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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 22 mai 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 87

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de MM. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia S.A., et Karel De Boeck, administrateur délégué

–  Informations relatives à la Commission

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, MM. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA, et Karel De Boeck, administrateur délégué.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons MM. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA, et Karel De Boeck, administrateur délégué.

La situation financière de Dexia a nécessité plusieurs interventions des États français, belge et luxembourgeois.

À l’automne 2008, à la suite de la faillite de Lehman Brothers, Dexia connaît d’importantes difficultés de refinancement dues à une structure de financement déséquilibrée et à des actifs de mauvaise qualité. Pour éviter sa faillite, une intervention publique conjointe est décidée. En France, cette intervention se fait au travers de la loi de finances rectificative d’octobre 2008. Pour rétablir la solvabilité de l’établissement, la Caisse des dépôts, actionnaire historique du groupe, et l’État, via la société de prise de participations de l’État
– SPPE –, injectent respectivement 3 et 1 milliard d’euros. Par ailleurs, les États garantissent les refinancements de moyen terme de la banque, la quote-part de la France s’établissant à 32,65 milliards d’euros.

À l’automne 2011, la crise de la zone euro conduit la banque à constater qu’elle est dans l’incapacité d’assurer son refinancement en l’absence de nouveau soutien public. Son démantèlement est alors décidé. Pour qu’il se déroule en bon ordre, une nouvelle garantie de financement est accordée par les États, la quote-part de notre pays s’élevant à 38,7 milliards d’euros.

Enfin, à l’automne 2012, du fait de l’accumulation des pertes constatées en 2011 et 2012, la France et la Belgique procèdent à une recapitalisation. Le montant apporté par la France, fixé par la loi de finances rectificative de fin d’année, s’élève 2,6 milliards d’euros. Cette dépense supplémentaire, considérée par Eurostat comme une dépense budgétaire définitive sans contrepartie en actifs, est une des raisons pour lesquelles notre pays n’a pu atteindre l’objectif de déficit de 4,5 points de PIB. La situation de la banque peut donc avoir des répercussions considérables sur les finances de l’État.

C’est pour faire le point, messieurs, que nous avons souhaité vous entendre. Quels sont les risques qui persistent aujourd’hui ? Comment voyez-vous la suite des opérations ?

Je signale que notre Commission recevra prochainement le président du directoire de La Banque postale, M. Philippe Wahl, et M. Philippe Mills, ancien directeur général de l’Agence France Trésor et actuel président-directeur général – depuis février 2013 – de la Société de financement local, la SFIL. La mise en place de cette structure, qui prend le relais de Dexia pour les nouveaux prêts consentis aux collectivités locales, est très en retard par rapport aux échéances annoncées.

M. Robert de Metz, président du conseil d’administration de Dexia SA. M. Karel De Boeck et moi-même avons été nommés le 3 août dernier à l’occasion d’un changement de gouvernance.

Au début des années 2000, Dexia a connu une croissance importante liée à son développement international. Le risque souverain et public, spécialité de la banque, était très faible du point de vue financier, donc très bien noté par les agences. Cela permettait à Dexia de se refinancer sur les marchés pour des crédits que, par définition, elle accordait à très long terme.

Les deux crises traversées par Dexia sont en grande partie exogènes. La première, après la faillite de Lehman Brothers en 2008, se traduit par la disparition des marchés interbancaires et des possibilités de refinancement à moyen et long terme. La seconde, à l’automne 2011, ne pouvait que toucher de plein fouet une banque spécialisée dans les financements publics, puisqu’elle a remis en cause la solvabilité des dettes souveraines.

La Commission européenne ayant demandé le démantèlement du groupe à la suite de cette seconde crise, le bilan de la banque était de 357 milliards d’euros au 31 décembre 2012, contre 650 milliards à la fin de 2008. Le volume de contrats de dérivés s’est encore plus réduit. Étant donné que Dexia prêtait à très long terme et à taux fixe mais se refinançait à court terme à taux variable, elle avait systématiquement contracté, par prudence, des contrats d’échange de taux d’intérêt par lesquels elle s’engageait à payer des taux fixes. C’est pour cette raison, notamment, qu’il n’est pas possible d’accélérer la liquidation de ce qui reste du groupe.

Les besoins de financement à court terme sont passés de 260 milliards d’euros à la fin de 2008 à 44 milliards à la fin de 2012, et les effectifs du groupe de 35 000 à 3 400 – sans que l’on ait procédé, dans la plupart des cas, à des licenciements : les entités opérationnelles ont été vendues avec leurs troupes et leur bilan, conformément au plan de résolution ordonnée conclu au second semestre 2012. Il reste néanmoins un « fond de cuve » important qui ne bénéficie plus, du fait de la crise, des prêts qui étaient couramment accordés auparavant. Les garanties que vous avez votées permettent à la banque de refinancer une partie de ces 250 milliards d’actifs restants.

Le premier plan de résolution, en mars 2012, n’imposait pas d’augmentation de capital. Mais, entretemps, les banques centrales nous ont interdit de refinancer directement auprès d’elles une partie significative de notre bilan – plus de 40 milliards d’euros. Aussi avons-nous été contraints d’émettre sur le marché ces emprunts garantis par l’État, ce qui a engendré, en raison des délais et des frais d’intermédiation, un coût global bien supérieur et a abouti à cette augmentation de capital. Bien qu’inférieur à 1 %, le renchérissement du refinancement des 40 milliards d’euros entraînait systématiquement des résultats négatifs pour Dexia Crédit local, qui représente 90 % de l’activité de Dexia aujourd’hui. Nos commissaires aux comptes ont fait valoir, à juste titre, qu’il n’était par conséquent plus possible de maintenir la valeur comptable de Dexia Crédit local dans les comptes de Dexia SA. Cette valeur comptable s’élevait, au coût historique, à 5 milliards d’euros. Nous avons dû constater cette perte et reconstituer les fonds propres nous permettant de respecter les ratios qui conditionnent notre refinancement auprès des banques centrales.

