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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 15 mai 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 85

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de Mme Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur

–  Présences en réunion

La Commission entend Mme Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur.

M. le président Gilles Carrez. Nous souhaitons vous interroger sur l’état du solde de notre commerce extérieur et sur la mise en place de mécanismes de soutien à l’exportation. Il s’agit là d’un sujet qui passionne les membres de la Commission. J’ai personnellement toujours estimé que le solde de notre commerce extérieur constituait un indicateur important de l’état de notre économie. Nous pouvons nous adresser à nous-mêmes un reproche, celui de ne pas avoir tenu compte de la dégradation très rapide depuis 2000 du solde de notre commerce extérieur, qui était un révélateur de la perte de compétitivité de nos entreprises. Nous avons de la même façon tardé à prendre en la matière des mesures énergiques en faveur des entreprises.

Mme Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur. Le commerce extérieur n’est pas d’abord un solde, mais un juge de paix de la perte de compétitivité de notre pays dans les années précédentes ; il révèle que nous n’avons pas fait, avec un déficit de 74 milliards d’euros, les réformes nécessaires. Dans un contexte de ralentissement de l’activité mondiale, le déficit du commerce extérieur de la France a reculé de 7 milliards d’euros à 67,5 milliards d’euros en 2012, au lieu de 74 milliards d’euros en 2011. Le déficit hors énergie s’est réduit, quant à lui, de moitié, passant de 29 milliards d’euros à 15 milliards d’euros, tandis que la facture énergétique augmentait de 7 milliards d’euros.

C’est un bon signal, s’inscrivant dans le cadre de la politique du Gouvernement qui a choisi la conduite d’une action cohérente : désendettement, restauration de la compétitivité des entreprises, réforme du travail. Pourtant notre déficit commercial reste important. Le Premier ministre m’a confié une mission visant à évaluer les outils de l’État et l’action des opérateurs qui sont nombreux et variés, le dispositif français étant particulièrement éparpillé.

Nos exportations progressent dans le monde de 3,1 %. Nos entreprises ont su se porter sur les marchés lointains, les exportations ayant progressé de 13 % en Asie et de 12 % sur le continent américain. Le secteur de l’aéronautique a été particulièrement performant, avec 1 200 aéronefs livrés, soit 13 000 embauches et 5 000 créations d’emplois. La famille « mieux se soigner » réalise un excédent de 1,5 milliard d’euros, la famille « mieux vivre en ville » – transports, mobilité urbaine – passant d’un déficit à un excédent de 2,2 milliards d’euros. Les chiffres de 2012 sont ainsi encourageants, mais nous devons demeurer lucides : l’année 2013 sera difficile en France et en Europe. Avec une hausse de 4,1 % de nos exportations, nous avons réduit ainsi notre déficit en mars, mais cela ne compense pas les difficultés du début de cette année.

Quels sont les outils financiers utilisés pour l’internationalisation de nos entreprises ? Trois piliers peuvent être distingués : les assurances et garanties publiques ; les prêts bonifiés et les dons liés aux études en amont des projets ; le soutien institutionnel articulé autour de l’opérateur public Ubifrance.

Le dispositif d’assurance et de garanties publiques est géré par Coface pour le compte de l’État et s’appuie, pour l’essentiel, sur l’assurance crédit, qui permet de garantir une banque contre le risque politique ou celui de non remboursement d’un prêt accordé à un client étranger. Le volume de garanties de Coface se situe à un niveau élevé – 12 milliards d’euros en 2012 –, soit le double de celui d’avant la crise. L’encours de Coface est passé de 40 à 65 milliards d’euros, l’assurance crédit étant excédentaire chaque année et sans discontinuer depuis dix-huit ans ; pourtant cette situation reste volatile et dépend du volume de sinistres sur les opérations prises en garantie.

N’étant pourtant pas à armes égales avec les entreprises étrangères, nous avons décidé, dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, de mener une réforme des financements à l’export, réforme aujourd’hui en cours.

Un premier volet a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012. Trois mesures ont été ainsi retenues : la création, tout d’abord, d’une garantie rehaussée de refinancement permettant le refinancement de crédits export par des investisseurs, le décret devant être transmis au Conseil d’État en juin ; l’extension, ensuite, à ATR, Eurocopter et Superjet de la garantie inconditionnelle à la première demande portant sur 100 % du montant financé pour les avions et les hélicoptères, ce qui était réservé à Airbus ; l’instauration, enfin, d’une garantie de change sur la valeur résiduelle des avions permettant de développer leur financement en euros.

Deuxième volet de la réforme, un mécanisme de refinancement public direct devrait compléter ce dispositif. Une mission de l’Inspection générale des finances a récemment été conduite sur cette technique, qui existe dans de nombreux pays. Une entité publique telle que la Caisse des dépôts et consignations ou BPI France pourrait apporter de la liquidité publique aux banques privées pour la mise en place de crédits export. C’est un mécanisme exceptionnel, déjà utilisé pour le navire Oasis 3 de STX et conforme à l’arrangement de l’OCDE sur les crédits export. Nous avons soumis ce dispositif à la Commission européenne, dans le cadre des interrogations qu’elle nous avait transmises sur le dossier STX.

Un troisième volet de la réforme mise en œuvre avec le ministre de l’Économie et des finances concerne plus particulièrement les petites et moyennes entreprises – PME – et les entreprises de taille intermédiaire – ETI. En cohérence avec la mise en place du volet export de BPI France, il passe d’abord par une simplification de l’offre de soutiens publics, en l’espèce la suppression des doublons entre Coface et OSEO. La Coface assurera le financement de la prospection et les garanties, BPI France finançant les fonds propres et la trésorerie des entreprises tournées vers l’international. Il passera également par une réforme de la distribution des produits de soutien à l’export en fédérant les différents opérateurs autour de BPI France, l’objectif étant de faire travailler les opérateurs de manière coordonnée et complémentaire au bénéfice de l’utilisateur final. L’on procédera enfin à une simplification des procédures de gestion ; le secret bancaire ne permet pas ainsi une transmission des informations automatiques entre les opérateurs, mais des progrès doivent être réalisés.

