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Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Mardi 24 mars 2015

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 37

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Présidence de M. Patrick Mennucci, Rapporteur

– Audition de M. Claude Arnaud, maire de Lunel, et de M. Pierre Soujol, son adjoint

La séance est ouverte à 11 heures 05.

Présidence de M. Patrick Mennucci, rapporteur.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Monsieur Arnaud, monsieur Soujol, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation. Nous avons souhaité vous entendre car des événements récents ont placé la ville de Lunel au cœur de l’actualité et suscité de nombreux commentaires. Or, notre commission d’enquête s’intéresse non seulement à des sujets régaliens, mais aussi aux situations locales. Nous souhaiterions donc que vous nous indiquiez les raisons qui pourraient, selon vous, expliquer ces événements. Nous comprenons bien que votre commune a été au centre d’un emballement médiatique et que vous pouvez avoir parfois le sentiment de vous retrouver dans une position de bouc émissaire. Nous nous intéressons, quant à nous, au fond des choses.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Claude Arnaud et Pierre Soujol prêtent serment.)

M. Claude Arnaud, maire de Lunel. Expert-comptable de profession, aujourd’hui à la retraite, j’ai été élu pour la première fois en 2001, maire de Lunel, commune de 26 000 habitants située entre Nîmes et Montpellier. Si notre ville a tant fait parler d’elle, c’est à cause d’événements que je vais résumer brièvement. En l’espace d’un mois et demi, six jeunes Lunellois partis faire le djihad ont été tués. Dans une déclaration maladroite, le président de l’association gérant la mosquée s’est abstenu de condamner le départ de ces jeunes, estimant qu’Allah jugerait. Puis, au cours d’une descente musclée, la brigade antiterroriste a appréhendé trois habitants de Lunel – une enquête, menée par le parquet de Paris, est en cours. Enfin, nous avons reçu la visite de la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Mme Myriam El Khomri, et du ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, qui a déclaré qu’une importante filière djihadiste avait été démantelée à Lunel.

La succession de ces événements a suscité un matraquage médiatique que les Lunellois et leurs élus vivent mal, car il nuit à l’image de leur ville. J’ai encore pu constater, la semaine dernière, lors de ma participation à l’émission télévisée « C à vous », que les journalistes ne s’intéressent qu’à un aspect des choses : ils voudraient à tout prix que notre commune abrite la principale filière djihadiste en France. Si Paris comptait la même proportion de djihadistes que Lunel, disent-ils souvent, ils seraient 30 000 ou 40 000.

Ce phénomène n’a pas une cause unique. À cet égard, il me paraît important de rappeler le contexte général. Lunel, où ma famille est implantée depuis plusieurs générations, comptait, l’année de ma naissance, en 1942, 7 000 habitants ; elle en compte désormais 26 000. Dans les années 1960 et 1970, la ville s’est développée sans rencontrer de problèmes particuliers. Aujourd’hui, en revanche, le taux de chômage y est très élevé. Cherchant à comprendre les causes de cette situation, nous avons confié, il y a deux ans, une mission à un économiste parisien, M. Nicolas Bouzou, du cabinet Asterès. Il ressort de son rapport que notre commune a connu une importante croissance démographique entre 1970 et la fin des années 1990 – on vient alors à Lunel pour diverses raisons, notamment parce que les logements y sont peu chers. La grande majorité de ce flux migratoire est composée – je le dis sans sentiment raciste – de personnes d’origine maghrébine qui sont plutôt en demande d’assistance. Selon Nicolas Bouzou, cette poussée démographique a été trop importante pour pouvoir être absorbée par l'économie de Lunel, laquelle, par ailleurs, ne crée pas moins d’emplois qu’une autre. Dès lors, à partir des années 2000, tout bascule et les équilibres se rompent : des problèmes surgissent entre communautés, le taux de chômage atteint 25 % en 2001 – il est actuellement de 20 % – et l’insécurité croît de sorte que Lunel a été placée en zone de sécurité prioritaire. Le flux migratoire maghrébin, la religion musulmane, le chômage, qui n’est jamais bon conseiller : autant d’éléments qui peuvent expliquer la formation d’un terreau propice à l’apparition de choses pas forcément très bonnes.

La ville de Lunel, en particulier sa jeunesse, a été stigmatisée par la récente campagne médiatique. Or, les jeunes Lunellois, dans leur grande majorité, naissent, s’instruisent, s’amusent et sont heureux de vivre dans cette commune. Une partie d’entre eux sont identifiés comme étant en situation difficile, pour des raisons familiales ou économiques. Pour les encadrer, nous avons donc mis en place, grâce à nos partenaires – le conseil général, le conseil régional et l’État – des dispositifs classiques, bien connus des élus : Programme de réussite éducative (PRE), Contrat local d’accompagnement à la scolarité (CLAS), Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et bientôt contrat de ville.

