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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Lundi 15 octobre 2012

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Pierre-Alain Muet, Vice-Président

–  Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) :

Examen et vote sur les crédits de la mission Défense :

– Préparation de l’avenir (M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial)

– Budget opérationnel de la défense (M. Jean Launay, Rapporteur spécial)

– Amendement examiné par la Commission

– Présences en réunion

La Commission examine d’abord, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits du programme Préparation de l’avenir de la mission Défense.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la mission Défense pour les crédits relatifs à la préparation de l’avenir. Sur les programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces, le budget est globalement stable, puisque les moyens alloués en 2012 sont reconduits avec une hausse de 0,4 %. Cela dit, cette stabilité n’est rendue possible que grâce à l’abondement du budget en ressources exceptionnelles. Les sommes longtemps attendues sont finalement plus importantes que prévues, puisqu’elles atteignent 1,07 milliard pour les cessions de bandes de fréquence. En revanche, le versement des ressources immobilières, prévues à hauteur de 200 millions en 2013, paraît de plus en plus incertain en termes de montant comme de délai. Par ailleurs, cette stabilité cache un retard de 1,9 milliard par rapport à la loi de programmation militaire (LPM).

Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense est privilégié, puisque certains crédits connaissent une augmentation importante, celle de la fonction « Connaissance et anticipation » étant prévue par le Livre blanc de 2008. Le programme progresse de 4,4 % en autorisations d’engagement (AE) et de 6,7 % en crédits de paiement (CP), ce qui représente une hausse spectaculaire dans le contexte général.

Les études amont, qui permettent de lancer des programmes pour dix, quinze, voire vingt ans, et qui maintiennent les compétences dans nos bureaux d’études, constituent un choix d’avenir. Conformément aux souhaits des députés de tous les groupes, elles progressent de 11,7 %, pour atteindre 707 millions.

La seconde hausse du programme concerne la DGSE, qui voit ses moyens augmenter de 8,9 % en AE et 3,9 % en CP. Les équipes de la Direction générale sont renforcées grâce à la création de 95 emplois, dont 18 sur la cyberdéfense.

Les crédits relatifs à la diplomatie de défense augmentent de 14 %, tant en AE qu’en CP, en raison de l’augmentation des dépenses de titre 2. Cette progression est sans doute plus discutable que celle des crédits de la DGSE. De même, on peut s’interroger sur la stabilité dont bénéficient les subventions versées aux opérateurs, comme les écoles sous tutelle de la Direction générale de l’armement (DGA). Un tel traitement paraît dérogatoire, à l’heure où l’on demande des efforts à tous les opérateurs de l’État.

S’agissant du programme 146 Équipement des forces, les crédits de paiement sont stables, en augmentation de 0,04 %, soit un total de 10,97 milliards d’euros. Cela garantit aux armées qu’elles bénéficieront des livraisons prévues : 11 Rafale, des hélicoptères NH90, des Tigres. Les premiers A400M, attendus depuis longtemps, doivent arriver au printemps. En revanche, les autorisations d’engagement baissent de 14,4 %, pour tomber à 10,08 milliards. On enregistre de ce fait un report de commande de 4,5 milliards pour le quatrième sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, la rénovation à mi-vie des avions de combat Mirage 2 000 et le programme Scorpion de l’armée de terre. De tels retards sont loin d’être anodins. En effet, Scorpion est le grand programme de modernisation de l’armée de terre. Quant au report – continuel depuis quelques années – de la modernisation des Mirage 2000, il met en cause le dimensionnement de notre armée de l’air. Cela dit, ces choix, qui interviennent avant la parution du Livre blanc, ne sont pas définitifs.

Deux commandes sont bien présentes. Les MRTT (multi role transport tanker) garantiront notre autonomie et notre indépendance nationale. La France était en retard pour les ravitailleurs en vol, puisque, lors de l’opération libyenne, 80 % des missions exigeant ce type de ravitaillement ont été effectuées par l’armée américaine. Une autre commande devrait intervenir en cours d’année, après bien des discussions et des reports, pour le drone MALE (moyenne altitude longue endurance).

Le ministre a parlé d’un budget de transition. Si l’on cumule les retards de l’année précédente et ceux de cette année, il manque au total 5 milliards sur les prévisions de la LPM et, à l’horizon de 2020, il en manquera 50 si le budget de la défense respecte la norme du « 0 valeur ». Nous sommes donc face à des choix stratégiques. Au cours des cinq dernières années, l’équipement a été privilégié, parallèlement à la baisse des effectifs, laquelle a permis d’éviter une explosion des coûts mais n’a pas engendré les économies attendues.

Faut-il rappeler l’importance des enjeux ? Quand il manque 50 milliards, il n’est plus temps de chercher à faire de petites économies. Il faut engager une réflexion de fond à l’heure où, pendant que les crédits de la défense baissent dans presque tous les pays européens, une autre partie du monde se réarme lourdement. Pour préserver ces budgets, on peut certainement progresser en matière d’interarmisation et de repyramidage, puisque notre armée comporte un grand nombre de généraux et de colonels. Il faut aussi opérer des mutualisations et repenser la stratégie en matière de personnel, où les économies ont été moins importantes que prévues.