Un autre pilier de la politique de financement conduite par l’État concerne les prêts bonifiés et les dons. Deux instruments financiers d’aide liée existent : le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé – FASEP – consacré aux études en amont des projets – 19 milliards d’euros en 2013 – et la Réserve pays émergents – RPE –, qui est un prêt bonifié
– 380 milliards d’euros en 2013, pour une dizaine de projets financés. Le bilan de ces instruments est positif pour les entreprises françaises : le FASEP accroît nos chances de succès sur appels d’offres, le RPE réserve les marchés publics de nos partenaires à nos entreprises. Sur les 280 études financées ces dix dernières années par le FASEP, on estime que pour un euro d’aide octroyée, dix euros de contrat reviennent aux entreprises françaises, dont cinq euros directement pour leurs établissement sur le territoire français. Quant à la RPE, elle a notamment permis de financer en Équateur le tramway de Cuenca.

Ces deux outils peuvent faciliter l’accès des entreprises aux financements de l’Agence française de développement – AFD – ou des bailleurs multilatéraux. Ils soutiennent enfin notre stratégie d’influence dans les pays tiers.

Le dernier pilier de la politique de financement de l’État est Ubifrance, qui devient un des éléments de la politique visant à l’internationalisation des entreprises menée par la BPI. Ubifrance a assuré, en 2012, l’accompagnement de 7 661 PME et ETI et envoyé à l’étranger 4 975 volontaires internationaux des entreprises. Son budget est de 186 millions d’euros, dont 103,7 millions de subventions de l’État. Ubifrance participe à l’effort de réduction des dépenses publiques, pour 3,8 millions d’euros au titre de la mise en réserve et de 3 millions d’euros pour le surgel. Ubifrance est dotée d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance tenant compte des objectifs du Pacte national, à savoir 1 000 PME de croissance et ETI ainsi que 9 000 VIE. L’agence devra tenir compte du rôle des régions et privilégier l’accompagnement sur mesure. Ce redéploiement s’effectue dans un contexte budgétaire tendu, mais le coût total des procédures de soutien à l’export est, depuis plusieurs années, globalement équilibré pour l’État. Il faut éviter qu’une réduction importante des moyens d’Ubifrance prive cet organisme des moyens d’agir pour nos entreprises à l’international. En matière de commerce extérieur, tous les outils, tous les opérateurs sont indispensables, en particulier les PME.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale des crédits du commerce extérieur. Nous partageons vos orientations en faveur d’une structuration très forte du soutien aux exportations ainsi que votre souci de simplification.

L’exportation est une cause nationale. Les opérateurs – qu’au passage, malgré la forte reconnaissance dont ils bénéficient à l’étranger, la révision générale des politiques publiques – RGPP – a privé de moyens – y sont nombreux : Ubifrance, le réseau des chambres de commerce et d’industrie, celui des conseillers du commerce extérieur, les conseillers économiques de la direction générale du Trésor. J’appelle l’attention du Gouvernement sur la lisibilité du dispositif ; la récente mise à disposition d’ambassadeurs dans ce domaine par le ministère des Affaires étrangères me semble aller contre la simplification souhaitée.

En matière de structuration, la « tournée » que vous avez effectuée dans les régions vous permet-elle de nous présenter d’ores et déjà un bilan du positionnement de celles-ci en « chefs de file » de l’export ?

Dans la stratégie que vous avez engagée en faveur du redressement de la balance commerciale de notre pays, l’analyse de l’offre et de la demande par pays et filières, par « couple filière-marché offert par un pays » tient un rôle central. Quel rôle allez-vous donner aux « fédérateurs », dont vous avez fait état très récemment, pour décliner dans l’action cette analyse ?

Fin avril, vous avez évoqué les « maisons de l’international » qui pourraient être installées en Asie ou aux États-Unis, par exemple. Qu’attendez-vous de ces nouvelles structures ? Comment les régions, qui disposent déjà de bureaux à l’étranger, seront-elles intégrées dans le dispositif que vous mettez en place ? Ce point constitue l’un des axes de travail de la mission d’information sur l’évaluation du soutien public aux entreprises lancée par le Comité d’évaluation et de contrôle de notre Assemblée.

J’avais été assez critique, sous la législature précédente, sur la politique du chiffre menée en matière de volontaires internationaux en entreprise – VIE. Pour moi, c’est d’abord sur la dimension qualitative qu’il faut travailler. Quels moyens allez-vous vous donner pour avancer dans ce sens ? Quelles actions comptez-vous mener ?

Les pôles de compétitivité n’accompagnent pas assez les entreprises à l’exportation. Quelles actions comptez-vous engager pour les y inciter ?

M. Éric Woerth. Les politiques par filières et marchés conduites dans les régions se structurent-elles bien ? S’avèrent-elles efficaces ? D’autres pays mènent-ils une politique semblable ?

En matière d’exportation, c’est aux grands groupes et aux grands contrats que l’on pense d’abord. Cependant, les grands groupes ont un effet d’entraînement – celui-ci est du reste supérieur chez nos partenaires. Quelles sont vos relations avec ces grands groupes mondialisés ? Quelles actions comptez-vous mener pour faire bénéficier les PME de leurs réseaux d’affaires et de leurs implantations à l’étranger ?

Quelle sera votre politique à l’égard d’Ubifrance et de la BPI ? Pour être bref, la BPI, c’est l’ex-OSEO. Aujourd’hui, Ubifrance fonctionne bien. OSEO aussi fonctionnait bien. Allez-vous travailler à modifier la nature de leurs relations ?

Allez-vous augmenter le nombre de VIE ?

Dans la mesure où vous avez évoqué la contribution aux économies nécessaires du ministère que vous dirigez, je ne vous interrogerai pas sur ce point.

Enfin – c’est sans doute dû à une perte de compétitivité de longue date –, notre pays exporte mal. Or, le dispositif public de soutien de certains pays qui réussissent est moins bien organisé que le dispositif français. Leurs succès sont-ils dus à une meilleure organisation en amont ? Quels sont les moyens réels d’un ministre du Commerce extérieur ? Outre son réseau, dispose-t-il d’autres leviers d’actions que l’établissement de statistiques commentées et l’ouverture aux chefs d’entreprise des déplacements officiels ? Ne faudrait-il pas en inventer de nouveaux ? Ainsi, la dualité entre ministère de l’Économie et ministère du Commerce extérieur a-t-elle un sens ? Ne serait-il pas plus logique qu’un seul ministre coordonne la politique industrielle et la conquête des marchés extérieurs ? Les marchés intérieur et extérieur forment un tout.