L’augmentation de capital, de 5,5 milliards d’euros, a été souscrite à hauteur de 53 % par l’État belge et de 47 % par la France, au prix de 0,19 euro par action. Ce prix correspond à une moyenne des cours constatés sur le marché après leur effondrement, sachant que le cours de l’action Dexia a atteint par le passé un maximum de 24,60 euros, soit une capitalisation boursière de 29 milliards d’euros.

Les deux États se sont vu attribuer des actions préférentielles qui leur donnent une priorité sur tous les autres actionnaires antérieurs. On peut considérer que ces derniers ont été sacrifiés, puisqu’ils ne peuvent plus espérer le bénéfice de clauses de retour à meilleure fortune.

S’agissant maintenant des garanties d’État, la clef de répartition initiale, en 2008, était de 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. À la suite de difficiles négociations, la répartition est désormais de 51,4 % pour la Belgique, 45,6 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. Ces nouvelles garanties, dont le plafond est porté à 85 milliards, sont rémunérées à seulement 0,05 % – c’est-à-dire 5 points de base, ou bp – par an. Notre équilibre économique s’en trouve amélioré : du fait de l’importance des commissions réclamées au début par les États, le coût total des garanties payées par Dexia au fil des ans s’élève à 2,324 milliards d’euros.

L’augmentation de capital s’est accompagnée d’un rééquilibrage de la gouvernance de la société. La composition du conseil d’administration a été ramenée à neuf membres
– cinq Belges et quatre Français, afin de refléter l’équilibre actuel des actionnaires. L’administrateur délégué – M. Karel De Boeck, ancien dirigeant de Fortis – est belge, et le président est français.

Le comité de direction et l’ensemble du dispositif de pilotage ont également été réduits pour tenir compte des cessions réalisées ou en cours. Il est impossible, pour des raisons techniques, de fusionner Dexia Crédit local et Dexia SA, mais nous avons mis en place une gouvernance jumelée afin d’être le plus efficaces possible.

Après le transfert à la SFIL de la société de crédit hypothécaire Dexia Municipal Agency – DMA –, le bilan restant de Dexia est de 250 milliards d’euros. Une variation de seulement 1 % du coût de financement représente donc 2,5 milliards d’euros, soit un montant déjà considérable.

M. Henri Emmanuelli. La moitié du capital.

M. Robert de Metz. Exactement. Il suffit d’un dérapage somme toute marginal pour arriver à des sommes énormes. Nous nous efforçons de piloter au mieux, mais il faut que chacun ait conscience qu’il s’agit d’actifs considérables et de très long terme. Leur échéance moyenne est aujourd’hui de 13 ans. En 2020, il restera 150 milliards mais l’échéance moyenne sera toujours de 13 ans, en raison des engagements à 30 ou 40 ans qui subsisteront.

Par ailleurs, le dénouement des contrats d’échange de taux d’intérêt – swaps – couvrant le risque d’une hausse des taux coûterait très cher. Les taux ayant baissé de moitié depuis la signature de ces contrats, il en résulterait, pour peu que nous arrivions à réaliser l’opération au cours actuel du marché, une perte de 29 milliards d’euros. Ce coût correspond aux garanties de cash que nous avons dû déposer à mesure que les taux baissaient, en contrepartie de l’assurance d’avoir à acquitter un taux fixe.

Si, juridiquement parlant, la société est en résolution ordonnée – la liquidation interdirait le refinancement des actifs auprès des banques centrales –, il s’agit dans les faits d’une « liquidation ordonnée ». Les activités opérationnelles ayant été cédées et la Commission européenne ayant fortement limité le volume de prêts que nous sommes autorisés à produire – il s’agit essentiellement de « désensibiliser » les prêts sensibles –, nous n’avons pas de recettes nouvelles à attendre. Tout imprévu devra être traité avec les moyens du bord, forcément réduits. C’est une différence considérable avec la plupart des autres grands groupes, qui disposent en général d’un portefeuille variable d’activités leur permettant de compenser les difficultés rencontrées dans tel ou tel domaine. J’y insiste : nous n’avons plus d’activités susceptibles de compenser une éventuelle mauvaise surprise.

M. Karel De Boeck, administrateur délégué de Dexia SA. Le résultat net du groupe en 2012 a été de – 2,9 milliards d’euros, se répartissant en – 1,7 milliard pour les activités poursuivies et – 1,2 milliard – principalement des moins-values sur les cessions – pour les activités abandonnées.

Notre tâche est de réduire cette perte de 1,7 milliard dans un contexte où l’actif est figé et invendable, sauf à accuser des pertes de dizaines de milliards. La garantie des États nous permettra de diminuer le coût du financement. Cela prendra un certain temps dans la mesure où l’échéance des anciennes émissions est comprise entre deux et quatre ans. Nous ne pouvons générer d’autres actifs car la Commission européenne nous interdit d’être présents commercialement sur les marchés, à quelques exceptions près. Contrairement à ce que la presse a pu affirmer lors de la publication du rapport annuel, l’augmentation de capital a été réalisée en anticipant cette perte de 1,7 milliard.

Parmi les activités abandonnées en 2012, la cession de DenizBank, en Turquie, s’est traduite par une perte de 801 millions d’euros, car son acquisition avait été conclue à l’apogée du marché turc. Le total des pertes sur cessions est de 1,6 milliard.

Le total de bilan s’élevait au 31 décembre 2012 à 357 milliards d’euros. À la suite de l’augmentation de capital, les ratios de solvabilité se sont établis à environ 20 %, ce qui est excellent. Dexia est une banque saine, au moins pour un temps.