D’autres problèmes sont régulièrement pointés par la Cour des comptes. Il faut sans doute se pencher sur la course à la sophistication des armements, dans laquelle se sont lancés les états-majors et la DGA. Peut-être ne nous sommes-nous pas dotés des bonnes instances pour effectuer les choix. Par ailleurs, les industries de défense sont souvent monopolistiques, alors que, dès qu’un secteur est soumis à la concurrence, comme le soutien ou l’entretien, des baisses de 30 % à 40 % peuvent être constatées. Il faut donc se mettre en situation de négocier, puisqu’il existe des marges faciles à identifier. Enfin, il est prévu que les crédits affectés au nucléaire – 2,5 milliards dans ce budget – s’élèvent à 3,2 milliards dans quelques années. Loin de moi l’idée de remettre en cause le choix du nucléaire ou celui de deux Présidents de la République de maintenir les deux composantes aérienne et sous-marine, mais les sommes sont telles que l’on doit s’interroger sur la possibilité de dégager des marges.

Une dernière manière de faire des économies est de travailler avec nos partenaires européens, en particulier avec nos amis anglais et allemands. Si nous nous habituons à mener des missions communes, nous harmoniserons nos procédures et des programmes mutualisant les coûts pourront voir le jour. Les axes de coopération franco-britanniques ou franco-allemands me semblent indispensables pour consolider l’Europe de la défense.

Durant ces années-charnières, il faudra faire des choix très lourds avec le plus de cohésion et d’intelligence possible. Les Français, qui aiment les idées reçues, se plaisent à répéter qu’ils consentent le même effort que les Britanniques. C’était vrai il y a dix ans, mais ceux-ci consacrent aujourd’hui 2,7 % de leur PIB à la défense, alors que nous sommes tombés à 1,9 %. En 2011, nous avons consenti, pensions comprises, un effort de 38 milliards, contre 52 milliards du côté britannique. On mesure notre décrochage. De leur côté, si les Allemands consacrent à la défense à peine peu plus de 1 % de leur PIB, leur effort, hors nucléaire, est comparable au nôtre, puisqu’il atteint 37 milliards. Nous sommes donc à la croisée des chemins. Pour trouver le moyen de conserver l’efficacité de notre défense et de réduire les coûts, il faut faire preuve d’innovation, notamment envisager des mutualisations et des coopérations audacieuses. À défaut, on renoncerait, sans le dire. Mieux vaut effectuer des choix courageux, quitte à remettre en cause certaines structures, afin que la France puisse tenir son rang.

Pour l’adoption des crédits, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Alain Rodet. La réforme de 2008 a-t-elle réellement permis d’améliorer notre efficacité en économisant des moyens ? Pouvez-vous, monsieur le rapporteur spécial, en esquisser un premier bilan en termes de qualité et de performance ?

Le plan de recrutement de la DGSE concerne-t-il des militaires, des fonctionnaires ou des agents contractuels ?

Le programme d’équipement, qui prévoit la fourniture de Rafale au coût très élevé, ne freine-t-il pas l’acquisition de véhicules tactiques pour l’armée de terre, souvent sollicitée pour les opérations de maintien de la paix ou d’interposition ?

D’après l’Agence européenne de défense, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ne font quasiment pas jouer la concurrence européenne pour leur fabrication militaire. La France, elle, a confié le marché du porteur polyvalent terrestre à l’entreprise italienne IVECO, qui n’a même pas respecté le cahier des charges. Ne faut-il pas faire évoluer nos mentalités pour soutenir Nexter, Renault Trucks Defense ou Panhard ?

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Sur la réforme de 2008, j’ai toujours voulu éviter les positions politiciennes, notamment pendant les cinq années où je l’ai suivie avec Bernard Cazeneuve. L’analyse de certains postes aurait pu être plus fine et générer plus d’économies, mais la réforme a plutôt bien fonctionné puisque la contraction des effectifs – de 7 000 agents cette année comme l’an dernier, ce qui est sans équivalent dans le budget de l’État – n’a eu aucune incidence négative sur les opérations extérieures. L’entraînement s’est effectué sans dommage et l’opération libyenne, extrêmement compliquée, s’est déroulée dans des conditions exceptionnelles.

Je conviens que le Rafale coûte cher, mais les avions de chasse sont toujours sophistiqués. Les Rafale ont effectué des tirs d’une extrême précision, à plus de 50 kilomètres, sans dommages collatéraux. L’isolement de Dassault peut paraître curieux, mais l’Eurofighter Typhoon, concurrent du Rafale, produit en plus grande quantité, est paradoxalement moins performant et plus cher.

Enfin, la DGSE a recruté des civils et des militaires, les premiers étant un peu plus nombreux.