M. le président Gilles Carrez. Cette dernière question se pose depuis longtemps.

Mme Annick Girardin. L’une des opportunités de développement du commerce extérieur est formée par les accords de libre-échange, notamment celui qui est en cours de signature entre l’Union européenne et le Canada et l’accord de partenariat en cours de négociation entre la même Union européenne et les États-Unis d’Amérique.

L’accord actuellement projeté entre l’Union européenne et les États-Unis est le premier pour la préparation duquel un ministre consulte les partenaires de l’économie
– entreprises, syndicats, associations, coopératives, … – avant la définition du mandat de la Commission européenne. Je vous en félicite.

Nos exportations vers les États-Unis se montent à 23,3 milliards d'euros. La France est le huitième client de ce pays et son onzième fournisseur. Vous avez déclaré vouloir déterminer le périmètre du mandat de la Commission avant que celui-ci ne soit accordé. Je ne peux qu’approuver votre démarche. On a vu les conséquences d’une démarche inverse lors de la conclusion de l’accord avec le Canada. Je comprends mal la hâte de la Commission. Certes, des échéances électorales approchent. Mais cette précipitation rejoint aussi le souhait de députés d’autres États membres, comme la Pologne ou l’Allemagne, d’aller vite, subjugués qu’ils continuent d’être par le rêve américain. L’instauration de barrières est nécessaire.

Vous avez donc posé des « lignes rouges », sur les services audiovisuels, sur les préférences collectives, notamment en matière alimentaire, et enfin la défense. Des points comme les services publics au sein de l’Union européenne, mais aussi les indications géographiques, le traitement des produits sensibles, notamment agricoles – point négligé lors de la négociation avec le Canada –, ou les dérogations à la règle d’origine devront être abordés dès la définition du mandat. Les États-Unis souhaitent aussi établir une double dérogation, pour permettre l’exportation vers l’Europe de produits élaborés par eux à partir de produits importés du Mexique. Votre fermeté ira-t-elle jusqu’au bout, jusqu’au veto si nécessaire ? Enfin, dans ces négociations, combien d’États membres ont-ils la même position que la France ? Quels sont-ils ? Ce débat doit concerner tous les partenaires.

M. Patrick Lebreton. L’économie des départements d’outre-mer connaît des difficultés très fortes, d’origine historique puisqu’elle a été conçue comme une économie de comptoir régie par la règle de l’Exclusif. Face à l’émergence de pays très dynamiques et faiblement régulés, elle est même à bout de souffle ; or les DOM sont moins bien armés que la métropole pour leur résister.

Pour La Réunion, Maurice, « l’île-sœur », est un concurrent sérieux dans les domaines industriel, du tourisme et même des services. Les entreprises mauriciennes arrivent à soumissionner avec succès à des marchés publics réunionnais. La France ne pourrait-t-elle pas prendre en compte cette nouvelle dimension concurrentielle dans les négociations commerciales internationales qu’elle mène, notamment à l’Organisation mondiale du commerce – OMC ?

Le dispositif juridique français ne pourrait-il pas fonctionner dans les deux sens ? Ainsi, la politique fiscale – la politique de défiscalisation – ne pourrait-elle pas être utilisée pour aider les entreprises ultramarines à conquérir des marchés dans ces nouveaux pays, notamment dans le domaine du BTP ?

Mme la ministre du Commerce extérieur. Parmi ses multiples questions, la rapporteure spéciale, Monique Rabin, a évoqué la situation des services économiques
– qu’elle a récemment auditionnés. La réforme engagée en 2008 pour séparer les actions commerciales des missions régaliennes a maintenu cette mission régalienne au sein de nos ambassades, sous ma responsabilité. Ils ont néanmoins participé aux efforts de réduction des déficits exigés par la RGPP, sans trop de succès, du reste. Il n’en reste pas moins que notre appareil régalien, ainsi que notre opérateur commercial, doivent s’adapter. Il est nécessaire aujourd’hui de se concentrer sur les priorités. Ainsi, 61 à 62 % des moyens des services économiques sont affectés dans les pays identifiés pour être en croissance ou présenter des couches moyennes de population capables d’absorber nos produits de consommation courante. En effet, sur un chiffre de 440 milliards d’euros en 2012, seuls 7 % de notre commerce extérieur résultent de grands contrats. Le reste correspond à du « commerce courant ». C’est sur ce créneau que sont positionnées nos PME et nos entreprises intermédiaires. C’est là où nous devons porter nos efforts.

Nos concurrents, notamment les pays qui ont mené des réformes de compétitivité à temps, et en particulier l’Allemagne qui a su également conserver toutes ses machines-outils, se sont trouvés en phase avec la très forte demande des grands pays émergents voulant s’industrialiser, alors que nous n’étions plus capables d’y répondre. Ainsi, dans mes visites en France et à l’étranger, je vois des machines allemandes, suédoises, italiennes, japonaises, mais très peu françaises pour faire tourner les usines. Un de nos enjeux structurels est le réarmement de notre tissu productif – un travail qui relève de mon collègue ministre du Redressement productif.

Quoi qu’il en soit, ces services économiques sont en cours de redéploiement. Ainsi, la conférence des donateurs du Mali se réunit aujourd’hui et nous avons décidé d’ouvrir un poste à Bamako, ou plus précisément de déplacer un poste initialement situé au Sénégal, conformément à notre priorité politique de soutenir ce pays dans son futur développement. De même, a été créé l’an dernier un poste d’opérateur d’Ubifrance en Birmanie, au moment de l’ouverture de ce pays, même s’il n’est pas un marché traditionnel pour notre pays ; mais il est nécessaire d’être dans les premiers installés pour avoir une chance d’être identifiés. Il faut de la réactivité, en fonction non seulement des priorités économiques mais aussi des priorités politiques.

A aussi été souligné le problème de la lisibilité des opérateurs. Mes services mènent une évaluation sur ce sujet. Une étude parlementaire est également réalisée en parallèle sur cette question. Elle doit déposer ses conclusions peu avant mes propres travaux ; ma présentation au Premier ministre en tiendra compte.