Puis est apparue, sans que je m’en aperçoive, cette jeunesse marginale qui, pour diverses raisons, décide de quitter la France pour participer à la construction d’un nouvel État islamique où s’appliquera, non plus la loi de la République, mais la loi coranique. J’ignorais ces départs ; je n’en ai eu connaissance qu’après coup, lorsque j’ai appris par leurs familles que certains de ces jeunes avaient été tués – les corps ne sont jamais revenus à Lunel. Six morts, cela fait beaucoup. Ces jeunes Lunellois partis en Syrie ou en Irak seraient un peu plus d’une dizaine selon le ministre de l’intérieur, une quinzaine selon le préfet de l’Hérault et une trentaine selon les journalistes… On peut penser, mais personne n’en est certain, qu’ils sont aux environs d’une quinzaine, dont ceux qui sont morts. Tout vient de ces six jeunes malencontreusement tués, qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. La semaine dernière, la presse locale relatait que dix habitants de Nîmes, une ville voisine, avaient été tués au djihad. Pourtant, on n’en parle pas. Les projecteurs ont été braqués sur Lunel parce qu’il s’agit d’une petite commune.

La pression médiatique a été terrifiante. Nous recevions, chaque jour, quatre ou cinq appels du monde entier, y compris d’Al Jazeera et du New York Times, qui a dépêché une équipe, que j’ai reçue ; des journalistes de France 3 sont restés 48 heures à Lunel, mais leur reportage a dû déplaire à leur rédaction, car il n’a pas été diffusé. Toujours est-il qu’une seule question les intéressait : « Pourquoi Lunel est-elle un nid de djihadistes ? » À cet égard, les propos qu’a tenus M. le ministre de l’intérieur me paraissent exagérés – mais l’enquête en cours nous dira ce qu’il en est. Certes, ces jeunes formaient une filière locale, comme il doit en exister un peu partout sur le territoire français. Il s’agit d’amis, parfois de frères, dont j’ai appris après coup qu’ils fréquentaient la mosquée et participaient à des séminaires sur le Coran et à des formations au Moyen-Orient.

Je précise tout de même qu’en novembre 2013, soit un an avant que ne surviennent les premiers décès, un musulman, qui a décliné son identité mais en demandant que son nom ne soit pas divulgué, avait fait une déclaration en main courante auprès de la police municipale pour indiquer que des jeunes partaient se former au djihad. Ce signalement a été communiqué aux services de gendarmerie, mais il n’a pas particulièrement attiré l’attention. Je ne fais de reproches à personne dans cette affaire ; la situation était différente en 2013. Aujourd’hui, il est certain qu’on y serait beaucoup plus attentif.

J’en viens à la question de la mosquée de Lunel. Environ un tiers de la population lunelloise est d’origine maghrébine. Depuis 2001, nous avons toujours très bien coopéré. J’ai d’ailleurs accompagné la construction d’une nouvelle mosquée, car celle qui existait se trouvait dans une maison du centre de Lunel et était trop petite pour accueillir, notamment le vendredi, l’ensemble des fidèles qui, de ce fait, priaient dans la rue. Cela ne pouvait pas durer. Nous avons convenu, au cours de nos échanges très cordiaux, que la commune ne financerait pas la construction d’une mosquée, mais que j’étais disposé à les aider notamment à trouver un terrain, à condition que cette mosquée ne comporte pas de minaret – cet accord a été respecté – et que l’imam parle français. Plusieurs imams se sont succédé qui parlaient français, mais ce n’est pas le cas de celui qui officie à la mosquée depuis maintenant deux ans et qui est originaire du Maroc. Je lui ai d’ailleurs indiqué, lorsqu’il est venu se présenter, fort courtoisement, et m’a demandé de l’aider à obtenir un logement social, que je verrai ce que je peux faire pour lui lorsqu’il sera capable de tenir une conversation en français.

