostiqueur, faire établir le diagnostic et obtenir qu’il devienne une préconisation, choisir un maître d’œuvre et des entreprises pour réaliser les travaux, demandent de longs délais. C’est dans les copropriétés que l’on a le plus de difficultés à faire avancer les choses : il est très compliqué d’emporter la décision d’un ensemble de copropriétaires dont les intérêts sont souvent divergents, et il faut alors jusqu’à six ou sept ans pour réaliser certaines opérations, même si l’ADEME s’efforce d’aider les copropriétés en mettant en œuvre différents outils. À l’inverse, de notre point de vue, les bailleurs sociaux sont généralement des maîtres d’ouvrage exemplaires, qui savent travailler dans le temps long et disposent d’une vision intégrant à la fois le loyer et les charges – ce à quoi s’ajoute l’avantage de l’effet de masse résultant du grand nombre de logements dont ils ont la responsabilité.

M. le président Hervé Gaymard. Nous vous remercions pour votre contribution.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Réunion du mercredi 15 octobre 2014 à 18 h 30

Présents. - M. Denis Baupin, M. Philippe Bies, M. Guillaume Chevrollier, M. Hervé Gaymard, M. Alain Leboeuf, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annick Le Loch, Mme Clotilde Valter

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. François Brottes, Mme Marie-Anne Chapdelaine