Je soutiens par ailleurs la mobilisation de nos « ambassadeurs » du ministère des Affaires étrangères pour défendre l’influence de la France. Le Président de la République et le Premier ministre souhaitent que la diplomatie économique se développe. Mais elle exige effectivement une bonne coordination avec mes services qui assurent au quotidien le travail de terrain. Nous devons déployer le volet économique avant tout déplacement du Président à l’étranger pour s’assurer sinon de résultats immédiats en termes de contrats, du moins que le terrain a bien été déblayé.

Quant à la stratégie « pays-produits », elle est fondamentale. Notre analyse, avec la direction générale du Trésor, est que la demande mondiale se concentrera davantage sur certains pays, en Asie, mais aussi en Afrique – non pas sur les terrains traditionnels de la France, mais plutôt en Afrique de l’Est, comme le Kenya où je me suis rendue ou le Nigéria où j’irai en juillet, soit les pays où se trouve la croissance. Nos entreprises doivent pouvoir y être accompagnées, parfois précédées. Si la France a raté la première phase de la mondialisation faute d’appareil industriel adapté face à la montée des grands pays émergents, je suis convaincue qu’elle peut s’inscrire dans la deuxième phase. La Chine, par exemple, a pour objectif de doubler le revenu moyen par habitant dans une période très rapprochée. Elle anticipe donc la pression de sa demande intérieure et les attentes des classes moyennes en biens de consommation. Les quatre « familles » que j’ai précédemment évoquées peuvent prospérer dans un tel contexte. C’est aussi vrai dans les marchés développés ; je le montrerai quand je répondrai aux questions sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

Dans ces couples « pays-produits », j’ai installé quatre « fédérateurs », un par « famille », car la France, pays d’ingénieurs et d’innovation, doit dépasser une certaine difficulté : il ne s’agit pas seulement d’organiser la rencontre de nos entreprises, nos grands groupes et nos PME, avec les autorités des pays que nous visitons – ce que tout le monde a fait avant nous. On ne peut se contenter de présenter nos produits comme les meilleurs du marché, sans faire l’effort de comprendre la demande du pays. On ne vend plus seulement un produit industriel mais tout un service autour. L’internationalisation des entreprises s’est substituée à une démarche d’export simple. Plusieurs grands pays émergents – mais c’est également vrai de pays comme la Pologne – vous imposent un « ticket d’entrée » : le bon produit certes ; il peut se vendre plus cher si la qualité est au rendez-vous. Mais ils demandent aussi ce que nous faisons pour leur tissu local, car tous se préoccupent de créer des emplois, surtout si leur population est jeune et dynamique ; ils peuvent demander des transferts de compétences, de savoir-faire, jusqu’à des transferts de technologie. Il faut désormais accepter qu’un client puisse devenir un futur concurrent ; ce n’est pas un jeu perdant si nous conservons la meilleure part de la valeur ajoutée. Quand on est capable d’innover, on est capable d’exporter. Il importe donc de conserver une avance en matière d’innovation. Dans le même temps, les fédérateurs ont la tâche de vérifier que notre offre est en phase avec la demande, parce que, dans le passé, nous avons perdu des marchés par excès de confiance. Or, il ne suffit plus d’être sûrs de la valeur de nos produits.

En tout état de cause, la performance à l’exportation, la capacité à aller au devant des marchés permet de créer des emplois dans notre pays. Ne brandissons pas la menace de la délocalisation ; il faut parfois trouver un partenaire commercial dans le pays d’accueil, s’internationaliser pour mieux exporter et être plus attractif sur notre propre territoire. Ce n’est pas toujours aisé à expliquer, mais facile à démontrer statistiquement.

S’agissant des pôles de compétitivité, qui relèvent d’abord de la compétence du ministre du Redressement productif, je soulignerai au préalable le handicap que représente pour nos entrepreneurs leur tendance à se présenter en individuel, même s’ils sont très bons, et leur difficulté à proposer une offre unie, quitte à taire leurs différends. Cette offre à l’unisson est une des forces de l’Allemagne grâce à une organisation mise en place depuis cent cinquante ans. Les fédérateurs ont donc un rôle à jouer pour rassembler nos entreprises tout en vérifiant que leur offre est adaptée aux marchés. Les pôles de compétitivité sont également utiles, même s’ils sont un peu lents à devenir opérationnels. Ces organisations sont une réussite qu’il faut mettre au crédit des précédents présidents et gouvernements. Néanmoins pour obtenir des résultats, elles doivent se doter d’une capacité internationale opérationnelle – que certains pôles ont réussi à atteindre.

Éric Woerth s’interroge sur l’utilité d’un ministre du Commerce extérieur ; je ne me pose pas la question. J’ai déjà évoqué l’effet macroéconomique de ma fonction au début de ma présentation.

Quant à la structuration « produits-filières », j’observerai que deux modèles coexistent : le modèle anglo-saxon conjugue commerce et politique à l’occasion des déplacements diplomatiques des gouvernants. Ce n’est pas la tradition française, ni la tradition européenne. Le second modèle associe industrie et commerce extérieur. Il a, pour moi, un vrai sens si l’on veut mettre l’accent sur l’industrie, l’innovation, le redressement du tissu productif. Ce n’est pas non plus le schéma français, mais il ne m’effraie pas.

Les VIE, évoqués par certains d’entre vous, sont des jeunes formidables et très utiles aux entreprises auxquels ils sont rattachés. Souvent, ils montent même ensuite leurs propres entreprises ou développent, plus souvent encore, des marchés. Cette expérience est une réussite à 80-85 %. Les VIE sont donc une priorité que le Pacte national de compétitivité veut augmenter de 25 %. Les régions y contribuent quand elles participent à leur financement ; mais elles le font encore insuffisamment. Il faut les démultiplier dans le monde, et les encourager à s’adresser davantage aux PME et ETI. J’ai, de mon côté, confié une mission de tutorat aux conseillers du commerce extérieur afin que les jeunes volontaires ne s’en tiennent pas seulement aux grands groupes.

