Accueil > Travaux en commission > Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 28 novembre 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 46

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

– Audition de M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances, et de M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur des amendements du Gouvernement au projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 403) (M. Christian Eckert, rapporteur général)

– Suite de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 403) (M. Christian Eckert, rapporteur général)

– Présences en réunion

La Commission procède à l’audition de M. le ministre de l’Économie et des finances et de M. le ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. le président Gilles Carrez. Deux amendements déposés hier par le Gouvernement proposent respectivement – mais les sujets sont liés – la mise en place d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et, à titre de gage partiel, des modifications du taux de TVA. Ces mesures n’étaient pas à l’ordre du jour la semaine dernière, quand le Gouvernement est venu nous présenter la loi de finances rectificative.

En accord avec le rapporteur général, j’ai tenu à ce que la Commission puisse se saisir de ces amendements dès la première réunion consacrée à l’examen du collectif, et à ce que les ministres viennent nous les expliquer. Après leur audition, nous poursuivrons l’examen du projet de loi de finances rectificative sans leur présence.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. Il n’est pas de coutume que la Commission des finances auditionne des ministres pendant l’examen de la loi de finances, mais nous avons souhaité vous présenter en détail ces amendements, première mise en œuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, que j’ai présenté ce matin en Conseil des ministres.

Le contexte est exceptionnel. Depuis plus de quatre ans, notre pays connaît une crise économique profonde, et depuis dix-huit mois, notre économie est entrée dans une phase de stagnation moins spectaculaire mais non moins ravageuse que les désordres de l’hiver 2008-2009. Notre économie tourne au ralenti. Voilà trois trimestres que la croissance est nulle ou très faiblement positive, et dix-huit mois que le chômage progresse. Une récession rapide et une stagnation durable ont le même effet : le chômage augmente et la pauvreté s’aggrave. Ce constat justifie notre présence devant vous. On ne peut certes inverser la courbe par magie, comme l’a regretté le Président de la République, et les mesures ne peuvent pas produire d’effets avant d’avoir été votées, mais nous visons toujours l’objectif réaliste d’inverser la courbe du chômage courant 2013.

Le contexte appelle d’abord une réponse globale, notamment européenne. Au sein de la zone euro, l’aboutissement de la négociation difficile menée au sein de l’Eurogroupe aidera la Grèce à résoudre ses problèmes financiers, ce dont je me réjouis. Mais nous agissons aussi à l’échelon de notre pays. On ne peut plus continuer la fuite dans l’endettement. Pour rétablir la compétitivité de l’économie française, nous devons soutenir une croissance de qualité, équilibrée, reposant non sur l’endettement mais sur la justice, sur la solidarité et sur une croissance plus durable.

La création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est à la hauteur de cet enjeu et proportionnée à la gravité de la crise. Fer de lance du pacte présenté par le Premier ministre et adopté par le Gouvernement, elle permettra aux entreprises françaises de redresser leur compétitivité et de soutenir l’emploi. C’est autant une mesure conjoncturelle, qui modifiera dès 2013 le comportement des entreprises, qu’une réponse structurelle au problème de la productivité, lié à celui du coût ou du prix du travail.

Pourquoi prendre cette mesure maintenant ? Parce qu’il y a urgence. Il faut que les entreprises qui calculent leur cahier des charges pour 2013 puissent asseoir leurs prévisions d’embauche et d’investissement sur un mécanisme stabilisé au 1er janvier 2013.

Le crédit d’impôt bénéficiera à toutes les entreprises imposées d’après leurs bénéfices réels, soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, quels que soient leur mode d’exploitation – société individuelle, de personnes ou de capitaux – et leur catégorie d’imposition, dès lors qu’elles emploient du personnel salarié. En d’autres termes, n’en sont exclues que les entreprises non soumises à l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu, ou celles qui n’ont pas de salariés.

Comme l’a annoncé le Premier ministre, le CICE représentera 6 % de la masse salariale brute supportée au cours de l’année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. Nous avons visé tant la création d’emploi que la compétitivité. Le dispositif concernera 85 % des emplois dans tous les secteurs et 83 % dans l’industrie. Nous atteindrons le taux de 6 % en 2014, après un palier de 4 % en 2013.

Nous avons privilégié la simplicité. Il n’y aura ni biais ni biseau : le même taux s’appliquera à tous. Pour les modalités d’imputation, nous appliquerons les règles du crédit d’impôt recherche. Le CICE sera intégralement restitué aux PME l’année de constatation de la créance, soit en 2014 pour celui qui sera acquis au titre des rémunérations de 2013. Il s’imputera sur l’impôt dû au cours des trois années suivantes pour les plus grandes entreprises, qui peuvent valoriser plus aisément leur créance, le solde étant totalement imputable la quatrième année.

Afin que le dispositif améliore dès 2013 la trésorerie des entreprises, nous avons prévu un mécanisme de préfinancement. Les établissements bancaires pourront proposer à leurs clients une avance sur le montant de leur créance fiscale, qui sera garantie par la BPI.

Le financement du dispositif reposera pour moitié sur des économies supplémentaires, pour moitié sur des recettes tirées notamment de la nouvelle fiscalité écologique, dont le rendement atteindra 3 milliards d’euros, et d’une réforme de la TVA, fondée sur une modulation des taux à partir du 1er janvier 2014. Cette réforme, également introduite par amendement, se traduira par une baisse de 5,5 à 5 % du taux réduit s’appliquant aux produits de première nécessité – pour préserver le pouvoir d’achat des plus modestes –, par une hausse de 7 à 10 % du taux intermédiaire, et par une augmentation de 19,6 à 20 % du taux normal.

Le Gouvernement n’a pas souhaité conditionner ce dispositif pour ne pas réduire son efficacité, mais il tient à ce que le produit du crédit d’impôt ne serve pas à augmenter les rémunérations des dirigeants ni à verser des dividendes supplémentaires. Il doit aller à l’emploi, à l’investissement et au développement des entreprises. Nous sommes ouverts à tous les amendements qui permettront de s’en assurer.

Notre logique est celle du donnant-donnant. Le CICE sera évalué aux niveaux micro- et macroéconomique. Nous entendons obtenir en outre des contreparties tangibles en matière de gouvernance des entreprises, pour prévenir les excès constatés sur les rémunérations des dirigeants et lutter avec plus d’intransigeance contre la fraude fiscale. Par ailleurs, nous attendons que les entreprises participent à la négociation en cours sur la sécurisation de l’emploi. Enfin, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi repose sur une approche qui évite d’opposer consommateurs et producteurs, conformément au projet de loi sur la consommation, qu’a évoqué Benoît Hamon lors de la séance de questions au Gouvernement.

La voie du redressement économique est difficile. Nous voulons aider les entreprises à regagner des parts de marché dans la compétition mondiale sans faire baisser la consommation ni réduire le pouvoir d’achat des moins aisés. C’est une ligne de crête, mais j’ai la conviction que notre action, fidèle à des principes de rapidité, de simplicité et d’efficacité, est aussi juste qu’efficace.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le ministre. Vous avez su être à la fois concis et précis.

M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. J’essaierai de faire aussi bien. Nous avons souhaité que le CICE soit simple, rapide, sans condition préalable, mais aussi transparent et contrôlé. Quand un pays mobilise 20 milliards d’euros pour soutenir, dans les entreprises, l’investissement, l’innovation, l’embauche, l’exportation et la formation, il est légitime que l’on contrôle l’utilisation de cette somme.

Je conviens que ce dispositif, qui n’est pas de nature budgétaire, ne trouve pas facilement sa place dans une loi de finances rectificative.

Nous avons engagé par ailleurs avec les partenaires sociaux une négociation dont un volet concerne le rôle des institutions représentatives – comités d’entreprise, représentants du personnel, conseils d’administration – et la capacité des partenaires sociaux, notamment des syndicats, à être informés des décisions. Ceux-ci doivent prendre part à la stratégie des entreprises non seulement lorsqu’il faut engager un plan social, mais par anticipation, ce qui est la manière la plus efficace de traiter les difficultés. Tel est le deuxième paquet de la négociation sur la sécurisation de l’emploi, dont les partenaires sociaux se sont saisis, du côté patronal et syndical. Nous consulterons ensuite le Parlement. Qu’une solution se détache de la négociation ou qu’il faille compléter celle-ci par de nouvelles dispositions, le Gouvernement souhaite que l’utilisation des sommes du CICE bénéficie d’une visibilité nationale. Ainsi, le Parlement pourra contrôler l’utilisation globale des sommes engagées, tandis que les représentants du personnel seront à même de vérifier leur emploi au niveau microéconomique.

Chaque entreprise devra faire remonter les informations concernant les montants perçus et leur utilisation dans l’investissement, l’innovation, la formation, l’embauche ou l’exportation. Je disais ce matin sur RMC que, si un chef d’entreprise avait le mauvais goût d’utiliser le CICE pour changer de voiture, il aurait du mal à le justifier auprès de ses employés comme de la représentation nationale. La transparence et la traçabilité des sommes jouent un rôle essentiel dans l’efficacité du dispositif.

Telle est du moins la volonté du Gouvernement. Nous verrons dans quelques semaines où en est la négociation.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sur la méthode, nous subissons le calendrier choisi par le Gouvernement, qui propose de modifier les taux de TVA par amendement, en prévoyant des mesures de raccordement ou d’anticipation pour les opérations qui s’étendront sur plusieurs années. Je l’ai dit ce matin, quant à moi, je ne sous-amenderai pas ce volet, car il faut être responsable : pour moduler, il faudrait d’abord des chiffrages et des études d’impact.

Cela dit, le Parlement ne saurait s’interdire de revisiter certains taux de TVA, par exemple sur le logement social, l’assainissement, les transports publics, à condition que les modifications s’effectuent à somme nulle. La piste est ouverte pour les lois de finances à venir.

À l’égard du préfinancement, certains points doivent être précisés. Puisque le montant du CICE ne sera connu qu’en fin d’année, nous devons savoir dans quelles conditions, pour quelle somme et auprès de quelles banques on trouvera des garanties. Il est probable que la mesure ne sera pas immédiatement opérationnelle.

Sur le fond, vous faites le pari de la confiance, de la transparence et du dialogue social, mais ma connaissance des probabilités mathématiques m’a appris qu’on n’a jamais 100 % de chances de gagner. Même si l’on veut faire confiance, il faudra veiller à ce qu’il n’y ait pas d’inégalité de traitement – notamment en matière de santé, entre les secteurs privé et public. Même si l’on pense que la transparence engendrera la vertu, des sous-amendements devront préciser de quelle manière on pourra ou non utiliser le CICE. Enfin, même si le dialogue social est en cours, il faut inscrire dans les engagements des partenaires certaines modalités de communication. À défaut, elles devront figurer dans un autre texte.

