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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 17 octobre 2012

Séance de 19 heures

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Examen, en application de l’article 91 du Règlement, des amendements à la première partie du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) (M. Christian Eckert, Rapporteur général)

– Présences en réunion

La Commission examine, en application de l’article 91 du Règlement, la suite des amendements à la première partie du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

M. le président Gilles Carrez. Le Gouvernement a déposé trois amendements visant à réécrire les articles 6 et 7 du projet de loi de finances et à en tirer les conséquences sur les recettes du budget général.

Article 6 : Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers

La Commission examine l’amendement n° I-789 du Gouvernement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tel qu’il ressort de ce long amendement, le nouvel article 6 du projet de loi de finances modifie le régime d’imposition des plus-values de cessions mobilières. Selon le droit en vigueur, celles-ci sont imposées au taux de 19 %. Le Gouvernement nous propose maintenant de porter ce taux à 24 % pour 2012 et, à partir de 2013, d’appliquer aux plus-values le barème de l’impôt sur le revenu mais en supprimant le système de quotient initialement prévu. Parallèlement, il modifie les abattements prévus par le projet. Le premier serait de 20 % dans le cas d’une durée de détention des valeurs mobilières entre deux et quatre ans, le deuxième de 30 % entre quatre et six ans, le troisième de 40 % au-delà de six ans.

Par ailleurs, l’article initial faisait courir le délai de détention à compter du 1er janvier 2013. L’amendement prend comme point de départ l’origine réelle de la détention des titres.

Pour les cessions ne portant que sur des sociétés opérationnelles, ce qui exclut les holdings, le taux forfaitaire de 19 % pourrait être maintenu sur option du contribuable, si celui-ci satisfait aux conditions suivantes : avoir exercé, pendant cinq ans dans la société et en continu avant la cession, soit une forme de direction – tel que gérant de SARL, associé d’une société de personnes, président-directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions –, soit une fonction salariée représentant plus de la moitié des revenus d’activité de la personne concernée ; avoir détenu en continu, avec le cercle familial, les titres pendant cinq ans ; avoir détenu, toujours avec le cercle familial, 10 % du capital pendant deux ans au cours des dix dernières années ; détenir, dans le même cadre, 2 % du capital lors de la cession.

Ces dispositions pourraient s’appliquer aux cessions réalisées dès 2012.

S’ajoute un mécanisme d’exonération en cas de remploi du produit des cessions. Selon le droit en vigueur, il faut conserver les titres en continu pendant huit ans et posséder, dans le cercle familial, 10 % du capital. Dans ce cas, si 80 % du montant de la plus-value sont réinvestis dans une société dont la personne détient de ce fait 5 %, et si celle-ci conserve les titres pendant au moins cinq ans, elle est intégralement exonérée d’imposition de la plus-value.

L’amendement du Gouvernement fixe également de nouvelles conditions relatives au remploi : le taux de 80 % est ramené à 50 % et l’exonération n’est plus totale mais limitée à la part effectivement réinvestie. Ce dispositif s’appliquerait dès 2012.

Enfin, selon le droit en vigueur, dans le cas des carried interests qualifiés de vertueux, c’est-à-dire pratiquant des rémunérations raisonnables, les plus-values de cession sont imposées à 19 %. Dans les autres cas, elles sont imposées comme des traitements et salaires. L’amendement du Gouvernement soumet les carried interests vertueux au régime du barème assorti des abattements déjà indiqués, et les autres au régime d’imposition des traitements et salaires.

M. le président Gilles Carrez. Le sujet dont nous discutons ce soir s’inscrit dans le prolongement de travaux déjà anciens de notre Commission.

Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un de ses rapports – en 2007 ou 2008 -, préconisait la généralisation, pour les cessions de valeurs mobilières, des prélèvements forfaitaires libératoires. L’évolution de l’Union européenne plaide dans le même sens, et avec des taux aussi proches que possible d’un pays à l’autre, comme nous l’a aussi indiqué le Premier président de la Cour des comptes. C’est que l’épargne et le capital sont beaucoup plus mobiles que le travail.

Ce que nous propose le Gouvernement correspond bien à ce qui fut dit lors de la campagne présidentielle à propos de l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail mais va à contresens de l’évolution observée partout en Europe.

