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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 6 février 2013

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 66

–  Audition, conjointe avec la commission de la Défense, de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les coûts de l’opération Serval au Mali

–  Présences en réunion

Co-Présidence
de M. Gilles Carrez,

Président
et de

Mme Patricia Adam,

Présidente de la commission de la Défense nationale et des forces armées

La Commission entend, en audition conjointe avec la commission de la Défense nationale et des forces armées, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur les coûts de l’opération Serval au Mali.

M. le président Gilles Carrez.  Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre de la Défense, de bien vouloir nous consacrer un moment dans votre emploi du temps si dense et compliqué. Je souhaite aussi vous féliciter des conditions d’intervention de nos forces armées au Mali et manifester toute notre solidarité à nos soldats qui font un travail remarquable sur le terrain.

La commission des Finances s’intéresse à l’opération Serval au titre du suivi attentif qu’elle consacre depuis des années à la fameuse ligne OPEX, dont elle constate qu’il faut l’abonder sensiblement à chaque collectif en cours d’année. La situation a été quelque peu améliorée puisque, en quelques années, la dotation est passée de 300 millions à plus de 600 millions d’euros – 630 millions précisément pour 2013. En ces temps de dureté budgétaire, nous sommes soucieux d’éviter tout dérapage dans l’exécution du budget 2013. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons avoir, même si l’opération n’est pas encore terminée, des premiers éléments de chiffrage, notamment par la décomposition des coûts en matière de personnels, de logistique et de transports, de munitions et de service d’accompagnement sur le terrain. Pouvez-vous nous indiquer la méthodologie suivie et comment apprécier les premiers éléments de coûts ?

Une autre question s’est posée avec insistance s’agissant de la réalité de la participation des autres pays. Ceux d’entre nous qui sont allés à Berlin, il y a dix jours, se souviennent que chacun des présidents de groupe au Bundestag a affiché sa solidarité avec l’intervention française au Mali. Or la solidarité s’exprime par les mots mais aussi par le matériel, les financements. Des rumeurs ont couru que les Britanniques, par exemple, nous louaient leurs moyens de transport, que les Américains nous facturaient l’utilisation des drones, de tel ou tel service de renseignement.

Mme la présidente Patricia Adam. Je remercie Jean-Yves Le Drian pour sa disponibilité vis-à-vis de la commission de la Défense, qui nous permet de suivre l’opération Serval à un rythme hebdomadaire. Le point que nous faisons aujourd’hui concerne les finances. À la suite des travaux du Livre blanc et de la loi de programmation militaire en cours, le budget des OPEX a été reconsidéré pour atteindre un chiffre aux alentours de 600 millions depuis quelques années, crédits qui sont largement consommés puisque la moyenne s’établit à environ 850 millions depuis près de dix ans déjà. Les 630 millions budgétés pour 2013 sont donc inférieurs aux réalisations moyennes. Alors que l’opération en Libye a fait monter le budget des OPEX à 1,2 milliard, on voit bien que, malgré un effort conséquent de prise en considération du coût des OPEX, ce budget est encore en deçà de ce qui se vérifie régulièrement. Ce sujet fait l’objet de travaux réguliers et conjoints entre nos deux Commissions. En particulier, au cours de la précédente législature, Louis Giscard d’Estaing et Françoise Olivier-Coupeau nous avaient apporté des éléments d’analyse fort intéressants dans un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle – MEC.

Lors de votre audition d’hier à la commission de la Défense, monsieur le ministre, vous avez estimé, à ce jour, le coût de l’OPEX Serval autour de 70 millions. Nous aurons des questions à vous poser sur ce coût et, dans le cadre de la mission de suivi de l’opération Serval au sein de la commission de la Défense, nous serons sans doute amenés à interroger les représentants des parlements européens qui ont mis à disposition du matériel, mais à des conditions souvent très différentes et parfois surprenantes.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. Madame la présidente, monsieur le président, je vous remercie de votre accueil. Les opérations se poursuivent dans la partie nord du territoire. Les forces françaises et maliennes continuent à patrouiller en profondeur à partir des villes qui ont été libérées pour identifier des groupes de jihadistes éparpillés sur le territoire malien. Cela provoque parfois des incidents, comme cela a été le cas hier.