M. le président Gilles Carrez. Quand l’idée d’un crédit d’impôt a été lancée, je l’ai jugée compliquée. Il me semblait plus simple de traiter la question du coût du travail à travers les charges sociales patronales, comme le suggérait le rapport Gallois et dans la ligne des décisions que nous avions votées en févier et en mars.

À bien y réfléchir, je reconnais pourtant que le crédit d’impôt permet une approche intéressante, en ce qu’il traite directement la question de la marge, de l’autofinancement et de la trésorerie. Pour être préfinancée début 2013, la créance à l’égard de l’État doit être néanmoins aussi certaine que possible, ce qui signifie qu’elle ne doit pas être assortie de conditions. La simplicité et l’automaticité sont indispensables, le crédit d’impôt étant lié au coût du travail. Enfin, sur le plan budgétaire, il ne pèsera sur les finances qu’en 2014, ce qui est judicieux.

La suppression des 5,4 points de cotisations famille, que nous avions votée en début d’année, était totale pour les salaires allant de 1 à 2 SMIC et dégressive de 2 à 2,4. Quand on a étudié la manière dont cette suppression se distribuait dans les différentes branches, il est apparu qu’on ne prenait pas assez en compte l’industrie, où les salaires sont importants, et beaucoup trop des secteurs protégés comme la grande distribution, la sécurité ou la propreté. La fourchette comprise entre 1 et 2,5 SMIC est plus large, mais pose néanmoins question.

Le mécanisme de préfinancement que vous avez évoqué ne figure pas dans la loi, ce qui est normal. Comment fonctionnera-t-il ? Pourquoi ne pas prendre pour assiette les salaires de 2012, ce qui rendrait la créance beaucoup plus sûre ?

Enfin, je souscris aux propos du rapporteur général sur les taux de TVA. Dès lors que leur modification n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2014, nous avons tout intérêt à prendre notre temps.

M. Pierre-Alain Muet. Comparé à un allégement de cotisation, le crédit d’impôt offre un double avantage : il permet aux entreprises de commencer à investir dès 2013, alors que son financement n’interviendra qu’en 2014. En outre, parce qu’il est connu, il peut être suivi, conditionné ou soumis à la négociation.

Le choix par le Gouvernement d’un crédit d’impôt général, dont se saisira la négociation d’entreprise, introduit une véritable innovation, un changement dans nos comportements.

Les amendements que présentera le groupe socialiste relèvent du même esprit. Il nous revient de préciser que le CICE doit favoriser l’investissement, l’innovation et l’embauche, et non servir à verser des dividendes aux actionnaires ou à augmenter les rémunérations des dirigeants.

Les partenaires sociaux se saisiront de la question dans le cadre des négociations en cours, afin qu’une deuxième loi vienne ultérieurement traduire leurs conclusions et définir les modalités de contrôle de l’application du dispositif. Pour la première fois, le dialogue social se trouvera ainsi au cœur d’un mécanisme fiscal.

Un comité de suivi est également prévu, et nous présenterons un amendement visant à instaurer pour les entreprises bénéficiaires une obligation de rendre compte de l’usage du crédit d’impôt.

Il s’agit en définitive d’une démarche novatrice et efficace, se situant dans la droite ligne du projet de loi de finances pour 2013, centré sur la réduction du déficit et sur l’emploi. Tout cela relève d’une politique économique parfaitement cohérente.

M. Hervé Mariton. Le dispositif proposé comporte certes des avantages, et il n’est pas irrecevable. Il reste, messieurs les ministres, que vos propos balancent entre la fermeté et l’ouverture. Vous n’exigez pas de conditions préalables – ce dont je vous félicite, car c’est indispensable au nantissement du crédit d’impôt dès 2013 –, mais vous prévoyez le contrôle de l’utilisation des sommes et leur traçabilité. Comment cela sera-t-il possible ? Comment concilier une inscription distincte dans les comptes avec le principe d’universalité budgétaire ? Ne vous payez-vous pas de mots quand, pour des raisons d’efficacité, vous êtes contraints de limiter vos exigences à la « transparence » ?

S’agissant de la TVA, les taux retenus auront pour effet de protéger les produits importés. Pourquoi avoir fait ce choix ? Quant aux catégories concernées, si j’entends ce que disent le président et le rapporteur général, elles risquent de fluctuer, ce qui pose un problème de prévisibilité.

D’autre part, l’impact sur l’emploi ne sera pas optimal, car le dispositif proposé ne cible pas les secteurs les plus en difficulté.

Pour conclure, nous pourrions soutenir votre initiative, à condition que les économies annoncées sur les dépenses soient substantielles. S’agissant de la fiscalité écologique, nous pouvons comprendre que vous ayez besoin de temps pour la concevoir ; mais pouvez-vous nous dire où vous comptez trouver les milliards d’économies supplémentaires nécessaires au financement du CICE ?

M. Charles de Courson. Huit questions. D’abord, pourquoi tant de précipitation, alors que les mesures présentées n’auront pas d’effet avant la fin 2013 ? Pourquoi présenter une réforme d’une telle ampleur par voie d’amendements, sans aucune étude d’impact ?

Pourquoi avoir choisi le crédit d’impôt plutôt que la réduction des charges sociales patronales, excluant ainsi les entreprises non soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu ?

Pourquoi ne présentez-vous pas tout de suite les contreparties qui seront exigées des entreprises plutôt que de les renvoyer au projet de loi relatif à la consommation ?

Le Gouvernement prévoit que les PME et les ETI pourront bénéficier dès 2013 d’un mécanisme de préfinancement. Mais vous ne donnez pas le montant de la dépense correspondante. À combien l’estimez-vous ? Est-elle prévue par le projet de loi de finances pour 2013 ?

Le Gouvernement annonce la mise en place d’une fiscalité écologique dont le rendement est estimé à 3 milliards d’euros. Quelles sont les mesures envisagées ?

Le financement du dispositif reposera également pour moitié sur des économies supplémentaires. Cela suppose un doublement de l’effort de réduction des dépenses, à hauteur de 10 milliards d’euros, sur le budget pour 2014. Sur quoi ces économies porteront-elles ?

Quel sera le champ d’application du CICE ? Pourquoi bénéficiera-t-il aux seules entreprises employant du personnel salarié ? Quid des travailleurs indépendants, qui représentent 10 % de la force de travail de notre pays ? Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel avait censuré la réforme de la taxe professionnelle au nom de la rupture du principe d’égalité !

Enfin, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur la simulation prévue par le Gouvernement dans l’exposé des motifs ?

M. Nicolas Sansu. Les principaux défenseurs du dispositif présenté par le Gouvernement siègent à droite : n’y aurait-il pas comme un problème ?

Personne ne conteste la nécessité d’aider notre industrie ; ce qui nous gêne, c’est qu’on ne parle que du coût du travail, et jamais du coût du capital. Or, en 30 ans, dans les entreprises industrielles, manufacturières et de service, la part des salaires a été multipliée par 3,6, mais celle des dividendes distribués par 20 ! Contrairement à ce que l’on prétend, le coût du travail n’est pas plus élevé chez nous que dans les autres pays : par unité de production, il est même plus faible en France qu’en Allemagne.

Les exonérations de charges patronales sur les salaires représentaient, en 1992, 1,9 milliard d’euros en 1992, 30,7 milliards en 2008 et près de 60 milliards en 2013. Pourtant, le Conseil des prélèvements obligatoires a prouvé que cela n’avait aucun effet sur l’emploi ! Il eût été préférable de s’engager dans la voie de la modulation des cotisations et de l’impôt, de manière à favoriser les entreprises qui investissent dans l’outil productif, les salaires, la formation, et de pénaliser celles qui privilégient la spéculation.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une augmentation d’un peu plus de 10 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés ; or, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012, présenté concomitamment, on diminue de 20 milliards ce même impôt. Je ne comprends pas ce changement de pied – ni celui sur la TVA, d’ailleurs : porter de 7 à 10 % le taux de TVA sur le bâtiment est une erreur fondamentale, eu égard à l’objectif de construire 150 000 logements sociaux par an.

Je suis surpris en outre que le dispositif ne soit pas ciblé sur l’industrie. Il est inconcevable que les banques, les assurances et la grande distribution bénéficient d’un crédit d’impôt alors qu’il ne s’agit pas d’activités créatrices d’emploi !

Tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement, Mme Valérie Boyer a posé une question à Mme Touraine sur les risques pesant sur l’offre de santé à Marseille ; la ministre aurait dû dire que, grâce au crédit d’impôt, le groupe Générale de santé va gagner 4 % sur les salaires dès 2013, et 6 % en 2014 !

Je vous le dis solennellement, messieurs les ministres : ce projet n’est pas bon – et si l’on peut gagner des batailles politiques, on peut aussi perdre des batailles idéologiques !

Mme Éva Sas. S’agissant d’un dispositif entraînant une dépense fiscale de 20 milliards d’euros, il est pour le moins étonnant de procéder par amendements et dans l’urgence !

Le CICE nous apparaît comme un dispositif de soutien non pas de tant de la compétitivité que des entreprises en général : il concerne toutes les entreprises, qu’elles soient florissantes ou en difficulté, y compris les trois quarts d’entre elles qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale – Mme Parisot s’en est d’ailleurs réjouie.

Il s’agit, à ce stade, d’une mesure qui n’est pas ciblée et qui n’est soumise à aucune condition. Si j’ai pris bonne note de vos précisions, il serait quand même nécessaire de revoir ce dernier point : pour qu’il y ait « pacte », il faut que les entreprises prennent des engagements. Nous proposons pour notre part de prendre en considération trois critères : la taille de l’entreprise, l’emploi et la démarche environnementale.

En outre, en portant le taux intermédiaire de TVA de 7 à 10 %, vous allez augmenter la fiscalité sur trois secteurs qui sont au cœur de la transition écologique : la rénovation thermique, les transports collectifs et le recyclage des déchets. Il faut dire que nous n’avons pas beaucoup entendu le mot « écologique » depuis le début de la mandature !

Nous aurions pour notre part souhaité une grande réforme fiscale, prévoyant le basculement d’une partie des cotisations sociales patronales vers une fiscalité écologique ; mais pour cela, il eût fallu du temps – et de l’ambition.

Nous souhaitons donc que le débat parlementaire prenne toute sa place ; des sous-amendements seront présentés, et notre position finale dépendra de leur sort.