Je dois dire cependant que les rapports ont changé. Nous observons tous, depuis trois ou quatre années, des signes évidents de radicalisation, qu’il s’agisse de comportements ou de propos. Je peux vous en citer quelques exemples. À deux reprises, j’ai croisé dans le centre de Lunel un couple dont la femme portait une burqa qui la couvrait entièrement, y compris le visage. La première fois, sachant qu’une telle tenue est interdite sur la voie publique, j’ai photographié les intéressés avec mon téléphone portable pour apporter la preuve de ce que j’avais vu. L’homme, portant la barbe et une longue djellaba blanche, m’interpelle ; je lui explique que sa femme enfreint la loi. Aussitôt, celle-ci s’en va et la conversation s’envenime et ce monsieur, qui savait que j’étais le maire, finit par me dire qu’il est français, et même plus français que moi. Ils sont partis et je ne suis pas parvenu à les rattraper.

La seconde fois, je croise un autre couple, vêtu de la même manière. La police municipale les appréhende mais, comme elle n’a pas le droit de verbaliser, la gendarmerie est appelée. Entre-temps, au cours de la discussion, l’homme produit un certificat médical indiquant que sa femme souffre d’une maladie de peau et qu’elle doit être couverte. J’ai ensuite appris que, bien qu’ils aient été emmenés par les gendarmes, cette affaire n’avait pas eu de suite. Peu de temps après, au cours d’une réunion de la commission de sécurité à la préfecture, où mon directeur de cabinet me représentait, il a même été plus ou moins reproché au maire de Lunel de semer la panique. En somme, j’aurais mieux fait de ne rien voir et de laisser faire. Quoi qu’il en soit, cette loi n’a pas été appliquée. L’est-elle sur le reste du territoire français ? Je l’ignore. Toujours est-il que je n’ai plus croisé de femmes vêtues de burqa.

Autre exemple précis : il y a à peine un mois, alors qu’elle célébrait un mariage, une de mes adjointes, ceinte de l’écharpe tricolore, tend la main au futur époux, qui refuse de la lui serrer, au motif que sa religion le lui interdit. À sa place, lui ai-je dit, je n’aurais pas célébré le mariage, mais elle a été prise au dépourvu. On m’a rapporté qu’un incident identique s’était produit dans une école.

Tous ces petits faits accumulés témoignent d’une certaine radicalisation depuis quelques années qui, ajoutée au chômage important, a pu créer un terreau propice à l’endoctrinement des jeunes.

Par ailleurs, les familles des jeunes Lunellois décédés n’ont pas toutes réagi de manière identique. L’oncle de l’un d’entre eux m’a dit qu’il fallait les comprendre, qu’ils n’étaient plus chez eux dans leur pays d’origine, le Maroc ou l’Algérie, et qu’en France, ils se sentaient, à tort ou à raison, rejetés. Mais le père d’un autre vient de porter plainte pour incitation au terrorisme. Son fils, du reste, n’était pas dans une situation sociale difficile : il avait reçu une bonne éducation et il était titulaire d’un diplôme en informatique de niveau bac + 4. Pourtant, il a été endoctriné et il est parti. On me parle beaucoup du rôle d’internet, mais je ne sais pas ce qui s’y passe. Il se crée ainsi des filières locales, à Lunel comme dans beaucoup d’autres villes.

J’ignore quelles sont les solutions à ce problème, mais c’est à l’échelle de la nation qu’il doit être traité. Bien entendu, nous devons faire tout notre possible pour remédier à la situation des jeunes en difficulté qui ont des problèmes d’emploi. Mais cette jeunesse-là, qui rejette les valeurs de la République et part construire un État fondé sur la loi coranique, nous échappe complètement.

M. le rapporteur. Nous avons bien compris, monsieur Arnaud, que vous étiez soucieux que Lunel ne soit pas stigmatisée, et je veux vous rassurer sur ce point : nous sommes tout à fait conscients des difficultés qui peuvent se rencontrer dans certaines communes. Nous cherchons simplement à mieux comprendre ce qui s’est passé grâce aux explications que vous pouvez nous donner.

Au fond, l’une des questions sur lesquels nous aurons à nous pencher, c’est celle des rapports entre religion et politique. Quant à nous, nous avons la conviction, et celle-ci est partagée par beaucoup de membres de la commission, au-delà des clivages politiques, que le départ pour le djihad relève d’une sorte de « romantisme », d’une quête d’aventures, et que la religion est le support de cette aspiration. Il m’a semblé, en vous écoutant, que vous partagiez un peu ce point de vue, même si vous avez évoqué la radicalisation religieuse. Sachez, à ce propos, que le fait pour un homme ou une femme de refuser de serrer la main d’une personne de l’autre sexe est un des critères de radicalisation qui ont été définis pour déterminer notamment l’évolution d’un détenu en prison. Ce type de comportements ne se rencontre donc pas uniquement à Lunel.