L’article 6 a donc suscité, de la part des entreprises, des réactions très vives mais inévitables, et somme toute, légitimes me semble-t-il. D’une part, en appliquant le même barème d’imposition à des éléments de patrimoine et à des éléments de « flux », on confond deux notions bien différentes. D’autre part, en prévoyant son application au 1er janvier 2012, on rend le dispositif rétroactif.

Le Gouvernement a donc cherché des alternatives, d’où les amendements présentés ce soir. Mais ceux-ci ne me paraissent guère satisfaisants dans la mesure où ils conservent l’idée de « barèmiser » l’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières.

Ils ne font en réalité que « limiter la casse ». Le premier assortit l’application du barème de l’impôt sur le revenu d’un système d’abattements qui se voudrait raisonnable. Dans la précédente rédaction de l’article 6, le système d’abattements, pour durée de détention, ne jouait qu’à compter du 1er janvier 2013. Ainsi, bien que détenant des parts d’entreprise depuis quinze ou vingt ans, une personne ne voyait cette durée prise en compte qu’à partir de cette dernière date. Dorénavant, on intégrerait le passé depuis le premier jour de la détention, avec les différents taux d’abattement indiqués par M. le rapporteur général.

En clair : une plus-value de cession, indépendamment de la durée de possession des titres, est aujourd’hui soumise à un prélèvement de 19 %. Le Gouvernement propose, dans l’hypothèse générale, de la taxer à 45 % (hors contribution exceptionnelle), taux le plus élevé du barème de l’impôt sur le revenu prévu par le projet de loi de finances mais correspondant, le plus souvent, aux montants, relativement élevés, des cessions. Mais si les parts ont été détenues pendant plus de six ans, l’abattement de 40 % aura pour effet d’en taxer la plus-value de cession à un taux réel de 27 %. L’imposition passe donc de 19 à 27 %, taux auquel il convient d’ajouter les 15,5 % de prélèvements sociaux, soit un taux global de prélèvement de 42 %. Or, dans les pays de l’Union européenne, les taux correspondants s’étagent de 15 à 35 % et ils s’élèvent à 26,5 % en Allemagne.

Ce régime de droit commun comporterait en outre deux dérogations. La première reprendrait un amendement adopté l’année dernière par notre Commission. Celui-ci prévoyait qu’une personne cédant des parts qu’elle détenait depuis plus de huit ans, et réinvestissant 80 % de la plus-value dans une autre entreprise, à hauteur d’au moins 5 % du capital de celle-ci, bénéficiait d’abord d’un report d’imposition puis d’une exonération intégrale si elle conservait ses nouvelles parts pendant au moins cinq ans. Le Gouvernement propose de corriger ce dispositif en ramenant le taux exigé de réinvestissement de 80 à 50 % mais en ne faisant plus porter l’exonération que sur la partie réinvestie dans un délai de trois ans.

M. le rapporteur général. Du point de vue des faits, tout cela est exact.

M. le président Gilles Carrez. J’en viens au deuxième cas de figure : un détenteur de parts qui les cède pourra continuer à bénéficier du prélèvement forfaitaire à 19 %, sous les conditions très précises – et cumulatives – qu’a exposées le rapporteur général. Ce dispositif complexe correspond-il aux réalités de l’économie ?

Enfin, le régime actuel des parts ou actions à rendement subordonné des gestionnaires de fonds d’investissement – carried interests – serait maintenu. Le Gouvernement renonce à les traiter comme des salaires. Néanmoins, il les soumet, comme les autres plus-values mobilières, au barème de l’impôt sur le revenu avec possibilité d’abattement. Ainsi, le bénéficiaire de carried interests imposable au taux de 45 % au titre de l’impôt sur le revenu mais ayant détenu ses parts pendant plus de six ans verrait ses plus-values taxées à hauteur de 27 % au lieu de 19 % aujourd’hui. En outre, elles seraient soumises non pas au forfait social de 20 %, mais à la CSG et aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 %. Il faudra le cas échéant apporter un correctif au PLFSS sur ce point.

M. le rapporteur général. Je précise que les cessions intervenant au moment du départ à la retraite continuent à être exonérées en totalité.