M. le ministre de l’Économie et des finances. Tout d’abord, je me réjouis de l’intérêt suscité dans tous les rangs par ces deux amendements, ainsi que du soutien de la majorité ; et je tiens à dire à M. Sansu qu’il s’agit d’un dispositif d’intérêt général, proposé par le Gouvernement, et non pas d’un projet de droite.

Monsieur le rapporteur général, votre choix de ne pas vouloir modifier la répartition des biens et services entre les différentes tranches de TVA est extrêmement sage. La réforme n’entrera en vigueur qu’en 2014 ; d’ici là, nous aurons le temps de préciser les choses. Par souci de lisibilité, nous avons tenu à prévoir dès maintenant l’évolution des taux de la TVA ; pour autant, la discussion doit avoir lieu sereinement, et nous n’excluons pas de revenir là-dessus par la suite.

S’agissant du préfinancement, la créance ne sera juridiquement constituée que lors du dépôt de la déclaration, mais, en pratique, elle pourra être évaluée dès le courant de l’année 2013. Ce que vous appelez « précipitation » est la volonté du Gouvernement d’informer dès maintenant les agents économiques du mécanisme retenu et de leur permettre d’anticiper ; c’est pourquoi nous avons retenu ces modalités et ce calendrier.

À la fin du premier semestre 2013, une entreprise pourra indiquer à son établissement bancaire le montant des rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC qu’elle aura versées, avec un risque d’erreur minime ; des négociations pourront alors s’engager afin de mettre en œuvre le mécanisme de préfinancement. Destiné aux PME, PMI et ETI, celui-ci reposera ainsi sur le réseau des banques commerciales, avec l’appui de la BPI, sous la forme d’une garantie couvrant une part importante de la créance. Le Trésor a conduit sur le sujet des consultations de place dont le résultat est très positif.

Je remercie le Président Carrez de reconnaître la pertinence du choix du crédit d’impôt et de l’astuce consistant à avoir une mesure effective dès 2013, mais financée ultérieurement. Notre économie est en stagnation ; nous sommes contraints de fournir un effort budgétaire considérable, de l’ordre de 30 milliards d’euros, pour réduire les déficits l’an prochain ; accroître cet effort de 20 ou 30 milliards aurait eu un fort impact récessif. Le dispositif que nous vous proposons permet de l’éviter ; il est simple, puissant et ingénieux : il ne pèse pas sur le pouvoir d’achat et il est soutenu par un mécanisme de préfinancement.

La question du ciblage sectoriel fait débat. Si l’on cible l’action sur les bas salaires, l’impact sur l’emploi est plus fort ; si on la cible sur les rémunérations plus élevées – comme le suggère Louis Gallois –, on privilégie l’impact sur la compétitivité. Comme nous rencontrons des problèmes à la fois de chômage et de compétitivité, nous avons décidé de ne pas introduire de biseau et de viser les rémunérations égales ou inférieures à 2,5 SMIC – qui représentent 83 % des salaires dans l’industrie. La mesure portant sur 20 milliards d’euros, il eût été de toute façon difficile de faire davantage. Enfin, nous voulions enclencher une dynamique qui touche l’ensemble des entreprises.

Le CICE visant à infléchir les comportements, notamment en incitant les entreprises à embaucher – et ce, dès le 1er janvier 2013, puisque la créance s’acquiert à partir de cette date –, il n’eut pas été pertinent de prendre en considération les rémunérations versées en 2012. En revanche, les banques pourront examiner la masse salariale distribuée en 2012 pour instruire la demande de préfinancement de l’entreprise.

Monsieur Mariton, le contrôle sera réalisé au niveau national, grâce à un comité de suivi, ainsi qu’au sein des entreprises. Nous faisons le choix de la justice – et nous agissons de même s’agissant des taux de TVA.

La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques prévoit d’ores et déjà 50 milliards d’euros d’économie sur 5 ans. Le Premier ministre réunira le 20 décembre un comité interministériel pour la modernisation de l’action publique ; un processus novateur va être mis en place. Nous avons pris un engagement : nous le tenons pour 2013, et nous ferons de même pour 2014.

Monsieur de Courson, nous n’agissons pas avec précipitation, mais nous voulons la vitesse, afin que le dispositif retenu ait dès 2013 des effets sur la croissance, l’emploi, et la compétitivité.

Nous avons choisi le crédit d’impôt plutôt qu’une baisse des cotisations sur les salaires, parce que c’est un outil plus efficace, plus puissant, plus astucieux, et qui ne pénalise pas le pouvoir d’achat.

Les contreparties viendront plus tard : le temps de la décision et celui de la négociation doivent se suivre.

Le préfinancement permettra d’apporter jusqu’à 7 milliards d’euros aux PME et aux ETI. Il n’y a pas besoin de le prévoir dans la loi de finances, car il sera assuré par le réseau des banques commerciales, avec une garantie de la BPI.

Nous n’oublions pas la fiscalité écologique, en cours de discussion dans le cadre du débat sur la transition énergétique ; nous prévoyons un rendement de 3 milliards d’euros au plus tard en 2016, mais, comme l’a souligné le Premier ministre, nous ferons tout pour aller plus vite.

Le crédit d’impôt concernera tous les employeurs soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, y compris les travailleurs indépendants. En revanche ceux-ci ne pourront pas en bénéficier s’ils n’emploient pas de salariés, car l’objectif de la mesure est de favoriser l’emploi – c’est pourquoi cela ne devrait poser aucun problème constitutionnel. Comme le crédit d’impôt est applicable dès le premier salarié, cela devrait encourager les travailleurs indépendants à embaucher.

Non, monsieur Sansu, la question du coût du travail n’est pas au cœur du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ; il ne s’agit que d’une mesure parmi 35 – mais c’est la première, et son impact financier est immédiat. En menant cette bataille politique, nous ne signons aucune capitulation idéologique.

M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je le dis d’emblée, je vais vous décevoir : nous ne pouvons pas aujourd'hui déterminer précisément les modalités de l’information et du contrôle. Lorsque le fonctionnement d’une entreprise est en cause, c’est aux partenaires sociaux d’en discuter. Il y aura une instance nationale pour porter un jugement global sur l’utilisation du crédit d’impôt, et des débats au sein des entreprises avec une obligation de transparence et d’information. Selon quelles modalités, avec quelles conséquences ? Ce sera l’objet de la négociation. L’entreprise est déjà tenue de fournir des informations, par exemple sur la formation, au moins au comité d’entreprise. Si elle ne le fait pas, c’est un délit. Et en cas de défaut dans la qualité de l’information transmise, il y a délit d’entrave. Il existe donc d’ores et déjà des moyens de s’assurer que l’information est précise, fiable, et susceptible d’être contrôlée.

Vous vous demandez légitimement comment s’assurer que les sommes en question n’auraient pas été prévues de toute façon. Ne prenez pas les partenaires sociaux pour des enfants de chœur ! La première chose que le comité d’entreprise fera, ce sera l’état des lieux avant le crédit d’impôt. C’est sur cette base qu’il estimera l’évolution et qu’il vérifiera que ces sommes auront servi à la compétitivité sous tous ses aspects, mais à elle seulement.

M. Pascal Cherki. Ce dispositif complexe, à 20 milliards d’euros, présenté sous forme d’amendement, marque l’issue d’un débat dont l’objet, qui était au départ la compétitivité de l’industrie, est devenu le coût du travail. À cet égard, je rends hommage au MEDEF et à l’AFEP : ils savent se faire entendre ! Le résultat est une mesure générale, applicable à toutes les entreprises sans aucune condition. Et l’enjeu représente tout de même la moitié du produit de l’impôt sur les sociétés.

En bénéficieront même les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale et qui ne perdent pas de marché, comme les banques, Total, ou même Mittal ! L’hôpital privé en bénéficiera, mais pas l’hôpital public ; les universités privées, mais pas les universités publiques – nous encourageons la marchandisation de la santé et du savoir.

Il y a donc de bonnes raisons de s’interroger sur les effets induits d’une telle mesure d’autant qu’elle sera financée, d’une part, par une ponction de 6 milliards d’euros sur la consommation, grâce à une hausse de la TVA, et, d’autre part, par une ponction sur l’investissement public qu’il faudra réduire. Dans ces conditions, est-on vraiment sûr des résultats escomptés ? J’en doute, puisqu’il s’agit d’un pari. Je vous invite, monsieur le ministre, à accepter mon amendement visant à exclure les sociétés cotées du dispositif, car je ne me vois pas expliquer aux électeurs que nous allons faire des chèques à BNP-Paribas ou à Total.

M. Régis Juanico. Le contrôle a posteriori par les partenaires sociaux est un pari qu’il faut absolument réussir. Compte tenu de l’état de la négociation sociale dans les TPE et les entreprises de moins de cinquante salariés qui n’ont pas de comité d’entreprise, nous devons nous assurer d’une forme de suivi et de contrôle de l’utilisation du crédit d’impôt. Ne pourrait-on pas envisager de faire remonter l’information, par exemple au niveau de la région – un échelon important du dialogue social – ou des branches professionnelles ?

Le contrôle sera pris en charge par un comité de suivi national qui comprend, pour l’instant, les partenaires sociaux et les représentants des administrations centrales. Mais ne serait-il pas souhaitable de prévoir un mécanisme d’évaluation et de contrôle au niveau du Parlement, peut-être sous la forme d’une commission spéciale, dotée dès l’an prochain de pouvoirs et de moyens spécifiques ?

Nous sommes plusieurs, avec Christian Eckert, à avoir déposé un sous-amendement pour que le crédit d’impôt s’applique à toutes les entreprises, y compris au secteur non lucratif, même s’il n’est pas soumis à l’impôt sur les sociétés. Il s’agit de faire bénéficier d’un mécanisme équivalent un secteur qui, lui, est soumis à une forte concurrence, et qui serait, sinon, victime d’une distorsion de concurrence à l’égard des bénéficiaires du crédit d’impôt.

M. Éric Woerth. Je suis globalement favorable au dispositif envisagé car il est bon pour la compétitivité, à quelques réserves près.

Certes, une baisse des cotisations sociales aurait été préférable même si elle est un peu moins efficace, car elle aurait été moins réversible et plus claire : il s’agit d’un problème de cotisations et non de fiscalité. Auriez-vous fait le choix présent si nous n’avions pas proposé un allègement des cotisations ?

Ensuite, le financement du mécanisme n’est pas entièrement bouclé. Il y a, d’une part, un décalage dans le temps. D’autre part, d’où proviendront les 10 milliards d’euros d’économies prévus ? Et les 3 milliards tirés de la fiscalité écologique ?