Je souhaiterais savoir si vous avez trouvé auprès des autorités de la République – je pense notamment à la préfecture de l’Hérault – le soutien que vous pouviez en attendre, compte tenu de la difficulté de la situation ; j’ai entendu quelques critiques de votre part.

M. Claude Arnaud. Je n’ai, quoi que j’aie pu dire à l’instant, de reproches à adresser à personne, car nous avons bénéficié d’une très grande écoute, d’un soutien et, surtout, de la solidarité des autorités. Nous profitons du reste de ces événements, et c’est de bonne guerre, pour expliquer que l’on pourrait faire beaucoup plus en faveur de Lunel – la secrétaire d’État à la politique de la ville nous a fait des promesses à ce sujet. Le préfet a toujours été à notre écoute ; il s’est rendu à Lunel pour me rencontrer et je peux l’appeler à tout moment. Mais j’ai le sentiment que ni lui ni la gendarmerie n’étaient plus informés que moi.

M. Christophe Cavard. Étant moi-même député de Nîmes, une ville voisine de la vôtre, je souhaiterais vous interroger sur vos relations en tant qu’élu avec les services spécialisés et avec le représentant de l’État dans la région, qui a du reste été directeur de la DST. Avez-vous été informé de l’éventuelle surveillance de certains habitants de votre ville ou de certains risques et, si tel n’est pas le cas, l’êtes-vous au moins aujourd’hui, après ces événements ? Par ailleurs, vous avez décrit l’évolution de Lunel, dont vous avez exposé la problématique démographique et sociologique. Pensez-vous qu’un espoir est permis ? Des moyens supplémentaires utilisés correctement permettraient-ils d’enrayer le processus de basculement de certains jeunes de votre ville ?

M. Joaquim Pueyo. Monsieur Arnaud, je souhaiterais savoir si, selon vous, la mosquée de Lunel est un lieu où les jeunes musulmans de votre ville peuvent se radicaliser. Cette mosquée serait en effet, selon des informations que j’ai lues dans la presse, dans le collimateur du Conseil français du culte musulman. Vous avez indiqué que l’imam était d’origine marocaine. Est-ce également le cas des dirigeants de l’association ?

Par ailleurs, comment envisagez-vous l’avenir ? Avez-vous une bonne connaissance de cette population ? Pensez-vous qu’il faudrait avoir davantage d’informations sur les jeunes susceptibles de se radicaliser ? Les structures qui permettent de renforcer le lien social sont-elles suffisamment nombreuses ? Cette radicalisation est-elle un sujet de préoccupation pour la communauté musulmane de Lunel ?

M. Claude Arnaud. Je crois qu’il ne faut pas « charger » la mosquée ; l’imam ou le président de l’association n’y font pas la pluie et le beau temps. En revanche, je pense qu’elle est fréquentée notamment par des groupes radicalisés qui appartiennent à certaines mouvances, et que les choses se passent également à l’extérieur. Je ne crois pas que l’imam, même s’il ne parle pas français, prêche le départ pour le djihad. Une dame, membre de l’équipe municipale, d’origine algérienne et musulmane pratiquante, mais qui ne porte pas le voile, nous a dit avoir été approchée à plusieurs reprises par d’autres dames qui l’ont pressée de questions sur les raisons pour lesquelles elle ne se couvre pas. La mosquée est donc un lieu de rencontre, mais je ne crois pas que ses responsables soient à l’origine de la radicalisation.

J’entretiens avec eux de bons rapports, mais je ne connais pas la teneur des prêches de l’imam, par exemple. Je me suis donc renseigné, il y a quelques années, auprès des gendarmes, qui m’ont dit qu’ils n’avaient pas de remontées particulières. Je crois cependant qu’ils n’en savaient guère plus que moi. Lunel est en zone de sécurité prioritaire ; nous avons donc des échanges réguliers avec la gendarmerie, qui obtient d’ailleurs des résultats, mais elle s’occupe de la délinquance classique. Elle n’est pas missionnée, me semble-t-il, pour s’intéresser à ce volet particulier, même si, aujourd’hui, elle essaie d’en savoir davantage.