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la mission Défense pour les crédits relatifs au budget opérationnel de la défense. Lors de l’examen du budget de la défense en séance publique, le 7 novembre prochain, un rapport remplacera la note de présentation qui vous a été remise. Pour l’heure, nous n’avons pas terminé toutes les auditions, puisque nous entendrons cette semaine le chef d’état-major de la marine et celui de l’armée de l’air. Pour les programmes 144 et 212, la reconstitution des évolutions de crédits est délicate du fait des modifications de la nomenclature budgétaire, de la réduction du nombre de sous-actions et des modifications de périmètre.

Les moyens prévus pour 2013 sont globalement stables, du moins pour les CP, qui atteignent 38,16 milliards d’euros. Les AE connaissent en revanche une légère baisse, qui les porte à 38,64 milliards. Pour autant, la défense prend part à l’effort de redressement des dépenses publiques. La dotation est inférieure de près de 2 millions aux prévisions de la LPM, ce qui se traduit notamment par un décalage de commande. L’an dernier, le budget était déjà en deçà de l’annuité prévue, de sorte qu’entre 2009 et 2012, le retard porte sur près de 3 milliards d’euros. La trajectoire de la LPM, qui prévoyait une augmentation des moyens de 1 % à partir de 2012, n’est pas soutenable financièrement, dans un contexte marqué par les contraintes budgétaires et les évolutions stratégiques internationales. Les orientations du nouveau Livre blanc seront connues fin 2012 ou début 2013. Ce budget d’attente préserve tous les choix possibles, sans préempter aucune décision.

Au sein de ce budget stable, les évolutions des programmes sont contrastées. Parallèlement à la hausse des moyens dévolus à la prospective, le programme 212 Soutien de la politique de la défense enregistre une baisse de 6,4 % en CP. En revanche, le principal programme de la mission Préparation et emploi des forces voit ses crédits stabilisés à 22,4 milliards en CP et à 23,1 milliards en AE. C’est sur le programme 178, qui réunit près de 90 % des effectifs de l’armée, que pèse l’essentiel des réductions d’emplois réalisées depuis 2008, soit plus de 54 000 postes. Cette année, le plafond d’emplois du programme diminue de 7 475 équivalents temps plein, après une diminution de 7 541 l’an dernier.

La diminution substantielle des effectifs ne s’accompagne pourtant pas d’une baisse de la masse salariale, puisque les crédits de titre 2 restent globalement stables, à 15,53 milliards, ce qui s’explique tant par le poids croissant des dépenses de pensions et d’allocations chômage versées par le ministère, que par celui des mesures dites « bas salaires ».

La défense a choisi de préserver les crédits d’activités opérationnelles. Les dépenses d’entraînement, de carburant et d’entretien des matériels augmentent nettement pour les trois armes, tandis que des économies parfois drastiques sont réalisées sur le fonctionnement courant et le soutien. La volonté de privilégier l’activité opérationnelle est d’autant plus prégnante que les opérations extérieures connaissent une décrue. Les effectifs déployés en OPEX passeront en fin d’année sous la barre de 5 000, soit le tiers de ceux auxquels il a été fait appel au plus fort de 2011, lors de l’opération Harmattan conduite en Libye. Cette diminution des forces projetées après une longue période d’engagements soutenus représente un défi pour les armées, qui doivent s’adapter en termes d’entraînement comme de gestion des personnels.

La diminution du nombre d’hommes déployés en OPEX tient à notre retrait d’Afghanistan. Si les forces combattantes reviendront avant la fin de l’année, des effectifs resteront sur place pour assurer le réacheminement des matériels réutilisables en France, pour achever des missions au sein de l’aéroport ou de l’hôpital de Kaboul, ou pour assurer la formation des forces armées afghanes jusqu’en 2014. Par ailleurs, des forces françaises restent déployées au Kosovo, au Liban et au large des côtes somaliennes, dans le cadre de l’opération Atalante contre la piraterie.

Les surcoûts issus des OPEX devraient dépasser 870 millions en 2012, soit une forte baisse par rapport à 2011, année de l’opération Harmattan. Pour 2013, 630 millions sont inscrits au titre des OPEX. Cette dotation sera sans doute plus proche des surcoûts effectifs, mais le coût des opérations logistiques accompagnant le retrait d’Afghanistan reste difficile à évaluer, car on ignore encore par quel chemin s’effectuera le retour des armes. En outre, il y a tant de points de tension dans le monde qu’il serait hasardeux d’anticiper une baisse durable du volume et des surcoûts des OPEX.

Si 2011 a permis d’atteindre, voire de dépasser la plupart des objectifs relatifs à l’entraînement des forces définis par la LPM, du fait de la sollicitation des armées en opérations, 2012 et 2013 seront moins favorables. On doit pourtant garder à l’esprit que la technicité des missions et des appareils impose un entraînement soutenu des personnels, ne serait-ce qu’en termes de sécurité.

L’entretien des matériels est un enjeu opérationnel et financier. Un rapport chiffre à 5,5 milliards en 2010 les moyens consacrés à la maintenance des matériels militaires, et prévoit une hausse de 9 % d’ici à 2014. Les équipements vieillissent en effet et requièrent un important effort de maintenance, l’âge moyen des hélicoptères Puma étant de trente-huit ans et celui des Gazelle vingt-neuf.

