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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 12 juin 2013

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 94

Présidence de M. Gilles Carrez, Président.

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du Budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (n° 1083)

–  Présences en réunion 20

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du Budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (n° 1083).

M. le président Gilles Carrez. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du Budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012, dont l’examen en séance publique, associé, comme depuis plusieurs années, avec le débat d’orientation des finances publiques, aura finalement lieu non pas lundi 24 juin, mais courant juillet, à une date non encore fixée.

Notre Commission a débuté ses travaux sur l’exécution des comptes de 2012 en auditionnant le 28 mai dernier M. Didier Migaud, en sa double qualité de Premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques. Cette audition portait également sur la certification des comptes de l’année 2012 et sur le solde structurel des administrations publiques tel qu’il figure dans le projet de loi de règlement. L’objet de votre venue, monsieur le ministre, est de nous présenter ce projet au nom du Gouvernement ; toutefois, comme nous n’examinerons pas les comptes 2013, dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques pour 2014, avant deux à trois semaines, je vous demande par avance de faire preuve d’indulgence envers les questions qui pourraient porter sur le début de l’exécution du budget pour 2013 et qui s’expliquent par la légitime impatience de mes collègues à cette période de l’année.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du Budget. Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil et je sais gré aux membres de votre Commission d’être présents. Je tiens à vous dire mon vif intérêt pour l’exercice auquel nous allons nous livrer, d’autant que j’ai conscience des questions que se posent les commissaires au sujet des conditions de l’exécution du budget pour 2012, pour avoir lu très attentivement, comme toujours en pareil cas, le compte rendu de l’audition de M. Migaud. Et puisque vous m’y invitez, je profiterai de mon exposé liminaire pour donner également quelques informations sur l’année 2013.

J’insisterai d’abord sur la grande attention que j’accorde à mes relations avec votre Commission, lesquelles doivent être régies par une exigence mutuelle de transparence en matière de finances publiques. Elle explique que je sois venu dès le 16 avril vous rendre compte des conditions de l’exécution du budget pour 2012 et que je sois revenu devant vous le lendemain, avec le ministre de l’Économie et des finances, pour vous présenter le programme de stabilité, avant de faire de même au Sénat. Je suis heureux que la présentation du projet de loi de règlement me fournisse aujourd’hui l’occasion d’entrer davantage dans les détails.

Un premier motif de satisfaction nous est donné par la transparence des relations entre, d’une part, la Cour des comptes, et, désormais, le Haut Conseil des finances publiques, et, d’autre part, le Gouvernement, en matière de certification des comptes. La France est l’un des seuls pays européens à se livrer – pour la septième année consécutive – à cet exercice, qui garantit à la représentation nationale et au pays tout entier la parfaite fiabilité des informations que nous présentons. Nous pouvons en être fiers.

Je mentionnerai ensuite le nouveau dispositif informatique Chorus, outil moderne de gestion budgétaire et comptable. Je remercie toutes les administrations qui se sont mobilisées depuis plusieurs années pour le développer.

Rappelons que la Cour des comptes a assorti sa certification des comptes pour l’exercice 2012 de sept réserves – donc cinq substantielles, soit deux de moins que l’année précédente. C’est ensemble, notamment par le dialogue entre le Gouvernement et votre Commission, que nous avons accru la transparence, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Le 28 mai dernier, le Premier président de la Cour a ainsi salué devant vous plusieurs progrès, soulignant qu’après l’« essoufflement de la trajectoire d’amélioration de la qualité des comptes entamée en 2007 […], un véritable redémarrage des chantiers avait été observé en 2012 », ce dont je tiens à remercier l’administration des finances.

En outre, le projet de loi de règlement inclut désormais, en application de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, un article liminaire qui porte à la connaissance de la représentation nationale un tableau de synthèse retraçant le solde structurel, abstraction faite de l’effet de la conjoncture économique, et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2012. En vertu de l’article 23 de la même loi organique, le Haut Conseil des finances publiques s’est prononcé sur le respect des objectifs fixés pour l’année 2012 par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017. Cet avis public d’un organisme indépendant, gage supplémentaire de transparence, a été souhaité par le Gouvernement, soutenu par une large majorité de votre Assemblée.