M. le président Gilles Carrez. Pour leur part, les plus-values de cession d’entreprises individuelles – telle une boulangerie – demeurent soumises au régime des plus-values professionnelles et sont imposées à hauteur de 16 %.

M. le rapporteur général. En effet, ni le texte initial ni l’amendement proposé ne modifient ce régime.

M. Nicolas Sansu. D’après ce que je comprends, les plus-values de cession ne sont imposées à hauteur de 27 % et soumises à la CSG et aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 % que pour la part qui excède 150 000 euros, les autres tranches étant imposées à des taux moindres. Est-ce bien le cas ?

M. le rapporteur général. Oui.

M. Hervé Mariton. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur général, préciser le coût de ce dispositif et les modalités de son financement ? Pouvez-vous également en évaluer le caractère praticable ? À quels types de situation les différentes propositions du Gouvernement correspondent-elles ?

Par ailleurs, une plus-value réalisée à l’étranger sera soumise au taux d’imposition du pays de résidence. Compte tenu des décalages entre les taux d’imposition sur les plus-values mobilières dans les différents pays – 27 % en Allemagne, 28 % au Royaume-Uni, 21 à 27 % en Espagne, 13 à 20 % en Italie –, vous créez, chers collègues de la majorité, une situation qui avantage considérablement les actionnaires étrangers. L’amendement ne résout pas ce problème.

La pression extérieure vous a contraint à revoir votre projet initial. N’auriez-vous pas pu, dès lors, instaurer un dispositif plus simple et plus lisible ?

M. Charles de Courson. On ne peut assimiler une plus-value à un revenu : c’est là l’erreur de fond qu’a commise le Gouvernement et qu’il tente à présent de corriger. Il aurait mieux valu traiter de manière spécifique la taxation des plus-values mobilières et renoncer à les soumettre au barème de l’impôt sur le revenu. Nous ne pouvons pas avoir raison contre tous nos partenaires.

Quant aux critères qui permettent de bénéficier du régime dérogatoire, sont-ils applicables ? Ne risquent-ils pas d’être contournés ?

Enfin, comment traiter ceux qui investissent à travers des fonds ?

M. Thierry Mandon. Avec cet amendement, le Gouvernement a trouvé un point d’équilibre intelligent : le principe de soumission des plus-values mobilières au barème de l’impôt sur le revenu demeure, mais avec des abattements basés sur la durée de détention réelle des titres. En outre, des exonérations s’appliquent en cas de réinvestissement des plus-values. Dans ce dernier cas, les abattements sont-ils applicables à la part non réinvestie ?

M. le président Gilles Carrez. Oui.

M. Thierry Mandon. Le bénéficiaire de la plus-value peut-il la réinvestir dans une autre de ses sociétés, par exemple dans un autre secteur ?

M. le rapporteur général. Oui.

Mme Arlette Grosskost. Ce texte est d’une extrême complexité.

Premièrement, l’exonération et le maintien du prélèvement forfaitaire s’adressent aux sociétés anonymes (SA), aux sociétés par actions simplifiées (SAS) et aux sociétés à responsabilité limitée (SARL), même si elles ont pour seule activité l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal. En revanche, les commerçants ou artisans qui ont gardé le statut d’entreprise individuelle n’en bénéficient pas. Cette différence de traitement est difficilement compréhensible.

Deuxièmement, compte tenu des conditions cumulatives à respecter, un parent qui détient des actions mais n’exerce pas d’activité dans la société ne pourrait pas bénéficier du régime dérogatoire. Les intéressés devraient-ils, dès lors, conclure des pactes d’actionnaires pour remplir les critères ?

Je ne me vois pas expliquer ce dispositif à des actionnaires ou des porteurs de parts d’une petite société de personnes.

M. Nicolas Sansu.  La version précédente de l’article 6 avait un rendement d’environ un milliard d’euros. Qu’en est-il de sa nouvelle version ?

M. Marc Le Fur. Sur un territoire que je connais bien, les trois quarts des exploitations agricoles ont un statut de sociétés : leurs plus-values seront, elles, taxées à 16 % lors des cessions ou vont-elles se voir appliquer le texte incompréhensible qui nous est soumis ?

M. le président Gilles Carrez. Je pense qu’elles seront soumises aux dispositions de l’amendement car il s’agit de plus-values mobilières et non de plus-values professionnelles.

