Accueil > Les commissions d'enquête > Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Mardi 14 avril 2015

Séance de 10 h 45

Compte rendu n° 44

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Présidence de M. Éric Ciotti, président

– Audition de M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international

La séance est ouverte à 10 heures 50.

Présidence de M. Éric Ciotti, président.

M. le président Éric Ciotti. Je vous remercie, monsieur le ministre, de consacrer à notre commission d’enquête le temps nécessaire pour nous faire partager votre analyse des flux de nos ressortissants partis vers les théâtres de guerre en Irak et en Syrie, évoquer l’état des relations entre la France et les États de la région – la Turquie en particulier – et nous dire quels rapports nous pouvons entretenir avec les pays qui jouent un rôle dans l’acheminement des « combattants étrangers » vers ces zones de guerre et dans leur retour en France.

Avant de vous donner la parole, je vous demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

(M. le ministre prête serment)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Je rappelle le contexte, du point de vue du ministre des affaires étrangères. Nous sommes sous la menace et nous avons été durement frappés, mais la France n’est pas la seule touchée. Le phénomène est international, et même si certains pays sont moins frappés que d’autres, ils ont conscience que leurs ressortissants peuvent l’être quand ils font du tourisme et l’inquiétude est générale.

Les derniers attentats, on le sait, ont visé le Danemark, la Tunisie, le Kenya. On dit souvent que les terroristes frappent de manière aveugle. Ce n’est pas mon avis : ils frappent de manière ciblée ; penser qu’ils tuent de manière indifférenciée est une idée fausse. Les musulmans sont, en nombre, les premières victimes de ces violences, ce qui contredit la thèse de l’affrontement entre les civilisations. La volonté de spectaculaire s’accompagne de l’utilisation des nouvelles technologies, comme l’a montré la cyber-attaque dont TV5 vient d’être victime.

Avec l’émergence de Daech, qui a proclamé un soi-disant « califat » en juin 2014, la menace terroriste a changé de dimension et atteint un niveau sans précédent. Aujourd'hui, Daech contrôle ou prétend contrôler un territoire peuplé de huit millions d'habitants, dont les deux centres de gravité sont Raqqa et Mossoul. Les atrocités commises sont connues et les minorités - chrétiens d’Orient, Yézidis, Turkmènes et Kurdes - paient un tribut particulièrement lourd. Le 27 mars dernier, j’ai réuni le Conseil de sécurité pour traiter de ce thème. Le Secrétaire général des Nations unies a promis de prendre une initiative relative aux minorités persécutées et envisage de tenir une réunion internationale à ce sujet à Paris dans les mois qui viennent. Je considère que Daech n’existerait pas en Syrie sans l’action du régime en place, qui a favorisé son apparition pour se présenter comme le dernier rempart contre le terrorisme.

Je parle de Daech à la fois parce que ce mouvement étend son emprise et parce que les combattants étrangers sont un pilier essentiel de sa stratégie. Mais la menace terroriste n'est pas circonscrite à ce mouvement. Au Sahel, l'intervention de la France aux côtés des forces africaines puis de la MINUSMA a permis de réduire considérablement la menace mais elle n’a pas disparu. Les terroristes d’AQMI se sont regroupés au Nord du Mali, dans l’Adrar des Ifoghas, et les terroristes du groupe al-Mourabitoune font preuve d'une grande audace puisqu’ils ont frappé pour la première fois en plein cœur de Bamako le 7 mars dernier.

Soumis à la pression exercée par nos opérations Serval puis Barkhane, beaucoup de djihadistes se sont réfugiés en Libye, devenue un sanctuaire pour les terroristes. La présence de camps d’entraînement au sud du pays est avérée ; ils sont notamment utilisés par les combattants qui se destinent aux théâtres syrien et irakien. Daech s’est implanté à Syrte et dans la région de Derna, et se livre à des exactions effrayantes ; ce sont des membres de ce mouvement qui ont assassiné vingt Égyptiens coptes en février dernier.

La Tunisie, qui « fournit » beaucoup de ces combattants étrangers, l’Égypte, le Niger : à peu près tous les pays de la région sont touchés, de près ou de loin, par la menace terroriste. D’autres pays africains le sont également : par Boko Haram à l’Est du Nigeria et dans la région circonvoisine, par les Shebab en Somalie et à l’est du continent – et lors de la dernière attaque menée par les Shebab, ceux-ci étaient, semble-t-il, accompagnés par des ressortissants kenyans. Le Yémen, où nous avons fermé notre ambassade pour des raisons de sécurité, est plongé dans le chaos. Ce pays, qui était déjà sous la coupe d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, a été durement frappé par Daech, qui a revendiqué l’attentat contre deux mosquées chiites à Sanaa commis le 20 mars dernier, faisant plus 140 morts. Enfin, la menace reste très élevée dans la zone afghano-pakistanaise.