Après une perte de 329 millions d’euros au premier trimestre 2013, nous pensons que le groupe s’oriente vers une perte d’environ 950 millions pour l’ensemble de l’année. Il faut rappeler que DMA a été cédée pour un euro à la SFIL alors qu’elle valait 1,5 milliard, et que Dexia Asset Management – DAM –, qui a également été cédée, réalisait un bénéfice de 100 à 120 millions d’euros par an. En contrepartie de ces deux sacrifices importants, nous n’avons pas eu à donner de garanties sur les actifs des 84 milliards cédés, ce qui a renforcé légèrement les ratios de solvabilité.

Par ailleurs, 86 % des actifs de la banque bénéficient d’une notation dite « investment grade », c’est-à-dire supérieure ou égale à BBB-. Les actifs les plus risqués aux États-Unis ont été vendus. Si Dexia peut être qualifiée de bad bank, ce n’est donc pas parce que ses actifs sont douteux, mais parce que l’on a oublié le passif. Notre tâche est de créer un passif, un financement, à partir des actifs, par le biais, par exemple, de pensions livrées – « repo ». Comme, sur les 14 % d’actifs restants, la moitié est proche de l’investment grade, il nous paraît sensé de piloter le groupe jusqu’à l’échéance des actifs plutôt que de vendre rapidement avec des pertes considérables – à condition, toutefois, que la marge pour porter ces actifs ne soit pas trop négative.

Le démantèlement de Dexia s’accompagne d’importantes opérations de désimbrication. Certains centres de compétence fonctionnaient pour l’ensemble du groupe ; après leur cession, il nous a fallu en importer ou en créer. Inversement, les sociétés vendues ont dû se déconnecter des centres de compétence que nous avons conservés. Cela s’est traduit, en France, par un plan social.

J’en viens à la trajectoire prévisible du groupe résiduel.

Lors de l’élaboration du plan de résolution, nous avons retenu différentes hypothèses en matière d’évolution des taux d’intérêt, des taux de change, de l’inflation, des marges de crédit et des financements garantis par les États. La nouvelle directive CRD IV, issue des accords de Bâle III, impose de nouvelles règles de solvabilité qui ont un grand impact sur le groupe. Nous en avons tenu compte. En revanche, nos prévisions ne pouvaient intégrer la taxe sur les transactions financières, qui n’était pas décidée à cette époque mais aura des conséquences importantes.

Le bilan diminuera fortement en 2013 du fait de la vente de DMA pour 91 milliards d’euros. Par la suite, l’amortissement naturel des actifs entraînera une diminution progressive, jusqu’à 150 milliards d’euros en 2020. La plupart des lignes de l’actif, très complexes, ne sont pas vendables aujourd’hui car les marchés considèrent que la marge sur le client
– 42 centimes en moyenne – est insuffisante : ils attendent entre 100 et 250, voire 300 bp. Si nous voulons éviter des ventes à perte, il faut accepter que le bilan ne diminue que lentement, au rythme des échéances naturelles ou, s’il y a lieu, des échéances forcées prévues par des voies contractuelles.

Nous devons également financer les actifs, sachant que les financements de la Banque centrale européenne – BCE – se réduisent et que l’arrivée à maturité des financements coûteux souscrits dans les années 2008-2009 diminuera le prix du financement. La garantie des États nous est nécessaire car elle nous permet de diminuer le volume d’argent que nous devons trouver sur les marchés pour couvrir la marge de garantie – haircut – requise pour les pensions livrées.

M. Robert de Metz. En d’autres termes, nous sommes obligés de refinancer les emprunts, sans quoi nous serions mis en faillite. Les prêteurs potentiels étant encore craintifs, il nous faut déposer un élément de notre actif – crédit, prêt, obligation… – à la banque centrale, laquelle ne nous prêtera que 84 pour 100 déposés, la différence constituant le haircut. L’utilisation de l’actif pour créer un passif est le seul moyen que nous ayons, à ce stade, pour emprunter de l’argent.

M. Karel De Boeck. Il ne faut pas oublier que notre première tâche est de boucler le bilan chaque jour, aussi bien en euros qu’en dollars, en yens et en livres sterling. Cela comporte des risques opérationnels, même si, depuis quelques mois, nous sommes autofinancés en dollars. Auparavant, nous étions obligés d’envoyer des euros aux États-Unis le matin pour les rapatrier le soir et boucler le bilan en euros la nuit !

Dans le cas du redressement d’une société, on a la liberté de faire de nouvelles affaires ou de créer de l’activité. Dans le cas de Dexia, au contraire, l’environnement est presque totalement figé, à l’exception du passif qu’il faut améliorer. Nous pouvons donc prévoir, en fonction de la disparition de certains crédits, une réduction progressive des pertes : 950 millions en 2013, un peu moins de la moitié en 2014, puis une nouvelle diminution de moitié en 2015.

Quant au ratio de solvabilité, qui donne une indication sur la nécessité ou non d’une augmentation de capital ultérieure, il devrait baisser considérablement en 2013 du fait de l’application des accords de Bâle III en matière de risk-weighted assets, ou « actifs pondérés par le risque ». Selon cette nouvelle grille de pondération et selon toutes les hypothèses que nous avons retenues, nous n’aurons toutefois pas besoin d’une augmentation de capital. Mais la réalité n’a pas toujours la gentillesse de suivre les hypothèses qu’on retient…

Le plan de sauvegarde se divise en deux phases. Jusqu’en 2017, nous ne pouvons qu’être très parcimonieux. Des ventes anticipées d’actifs à perte mettraient en danger le ratio de solvabilité. Après 2017, ce ratio devrait remonter et s’écarter du ratio de 8 % en dessous duquel la recapitalisation est nécessaire. Nous aurons alors un peu plus de marge de manœuvre.

Le groupe étant très dépendant des taux, nous nous réjouissons que le taux d’intervention de la BCE ait diminué de 0,75 à 0,50 %. Cela représente pour Dexia une économie annuelle de 125 millions d’euros, puisque nous empruntons en moyenne 50 milliards.

Nous sommes également très sensibles aux variations de l’EONIA – euro overnight index average – et à celles du taux long à 10 ans, qui définit le besoin de garantie en trésorerie sur les swaps.