Pour ce qui est du rôle des régions, le prochain projet de loi de décentralisation leur attribue enfin une compétence internationale, les désignant par ailleurs comme chefs de file du développement économique de leur territoire. Je l’ai vérifié encore récemment. Ces collectivités me semblent le niveau d’intervention pertinent. Elles participent déjà au développement de notre commerce extérieur par leurs fonds d’investissement, avec des performances diverses, quelques-unes apparaissant toutefois comme des moteurs. Tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales, je leur ai demandé de me fournir un plan régional pour l’internationalisation des entreprises, qui sera intégré à leur schéma régional, afin d’assumer leur futur rôle de pilote, en concertation avec les acteurs locaux, notamment les chambres de commerce. La moitié devrait être finalisée d’ici l’été.

Annick Girardin a évoqué la question de la négociation des accords de libre-échange, en particulier la proposition de la Commission européenne, qui est effectivement fondamentale. La Commission exerce sa compétence, européenne, en matière de politique commerciale ; or, l’actuelle Commission achève son mandat. La composition de la future Commission revêt donc une importance essentielle. Il s’avère que la Commission actuelle ferait un succès personnel de l’obtention d’un mandat de négociation les 14 et 15 juin, lors du Conseil des ministres du Commerce extérieur.

Je me suis rendue aux États-Unis pour apprécier l’intérêt que l’on y porte aux négociations commerciales ainsi que pour consulter les entreprises françaises présentes sur place. Cette démarche n’est pas sans utilité. Je rappelle qu’à l’occasion d’un déplacement au Japon où nous avions obtenu la protection du secteur automobile, j’avais moi-même obtenu un succès, certes symbolique, mais un succès quand même : la réouverture du marché japonais aux importations de viande bovine française, importations interdites par le Japon depuis la crise de la « vache folle ».

L’exception culturelle constitue, à n’en pas douter, un sujet symbolique. Depuis 1994, les services audiovisuels sont exclus des négociations commerciales de l’Union européenne alors que les États-Unis s’intéressent prioritairement au piratage sur Internet, pour lequel ils souhaitent un accord avec l’Union européenne. La question de l’exception culturelle ne nous sépare pas de la Commission européenne ; c’est la tactique de négociation à adopter qui nous oppose. En effet, la Commission européenne évite toute posture d’exclusion au départ des négociations : les problèmes ainsi éludés finissent par resurgir. L’exemple des négociations avec le Canada est là pour nous rappeler l’intérêt de mettre dès le départ les questions essentielles sur la table. En effet, la tactique de la Commission a eu pour effet le blocage des négociations avec le Canada depuis cinq ans.

Lors du Conseil informel de Dublin, j’ai constaté que le Royaume-Uni a souhaité l’exclusion des marchés de défense des négociations, avec notre accord et le soutien de la Suède. L’Allemagne ne veut en aucun cas d’un volet sur le règlement des différends entre États et investisseurs. Je sais que les États-Unis demanderont, pour leur part, une exclusion des services financiers.

Mon point de vue est de ne pas accorder de mandat de négociation à la Commission si le mandat actuel n’est pas modifié. Le mandat de négociation que la Commission doit présenter dans un mois doit être compatible avec les intérêts des entreprises européennes comme avec ceux des États-Unis. En effet, les États-Unis et l’Union européenne représentent 40 % du commerce mondial et un accord, difficile à obtenir, avec les États-Unis aurait un effet structurant sur le commerce mondial, notamment en matière de droit du travail et d’environnement. Les États-Unis sont rétifs devant la perspective d’un accord commercial mais il serait intéressant de développer un partenariat équilibré avec eux sur la base d’ambitions communes et de bonnes relations. Le contre-exemple est l’Accord de libre-échange nord-américain – ALENA –, signé au détriment du Mexique.

Les États-Unis sont importants pour une autre raison : ils assurent avec l’Europe les deux tiers de l’innovation. Je suis donc favorable à une négociation constructive sur des bases clairement posées.

Par ailleurs, je serai très attentive à l’avis que doit donner le Parlement européen la semaine prochaine, en application du traité de Lisbonne. Il s’agit d’un avis non contraignant mais qui est attendu et qui sera intéressant. Je m’interroge également sur l’opportunité qu’il y a de la part de la Commission européenne à engager des discussions sur le volet commercial compte tenu de la croissance du sentiment anti-européen.

Patrick Lebreton a attiré mon attention sur la concurrence exercée par les grands émergents et également Maurice. L’Union européenne doit défendre les intérêts des départements d’outre-mer qui sont compris dans son espace politique et économique. Les grands émergents peuvent effectivement adopter des pratiques déloyales, contraires aux règles de l’OMC à laquelle ils adhèrent. Une action est donc à mener avec la Commission européenne pour traiter ce problème. Enfin, pour ce qui est de l’opportunité de mettre en place des dispositifs fiscaux spécifiques, je n’ai pas d’opinion à exprimer en tant que ministre du Commerce extérieur.

M. Jean-François Lamour. Vous souhaitez approfondir notre relation avec les États-Unis sur la question du libre-échange alors que 70 % des marchés publics américains nous sont actuellement fermés. Dans ce contexte, quelles concessions peut-on envisager de faire et quelles contreparties peut-on demander aux États-Unis, par exemple en matière de droit du travail ? Quelles sont les perspectives de souplesse dans cette négociation pour obtenir une ouverture des marchés publics américains ?

Vous avez évoqué la mise en place de développeurs à l’international issus d’Ubifrance, en particulier le soutien personnalisé à 1 000 entreprises, PME et ETI. Quel est l’apport de ces agents pour les ETI et en quoi est-ce différent de ce qui se faisait auparavant ? Vous avez constaté que l’Allemagne est plus active que nous dans son activité commerciale en faveur des ETI en Chine alors que les PME françaises du secteur agroalimentaire ont une carte à jouer : comment améliorer leur position, non seulement en Chine, mais également dans les autres pays émergents ?

M. Jean Launay. Je tiens à vous féliciter pour votre action et pour les premiers résultats positifs qui ont été obtenus dans le domaine du commerce extérieur.