Je ne crois pas du tout possible, ni même souhaitable, d’assurer une traçabilité du CICE. Parce que les entreprises ont besoin de plus de compétitivité, vous baissez la fiscalité par le biais d’un crédit d’impôt sur la masse salariale. Mais pourquoi leur demander ce qu’elles en font ? C’est leur affaire. Si vous mettez des conditions, vous créerez une usine à gaz, d’autant que je ne pense pas l’administration capable de tracer les sommes en cause.

Le mécanisme de préfinancement est astucieux, j’en conviens. Il permet que la mesure joue tout de suite et que l’État paie un peu plus tard. Mais ce financement a forcément un coût pour l’entreprise. L’avez-vous évalué ?

On peut s’interroger aussi sur la cohérence : vous commencez par augmenter les impôts des entreprises de 20 milliards d’euros avant de les alléger d’autant. Vous remettez dans une poche ce que vous avez pris dans l’autre.

Enfin, le coefficient de 2,5 SMIC ne correspond pas exactement à celui qui figure dans le rapport Gallois. En réalité, le problème de compétitivité se situe à un niveau de salaire un peu plus élevé, autour de 3-3,5 fois le SMIC. Pourquoi un tel écart ? Et 20 milliards d’euros, est-ce suffisant ? Y aura-t-il d’autres étapes ?

M. Marc Goua. Face au problème de compétitivité de notre industrie, que nul ne nie, le programme du Gouvernement est complet et cohérent mais je voudrais être rassuré sur l’efficacité du crédit d’impôt. Pourquoi ne pas l’avoir réservé à l’industrie ? L’étude parue dans Les Échos laisse craindre qu’il ne profite à la grande distribution.

Est-il opportun de relever de 7 à 10 % le taux intermédiaire de TVA sur les travaux au moment où se prépare le plan de transition énergétique ? Pourrait-on, par le vote d’un amendement, épargner le logement social ?

Mme Karine Berger. « Nous ne devons pas étudier les arts libéraux mais les avoir étudiés », observe judicieusement Sénèque. La science économique nous suggère de rattacher les propositions du Gouvernement à une école de pensée particulière, dont l’un des grands représentants s’appelle Arthur Laffer. Ce type de mesure, qui a déjà été testé au début des années 1980 aux États-Unis et en 1987 en France, mise sur une baisse de l’impôt sur les sociétés pour créer de l’emploi et de l’investissement, dans un enchaînement dynamique. Or, les expériences passées montrent l’importance du rapport de forces organisé, dont nous avons compris, après les propos de M. le ministre du travail, qu’il était l’objet d’un pari.

La loi annoncée pour janvier doit préciser la nature de l’information et les modalités du contrôle. Mais y aura-t-il des sanctions si les syndicats et les représentants du personnel constatent que le crédit d’impôt n’a pas servi à consolider la compétitivité et l’emploi ?

Le Gouvernement veut éviter que la mesure contribue à augmenter les dividendes distribués. Êtes-vous d’accord pour l’écrire dans la loi ?

Convenez-vous que la compétitivité de la France, de même que l’emploi, passe autant par le secteur associatif que par la grande distribution ?

M. Philippe Vigier. Je me félicite que le Gouvernement se soit converti à la TVA, lui qui déclarait il y a trois semaines qu’une hausse de la TVA serait injuste. Il lui reste encore à faire œuvre de pédagogie auprès d’une grande partie de la majorité.

Mais pourquoi ramener de 5,5 % à 5 % le taux réduit de TVA, ce qui coûtera 1 milliard d’euros sans aucun effet sur les prix ? De même, le relèvement de trois points du taux intermédiaire aura de très fortes incidences dans le logement et la restauration, deux secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et porteurs d’emploi. Un tel choix me semble une erreur, surtout s’agissant du logement.

Selon l’exposé des motifs, la baisse du coût du travail est en moyenne trois fois plus forte que l’augmentation de la TVA. Comment êtes-vous arrivés à ces chiffres ?

Le rapport Gallois expliquait qu’il fallait cibler les salaires jusqu’à 3,5 fois le SMIC, suivant en cela un rapport de la Cour des comptes qui avait mis en évidence que les allégements de cotisations sur les bas salaires n’avaient pas profité à l’industrie parce que les rémunérations y étaient plus élevées. Pourquoi ne pas avoir suivi ses recommandations et baissé à la fois les charges sociales patronales et salariales, ce qui aurait été favorable au pouvoir d’achat ?

M. le ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Woerth, lorsque l’État mobilise 20 milliards d’euros pour une baisse d’impôt, s’intéresser à l’utilisation qui en est faite me semble la moindre des choses. Il s’agit d’un contrôle de l’utilisation des aides publiques. Nous avons conclu un pacte, il y a donc un engagement réciproque, et il est légitime qu’il y ait un contrôle, sans nuire à la simplicité ni à la rapidité de l’action.

Mme Berger a mis le doigt sur le problème qui se pose toujours lorsque les engagements initiaux ne sont pas respectés. Ce sont les partenaires sociaux qui vont s’en saisir aujourd'hui. Vous allez, vous parlementaires, délibérer maintenant sur le montant ; les partenaires sociaux débattront ensuite ; et vous jugerez en janvier de l’équilibre global qui aura été obtenu entre les efforts fiscaux consentis et la sécurisation de l’emploi, dont chacun a compris qu’il était un élément de la compétitivité de notre économie, tout comme la qualité du dialogue social.

M. Dominique Lefebvre. Le dispositif annoncé par le Premier ministre, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, n’est pas dénué de mérites. Il est massif, général, simple. Il a des vertus conjoncturelles et structurelles dans la mesure où il est pérenne. Et son financement est annoncé.

En ce qui concerne les 10 milliards d’économies sur les dépenses, il est normal de prendre le temps de la réflexion puisqu’il s’agira de mesures structurelles qui seront débattues dans le projet de loi de finances pour 2014.

Concernant la TVA, je crois que la nouvelle architecture fondée sur trois taux – avec un taux intermédiaire plus proche de celui pratiqué ailleurs en Europe – sera in fine plus efficace et plus juste, à condition de procéder à certains reclassements, le tout se faisant à somme nulle.

Je me félicite aussi que les mesures proposées n’affectent pas le financement de la protection sociale, qui aurait été mis en cause si on avait baissé les cotisations, comme le proposait la droite – dont les plans successifs ont toujours amputé les recettes sociales.

La pierre angulaire du dispositif, c’est la dynamique de la négociation sociale qui va s’engager. Je vois une grande cohérence dans la démarche engagée par le Gouvernement depuis le mois de juillet. C’est un pari, mais sans doute la seule solution pour résoudre les problèmes de notre économie et rétablir le dialogue social. Certes, pour les parlementaires, il n’est pas facile de mettre 20 milliards d’euros sur la table et de devoir attendre la fin de la négociation pour vérifier qu’il y a bien eu donnant-donnant. Si elle ne devait pas déboucher, les effets risqueraient d’être dévastateurs sur le plan politique. Je voudrais avoir la certitude que, quel que soit le résultat des négociations sociales, il y aura bien une loi dans le courant du premier trimestre et que le Gouvernement prendra, le cas échéant, ses responsabilités.

M. Thierry Mandon. Nous discutons d’une mesure clé, mais il ne faudrait pas réduire la stratégie du Gouvernement à ce crédit d’impôt.

Il s’agit d’un dispositif profondément innovant, et même déstabilisant sur le plan culturel et politique. De plus, il présente un caractère massif qui disqualifie les invitations à aller plus loin : nous doublons le niveau des aides aux entreprises.

Contrairement à ce qu’on pouvait redouter, le mécanisme est simple, très loin des procédures habituelles. Et il sera accessible sans perte de temps.

Autre nouveauté, tout repose sur la confiance, c'est-à-dire sur un contrôle a posteriori, qui sera confié aux partenaires sociaux.

L’accélération du calendrier nous empêche de prendre la mesure de cette innovation profonde, voire de cette « révolution copernicienne ». Il n’en reste pas moins que le dispositif mériterait d’être précisé, en particulier quant à son objectif. Nous ne donnons pas 20 milliards d’euros pour augmenter des rémunérations déjà excessives ou abonder des dividendes.

Par ailleurs, il conviendra de préciser strictement le champ du dispositif.

M. Olivier Carré. L’intérêt général aura donc conduit certains membres de la majorité à une remise en cause : on ne peut que se réjouir de cette nouvelle convergence de vues avec nous, que les entreprises appellent de leurs vœux.

Attention, néanmoins, aux conditions posées : la confiance est essentielle. Plus on en prévoira, plus on réduira la capacité de préfinancer cette action par le biais des créances. Quant à la marge du secteur de la distribution elle ne constitue pas un problème si elle permet d’accroître le salaire des caissières !

Qu’en est-il de la prise en compte de l’intérim, qui recouvre une masse financière importante ?

Quid du décalage de paiement de trois ans du crédit d’impôt pour les entreprises supérieures à une certaine taille ?

M. le président Gilles Carrez. Cela n’empêche pas que le crédit soit mobilisé entre-temps.

M. Olivier Carré. Et pour les entreprises de taille intermédiaire ?

M. le président Gilles Carrez. On retient la notion de PME au sens européen.

M. Olivier Carré. Enfin, pourquoi avoir opté pour un taux de 4 % de la masse salariale en 2013 ?

M. Jean-Marc Germain. Je me réjouis du calendrier retenu : les chiffres du chômage publiés hier montrent l’urgence qu’il y a à le combattre, y compris par le biais de la compétitivité sous la forme d’amendements à un collectif budgétaire !

Nous pouvons aussi nous accorder sur l’utilisation du mécanisme du crédit d’impôt, qui permet d’avoir des effets dès 2013 avec un financement en 2014.

Je partage également l’objectif de simplicité, qui s’apparente à une forme de souplesse : la compétitivité, qui peut revêtir des formes très variées, doit s’apprécier entreprise par entreprise. Il est donc difficile de fixer d’autres critères a priori.

Les allègements de charges Balladur et Juppé, qui n’étaient assortis d’aucune condition, ont montré peu d’efficacité : une autre méthode – celle fixée par le Président de la République pendant sa campagne électorale et choisie par les partenaires sociaux – repose sur la contrepartie, telle qu’elle est prévue par exemple pour les contrats de génération. Celle que nous préconisons ici, par le biais de plusieurs amendements, consiste à privilégier l’utilisation des dépenses en faveur notamment de la recherche, de l’innovation ou du développement des compétences dans les entreprises – et non du versement de dividendes ou de l’augmentation des hautes rémunérations.

