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Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015

Mercredi 27 avril 2016

Séance de 18 heures

Compte rendu n°19

Présidence de M. Georges Fenech, Président

– Audition, à huis clos, de M. Jérôme Bonnafont, directeur d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’administration centrale du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, M. Didier Chabert, sous-directeur du Moyen-Orient, M. Philippe Errera, directeur général des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense, et M. Fouad El Khatib, chef du département Afrique du Nord et Moyen-Orient

La séance est ouverte à 18 heures.

Présidence de M. Georges Fenech.

Audition, à huis clos, de M. Jérôme Bonnafont, directeur d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’administration centrale du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, M. Didier Chabert, sous-directeur du Moyen-Orient, M. Philippe Errera, directeur général des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense, et M. Fouad El Khatib, chef du département Afrique du Nord et Moyen-Orient.

M. le président Georges Fenech. Messieurs les directeurs, nous vous remercions d’avoir répondu à la demande d’audition de notre commission d’enquête. Nous entamons avec vous un nouveau chapitre de nos investigations en nous intéressant aux aspects géostratégiques du terrorisme, aux menaces qui pèsent sur nos intérêts à l’étranger et aux actions à entreprendre pour y faire face.

Cette audition, en raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptibles de nous délivrer, se déroule à huis clos. Elle n’est donc pas diffusée sur le site internet de l’Assemblée. Néanmoins, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie si nous en décidons ainsi à l’issue de nos travaux. Je précise que les comptes rendus des auditions qui ont lieu à huis clos sont au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces observations sont soumises à la Commission, qui peut décider d’en faire état dans son rapport. Je rappelle que toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, divulguerait ou publierait une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, s’exposerait aux foudres de la loi pénale.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

MM. Jérôme Bonnafont, Didier Chabert, Philippe Errera et Fouad El Khatib prêtent successivement serment.

Messieurs les directeurs, je vais vous laisser la parole pour un exposé liminaire qui sera suivi par un échange de questions et de réponses. Nous vous interrogerons sur la situation au Levant, du point de vue de l’état des forces en présence et de l’évolution au cours de ces derniers mois. S’agissant de la coalition mondiale contre Daech, formée en septembre 2014, quels sont les buts poursuivis et le niveau de la participation de la France ? Nous voudrions également connaître la position de la France vis-à-vis du régime syrien.

La résolution 2254 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en décembre 2015 prévoit notamment de mettre en place, « dans les six mois », « une gouvernance crédible, inclusive et non sectaire ». Où en est-on aujourd’hui ? Quels sont les points de blocage ?

Quel est l’état des forces de l’opposition modérée en Syrie ? Quel soutien lui apportent la France et les pays de la coalition mondiale ? Quel rôle joue l’Arabie Saoudite dans la fédération des groupes d’opposition ?

Quel bilan dressez-vous de la trêve intégrale instaurée le 27 février dernier ?

Qu’en est-il de l’accès libre et sans entrave de l’aide humanitaire à toutes les zones de Syrie ?

Comment jugez-vous la situation en Irak ? Où en est la mise en œuvre du programme de réconciliation nationale annoncé à l’automne 2014, et quel soutien la France apporte-t-elle au régime irakien ?

Quels sont les résultats des frappes militaires en Irak et en Syrie ? Quel a été l’impact de l’intensification des frappes françaises à compter de septembre 2015 ?

Comment jugez-vous l’intervention russe ? Quels résultats a-t-elle obtenu ?

Quels sont les moyens mis en place par la Turquie pour lutter contre le retour des djihadistes en Europe ?

Quelles sont les principales menaces pour les intérêts français en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ? Où se situent-elles ?

La protection des bâtiments diplomatiques a-t-elle été renforcée au cours de la période récente ? Quid de la protection des sites occupés par des entreprises françaises ?

Enfin, comment jugez-vous la situation en Libye ? Pouvez-vous nous présenter l’accord interlibyen et l’action de la France dans sa mise en œuvre ?

M. Jérôme Bonnafont, directeur d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères. Je concentrerai mon intervention liminaire sur les aspects purement diplomatiques de la lutte contre le terrorisme.

Tout d’abord, on peut dire, de façon très générale, que l’on a pu observer au cours des derniers mois un changement d’atmosphère s’agissant de la lutte contre Daech. De fait, alors que sa progression paraissait difficilement résistible, on constate que la contre-offensive enregistre des succès grâce à la combinaison des forces de la coalition et des forces nationales irakiennes en particulier. Il me paraît important de souligner ce changement d’atmosphère pour expliquer la manière dont se situe notre diplomatie dans ce contexte.

En ce qui concerne la Syrie, nos motivations sont doubles : d’une part, obtenir des succès décisifs contre Daech et Jabaht al-Nosra (JAN), les deux grands groupes terroristes actifs sur le territoire syrien et, d’autre part, aboutir au règlement politique des affrontements armés qui ont fait, au cours des cinq dernières années, plusieurs millions de réfugiés et de déplacés et, selon l’envoyé spécial de l’ONU, 400 000 victimes. À cet égard, monsieur le président, vous avez mentionné à juste raison la résolution 2254 de l’ONU, adoptée en décembre 2015, qui prévoit un mécanisme de négociation politique pour tenter de régler la question syrienne. C’est dans ce cadre que se réunissent, depuis l’automne, à Vienne et maintenant à Munich, les principaux protagonistes régionaux, dont l’Iran, ainsi que les États-Unis et la Russie, qui sont en dialogue, la France et un certain nombre d’autres pays européens participant de façon extrêmement active à ces discussions.

La résolution, qui se fonde sur les conclusions d’une ancienne conférence de Genève, prévoyait un cessez-le-feu qui devait conduire à l’engagement d’une négociation sur la transition politique de façon à mettre en place un organe de gouvernement intérimaire capable de préparer les arrangements pour la Syrie de demain. Après le vote de cette résolution, une cessation des hostilités a été obtenue à Munich au mois de mars, avec trois éléments concomitants : cessation des hostilités, sauf contre Daech et Jabaht al-Nosra, accès de l’aide humanitaire à un ensemble de sites assiégés, essentiellement par le régime, et ouverture par l’envoyé spécial des Nations unies, Staffan de Mistura, de négociations entre le régime et la coalition d’opposants réunie à l’issue de la conférence de Riyad, qui rassemble l’opposition non terroriste, qu’il s’agisse d’opposants politiques de l’étranger ou de groupes armés de l’intérieur.