La mission européenne EUTM-Mali – European Union training mission – est en cours de constitution. J’ai assisté, hier, au départ des premières unités de personnels de formation et de sécurisation. Quinze pays européens participent à cette mission, qui va s’installer dans les environs de Bamako et qui aura la difficile tâche de former et de reconstituer l’armée malienne à partir du 12 février. Les choses se déroulent convenablement.

Sur le plan financier, je vais vous livrer l’ensemble des informations dont je dispose à cet instant. Le coût de l’opération Serval s’élevait, après dix jours, à 30 millions d’euros, montant qui est passé à 50 millions vers la fin du mois de janvier pour atteindre, au 1er février, 70 millions. Nous parlons là de surcoût puisqu’il s’agit d’une dépense supplémentaire par rapport à ce que coûte l’outil de défense lorsqu’il n’est pas utilisé dans une opération. Ce surcoût de 70 millions au 1er février se répartit de la façon suivante : 50 millions pour l’acheminement stratégique, poste essentiel qui comprend la location d’avions pour une mise en place rapide du dispositif sur site ; 5 à 10 millions pour le carburant des avions et des hélicoptères ; 5 millions environ pour les munitions tirées ; 5 millions d’indemnités opérationnelles versées aux militaires en raison de leur participation à l’opération Serval, autrement dit les soldes supplémentaires ; 3 millions pour le fonctionnement courant comme l’alimentation et les frais de télécommunication. Tel est, aujourd’hui, l’état des dépenses dont j’ai connaissance.

Pour l’instant, aucune dépense d’entretien du matériel ou de maintien en condition opérationnelle n’est intégrée dans ce total. Nous ne saurons que plus tard dans l’année si cet engagement nous a conduits à dépasser le potentiel d’utilisation des avions de l’armée de l’air et de la marine. Si tel était le cas, d’autres surcoûts interviendraient. Ces surcoûts s’inscrivent dans la ligne OPEX du budget de la défense, ils sont donc absorbables par la trésorerie et ne posent, à ce jour, pas de problème particulier.

S’agissant des coûts prévisionnels des opérations à venir au Mali, il est difficile de répondre dans la mesure où l’on ne peut pas fixer aujourd’hui la date du retrait. Certainement, les frais de transport, très importants dans un premier temps, baisseront en proportion de la stabilisation de notre format et de notre opération. Aujourd’hui, avec 4 000 militaires sur le théâtre malien, on peut dire que nous sommes arrivés à un tel niveau de stabilisation, et nos coûts de transport devraient donc sensiblement diminuer dans le coût global au cours des prochaines semaines. Une projection peut être faite à partir de l’expérience passée. En 2012, les surcoûts des opérations extérieures ont représenté, pour l’année, 112 000 euros par homme – ou femme – déployé. Toutefois, cet élément n’est que partiellement significatif puisque l’opération Harmattan, qui était plus complexe et mobilisait des armements plus sophistiqués, a entraîné un surcoût par homme déployé, pour l’année, de 200 000 euros. Nous estimons que, pour le Mali, la référence à 112 000 euros par homme et par an est la bonne. Dans l’hypothèse d’un engagement qui s’étalerait sur quatre mois, on approcherait de 200 millions d’euros, ce qui s’intégrerait dans la ligne OPEX inscrite au budget de la défense. Il ne faut toutefois pas oublier de compter les autres opérations extérieures. Si nous sommes aujourd’hui en phase de retrait en Afghanistan, cette opération a un coût. Par ailleurs, nous sommes aussi présents au Liban et en Côte d’ivoire.

La conférence dite des « donateurs », qui s’est tenue à Addis Abeba le 29 janvier dernier, a permis de mobiliser 380 millions d’euros pour financer la Misma. La France contribue à hauteur de 47 millions d’euros, qui ne sont pas encore répartis entre le ministère des Affaires étrangères et celui de la Défense. Alors que les 380 millions sont destinés à financer le fonctionnement et les matériels de la Misma, nous avons toujours une interrogation sur le financement du matériel pour le renouvellement de l’armée malienne. La mission européenne de formation, complètement indépendante, est totalement prise en charge par l’Union européenne à hauteur de 12,5 millions d’euros, même si les surcoûts de solde des militaires français s’inscriront au titre des OPEX. Reste à régler le problème du financement du matériel d’accompagnement de la reconstitution de l’armée malienne, qui fait l’objet d’une discussion. Pour notre part, nous estimons que cela doit faire partie de la Conférence des donateurs.

