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Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Jeudi 5 mars 2015

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 28

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Présidence de M. Éric Ciotti, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Mohamed Zaïdouni, président du Conseil régional du culte musulman de Bretagne, aumônier au centre pénitentiaire de Rennes

L’audition commence à 12 heures 05.

Présidence de M. Éric Ciotti

M. le président Éric Ciotti. Je souhaite la bienvenue à M. Mohamed Zaïdouni, président du Conseil régional du culte musulman de Bretagne, aumônier au centre pénitentiaire de Rennes.

Avant de vous donner la parole, et conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

(M. Mohamed Zaïdouni prête serment.)

M. Mohamed Zaïdouni, président du Conseil régional du culte musulman de Bretagne, aumônier au centre pénitentiaire de Rennes. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre de m’exprimer aujourd’hui devant vous. Je le ferai également en tant que secrétaire général du Rassemblement des musulmans de France, composante du Conseil français du culte musulman (CFCM), chargé de la formation des imams.

Notre pays a été frappé, les 7, 8 et 9 janvier dernier, par une série d’actes terroristes odieux, visant la liberté et faisant d’une religion et de sa communauté les otages d’une idéologie de violence. Je salue le sursaut républicain du 11 janvier, cette marche de la liberté et de la fraternité, par laquelle nos concitoyens ont exprimé leur refus des amalgames et de la stigmatisation, face à des terroristes qui ont cherché à diviser la communauté nationale et à en isoler les musulmans, en montant les citoyens les uns contre les autres, instaurant dans notre pays un climat de suspicion et d’inquiétude nourries par une recrudescence d’actes antisémites et islamophobes.

La communauté nationale, et particulièrement sa composante musulmane, a montré, lors de la marche républicaine, son attachement indéfectible aux valeurs de la République, et toutes les instances politiques, religieuses et civiles du pays ont à leur tour fait écho au message de solidarité du 11 janvier. Le Président de la République a assumé comme il se devait la dimension internationale de l’événement et pris les décisions qui s’imposaient pour préserver la cohésion nationale. Quant au Premier ministre et à son gouvernement, ils ont annoncé une série de mesures destinées à combattre le fléau de la radicalisation au sein de notre société. Il est notamment question de renforcer l’instance représentative de l’islam de France qu’est le CFCM, mais aussi de recruter soixante aumôniers musulmans supplémentaires dans les prisons et d’améliorer la formation des cadres religieux. Je me réjouis de cette prise de conscience des pouvoirs publics et de leur volonté d’aider l’islam de France à mieux se structurer, comme je salue la volonté du Gouvernement d’allouer des moyens supplémentaires à la formation des imams de France et des aumôniers.

Le Conseil régional du culte musulman de Bretagne, en collaboration avec le Rassemblement des musulmans de France et le CFCM, mène depuis 2008 une réflexion visant à préserver notre jeunesse de la dérive radicale et à lui permettre, ainsi qu’à l’ensemble de la communauté musulmane, de vivre son culte dans l’apaisement et dans le respect des valeurs et des lois de la République.

Plutôt que des mesures répressives, sans résultats sur le long terme, il est indispensable de mettre en œuvre des politiques de prévention associant tous les acteurs concernés : les pouvoirs publics, les ministères compétents, l’administration pénitentiaire et le CFCM.

Il n’existe pas de solution miracle mais, pour mieux cerner la problématique et trouver le bon traitement à cette maladie qui frappe nos jeunes, il est important de comprendre les différents processus de radicalisation et les variables autour desquelles ils s’articulent.

En ce qui concerne, d’abord, les déterminants sociologiques, ils ne peuvent à eux seuls constituer une grille de lecture satisfaisante pour comprendre l’engagement djihadiste. Olivier Roy, spécialiste de l’islam qui a étudié l’engagement djihadiste des jeunes Européens, souligne ainsi qu’aucune variable socio-économique lourde ne peut expliquer à elle seule la radicalisation ni même apparaître comme centrale dans le processus d’engagement. Pour autant, quelques variables courantes sont souvent évoquées, comme le faible niveau d’éducation, le chômage ou l’impossible insertion professionnelle et sociale, qui alimentent, selon certains auteurs, une frustration propice à l’engagement armé. Si la marginalisation économique d’un groupe social, religieux ou ethnique, favorise évidemment l’action collective protestataire violente, il est cependant exagéré d’établir un lien direct entre chômage et violence. Certains chercheurs le font, mais en introduisant une dimension psychologique importante, qui resserre la focale.