Au début, les choses se sont passées de façon relativement prometteuse, puisque les combats, notamment les bombardements, ont cessé, l’aide humanitaire a commencé d’avoir accès à certaines villes et Staffan de Mistura a réuni les deux délégations à Genève. Mais, depuis quelques jours, elles se sont à nouveau dégradées de façon sérieuse. Tout d’abord, l’aide humanitaire n’accède plus que de façon très parcellaire à l’ensemble des villes où elle devait arriver. Ensuite, si l’opposition est arrivée avec des propositions politiques et constitutionnelles jugées intéressantes et constructives par Staffan de Mistura, en revanche le régime n’a mis sur la table aucune forme de proposition politique. Enfin, le régime a repris ses offensives, en particulier contre Alep, en prétendant se concentrer sur les forces de Jabaht al-Nosra mais en causant des dégâts civils et en ciblant d’autres groupes, ce qui constitue une infraction à la cessation des hostilités. La délégation de l’opposition a donc décidé de suspendre sa participation aux négociations, et la communauté internationale recherche actuellement les moyens de relancer la dynamique diplomatique. Aujourd’hui même, Staffan de Mistura doit s’exprimer devant le Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation pour que celui-ci l’apprécie et étudie les moyens d’aller plus loin.

Cette situation est, selon nous, préoccupante du point de vue de la lutte contre Jabaht al-Nosra et Daech. En effet, le Gouvernement estime que la mobilisation des efforts contre ces groupes terroristes ne peut être efficace et définitive tant que la discussion politique n’aura pas accompli un progrès décisif permettant de tourner la page de la guerre civile en Syrie. L’arrêt des négociations retarde, bien entendu, le moment où l’ensemble des forces syriennes réconciliées pourront se tourner contre Daech. Dans le cadre des contacts que nous avons avec l’opposition, nous lui demandons de mobiliser ses forces contre Daech également, ce qu’elle a accepté à certaines conditions. En tout état de cause, nous pensons qu’il faut trouver le moyen de renouer la discussion politique.

En ce qui concerne l’Irak, vous avez sans doute constaté que le gouvernement de ce pays a connu, ces derniers jours, des difficultés politiques importantes. Ces difficultés sont liées au fait que le Premier ministre, M. Abadi, a souhaité nommer un nouveau gouvernement de « technocrates », dans le contexte d’importantes manifestations organisées par le mouvement dit « sadriste » – du nom d’un des chefs religieux chiites – autour de la zone verte à Bagdad. Ce nouveau gouvernement a été présenté au Parlement, qui ne l’a pas accepté comme tel, estimant notamment que le Premier ministre ne devait pas céder à la pression de la rue. Après des négociations compliquées et une certaine agitation parlementaire, le Premier ministre a pu faire adopter une partie de son remaniement ministériel, repoussant l’autre partie à plus tard.

Qu’en est-il de la réconciliation nationale ? Cette agitation populaire est due au fait que, depuis quelques mois, les réformes marquent le pas, faute pour le Gouvernement de parvenir à les faire adopter par le Parlement. Le remaniement avait pour but de remédier à cette situation puisqu’il s’agissait de constituer un gouvernement capable de soumettre plus rapidement un certain nombre de projets au Parlement. Nous continuons à plaider, dans le cadre de nos contacts politiques avec le gouvernement irakien, pour que la réconciliation nationale soit conduite de façon dynamique. Nous avons également intensifié notre coopération militaire avec ce gouvernement, et nous menons dans le cadre de la coalition de lutte contre Daech et au plan européen une politique d’aide à la stabilisation, qui consiste dans le rétablissement des services publics et de la concorde civile dans les villes reprises à Daech.

On ne peut pas ignorer la situation au Kurdistan, particulièrement affecté par la crise économique profonde qui résulte de la baisse des cours du pétrole. Le Kurdistan connaît, en outre, une crise politique due à la décision du président du gouvernement de prolonger son mandat, hors cadre constitutionnel et au débat avec les deux grands partis – Goran, qui était dans sa majorité jusqu’à récemment, et l’UPK, qui est dans l’opposition –, qui porte sur le point de savoir comment se fera la normalisation institutionnelle. Mais, parallèlement à ces difficultés politiques, les progrès de la lutte contre Daech ont produit un changement d’atmosphère. J’étais à Bagdad il y a quelques semaines, et j’ai été frappé de constater à quel point l’ensemble des dirigeants politiques – chiites, sunnites et kurdes – sont déterminés à faire en sorte que la lutte contre Daech progresse rapidement, avec pour objectif, désormais, la reprise de Mossoul.

S’agissant de la Libye, le Gouvernement était préoccupé notamment par le fait que l’instabilité politique qui prévalait jusqu’à tout récemment favorisait l’extension de l’emprise de Daech, en particulier à Syrte, avec une agressivité notable contre les bases pétrolières et les terminaux pétroliers, et contre la Tunisie où l’organisation a fait plusieurs incursions. Il était donc urgent que soit mis en œuvre l’accord politique sur un gouvernement d’entente nationale et un conseil présidentiel qui avait été conclu à Skhirat il y a quelques mois. Avec le nouveau représentant des Nations unies, M. Martin Kobler, et le nouveau premier ministre, M. Sarraj, les choses ont récemment avancé dans la bonne direction. Nous sommes en train de définir avec ce dernier les modalités de sa reprise de contrôle de l’ensemble des administrations publiques et financières et d’entreprendre des discussions sur le type de soutien militaire qui peut être apporté.

Un mot sur le Yémen où la présence d’Al-Qaïda, sous la forme d’AQPA (Al-Qaïda dans la péninsule arabique), et de Daech est très importante et se nourrit de l’instabilité politique et de la guerre qui s’y prolonge. Les discussions de paix qui, sous la pression de la communauté internationale, de l’ONU et de l’Arabie saoudite, ont débuté il y a quelques jours à Koweït sont une bonne nouvelle, d’autant qu’elles s’accompagnent d’un cessez-le-feu globalement respecté par les parties au conflit et doivent aboutir à un processus de réconciliation nationale. Il est clair que, comme la Libye, le Yémen doit être stabilisé politiquement si l’on veut pouvoir lutter efficacement contre Daech.

Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur les autres régions, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions sur le sujet. Je veux simplement souligner que nous ne nous méprenons pas : les succès militaires enregistrés contre Daech ou Al-Qaïda comme les progrès des règlements politiques ici ou là ne doivent pas nous conduire à sous-estimer l’ampleur de la menace qui demeure. N’oublions pas, en effet, que ces organisations terroristes, lorsqu’elles sont menacées sur le plan militaire classique, ont encore des moyens de représailles par la guerre asymétrique, notamment l’organisation d’attentats tels que ceux que nous avons subis en Europe et que subissent le Koweït, l’Arabie Saoudite ou la Turquie.

M. le président Georges Fenech. Nous aimerions connaître la nature des propositions mises sur la table par les opposants au régime de Bachar el-Assad et savoir sur quel point les discussions ont achoppé. Le départ de Bachar el-Assad avait-il été posé comme préalable ? Il nous avait semblé que le discours du Président de la République devant le Congrès, à Versailles, marquait une inflexion de la position de notre pays à cet égard. Le départ de Bachar el-Assad – pour lequel, je le précise, personne, ici, n’a de sympathie particulière – est-il toujours un préalable pour la diplomatie française ?