En matière de soutien, le ministère de la Défense a mené plusieurs réformes depuis 2008.

Celle qui a conduit à la mise en place des bases de défense, dont l’objectif est de mutualiser les fonctions d’administration et de soutien, a été lancée en 2009 et accélérée par rapport au calendrier initial. Le soutien aux forces s’articule aujourd'hui autour de soixante bases de taille très variable. Comme j’ai pu le constater moi-même, il s’agit d’un bouleversement de l’organisation des armées, notamment pour l’armée de terre, accompagné d’une baisse des effectifs. Il est sans doute trop tôt pour en dresser le bilan, mais il nous faudra veiller à ce que ce processus n’affecte pas la cohésion des personnels en provoquant notamment une dichotomie trop forte entre les personnels chargés du soutien et les personnels opérationnels.

Par ailleurs, la réforme de la carte militaire a entraîné d’importants travaux d’infrastructures destinés à faire face à la densification des implantations ou à accompagner la cession d’emprises. La loi de programmation militaire évaluait le produit de ces cessions à plus de 2 milliards d’euros. Cette prévision était sans doute trop optimiste, bon nombre de cessions se faisant à l’euro symbolique pour faciliter, au plan local, la transformation ou l’aménagement des emprises laissées par le ministère. En outre, la cession des emprises parisiennes, dont la valeur est a priori plus grande et qui devaient fournir une part importante des recettes attendues, a pris du retard car elle est tributaire du regroupement des administrations centrales à Balard.

S’agissant de ce chantier, les travaux ont débuté en mars dernier, avec quelques mois de retard sur le calendrier prévu. Le transfert des personnels doit intervenir entre l’automne 2014 et le printemps 2015. Certaines contraintes juridiques pèsent néanmoins sur le déroulement du projet. Le recours déposé en avril dernier par la mairie de Paris a provoqué l’interruption des travaux dans la « corne ouest » du chantier. L’enjeu : un dépôt de bus de la RATP situé rue de la Croix-Nivert, que la ville souhaite déplacer à Balard pour construire des logements sur l’emplacement actuel. Des négociations sont en cours entre le ministère de la Défense, la mairie de Paris et la RATP. Une issue rapide est importante pour le financement et l’équilibre global du projet.

En conclusion, le budget de la défense est relativement préservé. Le ministère participe aux efforts d’économie dans l’attente de la loi de programmation militaire qui découlera du Livre blanc en cours d’élaboration. Il faut définir une ligne réaliste, un cap clair et lisible pour les militaires, tant du point de vue de la trajectoire budgétaire que de celui des contrats opérationnels et des missions qui leur sont assignées. Des projections budgétaires trop optimistes ou des contrats opérationnels trop ambitieux ne pourraient conduire qu’à de nouvelles révisions affaiblissant aussi bien la lisibilité de notre politique que le moral des troupes.

J’invite donc la Commission à adopter les crédits de la mission Défense.

M. Pascal Cherki. Il s’agit, avez-vous dit, d’un budget de transition avant la remise du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. J’espère que ce document posera clairement la question de la stratégie de la France car un budget, en principe, s’élabore en fonction d’une stratégie.

Le triptyque qui a longtemps prévalu – armée conventionnelle, préstratégique et stratégique – était fondé sur une conception de la dissuasion « du faible au fort ». L’ennemi principal était identifié à l’Est. La composante nucléaire était déterminante et la force d’action rapide reflétait la volonté du pays de se défendre en cas d’invasion. La sanctuarisation du territoire national au sens large – routes d’accès stratégiques comprises – était l’objectif premier de la défense. Le dispositif se situait dans le cadre d’une alliance à caractère défensif, le traité de l’Atlantique Nord, dont l’article 5 prévoit une solidarité mutuelle en cas d’invasion d’un des pays signataires – sans toutefois préciser les moyens de cette solidarité.

Aujourd'hui, la menace à l’Est n’existe plus. L’OTAN conserve un caractère défensif, mais elle a changé de nature. Elle n’a plus seulement pour objectif de sanctuariser le territoire national des États membres ; elle se voit aussi comme une force de projection extérieure. On l’a constaté en Afghanistan et en Libye.

Quelle est, dans ce contexte, la stratégie de la France ? À l’évidence, on n’a jamais tranché. La défense de la France doit-elle être autonome ? S’inscrit-elle dans le cadre de l’OTAN ? Ou visons-nous une défense européenne qui aurait une autonomie de décision par rapport à l’OTAN ? C’est de la réponse à ces questions que doit découler la détermination – voire, le cas échéant, l’augmentation – des moyens que nous allouons à notre stratégie.

En matière de force nucléaire, la France est-elle passée du principe du « faible au fort » qui a toujours été le sien à celui du « fort au fou » ? Aux États-Unis, on assiste à des tentatives pour établir une doctrine de premier emploi. Plus précisément, le budget qui nous est présenté permettrait-il l’emploi d’éléments nucléaires, même de faible dose, dans des munitions sur un théâtre d’opérations conventionnel, comme l’armée américaine l’a fait lors de la première et de la deuxième guerre du Golfe ?