Le second élément-clef permettant d’expliquer la radicalisation d’un individu tient à son ignorance ou à sa connaissance insuffisante de la religion. La plupart de ceux qui tombent dans la radicalisation ne connaissent pas leur religion ou la connaissent mal par manque d’outils linguistiques et théologiques. L’ignorance est un terreau fertile pour la culture du fanatisme, elle prédispose à l’endoctrinement et à la radicalisation. Les terroristes qui passent à l’acte ne sont pas solidement enracinés dans leur religion et n’ont reçu qu’une éducation spirituelle superficielle. Ayant connu la délinquance, le banditisme ou la prison, souvent en situation d’échec scolaire ou social, ils sont en quête d’une forme de reconnaissance et rattachent pour cela leurs actes à une religion, voire à un simple slogan dont ils ignorent la signification profonde.

Il faut enfin se pencher sur les processus cognitifs à l’œuvre dans la radicalisation et comprendre toute l’importance des représentations et des cadres de lecture qui sont projetés par les aspirants au djihad sur leur expérience vécue. La radicalisation relève en effet toujours d’un mécanisme d’interprétation de l’environnement, qui justifie et encourage le recours à la violence. À cet égard, on peut identifier plusieurs facteurs responsables de la production d’un cadre cognitif belliqueux, comme la stigmatisation, le racisme, l’exclusion, l’injustice ou le délit de faciès, autant d’éléments qui ont largement contribué à susciter chez certains jeunes une radicalisation qui ne date pas d’hier. Il faut dire ici que la ghettoïsation de la communauté musulmane issue de l’immigration marque l’échec de notre politique d’intégration, qu’il est donc urgent de revoir.

À ces éléments, il convient d’ajouter l’usage efficace que font les recruteurs des nouvelles techniques de communication, en usant notamment des réseaux sociaux pour banaliser la guerre et la violence. Le manque de moyens dont souffrent l’aumônerie pénitentiaire ou l’imamat dans les mosquées a par ailleurs permis à des imams autoproclamés de s’accaparer les lieux de culte pour y proférer un discours haineux qui se nourrit de la stigmatisation que subit la communauté musulmane et pousse à la radicalisation certains jeunes, sensibles aux campagnes médiatiques menées contre les musulmans et l’islam.

Soulignons enfin que la radicalisation peut s’opérer en dehors du circuit communautaire, hors des mosquées, des associations culturelles, cultuelles, ou des prisons. Il peut s’agir d’une forme de radicalisation solitaire – ou autoradicalisation – d’une radicalisation via les réseaux sociaux et les sites djihadistes ou encore d’une radicalisation de groupe, orchestrée dans les quartiers par des caïds recruteurs qui jouent sur les situations d’échec scolaire, social et familial dans lequel se trouvent les jeunes.

Cela posé, on peut s’essayer à une typologie des populations touchées par la radicalisation et distinguer plusieurs cas de figure. Il y a d’abord les « nouveaux arrivants » fraîchement convertis à l’islam, qui sont une cible facile du fait de leur manque de connaissances théologiques, auxquelles se substitue une approche émotionnelle, voire affective de la religion, synonyme pour eux d’un changement d’identité. Il y a, à l’inverse, les « revenants », ceux pour qui l’engagement religieux accompagne une quête des origines et des racines, et qui vont chercher à s’inventer dans l’islam une nouvelle vie, une nouvelle réputation, de nouveaux horizons. La radicalisation peut également toucher les anciens délinquants, désireux d’effacer leur culpabilité et de se racheter par une forme de repentir qui s’offre à eux comme le moyen le plus rapide d’atteindre la récompense et le paradis. Enfin, la radicalisation menace, je l’ai dit, les jeunes en échec scolaire, professionnel ou social, dans des situations familiales délicates – parents divorcés, famille recomposées ou monoparentales. Privés d’autorité et d’accompagnement, habités par un sentiment de haine et de rejet de la société, ils trouvent dans l’islam radical un moyen d’exprimer leur rébellion et leur désir de vengeance.

Pour prévenir ces phénomènes de radicalisation, nous avons dégagé quelques pistes de travail.