Quant au contrôle, il peut être soit administratif – hypothèse impossible en l’espèce, compte tenu du nombre d’entreprises concernées – soit social, ce qui nécessite la transparence sur l’utilisation du dispositif et des sanctions en cas de mauvais emploi des crédits. Je souhaite, comme notre collègue Karine Berger, que le second texte de loi, prévu pour la fin janvier, définisse ces sanctions.

Mme Sandrine Mazetier. Il est important que les amendements du Gouvernement soient présentés conjointement par le ministre des Finances et par celui du Travail, qui est également chargé du dialogue social.

Je note avec satisfaction que les modulations de taux de TVA n’interviendront qu’en 2014, ce qui permet d’agir d’abord sur l’offre. Il est bon de diminuer le taux réduit de TVA, qui porte sur les produits quotidiens tels que l’alimentation ou l’énergie.

Je m’interroge cependant sur la disposition relative à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale : porte-t-elle bien sur les salaires ? Favorise-t-elle une relocalisation de l’emploi en France ?

Par ailleurs, quel est le régime prévu pour les heures supplémentaires et complémentaires ? Il serait anormal qu’elles génèrent du crédit d’impôt.

M. le président Gilles Carrez. Elles sont visées par le dispositif, mais sans la majoration.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Gouvernement a préféré le crédit d’impôt sur la masse salariale à la réduction des cotisations sociales, qui avait la préférence de la précédente majorité.

Je doute de la simplicité de cette mesure : les logiciels des experts-comptables ne vont plus pouvoir intégrer chaque fois les nouvelles données qu’on leur impose ! De plus, la troisième mesure préconisée par le rapport Gallois tend à stabiliser l’environnement juridique et fiscal : il faudrait au moins que le dispositif proposé soit bien pérenne.

Je suis par ailleurs très étonnée par cette notion de traçabilité de l’aide, qui mérite d’être précisée : fera-t-elle l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux ?

J’entends la différence faite entre les 20 milliards d’euros imposés aux entreprises françaises en 2013 et ceux restitués dans le cadre du crédit d’impôt. Mais il n’y en aura pas moins un choc fiscal pour celles-ci dès l’année prochaine et, même si ces deux mesures ne touchent pas les mêmes entreprises, celles qui paieront le plus d’impôts vont, du fait de leur masse salariale, largement bénéficier du dispositif. Voilà un étrange billard à deux bandes. Tout cela est bien compliqué !

Enfin, les entreprises industrielles ne seront pas aidées par l’adoption d’un taux de TVA à 20 % : cette mesure sert la concurrence internationale.

Mme Valérie Rabault. Je me réjouis que l’on ait retenu la formule du crédit d’impôt, plutôt que de s’en prendre aux ménages. Quelques questions néanmoins.

Comment le secteur associatif des hôpitaux et l’agriculture seront-ils pris en compte dans le pacte ?

Le dialogue social engagé aujourd’hui est un véritable atout en faveur de la compétitivité : responsabiliser les partenaires sociaux sur les conditions d’application du dispositif est donc important. Or, les taux de distribution des dividendes, qui ont augmenté ces dernières années, varient beaucoup selon les secteurs ou les entreprises : pourrait-on prévoir des conditions à cet égard ?

Contrairement à notre collègue Olivier Carré, je crois que le dialogue social engagé dans l’entreprise mettra les dirigeants face à leurs responsabilités et les incitera à trouver des accords avec les partenaires sociaux.

M. Laurent Grandguillaume. La mesure proposée favorise la compétitivité. Si l’on ne peut évaluer le coût du travail que par rapport à la performance qu’il génère, il était essentiel de le réduire vis-à-vis de la concurrence internationale, tout en augmentant les salaires, comme nous l’avons fait en accroissant le SMIC. Pour le pouvoir d’achat, nous avons aussi augmenté l’allocation de rentrée scolaire – laquelle a eu un impact manifeste sur la croissance.

On aurait pu envisager cette mesure sous la forme d’un produit d’exploitation plutôt qu’un crédit d’impôt – ce qui aurait aidé les entreprises dans leurs négociations avec les banques et au regard des comparaisons européennes pour les investisseurs –, même si cela soulevait des difficultés au regard des règles imposées par l’Autorité des normes comptables et posait un problème en ce qui concerne le calcul de la CVAE.

Il faut saluer par ailleurs la mesure tendant à favoriser la participation des salariés aux conseils d’administration : est-il envisagé de la renforcer au moyen des seuils ?

Il convient enfin de se pencher sur la question du dialogue social territorial, si l’on veut revitaliser nos territoires.

M. Jean-Louis Dumont. Comment sont pris en compte le mouvement coopératif
– dont le rôle est si important en milieu rural – et l’économie sociale dans son ensemble ? Je déposerai un amendement sur ce sujet afin que vous puissiez mesurer l’impact économique des coopératives dans la diversité de leurs métiers et de leurs compétences.

En outre, nous avons besoin d’une économie soutenue, non délocalisable et riche en emplois. Le gouvernement de Lionel Jospin avait adopté un taux réduit sur les activités du bâtiment dédiées au logement aidé, notamment au logement locatif social : le retour à une telle mesure, même cantonnée à certains types de produits, mériterait d’être étudié car le logement constitue un bien de première nécessité pour beaucoup de personnes.

M. Christophe Castaner. L’augmentation spectaculaire du chômage depuis dix-huit mois et la dégradation de notre commerce extérieur depuis dix ans imposaient d’agir massivement.

Nous sommes confrontés, il est vrai, au risque d’effets d’aubaine, ou que les sommes investies ne produisent pas les effets attendus : il existe pour les dividendes ou les salaires de quelques dirigeants.

Par ailleurs, il faut réaffirmer l’enjeu du dialogue social, qui est une condition de la confiance. L’amendement qui nous est présenté est un pacte de confiance, que nous devons assumer de passer avec les chefs d’entreprise.

Sénèque disait que « le bon juge condamne le crime sans condamner le criminel » : or écarter aujourd’hui les entreprises du CAC 40 reviendrait à écarter l’industrie française du bénéfice du dispositif.

Pour favoriser la confiance, il faut se fixer une série d’objectifs, ce qui implique la transparence. Celle-ci, qui donnera lieu à plusieurs amendements, suppose l’existence d’un contrôle social, des moyens à cet effet, ainsi qu’un pilotage – dont nous devons parler.

Je renvoie enfin l’opposition au Figaro du 31 janvier dernier, selon lequel le taux de TVA de 21,2 % promis par le gouvernement de l’époque serait supérieur à la moyenne des 27 pays de l’Union européenne. Or, avec un taux de 20 %, nous ferons partie des pays européens ayant les taux normaux les plus faibles, seuls six d’entre eux se situant à un niveau inférieur.

M. Thomas Thévenoud. Sur les taux réduits de TVA, je partage la position du rapporteur général selon laquelle il est prématuré à ce stade de déposer des amendements sans étude d’impact préalable.

Monsieur le ministre, vous avez proposé que nous travaillions ensemble pendant l’année 2013 à la nouvelle architecture des taux de TVA : comment serait organisé ce travail entre la Commission des finances, le Parlement et le Gouvernement ? À cet égard, la modulation retenue, avec des taux à 5, 10 et 20 % me semble plus cohérente que la précédente. Mais les taux de TVA doivent être aussi réduits que possible sur les produits de première nécessité : il faut pouvoir se nourrir et se soigner, mais aussi se loger – le logement social est l’une des priorités de notre majorité et du Gouvernement. Les transports doivent aussi figurer parmi les produits et secteurs auxquels il conviendrait d’appliquer un taux de TVA de 5 %.

M. le président Gilles Carrez. Compte tenu de la qualité de votre rapport sur la restauration, il est dommage que nous ne disposions pas d’un rapport Thévenoud élargi.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Castaner, je n’ai pas bien compris qui est le criminel et quel est le crime. N’oublions pas que Sénèque a également dit qu’il n’est pas de bon vent pour le marin qui ne sait pas où il va.

M. Éric Alauzet. Le dispositif vise à la simplicité et à la rapidité, à la transparence et à la traçabilité. Il s’agit d’un pari sur la confiance – on a envie d’y croire et la pratique permettra d’en juger.

Néanmoins – si l’objectif de 300 000 emplois est atteint –, le coût du dispositif sera tout de même de 50 00 euros par emploi – à comparer aux 10 000 euros que coûtera chaque emploi d’avenir. L’ouverture de ce dispositif à l’ensemble des activités répond-elle, au-delà d’un souci de rapidité, à des raisons économiques ?

Il est du reste troublant que nous dotions les dépenses avant de doter les recettes.

En définissant les taux de TVA, ne perdons pas de vue que l’eau et l’assainissement touchent à l’hygiène et que les déchets sont le bout de la chaîne alimentaire.

Par ailleurs, ce dispositif a-t-il vocation à se substituer au crédit d’impôt formation ?

Enfin, les échanges que nous avons eus aujourd’hui avec nos homologues de la délégation chinoise reçue par notre assemblée ont mis en lumière un élément de compétitivité important : la rigueur de l’offre. Cela coûte peu mais renvoie à une question de mentalités.

M. le ministre de l’Économie et des finances. La finalité et la méthode de mon action relèvent d’une inspiration parfaitement social-démocrate. Notre objectif est de redresser la compétitivité de la France, qui a régressé, en redressant aussi les finances publiques et l’appareil productif de notre pays. C’est ce qui motive l’ensemble du pacte que je propose, et tout particulièrement le crédit d’impôt que vous examinez aujourd’hui.

Monsieur Mandon, au-delà de la rapidité et de la simplicité, le pacte se justifie par sa méthode : le Gouvernement fait confiance aux partenaires sociaux et attend d’eux qu’ils se montrent ambitieux.

Monsieur Lefebvre, une loi transposera au début de 2013 l’accord national interprofessionnel que nous espérons. À défaut d’accord, comme l’a indiqué le Président de la République, nous prendrons nos responsabilités et proposerons quand même une loi. Des dispositions législatives seront également consacrées aux autres contreparties – en matière de gouvernance, de rémunérations, de civisme fiscal et d’ordre public économique, c’est-à-dire notamment de délais de paiement et d’actions de groupe. Vous en serez saisis dès le début de l’an prochain.

Monsieur Cherki, toutes les analyses montrent qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre la compétitivité et l’emploi, et qu’il est inutile d’opposer les secteurs de l’industrie et des services, car de nombreux dérapages de prix constatés dans l’industrie s’expliquent par le dérapage des prix des services. Les sous-amendements proposés par le groupe majoritaire me semblent aller dans le bon sens. Évitons ceux qui seraient contraires à la logique de ce texte et, plus généralement, à celle du Gouvernement.