Après ces considérations sur les rapports entre le Gouvernement, la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et le Parlement, j’en viens à l’adéquation entre les objectifs que nous nous étions assignés et les résultats que nous avons obtenus. De manière générale, nos objectifs, pourtant ambitieux, sont atteints en 2012 malgré l’état de dégradation dans lequel nous avons trouvé les finances publiques.

Tout d’abord, le présent projet de loi de règlement confirme que, contrairement à ce que j’ai pu entendre ou lire, il y a bien une réduction du déficit budgétaire de l’État entre 2011 et 2012, de 90,7 à 87,1 milliards d’euros, bien que la stagnation de l’activité en 2012 ait pu peser sur le dynamisme des recettes. Rappelons que la loi de finances initiale avait été fondée sur une hypothèse de croissance de 1 %, alors que la croissance constatée à la fin de l’année 2012 était nulle. Le solde est conforme à la prévision de la troisième loi de finances rectificative, qui était de 86,2 milliards, l’écart résultant surtout d’un dynamisme des recettes inférieur à ce qui était escompté.

Afin d’atteindre cet objectif, la majorité a dû prendre à partir de l’été 2012 plusieurs décisions sans lesquelles le déficit budgétaire constaté en fin de période aurait été plus élevé. Pour reprendre les termes employés par le président Migaud lors de son audition, « les nouvelles recettes fiscales ont joué un rôle prépondérant dans l’amélioration du solde budgétaire » : sans elles, le déficit public aurait été de l’ordre de 5 à 5,5 % du PIB, bien loin de l’objectif que le précédent gouvernement s’était fixé. De même, la dotation au Mécanisme européen de stabilité – MES – et la recapitalisation de Dexia, qui n’étaient pas prévues en loi de finances initiale, ont pesé sur le déficit budgétaire pour 2012. Aucune personne un tant soit peu au fait des finances publiques ne le contestera : il était impossible de compenser en cours d’année ces dépenses exceptionnelles, qui se sont élevées à 9,3 milliards d’euros.

La Cour s’est interrogée sur les raisons pour lesquelles les recettes de TVA ont été inférieures, d’environ 3 milliards d’euros, aux prévisions inscrites dans la loi de finances rectificative qui vous a été présentée le 14 novembre 2012. Ces raisons, les voici. Je l’ai dit, à la fin de l’année 2012, la croissance constatée était nulle alors que nous avions fondé la troisième loi de finances rectificative sur une hypothèse de croissance de 0,3 %. Le ralentissement a été incontestablement marqué en fin d’année, ce qui a rejailli sur les recettes de TVA, pour 900 millions d’euros. Par ailleurs, dans un contexte de croissance nulle, les Français ont pu privilégier des produits de première nécessité soumis à un taux de TVA plus faible, ce qui a réduit de 600 millions le rendement des recettes de TVA : c’est ce que l’on appelle l’« effet structure ». Enfin, l’écart s’explique, pour 400 millions d’euros environ, par le fait que les entreprises, en cette période de crise, ont demandé plus systématiquement qu’à l’accoutumée le remboursement de la TVA, pour satisfaire des besoins de trésorerie.

Au total, la crise, qui s’est fait particulièrement ressentir au cours du dernier trimestre 2012, explique donc l’écart à hauteur de 2 milliards d’euros. Reste à rendre compte du milliard résiduel. La Cour se demande s’il est imputable à des modifications des comportements, notamment à la multiplication des achats sur Internet ou à des fraudes. Toutefois, comme ce montant ne correspond qu’à 1 % du produit total de TVA perçu en 2012, je vous propose qu’en attendant de pouvoir nous assurer de la permanence du phénomène, nous privilégiions l’hypothèse de l’aléa. Rappelons qu’en 2009, des écarts significatifs ont été constatés qui ne se sont pas reproduits au cours des années suivantes. Cela confirme qu’il convient, pour affiner l’analyse, d’étudier l’évolution à plus long terme.