Il faut, en premier lieu, œuvrer pour le développement et l’épanouissement des valeurs d’un islam tolérant, respectueux des lois de la République et, afin de garantir l’entente entre les différentes composantes de la communauté nationale, diffuser celui-ci grâce à des colloques, des rencontres ou des débats impliquant l’ensemble des forces religieuses du pays. Pour protéger les nouvelles générations de la tentation extrémiste, il faut également organiser à leur intention des conférences hebdomadaires qui doivent leur permettre de mieux connaître leur religion et de rejeter l’idée reçue selon laquelle, la France n’étant pas un pays musulman, ils ne pourraient y pratiquer l’islam.

Il faut renforcer la formation des imams, des aumôniers pénitentiaires, hospitaliers et militaires, et compléter leur formation théologique en les dotant des arguments nécessaires pour contredire et démonter la rhétorique des djihadistes qui dévoient les textes sacrés et les valeurs de l’islam. Il faut aussi leur permettre d’acquérir une parfaite maîtrise de la langue française, du contexte et de l’histoire de la République. Il faut surtout leur garantir un statut clair et une véritable reconnaissance. En effet, non seulement nous manquons de ces cadres mais il s’agit le plus souvent de bénévoles au statut précaire, tributaires à la fois du bon vouloir des associations cultuelles, qui peuvent à tout instant les révoquer, et du renouvellement de leur titre de séjour. Ils ne peuvent, dans ces conditions, malgré la qualité de leur engagement, travailler efficacement sur le long terme.

Le CFCM et les conseils régionaux doivent voir leurs prérogatives renforcées, et il est essentiel d’assurer l’autofinancement du culte. L’islam de France ne doit pas dépendre de fonds étrangers, et il existe des moyens légaux pour assurer son indépendance financière : financer le culte sur les recettes du halal ou grâce à une taxe sur le pèlerinage sont des solutions souvent évoquées ; il en existe d’autres.

Deuxième religion de France, l’islam reste pourtant mal connu des jeunes musulmans français, qu’ils s’appellent Mohammed, Ibrahim, Claude ou Catherine. Il est indispensable d’intégrer son enseignement dans les programmes, en mettant l’accent sur la richesse de l’islam des lumières, illustré par la civilisation arabo-andalouse, et en insistant sur la contribution des musulmans à la République, de tous ceux, en particulier, qui sont morts pour la défense de la patrie. Dans le même esprit, il faut enfin rendre à la langue arabe tout son éclat, pour mieux préserver les jeunes de toutes les formes de rhétorique radicale. On constate malheureusement à l’heure actuelle une diminution des postes d’enseignement de l’arabe. À l’intention des pratiquants, et plus particulièrement des nouveaux convertis, des programmes d’éducation religieuse doivent être mis en place, comportant un enseignement de l’arabe plus particulièrement orienté vers la lecture du Coran et l’accès aux textes de référence.

L’ensemble des acteurs qui œuvrent auprès des jeunes – imams, aumôniers, éducateurs – doivent être formés aux nouvelles technologies informatiques et s’inscrire de plain-pied dans l’ère numérique. Pour cela, des cycles de formation continue doivent être organisés dans les mairies, les centres de formation ou les mosquées. Il est indispensable en effet de promouvoir sur internet un discours alternatif à celui des djihadistes, à travers la création de sites assurant la promotion d’un islam modéré, respectueux des valeurs de la République, et de sensibiliser les jeunes aux risques de la navigation sur internet.

En complément du numéro vert, il est également de la responsabilité des fédérations et des institutions musulmanes d’aller à la rencontre des jeunes, d’organiser, dans les mosquées et les associations, des espaces d’échange et de rencontre, des cellules d’écoute où les familles puissent bénéficier d’un soutien et de conseils mais où les accompagnants aient également la possibilité d’échanger les uns avec les autres pour se nourrir de leurs expériences réciproques et faire émerger des réponses collégiales. Dans le même esprit, il importe de favoriser la reconstitution de la famille étendue – oncles et tantes, grands-parents –, lieu privilégié de la transmission des valeurs dans la tradition musulmane.

J’en terminerai par les modèles alternatifs qu’il faut promouvoir pour démontrer que l’échec n’est pas une fatalité. Toutes les success stories prouvant que les jeunes des quartiers issus de la diversité peuvent réussir dans quelque domaine que ce soit doivent être valorisées.

Mme Chaynesse Khirouni. Vous insistez comme nombre de personnes que nous avons auditionnées sur la nécessité de structurer et d’organiser la représentation des musulmans de France et de former les cadres religieux. Vous évoquez par ailleurs un islam des lumières, tolérant et modéré, mais pourriez-vous nous préciser comment se définit à vos yeux l’islam de France ? En effet, il recouvre des interprétations du Coran et des pratiques religieuses fort diverses, notamment au chapitre des prescriptions qu’il convient ou non d’observer. La communauté musulmane est donc loin d’être homogène et certains de ses membres ne reconnaissent pas les instances représentatives mises en place dans notre pays. Comment faire en sorte de leur conférer une véritable autorité ?