Enfin, une dégradation de la conjoncture économique ou du risque souverain de certains pays aurait un fort impact sur le groupe. Je crois que notre plan est sérieux et robuste, mais on ne peut exclure que la réalité s’écarte de nos prévisions.

M. le président Gilles Carrez. Quelle que soit la qualité de la gestion de l’extinction, ce scénario comporte beaucoup de risques et de fragilités.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’avoue ne pas avoir compris la totalité des explications. Quels sont ceux de vos prédécesseurs qui ont décidé de souscrire les contrats de swaps ? Avez-vous étudié l’ensemble des moyens pour les poursuivre et récupérer les avantages financiers – je fais allusions aux retraites « chapeau » – qui leur ont été accordés ? Quels sont les risques pesant sur la rentabilité future de Dexia ? La garantie de financement accordée par la Belgique fait l’objet d’un recours : quel en est l’objet, et quand la décision du Conseil d’État belge sera-t-elle rendue ? En France, quelles seront les conséquences de certains jugements, en particulier celui du tribunal de Nanterre ?

M. le président Gilles Carrez. L’encours de prêts toxiques a été repris par la SFIL, dont l’État français est actionnaire à 75 %. Confirmez-vous que Dexia n’a accordé aucune garantie sur ce stock de prêts, contrairement à ce qui était prévu au départ ?

M. Robert de Metz. La politique de recours aux swaps remonte à 1998-1999. Elle a toujours été approuvée par les régulateurs et a permis au groupe de bénéficier d’une valeur en risque très faible. Les 29 milliards de dépôt de garantie que j’ai évoqués correspondent, pour Dexia, à la perte économique latente résultant de la baisse des taux. Si nous n’avions pas souscrit ces contrats, le portefeuille de la banque serait valorisé d’autant, certes, mais nous aurions entretemps été en totale infraction avec les ratios bancaires, qui ont précisément pour objet d’interdire de prendre des positions aussi spéculatives.

En d’autres termes, Dexia a considéré à un moment donné qu’en empruntant en swaps à taux fixe de 4,6 % à 10 ans, pour des prêts à 5 %, elle se mettait à l’abri d’un risque de remontée des taux. Personne ne pouvait imaginer à l’époque que les taux d’intérêt baisseraient aussi brutalement. Notre exposition à une hausse des taux et, partant, notre valeur en risque, principal paramètre de suivi des risques de marché, étaient très faibles, ce dont les régulateurs se félicitaient. Par la suite, la nécessité de déposer des actifs en garantie nous a coûté très cher. Au plus fort de la deuxième crise, il y a eu jusqu’à 46 milliards de dépôts de garantie sur nos swaps ! Il n’en reste pas moins que la stratégie de départ était prudente.

S’agissant des dirigeants, la jurisprudence relative aux fautes de gestion est claire. Néanmoins, les paramètres à respecter sont nombreux et les juges ne sont pas très à l’aise pour statuer sur ces sujets. Ils se prononcent d’abord sur l’existence d’un processus structuré de décision et sur le respect de ce processus. Dans le cas de Dexia, la réponse est oui. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une personne isolée qui aurait fait n’importe quoi dans son coin. Ils se prononcent ensuite sur l’opportunité des décisions de gestion en fonction de la situation au moment où la décision a été prise, et non – la jurisprudence précise bien ce point – en fonction de la situation ultérieure. Ils se prononcent enfin sur le respect des usages courants de la profession. Dans la mesure où l’ensemble des agences attribuaient à Dexia la note AAA et où toutes les instances de contrôle étaient satisfaites, un recours aurait été hasardeux.

M. Pierre Mariani a décidé de diviser par deux la retraite chapeau du vice-président au moment du départ de celui-ci, au début de 2009. S’agissant de la retraite chapeau de M. Pierre Richard, dont je rappelle qu’il a quitté ses fonctions opérationnelles – tout en restant président du conseil d’administration – le 31 décembre 2005, nous avions préparé un dossier juridique, conformément à la demande du conseil d’administration et à la suite des demandes répétées de l’État français. Ce dossier avait des forces et des faiblesses. Pour finir, j’ai personnellement négocié avec M. Richard pour qu’il abandonne lui aussi la moitié de sa retraite chapeau, sachant que la probabilité de récupérer les sommes versées paraissait très faible.

M. Charles de Courson. Quel en était le montant ?

M. Robert de Metz. La retraite chapeau s’élevait à 600 000 euros par an, soit 32 % de la dernière rémunération.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que nous avions voté à l’unanimité la taxation spécifique de ces revenus.

M. Robert de Metz. Dans le cas du vice-président, on a ramené de 4 à 2 millions d’euros le montant du capital destiné à la retraite chapeau, étant entendu que ce capital est versé à une compagnie d’assurances qui le convertit en rente. Le principe d’intangibilité des contrats de rente en droit français réduit la marge de manœuvre sur ces sujets.

M. Karel De Boeck. Lorsque le taux d’intérêt à 10 ans augmente de 10 points de base, nous devons déposer 1 milliard d’euros de plus en garantie. Ce n’est pas de l’argent que nous perdons, c’est de l’argent mis en gage. Cela étant, lorsque nous sommes contraints de nous financer auprès des banques centrales, le coût est très élevé : environ 2 %.

M. Henri Emmanuelli. Quels sont les produits compris dans les 250 milliards d’euros d’actif restant ? S’agit-il de prêt à des collectivités, de prêts souverains ?

M. le président Gilles Carrez. Nous nous interrogeons tous sur ce point. D’où vient cette masse considérable d’obligations ?

M. Karel De Boeck commente un tableau, projeté sur écran, présentant les montants de l’actif par pays et par type de débiteur.