M. Marc Le Fur. Dans ma circonscription, les deux tiers des comptables, des commerçants et des artisans sont au régime des sociétés pour des raisons diverses : ils vont donc être concernés par ce texte alors que je croyais au départ qu’il ne concernerait que les business angels.

M. le rapporteur général. Toutes les parts de société sont concernées, sauf s’il s’agit de sociétés de personnes, car soumises au régime de transparence fiscale. Cela étant, cela dépend des cas.

Mme Marie-Christine Dalloz. La pression a été suffisamment forte pour que le Gouvernement réécrive intégralement l’article 6. Si nous avons bien compris que vous faites un dogme de l’égalité d’imposition entre revenus du capital et revenus du travail, il nous est plus difficile de comprendre la portée de cette nouvelle rédaction. Les parts de SCI sont-elles concernées ? En outre, si l’on peut exonérer 50 % des plus-values en cas de réinvestissement dans les 36 mois suivant la cession, les 50 % restants sont par contre imposés. Par ailleurs, le forfait social porte les prélèvements obligatoires à un taux de 42 % mais il convient de distinguer le forfait social, qui s’applique dès le premier euro, de l’impôt sur le revenu dont le barème est progressif. Enfin, votre deuxième exception ne s’applique que si cinq ou six critères cumulatifs fort complexes sont respectés. Dans ces conditions, combien d’entreprises vont conserver le droit d’option à 19 % ? Une estimation a-t-elle été faite et à quel coût ?

M. le rapporteur général. Sur le fond, monsieur de Courson, la plus-value constitue bel et bien un revenu dans la mesure où elle n’a pas été distribuée. En effet, soit l’on distribue le revenu accumulé sous forme de salaires ou de dividendes, soit on le conserve dans l’entreprise sous forme de plus-values. Il s’agit dans les trois cas de revenus que nous soumettons au barème de l’impôt.

Quid de la faisabilité ? Les critères du dispositif existaient déjà auparavant, même si les seuils étaient différents.

Certes, l’amendement est complexe, madame Grosskost, mais pas autant que le texte de cent pages que nous avions découvert soudain, il y a trois ans, sur la réforme de la taxe professionnelle. L’enjeu financier est en outre bien moindre.

M. Sansu a, comme souvent, posé une très bonne question – celle du coût du dispositif. Bien que l’ayant moi-même posée au Gouvernement, je ne dispose pas d’une réponse détaillée. Cependant, l’amendement de compensation prévoit une recette substitutive d’environ 800 millions d’euros, et la perte de recettes résultant de la réécriture des articles 6 et 7 pourrait coûter environ 750 millions d’euros.

Quant aux sociétés agricoles, leur régime ne change pas, monsieur Le Fur. Celles qui étaient considérées comme des entreprises individuelles conserveront le même traitement, tandis que celles qui ont la forme de société seront concernées par ce nouveau régime. Lors du départ à la retraite des exploitants, leurs plus-values seront totalement exonérées, comme c’est le cas actuellement. Il n’y a en tout cas aucune raison qu’elles soient traitées différemment puisqu’il s’agit de parts de société.

M. Marc Le Fur. Certes, la distinction existait auparavant mais le différentiel entre les deux régimes change de nature. Par exemple, lorsque des boulangers font carrière, la cession de leur boulangerie, constituée en société du fait de son importance, peut donner lieu à des plus-values substantielles. Ils devront donc s’acquitter de cette nouvelle imposition.

M. le président Gilles Carrez. L’exemple du pharmacien est peut-être plus parlant car toutes les pharmacies ou presque sont désormais des sociétés.

M. le rapporteur général. Dans ce type de société, on peut penser que toutes les conditions à respecter pour bénéficier du taux de 19 % sont satisfaites.

Quant aux sociétés civiles immobilières, madame Dalloz, elles ne sont pas concernées car leurs plus-values sont soumises au régime des plus-values immobilières et leurs revenus – répartis entre les associés au prorata de la détention de leurs parts – sont soumis au régime de la transparence fiscale.

Enfin, nous ignorons le nombre d’entreprises concernées.