Pourquoi la menace terroriste a-t-elle pris une telle ampleur dans le monde ? Les raisons sont connues : la mauvaise gouvernance, la faiblesse des structures étatiques, le non-respect du droit, les mauvaises conditions socio-économiques, la montée de la religiosité extrême.

Un phénomène très inquiétant est apparu récemment : dans plusieurs pays, des groupes terroristes ont prêté allégeance à Daech, comme dans une logique de « franchise ». Cela accrédite la thèse selon laquelle Daech serait à la tête d’un « djihad global » et cela fait craindre une émulation dans l’horreur. On l’a vu avec la décapitation d’Hervé Gourdel en Algérie et celle des coptes en Libye par des groupes nouvellement ralliés à Daech. Mais ces groupes ne sont pas totalement dépendants de ce mouvement : ils espèrent souvent bénéficier de sa notoriété ou attirer à eux des combattants étrangers. Je précise que l’existence d’un lien opérationnel entre Daech et eux n’est pas toujours établie par nos services.

Dans ce contexte, la menace qui pèse sur la France est particulièrement forte. Sur le territoire national, l’ampleur du phénomène des combattants étrangers s’accroît. Dans le passé déjà, des combattants étrangers avaient participé aux conflits en Afghanistan et en Bosnie, mais c’était à une échelle sans commune mesure avec le phénomène auquel nous assistons maintenant. Un nombre élevé de Français et d’étrangers résidant en France sont partis se battre aux côtés de Daech, groupe qui attire aujourd’hui le plus grand nombre de combattants terroristes étrangers. Selon la dernière note qui m’a été remise, 1 522 individus de nationalité française ou résidant en France sont impliqués à divers titres dans les filières djihadistes ; 430 personnes combattent actuellement en Syrie et en Irak ; 318 sont en transit pour la zone ; sur les 267 qui ont quitté la région, 201 ont regagné la France et 93 sont présumés morts.

Évolution particulièrement inquiétante, les chiffres sont en constante augmentation. Le nombre de personnes impliquées dans les filières djihadistes a augmenté de 20 % depuis le début de l'année et de plus de 150 % depuis janvier 2014. À titre de comparaison, une quarantaine de combattants français avait été recensée en Afghanistan au cours de la dernière décennie.

La diversité des profils des aspirants au djihad et la rapidité à laquelle ils se radicalisent représentent des défis majeurs. Parmi ces « djihado-terroristes » on trouve beaucoup de jeunes, parfois mineurs, près d’un quart de convertis et un nombre important de femmes. Parfois, des familles entières, avec de très jeunes enfants, essayent de se rendre en Syrie.

Au-delà de la détresse de nombreuses familles, la diversité des profils pose un défi à nos services en termes d’identification des individus.

C’est souvent par le biais d’Internet et des réseaux sociaux, que Daech exploite habilement, que les jeunes basculent dans l’extrémisme violent, de manière isolée et beaucoup plus rapidement que par le passé. Les terroristes ont un discours rodé, au confluent de plusieurs récits narratifs : la lutte contre l’Occident, la participation à un combat apocalyptique En communicants adroits, ils touchent des jeunes sans culture religieuse avec des messages simples et des vidéos qui frappent les esprits.

Ces individus radicalisés représentent une menace pour nos sociétés et nous ne pouvons prendre le risque de les laisser commettre des attentats à leur retour en France. Endoctrinés dans la haine de l’Occident, entraînés au combat et au maniement des armes, ils sont exposés quotidiennement à une violence inouïe qui laisse des traces et ils peuvent, après leur retour en France, répéter les atrocités du type de celles qu’ils ont vu commettre.

Mais le danger n’est pas seulement celui-là. La menace provient aussi des jeunes radicalisés qui peuvent passer à l’acte sous l’influence du discours terroriste. Je m’occupe beaucoup de la libération des otages, dont nous avons eu le bonheur de libérer un bon nombre. Je leur demande toujours quelles ont été leurs conditions de détention et ce que leur disaient leurs geôliers. Les réponses sont les mêmes : ce sont en général de très jeunes gens à l’idéologie primaire, dont le message est d’une brutalité simpliste : « Notre territoire géographique nous appartient ; tous ceux qui ne partagent pas nos convictions religieuses – les infidèles – doivent partir ; tous nos malheurs viennent de ce que nous sommes envahis, et si nous libérons notre territoire, tout sera réglé ».

La France n’est pas le seul pays confronté à cette menace. On estime à 20 000 le nombre de volontaires étrangers dans les rangs de Daech, pour un nombre total de combattants estimé entre 40 000 et 50 000. Ils sont originaires de plus d’une centaine de pays, en majorité d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient : de 2 000 à 3 000 sinon davantage viennent de Tunisie, entre 1 500 et 2 000 du Maroc, entre 1 300 et 2 500 de Jordanie, 1 300 de Turquie et quelque 500 viennent d’Égypte. Plus de 3 000 seraient originaires du territoire européen dont un tiers des Balkans. L’Allemagne compte près de 600 individus en Irak et en Syrie ou qui essaient de s'y rendre ; le Royaume-Uni, 700 ; la Belgique, 250 environ et je rappelle qu’une cellule terroriste a été démantelée à Verviers le 15 janvier dernier.