M. Karel De Boeck. En Italie, par exemple, nous avons 14 milliards d’euros d’obligations de l’État et 15 milliards de prêts au secteur public local, qui est du reste en bonne santé : aucun débiteur n’est en retard, même s’il existe quelques litiges – que nous gagnons, pour la plupart – sur la validité des swaps adossés. Aux États-Unis et au Canada, les prêts hypothécaires sont sains. Nous avons en revanche une petite crainte s’agissant des prêts étudiants.

Mme Arlette Grosskost. Il y a de grosses craintes !

M. Karel De Boeck. Disons que c’est un secteur sous surveillance.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez acquérir une compétence universelle !

M. Karel De Boeck. Dexia était une banque universelle. Certaines des lignes de ce tableau, déjà très complexes, le sont devenues plus encore du fait de la séparation avec FSA
– Financial Security Assurance.

M. Henri Emmanuelli. Quels sont, selon vous, les pays les plus menacés ?

M. Karel De Boeck. L’un des principaux risques tient aux risques juridiques associés à certaines créances sur des collectivités locales françaises.

M. Karel De Boeck présente un second tableau présentant les montants de l’actif selon la notation des débiteurs.

M. Charles de Courson. À quoi correspondent les actifs rangés dans la colonne NR – not rated ?

M. Robert de Metz. À des financements de projets. Ceux-ci ne sont pas forcément notés par les agences.

M. Alain Clot, directeur général délégué de Dexia Crédit local. Dexia a été l’un des leaders mondiaux dans ce domaine, en particulier pour le financement de grands projets d’infrastructures publiques et de projets environnementaux. Ces actifs sont statistiquement d’excellente qualité. Le financement de projet permet de prêter, non pas à un emprunteur, mais au projet lui-même : ce sont les fonds générés par l’infrastructure qui remboursent le créancier.

M. Alain Fauré. Qu’en est-il des prêts à la Grèce ?

M. Robert de Metz. Nous avons pris une très grosse perte en 2011. Le solde a pu être vendu avec un profit de 20 ou 30 millions d’euros.

M. Charles de Courson. Étant donné l’incroyable diversité de vos actifs, la prévisibilité des résultats est, vous l’avez dit, très hypothétique. En tant que représentant du peuple français, je considère que les 5,5 milliards d’euros de recapitalisation sont perdus et je me demande si nous ne devons pas passer des provisions pour la garantie que la France a accordée à hauteur de 32 milliards. Si vous étiez auditeur des comptes de l’État français, à combien fixeriez-vous ces provisions ?

M. Karel De Boeck. Je ne pense pas que je vous inciterais à provisionner. Nous sommes toujours actifs, nous appliquons un plan. Évidemment, il faut exercer une surveillance à chaque clôture et à chaque position intermédiaire. Si, demain, l’économie reprend, cela se traduira immanquablement par une hausse des taux longs. Ce sera une mauvaise nouvelle pour les dettes souveraines mais une bonne nouvelle pour Dexia qui passera facilement, dans ce cas, le cap de 2017. Les possibilités de hausse des taux sont actuellement plus importantes que les possibilités de baisse, pour peu que l’on retrouve confiance dans l’économie ! Si les taux remontent à 4 % – ce qu’on ne peut souhaiter, vu l’endettement des États –, Dexia devient bénéficiaire.

M. Charles de Courson. Et pourrait, paradoxalement, intervenir en couverture partielle des États !

M. Karel De Boeck. À la fin de 2012, les prêts garantis par les États s’élevaient à 74 milliards d’euros. Après être descendus à 65 milliards, nous sommes remontés à 70 milliards le mois dernier. Selon le plan, ce montant devrait baisser : 40 milliards en 2017 et 33 milliards en 2018. Cela vaut la peine de se battre !

M. Robert de Metz. La Commission européenne a avalisé le plan avant que nous ne puissions y intégrer les effets de la taxe sur les transactions financières. Appliquée à l’année 2012, cette taxe nous aurait coûté 574 millions d’euros. Pour 2013, nous estimons le coût à environ 700 millions d’euros. Pour des raisons de risque, en effet, nous pratiquons activement le « repo » – c’est-à-dire la pension livrée –, souvent au jour le jour. La taxe étant appliquée à chaque mutation, les montants sont considérables et nous n’en avons pas prévu le refinancement dans nos plans.

Mme Arlette Grosskost. Des prêts toxiques sont encore en circulation. Pour quels montants ? Quel degré de dangerosité vos nouveaux produits structurés présentent-ils ? Par ailleurs, les recapitalisations ont-elles été comptabilisées comme un investissement ou comme une perte pour les pays qui les ont consenties ?

M. le président Gilles Carrez. Eurostat ne les ayant pas considérées comme des investissements en 2011, je pense que cela n’a pas été le cas non plus en 2008.

Mme Arlette Grosskost. En cas de difficulté, Dexia privilégierait-elle une recapitalisation ou l’appel de la garantie des États ? Enfin, la banque faisait l’objet au 26 avril 2013 de 98 assignations. Quel est le risque global, sachant que le tribunal de grande instance de Nanterre a donné raison au département de la Seine-Saint-Denis ?

M. le président Gilles Carrez. La décision du TGI de Nanterre porte sur la forme : les télécopies auraient dû mentionner le taux effectif global – TEG. Sur le fond, en revanche, le tribunal estime que le département était tout à fait apte à comprendre ce qu’il signait. La question est maintenant de savoir ce que fera le Gouvernement. Présentera-t-il un projet de loi de validation ?

M. Henri Emmanuelli. Il serait anormal que les contribuables des collectivités bien gérées paient pour les collectivités mal gérées !

M. le président Gilles Carrez. Je suis entièrement d’accord.

M. Henri Emmanuelli. Si l’État veut faire un geste s’agissant des cas les plus inacceptables, il faut cantonner la somme au départ.

M. Michel Pajon. Il fut une époque où les collaborateurs de Dexia venaient chaque année noter, avec beaucoup d’autorité, la qualité de la gestion financière de nos villes. Je souhaite malgré tout remercier Dexia pour l’aide qu’elle a apportée à ma ville, à un moment où elle était la sixième ville la plus endettée de France et où les banques ne se bousculaient pas pour lui prêter des fonds.