M. le président Gilles Carrez. Lorsqu’un couple de boulangers décide d’établir sa boulangerie sous forme de société, imaginons que la boulangère dispose de 55 % des parts et qu’elle emploie son mari comme salarié, ce dernier disposant de 45 % des parts du fonds de commerce. En cas de cession, chacun d’entre eux va se voir appliquer individuellement le taux d’imposition à 19 %, puisque la boulangère aura exercé des fonctions de mandataire pendant cinq ans sans interruption, que son mari aura exercé une fonction de salarié représentant plus de la moitié de ses revenus, que chacun aura détenu au moins 10 % du capital pendant au moins deux ans au cours des dix dernières années et que lors de la cession, chacun d’entre eux vendra plus de 2 % du capital. Les boulangers sont donc sauvés !

M. Hervé Mariton. Vous n’avez pas répondu sur le décalage de taux d’imposition entre les investisseurs étrangers et nationaux ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous n’avons pas été en mesure de consulter les personnes concernées par cette mesure conséquente. C’est pourquoi je demande le report de l’examen de ces amendements en séance publique à demain après-midi.

M. le président Gilles Carrez. La réserve d’articles compliqués est très courante lors de l’examen de projets de loi de finances.

M. Jean-Christophe Lagarde. La conception du rapporteur général selon laquelle les plus-values sont des dividendes non distribués me semble économiquement erronée : lorsqu’on revend une société, ce n’est pas uniquement sa valeur qui est en jeu, mais aussi l’espoir pour l’acheteur de la faire croître et de gagner de l’argent avec elle.

Les conditions cumulatives sont telles que, si le boulanger est sauvé, je ne suis pas sûr que le pharmacien le soit ! En outre, dans la situation économique actuelle, les PME rencontrent les pires difficultés pour obtenir des prêts bancaires ; l’entreprise moyenne – et pas seulement la start-up ! – a besoin de capitaux extérieurs pour se développer. Les conditions cumulatives imposées rendent cela impossible : deux fois sur trois, les investisseurs en capital-risque perdent leur investissement. L’amendement du Gouvernement, qui prévoit des abattements progressifs en fonction de la durée de détention, rend le dispositif moins catastrophique ; néanmoins, nous pourrions être encore plus vertueux, car le système retenu est plus pénalisant que celui appliqué aux biens immobiliers, ce qui me paraît une erreur économique majeure. Il faudrait calquer le premier sur le second, afin de ne pas encourager l’investissement dans l’immobilier au détriment de celui dans les entreprises.

Quant aux exonérations en cas de réinvestissement, s’appliquent-elles jusqu’à 100 % ?

M. le rapporteur général. Tour à fait.

M. le président Gilles Carrez. Pour la suite de nos travaux, plusieurs possibilités s’offrent à nous. La première serait, comme l’a suggéré M. Lagarde, de demander au Gouvernement de réserver l’examen de l’article 6 jusqu’à demain après-midi ; la deuxième, d’organiser demain une courte réunion de la Commission afin d’auditionner le ministre.

M. Pierre-Alain Muet. Cela n’est pas usuel : pourquoi créer un précédent ?

M. Olivier Faure. On peut aussi faire l’inverse et demander au Gouvernement d’examiner l’article 6 dès ce soir afin de disposer rapidement de l’ensemble des informations que vous attendez.

M. le président Gilles Carrez. Chers collègues, nous découvrons ce soir des modifications substantielles à cet article. L’examiner dans la foulée, sans prendre le temps de la consultation, serait un mauvais signal, qui jetterait le discrédit sur la qualité de notre travail !

M. Charles de Courson. Si nous servons encore à quelque chose, c’est à rédiger des amendements. Laissez-nous du temps pour les préparer !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ne nous privez pas du droit d’amendement !

M. Charles de Courson. Initialement, l’article 6 devait rapporter 1 milliard d’euros ; si l’amendement du Gouvernement est adopté, il ne rapporta plus que 200 millions. C’est une réécriture complète !

Vous êtes majoritaires, vous ferez ce que vous voudrez, mais ne vous étonnez pas de la réaction de l’opposition – et sachez que nous pouvons décider de faire durer le plaisir…

M. le président Gilles Carrez. Personnellement, il me paraîtrait raisonnable que le Gouvernement réserve l’article.

M. Hervé Mariton. Quid des moins-values, monsieur le rapporteur ?

M. le rapporteur général. Il n’y a pas de modification : elles sont imputables sur les plus-values de même nature.

M. Hervé Mariton. Suivant quel régime d’imposition ?

M. le rapporteur général. Les plus-values nettes des moins-values sont soumises au barème.

M. Hervé Mariton. Et si l’on choisit l’option à 19 % ?

M. le rapporteur général. Dans ce cas, on n’est pas soumis au barème, mais au taux de 19 %. Vous voyez que le régime n’est pas spécialement défavorable !