Des bruits ont couru sur les conditions de mise à notre disposition, par nos partenaires étrangers, de moyens de transport et de soutien logistique, ainsi que de moyens de ravitaillement en vol et de renseignement. À l’heure où je vous parle, toutes ces prestations sont gratuites, y compris les prestations américaines.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. En ma qualité de rapporteur spécial pour le budget opérationnel de la défense, j’ai été beaucoup interrogé, au début de l’intervention au Mali, sur le coût des OPEX. J’ai toujours considéré, et vous l’avez confirmé, monsieur le ministre, que les OPEX ne pouvaient être que des surcoûts par rapport au maintien en bonne condition opérationnelle d’une armée de métier.

Comme le président Gilles Carrez, je suis intéressé par des informations sur l’aide apportée par d’autres pays dans le cadre de l’opération Serval ainsi que sur l’appui des États-Unis.

S’agissant des effectifs, pouvez-vous faire un point sur leur évolution et les perspectives ? Aujourd’hui, j’ai cru comprendre qu’avec 4 000 soldats déployés sur place, nous étions pratiquement à l’étiage. Nos forces prépositionnées au Tchad et au Sénégal ont été mobilisées dans l’opération ; sont-elles comptabilisées dans les 4 000 ? Pouvez-vous développer ce point ?

Pour finir, peut-on d’ores et déjà tirer de l’opération Serval des premiers enseignements pour le Livre blanc et la préparation de la prochaine loi de programmation militaire ?

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Je partage l’interrogation sur les forces prépositionnées. Il semble que le coût financier du prépositionnement d’unités au Tchad, à Dakar et au Burkina Faso ne soit pas pris en compte dans le surcoût que vous venez de présenter.

Par ailleurs, les munitions sont-elles prises sur les OPEX ou sur le budget du service interministériel des munitions ?

M. le ministre. Si des bruits ont couru sur le caractère payant de certaines prestations assurées par nos alliés, c’est que la tentation en a été forte et parfois même au-delà. Aujourd’hui, je ne dirai pas comment, mais tout cela est réglé, y compris pour ce qui est du ravitaillement en vol américain.

Les effectifs s’élèvent à 4 000 hommes sur le théâtre malien, et l’on peut considérer que nous avons atteint grosso modo l’étiage. À mesure que la force africaine viendra se substituer à certaines de nos missions, ce chiffre ira en diminuant. En tout, un peu plus de 5 000 personnels militaires sont mobilisés par l’opération Serval à partir de différents pays : Tchad, Sénégal, Côte d’ivoire, Niger et Burkina Faso. Tous sont éligibles aux OPEX mais sont pris en compte au titre de l’opération Serval. Certains éléments, déjà en prépositionnement l’année dernière, par exemple à N’Djamena ou à Abidjan, sont venus aider au Mali puis retrouveront leur prépositionnement initial après avoir été remplacés par des unités venues de France, mais toujours en comptabilité OPEX.

La plupart des responsables de nos forces étant plutôt occupés par le Mali en ce moment, le Livre blanc a pris un peu de retard. Inévitablement, cette opération suscitera quelques réflexions à intégrer dans la discussion finale de ce Livre blanc. Dès à présent, j’en retiens trois.

La première est que nous avons une armée de terre extrêmement réactive. Alors que le Président de la République avait donné l’ordre le 11 janvier, les forces spéciales et l’armée de terre sont intervenues au sol très vite, dès le 12. Je leur tire mon chapeau, car c’est un exercice extrêmement difficile. Il faudra s’assurer, dans le Livre blanc, du maintien du dispositif Guépard qui a permis cette réactivité. Je rassure mon chef de cabinet militaire, général de corps d’armée dans l’armée de l’air, cette remarque n’emporte pas comparaison avec l’armée de l’air dont la réactivité est un élément constitutif.

Une deuxième réflexion concerne le prépositionnement qui s’est révélé extrêmement efficace pour la projection sur le théâtre malien, en particulier à partir de N’Djaména et d’Abidjan.

Lors de la précédente législature, mon prédécesseur et l’Assemblée nationale avaient fait les mêmes constats que les miens concernant nos carences en termes de ravitaillement en vol, de transport et de renseignement. Il s’agit d’une troisième piste de réflexion.

En matière de ravitaillement en vol, d’abord, le manque est flagrant, et nous sommes aujourd’hui suppléés par les Américains. Vous concevez l’importance de l’enjeu alors que nous cherchons actuellement à maintenir une présence aérienne sur la durée au-dessus du nord du Mali.