M. Jérôme Bonnafont. Les membres de l’opposition se sont accordés, à Riyad, sur une plateforme qui décrit une Syrie démocratique, pluraliste, dotée d’un gouvernement civil et respectueuse des composantes du peuple syrien – et cela vaut pour les groupes qui seraient qualifiés en France de laïcs comme pour les groupes islamistes. Cette plateforme était intéressante, car elle rassemblait des chrétiens, des Kurdes, des sunnites, des Alaouites, des Druzes, etc. L’opposition est venue avec un préalable, le départ de Bachar el-Assad, qui est pour elle un élément non négociable, mais en acceptant ensuite l’idée qu’un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs, en particulier du contrôle des services de sécurité et de l’armée, serait chargé d’élaborer une nouvelle constitution sur la base de laquelle des élections pourraient avoir lieu dans dix-huit mois, ce qui correspondait à l’esprit de Genève.

Le gouvernement français estime, pour sa part, que, de toute façon, il faut discuter avec le régime, car c’est avec lui que l’on peut définir la transition. Par ailleurs, instruits par des expériences passées – je pense notamment à l’Irak –, nous avons pour objectif, non pas l’effondrement de l’État syrien, mais le remplacement de la tête de cet État, qui doit être dirigé par des personnes capables de se faire accepter par l’ensemble des composantes du peuple syrien.

M. le président Georges Fenech. Y compris des personnes appartenant au régime ?

M. Jérôme Bonnafont. Y compris des personnes appartenant au régime. Mais nous ne pouvons pas imaginer que Bachar el-Assad puisse être, au bout du compte, celui qui conduira cette transition, tout simplement parce qu’il ne peut pas être accepté par tous ceux qui ont quitté la Syrie ou qui ont pris les armes contre lui. Nous ne faisons donc pas de son départ un préalable, mais nous ne voyons pas comment l’avenir de la Syrie peut se construire sur le maintien de Bachar el-Assad.

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur. Vous dites discuter avec des éléments du régime. La fermeture de l’ambassade de France, en mars 2012, signifie-t-elle que les relations diplomatiques ont cessé ? Dès lors, ces discussions sont-elles officieuses ou officielles, et la fermeture de l’ambassade est-elle un écueil dans la recherche d’une solution politique ?

M. Jérôme Bonnafont. Si j’ai indiqué que nous discutions avec le régime de Bachar el-Assad, c’est un abus de langage dont je vous prie de m’excuser, car ce n’est pas la France en tant que telle qui discute, mais l’ONU. La discussion est confiée à l’envoyé spécial des Nations unies, M. Staffan de Mistura, à qui incombe la responsabilité de rencontrer les négociateurs du régime, à savoir M. Jaafari, qui est le représentant permanent de la Syrie à l’ONU, de recevoir ses propositions et de discuter avec lui. Parmi les pays qui discutent effectivement avec le régime figurent, bien entendu, la Russie et l’Iran. Tel n’est pas notre cas, car nous estimons que la nature de ce régime et la politique qu’il a menée – qui nous a conduits à fermer notre ambassade et donc à ne plus entretenir de relations diplomatiques avec le gouvernement – ne nous permettent pas de nouer avec lui un dialogue utile. Ce serait envoyer un signal politique inapproprié que de reprendre langue avec lui tant qu’il n’a pas décidé d’entrer dans la transition qui est attendue.

M. le rapporteur. La question de la réouverture de l’ambassade ne se pose donc pas aujourd’hui ?

M. Jérôme Bonnafont. Elle n’est absolument pas posée aujourd’hui.

M. le rapporteur. Je suppose – mais cette question s’adresse peut-être davantage à M. Errera, qui pourra y répondre ultérieurement – que la fermeture de l’ambassade a posé un certain nombre de difficultés en matière de recueil du renseignement, dans la mesure où elle a sans doute entraîné la rupture de nos relations avec les services syriens. Est-ce exact ou est-ce plus compliqué que cela ?

M. le président Georges Fenech. Monsieur Errera, avant que vous ne répondiez à cette question, je souhaiterais que vous nous indiquiez, car c’est cela qui nous intéresse au premier chef, quels sont les résultats des frappes militaires en Irak et en Syrie, notamment depuis leur intensification au mois de septembre.

M. Philippe Errera, directeur général des relations internationales et de la stratégie du ministère de la défense. Je compléterai le propos de Jérôme Bonnafont en insistant davantage sur le volet militaire de l’action de la France. Avant de répondre à votre question, je souhaiterais évoquer notre intervention depuis que celle-ci a débuté, à l’été 2014, en la replaçant dans le cadre de l’action de la coalition, car c’est ainsi que l’on peut en dresser le bilan le plus complet et envisager précisément les objectifs de la suite de la campagne.

Après avoir lancé l’opération Chammal et les premières frappes en Irak, en septembre 2014, nous avons renforcé notre dispositif au cours des derniers mois de l’année 2014 puis, de manière plus nette, après les attentats de Paris du 7 et du 9 janvier 2015. Nous avons engagé pour la première fois le groupe aéronaval dans l’opération Chammal en février 2015, et les formations que nous dispensons à l’ICTS (Iraqi Counter Terrorism Service) et à l’état-major de la 6e division d’infanterie, qui est la division rempart de Bagdad, ont débuté en mars et en avril. Les premiers vols de reconnaissance de Rafale au-dessus de la Syrie ont eu lieu le 8 septembre et les premières frappes contre un site de Daech en Syrie sont intervenues le 27 septembre. Mais c’est au lendemain des attentats du 13 novembre que nous avons intensifié de manière substantielle nos frappes contre Daech, puisque, dès le 16 novembre, ont été annoncés et l’intensification de ces frappes et le déploiement du groupe aéronaval. Celui-ci comprend dix-huit Rafale et huit Super-Étendard modernisés, qui nous ont permis, en 48 heures, de mener six raids et de détruire trente-cinq objectifs. L’intensité de notre engagement n’a pas décru, malgré le retour du groupe aéronaval ; il est, du reste, vivement salué par les autorités irakiennes, comme le ministre de la défense a pu le constater lors de son récent déplacement à Bagdad et à Erbil, les 10 et 11 avril.

Depuis le retour du groupe aéronaval, à la mi-mars, près de 1 300 hommes sont déployés sur le théâtre. Nous assurons notamment la formation des commandos des unités antiterroristes irakiennes et des instructeurs et cadres de la 6e division irakienne, formation qui s’ajoute à celle des peshmergas au Kurdistan irakien. La composante aérienne de nos capacités militaires est constituée de quatorze avions de chasse – six Rafale depuis les Émirats et huit Mirage 2000-D depuis la Jordanie –, un avion de patrouille maritime Atlantique 2, un AWACS et, si besoin est, un avion ravitailleur projeté depuis la France. S’agissant de la composante navale, une Frégate assure en permanence la collecte du renseignement en Méditerranée orientale.

Sachant que vous auditionnerez ultérieurement le chef d’état-major des armées, je n’entrerai pas dans le détail des opérations, sauf pour mentionner un chiffre important : la France est le deuxième contributeur de la campagne en termes de capacités militaires et elle est, avec les États-Unis, le seul pays dont les capacités couvrent l’ensemble du spectre, de la formation au sol, à Bagdad et au Kurdistan, aux moyens aériens de recueil de renseignement et de frappe, en Irak et en Syrie, en passant par les moyens navals. Depuis le début de la campagne, nous avons réalisé environ 5 % des frappes de la coalition, les États-Unis en assurant 90 %, les 5 % restants étant réalisés par les autres membres de la coalition réunis.