M. Jean-Louis Dumont. Du fait des restructurations successives, le ministère de la Défense a été un des premiers à utiliser des cessions pour alimenter son budget. Ces cessions iront-elles à leur terme et la valorisation des biens à céder se poursuivra-t-elle ? D’autres occasions me seront données de revenir sur les dérives qui peuvent menacer la gestion de l’immobilier de l’État. Permettez-moi toutefois de remarquer que l’opération Balard recourt à des baux emphytéotiques pour mettre à la disposition du partenaire privé un espace de 20 000 mètres carrés de bureaux et financer ainsi une partie de l’opération. Quelle que soit l’issue de la contestation de la mairie de Paris pour un dépôt de bus de la RATP, il est de fait que, dans soixante ans, l’État redeviendra propriétaire d’un terrain qui aura probablement pris de la valeur. La doctrine semblant aujourd'hui un peu indécise, je tenais à souligner, pour m’en féliciter, l’utilisation de l’emphytéose dans la corne ouest de Balard.

Par ailleurs, alors que les effets de la réforme engagée en 2008 se font sentir encore aujourd'hui dans certaines communes, M. Launay indique que les crédits alloués aux contrats de redynamisation des sites de défense et aux plans locaux de redynamisation sont quasiment « au fil de l’eau », voire en diminution. Les deux rapporteurs n’ignorent pas que l’annonce de la disparition d’un régiment au 1er juillet 2013, par exemple, suscite des réactions locales ! Je souhaite donc savoir si des crédits seront à nouveau ouverts et si l’État prendra des engagements fermes sur ces plans en y consacrant les sommes adéquates. Ce fut le cas à une certaine époque, où le droit de tirage annuel était clair et où la part des subventions aux opérations de restructuration de l’espace abandonné dépassait les 80 %. Après que l’on a mis la clé sous la porte, il ne suffit pas de vendre les biens immobiliers : il faut aussi aider la zone concernée – tout particulièrement la commune touchée – à se restructurer.

Pour avoir fait l’expérience de ces dispositifs à Verdun, à Thierville, à Bar-le-Duc, à Commercy, je sais qu’il faudra aux ministres beaucoup de sérieux quant aux moyens financiers qui seront mis à disposition.

M. Cherki l’a souligné à juste titre : en attendant le nouveau Livre blanc et la nouvelle loi de programmation, nous devons poser la question de la stratégie et des missions de la défense nationale. Les rapporteurs constatent tous deux le vieillissement des hélicoptères qui ont joué un rôle important dans les missions accomplies au Liban ou en Afrique. La maintenance devenant, de ce fait, de plus en plus coûteuse, ne conviendrait-il pas de doter nos régiments d’appareils permettant de faire face à nos engagements ? Plus généralement, la défense nationale est-elle toujours un moyen de rayonnement de la France au service de nos valeurs, dans les missions que la nation, l’ONU ou différentes instances internationales lui confient ?

M. Alain Chrétien. Le projet de budget prévoit 1,2 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, dont 1 milliard pour la cession des bandes de fréquences. Les rapporteurs jugent-ils ces montants sincères ?

Quel sera, selon eux, l’impact de la loi qui rendra obligatoires les cessions à titre gratuit pour la construction de logements sociaux ? L’armée est un propriétaire immobilier important. Qu’adviendra-t-il des modestes 200 millions d’euros escomptés des cessions immobilières en 2013 si la loi lui impose de céder une partie de son foncier pour un euro symbolique ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaite revenir sur l’action 4, Politique immobilière, du programme 212. Les besoins de logement par nécessité de service peuvent constituer un réel problème, notamment dans des territoires où l’offre locative est faible. C’est ainsi que la gendarmerie est sans cesse en recherche de logements adaptés pour ses fonctionnaires. De plus, à partir d’août ou de septembre, les propriétaires qui ont accepté de louer ont beaucoup de difficultés à récupérer leur loyer. Ils se voient opposer des difficultés de crédits. Comment l’armée peut-elle accepter, pour son image, de reporter les paiements dus dans les derniers mois de l’année au début de l’année suivante ?

Concernant le programme 178, existe-t-il des passerelles entre l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) et les services de l’armée chargés des systèmes d’information ? Il existe sans doute des doublons et l’on pourrait, à tout le moins, établir un partenariat.

Enfin, alors que M. Launay nous indique que le coût du retrait des troupes d’Afghanistan n’est pas encore connu, ce budget permet-il d’envisager l’intervention au Nord-Mali – même si elle se limite à un soutien logistique – annoncée tout récemment par le Président de la République ?

M. Alain Rodet. La réalisation du « Pentagone à la française » permettra-t-elle de libérer les sites de la rue Saint-Dominique et du boulevard Saint-Germain ?

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Oui, mais l’hôtel de Brienne restera au ministère de la Défense.