Que pourrait-on faire ? De nombreux dispositifs sont en place, mais on peut toujours faire mieux et je ne demande qu’à les développer si je bénéficie de moyens supplémentaires. De par ma formation et ma profession, je suis proche des chefs d’entreprise et attaché à la culture du résultat. Nous pouvons, certes, augmenter le nombre des médiateurs, et nous le ferons, mais c’est une réponse un peu trop facile et à court terme. Il faut agir en amont : ce n’est pas une bonne chose qu’il y ait 20 % de chômage à Lunel. Il revient donc aux élus et à leurs partenaires de promouvoir davantage la création d’emplois. C’est pourquoi nous avons demandé et récemment obtenu la déviation de la nationale afin de désenclaver la zone d’activité économique que nous avons inscrite dans le PLU et de créer de l’emploi. Pour diverses raisons, liées notamment à la situation financière du pays, ce projet avait été enterré, mais j’ai profité des circonstances pour le remettre à l’ordre du jour et, grâce aux financements de l’État, de la région, du conseil général de l’Hérault, les travaux vont pouvoir commencer.

Par ailleurs, je constate des problèmes de parentalité : souvent, beaucoup de ces jeunes sont plus ou moins livrés à eux-mêmes. Il y a quelques années, j’en ai convoqué certains, qui commettaient des incivilités en ville, avec leurs parents afin de leur adresser un rappel à l’ordre à titre préventif. Le père de l’un d’entre eux m’a dit : « Mets-le en prison ! » Il est travailleur et très honnête, mais il élève seul ses enfants, et il a baissé les bras. Or, la ville, l’État, ne peuvent pas tout prendre en charge. Au-delà des mesures en faveur des jeunes, il faut s’intéresser à leur situation familiale, à l’éducation qu’ils reçoivent. C’est ce que nous faisons en mettant en œuvre des dispositifs d’aide à la parentalité.

M. Christophe Cavard. Comment cette aide se traduit-elle concrètement ?

M. le rapporteur. Plus généralement, quelles sont les mesures susceptibles d’aider les communes que vous souhaiteriez voir préconisées par notre commission d’enquête ?

M. Claude Arnaud. J’ai évoqué les domaines dans lesquels la commune a un rôle important à jouer, mais ces problèmes ont également une dimension nationale. Je pense notamment à la question des minarets. Peut-être le législateur pourrait-il se saisir de cette question ?

M. le rapporteur. Je ne sais pas si nous sommes autorisés à légiférer dans ce domaine, mais je vous précise que Marseille compte cinquante mosquées dont aucune n’a de minaret. Ce n’est pas cela qui a empêché six types d’aller se faire tuer en Syrie…

M. Claude Arnaud. On parle d’un islam de France. Ne faudrait-il pas dispenser une formation aux imams ?

M. Joaquim Pueyo. Lorsque je rencontre les différentes communautés – catholique, protestante ou musulmane – de ma commune, je leur dis que je suis un maire laïc. Il est en effet important de rappeler qu’en France, la loi républicaine prime sur le reste. Peut-être ne le disons-nous pas suffisamment, y compris aux chrétiens. J’ai reçu des protestants évangélistes, dont le discours m’a beaucoup étonné.

M. le rapporteur. Monsieur Arnaud, pourriez-vous nous adresser un courrier dans lequel vous nous indiqueriez les mesures qui, selon vous, pourraient être de nature à aider les élus locaux et les autorités préfectorales à mieux lutter contre le phénomène djihadiste et à mieux détecter les radicalisations ?

M. Claude Arnaud. Bien sûr, monsieur le rapporteur. Je ne manquerai pas de vous faire part de nos réflexions sur ce sujet.

M. Pierre Soujol, adjoint au maire de Lunel. En ce qui concerne la parentalité, oui, il y a des choses à faire, ne serait-ce que convaincre les parents de la nécessité de maîtriser la langue française. Cela leur permettrait de mieux comprendre les problématiques de la société française, de suivre leurs enfants et de mieux les guider, car beaucoup quittent l’école très tôt. Certes, il faut créer de l’emploi, mais si les jeunes ne sont pas qualifiés, voire sont disqualifiés, ils ne pourront jamais trouver de travail ! Nous avons prévu des actions d’aide à la parentalité dans le cadre du contrat de ville, mais il faut également lutter contre l’échec scolaire.

M. le rapporteur. Vos suggestions seront étudiées attentivement par notre commission, qui souhaite que son rapport contienne à la fois une dimension régalienne – sécurité intérieure, renseignements – et des propositions concrètes pour aider les communes. Monsieur Arnaud, monsieur Soujol, nous vous remercions pour votre contribution à nos travaux. Sachez que nous nous attacherons, dans notre rapport, à ne pas stigmatiser votre commune, en précisant que ces problèmes ne sont pas propres à Lunel.

La séance est levée à 11 heures 55.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christophe Cavard, M. Claude Goasguen, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Patrick Mennucci, M. Jacques Myard, M. Joaquim Pueyo