La France n’agit pas seule dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, que ce soit dans le domaine du renseignement ou dans celui de l’action militaire. La coalition, dirigée par les États-Unis, regroupe soixante-trois pays, dont à peine une demi-douzaine participe aux frappes aériennes : outre les États-Unis et la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark et l’Australie. Au sein de cette coalition, nous ne nous contentons pas d’apporter une contribution militaire dans le cadre d’un plan de campagne décidé par d’autres : ce n’est pas la vision que nous avons de l’emploi de nos moyens militaires, quel que soit le théâtre d’opérations. Nous cherchons à agir comme force de proposition afin de contribuer à en définir les objectifs et les axes d’effort, notamment en amenant les États-Unis et les autres acteurs à accroître leurs efforts sur la Syrie, sachant que leur objectif prioritaire, notamment en 2014, lorsqu’ils sont entrés dans la campagne aux côtés des forces irakiennes, était l’Irak.

Pour garantir la cohésion de la coalition et nous permettre de contribuer à sa direction politico-militaire, nous avons lancé, avec les États-Unis, des réunions de coordination des ministres de la défense. Les ministres concernés sont bien entendu ceux des pays les plus actifs militairement dans la campagne : Jean-Yves Le Drian et son homologue américain, Ashton Carter ont coprésidé, à ce titre, le 20 janvier, à Paris, une réunion regroupant une demi-douzaine de pays, et ils se retrouveront à Stuttgart la semaine prochaine. Mais ce format a été élargi, à l’initiative de la France et des États-Unis, afin que des réunions regroupent les ministres de la défense des pays engagés contre Daech : une réunion de ce type s’est tenue en février 2016 à Bruxelles et une autre doit avoir lieu, en juillet 2016, à Washington.

On parle beaucoup des Américains, mais il ne faut pas sous-estimer l’apport de nos partenaires européens à cette coalition. À la suite des attentats du 13 novembre, le Président de la République avait demandé au ministre de la défense d’appeler ses homologues européens à la solidarité en invoquant l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne. Cet appel a permis de faciliter politiquement la consolidation et l’accélération de l’engagement d’un certain nombre de nos partenaires européens. Je pense en particulier au Royaume-Uni, qui a étendu ses frappes de l’Irak à la Syrie, et à l’Allemagne, qui a procédé à des vols de recueil de renseignements au-dessus de la Syrie. Ce processus a pu prendre un peu plus de temps s’agissant d’autres partenaires européens en raison leur débat politique intérieur et de la nécessaire validation parlementaire de leur engagement. C’est ainsi, par exemple, que le Danemark a approuvé, la semaine dernière, une contribution, importante au regard de la taille de ce pays, puisqu’elle consiste dans l’envoi de sept F-16, d’un C-130, de formateurs et de forces spéciales en Irak et, si nécessaire, en Syrie. Un certain nombre d’autres partenaires, notamment la Finlande, la République tchèque et la Pologne, ont, comme nous les y avions invités, annoncé des contributions, non pas directement en Syrie et en Irak, mais sur d’autres théâtres, où ils peuvent assumer une partie du fardeau actuellement supporté par nos forces, en particulier en Afrique subsaharienne, au sein des missions des Nations unies au Mali et en République centrafricaine.

Quels sont les résultats de cette campagne et de nos actions en particulier ? Il est difficile de chiffrer le total des forces de Daech. Plus significatif nous paraît être le territoire repris, car il donne une indication sur la population soustraite à l’emprise de Daech et sur les ressources dont il est privé. S’agissant de l’Irak, l’action combinée des reconquêtes effectuées au sol par les forces irakiennes, au sens large – c’est-à-dire les forces de sécurité intérieure, l’ICTS, les peshmergas et les milices chiites de la mobilisation populaire –, a permis de reprendre 30 % à 40 % du territoire que Daech contrôlait en Irak. En 2015, les victoires de Tikrit, Baïji, Sinjar et Ramadi ont été significatives à cet égard. S’agissant de la Syrie, l’action de l’opposition et des forces syriennes, avec l’appui de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, a permis de reprendre 15 % à 20 % du territoire de Daech, la reprise de Palmyre étant la plus symbolique mais pas nécessairement la plus importante au regard de nos objectifs militaires.

En somme, l’expansion de Daech au Levant est stoppée et l’ennemi n’est plus capable d’actions militaires offensives d’envergure. Il conserve la capacité de mener des opérations d’opportunité, de multiplier les attaques de harcèlement. Mais, sa liberté d’action étant de plus en plus contrainte, ses bascules de ressources entre les théâtres irakien et syrien, qui lui offraient des marges de manœuvre importantes, sont de plus en plus contrariées par la perte progressive de l’axe entre Mossoul et Raqqah et les frappes le long de la vallée de l’Euphrate.

Parmi les éléments importants pour Daech, au plan non seulement symbolique mais aussi politique, figurent la notion de continuité territoriale du califat – à laquelle nous nous attaquons en frappant les axes logistiques – et l’accès aux ressources. Nous avons ainsi entrepris, dès l’automne dernier, en grande partie grâce à l’insistance de la France auprès de son allié américain, une campagne visant de manière beaucoup plus systématique les richesses de Daech, en particulier ses infrastructures pétrolières. Nous estimons qu’aujourd’hui, son assise financière est fragilisée par les frappes soutenues contre la production pétrolière, ce qui l’oblige à augmenter ses prélèvements fiscaux, au risque d’accroître l’hostilité des populations administrées, ce qui est positif à long terme.

Faut-il être optimiste à l’énoncé de ces résultats ? Il est clair que nous sommes passés sur l’autre versant du combat contre Daech – les autorités irakiennes le disent clairement, et cela correspond à l’analyse de nos responsables militaires –, puisque nous avons brisé son mouvement d’expansion et qu’il recule territorialement. Nous sommes donc sur la bonne voie, au plan militaire. Cependant, il ne faut pas négliger la capacité de résilience de Daech. En effet, moins il pourra mener des actions militaires d’envergure, plus il mènera des actions asymétriques : attentats-suicide, emploi – en augmentation, du reste – d’armes chimiques et d’engins explosifs improvisés (EEI ou IED en anglais, pour Improvised Explosive Device) sur véhicules, dont nous avons constaté la technicité croissante puisque certains de ces engins sont désormais chimiques.

Nous devons donc persévérer dans notre action. Pour la fin de l’année 2016 et l’année 2017, nous continuons de défendre le principe d’une analyse systémique qui découle de notre analyse des vulnérabilités de Daech. En d’autres termes, les atouts – en particulier la notion de califat et de continuité territoriale – que Daech met en avant, notamment dans sa propagande destinée aux opinions occidentales, moyen-orientales ou asiatiques, auprès desquelles il cherche à faire des recrues, sont autant de centres de gravité sur lesquels nous cherchons à faire pression. Après une première phase qui visait à affaiblir Daech, nous avons entamé une deuxième phase, validée à la fin de l’année dernière par la réunion des chefs d’état-major de la coalition, qui vise davantage à démanteler l’organisation.