On sait par ailleurs que les phénomènes de radicalisation ne sont plus seulement liés à la fréquentation de certaines mosquées, mais qu’ils procèdent d’une relation directe établie entre les propagandistes du djihad et leurs cibles, notamment par le biais des réseaux sociaux. Comment dès lors est-il possible de reprendre en main ces jeunes qui se radicalisent en solitaire, loin du groupe et de la cité ?

M. Mohamed Zaïdouni. Il est important de rappeler que le CFCM est une instance représentative du culte musulman et non de la communauté musulmane, et il est impossible de fédérer tout le monde. En revanche, les valeurs de l’islam sont immuables, et l’islam de France est un islam qui respecte les lois de la République. C’est un islam tolérant, qui a toujours œuvré au « vivre-ensemble », et ce depuis les premières vagues d’immigration, depuis que nos premiers soldats sont morts pour la patrie et la défense de l’identité française.

Si l’on veut néanmoins mieux fédérer les musulmans, il faut renforcer la légitimité du CFCM, c’est-à-dire le doter d’un conseil religieux. En effet, assurant moi-même les fonctions d’imam, je n’ai pourtant pas la prétention de me livrer à une exégèse des textes sacrés, qui est du ressort de nos éminents érudits. Or, en l’absence d’autorité religieuse, chacun dans notre religion peut agrémenter l’islam « à sa sauce » et faire fi des valeurs de respect et de tolérance. Le CFCM doit donc être doté d’une sorte de Dar el-Fatwa, composé d’ulémas au fait des réalités françaises et qui, plutôt que de les importer de l’étranger, édictent des fatwas adaptées à nos compatriotes de confession musulmane. Il faut surtout préserver le CFCM de toute ingérence politique externe et garantir sa pérennité, afin qu’il puisse continuer de servir le culte et nos compatriotes musulmans.

En ce qui concerne la lutte contre la radicalisation, il faut prendre le mal à la racine et commencer par se demander comment des jeunes formés à l’école de la République et parfois munis de diplômes de l’enseignement supérieur peuvent se laisser embrigader dans des réseaux djihadistes financés par l’étranger. Le terreau de la radicalisation, c’est l’ignorance, et sans doute n’avons-nous pas éduqué correctement nos jeunes. Il faut, dès leur plus jeune âge, leur apprendre que leur identité musulmane n’est nullement incompatible avec leur identité citoyenne et que l’islam s’inscrit dans la République : l’école a ici tout son rôle à jouer, comme les imams au sein des lieux de culte et les familles. Les parents ne doivent plus être démissionnaires ; ils doivent accompagner leurs enfants et les préserver des fréquentations dangereuses.

M. Sébastien Pietrasanta. J’aimerais que vous nous fassiez partager votre expérience en tant qu’aumônier à la prison de Rennes. Comment parvenez-vous à entrer en contact avec les éléments les plus radicaux, sachant qu’ils refusent en général l’assistance des aumôniers musulmans ? Quand vous parvenez à établir le contact avec eux, avez-vous des moyens de les « déradicaliser » ?

M. Mohamed Zaïdouni. Je voudrais rendre ici hommage à tous ceux qui travaillent dans les prisons ainsi qu’à la direction de la prison de Vezin, à Rennes.

Pour ce qui me concerne, la clef de la réussite, c’est la sincérité et l’intégrité. Face aux détenus, je procède en deux temps. Il s’agit d’abord de gagner leur confiance, de répondre à leurs attentes. Les repas qui ont lieu à l’occasion des fêtes religieuses sont une bonne occasion d’entrer en contact avec eux, pour leur expliquer ma démarche, strictement religieuse, qui consiste à les écouter et à leur apporter apaisement et réconfort.

Une fois la confiance gagnée, le plus dur est fait. On peut ensuite aborder les questions ayant trait à la vie quotidienne, puis à la théologie, en les invitant à réfléchir. Grâce à l’aide de l’administration pénitentiaire, je suis toujours parvenu, jusqu’à présent, à faire passer aux jeunes un message d’apaisement. Si je ne possède pas la formule magique de la déradicalisation, une des solutions consiste à enseigner la véritable religion et à en rappeler les finalités qui sont la paix et l’amour. Je me réfère à la première épître de Jean où il est dit que celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer son dieu, qu’il ne voit pas.