Quelles sont les parts respectives des PME/PMI et des grands groupes dans nos exportations ? Pour ce qui concerne le commerce avec l’Afrique, en croissance, existe-t-il des instruments de mesure de la solvabilité de nos partenaires et des risques de corruption ? Développez-vous une stratégie particulière en direction des grands émergents, je pense à l’Inde ou au Brésil ? Comme président du groupe d’amitié France-Pologne, je suis attaché à l’amitié franco-polonaise : quelles sont les perspectives de développement commercial avec ce pays alors que le gouvernement polonais souhaite la « polonisation » ? Enfin, pensez-vous que la diplomatie économique peut s’exercer en associant le Parlement à l’action du Gouvernement ?

M. Éric Alauzet. Les questions énergétiques sont d’une telle importance qu’elles ont pour effet de prendre une place prédominante dans les négociations commerciales, alors que nous sommes dépendants et vulnérables. Je souhaiterais connaître la position spécifique de la ministre du Commerce extérieur sur la fiscalité écologique et la transition énergétique. Cette perception est-elle de nature à affecter les relations commerciales avec nos partenaires fournisseurs d’énergie ?

Je souhaiterais également connaître votre position sur les quatre secteurs prioritaires que sont l’agroalimentaire, la pharmacie, l’urbanisme et l’architecture numérique. Quels sont les motivations, les moyens et les résultats attendus pour ces quatre secteurs ?

Enfin, l’image de la France dans l’ensemble des pays est différente de celle de l’Allemagne. On considère généralement que nos produits sont de moins bonne qualité et que la relation commerciale est moins solide, d’une plus grande légèreté. C’est la vision que les étrangers ont des entreprises françaises. Dispose-t-on d’études sur la perception des entreprises françaises à l’étranger ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la ministre, vous avez parlé tout à l’heure de la machine-outil française qui n’existe quasiment plus, ce que je vous confirme car je suis l’élue d’une circonscription où l’on en fabriquait beaucoup. Pour faire revenir en France ce marché, il va falloir des investissements durables, longs et une volonté que j’aimerais vous voir porter, vous et le ministre du Redressement productif.

Vous avez également évoqué le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE. À ce sujet, une fédération nationale française m’a fait part d’une dérive de ce dispositif. Selon elle, des donneurs d’ordres contactent les membres de leurs filières en leur disant : « Vous allez gagner tant avec le CICE, vous devez me rétrocéder la moitié de ce gain sur les marges que vous réalisez ». Dans ces conditions, la compétitivité, en France ou à l’étranger, ne sera pas au rendez-vous.

À propos d’Ubifrance, vous avez parlé de 186 millions d’euros de budget, mais j’aimerais connaître le nombre de collaborateurs qui y travaillent. Vous avez dressé un bilan d’activité en termes quantitatifs, mais je souhaiterais que vous le complétiez par des éléments qualitatifs.

Enfin, pouvez-vous nous préciser les grandes lignes des perspectives de réforme du financement à l’exportation ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Je tiens tout d’abord à faire remarquer que, ministre de plein exercice, vous êtes la première à appréhender le commerce extérieur dans la complexité et sa globalité. Je reviens sur les remarques de notre collègue Éric Woerth sur la nécessaire « synchronisation » entre l’industrie et le commerce extérieur. Ces deux politiques doivent impérativement être articulées, ce qui m’amène à évoquer les pôles de compétitivité et leurs plans de développement à l’international, sur lesquels il faut mettre les moyens. Jusqu’à présent, les pôles internationaux n’avaient d’international que leur rayonnement sur la question de la recherche et développement mais pas dans des actions sur les marchés qui les concernent. La politique des pôles de compétitivité est un succès et n’est finalement pas si coûteuse – 125 millions d’euros par an pour financer les projets du Fonds unique international – FUI – au regard d’autres politiques menées telles que des baisses de TVA malencontreuses, engagées sans beaucoup de contreparties en termes d’emplois et de richesse pour le pays. La question des pôles de compétitivité est essentielle car les entreprises y sont organisées, innovantes et en recherche de financements : adressons-nous donc en priorité à celles-ci, car elles sont créatrices de valeur ajoutée.

Sur la question de l’accompagnement des PME, vous avez raison de dire qu’il faut porter l’effort sur les petits contrats. Car comme vous l’avez souligné, les grands contrats ne constituent qu’une petite partie des résultats du commerce extérieur, résultats qu’il faut en plus partager avec les autres. Si on prend l’exemple des Airbus, il faut partager, entre autres, avec les Allemands qui, dans la fabrication des avions, se sont spécialisés dans l’aménagement des cabines, part la plus profitable. Vous ne pourrez réussir l’accompagnement des PME qu’en vous appuyant sur des acteurs locaux et à ce titre, votre approche « régionaliste » me semble être la bonne. La question va se poser de la mesure des résultats et j’aimerais savoir si vous allez utiliser des tableaux de bord, région par région ou filière par filière. Je pense que les services de l’État peuvent produire ces chiffres trimestre par trimestre.

Sur les accords de libre-échange, l’Europe vient enfin de se mobiliser sur la question du photovoltaïque. Mais j’aimerais savoir si vous ne partagez pas l’avis de votre collègue qui parle de l’Europe comme de l’idiot du village, car sous couvert de respecter la libre concurrence, celle-ci oublie parfois de se protéger. Je ne suis pas adepte du protectionnisme mais quand j’entends des débats sur l’usage de l’anglais dans l’enseignement supérieur, j’ai presque envie de proposer de rendre obligatoire l’apprentissage de l’anglais dans l’enseignement supérieur, car une de nos carences est de ne pas savoir parler la langue qui sert dans le commerce international.

M. Olivier Faure. Je voudrais commencer par saluer l’action aussi discrète qu’efficace de la ministre et indiquer que son attention portée aux PME me satisfait pleinement. Pour faire suite aux propos de Jean-Louis Gagnaire, je crois pouvoir dire que huit neuvièmes du commerce extérieur sont réalisés par les PME et qu’un neuvième seulement est le fait des grands groupes. Bien sûr, on en entend davantage parler, dans la mesure où leurs contrats sont plus importants et emblématiques et où c’est sur eux que repose la communication des gouvernements successifs ou des grands groupes qui ont les moyens de se faire connaître.