Nous allons concentrer le plan de campagne sur l’Irak, dans un premier temps, avec pour objectif la libération de Mossoul, d’Alambar et des vallées du Tigre et de l’Euphrate, ainsi que la reprise du contrôle des frontières avec la Turquie, la Jordanie et la Syrie, afin de couper Daech de ses bases arrière. Par ailleurs – là encore, sur l’insistance de la France, notamment auprès des États-Unis, mais les ministres de la défense de la coalition se sont accordés sur ce point en février dernier –, nous estimons indispensable de faire de la reprise de Raqqah l’objectif principal de notre action en Syrie, car elle est pour nous essentielle en termes de sécurité intérieure. Parallèlement, nous continuerons à accroître nos efforts pour affaiblir les capacités financières de Daech, qu’il s’agisse de revenus pétroliers, de devises ou de trafics, et ses capacités humaines en poursuivant la lutte contre les allers-retours des foreign fighters.

La réussite de ces objectifs, qui s’inscrit désormais dans un horizon réaliste – je n’aurais pas dit la même chose en 2014 –, même si je ne m’aventurerai pas à avancer une date, ne signifiera pas la fin des opérations ni celle de notre engagement ni, hélas ! celle de la menace terroriste pesant sur le sol français. D’une part, parce que Daech n’est pas le seul groupe terroriste auquel nous sommes confrontés : Al-Qaïda, qu’il s’agisse de ses groupes affiliés en Syrie, notamment le JAN, d’AQPA ou d’AQMI, reste une source de préoccupations. D’autre part, parce que nous pouvons craindre que, lorsqu’ils n’auront plus les marges de manœuvre dont ils disposent aujourd’hui en Irak et en Syrie, les combattants de Daech ne recherchent d’autres territoires pour s’y implanter. Le Yémen et, plus encore, la Libye, sont une préoccupation à cet égard.

M. le président Georges Fenech. Je note que vous n’avez pas du tout évoqué l’intervention russe. Pourriez-vous nous dire un mot de ses résultats ? Par ailleurs, vous nous avez exposé l’état des forces en présence : d’un côté, la coalition, composée de quelque soixante-trois pays contributeurs et disposant de moyens militaires importants, notamment aéronavals ; de l’autre, environ 25 000 hommes. Dès lors, il est difficile, pour un béotien comme moi, de comprendre pourquoi cette force internationale, composée notamment des Russes et des Américains, ne parvient pas à vaincre plus rapidement une horde de 25 000 hommes. On peut d’ailleurs se demander, à ce propos, pourquoi il faudrait exclure totalement l’hypothèse d’une intervention au sol. Est-ce le précédent irakien qui nous empêche d’envisager cette solution ?

M. le rapporteur. Il nous paraît, en effet, incroyable que 25 000 à 30 000 hommes fassent la pluie et le beau temps. Les résultats que vous nous avez exposés sont encourageants, certes, mais comment expliquer que l’on mette autant de temps pour venir à bout de Daech ? On a pu lire dans Le Canard enchaîné qu’une bombe coûtait 1 million d’euros. Si le coût des frappes est effectivement de cet ordre, on peut comprendre que l’on soit très attentif aux cibles visées. Confirmez-vous ce coût ? Au reste, les bombardements sont-ils suffisants ? Certes, la solution politique et la solution militaire ne vont pas l’une sans l’autre, mais j’ai le sentiment que l’on ne veut pas aller trop vite ni trop loin, précisément parce que, pour le moment, aucune solution politique n’existe. Enfin, la fermeture de l’ambassade a-t-elle compliqué le recueil du renseignement ?

M. Patrice Verchère. Il me semble que vous n’avez pas évoqué la Turquie, alors qu’elle reste, même si elle l’est peut-être moins qu’auparavant, un lieu de passage pour les Français qui se rendent en Syrie ou qui en reviennent. Il est clair que la Turquie d’Erdoğan entretenait, jusqu’aux récents attentats commis sur son sol, des relations ambiguës avec Daech. A-t-on une stratégie vis-à-vis de ce pays ? Je suis étonné que vous n’ayez pas évoqué cette problématique, qui suscite de nombreuses interrogations dans la population et chez certains parlementaires.

M. Serge Grouard. Je m’excuse par avance pour le caractère disparate de mes questions. Pourrions-nous avoir des précisions sur l’appréciation par le Quai d’Orsay de la politique américaine vis-à-vis de la nébuleuse terroriste ? Dispose-t-on d’éléments sur les liens que les États-Unis entretiennent, ou non, avec d’autres groupes que Daech – je pense notamment à al-Nosra ? Et, si tel est le cas, quels sont leurs objectifs et comment la France se situe-t-elle par rapport à cela ?

Par ailleurs, comment évaluer les résultats des frappes aériennes ? Je sais qu’une telle évaluation est difficile, notamment lorsque l’ennemi est très mobile et se dissimule assez facilement sur un territoire vaste et difficile à appréhender du point de vue du renseignement. Mais j’ai en mémoire les Balkans et la guerre du Kosovo, où les résultats des frappes étaient sous-évalués ou mal évalués.

Vous avez indiqué que la reprise de Raqqah était essentielle pour la sécurité intérieure. Pouvez-vous développer ce point ? Nourrissez-vous des inquiétudes quant à l’usage d’armes chimiques ? Pensez-vous que ce qui est fait là-bas dans ce domaine puisse être exporté ?

La Libye est-elle en train de devenir un nouveau centre de gravité pour Daech ? Avons-nous des éléments qui laisseraient craindre un regroupement de cette mouvance ou qui attesteraient de transferts de la Syrie vers la Libye ou le Yémen ?

Enfin, on sait que, dans la lutte contre le terrorisme, le « décloisonnement » est important. Vous disposez d’informations importantes sur le Moyen-Orient. On peut également avoir des éléments sur les Français et les Françaises qui sont partis combattre. Or j’ai le sentiment que, malgré tous les efforts qui sont faits, il existe encore des marges de progression pour parvenir à ce décloisonnement entre les services qui relèvent du Quai d’Orsay et du ministère de la défense, d’une part, et ceux du ministère de l’intérieur, d’autre part. Les éléments dont vous disposez peuvent-ils être transmis notamment au ministère de l’intérieur ?

M. Jean-Luc Laurent. Les progrès dans la lutte contre Daech sont nets et encourageants, mais la prudence s’impose puisque vous avez vous-mêmes souligné les dangers de la guerre asymétrique. Il nous faut nommer les choses. On a longtemps parlé de guerre contre le terrorisme ; or il me paraît important d’être précis et de cibler la guerre contre Daech. On constate, à cet égard, un certain réalisme dont témoignent la loi de programmation militaire et les discussions qui l’ont entourée.