L’amélioration du déficit budgétaire a été rendue possible par une stricte maîtrise des dépenses de l’État, qui, dette et pensions comprises, connaissent une baisse historique de 300 millions d’euros, alors même que des risques de dérapage, à hauteur de 2 milliards d’euros, avaient été identifiés à l’été 2012 par la Cour des comptes, notamment dans son audit. Cette baisse s’explique par une gestion particulièrement méticuleuse en 2012. Nous avons décidé un surgel de 1,5 milliard d’euros dès le mois de juillet et les crédits ainsi mis en réserve n’ont pas été dégelés en cours d’année, à l’exception de ceux qui étaient nécessaires pour couvrir certaines dépenses urgentes, dont les dépenses de bourses et de retraites. Cela nous a permis d’anticiper certaines dépenses de fin de gestion. Au 1er novembre 2012, la réserve de précaution s’élevait à 5,9 milliards d’euros.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire pour 2012, l’effort de maîtrise de la dépense a donc été significatif. La Cour observe également que les normes de dépense ont été strictement respectées. Les dépenses sous norme « zéro valeur » ont ainsi baissé de 2,2 milliards d’euros, les dépenses de masse salariale sont restées quasiment stables et non seulement les schémas d’emplois ont été respectés, mais 27 182 emplois sont touchés au lieu des 26 123 prévus dans la loi de finances rectificative de l’été 2012, du fait de suppressions de postes supérieures aux prévisions dans le secteur de la défense. Nous avons également maîtrisé l’évolution des dépenses d’assurance maladie, puisque l’ONDAM exécuté est inférieur d’un milliard à celui qu’avait voté la précédente majorité.

Au total, les dépenses publiques, hors éléments exceptionnels, ont progressé en 2012 de 0,7 % en volume, contre 0,9 % en 2011, et plus de 1,7 % en moyenne au cours du précédent quinquennat. Dans ce contexte, n’est-il pas injuste de taxer de laxisme la gestion de l’actuel gouvernement, qu’il s’agisse des dépenses de l’État ou de celles de l’assurance maladie ? Nous avons surpassé les objectifs que le précédent gouvernement s’était fixés. Derrière la sécheresse des chiffres, il y a une réalité : nous nous efforçons de poursuivre résolument nos objectifs de sérieux budgétaire.

L’ajustement structurel est globalement conforme aux objectifs de la loi de programmation des finances publiques, soit 1,2 % du PIB. La Cour des comptes l’a qualifié de très significatif – et pour cause : un tel ajustement n’avait pas été constaté depuis 1996, lors de la qualification de notre pays pour le passage à l’euro. Il convient de comparer les chiffres de 2012 à ceux des années précédentes, car c’est généralement en tendance que l’on peut apprécier de manière juste et honnête les efforts accomplis. Or, entre 2006 et 2011, le déficit structurel s’est dégradé de 2 points et, en 2011, il était encore supérieur à 5 % du PIB, alors que nous l’avons ramené en 2012 à son niveau de 2007.

Cet effort a également permis des mesures en recettes. Le Gouvernement assume totalement son choix d’avoir fait principalement dépendre de ces dernières l’ajustement opéré, en raison de l’urgence qui a présidé à l’adoption du collectif budgétaire lors de la session extraordinaire de juillet 2012. Car les mesures de prélèvements sont d’effet immédiat alors que les économies supposent un travail approfondi, un dialogue entre et avec les administrations, des échanges poussés avec les collectivités territoriales et une modernisation de l’action publique, sauf à se contenter d’un coup de rabot sommaire ou d’une approche arithmétique qui n’ont guère de chances de produire des résultats durables. Rappelons que les 22 milliards d’euros de hausses d’impôts en 2012 se décomposent comme suit : 7 milliards votés par l’actuelle majorité et 15 par la majorité précédente, qui avait déjà décidé 20 milliards de prélèvements supplémentaires en 2011.

J’en viens à 2013. L’on nous demande très souvent, voire quotidiennement, sur un mode qui confine parfois à la litanie, de déposer un collectif budgétaire. Avant d’entrer dans ce débat, je rappellerai qu’un collectif a généralement deux finalités : d’une part, informer le Parlement de l’exécution budgétaire, des prévisions de recettes et de dépenses de l’État, et actualiser le solde du déficit des administrations publiques grâce à l’article liminaire nouvellement introduit ; d’autre part, faire adopter des mesures fiscales nouvelles. Or, sur le premier point, le Parlement est pleinement informé de la situation budgétaire. Depuis le début de l’année 2013, celle-ci a fait l’objet de trois auditions à l’Assemblée nationale : le 23 janvier, mon prédécesseur a été auditionné sur l’exécution 2012 ; je l’ai été à mon tour sur le même sujet le 16 avril, puis sur le programme de stabilité le 17, sans compter mes auditions au Sénat. Nous avons donc eu tout loisir d’aborder l’évolution de nos finances publiques, comme aujourd’hui, en toute transparence, ce dont je me fais un devoir.