Les terroristes, singulièrement Daech, appellent régulièrement leurs sympathisants à attaquer nos ressortissants, en France ou à l'étranger. Ces appels se sont renforcés après les attentats de janvier dernier. Notre pays est très exposé en raison des valeurs – la laïcité et la liberté d’expression – qu’il défend, et nos ressortissants sont devenus une cible à l’étranger également, comme l’ont montré plusieurs événements tragiques : la décapitation d’Hervé Gourdel en Kabylie le 24 septembre 2014 ; un Français est décédé dans l’attaque de l’hôtel Corinthia à Tripoli en janvier dernier ; un autre a trouvé la mort dans l’attaque d’un restaurant à Bamako, le 7 mars ; quatre Français ont été tués au musée du Bardo, le 18 mars.

La France compte d’importantes communautés expatriées dans des zones à risque, dont plus de 100 000 ressortissants en Afrique du Nord : 36 000 en Algérie, 51 000 au Maroc, et 25 000 en Tunisie. Le Liban compte également une importante communauté française de 22 000 personnes. Il y a aussi 6 300 Français au Cameroun et 5 900 au Mali. Ils peuvent également représenter une cible en Belgique et au Royaume-Uni, où ils résident nombreux et où se rendent de nombreux touristes français.

Enfin, la menace terroriste peut entraver les activités économiques de nos entreprises à l'étranger ; c’est notamment le cas de Total au Yémen.

Les services de l’État sont mobilisés pour contrer cette menace. Le ministre de l’intérieur vous a présenté le dispositif défini par le Gouvernement, les décisions prises en matière budgétaire, la teneur du projet de loi sur le renseignement ; vous savez aussi l’augmentation des moyens alloués aux services du ministère de la justice et au Fonds interministériel de la prévention de la délinquance. Ces mesures s’ajoutent à la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et au numéro vert d’assistance aux familles et de prévention de la radicalisation violente.

Le nombre de procédures judiciaires a beaucoup augmenté. Début avril, 140 procédures judiciaires en lien avec la Syrie étaient ouvertes au pôle antiterroriste de Paris ; 122 sont toujours en cours, dont 62 informations judiciaires et 60 enquêtes préliminaires. Dans le cadre de ces procédures, 161 personnes sont mises en examen.

Pour ma part, je dois exercer une vigilance particulière pour assurer la protection des 1,7 million Français installés à l’étranger – j’indique à ce sujet que, contrairement à une idée qui court, en rapport avec notre population, la proportion d’expatriés est moindre que pour d’autres pays.

Des attentats ont été commis contre les centres culturels français de Kaboul et de Gaza. Nos implantations – ambassades, consulats, bureaux des opérateurs de l’État, instituts culturels, écoles françaises, locaux de l’Alliance française – peuvent être des cibles. Pour en assurer la protection, nous avons pris diverses mesures depuis plusieurs mois. J’en citerai quelques-unes. À Paris, j’ai renforcé le centre de crise, qui suit continûment les communautés françaises à l’étranger. Il compte 70 agents ; en période de crise aiguë, je peux renforcer cet effectif par des agents volontaires, en intégrant des personnels venus principalement des ministères de la défense et de l’intérieur ainsi que de la Croix-Rouge. Le budget consacré à la sécurité des communautés françaises à l’étranger est de 3 millions d’euros, partagés entre les délégations de crédits aux postes et les dépenses en France. J’ai veillé à ce que tous nos postes diplomatiques et consulaires soient dotés d’un plan de sécurité régulièrement mis à jour. Le centre de crise, où travaillent des gens extrêmement compétents et dévoués, fonctionne très bien.

À l’étranger, j’ai obtenu, dans le cadre du plan gouvernemental, un abondement de 10 millions d’euros en 2015 destinés à renforcer la sécurité de nos instituts culturels, accélérer les travaux de sécurisation de nos ambassades et faire face à l’accroissement des besoins en matière de gardiennage et d’achats de véhicules blindés. En tout, le ministère des affaires étrangères consacrera près de 65 millions d’euros à la sécurité de ses implantations en 2015. Nous entretenons un dialogue constant avec les autorités locales pour tout ce qui touche à la protection de nos établissements scolaires et culturels.

En matière de sécurité passive, nous avons engagé un effort important pour mettre à niveau nos équipements de sécurité – dispositifs anti-intrusion, détecteurs magnétiques de métaux, systèmes de contrôle d’accès…– en commençant bien sûr par les lieux que nous avons définis comme prioritaires. Mais parce que la menace est extrêmement forte, nous sommes contraints de revoir complétement nos infrastructures et l’organisation même de certains de nos bâtiments diplomatiques, qui avaient été initialement conçus pour symboliser l’ouverture au monde. J’ai fait porter un effort particulier sur les pays de l’arc de crise et je suis obligé de prévoir des véhicules blindés là où ils sont nécessaires.