M. Yves Censi. La défense entrera pour 60 % dans la réduction des effectifs de la fonction publique en 2013. Si ce plan de réduction est conforme à la loi de programmation militaire de 2009, il ne s’accompagne pas d’une évolution parallèle des crédits de titre 2. Les rapporteurs spéciaux invoquent à cet égard le poids croissant du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Toujours est-il que le Gouvernement a choisi de ne pas faire du ministère de la Défense un ministère « prioritaire » et prévoit de réduire de 7 % ses dépenses de fonctionnement. La décision d’augmenter les effectifs d’autres ministères a-t-elle une part dans cette réduction ?

Concernant l’action 3, Préparation des forces navales, du programme 178, il faut souligner les enjeux militaires, économiques et sociaux mis en exergue dans le rapport d’information des sénateurs Lorgeoux et Trillard sur la « maritimisation » de la France. Le plafond d’emplois pour cette action est fixé à 36 001 ETPT, soit une diminution de 669 par rapport à 2012. Les crédits destinés au soutien collectif et individuel baissent de 36,9 % et les dépenses de petits matériels et munitions de 28,9 %. N’arrive-t-on pas, si vous me passez l’expression, « à l’os », au détriment de la valeur stratégique de la maritimisation de notre pays ?

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. La définition de la stratégie de défense relève en partie du Livre blanc, monsieur Cherki. Il est indispensable que tous les spécialistes concernés y réfléchissent, mais il faut aussi que la réflexion politique dépasse les travaux sur lesquels elle s’appuie.

En matière de force nucléaire, notre doctrine a évolué à la marge, sans que ce soit complètement formulé ni par Jacques Chirac, ni par Nicolas Sarkozy, ni par François Hollande qui, pourtant, reprend à son compte cette évolution. Étant donné le contexte international, le nucléaire conserve une actualité dans la durée. En revanche, ce domaine n’est pas épargné par les contraintes financières. Il faudra donc se poser des questions, non pas pour remettre en cause la force nucléaire, mais pour maintenir l’option actuelle en dégageant des économies. Un débat politique devra intervenir à ce niveau car les spécialistes considèrent cette composante comme intangible.

La vente des bandes de fréquences, monsieur Chrétien, a rendu tardivement mais plus que prévu. Nous disposons donc du milliard d’euros figurant dans le budget. Les choses sont plus longues et plus compliquées en matière d’immobilier.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Concernant la stratégie globale et le rayonnement de la France, messieurs Cherki et Dumont, nous trouverons des éléments de réponse dans le Livre blanc. Il n’est pas anodin que le Président de la République ait très rapidement demandé ce travail. Les termes de la lettre de mission qu’il a adressée à M. Guéhenno sont très précis à cet égard. Le précédent Livre blanc ne date que de 2008. C’est donc bien que toutes les problématiques, y compris la dissuasion – même si celle-ci, le Président l’a rappelé, demeure une composante de notre arsenal et de notre pensée stratégique – doivent être abordées. Les menaces ne sont plus à l’Est depuis un bon moment. Elles se déplacent et changent de forme. Je pense non seulement au terrorisme, mais aussi aux enjeux stratégiques considérables qui se nouent actuellement en Afrique. La commission du Livre blanc aidera la décision politique qui donnera de nouvelles bases à la stratégie de notre pays. Si j’ai parlé de budget d’attente et de transition, c’est que les orientations financières à prendre seront largement conditionnées par les suites que l’on donnera au Livre blanc.

Spécialiste de l’immobilier de l’État, M. Dumont est aussi, comme élu de la Meuse, très sensible aux questions liées à la cession de nombreuses emprises militaires dans son département. Il est vrai que, localement, les ventes dont on escomptait une recette se transforment souvent en mises à disposition ou en cessions à l’euro symbolique. La sincérité budgétaire exige en effet, monsieur Chrétien, que l’on s’efforce d’anticiper au plus juste la portée des cessions. Mieux vaut s’épargner d’inscrire en recettes celles qui doivent se faire en lien avec les collectivités territoriales dans le cadre de programmes d’investissement ou de logement.

Le programme Balard, monsieur Dumont, est juridiquement complexe. Le chantier se divise en deux parties. Les travaux de la corne Ouest sont suspendus du fait du recours contentieux engagé par la ville de Paris, mais ceux de l’autre partie sont bien lancés et le ministère a décidé de les poursuivre. Cette situation fait peser une hypothèque sur l’apport de 220 millions d’euros censé provenir de la valorisation de la corne Ouest. Le versement de cette somme en 2013 reste subordonné à la purge ou au retrait du recours.

Deux solutions sont envisageables.

La première serait de démolir le dépôt de bus de la Croix-Nivert, de le reconstruire, et d’édifier au-dessus les logements sociaux prévus ; pendant les travaux, un dépôt provisoire pourrait être mis à la disposition de la RATP, par exemple sur un héliport voisin.

La seconde serait d’installer le dépôt sur la parcelle de la corne Ouest et de construire les bureaux locatifs et les commerces prévus par le projet de valorisation au-dessus du garage. Cette solution remet en cause toute l’économie du projet, puisque les nuisances liées au garage diminueraient sensiblement la valeur des bureaux. De surcroît, le déroulement des travaux de la corne Ouest se trouverait retardé.