Sur la question des PME, je voudrais prendre l’exemple d’une PME, membre d’un pôle de compétitivité, qui développe une technologie de pointe, est en capacité de développer un produit performant dans le domaine de l’urbanisme et de la ville et est confrontée à d’énormes problèmes de financement dans un contexte de concurrence internationale très forte. J’aimerais d’abord savoir si vous arrivez à identifier ces offres nouvelles, puis, dans un second temps, si vous pouvez aider ces PME à identifier les marchés sur lesquels elles pourraient se porter. Avez-vous les moyens de les aider à répondre à des appels d’offres internationaux, qui sont parfois trop compliqués pour des structures réduites ? Au-delà des logiques de filières, quels sont les outils qui pourraient aider les PME à présenter des offres globales pour conquérir les marchés des pays émergents ? Comment faire pour aider les PME à obtenir des références de valeur en France, qui leur permettront ensuite de conquérir des marchés à l’international ? Enfin, dernière question, j’avais interrogé le Gouvernement lors de la discussion du dernier projet de loi de finances sur les garanties Coface étendues au domaine de l’aéronautique : un problème se posait pour le projet Superjet, soumis à des contre-garanties, ce qui constitue une anomalie. Le Gouvernement avait répondu que la situation devait s’améliorer rapidement, mais j’aimerais savoir où en est ce dossier.

M. Patrick Ollier. Sur le sujet de la diplomatie économique, j’ai été surpris par l’intervention de Madame la ministre, estimant que, selon qu’on adopte une conception anglo-saxonne ou française, l’économie est ou non à la disposition de la diplomatie. Avec la commission des Affaires économiques, j’ai participé à la création d’Ubifrance, qui s’est avérée utile, sur l’amont. Mais sur le terrain, le problème des querelles permanentes entre le réseau des missions économiques et les chancelleries, en dépit d’importants progrès réalisés, n’est toujours pas réglé. Notre diplomatie, contrairement à ce que vous avez dit, doit être à la disposition de notre économie. Elle doit être le moteur des actions à conduire pour le commerce extérieur au niveau le plus élevé, ce que fait très bien le Président de la République. Mais sur le terrain, j’aimerais savoir si vous avez le sentiment que les chancelleries sont vraiment à la disposition de la politique du commerce extérieur du Gouvernement, en étant les soutiens forts et permanents des missions économiques dans le cadre de leurs travaux.

M. Thierry Mandon. Je voudrais d’abord faire deux remarques : la première, c’est que vous avez évoqué la question de la simplification en indiquant que vous faisiez au mieux mais je pense que c’est un aspect vital pour les actions de votre ministère ; la seconde porte sur la nécessité de renforcer notre organisation à l’échelon européen pour gagner la bataille sur les normes. Par ailleurs, je voudrais vous demander de quel dispositif permanent de consultation des entreprises vous disposez. Car je pense – et c’est là un chantier considérable de modernisation de l’État – qu’il faudrait associer beaucoup plus étroitement un panel représentatif d’entreprises à l’élaboration, l’ajustement et l’évaluation des politiques publiques.

Mme la ministre du Commerce extérieur. Monsieur Lamour, l’ouverture des marchés publics américains constitue tout l’enjeu de la négociation. C’est là que l’outil de la réciprocité aurait été utile. La Commission européenne a proposé une réciprocité dans les marchés publics. Les États membres, lors de deux Conseils européens, ont donné leur accord pour que ce projet soit soumis au Parlement, mais force est de constater que la réciprocité n’est pas un concept admis par une majorité d’entre eux. En faisant le tour des capitales européennes, j’ai compté neuf alliés sur ce sujet, sur les vingt-sept États membres. J’ai du mal à faire accepter ce principe auprès de certains États amis, qui parlent de protectionnisme alors que c’est simplement l’intérêt bien compris des entreprises européennes.

Monsieur Launay, vous nous avez accompagné en Pologne et vous savez donc que je suis chargée des négociations sur un marché extrêmement important dans le domaine du nucléaire. Mais la Pologne est aussi un grand pays agricole et je voudrais rendre hommage à notre filière du machinisme agricole qui, après avoir traversé des difficultés, est devenue tout à fait performante. Beaucoup de PME détiennent des marchés très intéressants non seulement en Pologne mais aussi en Ukraine, en Russie et dans d’autres pays. Le Président de la République a par ailleurs fait part de son souhait de relancer le « triangle de Weimar », constitué par l’Allemagne, la Pologne et la France, en trouvant des projets concrets et fédérateurs qui favoriseront la croissance en Europe. La Pologne, par sa proximité avec l’Ukraine, marché très porteur, est une bonne porte d’entrée.

Les grands émergents que sont l’Inde et le Brésil n’assument pas leur responsabilité de puissance commerciale puisqu’ils ont des mécanismes protectionnistes quand ce ne sont pas des mécanismes déloyaux, d’où les procédures engagées.

Bien sûr que la diplomatie parlementaire fait partie de la diplomatie économique ! Un parlementaire en mission fait de la diplomatie économique au même titre qu’un volontaire en entreprise. C’est la raison pour laquelle des parlementaires m’accompagnent lors de mes déplacements à l’étranger, en particulier dans les pays où la puissance publique a une influence forte sur la conquête des marchés.

Je préfère appeler « familles » les quatre secteurs prioritaires, afin de ne pas les confondre avec les filières : les premières sont horizontales tandis que les secondes sont verticales, proposant une offre regroupée sur des sujets identifiés très précis. Je rejoins ainsi le sujet évoqué par Olivier Faure, qui faisait référence au pôle de compétitivité Advancity. Durant mon voyage au Vietnam, le ministre chargé du Plan et des financements a dit spontanément, à l’issue de la conférence de presse : « Quand j’entends aménagement urbain, je lis France ». Notre pays est excellent dans ce domaine et détient toute l’offre, de l’amont à l’aval. Il faut savoir la vendre. Et le FASEP comme la RPE sont des outils financiers qui nous permettent de placer l’offre française. C’est la même situation pour la famille « santé ». Beaucoup de pays souhaitent accéder à la demande sur la thématique « mieux se soigner » et la France détient toute l’offre. Quant à l’agroalimentaire, j’y consacre un soutien important car excepté sur les vins et spiritueux, nous perdons régulièrement des parts de marché, notamment sur tous les produits transformés.