Pour ce qui est de la sécurité active, j’ai renforcé les gardes de sécurité expatriés : nous avons 439 gardes de sécurité permanents, policiers et gendarmes, dans 162 postes. Seuls sont restés en Europe des chefs de sécurité opérationnels, sur place ou résidant dans un autre poste de la région – il me faut en effet opérer des transferts.

J’envoie des agents en mission de renfort temporaire quand une augmentation particulièrement forte de la menace nous est signalée ; en août 2014, ils étaient 122. J’ai aussi recours à des vigiles recrutés localement et parfois à des prestataires de services quand la situation l’impose absolument ; je l’ai fait au Yémen et en Libye.

Je dois aussi mener une action internationale en faveur de la lutte contre les réseaux djihadistes. M. Le Drian, ministre de la défense, vous donnera sans nul doute des informations sur les interventions Barkhane au Sahel et Chammal en Irak. Il faut, pour éviter tout sophisme, souligner ce qui est : ce n’est pas parce que la France intervient militairement à l’étranger qu’elle est visée par le terrorisme, c’est pour lutter contre le terrorisme qu’elle intervient à l’étranger. Certains peuvent avoir l’idée que si nous nous repliions sur nous-mêmes et que nous ne faisions rien, il ne nous arriverait rien. Cette vision est erronée. Nous faisons partie d’une chaîne, nous assumons notre part et je salue la valeur et le courage de tous ceux qui travaillent à la sécurité collective.

Je reviendrai si vous le souhaitez sur ce que nous faisons au Sahel et en Irak. Mon collègue Jean-Yves Le Drian et moi-même travaillons en étroite coopération à ce sujet, sous la direction du Président de la République ; ce lien permanent fonctionne très bien. Mais nous sommes persuadés que les victoires que nous devons remporter sur les groupes terroristes passent évidemment par des actions de sécurité mais aussi par des actions politiques, en Irak comme en Syrie.

En Irak, l’éradication de Daech suppose l’implication de la population irakienne, qui dépend elle-même de l’inclusivité du gouvernement ; les sunnites doivent s’engager eux aussi.

En Syrie, la solution à laquelle nous travaillons chemine dans les esprits, y compris dans les pays arabes et en Russie. Elle consiste à rassembler des éléments du régime de M. Bachar al-Assad et l’opposition, autour de principes communs : l’intégrité de la Syrie et le respect des différentes communautés et des droits de chacun. Pour sortir de la nasse, il faut mener un travail politique de fond et vous savez ce que nous avons fait à ce sujet, qu’il s’agisse de la Conférence pour la paix et la sécurité en Irak, de la lutte contre Boko Haram avec le Sommet de Paris ou de nos efforts pour trouver une solution politique en Libye. Notre réseau diplomatique est entièrement mobilisé.

Étant donné sa situation géographique, la Turquie est un partenaire incontournable dans la lutte contre les combattants étrangers, parce que c’est un pays de transit et aussi parce que ce pourrait être un pays « pourvoyeur ». Depuis septembre 2014, nous avons des contacts constants avec les autorités turques – notamment depuis la visite à Paris du président Erdogan, fin octobre. À la même époque, il a condamné Daech sans ambiguïté dans son discours devant l’assemblée générale des Nations unies. Il a donné son accord au passage des peshmergas irakiens sur le territoire turc pour leur permettre de se rendre à Kobané. Il a intensifié ses efforts visant à contrer le transit des combattants étrangers, de deux manières. Le dispositif de contrôle dans les aéroports a été renforcé par l’établissement d’une liste d’individus interdits d’entrée sur le sol turc et expulsés s’ils s’y risquent ; cette liste contient 12 700 noms de ressortissants de plus de cent pays, dont ceux de 600 ressortissants français. La surveillance des frontières avec la Syrie et l’Irak a également été renforcée par l’installation d’un système d’éclairage sur 250 kilomètres, de barbelés et de murs, et par des interventions contre la contrebande.

Au niveau européen, l’adoption, le 16 mars dernier, d’une stratégie régionale pour la Syrie, l’Irak et la lutte contre Daech permettra une approche globale en lien avec la Turquie. Le ministre de l’intérieur vous a sans doute rapporté la teneur des échanges qu’il a eus avec les autorités turques, à Ankara, en septembre 2014. Pour ma part, j’ai un dialogue politique constant et dense avec le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères turcs, et le secrétaire général du Quai d’Orsay s’est rendu à Ankara le 24 mars dernier.