Peut-être M. Cherki, qui est élu de Paris, a-t-il des informations plus récentes. Le responsable du projet, M. Vieillefosse, que nous avons rencontré, semblait de son côté optimiste quant aux chances de trouver une solution.

M. Pascal Cherki. On trouvera une solution si les discussions intelligentes entre l’État et la mairie de Paris se poursuivent. Lorsque l’État a voulu passer en force, la ville s’est défendue. Nous avons maintenant un autre Gouvernement et les négociations se déroulent dans un autre état d’esprit.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. La solution dépend en effet des négociations.

Les décalages de paiement de loyers que vous constatez sont regrettables, madame Dalloz. Ils affectent l’image de l’État dans sa capacité de paiement. Nous devrons vérifier s’il s’agit d’un problème localisé ou d’un phénomène plus large qu’il conviendrait de corriger.

En matière d’informatique, les difficultés que j’ai relevées concernent plutôt le système Louvois. Je crains de ne pouvoir vous répondre dans l’immédiat au sujet des systèmes d’information.

Comme nous l’avons indiqué, monsieur Rodet, l’îlot Saint-Germain sera libéré une fois l’opération Balard achevée. Seul l’hôtel de Brienne sera conservé.

Je vois bien pourquoi vous posez cette question sur les effectifs, les salaires et pensions, monsieur Censi. Mais gouverner, c’est prévoir, faire des choix et établir des priorités. Le Président de la République et le Gouvernement ont accordé la priorité à des ministères qui ne sont pas celui sur lequel nous rapportons. Le ministère de la Défense n’en demeure pas moins, de par la masse budgétaire en jeu et le nombre des personnels concernés, un ministère sensible. Je fais miennes, à cet égard, les questions de fond posées par plusieurs collègues sur la stratégie et l’avenir d’une politique de défense crédible. Les armées se sont pliées à des réductions d’effectifs correspondant à une forme de « RGPP spéciale ». Mais les économies réalisées sur leur budget ne sont pas destinées, a priori, à financer les choix prioritaires dans d’autres départements ministériels. Comme d’autres ministères non prioritaires, la défense contribue à l’effort « à hauteur de ses facultés », pour reprendre une formule du code civil.

S’agissant de la préparation des forces navales, je partage les conclusions du rapport sénatorial sur l’importance stratégique de la maritimisation de la France. L’Afrique, par exemple, où se nouent des enjeux considérables, possède deux longues façades océaniques. Le développement du transport maritime pose également des questions de sécurité liées à la lutte contre le terrorisme. Beaucoup de choses se jouent sur cette partie du budget.

La Commission examine l’amendement II CF 21 de M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la préparation de l’avenir.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Nous aurions pu déposer un grand nombre d’amendements en raison du décalage de programmes majeurs, tels que la rénovation du Mirage 2000, risquant à terme, de remettre en cause le format de notre armée de l’air, de même que le programme Scorpion pour la modernisation de l’armée de terre. Mais le Livre blanc devant clarifier la situation, je n’ai finalement retenu qu’un seul amendement, du fait de son caractère stratégique et parce qu’il dépasse les enjeux propres à une seule arme, comme également les clivages politiques.

Cet amendement vise à permettre le lancement d’un programme de missiles anti-navires légers (ANL), spécialement destiné à lutter contre la piraterie. Aujourd’hui, l’armée n’a guère le choix qu’entre la mitrailleuse et le missile Exocet, lequel détruit complètement le navire touché. Il faudrait donc disposer d’un missile intermédiaire permettant de neutraliser la cible, sans dégâts collatéraux.

Le projet a été mené dans le cadre du rapprochement franco-britannique. L’ancien et l’actuel Président de la République ont tous deux insisté sur l’importance de l’Europe de la défense, qui doit se traduire par des partenariats avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, ce dernier pays accomplissant aujourd’hui l’effort de défense le plus important. À ce titre, une douzaine de programmes avait été initialement envisagée. Or nous nous limitons aujourd’hui, d’une part, à une coopération nucléaire efficace, qui permettra d’économiser quelques centaines de millions d’euros ; d’autre part, à un projet à moyen terme sur les drones. Et rien d’autre. Le discours initial n’a donc été que très partiellement suivi dans la réalité. Après l’échec de la fusion entre European Aeronautic Defence and Space (EADS) et British Aerospace (BAE), la tentation des Anglais de se tourner vers l’autre côté de Atlantique est de nouveau très forte. Il me paraît donc souhaitable de donner un signal de bonne volonté en faveur de la collaboration franco-britannique. Si nous renoncions au programme ANL, nous n’aurions plus aucun programme à inscrire dans ce cadre.

Bien que les chefs d’état-major estiment le programme nécessaire, une option consisterait à attendre deux ou trois ans pour le développer, mais cela doublerait son coût. Et si nous n’avançons pas dans l’année qui vient, les Britanniques n’ont pas caché qu’ils chercheraient une alternative avec les États-Unis. La vertu financière rejoint donc l’intérêt diplomatique.