L’éradication de Daech est une absolue nécessité et elle doit être rapide, car nous savons que les risques demeurent. Quelle articulation est possible avec la Russie et les pays de la région, qui n’ont pas été cités jusqu’à présent, pour avancer davantage ? Même s’il existe des difficultés de nature politique, pouvez-vous nous confirmer que des contacts existent ? Si tel n’était pas le cas, ce serait terrible.

Par ailleurs, quels enseignements tirez-vous des printemps arabes, du point de vue des mesures de précaution à prendre ? Il est évident que ces événements ont créé une certaine déstabilisation et offert un terreau fertile au terrorisme en Syrie et en Irak.

M. Philippe Errera. Tout d’abord, pourquoi cela prend-il autant de temps ? C’est une excellente question. Il est important de garder présent à l’esprit que nous ne faisons pas face à 25 000 ou 30 000 combattants composant des unités constituées, comme ce pourrait être le cas dans un combat conventionnel. Dans une telle hypothèse, la guerre serait terminée de longue date. Malheureusement, cela fait longtemps que l’on ne mène plus de guerre de ce type, en particulier contre des groupes terroristes. Nous sommes confrontés à des adversaires qui allient les capacités militaires conventionnelles de certains États et les atouts d’un groupe terroriste, c’est-à-dire l’aptitude à se fondre dans la population et à opérer en zone urbaine, de sorte que l’emploi de l’arme aérienne – notre principal outil, dès lors que nous ne déployons pas de troupes au sol – est limité par la nécessité d’éviter les dommages collatéraux, conformément au droit des conflits armés. Notre capacité à mener des frappes efficaces en volume suffisant est ainsi directement liée aux renseignements dont nous disposons, en particulier l’ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance). C’est pourquoi nous avons été particulièrement actifs auprès de nos partenaires européens pour que même ceux qui, pour des raisons politiques, ne souhaitaient pas s’engager dans des frappes puissent mettre à notre disposition des moyens de recueil du renseignement – je pense en particulier à des drones de surveillance –, lesquels sont nécessaires pour constituer un dossier d’objectif et évaluer le résultat des frappes.

En outre, pendant une bonne partie de l’année 2014, voire de l’année 2015, nos alliés américains. Or il nous semblait que, si un tel effort était important, d’autant plus que le gouvernement de ce pays menait des opérations au sol, l’action des États-Unis, au titre de la coalition ou non, devait être plus ambitieuse en Syrie – le Président de la République ainsi que Jean-Yves Le Drian ont insisté auprès d’eux en ce sens – et que nous devions aller plus loin dans le type d’objectifs visés, par exemple les infrastructures pétrolières.

S’agissant de la Russie, je ne l’ai pas mentionnée, en effet, dans ma description de l’action de la coalition, car elle n’en fait pas partie. Néanmoins, elle mène une action militaire. Selon nous, elle s’est engagée dans la campagne en Syrie avec pour premier objectif, non pas de lutter contre Daech, mais de sauver le régime de Bachar el-Assad, à un moment, à la fin de l’été dernier, où ce régime était réellement sous pression, le réduit situé autour de Damas et Lattaquié se trouvant sous la menace de l’opposition. La Russie a donc mené, à partir du 30 septembre, des frappes qui, dans un premier temps, visaient substantiellement l’opposition non djihadiste, c’est-à-dire ni Daech ni le JAN, mais l’ensemble des groupes qui menaçaient le régime.

M. le président Georges Fenech. Est-ce une certitude ?

M. Philippe Errera. C’est une certitude.

M. le président Georges Fenech. Elle est totalement réfutée par Poutine.

M. Philippe Errera. Nous avons beaucoup de certitudes totalement réfutées par Poutine ; celle-là en fait partie. Il suffit de voir, grâce à nos propres moyens de renseignement, les localités où la Russie a frappé : l’essentiel de ces frappes ont visé des zones dans lesquelles Daech n’était pas physiquement présent mais où seule l’opposition se trouvait.

Les choses ont néanmoins évolué après l’attentat contre l’Airbus russe au-dessus de l’Égypte, mais à la marge : si nous dressons le bilan de l’intervention russe, l’essentiel des frappes a visé l’opposition et c’est encore le cas aujourd’hui, dans le cadre de l’appui que les forces russes apportent aux forces syriennes. La Russie a mené des frappes contre Daech et le JAN, mais dans une faible proportion. Elle a annoncé son retrait de Syrie au mois de mars dernier. Or nous constatons surtout qu’elle a réaménagé son dispositif, de façon à tirer, de manière assez habile, le bénéfice politique et diplomatique maximal de cette annonce sans pour autant mettre en péril sa présence et son assistance aux forces syriennes. Elle a même renforcé un certain nombre de ses composantes militaires, en particulier les hélicoptères d’attaque.

Quoi qu’il en soit, nous maintenons nos contacts avec la Russie. Le Président de la République s’y est rendu dès le 26 novembre, deux jours après son déplacement à Washington, le ministre de la défense le 21 décembre et le chef d’état-major le 23 décembre. M. Jean-Marc Ayrault, quant à lui, s’y est rendu la semaine dernière, et les contacts entre fonctionnaires se poursuivent. Au plan militaire, nous entretenons des contacts à travers nos services de renseignement militaires respectifs, et, à ma connaissance, la DGSE n’a jamais rompu ses contacts avec les services extérieurs civils russes. Pour autant, l’idée d’une politique de lutte contre Daech partagée avec la Russie est contrariée par le fait que celle-ci n’est pas engagée militairement contre Daech. Par ailleurs, nous estimons que tant que Bachar el-Assad restera au pouvoir, le moteur de l’instabilité en Syrie, qui a nourri Daech et lui a offert ses marges de manœuvre, demeurera. Dès lors, tant que la Russie ne s’engage pas de manière entière dans une transition crédible, qui implique que Bachar el-Assad ne soit pas à la tête des autorités syriennes, notre effort de lutte contre Daech restera fortement contraint.

S’agissant de la fermeture de l’ambassade à Damas, je laisserai répondre M. Bernard Bajolet que vous entendrez sans doute. Mais je dirai de manière générale que nos services ne dépendent pas que des ambassades, et c’est heureux, pour leurs activités de recueil du renseignement.

J’en viens à la Turquie. Oui, nous constatons des ambiguïtés, des ambivalences, dans la politique turque. Cela dit, nous avons constaté une évolution de la politique turque s’agissant du contrôle de la frontière et, selon nos collègues du ministère de l’intérieur, des combattants français. Pour autant, il nous semble important de poursuivre les efforts diplomatiques et nos contacts avec la Turquie, notamment pour nous assurer que la position turque, dans la lutte contre Daech et, plus globalement, dans son rôle dans la région et sa relation avec Bagdad, ne va pas créer un autre foyer d’instabilité.

Comment évaluer la réalité des frappes ? Nous disposons aujourd’hui de tout un ensemble de moyens que nous n’avions pas en 1999, lors de la campagne du Kosovo, qu’il s’agisse du recueil de renseignements d’origine satellitaire ou des Pod Reco équipant les Rafale ou les Mirage, qui nous permettent de dresser le bilan de nos frappes. En outre, le renforcement de nos échanges de renseignements militaires avec les États-Unis concernant ce théâtre s’est accéléré après les attentats du 13 novembre.