La coopération opérationnelle entre la France et la Turquie s’est beaucoup améliorée. Nous avons des contacts réguliers avec les services turcs et nous avons mis l’accent sur un meilleur partage des informations : nous communiquons immédiatement le signalement des Français soupçonnés de vouloir rejoindre un groupe terroriste, et la Turquie s’est engagée à nous informer à l’avance de toute mesure d’expulsion. Pour éviter la répétition d’un incident anormal, nous avons mis au point des mécanismes de retour encadré des ressortissants interpellés en Turquie. En conséquence, même si des progrès sont toujours nécessaires, la gestion du retour des combattants étrangers est plus efficace.

Un accord franco-turc de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure existe mais il n’est pas encore ratifié. Cependant, la coopération entre nos deux pays est satisfaisante, mais tout ce qui pourra être fait pour l’améliorer encore sera souhaitable.

Dans toutes les enceintes bilatérales et multilatérales, la France utilise tous les leviers pour lutter contre les combattants étrangers car seul un effort collectif nous permettra d’arriver à nos fins. Le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de vous exposer ce que nous avons fait dans le cadre de l’Union européenne, vous rappeler les différentes déclarations qui ont été faites et insister sur la nécessité d’un registre des noms des passagers – Passenger Name Record (PNR).

Aux Nations unies, nous avons œuvré sans relâche pour l'adoption des résolutions 2170 et 2178 du Conseil de sécurité. Cette dernière résolution a été adoptée le 24 septembre dernier lors du sommet présidé par M. Barack Obama, auquel a participé le Président de la République. Nous nous sommes également mobilisés sur la question du financement de Daech avec l’adoption de la résolution 2199 le 12 février. La France a par ailleurs proposé et obtenu l’inscription de plusieurs individus partis combattre en Syrie sur la liste du comité des sanctions 1267 des Nations unies concernant Al-Qaïda et les personnes et entités qui lui sont associées.

Le ministère des affaires étrangères à Paris, nos ambassades et tous nos services savent que la lutte contre le terrorisme et singulièrement les combattants étrangers est une priorité absolue. Ce sera une affaire de longue haleine.

M. le président Éric Ciotti. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet exposé très complet.

M. Jacques Myard. Partout au Proche-Orient il se dit que la Turquie jouerait un double jeu qui expliquerait, par exemple, qu’elle ait réussi à faire sortir de Mossoul 46 de ses diplomates. De plus, si la Turquie ne lui achetait pas de pétrole, l’État islamique, incapable de payer ses mercenaires, tomberait. Tout cela tient du poker menteur.

M. le ministre. Le fait que des diplomates turcs soient retenus à Mossoul interdisait à la Turquie, aussi longtemps qu’ils n’étaient pas libérés, de s’associer à certaines déclarations très fermes de certains pays dont la France, mais elle a accompagné certaines actions menées contre ceux qui détenaient ces otages. Les accusations de double langage sont portées de manière récurrente contre la Turquie et d’autres pays. Les ministres des affaires étrangères successifs devant avoir pour vertu première de ne pas pécher par naïveté, nous demandons fréquemment à nos services de procéder aux vérifications nécessaires ; il va sans dire que si nous avons ou si nous avions le sentiment d’un double langage avéré, nous réagissons ou réagirions. Il est vrai aussi que la doctrine d’un pays peut évoluer, ou qu’il veuille défendre ses intérêts de la manière qu’il pense la meilleure. Rien de tout cela n’est simple, mais il ne me paraît pas justifié d’accuser ce pays en particulier, même si la prudence s’impose.

La question du financement du terrorisme est un sujet capital. Daech est une organisation qui se prend pour un État. Incidemment, si la diplomatie westphalienne est en difficulté, c’est que des groupes revendiquent les attributs des États au moment où ceux-ci s’affaiblissent. C’est bien au portefeuille qu’il faut frapper Daech et consorts, et nous nous y employons. Des réunions ont déjà eu lieu à ce sujet à Bahreïn, des travaux sont menés sous l’égide de l’ONU, et d’autres encore. Nous y participons. La question du financement doit sans cesse être remise sur le métier. Aux ressources tirées de la vente du pétrole s’ajoutent le produit d’autres financements et des prélèvements qui sont en quelque sorte l’impôt du califat.

Le même travail s’impose à propos des filières d’immigration clandestine en provenance de la Lybie, qu’il faut démanteler. On peut s’attendre que le phénomène prenne des proportions d’une ampleur inédite dans les mois qui viennent, et l’Italie vient de recueillir 4 000 personnes en deux jours seulement. Or, la communauté internationale ne fait pas assez pour le démantèlement de ces filières. A-t-on arrêté le moindre trafiquant, en Lybie ou ailleurs ? Pourtant, les bateaux qui servent à ces transports ont des propriétaires, et ces passages ont des organisateurs. Les questions, du reste liées, du financement du terrorisme et du financement de l’immigration illégale sont des sujets très importants. Sous Mouammar Kadhafi, 90 % des Libyens vivaient des revenus du pétrole. Ces ressources existent toujours, et elles continuent d’être distribuées.