Récemment, un juge fédéral américain a relancé une action en justice de Dexia contre JPMorgan Chase. Votre groupe estime avoir été trompé sur les qualités de 65 certificats de titres adossés à des crédits immobiliers, achetés entre 2005 et 2007 auprès de JPMorgan, Bear Stearns et Washington Mutual. Il demande à JPMorgan Chase 774 millions de dollars de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Pouvez-vous nous donner des détails concernant cette procédure ? Avez-vous engagé des actions contre les autres groupes bancaires impliqués, et, le cas échéant, pour quel montant de dommages et intérêts ?

M. Éric Alauzet. Quelle est votre appréciation du climat psychologique qui a conduit les collectivités locales à souscrire ces prêts et les banquiers à les proposer ? On pouvait tout de même se douter que le fait de bénéficier de taux avantageux paierait un jour ou l’autre ! Au vu des difficultés actuelles de la banque, les rémunérations exceptionnelles des dirigeants ont-elles été suspendues et les rémunérations habituelles revues à la baisse ? Les conditions de sortie des dirigeants arrivés depuis la crise de 2008-2009 ont-elle également fait l’objet d’une révision ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vos prévisions reposent sur une estimation de la solidité des actifs du secteur local français. Dans l’hypothèse, probable, où les prochains budgets imposeraient une baisse drastique des ressources des collectivités territoriales, quelles seraient les conséquences en termes de solvabilité des emprunteurs ? Par ailleurs, vous avez réduit vos effectifs de 35 000 à 3 400. Cela signifie-t-il que 90 % des personnels de la banque étaient uniquement affectés à la commercialisation ? Votre objectif de 1 300 correspond-il à l’effectif nécessaire au back office ? Comment l’atteindrez-vous ?

M. Alain Fauré. Pourquoi les prêts de Dexia aux collectivités n’étaient-ils pas capés ? Cela n’indique-t-il pas que la banque avait conscience, dès le départ, qu’elle pourrait prendre des risques intéressants pour elle ? Je souhaiterais également savoir qui vous a racheté la part de dette grecque que vous avez vendue. Par ailleurs, j’ai bien compris que la banque n’a pas l’intention de renégocier les taux avec les collectivités, puisque, vous l’avez dit, cela remettrait en cause son équilibre. Enfin, ma collègue Monique Rabin souhaiterait que vous transmettiez une liste des collectivités concernées par les emprunts toxiques, afin de corriger les informations erronées que la presse a données sur certaines communes.

M. Régis Juanico. Le Gouvernement a fait une priorité de l’assainissement des emprunts structurés à risque. En novembre dernier, il a présenté un plan : création, à l’intention des collectivités concernées, d’une cellule nationale d’aide au diagnostic et à la gestion des risques, aide à la renégociation de prêts et vote en loi de finances d’un mécanisme spécifique d’aide aux collectivités locales les plus en difficulté. Ce plan incite également les banques à offrir un refinancement des prêts toxiques afin de les désensibiliser. Pourriez-vous préciser, à cet égard, le montant des emprunts toxiques transférés à la SFIL ?

Après l’échec des négociations menées depuis plusieurs années, la ville de Saint-Étienne a engagé une procédure contentieuse contre Dexia pour obtenir l’annulation d’un prêt de 161 millions d’euros qui présentait un risque de perte de 46 millions. Quelle sera votre attitude dans les contentieux de ce type ? Comment envisagez-vous de sortir d’une situation de blocage où les banques renvoient à l’État tandis que les collectivités locales affirment que c’est aux banques de payer ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous pensons surtout aux collectivités locales qui s’estiment lésées. Des élus ont été imprudents, inconscients même, mais certains ont hérité de situations dont ils ne sont absolument pas responsables. Quelques mois avant l’élection présidentielle, la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux avait adopté à l’unanimité plusieurs préconisations dont il serait bon que l’on s’inspire. Êtes-vous prêts, notamment, à négocier les prêts par paquets, à partir des plus toxiques d’entre eux ? On ne peut nier que certains ont été consentis assez abusivement. Dexia a par exemple proposé aux élus, qui s’imaginaient avoir pour interlocuteur l’héritier du Crédit local de France, un produit baptisé « Tofix » dont les taux étaient tout sauf fixes !

Cela dit, je pense comme Henri Emmanuelli qu’il n’appartient pas aux contribuables français dans leur ensemble de se substituer aux contribuables locaux. Après tout, certains élus n’ont pas succombé à l’attrait de vos produits !

La commission d’enquête recommandait également que les prêts soient capés. Le risque des prêts aux collectivités locales est quasi nul, puisque l’impôt constitue une variable d’ajustement pour le remboursement. La question est surtout de trouver le moyen de sortir de ces difficultés, dans une période où l’on a grand besoin de l’aide active de la puissance publique pour soutenir l’activité économique.

M. Karel De Boeck. Deux « éléphants roses » – des problèmes à plus d’un milliard d’euros – se sont mis en travers de notre route, un belge et un français.

En Belgique, deux parlementaires écologistes et deux groupes d’activistes ont engagé une procédure sur la validité de la garantie de l’État. Bien que le danger, de l’avis des meilleurs juristes, fût mince, nous étions prêts à lancer un roadshow pour récolter des fonds
– en l’occurrence 40 milliards d’euros. Les conditions très dures que l’on nous a fixées nous ont amenés à abandonner cette perspective. En revanche, une disposition législative avec effet rétroactif a été présentée, en lieu et place de l’arrêté royal, sur les garanties bancaires accordées à Dexia. Le texte est en cours de discussion au Parlement. Nous attendons une issue favorable le 7 juin. En France, le problème a déjà été évoqué : c’est celui que pose la décision du TGI de Nanterre.