Le manque concerne aussi le transport. Dans le cadre de l’opération au Mali, en dehors de l’aide américaine et canadienne, nous recevons un soutien logistique des Britanniques, des Belges, des Danois, des Suédois, des Espagnols ou des Allemands. Globalement, ce dispositif fonctionne, même si nous rencontrons parfois des problèmes dus à la diversité des normes. Les Européens ne peuvent-ils pas tirer la leçon de cette expérience, et constituer un pool de moyens de transport ? Le Livre blanc devra sans doute poser la question de la mutualisation. Cela dit, cette carence logistique a été comblée par des contributions européennes gratuites.

Nous constatons enfin une insuffisance notoire en drones d’observation. Ceux qui sont basés à Niamey, au Niger, ne nous permettent pas de couvrir complètement le territoire malien qui est extrêmement vaste. Nous nous appuyons sur un partenariat américain, mais ce n’est sans doute pas une solution pérenne. La question du recours à une technologie nationale ou à une mutualisation européenne se pose. Sur ce dernier point, les choses sont plus compliquées car les intérêts des uns et des autres peuvent être divergents. Néanmoins, j’ai déjà abordé le sujet avec mes homologues allemands et britanniques.

À la date du 1er février, le surcoût pour les munitions s’élève à 5 millions d’euros au titre de l’OPEX. Ce montant sera plus élevé à terme puisque, depuis trois jours, des actions de ciblage sont engagées dans l’Adrar des Ifoghas – des cibles très spécifiques ont fait l’objet de bombardements intensifs.

M. Damien Meslot. Vous nous l’avez dit : le 29 janvier dernier, la Conférence des donateurs a réussi à mobiliser des financements destinés à la Misma. Nos amis européens qui sont les premiers à nous couvrir de louanges pour l’opération au Mali, ne pourraient-ils pas prendre en charge une partie du coût de nos opérations extérieures ? Hormis la mise à disposition de quelques matériels, ils n’ont pas été très présents. Cette solution permettrait par exemple aux Allemands d’intervenir efficacement sans engager de troupes hors de leur territoire, conformément à leurs vœux.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, nous sommes pleinement en phase avec les décisions du Gouvernement relatives à l’intervention au Mali.

Le 16 janvier dernier, j’avais tout de même été un peu peiné d’entendre à la tribune de l’Assemblée, le Premier ministre nous lire – et c’était manifestement un peu difficile pour lui –, la liste des avions qui devaient nous être prêtés dans le cadre de cette opération, que ce soit pour des transports de troupes ou pour du transport logistique. Vous avez évoqué une réflexion à mener sur une éventuelle mutualisation des moyens européens : cela me semble constituer une bonne piste pour régler ce problème. Intégrerez-vous ces questions dans le prochain Livre blanc ?

En matière de ravitaillement en vol, nos C135 sont à bout de souffle. Qu’en est-il du programme des MRTT dont je crois qu’il devrait être mis en œuvre à partir de cette année ?

Il me semble positif que la remise du Livre blanc soit reportée de quelques semaines ou de quelques mois. Ce document pourra ainsi être enrichi de l’expérience de l’opération Serval, notamment en ce qui concerne la projection de nos forces. Il y a quelques mois, selon une presse bien informée, le transport aérien était considéré comme un élément accessoire de notre dispositif. Envisagez-vous d’en faire une priorité ou comptez-vous privilégier la mutualisation des moyens au niveau européen ?

M. Alain Chrétien. Monsieur le ministre, je vous remercie pour la précision des chiffres que vous nous avez communiqués. Cependant, afin que nous puissions connaître le coût véritable de l’ensemble de l’opération au Mali, pourriez-vous nous donner le montant des prestations fournies « gratuitement » – mais rien n’est « gratuit » – par nos partenaires européens et américains ? Il serait intéressant de savoir combien l’opération nous aurait coûté au total si nous avions financé ces prestations nous-mêmes.

M. le ministre. Si nous allons au bout de votre logique, il faut aussi intégrer le coût de l’armée malienne et celui de la Misma.

M. Alain Chrétien. La décision de la France a nécessité l’intervention de partenaires qui n’auraient pas été impliqués sans cela.

M. le ministre. Monsieur Chrétien, les choses sont en réalité beaucoup plus complexes. Certains avions européens ont par exemple permis de transporter des forces africaines dans le cadre de la Misma, ce qui a libéré des moyens français pour l’intervention.