M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet éclairage fort utile. Il se dit beaucoup que les États du Golfe et l’Arabie saoudite ont entretenu des relations ambiguës avec le terrorisme, et les objectifs de la coalition qui s’est montée au Yémen demeurent mystérieux. Quel est votre point de vue ?

M. le ministre. On accuse périodiquement certains États d’entretenir des liens financiers avec des groupes terroristes. Une fois encore, il ne faut pas être naïf, mais il ne faut pas non plus généraliser. Le rapport des services, auxquels j’avais demandé de procéder à toutes les vérifications utiles à ce sujet, est que si ce phénomène a pu se produire par le passé, il n’existe pas actuellement, à leur connaissance, de financement d’État. Cela étant, dans certains de ces pays, « l’État » est assez diffus – il peut s’agir de grandes familles, et dans ce cas on ne peut avoir de certitudes. Or, comme il a été dit, une grande partie des combattants sont des mercenaires qu’il faut payer. Certains objectifs des opérations menées au Yémen sont clairs, tous ne le sont pas. D’une manière générale, en Libye, au Yémen, en Syrie et dans une moindre mesure en Irak, certains financements des conflits ne proviennent pas des budgets classiques.

Peut-être certains pays ont-ils un temps joué les apprentis sorciers, mais tous se sont rendu compte du danger considérable que le terrorisme représente pour eux et qu’il n’est pas de compromis possible avec Daech et. Je ne peux soupçonner aucun d’eux d’alimenter Daech, Al-Qaïda ou le Front al-Nosra. Cela dit, il existe aussi des groupes que nous considérons comme terroristes et sur lesquels ils ne portent pas forcément cette appréciation.

M. Christian Assaf. Quel est l’état des relations diplomatiques entre la France et les pays limitrophes du territoire où sévit Daech – le Liban et Israël par exemple ? Comment la diplomatie française s’exerce-t-elle en Syrie ? Que peut-on attendre de l’évolution de l’accord sur le dossier nucléaire iranien ?

M. le ministre. La diplomatie française se fixe quatre objectifs : travailler pour la sécurité et la paix, ce qui ne signifie pas le pacifisme ; œuvrer en faveur d’une meilleure organisation et de la préservation de la planète ; réorienter et relancer l’Europe ; travailler au redressement de l’économie et au rayonnement de la France. Toute décision est pesée à cette aune. Vos questions ont à voir avec le maintien de la paix et de la sécurité. Nos relations avec le Liban sont bonnes, classiques et traditionnelles. Ce pays est très fortement menacé par les conflits circonvoisins, par la fragilité de ses équilibres internes, par la présence sur son sol de réfugiés syriens qui constituent désormais entre 20 et 25 % de sa population et par le fait qu’il ne parvient pas à élire son président. Nous travaillons à préserver l’unité du Liban et à favoriser l’organisation de cette élection ; nous nous félicitons d’avoir obtenu l’aide de l’Arabie saoudite, à hauteur de 3 milliards d’euros, pour équiper l’armée libanaise, ciment du pays.

Fondamentalement, la France est l’amie d’Israël, mais nous avons certains désaccords, qui touchent essentiellement à la question israélo-palestinienne. Contrairement au gouvernement de M. Netanyahou, nous considérons que le temps ne travaille pas nécessairement pour Israël : aussi longtemps qu’il n’y a pas de justice, il n’y a pas de paix, et la situation à Gaza est intenable. Dans les jours qui viennent, nous prendrons donc des initiatives visant à relancer un processus de paix encadré internationalement entre des partenaires réticents.

En Syrie, la solution ne peut être que politique – ce qui ne signifie pas qu’il ne faille rien faire entre-temps. Certains pensent que Bachar al-Assad a beaucoup de défauts mais que Daech est bien pire que lui. Même si l’on fait l’impasse sur la question morale – y a-t-il lieu de traiter avec un homme désigné comme criminel contre l’humanité par le secrétaire général des Nations unies ? –, du strict point de vue de l’efficacité, si l’on en venait à considérer que Bachar al-Assad représente l’avenir de la Syrie, les millions de Syriens qui ne pourraient l’admettre se tourneraient vers les groupes terroristes. Notre position est donc qu’il ne faut pas traiter avec Bachar al-Assad lui-même mais avec certains éléments du régime et avec l’opposition. Nous travaillons d’une part à en unifier les composantes, d’autre part à définir comment l’on pourrait faire le lien avec quelques éléments du régime. Nous n’avons évidemment aucune tolérance pour Daech ni, contrairement à ce que disent certains, aucun contact avec Bachar al-Assad ; cela contredirait nos objectifs.