J’en viens à la question concernant le choix entre augmentation de capital et garantie. Il est évident que les augmentations de capital constituent la cristallisation d’une garantie donnée. J’espère que nous pourrons un jour procéder à des diminutions de capital, de manière à rendre aux États ce qu’ils ont versé. Mais si nous sommes contraints d’appeler une garantie en raison d’un défaut ou d’un doute sur la pérennité d’un actif, c’est la fin de Dexia. Dans une telle hypothèse, les États auraient à décaisser les sommes garanties dans les trois jours et la confiance dans l’établissement s’effondrerait.

Concernant JPMorgan, tous les RMBS – residential mortgage-backed security – ont été vendus. La perte s’élève 3,5 ou 3,6 milliards de dollars. J’ai choisi d’intenter des procès en la matière car nous avons été trompés. La technique est simple : on met un paquet d’hypothèques à l’actif d’un instrument hors bilan et on découpe en tranches le passif selon le risque. Il était prévu que les prêts hypothécaires seraient de qualité. Or, selon nous, il est impossible que ces exigences de qualité aient été tenues dans la réalité. La tromperie est manifeste, mais nous devons, à ce stade, prouver qu’elle est intentionnelle. Dans cette procédure, on pratique habituellement le total disclosure – la divulgation complète –, ce qui implique l’analyse de millions de courriers électroniques, de contrats, etc., pour prouver la tromperie intentionnelle. C’est un sujet qui me met en colère : alors que l’Europe a dû intervenir pour des crédits douteux à hauteur de 7 000 milliards, elle est déboutée par les juges américains et doit se satisfaire de compensations qui ne représentent que quelques pourcents des pertes occasionnées. L’an dernier, par exemple, Dexia a récupéré 30 millions, ce qui est dérisoire par rapport à la perte de 500 millions de dollars en regard.

M. Robert de Metz. Concernant les effectifs, le chiffre de 35 000 inclut l’ensemble des filiales de Dexia – plus de 10 000 personnes en Turquie, par exemple.

M. Alain Clot. En France, le plan de résolution a conduit Dexia à lancer avec les partenaires sociaux, à partir de l’été 2011, un plan de sauvegarde de l’emploi qui s’est traduit par la suppression d’environ 350 postes du fait de l’arrêt de l’activité commerciale du groupe. Pour l’essentiel, les effectifs ont été transférés à la SFIL et à La Banque postale. Nous espérons réduire à quelques dizaines le solde des départs contraints.

M. Karel De Boeck. Pour expliquer le passage de 3 000 emplois actuellement à 1 300, je rappelle que nous sommes en train de vendre trois sociétés : DAM, qui emploie 500 personnes au Luxembourg, en Belgique et en France, DTS – Dexia Technology Services –, notre infrastructure informatique, qui emploie 500 personnes, et Sofaxis, qui emploie 460 personnes. Il n’y a pas de plan social.

M. Robert de Metz. En matière de rémunérations, je vous renvoie à notre rapport annuel pour 2012. Nous avons supprimé toutes les rémunérations variables des hauts dirigeants et plafonné à 30 % du salaire fixe celles qui sont octroyées à certaines fonctions très techniques. Nous avons également supprimé les parts de rémunération variable de l’ancienne équipe – que, par anticipation, nous n’avions d’ailleurs pas payées.

J’en viens à la question de M. Alauzet sur le contexte psychologique. Avec plus de 40 % de parts, Dexia était le leader du marché des prêts aux collectivités locales. À partir de 2005-2006, différentes banques étrangères ont commencé à grignoter sa position en proposant des prêts plus ou moins risqués et complexes. Dans ce domaine, la banque était un suiveur. Elle s’est mise à vendre des produits sensibles pour protéger sa position. Les collectivités empruntaient alors à des taux encore élevés. La tentation de remplacer des prêts à 5,5 %, 6 % ou 7 % – voire plus dans le cas de prêts plus anciens – par des prêts beaucoup moins chers était forte. Comme on n’a rien sans rien, les nouveaux prêts comportaient soit une option de taux d’intérêt, soit une option de change, permettant de couvrir la prime de remboursement de l’ancien prêt. Cela dit, Dexia s’est toujours refusée à vendre des produits très dangereux – les produits à cliquet, par exemple.

Aucun prêt sensible hors charte n’a été distribué à compter d’octobre 2008. Nous avons toujours mené un dialogue très actif pour rechercher des solutions de désensibilisation. Le dispositif actuel dissocie Dexia Crédit local et la SFIL, laquelle a racheté DMA, désormais appelée CAFFIL – Caisse française de financement local. Cette structure permet d’émettre des emprunts non seulement garantis par les actifs – les prêts aux collectivités territoriales –, mais aussi dépourvus de risque. De par la loi, elle ne peut avoir de personnel et se livrer à des opérations spéculatives. Elle détient seulement un portefeuille de crédits répondant aux critères pour lesquels elle a été créée. Pour se refinancer, elle peut revendre des prêts hypothécaires dans de très bonnes conditions. Comme l’a indiqué M. De Boeck, la vente de ce véhicule pour un euro s’est traduite par une perte de 1,8 milliard d’euros pour Dexia. La SFIL dispose ainsi d’un « matelas de sécurité » qui ne lui a rien coûté et qui lui permettra de prendre certaines pertes. Quant au véhicule commercial, il sera progressivement repris par La Banque postale. Le cadre ayant été fixé par la Commission européenne, notre marge de manœuvre est réduite. La seule production de crédit autorisée à Dexia Crédit local est une enveloppe de 600 millions d’euros qui devra être répartie sur 2013 et 2014 et qui ne pourra servir qu’à la désensibilisation des prêts existants.

Mme Marie-Christine Dalloz. Où en est-on dans la consommation de cette somme ?

M. Robert de Metz. L’attentisme provoqué par la décision du TGI de Nanterre a beaucoup perturbé le processus. Je précise qu’environ 80 % des prêts – en valeur – ont été transférés à la SFIL.