En outre, les prévisions de recettes et de déficits ont été actualisées à l’occasion du programme de stabilité, de sorte que l’on ne peut pas dire qu’il ne se soit rien passé depuis la loi de finances initiale. Les déficits ont été portés de 3 à 3,7 %, les prévisions de recettes fiscales ont été revues de près de 8 milliards, celles des administrations de sécurité sociale de plus de 3 milliards. Nous avons également tenu compte des effets de la conjoncture économique sur l’évolution des droits de mutation à titre onéreux, à hauteur de 2 milliards d’euros. Au total, les prévisions de recettes publiques ont été réduites de 14 milliards d’euros, soit 0,7 % du PIB, ce qui explique le passage de 3 à 3,7 % de l’hypothèse de déficit.

L’objectif de dépenses reste quant à lui inchangé, puisque, s’il est une chose que nous pouvons piloter quelle que soit l’évolution de la conjoncture, c’est bien la dépense. Nous entendons nous montrer extrêmement rigoureux sur ce point, car il s’agit d’un moyen essentiel de maîtriser les finances publiques dans le contexte que nous connaissons.

Je le répète, monsieur le président, je suis tout à fait disposé à vous communiquer, ainsi qu’au rapporteur général et, par votre intermédiaire, à tous les parlementaires, les éléments que vous souhaiteriez connaître concernant l’évolution de la conjoncture et des chiffres. Nous vous avons d’ailleurs fourni, à vous-même ainsi qu’au rapporteur général, toutes les informations que vous nous avez demandées ; les services de la direction générale des finances publiques se sont même mobilisés de manière exceptionnelle afin de pouvoir vous transmettre les données d’exécution de la fin du mois de mai en vue de la présente audition. On peut ne pas être d’accord avec la politique économique du Gouvernement, mais l’on ne saurait lui reprocher de ne pas faire preuve de transparence. Nous ne cacherons jamais à votre Commission, ni au Parlement en général, la réalité de la situation budgétaire. Le débat d’orientation des finances publiques permettra de préciser encore nos prévisions, de même que le budget pour 2014 qui sera présenté en septembre.

Le Gouvernement n’a pas voulu ajouter l’austérité à la récession, préférant laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes. En d’autres termes, les moins-values constatées au premier semestre ne seront pas compensées par un tour de vis fiscal. Au demeurant, on ne peut pas à la fois craindre un matraquage fiscal qui obérerait la croissance et réclamer une loi de finances rectificative qui pourrait venir alourdir encore la charge des impôts !

Je vais maintenant vous donner, en toute transparence, des indications très précises sur ce que serait le solde budgétaire en 2013 si nous vous présentions un collectif, ce que nous ne ferons pas. Je veux en effet satisfaire l’exigence de transparence qui sous-tend votre requête, car je vous le dois. Nous accéderons à toutes les demandes dont nous pensons qu’elles sont bonnes pour le pays et refuserons de satisfaire celles qui nous semblent lui être préjudiciables. Or, une loi de finances rectificative serait une mauvaise chose.

La loi de finances initiale pour 2013 prévoit un déficit de 61,5 milliards d’euros, une fois financé, en gestion sous norme, l’effet du budget rectificatif 2012 de l’Union européenne, après un déficit budgétaire de 87,1 milliards en 2012. À l’occasion du programme de stabilité, le déficit budgétaire a été revu à la hausse pour atteindre 68,3 milliards, soit près de 7 milliards supplémentaires. Il existe toutefois un aléa baissier, qui reste à confirmer et à préciser, concernant la TVA. La situation mensuelle budgétaire à la fin du mois d’avril, publiée le 7 juin, montrait en effet un rendement de la TVA très inférieur aux prévisions, en baisse de 2,3 % par rapport à fin avril 2012. Les résultats de mai sont toutefois meilleurs puisque, à la fin du mois, le rendement de la TVA avait augmenté de 1,8 % environ. L’aléa me paraît donc limité. En outre, l’évolution des recouvrements de TVA est très erratique : leur baisse de 2,3 % constatée en avril puis leur hausse de près de 2 % en mai font suite à une hausse de 1,6 % en mars. Je vous propose donc que nous nous donnions un peu de temps pour étudier la tendance et faire œuvre de vérité, conformément au souhait légitime de tous les parlementaires.