Par ailleurs, si Raqqah est liée à notre sécurité intérieure, c’est parce que c’est là que sont formés des Français pour mener des attentats sur le sol français.

M. Serge Grouard. Cela mérite d’être dit. C’était l’objectif de ma question !

M. Philippe Errera. C’est l’un des centres de gravité de Daech en Syrie. Plus celui-ci est affaibli à Raqqah, plus il l’est globalement et moins la menace pesant sur la France est importante.

M. le président Georges Fenech. Je souhaiterais tout de même que vous répondiez à ma question sur l’envoi de troupes au sol. Sans trop vous avancer, pouvez-vous nous dire quand tout cela va-t-il cesser, selon vous ?

M. le rapporteur. J’ajoute que, selon les Israéliens, en quinze jours, au sol, cela pourrait être « plié ».

M. Jérôme Bonnafont. Ils veulent peut-être parler de Gaza…

M. Philippe Errera. Il existe des forces au sol, monsieur le président, en Irak : les forces irakiennes et les forces kurdes. Ce sont les seules qui, de notre point de vue, sont à même d’assurer dans la durée une situation locale qui empêche le retour de Daech.

M. le président Georges Fenech. C’est un raisonnement que j’ai du mal à accepter entièrement. Avez-vous le sentiment que si les Européens ou les Américains font ce travail, ils n’auront pas la même légitimité vis-à-vis des populations ? Autrement dit, l’exemple irakien est-il dissuasif ?

M. Philippe Errera. À supposer qu’un accord politique intervienne, soutenu par les opinions, pour engager 150 000 forces en Irak et en Syrie, nous pourrions, à court et moyen terme, réduire l’empreinte de Daech, mais je ne crois pas que nous serions en mesure de l’éradiquer, c’est-à-dire de mettre fin à sa capacité d’attraction. Au contraire, le fait que des « croisés » les combattent validerait l’idée qu’ils mènent bien le djihad et faciliterait le recrutement de combattants. Par ailleurs, l’action menée en Irak, pour ce qui était des Américains et de leurs alliés, et en Afghanistan pour ce qui nous concerne, a été dans un premier temps une action de combat, puis une action de formation. Nous estimons que, si cette action de formation et de renforcement des capacités locales peut être entamée dès maintenant, cela favorisera la pérennité de nos résultats.

M. le président Georges Fenech. Imaginons que, demain, une série d’attentats se produisent en France, y compris avec des bombes sales, qui fassent 2 000 à 3 000 morts. Croyez-vous que nous continuerons à raisonner ainsi ? Nous sommes engagés dans une guerre ; nous avons eu à déplorer 130 morts en 2015. Faut-il attendre des massacres, car on peut très bien craindre des actions coordonnées en Europe, pour décider d’employer d’autres moyens que de simples frappes ?

M. Philippe Errera. Vous ne m’en voudrez pas si je vous réponds que ce sera au Président et à la représentation nationale de prendre cette décision, le cas échéant. Si jamais une telle situation devait se produire – mais tout est fait pour que ce ne soit pas le cas –, les responsables politiques français seraient obligés de s’interroger sur l’ensemble des menaces pesant sur la France. Car, si nous voulions déployer un nombre significatif de troupes françaises au sol en Syrie et en Irak, cela nous obligerait, compte tenu du volume de nos forces, à dégarnir le territoire national et à réduire substantiellement notre présence au Mali et plus largement au Sahel. S’agissant de la menace terroriste globale pesant sur la France, ce ne serait pas forcément un avantage.

M. le rapporteur. Pour mener une intervention au sol en Syrie et en Irak, il faudrait réduire l’opération Sentinelle et affaiblir considérablement les autres opérations. Est-ce bien cela ?

M. Serge Grouard. Il faut le dire clairement : nous n’avons pas la disponibilité militaire nécessaire ! L’armée de terre compte 100 000 hommes, et elle est actuellement utilisée à plein rendement. L’armée française, qui est engagée dans tous les théâtres que l’on sait, y compris sur le sol national, n’a absolument pas, aujourd’hui, les moyens d’intervenir au sol en Irak et en Syrie. Les militaires qui rentrent d’opérations extérieures ne peuvent même plus bénéficier du temps de repos nécessaire avant de repartir en opération Sentinelle ! Le fait est que, dans le cadre du Livre blanc et de la loi de programmation militaire, on a très sensiblement réduit la voilure. Certes, la loi précédente était probablement illusoire, mais la réalité est celle-là.

M. Jérôme Bonnafont. Quelle est l’articulation entre les différents services de l’État ? Une « task force Daech » a été créée. Ce groupe de travail interministériel rassemble les différents services du ministère des affaires étrangères, la direction de M. Errera, la direction du renseignement militaire, le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) et la DGSE pour le ministère de la défense, et les différents services du ministère de l’intérieur. Cette task force se réunit chaque semaine.

M. le rapporteur. Il n’y a pas de chef ?

M. Jérôme Bonnafont. Non, c’est un échange d’informations et une coordination. Un certain nombre de documents, classés « confidentiel défense » évidemment, nous permettent de faire un point très précis des actions menées par les uns et les autres.

J’ajoute que l’action de notre service diplomatique comporte une dimension de coopération avec les services. Celle-ci est naturellement animée par la DGSE, la DGSI et les autres services de renseignement compétents. Cela participe du dialogue diplomatique constant que nous entretenons avec l’ensemble des pays avec lesquels nous avons des relations de confiance. Il y a indiscutablement un continuum diplomatie-défense-intérieur, à l’intérieur et à l’extérieur. Nous pouvons toujours progresser et, nous nous y efforçons, mais la volonté existe.

Pour revenir sur le point que vous venez d’évoquer, monsieur le président, quelle serait la base légale d’une intervention en Irak ou en Syrie ? Il existe une base juridique actuellement, qui est celle avec laquelle nous opérons contre Daech, sur la base de la légitime défense et d’une demande explicite du gouvernement irakien. C’est cependant un environnement extrêmement complexe, vu le nombre d’acteurs nationaux et internationaux déjà présents sur le terrain. Il y a donc une multiplicité de facteurs à prendre en compte.

M. le président Georges Fenech. C’est ce que semblaient avoir oublié les Américains lorsqu’ils sont intervenus en Irak.

M. Jérôme Bonnafont. En effet, et c’est ce que l’on paye aujourd’hui, sous bien des aspects.

La Libye est-elle un centre de gravité pour Daech ? L’organisation a rapidement progressé en Libye au cours des derniers mois, jusqu’à ce qu’elle se trouve confrontée à un phénomène qu’elle n’avait pas prévu : l’hostilité des populations locales. Elle a donc de grandes difficultés à se maintenir. Le pouvoir qu’elle exerce sur Syrte et sur certains quartiers est un pouvoir de terreur. Elle bénéficie de complicités locales ici et là, mais elle exerce le pouvoir sans le consentement des populations. Le rétablissement de l’autorité de l’État, auquel nous travaillons avec les nouvelles autorités libyennes, vise à construire l’opération militaire et les conditions politiques pour empêcher la Libye de devenir un centre de gravité de Daech. Pour l’instant, elle ne l’est pas, mais elle pourrait le devenir si cet effort échouait.