La France souhaite que l’on parvienne à un accord sur le dossier nucléaire iranien mais nous sommes un pays indépendant et nous n’acceptons pas que l’on nous raconte des balivernes. Au terme de longues discussions, nous nous sommes mis d’accord sur la réduction du nombre de centrifugeuses ou encore la baisse du stock d’uranium et de son taux d’enrichissement. Tout cela va dans la bonne direction, mais des sujets cruciaux restent en suspens alors même qu’ils ont été discutés. Il y a, d’une part, la levée des sanctions. Elle fera que l’Iran percevra 150 milliards de dollars dont on peut redouter qu’ils ne seront pas entièrement consacrés à améliorer le bien-être de la population. De plus, si l’Iran ne respecte pas ses engagements, que se passera-t-il ? Sur ces questions, l’accord ne s’est pas fait. Qu’en est-il d’autre part de la possible dimension militaire du programme nucléaire iranien ? L’accord-cadre règle la question pour dix ans, mais ensuite ? Il faut vérifier ce qui se fait en Iran. Or le Guide suprême, Ali Khameini, vient de déclarer que personne n’irait inspecter les sites militaires ; dans ces conditions, quel contrôle exercer ? Un autre problème tient à ce que si le Congrès américain veut des garanties, il y a fort à parier que l’Iran voudra des garanties contraires.

En Arabie saoudite, le week-end dernier, j’ai notamment rencontré le prince héritier des Émirats. Il considère que les choses avancent, mais demande quelle garantie l’on a que l’Iran ne deviendra pas une puissance nucléaire militaire. Là est la grande difficulté, car il ne s’agit pas seulement de discuter avec l’Iran mais de fixer une norme. Autrement dit, si un accord est signé mais qu’il n’est pas jugé crédible, les autres pays de la région s’équiperont – ils en ont les moyens. Pendant des années, les armes nucléaires, détenues par un très petit nombre d’États, ont eu un effet dissuasif ; mais si chaque pays d’une région éruptive se dote de telles armes… Dans ce dossier très délicat, beaucoup repose sur les épaules de la France, pays indépendant, mais j’ai senti l’entière détermination des dirigeants des pays de la région à lutter contre Daech et Al-Qaïda ; ils savent qu’ils jouent leur peau.

M. Georges Fenech. J’ai eu la stupéfaction d’entendre M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dire que la France avait « sauvé l’honneur de l’Europe ». Je rends hommage au président de la République d’avoir décidé les opérations Barkhane au Sahel et Chammal en Irak, mais où est l’Europe diplomatique et de la défense dans cette affaire ? Vous avez, monsieur le ministre, dressé le tableau apocalyptique de la situation à 300 kilomètres de l’Italie, c’est-à-dire à nos portes. Le pacifisme, duquel vous vous êtes détaché, prédomine en Occident. Pourtant, comment croire un instant que la réponse au monstre qui se crée peut être uniquement policière, judiciaire, financière et diplomatique ? L’attitude de l’ONU n’est-elle pas quelque peu « munichoise »? Je me suis toujours demandé comment le monde occidental avait pu laisser perpétrer le génocide pendant la Deuxième guerre mondiale ; aujourd’hui, vous évoquez les atrocités de Daech. Où sont MM. Obama, Poutine, Cameron, Renzi ? La véritable solution n’est-elle pas d’extirper le mal à la racine ?

M. le ministre. Après la Deuxième guerre mondiale, le monde était dominé par les États-Unis et l’Union soviétique, deux puissances qui s’opposaient résolument mais qui s’accordaient pour régler les crises quand il s’en produisait. Après la chute du communisme et pendant une décennie après la chute du Mur de Berlin, on est passé de cet univers bipolaire à un monde unipolaire. On souhaiterait, bien sûr, l’avènement d’un monde multipolaire, mais on n’en est pas là ; je définirai l’état actuel du monde comme apolaire. Il en résulte qu’une série de crises qui révoltent les consciences et qui auraient été réglées dans l’ordre ancien ne le sont plus. C’est cette situation que reflète l’ONU.

La France joue un rôle singulier parce qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité, parce qu’elle a des forces militaires efficaces et parce qu’elle montre un chemin apprécié. Mais nous sommes en effet très seuls. La phrase de M. Juncker est un très bel hommage rendu à la France, mais elle peut apparaître désespérante. J’ajoute que cette situation a de lourdes conséquences financières puisque nous avons, seuls, la charge des actions que nous menons. Le risque est très fort et il faut réagir. Puisqu’elle fait le maximum avec les moyens dont elle dispose mais qu’elle ne peut tout faire, la France doit essayer d’entraîner ses partenaires. L’une des pistes est de mobiliser l’Union européenne, mais la lenteur avec lesquelles souvent les choses se font est désolante : que d’énergie déployée pour obtenir de nos partenaires l’envoi de vingt hommes en République centrafricaine ou de deux formateurs ! C’est un travail de fond. Il ne faudrait pas que nos concitoyens en tirent la conclusion que nous devons nous replier sur nous-mêmes. Le rôle de la politique est d’unir les efforts ; vaste programme !