Le programme n’ayant pas été inscrit au budget de 2013, mon amendement vise à le réintroduire, ce qui perturbe un peu la technostructure. Nous pourrions toutefois aller ainsi dans le sens d’une meilleure maîtrise de nos programmes d’armement. En France, la Direction générale de l’armement (DGA) respecte bien sûr le code des marchés publics. Mais, au Royaume-Uni, la discussion avec les industriels s’organise de façon plus fine, ce qui autorise des baisses de coût considérables. Depuis un an, les deux partenaires, non sans quelques difficultés, ont rapproché leurs méthodes dans ce but. Enfin, sur le plan technique, la coopération franco-britannique est déjà bien avancée.

Le coût de la part française du programme, sur cinq ans, s’établit entre 35 et 40 millions d’euros par an. Je propose, pour la première année, un financement à hauteur de 10 millions d’euros en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement. Ce montant serait prélevé, pour moitié, sur le programme 144, notamment sur les crédits de la diplomatie de défense, en hausse globale de 14 %, et qui pourraient supporter quelques économies, toutes les dépenses ne correspondant pas au besoin de rayonnement des industries françaises. Le reste pourrait provenir du budget des écoles, qui jusqu’ici n’a pas été soumis à la RGPP et dont le montant est stabilisé par le projet de loi de finances.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel, dont le but est de susciter un débat sur le sujet, m’embarrasse un peu. Je n’ai pas voulu le cosigner. Il semble certes vertueux dans la mesure où il privilégie les dépenses d’investissement au détriment des crédits de fonctionnement. Mais il ressort de ma discussion avec le chef d’état major des armées que le besoin britannique se manifeste dès 2012 alors que le nôtre ne se fera pas sentir avant 2020. Le ministre de la défense ne considère donc pas le programme ANL comme prioritaire. Et si nous adoptons cet amendement, les crédits correspondants devront être renouvelés au cours des années suivantes. Or nous attendons les conclusions du Livre blanc pour lever certaines incertitudes.

M. Pierre-Alain Muet, président. N’est-il pas en effet prématuré de lancer un tel programme avant la sortie du nouveau Livre blanc de la défense ?

M. Yves Censi. Le budget du ministère de la Défense, bien que non prioritaire, ne doit pas pour autant sacrifier la préparation de l’avenir. Un signal est souhaitable pour afficher au moins notre détermination technologique et notre volonté de partenariat avec le Royaume-Uni.

M. Alain Rodet. Quand, il y a un peu moins de dix ans, le débat a été relancé sur la question du deuxième porte-avions, les contacts pris au plus haut niveau avec le Royaume-Uni visaient à développer un programme en commun. Les Britanniques ont alors préféré jouer leur carte nationale au prétexte que leurs avions ne décollaient ni n’appontaient comme les avions français. Êtes-vous certain qu’ils soient aujourd’hui disposés à collaborer avec nous pour une politique commune en matière de défense ? La tendance actuelle tendrait à prouver que le Royaume-Uni a choisi le complexe militaro-industriel américain plutôt que l’Europe. Il est vrai que Richard Cœur de Lion fut tué par un carreau d’arbalète tiré par un chevalier limousin, alors que les Chrétiens ne devaient pas utiliser de telles armes les uns contre les autres… C’était déjà une forme de missile.

M. Pierre-Alain Muet, président. Le projet de programme ANL me semble totalement prématuré. Et je réprouve l’idée de le financer en ponctionnant les crédits des écoles, notamment de l’École Polytechnique. Je voterai donc contre.

La Commission rejette l’amendement.

Le rapporteur spécial pour les crédits relatifs à la préparation de l’avenir s’en étant remis à la sagesse de la Commission et le rapporteur spécial pour les crédits relatifs au budget opérationnel de la défense ayant émis un avis favorable, la Commission adopte les crédits de la mission « Défense ».

*

* *

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION (1)

Amendement n° II–CF 21 présenté par M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial au nom de la commission des Finances

ARTICLE 46

État B

Mission "Défense"

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

    Programmes

    +

    -

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont titre 2

    0

    0

10 000 000

5 000 000

Préparation et emploi des forces

Dont titre 2

    0

    0

0

0

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2

    0

    0

0

0

Équipement des forces

    10 000 000

0

TOTAUX

    10 000 000

10 000 000

SOLDE

    0

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du lundi 15 octobre 2012 à 18 h 30

Présents. – M. Étienne Blanc, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez,
M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Pascal Cherki, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Jean-Louis Dumont,
M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean Launay, M. Pierre-Alain Muet, M. Alain Rodet

Excusés. – M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara,
M. Gaby Charroux, M. Jean Lassalle, Mme Christine Pires Beaune, M. Thierry Robert,
M. Camille de Rocca Serra

Assistaient également à la réunion. – M. Alain Chrétien, M. Marc Le Fur

——fpfp——

1 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.