Monsieur Lamour, vous avez raison : nos C135 sont en service depuis longtemps, il fallait commander de nouveaux ravitailleurs. Contrairement à nos prédécesseurs, j’ai donc pris une décision en ce sens. Il était d’autant plus indispensable de le faire que le ravitaillement en vol constitue un élément indispensable à la projection de la deuxième composante de notre dissuasion, qui doit permettre une éventuelle frappe « en profondeur ».

Nous disposerons de nouveaux appareils à partir de 2017 – la question de leur nombre sera tranché dans le Livre blanc. D’ici à cette date, les Américains assurent gracieusement une prestation de soutien – la question a été tranchée par le Président Barack Obama lui-même. Au niveau européen, nous sommes aujourd’hui dans une phase de prémutualisation. Nous pourrions bientôt bénéficier d’un pool de ravitailleurs, chaque pays disposant de droits de tirage selon les opérations. Les Polonais viennent de se rallier à l’initiative prise par la France en ce sens.

La même logique est à l’œuvre en matière de transport stratégique. L’opération au Mali devrait favoriser une avancée européenne en la matière. Pour le transport tactique, des initiatives communes européennes pourraient également être prises entre les pays qui se verront livrer des A400M.

Monsieur Meslot, vous vous interrogez sur la possibilité pour notre pays de faire financer une part de l’opération française au Mali par la Conférence des donateurs ou par les pays européens. Si l’initiative française visant à transformer l’opération de la Misma en une opération de maintien de la paix de l’ONU réussit – nous savons depuis la venue à Paris du vice-président américain, M. Joe Biden, ce lundi, que les États-Unis y sont favorables –, nous pourrons sans doute aller dans ce sens. Mais je préfère ne pas en parler maintenant, car certains pays pourraient estimer que ce changement de statut de l’opération leur coûterait plus cher.

Mme Marie Récalde. Hier, à Strasbourg, le Président de la République a encouragé l’Europe à s’engager aux côtés de la France dans la reconstruction du Mali et, au-delà, au Sahel et partout où l’on nous demande de l’aide. Dans un rapport de 2011, la Cour des comptes dénonçait l’absence de réalité effective de forces européennes qui, selon elle, n’avaient d’européennes que le nom. Les différents corps européens sont difficiles à mobiliser, mais peut-on envisager qu’en cas d’évolution de la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies, ils rejoignent la France pour l’opération au Mali ?

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai rencontré hier le président nouvellement élu de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso. Officiellement, ce pays a accueilli à ce jour 6 000 réfugiés maliens, pour la plupart des Touaregs.

Monsieur le ministre, comment analysez-vous en termes géostratégiques les conséquences migratoires de la situation au Mali, en particulier au Nord, et les risques qu’elle fait courir aux pays voisins ?

M. le ministre. Madame Récalde, les Européens sont présents au Mali avec EUTM-Mali qui mobilise cinq cents militaires sur place. Ce n’est pas négligeable d’autant que l’Europe en tant que telle – l’Europe de la défense, serais-je tenté de dire – n’est engagée à ce jour que dans deux opérations : EUTM-Mali et l’opération Atalante consistant à sécuriser les voies maritimes au large de la corne de l’Afrique. Sur les autres théâtres d’opérations, les pays européens éventuellement engagés ne le sont pas au titre de l’Union européenne.

Je souhaite que la mission de l’Union européenne au Mali se poursuive. Je proposerai la semaine prochaine à mes collègues ministres européens de la défense qu’elle s’élargisse en une mission de gendarmerie, de police, de douane et d’accompagnement sur le modèle de l’action européenne en Somalie. Si une opération de maintien de la paix devait être décidée, elle s’appuierait sur les forces de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, éventuellement complétées par celles de l’Union africaine dont fait partie le Tchad qui n’est pas membre de la CEDEAO.

M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, doit prendre une initiative visant à réunir les nombreuses collectivités locales françaises jumelées avec des collectivités maliennes afin de créer des synergies à même d’aider au développement et à la reconstruction du Mali et d’accompagner l’aide européenne vers ce pays. Il n’y a pas de risque humanitaire en ce moment, mais il faut agir rapidement.