M. Dominique Lefebvre. À combien estimez-vous le risque auquel Dexia reste exposée ? Eu égard au capital et aux garanties apportés par l’État français à Dexia, vos propos ne nous ont pas complètement rassurés !

M. le président Gilles Carrez. Je souhaite moi aussi avoir des précisions sur la répartition entre les prêts sensibles qui seront gérés par la SFIL et ceux qui restent dans votre banque.

M. Robert de Metz. Tout ce qui était détenu par DMA est passé à la SFIL. Il n’y a pas eu de tri.

Pour ce qui est des taux, les chiffres ne sont pas aussi spectaculaires que ce qu’ont avancé certaines gazettes. Au 31 décembre dernier, Dexia Crédit local et la SFIL détenaient 3,8 milliards d’euros de prêts sensibles dont le taux moyen payé était de 4,12 %. Le taux moyen du décile acquittant les intérêts les plus élevés était de 6,27 %, ce qui est cher mais pas extravagant. Quant au décile acquittant les intérêts les plus faibles, son taux moyen est de 0,30 %. Après la décision du tribunal de Nanterre, nous avons reçu ce matin une demande pour faire passer un taux de 0,70 % à 0,04 %, soit le taux d’intérêt légal !

Permettez-moi de rappeler que le tribunal de Nanterre a donné raison à Dexia sur le fond, confirmant que le département de la Seine-Saint-Denis avait conclu des contrats de prêt et non des contrats d’instruments financiers spéculatifs, que ces contrats étaient conformes à la réglementation, que le département était compétent pour les passer, que ses représentants les avaient signés en toute connaissance de cause et que nous n’avions manqué en aucune manière à notre devoir d’information et de conseil. Le département a été débouté de ses demandes d’annulation et de dommages et intérêts.

Dexia a été condamnée pour un vice de forme. Le tribunal a estimé que l’absence de mention du TEG dans les télécopies nous mettait en infraction et que nous devions appliquer le taux légal. Si cette décision devait faire jurisprudence, elle s’appliquerait à tous les crédits, quels qu’ils soient. Pour ma part, je crois qu’elle est très surprenante. Alors qu’on nous a donné raison sur le fond, on nous applique un raisonnement purement formel. Il est inutile de vous rappeler qu’en souscrivant un emprunt, une collectivité effectue un acte administratif unilatéral soumis à un contrôle de légalité par le trésorier-payeur général. L’exécution de cet acte par un contrat de droit privé ne peut intervenir qu’après que le TPG a vérifié que le contrat mentionne un TEG. En considérant que la télécopie constitue un contrat, on néglige ces dispositions prévues par le doit administratif. De surcroît, la décision porte sur un prêt indexé dont le taux affiché n’est pas le taux réellement payé par la collectivité. Même si la réglementation le prévoit, faire mention du TEG dans ce cas n’a aucun sens.

Au total, la sanction est disproportionnée par rapport à l’élément de forme invoqué, qui se rapporte à un paramètre, le TEG, conçu non pas à l’intention des collectivités locales mais pour éviter les « arnaques » de base dans les crédits à la consommation. Bien que nous ayons fait appel, la décision a fait l’objet de larges commentaires et le nombre des assignations que nous avons reçues a connu une augmentation sensible. Beaucoup de collectivités sont désormais dans l’expectative, si bien que notre campagne de prêts de désensibilisation donne des résultats décevants. C’est un réel problème !

Seuls dix prêts – dont deux font l’objet de discussions très avancées – ont des taux compris entre 15,5 et 13,7 %. Ces taux sont élevés mais sans commune mesure avec ceux évoqués par la presse, qui concernent sans doute d’autres établissements. Quoi qu’il en soit, le coût du traitement de ces cas extrêmes sera probablement inférieur à ce qu’on a évoqué.

M. Alain Clot. Le problème vient principalement des emprunts en francs suisses. En Europe, les entreprises, les collectivités, et même les particuliers frontaliers, ont contracté massivement ces emprunts, considérant que l’écart était quasi structurel. La crise de 2008 a apporté un démenti cruel à cette conception. Mais Dexia n’est pas concernée par les produits à cliquet ou par les swaps spéculatifs.

M. Robert de Metz. Ce qui coûte désormais très cher, c’est le rachat de l’option de change. La question est de savoir si la banque sort complètement ou partiellement du risque, et dans quelles conditions.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie pour cette audition très utile.

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Informations relatives à la Commission

1.– La Commission a désigné Mme Christine Pires Beaune rapporteure pour avis sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (sous réserve de sa transmission).

2.– La Commission a reçu, en application de l’article 12 de la loi organique relative aux lois de finances :

– un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 1 500 000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont 1 500 en titre 2, du programme 232 Vie politique, culturelle et associative de la mission Administration générale et territoriale de l’État à destination du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires de la mission Action extérieure de l’État.

Ce transfert correspond au financement de l’organisation d’élections législatives partielles pour les Français établis hors de France. En effet, le 15 février 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré inéligibles les députés dans les 1re et 8e circonscriptions électorales des Français établis hors de France. Deux nouveaux scrutins doivent par conséquent être organisés dans un délai de trois mois ;

– un projet de décret portant transfert de crédits d’un montant de 558 588 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont 558 588 euros en titre 2, et de 11 équivalents temps plein travaillés. Ce transfert s’effectue du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur vers le programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles de la mission Recherche et enseignement supérieur.

La loi de finances pour 2013 a prévu la création de 1 000 emplois nouveaux pour l’enseignement supérieur et la recherche sur le programme 150, dont 20 doivent être affectés aux établissements relevant de l’enseignement supérieur agricole.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 22 mai 2013 à 16 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, M. Michel Pajon, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, M. Gérard Terrier, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Gaby Charroux, M. Jean-Louis Dumont, M. Pierre-Alain Muet, M. Thierry Robert, M. Pascal Terrasse

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