La question des enseignements à tirer des printemps arabes est complexe, car les printemps arabes ne sont pas nés avant le terrorisme : celui-ci existait déjà de longue date. Au cours des dernières années, Al-Qaïda a été affaiblie par les coups qui lui ont été portés depuis le 11 septembre, et Daech s’est substitué à elle, avec un nouveau projet, mais en Irak, et non dans les pays où sont survenus les printemps arabes. Daech est né de l’incapacité de l’Irak à se rétablir et de l’incapacité des chiites et des sunnites à trouver une formule nationale de coexistence après l’intervention américaine. Certains de ses combattants viennent de France, de Tunisie, du Maroc et d’Algérie, mais, auparavant, ils étaient sur d’autres théâtres, en Afghanistan ou au Yémen, avec Al-Qaïda. Je rappelle également que Boko Haram ou les Shebab de Somalie ne sont pas nés des printemps arabes mais de ce terreau, très difficile à définir et à comprendre, que ce soit en France ou dans ces pays-là, du terrorisme djihadiste.

Le fait est qu’aujourd’hui, nous avons été confrontés au cours des deux ou trois dernières années au sentiment d’invincibilité qu’a donné Daech, sentiment qui a captivé l’imagination des djihadistes, qui se sont alors portés en nombre auprès de cette organisation. S’il était si important qu’existe un pivot dans la lutte militaire contre Daech, c’est parce qu’il a permis que le mythe de son invincibilité soit détruit. Ainsi, les gens qui combattent à ses côtés commencent à revenir, non plus avec la belle histoire du Djihad triomphal qu’ils se racontaient à eux-mêmes, mais avec des histoires de défaite, de reculs. Et, pour ses chefs, il devient nécessaire de redéfinir le projet politique et militaire de Daech.

Pour revenir aux printemps arabes, ils n’ont donc qu’un lien très ténu avec Daech. Si, après les révolutions, un certain nombre de mouvements islamistes ont conquis le pouvoir, généralement par les urnes, les choses ont ensuite évolué de manière très diverse. Au Maroc, la Couronne a su construire un nouvel équilibre politique dans lequel la majorité conduite par les Frères musulmans, qui ont d’ailleurs gagné les élections locales récemment, entretient un dialogue étroit avec le palais. En Tunisie, après une année de tensions très fortes qui ont donné le sentiment que la situation allait se dégrader très vite, le Quartet, composé de l’union des syndicats, des ligues de droits de l’homme, de l’ordre des avocats et des organisations d’employeurs, a su inciter la classe politique à se mettre autour de la table et à adopter une Constitution qui se réfère à l’islam mais sur laquelle repose un système politique civil dans lequel une coalition non islamique soutenue par Ennahdha, parti islamiste, a obtenu la majorité. En Égypte, le président Morsi a conduit une politique qui lui a rapidement aliéné des pans entiers de la population qui a manifesté contre lui, si bien que l’armée a mis fin à l’expérience et que le maréchal Sissi a pris le pouvoir et est devenu le président de la République arabe d’Égypte. Son discours sur les Frères musulmans est très différent de celui que tiennent les Marocains ou les Tunisiens. Il faut observer cette diversité des discours : certains estiment que la lutte contre le terrorisme passe par l’éradication des Frères musulmans ; d’autres jugent, au contraire, que ces derniers peuvent être intégrés dans une vie politique démocratique normale.

Le phénomène Daech, je le répète, n’est pas né dans les pays des printemps arabes. En Syrie, il faut souligner que son émergence est due à la décision de Bachar el-Assad de libérer les islamistes qui étaient dans ses prisons et de leur concéder une partie de son territoire dans le cadre d’un pacte implicite de non-agression, de façon à pouvoir se présenter, s’il n’a plus que ce moyen pour se justifier vis-à-vis de la communauté internationale, comme un élément indispensable dans la lutte contre l’islam terroriste. Vous observerez, du reste, que de même que Palmyre est tombée entre les mains de Daech quasiment sans combats, de même elle a été reprise par le régime et les Russes quasiment sans combats. Vous observerez également qu’y étaient présents, certes, quelques soldats du régime, mais qu’il s’agissait, pour beaucoup, d’unités du Hezbollah, des Pasdaran et de l’armée régulière iranienne appuyées par des forces russes. Ainsi, si les opérations militaires en Syrie sont conduites nominalement par le président Bachar el-Assad, elles le sont effectivement par cette coalition de troupes étrangères, qui mènent l’assaut contre les cibles que le régime leur désigne – Alep actuellement –, afin de consolider ce que l’on appelle « la Syrie utile » et de préserver le pouvoir de Bachar el-Assad.

Un dernier mot sur la politique américaine contre Daech. Deux groupes terroristes sont listés comme tels par le Conseil de sécurité des Nations unies : Daech et Jabaht al-Nosra. Daech a une emprise territoriale extrêmement limitée géographiquement – très vaste mais très exclusive –, tandis que Jabaht al-Nosra s’est arrangé pour s’insérer dans les autres groupes armés actifs en Syrie. La difficulté à laquelle nous nous heurtons n’est pas de savoir si nous allons traiter ou non avec Jabaht al-Nosra, car personne, ni les Américains ni nous-mêmes, ne traite avec eux. Elle est liée au fait que, lorsqu’il s’agit pour les Russes de frapper, ils voient Jabaht al-Nosra partout et frappent donc partout, alors que nous, nous voyons des filins de Jabaht al-Nosra dans des environnements extrêmement disparates où se trouvent des groupes non terroristes. Toutefois, je ne crois pas qu’il y ait la moindre trace d’une coopération opérationnelle ou d’un dialogue politique entre les Américains et Jabaht al-Nosra. Les Américains ont un ennemi, le terrorisme islamiste, qui est le même que le nôtre et qu’ils combattent avec tous les moyens disponibles, car ils ont été frappés dans leur chair.

M. le président Georges Fenech. Monsieur Errera, vous risqueriez-vous à nous dire à quel horizon, selon vous, on assistera à la fin de Daech ?

M. Philippe Errera. Pour ce qui est de la fin de Daech, cela se compte en années – c’est une estimation personnelle. Surtout, nous devons nous attendre à ce que ses groupes combattants s’installent dans d’autres territoires lorsque les Irakiens auront remporté la victoire militaire en Irak. Nous devons également être attentifs à des mutations du terreau idéologique qui peuvent être similaires à celles auxquelles nous avons assisté entre Al-Qaïda et Daech.

M. le président Georges Fenech. Messieurs, il me reste à vous remercier pour vos réponses.

La séance est levée à 19 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Pierre Aylagas, M. David Comet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Georges Fenech, M. Philippe Goujon, M. Serge Grouard, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, M. Pierre Lellouche, M. Jean-René Marsac, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Julie Sommaruga, M. Patrice Verchère