Madame Dalloz, les chefs d’États des pays situés dans l’environnement proche du Mali ont chacun des positions différentes, mais le ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, est sans doute mieux placé que moi pour vous en parler. La situation est d’autant plus complexe qu’au nord du pays, les populations moins nombreuses qu’au sud sont très diverses – les Touaregs côtoient les Arabes ou les Peuls. Des histoires différentes s’entremêlent aussi et exigent que nous gérions les choses avec beaucoup de doigté, en particulier pour ce qui concerne nos relations avec les Touaregs, mais aussi celles des Touaregs maliens avec les Touaregs des pays voisins. Je rends hommage aux officiers qui ont fait preuve sur place d’une grande intelligence pratique avec leurs interlocuteurs. La diplomatie va prendre peu à peu la relève pour résoudre les divergences.

M. Régis Juanico. Depuis de longues années, le débat sur la nécessité de fermer une ou plusieurs bases françaises à l’étranger, notamment en Afrique, est récurrent. Monsieur le ministre, vos services disposent-ils d’évaluations financières qui permettraient de faire le rapport entre le coût de fonctionnement annuel de ces bases et les économies qu’elles permettent de réaliser lors d’opérations extérieures ?

M. Philippe Vigier. Les militaires français font un travail formidable. Mais, au-delà du soutien logistique que l’on sait, où est l’Europe ?

Le coût de 70 millions d’euros que vous évoquez pour la France doit progressivement atteindre 200 millions. Les pays de l’Union européenne nous aideront-ils ? La requalification en opération de maintien de la paix onusienne pourra-t-elle nous permettre de mobiliser de nouveaux financements ?

Laurent Fabius disait ce matin qu’a priori le désengagement des troupes interviendrait dès le mois de mars. Confirmez-vous ce calendrier ? La chronologie du désengagement doit déjà être prise en compte dans votre chiffrage des 200 millions d’euros.

Monsieur le ministre, savez-vous ce que sera dans le futur la présence de la France au Mali ? Quel en sera l’impact financier ? Nous avons entendu parler de forces d’interposition et de zones tampons.

M. le ministre. Monsieur Juanico, votre idée est excellente car, même si le prépositionnement de forces à Dakar, à Abidjan et à N’Djamena nous a été très utile, il est certain que le débat récurrent sur la présence de bases françaises à l’étranger reprendra. Sans ces bases, nous n’aurions pas pu agir aussi rapidement : le 11 janvier, la décision du Président de la République a été prise à douze heures trente, et les troupes françaises se trouvaient au Mali à dix-sept heures trente. Le chef de bataillon Damien Boiteux est mort, mais si nous n’avions pas été aussi réactifs, Bamako aurait sans doute sombré dans l’anarchie.

Pour être précis, Laurent Fabius a dit que, si tout se déroulait comme nous le pensions, nous pourrions commencer le désengagement au mois de mars. C’est aussi mon point de vue. Le dispositif français a aujourd’hui atteint son format maximal. Si tout se passe comme prévu, et si les forces africaines nous relaient dans nos missions de sécurité au sud afin de nous permettre de mieux intervenir au nord, le désengagement commencera le mois prochain. Les 200 millions d’euros sont calculés sur la base d’un engagement de quatre mois.

Dans l’état actuel de l’Europe de la défense, une contribution des pays européens pour financer le différentiel ne me semble pas possible. En effet, la France intervient au titre de l’article 51 de la Charte des Nations unies. Sollicitée par le Mali, elle a pris seule la décision d’intervenir dans le cadre d’une relation d’État à État. Les Européens n’ont évidemment pas la même position en ce qui concerne la Misma créée par une résolution des Nations unies.

Le concept de zone tampon a été utilisé en Syrie, mais il n’y a pas de zone tampon au Mali. Les forces africaines et maliennes prennent progressivement et sereinement le relais des forces françaises.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre nous vous remercions pour votre présence et pour la grande précision de vos réponses.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 6 février 2013 à 11 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, Mme Annick Girardin, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Pecresse, Mme Monique Rabin, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Olivier Dassault, M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, Mme Sandrine Mazetier, M. Thierry Robert, M. Nicolas Sansu, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier

Assistaient également à la réunion. - Mme Patricia Adam, M. François André, M. Olivier Audibert Troin, M. Sylvain Berrios, M. Daniel Boisserie, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. Alain Chrétien, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, M. Bernard Deflesselles, Mme Marianne Dubois, M. Christophe Guilloteau, M. Charles de La Verpillière, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, Mme Marie Récalde, M. Jean-Michel Villaumé, Mme Paola Zanetti

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