Je vous rappelle le détail des mesures décidées à l’occasion du programme de stabilité. Nous avons revu les recettes à la baisse, pour 8 milliards, compte tenu du niveau de la croissance en 2012 – zéro au lieu des 0,3 % prévus dans la troisième loi de finances rectificative. Nous avons également ramené notre prévision de croissance pour 2013 de 0,8 % – en loi de finances initiale – à 0,1 %. Les recettes d’impôt sur le revenu assises sur les revenus 2012 baissent d’un milliard et celles de l’impôt sur les sociétés de 2 milliards, pour tenir compte des effets de la croissance en 2012 et en 2013. Le bénéfice fiscal sera probablement moins élevé en 2012 que nous ne le prévoyions à l’automne, ce qui rejaillira sur les acomptes versés en 2013. La révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2013 influence quant à elle le bénéfice fiscal 2013, donc le rendement de l’acompte de décembre, dit cinquième acompte. Les recettes de TVA ont elles aussi été revues à la baisse pour 4,5 milliards d’euros, dont 3 au titre de l’effet base 2012, le reste résultant de la baisse de la prévision de croissance pour 2013. Enfin, les prévisions de recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – baissent de 0,4 milliard pour tenir compte des recouvrements constatés. En revanche, la charge de la dette sera inférieure de près d’un milliard à son montant escompté, car les taux d’intérêt sont restés bas.

J’en viens à la maîtrise de la dépense de l’État, que nous voulons, comme l’an dernier, exemplaire. Tout d’abord, la qualité de la budgétisation initiale nous a permis de rebaser cette année plusieurs dépenses, donc de présenter au Parlement un budget que nous avons voulu sincère : les crédits dédiés aux bourses ont ainsi été rebasés de 200 millions d’euros et l’allocation adulte handicapé de près de 600 millions, alors que ces deux dotations avaient fait l’objet l’année dernière de réserves de la Cour des comptes, qui craignait dans son audit des finances publiques deux dépassements respectifs de 100 et 300 millions. Nous avons en outre créé cette année, comme en 2012, les conditions d’une gestion fine et méticuleuse des dépenses de l’État. Je rappelle le surgel de 2 milliards d’euros intervenu dès le début de l’année. Il doit permettre d’absorber en gestion le surcoût du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, lié à l’adoption du budget rectificatif européen 2012 et qui n’avait pas pu être intégré à la budgétisation initiale, ainsi que les mesures supplémentaires destinées à l’emploi, compte tenu de la priorité accordée par le Gouvernement à l’inversion de la courbe du chômage. Tout comme l’an dernier, seules les dépenses strictement nécessaires seront dégelées en cours de gestion, ce qui permettra de mobiliser pleinement la réserve de précaution afin de garantir le respect des objectifs de dépenses.

Les résultats 2012 attestent de notre volonté d’exemplarité. Nous avons divisé par trois le rythme de progression des dépenses publiques par rapport aux années précédentes. En 2014 – je vois encore plus loin que ne m’y invitait le président Carrez –, nous voulons faire mieux encore, en réduisant les dépenses de l’État de 1,5 milliard d’euros, hors dette et pensions. C’est la première fois qu’un budget est fondé sur une telle base. Nous avons opté pour la stabilisation en 2013, car, ainsi que vous l’a indiqué le Premier président de la Cour des comptes, la logique de rabotage a ses limites. Nous attendons de la modernisation de l’action publique, que nous avons engagée en ouvrant quarante chantiers qui représentent 20 % de la dépense publique, une maîtrise durable de cette dernière, en particulier de la dépense de l’État.

Je me tiens bien entendu à la disposition de votre Commission pour toute précision qu’elle jugerait nécessaire, étant entendu que la présente audition porte essentiellement, si l’on en croit son ordre du jour, sur l’année 2012, que le débat d’orientation des finances publiques me fournira l’occasion d’affiner les informations relatives à 2014 et que je pourrai à tout moment revenir vous rendre compte des aspects de votre choix.