Je précise que toutes les banques bénéficieront du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Madame Berger, un dispositif de suivi et de contrôle sera mis en place pour toutes les entreprises. Il n’y a pas de désaccord sur les objectifs et nous pourrons l’écrire.

Monsieur Juanico, l’économie sociale et solidaire soulève une double difficulté. Tout d’abord, une grande part de ce secteur sera incluse dans le champ de la mesure, car certaines associations sont, malgré leur caractère non-lucratif, soumises aux impôts commerciaux, mais il est difficile de faire bénéficier d’un crédit d’impôt des associations qui ne sont pas imposées à l’IS ou à l’IR, et il faudra faire preuve d’imagination pour trouver une solution. Par ailleurs, l’application à toutes les associations du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi coûterait 1,5 milliard d’euros.

Monsieur Woerth, il est bon d’alléger l’impôt qui pèse sur les salaires et, plus encore, les bas salaires, et il est tout aussi justifié de renforcer l’imposition des grandes entreprises dont le bénéfice imposable gonfle sous l’effet de divers mécanismes – la Commission européenne a du reste encouragé la France à réduire ses subventions fiscales à l’endettement, qui étaient les plus élevées d’Europe.

Monsieur Goua, en matière d’efficacité, il est toujours possible de contester un diagnostic, mais le dispositif que nous proposons a le mérite de la simplicité et de la puissance – et donc, au bout du compte, d’une efficacité d’autant plus grande que nous avons choisi de ne pas ponctionner le pouvoir d’achat cette année.

Monsieur Vigier, je confirme que nous faisons deux fois moins de TVA que le précédent gouvernement avec deux fois plus de compétitivité, car nous avons fait un choix radicalement différent : celui de la modulation.

Monsieur Carré, il fallait que la montée en charge soit rapide. Quant au mode d’imputation, une différenciation sera en effet opérée entre les PME et ETI d’une part, et les grandes entreprises, d’autre part. Le mécanisme de préfinancement sera centré sur les PME, qui sont les plus vulnérables, mais les ETI pourront également être concernées.

Quant aux entreprises d’intérim, elles bénéficieront du crédit d’impôt en leur qualité d’employeurs, comme c’est le cas pour d’autres allègements, et devront apprécier le niveau de rémunération rapporté au temps de travail sur l’année.

Madame Mazetier, en réponse à votre question relative à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, je rappelle que l’assiette est celle des cotisations patronales de sécurité sociale, c’est-à-dire la masse salariale brute. En termes de territorialité, les règles qui s’appliquent sont celles de l’impôt sur les sociétés. Les heures supplémentaires sont prises en compte, mais au salaire horaire de base, sans tenir compte de la majoration dont elles font l’objet.

Madame Dalloz, je ne vois pas en quoi la mesure proposée serait plus compliquée qu’une baisse de cotisations. Le crédit d’impôt repose sur un mécanisme similaire au crédit d’impôt recherche apprécié des entreprises et il laisse aux partenaires sociaux toute latitude pour poursuivre une négociation sur le financement de la protection sociale.

Madame Rabault, l’agriculture est bien évidemment concernée et sera probablement bénéficiaire nette de ce dispositif à hauteur de 1 milliard d’euros. Quant au secteur associatif, il faudra, comme je l’ai déjà expliqué, trouver des solutions pour les associations qui ne sont pas assujetties à l’impôt.

Monsieur Grandguillaume, il sera possible de comptabiliser le crédit d’impôt comme un produit d’exploitation, à supposer qu’il n’y ait pas de conditionnalité et sous réserve de l’avis que pourrait émettre l’Autorité des normes comptables, seule compétente en la matière. L’effet sur la cotisation sur la valeur ajoutée – CVAE – sera évidemment neutralisé. Un texte de loi précisera, je le répète, les aspects législatifs des questions de gouvernance et de rémunération.

Monsieur Thévenoud, comme l’a sagement observé le rapporteur général, il nous faut nous donner du temps pour discuter avec précision du champ des différents taux de TVA – peut-être ce temps nous permettra-t-il d’avoir, selon le souhait de M. le président, un rapport Thévenoud global.

Il nous faudra veiller à l’équilibre budgétaire de la réforme : la TVA doit financer le tiers du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et la réduction de certains taux à 5 % devra être compensée par d’autres évolutions. Il nous faudra également exercer notre créativité dans le respect des règles communautaires, qui interdisent de découper certains produits ou services selon des critères subjectifs ou susceptibles de fausser l’estimation de la concurrence entre entreprises comparables.

Voilà les quelques réflexions que je puis formuler en réponse à vos questions pour préciser le cadre d’un dispositif qui a le mérite d’être simple et rapide et qui, je le répète, n’oublie nullement de définir ses contreparties.

*

* *

Hors la présence des ministres, la Commission poursuit l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La Commission reprend l’examen des articles du projet de loi de finances.

Article 13 : Application aux plus-values d’apport de titres réalisées par les personnes physiques d’un report d’imposition optionnel en lieu et place du sursis d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée par l’apporteur

La Commission est saisie de l’amendement CF 55 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. En cas d’apport-cession, l’article 13 prévoit qu’on puisse bénéficier d’un report d’imposition à condition de réinvestir le produit de la cession dans une société dans un certain délai. Aux termes du texte gouvernemental, il faut réinvestir dans un délai de cinq ans après l’apport, mais le bénéfice du report est perdu si la cession a lieu plus de cinq ans après l’apport, même en cas de réinvestissement : cela paraît incohérent. Je propose donc de décomposer en deux périodes le délai de cinq ans : l’obligation de réinvestissement ne concernerait que les cessions intervenant dans un délai de trois ans après l’apport, en suite de quoi l’on disposerait de deux ans pour investir. Cela permet de mieux viser les montages abusifs sans pénaliser les restructurations d’entreprise, auxquelles l’apport-cession peut être utile.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement semble aller dans le bon sens.

M. Charles de Courson. Si la cession intervient après trois ans, il n’y aura plus d’obligation de réinvestissement, dites-vous – mais pas non plus d’exonération ?

M. le rapporteur général. Dans ce cas, le bénéfice du report demeure. Si la cession intervient avant trois ans, il ne prend fin que si le produit de la cession n’est pas réinvesti au cours des deux ans qui suivent.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF 57 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit de préciser que le réinvestissement doit aussi pouvoir se faire dans une activité industrielle.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 58 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit également d’un amendement de précision qui assouplit le dispositif de réinvestissement. Une disposition similaire a été adoptée à l’article 6 du projet de loi de finances sur 2013. Il s’agit de pouvoir réinvestir, le cas échéant, dans plusieurs sociétés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 56 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Dans le texte qui nous est soumis, le mécanisme d’encadrement des apports-cessions ne concerne pas les pactes Dutreil. Or ceux-ci n’emportent aujourd’hui d’avantages fiscaux que pour l’ISF et les droits de mutation, à l’exclusion des plus-values. Il n’y a donc pas lieu de favoriser ces pactes par rapport au droit commun en matière de plus-values, mais bien de maintenir le seul régime de faveur existant, conformément aux engagements qui ont été souscrits.

M. Charles de Courson. Je suis perplexe. Si l’on instaure un régime fiscal, il doit être cohérent. Si je comprends bien, les pactes Dutreil continueraient de bénéficier de l’abattement de 75 %, mais non des avantages sur les plus-values ?

M. le président Gilles Carrez. Non : à l’heure actuelle, les pactes Dutreil ont des conséquences sur les droits de succession et de donation et l’ISF, mais pas sur les plus-values.

M. Charles de Courson. Le texte gouvernemental me paraissait plus logique. Si l’on durcit le régime fiscal applicable aux plus-values – fût-ce pour atténuer ensuite la mesure, comme cela a été fait –, il faut maintenir les dispositions applicables aux pactes Dutreil.

M. le rapporteur général. L’imposition des plus-values des valeurs mobilières a été modifiée par le projet de loi de finances pour 2013. Il n’y a aucune raison de réserver un traitement différent aux plus-values réalisées dans le cadre des pactes Dutreil.

M. Charles de Courson. Il faut soutenir la position du Gouvernement si l’on veut préserver le capitalisme familial et éviter que les entreprises familiales ne soient toutes vendues à de grands groupes, ce qui nuirait au dynamisme du pays. Pour cette raison, je suis défavorable à l’amendement.

M. le président Gilles Carrez. Aujourd’hui, un actionnaire lié par un pacte Dutreil qui en sort pour vendre afin de réaliser une plus-value ne bénéficie d’aucune exonération d’impôt sur celle-ci puisque l’abattement de 75 % est limité aux droits de succession et de donation ainsi qu’à l’ISF. Mais qu’en est-il lorsqu’un associé A cède des titres à son associé B au sein du pacte ? Si je ne me trompe, la plus-value ainsi réalisée sera elle aussi assujettie à l’impôt.

M. Charles de Courson. Puisque l’on a durci le régime applicable aux plus-values, je maintiens qu’il faut en exonérer les pactes Dutreil pour les maintenir aussi longtemps que possible et les encourager.

M. le président Gilles Carrez. Je suis plutôt d’accord avec le rapporteur général. Les pactes incitent à l’actionnariat stable, que l’on favorise encore davantage en décourageant les cessions.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 53 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement précise la manière dont il faut apprécier l’exigence d’exercice d’une activité opérationnelle pour les sociétés nouvelles.

M. Charles de Courson. Comment faisait-on avant ?

M. le rapporteur général. Moins bien !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 ainsi modifié.

Article 14 : Prévention des schémas d’optimisation fiscale dits de « donation-cession » de titres de sociétés

La Commission est saisie de l’amendement CF 61 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet article vise les montages d’optimisation qui consistent à revendre immédiatement après avoir reçu une donation. Dans une première version du texte, le Gouvernement avait prévu un délai de trois ans, ramené à deux ans après le passage en Conseil d’État. Je propose de le ramener à un an et demi, ce qui me paraît plus raisonnable, mais pas à un an comme dans un amendement déposé par M. Hervé Mariton.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 59 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le texte mentionne les personnes mariées mais non les pacsés. L’amendement remédie à cet oubli.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 14 ainsi modifié.

Après l’article 14

La Commission est saisie de l’amendement CF 48 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Un amendement similaire avait été adopté par la Commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, puis retiré en séance à la demande du Gouvernement afin de préciser plusieurs aspects techniques, ce qui a été fait.