Quant à la comparaison internationale, je n’ai pas fait la liste des taux appliqués dans les autres pays, mais ces renseignements sont accessibles sur Internet. Vous les trouverez facilement.

Pour les investisseurs en capital-risque, ils calculeront le solde de leurs plus-values et de leurs moins-values et ils le reporteront dans leur bilan.

M. le président Gilles Carrez. Comment voyez-vous la suite de notre travail ?

M. le rapporteur général. Il me semble possible de continuer comme prévu. Il y a beaucoup d’orateurs inscrits et d’amendements sur l’article 5 ; en fonction de l’heure et de la décision de la présidence, l’article 6 sera ou non examiné dans la foulée, mais pour ma part, à ce stade, je ne suis pas favorable à la réserve de l’article. Nous avons eu une heure d’explications, nous avons déjà rédigé un certain nombre de sous-amendements, et il vous reste au minimum la soirée pour faire de même.

M. Charles de Courson. On ne peut pas travailler dans ces conditions !

M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur général, cet article comporte des enjeux importants – même si l’amendement du Gouvernement tend à le vider de l’essentiel de sa substance en termes budgétaires. Il aura des conséquences directes sur la vie économique de notre pays, et il serait nécessaire que nous en discutions avec les acteurs concernés – ce qui, à cette heure tardive, semble difficile.

D’autre part, vous me dites de faire moi-même ce que vous n’avez pas eu le temps de faire : comment pouvez-vous répondre de façon aussi légère ? La démarche du Gouvernement n’est pas illégitime en soi, mais il faut la comparer avec ce qui se fait à l’étranger !

M. Pierre-Alain Muet. J’ai le souvenir, durant la législature précédente, d’amendements du Gouvernement bien plus complexes et volumineux présentés directement en séance. Là, le Gouvernement nous laisse le temps d’en débattre en commission. Je ne vois pas pourquoi on devrait reporter cette discussion en séance ! Personnellement, je n’y suis pas favorable.

M. Marc Le Fur. La réserve est une demande banale dans l’exercice de nos travaux. Je rappelle que le Gouvernement a disposé de quinze jours pour rédiger cet amendement, alors que nous ne demandons que vingt-quatre heures.

M. le président. Le rapporteur général lui-même n’a reçu l’amendement que quelques heures avant cette réunion. Nous devons travailler dans des conditions plus raisonnables.

M. Olivier Faure. Cette discussion est assez théorique. Nous ne savons pas encore à quel moment les articles 6 et 7 seront discutés.

M. le président. La pratique veut que la demande de réserve se fasse à la reprise de la séance.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il serait bon que le Gouvernement fasse droit à la demande de l’opposition alors même qu’il propose la réécriture globale de deux articles du projet de loi de finances. Nous devons pouvoir l’examiner sur le fond et, éventuellement, déposer des sous-amendements.

M. Yves Censi. Je rappelle que lorsque nous avons mené la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, nous avions demandé en cours d’examen du projet de loi de finances rectificative une étude d’impact au Gouvernement.

M. Hervé Mariton. Où est l’étude d’impact de cet amendement ?

M. le président. Au regard de ces échanges, je demanderai la réserve des articles 6 et 7 au Gouvernement lors de la prochaine séance. Nous pouvons commencer l’examen des sous-amendements du rapporteur général.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission accepte le sous-amendement n° 797 du rapporteur général.

La commission examine le sous-amendement n° 798 de M. Pierre-Alain Muet.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à ramener de trois à deux ans le délai prévu pour réinvestir le montant de la plus-value et bénéficier ainsi d’une exonération.

M. le président. Je rappelle que j’avais déposé un amendement semblable lors d’un précédent budget et qu’à l’époque, notre collègue M. Goulard nous avait alertés sur le caractère trop court de ce délai au regard de la conduite nécessaire d’études de marché en préalable au réinvestissement.