M. le président Éric Ciotti. Selon vous, quelle est la responsabilité des organisations qui régissent aujourd’hui le culte musulman dans la montée de la radicalisation, bien antérieure aux événements tragiques qui viennent de frapper notre pays mais dont l’ampleur s’est considérablement accrue ? On sait les faiblesses qui minent ces organisations mais, bien que je salue la force et la détermination de leur discours après le 7 janvier, n’ont-elles pas fait preuve d’une forme de déni, voire de lâcheté face à ces phénomènes de radicalisation, peut-être sous la pression de menaces dont on sait qu’elles sont réelles ? Que peuvent faire les autorités, les imams et les aumôniers pour contrer cette radicalisation qui menace nos libertés et notre pays ? N’est-il pas temps de faire un grand ménage ? Comment peut-on envisager de sanctionner, d’exclure, d’excommunier ceux qui dérivent vers la violence ?

Vous avez parlé de promouvoir les imams francophones. Cela signifie-t-il a contrario qu’il faut proscrire le fait de prêcher dans une langue étrangère ?

M. Mohamed Zaïdouni. On ne peut faire porter toute la responsabilité de la situation sur les instances musulmanes. On connaît l’histoire du CFCM : c’est une institution récente, qui manque de moyens mais qui, malgré cela, est indispensable, et je salue le travail qu’il a accompli jusqu’aujourd’hui pour relever les défis qui sont les siens. Les composantes du CFCM ont toujours œuvré à l’épanouissement de la communauté musulmane. Elles ne sont ni dans le déni ni dans la lâcheté et se sont, au contraire, toujours montrées solidaires du peuple français dans la défense des valeurs républicaines et le respect des lois de la République. Je tiens par ailleurs à souligner que le CFCM n’a pas toujours été consulté sur des sujets le concernant. Certaines lois se sont faites sans nous, et l’on peut regretter, alors que nous sommes des représentants élus – et non nommés –, que nous n’ayons pas toujours été écoutés.

Quant aux imams, ils font leur travail mais dans des conditions, je le répète, précaires – certains n’ayant aucun droit à la retraite. Avant donc de leur demander des comptes, encore faudrait-il leur donner les moyens, comme au CFCM, de remplir correctement leur mission.

En ce qui concerne les imams non francophones, il ne saurait être question de les exclure, car certains d’entre eux font un travail formidable. C’est ainsi que dans la mosquée à laquelle je suis rattaché officie un imam arabophone. Il connaît bien notre environnement et commence à parler le français ; avant qu’il le maîtrise suffisamment, il dispose d’un traducteur. Beaucoup de ces imams sont désireux d’apprendre la langue de Molière, et il est important de leur donner accès à des formations accélérées, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible quand ces formations coûtent cher.

Dans un message, l’aspect linguistique n’est pas la seule chose à prendre en considération, comptent également le contenu et la personnalité de celui qui le délivre. Nous avons actuellement en France entre deux mille cinq cents et trois mille mosquées, alors qu’il en faudrait le double. Nous avons donc besoin de davantage d’imams, mais d’imams de France, maîtrisant l’arabe et le français, l’arabe parce que c’est la langue des textes scripturaires, le français parce qu’il leur permet de s’adresser à la jeunesse francophone qui ne parle pas l’arabe.

Contre le dérapage de certains de ces jeunes qui sombrent dans la radicalisation, l’approche sécuritaire ne me paraît pas suffisante. Notre rôle à nous, imams et aumôniers, est de nous concentrer sur les croyances des jeunes. Cela étant, le CFCM, la justice et la police doivent travailler ensemble pour élaborer un programme d’accompagnement et de sensibilisation de la jeunesse, qui prévienne la radicalisation avant de la sanctionner.

M. le président Éric Ciotti. Monsieur Zaïdouni, nous vous remercions pour votre intervention.

M. Mohamed Zaïdouni. Je vous remercie d’avoir bien voulu m’écouter. Je suis ravi de pouvoir servir la République. Vive la République, vive la France !

La séance est levée à 12 heures 55.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Éric Ciotti, M. Georges Fenech, M. Meyer Habib, Mme Chaynesse Khirouni, M. Patrick Mennucci, M. Jacques Myard, M. Sébastien Pietrasanta, M. Patrice Prat