L’article 5 du projet de loi de finances unifie les prélèvements applicables aux produits de placement à revenu fixe, mais il maintient l’application de la retenue à la source aux placements d’avant 1987, ce qui peut poser des problèmes de gestion. L’amendement propose d’intégrer la retenue à la source sur les intérêts de placements d’avant 1987 au prélèvement applicable sur les intérêts de placements d’après 1987. Il s’agit d’une mesure de simplification et de clarification.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 46 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le projet de loi de finances pour 2013. Comme celui-ci l’a fait pour la réduction d’impôt en faveur de l’investissement dans les PME – c’est le dispositif « Madelin » –, et comme le demandaient les acteurs du secteur, il porte le délai global d’investissement des FCPI et des FIP de 16 à 24 mois au titre de l’exonération d’ISF en cas d’investissement dans les PME.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF 19 de M. de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’harmoniser le plafond d’exonération d’ISF au titre de l’investissement dans les PME – 45 000 euros – et celui qui s’applique à l’impôt sur le revenu – 18 000 euros –, soit par le haut, soit en optant pour un moyen terme de 20 000 à 22 000 euros afin d’annuler le coût de la mesure. En effet, la disparité est curieuse dès lors que l’on peut choisir de faire porter l’exonération, soit sur l’ISF, soit sur l’impôt sur le revenu. L’on pourrait également procéder à une harmonisation des taux de l’exonération, qui sont de 18 % dans le dispositif Madelin applicable à l’impôt sur le revenu, mais de 50 % dans le cas de l’ISF – soit 30 % en réalité, car cela porte sur les 60 % éligibles du montant investi.

M. le rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement qui ne concerne en fait que l’ISF et que l’on retrouve régulièrement, ce qui montre que certaines personnes savent se faire entendre. Les FCPI ne fonctionnent pas très bien. Nous devrons y réfléchir. Je ne suis pas certain qu’il faille leur accorder une aide fiscale supplémentaire, d’autant que l’opportunité fiscale l’emporte souvent – quoique pas toujours – sur l’intérêt économique.

La Commission rejette l’amendement.

Article 15 : Harmonisation des délais de réclamation applicables en matière fiscale et de réparation des préjudices subis

La Commission adopte l’article sans modification.

Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement CF 5 de M. Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. À l’heure actuelle, un dispositif spécifique permet à l’INSEE, notamment, d’accéder sous certaines conditions à des informations nominatives susceptibles de nourrir ses études, alors que les autres chercheurs ne bénéficient d’aucune dérogation au secret fiscal. Aux fins de transparence, nous proposons de leur étendre cet accès tout en assurant la protection des données fiscales par un filtrage confié au comité du secret statistique, chargé de vérifier que la demande est justifiée par une recherche scientifique.

M. le président Gilles Carrez. Qui sont ces « chercheurs extérieurs » ?

M. Dominique Lefebvre. Les universitaires, par exemple.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et les chercheurs du CNRS ?

M. le rapporteur général. Avis favorable à cet amendement, qui assortit la transparence, salutaire, de toutes les garanties nécessaires.

Mme Karine Berger. Je suis très gênée : pour la première fois depuis mon élection, je me sens en porte-à-faux par rapport à mes collègues de la commission et au rapporteur général. Le principe du secret statistique suppose que l’on ne puisse déduire des chiffres l’identité des personnes, car quelle que soit la bonne foi des demandeurs, l’on ne peut exclure que les informations délivrées soient utilisées à d’autres fins que la recherche. À titre personnel, mes chers collègues, je vous déconseille vivement d’adopter cet amendement. L’INSEE, que je connais bien, ne dispose pas d’un accès automatique à ces informations et je n’ai jamais pu y consulter les données individuelles d’un particulier ou d’une entreprise, ce qui est tout à fait normal car cela suppose que des conditions extrêmement strictes soient réunies.

M. Charles de Courson. Cet amendement offrirait aux chercheurs – certes encadrés – un accès aux dossiers individuels qui est refusé aux membres de la Commission des finances, à l’exception de son rapporteur général et de son président, tenus au secret fiscal. Ensuite, comme Mme Berger, je redoute l’utilisation qui pourrait être faite des fichiers, même sans identification nominative. Qu’adviendra-t-il d’eux au terme des recherches ? Seront-ils détruits ?

M. Pierre-Alain Muet. Il ne peut s’agir que de dossiers individuels anonymisés. Peut-être conviendrait-il de retirer l’amendement pour le redéposer dans une rédaction plus précise, car il est essentiel que les travaux scientifiques puissent s’appuyer sur des données individuelles.

M. Olivier Carré. L’anonymat est possible lorsque plusieurs centaines d’individus sont concernés, mais les études les plus intéressantes portent souvent sur des échantillons plus réduits. Comment les cent plus gros patrimoines se sont-ils construits au cours des cinquante dernières années ? Voilà un beau problème d’économie ; mais les données qui permettent de le traiter pourraient être exploitées de manière contraire aux règles de déontologie.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Lefebvre, acceptez-vous de retirer votre amendement pour le redéposer au titre de l’article 88 ?

M. Dominique Lefebvre. Oui. J’insisterai sur l’importance de la recherche scientifique en la matière – dont l’INSEE ne devrait pas avoir le monopole. La protection des données nominatives est assurée dans la rédaction actuelle de l’amendement par une procédure très stricte.

L’amendement est retiré.

Article 16 : Précisions des modalités d’imposition en cas de transfert de siège ou d’établissement stable hors de France

L’article est adopté sans modification.

Après l’article 16

La Commission est saisie de l’amendement CF 22 de Mme Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement invite à réfléchir à la différence entre la taxation du capital productif et celle du capital non productif de nos entreprises. La dépense fiscale liée au mécénat d’entreprise ne cesse de croître : de 570 millions en 2011, elle passe à 800 millions selon l’évaluation du Gouvernement pour 2013. Au nom de l’objectif de maîtrise de nos finances publiques, nous proposons par conséquent de ramener la réduction d’impôt de 60 à 50 % du montant du don en fixant le plafond de dépenses retenues à 1 ‰ du chiffre d’affaires total, hors taxes de l’entreprise mécène, contre 5 ‰ aujourd’hui.

M. le président Gilles Carrez. J’ai cosigné cet amendement, car depuis la loi sur le mécénat de 2003, la dépense s’est envolée. L’entreprise bénéficie non seulement d’une réduction de 60 % de l’IS, mais aussi, bien souvent, d’autres avantages, dont des entrées gratuites au musée, qui peuvent porter le taux de subvention à 80 % ! Le principe est louable, mais le taux excessif. Le crédit d’impôt compétitivité est plus défendable. En adoptant l’amendement, nous ferions la preuve de notre détermination à préserver la recette de l’IS.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Après avoir chanté les louanges de la stabilité fiscale, Mme Dalloz propose de modifier une disposition que l’Inspection générale des finances a jugée efficace, ce qui est rare. Cette évaluation, ainsi que d’autres arbitrages, nous ont dissuadés d’y toucher il y a quelques mois : nous avons préféré durcir d’autres dispositifs.

M. Marc Goua. Je partage l’avis du rapporteur général. Dans la France profonde, le mécénat d’entreprise est essentiel à la vie culturelle. Si les montants sont globalement très élevés, il n’en va pas de même des dons de chaque entreprise. Le double cliquet actuel
– pourcentage du montant global et pourcentage du chiffre d’affaires – me paraît suffisant.

M. Pierre-Alain Muet. Je souscris pleinement aux propos de M. Goua : tout comme les dons, dont nous débattrons bientôt, qui soutiennent les associations de bénévoles œuvrant dans le domaine social, cette dépense fiscale est indispensable aux activités culturelles. Il serait beaucoup plus coûteux de la remplacer par une subvention de l’État. Ce raisonnement a conduit l’Inspection générale des finances à l’évaluer positivement. Ce n’est pas le moment de la modifier.

M. le président Gilles Carrez. Il convient pourtant de maîtriser cette dépense fiscale, créée en 2003. Songez que le budget consolidé du ministère de la Culture – crédits budgétaires, dépenses fiscales et subventions aux opérateurs – est passé de 6 milliards d’euros en 2004 à plus de 8 milliards en 2012, soit une augmentation de près de 50 % ! Or nous devons impérativement redresser nos finances publiques. Je ne défends pas ici un point de vue partisan, mais l’intérêt général.

M. le rapporteur général. Lors de la séance des questions au Gouvernement, un député d’opposition nous a accusés de massacrer la culture…

M. le président Gilles Carrez. J’ai applaudi la réponse du ministre.

M. le rapporteur général. Vous devez, chers collègues de l’opposition, cesser de tenir des discours contradictoires : vous ne pouvez pas à la fois insister sur la stabilité fiscale, nous accuser de massacrer la culture et nous reprocher de maintenir le régime fiscal favorable au mécénat. Il a été envisagé, au plus haut niveau de l’État, de le remettre en cause. Cependant, des arbitrages ont été rendus : il a été décidé de faire porter l’effort sur d’autres dispositifs afin de préserver cette dépense fiscale, certes plutôt coûteuse, mais jugée efficace. Nous assumons ce choix.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF 4 de M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Cet amendement, que j’ai déposé avec Carole Delga, vise à proroger de deux ans le crédit d’impôt en faveur des métiers d’arts – CIMA –, qui arrive à expiration le 31 décembre 2012. Cette disposition avait été approuvée par notre Commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Toutefois, la mise en œuvre de ce crédit d’impôt donne lieu à des contentieux en augmentation sensible et, lors de la séance publique, le ministre délégué chargé du budget avait, tout en se déclarant favorable à la prorogation du dispositif, jugé nécessaire de réfléchir à son champ d’application, notamment à la notion de « conception » en matière d’artisanat d’art. Or ce travail n’a pas été mené à bien. Je souhaite donc que la Commission adopte cet amendement, afin que le Gouvernement s’engage dans cette réflexion et propose une rédaction plus précise des dispositions en cause. Ce crédit d’impôt est très utile aux artisans d’art, tant dans les villes qu’en milieu rural. Il convient de défendre leur savoir-faire et la qualité française.

M. le rapporteur général. Cet amendement avait été adopté par notre Commission et le Gouvernement avait promis de l’examiner avec bienveillance. Cependant, en séance publique, il a émis un avis défavorable, en précisant qu’il proposerait une disposition dans le cadre du collectif que nous examinons, ce qu’il n’a pas fait. Je suis très embarrassé : selon mes informations, cet amendement pourrait connaître le même sort que le précédent. Je suis donc réservé sur l’idée de le reprendre au nom de la Commission.