M. Joaquim Pueyo. Sans même parler de la Libye où il n’y a plus d’État, l’Égypte, le Tchad, l’Algérie et le Maroc sont-ils suffisamment mobilisés dans ce combat ? Leur sécurité est en jeu et leur coopération devrait se renforcer. L’Égypte, notamment, devrait jouer un rôle plus important, d’autant que les avions Rafale qu’elle achète lui donneront de nouveaux moyens d’intervention.

M. le ministre. Nous avons de bonnes relations avec tous ces États. L’Égypte, pays de 80 millions d’habitants au grand rayonnement intellectuel, joue un rôle clef dans le monde arabe mais sa situation économique est d’autant plus difficile que l’insécurité éloigne les touristes ; elle est aidée par des subsides des pays du Golfe. L’Algérie et le Maroc sont tous deux des pays amis de la France. Chacun joue un rôle utile et leur coopération avec la France en matière de lutte anti-terroriste est très bonne. L’Algérie a elle-même été durement frappée par des attentats ; sa Constitution lui interdit de déployer son armée à l’extérieur mais elle protège efficacement sa frontière. Au Maroc, les tensions avec la France sont du passé ; les autorités mènent une action très efficace à l’intérieur, mais de trop nombreux Marocains rejoignent le djihad. Aucun de ces pays ne peut résoudre la question à lui seul. Au Tchad enfin, les dirigeants sont tout à fait conscients que, étant donné la situation géographique du pays, la progression du nombre de terroristes et les ramifications des groupes le mettraient en péril.

Nous tentons de susciter un accord entre ces pays pour combattre le terrorisme. Que chacun, dans sa sous-région, fasse au moins ce qui est nécessaire. Si le Nigeria, le Cameroun, le Tchad et le Niger s’accordaient pour lutter contre Boko Haram, ce front rassemblerait beaucoup de monde. Il est étonnant que ce soit la France que l’on vienne chercher pour combattre Boko Haram au Nigeria, ancienne colonie britannique. C’est une belle preuve d’estime, mais nous ne pouvons agir qu’avec les moyens dont nous disposons, et nous ne voulons pas nous substituer aux Africains pour régler les problèmes. Nous souhaitons qu’ils se dotent de moyens militaires, et que l’Union africaine et l’ONU travaillent de manière convergente.

M. Patrice Prat. Vous avez évoqué la complicité de la Syrie dans l’émergence et le développement de Daech. Il faut en effet couper court au raisonnement selon lequel si la France suscite des vocations terroristes chez des esprits faibles prompts à jouer les va-t-en-guerre, c’est qu’elle est une figure de proue en matière diplomatique. Quelles initiatives la France compte-t-elle prendre pour passer le relais aux pays de la région ? Quelle action précise mène-t-elle pour sensibiliser la communauté internationale à la nécessité d’éteindre le foyer de propagation du terrorisme qu’est la Libye ?

M. le ministre. Je dis souvent à mes collègues que si la solidarité ne pousse pas nos partenaires à nous accompagner, qu’ils le fassent alors par égoïsme ! Dans un monde interconnecté, chacun doit faire sa part. M. Sarkozy, à l’époque président de la République, a décidé l’intervention en Libye, que nous avons soutenue. Ce n’est pas l’intervention elle-même qui peut susciter le reproche mais l’absence de suivi. Comme on l’a vu en Irak, en Libye et ailleurs, on ne peut établir un régime stable de l’extérieur. L’absence de suivi fait qu’en Libye il n’y a pas d’État mais des tribus, des armes en tous lieux, deux parlements et deux gouvernements – les uns à Tobrouk, les autres à Tripoli – et des terroristes qui profitent de cette situation. La priorité, en Libye, est de réussir à former un gouvernement d’union nationale. C’est la tâche de M. Bernardino León, représentant spécial des Nations unies, qui cherche à faire s’accorder Tobrouk et Tripoli, de manière à ce qu’un gouvernement unifié s’emploie ensuite à combattre Daech. Mais des interférences extérieures bloquent le processus. Certains pays considèrent que le but à atteindre est celui-là mais qu’il ne pourra l’être et qu’en conséquence il faut aider l’une ou l’autre des parties ; cela entrave la tâche de M. León et contredit l’objectif visé.

À tous les États concernés, la France dit qu’il faut un gouvernement d’union nationale en Libye et souligne les limites d’une guerre par procuration : toutes les parties au conflit disposant de moyens financiers considérables, il n’est pas de solution militaire possible mais seulement une solution politique. La France, avec l’Union africaine et l’ONU, pousse en ce sens. Les ravages humains sont désolants et l’impuissance révoltante. Aussi faut-il travailler sans relâche, et être convaincant.

M. le président Éric Ciotti. Monsieur le ministre, je vous remercie.

La séance est levée à 12 heures 25.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christian Assaf, M. Éric Ciotti, M. Georges Fenech, M. Patrick Mennucci, M. Jacques Myard, M. Patrice Prat, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. François Loncle, M. Pascal Terrasse