M. Pierre-Alain Muet. J’attire l’attention de notre Président sur le fait que la condition de réinvestissement ne porte désormais que sur 50 % du montant de la plus-value et non 80% comme auparavant. Les conditions de réinvestissement sont donc moins contraignantes et le délai proposé par le Rapporteur général semble plus raisonnable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission accepte le sous-amendement n° 798, ainsi que les sous-amendements n°s 799, 800 et 801 du rapporteur général, et accepte l’amendement n° 789 du Gouvernement ainsi sous-amendé.

Article 7 : Imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des gains de levée d’options sur actions et d’attribution d’actions gratuites

La Commission examine l’amendement n° I-791 du Gouvernement.

M. le rapporteur général. Les principales modifications proposées par l’amendement du Gouvernement sont les suivantes. Trois taux forfaitaires d’imposition de la plus-value d’acquisition lors de la levée de l’option sont prévus par le droit en vigueur aujourd’hui, 18 %, 30 % et 41 %. Le texte initial de l’article 7 soumettait ces plus-values au barème de l’IR dès 2012, avec quotient. L’amendement du Gouvernement prévoit le maintien des taux forfaitaires pour les plans antérieurs au 28 septembre 2012. Les plans postérieurs à cette date sont imposés au barème de l’IR sans quotient.

Concernant l’imputation d’une moins-value de cession sur une plus-value d’acquisition : le droit en vigueur l’autorise, le projet initial l’interdit, l’amendement du Gouvernement permet à nouveau le transfert de la perte de valeur subie au moment de la levée de l’option.

En ce qui concerne l’incitation à la détention longue des stock-options, l’amendement du Gouvernement ne prévoit d’exonération de cotisations sociales que sous réserve du respect d’une durée de détention de quatre ans entre l’attribution et la levée de l’option.

Pour les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, contribution salariale spécifique de 10 %) applicables aux plus-values d’acquisition, ils sont fixés par l’amendement du Gouvernement à 15,5 % plus 10 %, si une durée de détention de quatre ans est respectée entre l’attribution et la levée de l’option ; sinon on est à 8 % !

M. le président. Les sous-amendements n°s 793 à 796 du rapporteur général sont rédactionnels.

M. Hervé Mariton. Sur les 8 %, si on respecte la condition de durée, les prélèvements sociaux sont plus élevés que si on ne la respecte pas ?

M. le rapporteur général. Vous avez entièrement raison. C’est pourquoi j’avais préparé un sous-amendement visant à résoudre ce problème, que je n’ai pas encore déposé pour en perfectionner la rédaction.

M. Olivier Carré. On a donc une imposition au barème des plus-values. Si le prix d’acquisition est inférieur aux 95 % de la moyenne des cours pendant une période donnée, une autre imposition vient s’y ajouter, puisqu’il est prévu que la différence soit imposée dans la catégorie des traitements et salaires.

M. le rapporteur général. On ne change pas les règles sur ce point. La première version de l’article 7 supprimait les règles actuellement en vigueur, l’amendement n° 791 les rétablit.

M. Thierry Mandon. Quel sort est fait aux bons de souscription de parts de créateur d’entreprise ?

M. le rapporteur général. Les BSPCE restent taxés au même taux, à 19 %.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission accepte les sous-amendements n°s 793, 794, 795 et 796 du rapporteur général et accepte l’amendement n° I-791 du Gouvernement ainsi sous-amendé.

La Commission examine enfin l’amendement n° I-790 du Gouvernement.

M. le président. Nous venons de dépenser 800 millions : il faut les gager. C’est l’objet de l’amendement n°790 du Gouvernement.

M. le rapporteur général. Le Gouvernement propose de reconduire pendant deux ans la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés instaurée par la dernière loi de finances rectificative pour 2011. L’exposé sommaire indique encore un produit de 100 millions d’euros en 2014, du fait des modalités de paiement de l’impôt.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission accepte l’amendement n° I-790 du Gouvernement.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du jeudi 18 octobre 2012 à 19 heures

Présents. - M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Pascal Cherki, M. Charles de Courson, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Bruno Le Maire, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, M. Thomas Thévenoud, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Christophe Fromantin, M. Arnaud Leroy, M. Lionel Tardy

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