M. Thomas Thévenoud. Le ministre délégué avait clairement affiché sa volonté de prolonger le dispositif et un engagement a été pris au plus haut niveau de l’État. De contacts avec le ministère de l’économie et des finances, je comprends que le temps aurait manqué pour réfléchir au champ d’application et trouver la rédaction idoine. Je souhaite que la Commission adopte cet amendement, afin que le Gouvernement réitère son engagement et mobilise les services compétents.

M. le rapporteur général. Je vous suggère de retirer cet amendement et de le redéposer pour la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88 du Règlement, de sorte que le débat puisse avoir lieu en séance publique, mais je ne souhaite pas que la Commission l’adopte à nouveau en prenant le risque d’affaiblir sa position.

L’amendement CF 4 est retiré.

Article 17 : Ajustements consécutifs notamment à la suppression de la taxe professionnelle et à la mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale

La Commission est saisie de l’amendement CF 43 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Les amendements CF 43 et CF 44 visent à régler les problèmes relatifs à la cotisation minimale de la cotisation foncière des entreprises – CFE. Plusieurs collectivités territoriales, soit volontairement, soit par manque d’information, avaient fixé des bases d’imposition élevées pour le calcul des cotisations minimales. En conséquence, des entreprises sont aujourd’hui redevables de sommes jugées excessives.

Je propose de reprendre dans ce collectif la mesure envisagée par le Sénat – qui, je vous l’annonce au passage, vient de rejeter en première lecture le projet de loi de finances pour 2013. Il s’agit de proroger au 21 janvier 2013 le délai pendant lequel les collectivités qui le souhaitent peuvent revenir sur les délibérations qu’elles ont adoptées pour les exercices 2012 et 2013 et qu’elles jugent parfois elles-mêmes inopportunes.

M. le président Gilles Carrez. Comment cela se passera-t-il pour l’année 2012 ? Les collectivités pourront-elles adopter des délibérations dont l’effet serait rétroactif ?

M. le rapporteur général. Ce point est réglé par l’amendement CF 44, qui viendra après cet article 17 : les collectivités concernées pourront décider, par une délibération adoptée avant le 21 janvier 2013, de prendre en charge tout ou partie du montant de l’augmentation subie en 2012 par l’ensemble des entreprises assujetties à la cotisation minimale. Le montant pris en charge sera imputé sur la cotisation due au titre de l’année 2012, ce qui allégera d’autant la charge fiscale des redevables, qui n’auront pas à faire d’avance. Ainsi il reviendra non pas à l’État, mais aux collectivités de supporter le coût de cette prise en charge, dont les modalités seront fixées par un arrêté du ministre chargé du budget.

M. le président Gilles Carrez. Quelle sera la procédure pour l’année 2012, dès lors que les entreprises se seront déjà acquittées du paiement de la CFE ? Il s’agira a priori non pas d’un dégrèvement, mais d’un remboursement d’une partie des sommes déjà perçues par les collectivités ?

M. le rapporteur général. Je le répète : les modalités comptables de cette prise en charge seront fixées par un arrêté du ministre chargé du budget.

M. le président Gilles Carrez. Quoi qu’il en soit, le dispositif va dans le bon sens. Il permet aux collectivités de revenir sur leurs délibérations, y compris pour l’année 2012. Certaines n’ont pas mesuré les conséquences de leurs décisions.

L’élargissement de la fourchette des valeurs locatives a été une demande constante et unanime de toutes les associations d’élus locaux, notamment de l’Association des maires de France et de l’Association des maires de grandes villes de France. Les collectivités ont voulu qu’on leur redonne de la « matière fiscale ». Dès lors, elles ont été autorisées à fixer des bases d’imposition dans une fourchette allant de 200 à 2 000 euros, et jusqu’à 6 000 euros pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 000 euros. Certains élus ont néanmoins préféré ne pas adopter de délibération pour conserver le système antérieur, comme cela était possible.

Mme Christine Pirès Beaune. C’est une bombe à retardement que les entreprises découvrent aujourd’hui. La cotisation de certaines PME a été triplée, voire quadruplée.

M. le président Gilles Carrez. La bombe a été posée par les exécutifs locaux. Il est trop facile d’accuser systématiquement l’État.

Mme Christine Pirès Beaune. Je ne le fais nullement. C’est néanmoins une mauvaise réforme, menée à bien sans que l’on dispose de toutes les simulations nécessaires. Que cela nous serve d’exemple !

Sur le plan comptable, il serait logique que les sommes prises en charge par les collectivités constituent un acompte sur la cotisation due par les entreprises au titre de l’année 2013.

M. Henri Emmanuelli. Plusieurs maires m’ont dit ne pas avoir modifié le taux de la CFE ; c’est la base d’imposition qui aurait évolué.

M. Charles de Courson. C’est ce que font croire beaucoup d’élus qui ont pourtant adopté des délibérations en ce sens. Jusqu’en 2009, la cotisation minimale était fixée par l’administration fiscale. Nous avons ensuite donné aux collectivités la possibilité de la modifier, en adoptant une base d’imposition située dans une fourchette entre 200 et 2 000 euros, élargie ensuite à 6 000 euros pour les grandes entreprises. De nombreux élus, qui anticipaient une chute du produit de la taxe professionnelle, ont décidé de relever le niveau de la cotisation minimale. S’ils ne l’avaient pas fait, l’assiette serait restée stable.

En outre, les collectivités pouvaient demander des simulations à l’administration fiscale.

M. Henri Emmanuelli. Certaines de celles qui l’ont fait ne les ont jamais obtenues.

Mme Christine Pirès Beaune. Tout à fait.

M. Charles de Courson. Je les ai obtenues pour la commune dont je suis maire.

Les deux amendements du rapporteur général vont dans le bon sens. Je crains néanmoins que les montants pris en charge par les collectivités ne soient parfois plus élevés que la cotisation due par les entreprises au titre de l’année 2013.

M. le président Gilles Carrez. Dans ce cas, l’acompte – qui serait en effet la procédure la plus logique – serait étalé sur plusieurs années.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons fait le tour de la question. Nous devons adopter les amendements du rapporteur général, qui règlent bien le problème posé. Il appartient aux collectivités qui ont modifié la base d’imposition de délibérer de nouveau.

M. Olivier Carré. A-t-il été envisagé de plafonner la CFE à 3 % de la valeur ajoutée des entreprises et de la soumettre ainsi à la règle générale ?

M. le rapporteur général. Non.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 17.

Elle adopte d’abord l’amendement CF 44 du rapporteur général.

En conséquence, les amendements CF 9 et CF 10 de M. Charles de Courson deviennent sans objet.

La Commission en vient à l’amendement CF 11 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous ne sommes pas revenus sur le mécanisme de la cotisation minimale, de sorte que nous laissons encore la porte ouverte à des augmentations considérables. Ne faudrait-il pas limiter les hausses, par exemple à 15 % par an, ce qui obligerait les collectivités à les étaler ?

Aux termes de mon amendement, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport sur le mode de calcul de la CFE.

Les amendements CF 43 et CF 44 que nous avons adoptés éteignent les incendies, mais ne résolvent pas le problème de manière durable.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Deux rapports ont été publiés récemment sur la réforme de la fiscalité locale induite par la suppression de la taxe professionnelle : celui du sénateur Charles Guené et celui remis par le Gouvernement au Parlement le 6 novembre 2012. Il est inutile d’en prévoir un de plus. Nous devrions plutôt suggérer au Gouvernement de travailler à une réforme concertée dans le cadre du Comité des finances locales.

L’amendement CF 11 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 6 de Mme Carole Delga.

M. Laurent Baumel. Cet amendement vise à empêcher que les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale qui perçoit la contribution économique territoriale unique ne révisent à la baisse, par une décision prise à la majorité qualifiée, l’attribution de compensation versée à la commune centre ou à une commune de taille importante. Il avait déjà été présenté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

M. le rapporteur général. Il avait été accepté par la Commission lors de la réunion tenue au titre de l’article 88 du Règlement, mais n’avait pas été défendu par ses auteurs en séance publique.

Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 27 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement vise à déduire de la surface imposable au titre de la taxe d’aménagement – TA – les aires de stationnement souterraines des immeubles collectifs d’habitation dont la construction a été imposée par des plans locaux d’urbanisme. Le remplacement de la taxe locale d’équipement – TLE – par la taxe d’aménagement devait se faire à pression fiscale constante. Or cela n’a pas été le cas : ces aires de stationnement ont été intégrées à l’assiette de la TA, alors qu’elles ne l’étaient pas à celle de la TLE.

Cet amendement avait été approuvé par notre Commission lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, dans le cadre de la réunion organisée au titre de l’article 88 du Règlement. Je l’ai ensuite retiré à la demande du ministre, qui souhaitait l’examiner de manière plus approfondie. Je le présente à nouveau et je disposerai en séance d’éléments d’évaluation précis, que j’ai sollicités directement auprès du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. le rapporteur général. La situation est la même que pour l’amendement CF 4. Je vous suggère, monsieur le président, de retirer cet amendement et de le présenter à nouveau pour la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88. Le débat aura lieu en séance publique.

L’amendement CF 27 est retiré.

Article 18 : Modification du droit de licence dû par les débitants de tabacs

La Commission est saisie de l’amendement CF 33 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La présentation de cet amendement de suppression de l’article vise à obtenir du rapporteur général une explication précise des éléments qui ont conduit à diminuer le taux du droit de licence dû par les débitants de tabacs.

M. le rapporteur général. Je suggère que vous retiriez votre amendement, monsieur Alauzet. Son exposé sommaire laisse entendre que l’article 18 tendrait à diminuer la fiscalité sur le tabac. Or il n’en est rien.

La rémunération des débitants de tabacs, dite « remise nette », dépend de la remise brute et du taux du droit de licence. Conformément au contrat d’avenir conclu entre les buralistes et les gouvernements successifs, le taux de la remise nette doit être augmenté de 0,1 point par an pendant la durée du contrat. Pour respecter cet engagement, le taux du droit de licence doit être abaissé dans la proportion prévue à l’article 18.

L’amendement CF 33 est retiré.

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article 19 : Extension des dispenses de caution pour les petits opérateurs en matière d’alcool et de boissons alcooliques

La Commission adopte l’article 19 sans modification.

*

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 28 novembre 2012 à 16 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Carole Delga, M. Jean-Louis Dumont, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Gaby Charroux, Mme Annick Girardin, Mme Monique Rabin, M. Thierry Robert

Assistaient également à la réunion. - M. Vincent Feltesse, M. Jérôme Guedj, M. Razzy Hammadi, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Christian Paul

——fpfp——