Nous ne sommes plus les premiers dans le domaine de l’agroalimentaire. Faute d’avoir réalisé les réformes de compétitivité nécessaires en amont, comme l’ont fait les Allemands, nous nous sommes faits dépasser. Mais lorsqu’on arrive à conclure un contrat en Chine, par exemple sur la charcuterie, c’est un bon moyen ensuite d’accéder au marché local. Or, la Chine devrait concentrer en matière agroalimentaire 30 % de l’augmentation de la demande mondiale, ce qui représente 100 milliards d’euros. Nous devons être présents.

Sur la situation de l’industrie, je voudrais répondre à Marie-Christine Dalloz qu’à l’issue des Assises de l’industrie organisées par le précédent Gouvernement, qui ont donné lieu à la structuration des filières verticales, j’ai demandé au ministre du Redressement productif que chacune d’entre elles soit dotée d’un comité export chargé de suivre spécifiquement la question de l’exportation dans son domaine et de la recouper avec l’offre commerciale française que je suis chargée de structurer.

Au sujet des volontaires internationaux en entreprise, on compte 7 596 VIE pour 1 733 entreprises fin avril 2013. Le bilan sur les dix dernières années montre que 40 000 VIE ont bénéficié de ce dispositif, pour lequel j’ai fixé un objectif d’accroissement de 25 % en trois ans.

À propos d’une dérive possible du CICE, je vous remercie de me faire part d’un exemple précis, mais le président Gilles Carrez sait bien qu’à chaque fois qu’on crée un crédit d’impôt, il existe toujours un risque de détournement.

M. le président Gilles Carrez. En février 2012, quand nous avons instauré la baisse de 3,4 % des cotisations sociales patronales, nous avons constaté des demandes de donneurs d’ordre pour bénéficier de cette ristourne. On peut rester vigilant sur ces comportements, mais quelle est concrètement notre marge d’action ?

Mme la ministre du Commerce extérieur. Les entreprises nous disent aussi que l’utilisation d’un crédit d’impôt entraîne ensuite un contrôle fiscal. Ces questions se sont déjà posées avec le crédit d’impôt recherche. N’hésitez donc pas à nous faire part d’exemples précis.

À Jean-Louis Gagnaire, je rappelle les objectifs fixés par le pacte de compétitivité en matière d’accompagnement des PME à l’exportation : 1 000 PME innovantes et ETI pendant trois ans, ce qui modifie la manière de travailler d’Ubifrance. Compte tenu du contexte budgétaire très contraint, j’ai demandé à l’agence de diminuer ses dépenses d’intervention, qui financent les salons, mais d’augmenter ses actions d’accompagnement et d’offrir un soutien personnalisé aux entreprises pour atteindre les objectifs fixés. Enfin, pour identifier ces 1 000 PME innovantes, nous nous basons sur le dispositif d’OSEO Excellence et le travail accompli par le Fonds stratégique d’investissement – FSI.

Monsieur Faure, je vous invite le 13 juin prochain à Bercy à la réunion des entreprises qui ont accompagné le Président de la République, le Premier ministre et moi-même dans nos visites, pour témoigner de leurs résultats.

À Patrick Ollier, je réponds que le ministre des Affaires étrangères a eu raison de mobilier les chancelleries. La présence permanente des services économiques de la direction générale du Trésor crée un lien de proximité tout à fait utile mais que nous n’utilisons pas assez.

Concernant les grands groupes et les PME, je ne les oppose pas. Il ne faut pas oublier que les grands groupes entraînent avec eux une kyrielle d’entreprises, ce qu’on appelle du portage. J’en veux pour preuve plusieurs exemples de portage réussis. C’est le cas en Chine, sur le chantier nucléaire où trois grandes entreprises, Areva, Alstom et EDF, permettent à quatre-vingts PME de se projeter sur ce marché à titre individuel. À Singapour, Bouygues a entraîné avec elle une ETI performante qui n’aurait pas pu réussir seule. Même situation avec Danone, qui a permis à une ETI française de s’implanter aux États-Unis.

À propos du Superjet, je rappelle que Safran est une entreprise très soutenue par la puissance publique puisqu’en 2012, près de 120 millions de dollars de garantie lui ont été accordés par la Coface. M. Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial pour les relations économiques en Russie, suit le dossier de près et travaille en bonne entente avec moi. Une contre-garantie pourrait être demandée au constructeur russe afin de réduire le risque budgétaire qui existe pour nous sur ce dossier. Une réunion sur cette question est prévue le 20 mai prochain.

Monsieur Alauzet, je travaille actuellement sur la « Marque France », à ne pas confondre avec le « Made in France ». Elle doit nous permettre de raconter le roman économique de la France, au-delà des vins et des châteaux de la Loire et identifier économiquement notre pays en fédérant les marques régionales.

L’objectif de simplification évoqué par Thierry Mandon est essentiel et, une fois la réforme des dispositifs financiers à l’exportation achevée, je souhaite proposer au Premier ministre un nouveau chantier de réforme concernant la douane. D’importants gains de productivité ont été réalisés, les procédures accélérées mais des marges de progression existent, notamment sur la compatibilité des systèmes d’informations entre la direction générale du Trésor et le ministère de l’Économie. Pour simplifier davantage les procédures, il faut prendre le temps et investir pour rendre ces systèmes plus opérationnels.

Concernant les normes, j’ai confié une mission à Mme Claude Revel, qui a rendu son rapport en janvier dernier. J’ai proposé une organisation souple et rapide devant nous permettre de disposer d’une véritable intelligence économique, car qui fixe la norme, fixe les règles commerciales. Or, les Européens ont été trop souvent absents et j’appelle les grandes entreprises à être présentes dans les laboratoires où s’élabore la norme parce qu’ensuite, il est trop tard.

M. le président Gilles Carrez. Merci beaucoup, Madame la ministre, pour cette audition intéressante, complète et précise au cours de laquelle chacun aura pu s’exprimer.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 15 mai 2013 à 16 h 15

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Jean-Louis Gagnaire, Mme Annick Girardin, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Monique Rabin, Mme Hélène Vainqueur-Christophe , M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Jean-Marie Beffara, M. Olivier Dassault, M. Pierre-Alain Muet, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, M. Thierry Robert, M. Nicolas Sansu, M. Pascal Terrasse, M. Thomas Thévenoud

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Pierre Barbier, M. Gilles Lurton

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