M. le président Gilles Carrez. En ce qui concerne la moins-value de 3,5 milliards d’euros sur les recettes de TVA observée en fin d’année 2012 et leur variation erratique début 2013, ne peut-on soupçonner, au-delà de l’aléa, une déformation de la consommation ? De ce point de vue, le financement du CICE par le relèvement de 7 à 10 % du taux intermédiaire pourrait poser un problème. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter le taux normal ? Notre collègue Thomas Thévenoud travaille sur ce problème fondamental qu’il nous faudra traiter en prévision de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés, on constate également une moins-value de 3,5 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales. En outre, la recette de la taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises en 2012 est inférieure de plusieurs centaines de millions d’euros au montant escompté, ce qui n’augure rien de bon du rendement effectif des mesures qui tendent à augmenter fortement l’impôt sur les sociétés en 2013, dont le plafonnement de la déductibilité des intérêts d’emprunt et l’aménagement du report en avant des déficits. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur la recette attendue au titre de cet impôt ?

J’en viens aux dépenses. La norme est tenue – à condition toutefois d’exclure deux dépenses exceptionnelles qui représentent quelque 9 milliards d’euros. Or, si la recapitalisation de Dexia à hauteur de 2,6 milliards d’euros peut effectivement être jugée de nature exceptionnelle, est-ce vraiment le cas du financement du MES, pour 6,5 milliards ? Ne s’agit-il pas d’une dépense récurrente ? Déclarerez-vous encore exceptionnels les abondements supplémentaires prévus en 2013 et 2014 ? Je ne fais ici que reprendre les observations de la Cour des comptes.

Par ailleurs, on constate en 2012, comme au cours des deux années précédentes, une économie considérable – de 2,5 milliards d’euros – sur les intérêts de la dette. C’est elle qui a permis de financer des dépassements habituels, soulignés par la Cour des comptes en juillet 2012 et qui concernent toujours les mêmes missions – solidarité, emploi. Dans son rapport sur la gestion budgétaire 2012, la Cour signale ainsi que l’État a une dette de près de 40 millions d’euros auprès de la sécurité sociale au titre de l’aide médicale de l’État. Ce qui montre qu’une fois que l’on fait sauter un verrou – et vous en avez fait sauter beaucoup –, les dépenses, surtout en matière de prestations sociales, s’envolent, ce qui ne nous rassure guère pour 2013.

Faut-il un collectif ? Les termes de votre réponse à cette question, monsieur le ministre, me semblent en réalité plaider en faveur du « oui ». Le premier objectif d’un collectif budgétaire, nous dites-vous, est la sincérité des comptes. Or, des ajustements majeurs ont été opérés qui justifieraient à eux seuls un projet de loi de finances rectificative. Vous évoquez le programme de stabilité, mais nous n’allons pas vivre indéfiniment sur un document de prévision européen ! Votre argument selon lequel vous ne voulez pas de collectif pour ne pas augmenter les impôts me paraît quelque peu spécieux : pourquoi le collectif ne tendrait-il pas plutôt à améliorer la maîtrise des dépenses ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. En ce qui concerne le projet de loi de règlement, je me réjouis que le solde structurel s’améliore de 1,2 % du PIB : c’est un excellent résultat. En outre, la maîtrise des dépenses de l’État au regard du respect de la norme « zéro valeur » est supérieure de 70 millions d’euros à l’objectif fixé. Quant à la norme « zéro volume », la dépense est réduite de 300 millions d’euros par rapport aux prévisions, alors que, entre 2010 et 2011, la norme avait été dépassée de 5,2 milliards.

Mme Valérie Pécresse. Nous n’en avions pas exclu 9 milliards d’euros de dépenses !

M. le rapporteur général. Les prélèvements obligatoires augmentent de 38,1 milliards d’euros, dont un peu plus de 15 milliards correspondent à une hausse que l’on peut qualifier de spontanée, les 22 restants résultant de mesures adoptées sous la précédente législature, pour 14,4 milliards, et sous la législature actuelle, pour 7,2 milliards. En d’autres termes, si les prélèvements obligatoires ont substantiellement augmenté en 2012, les deux tiers de cette augmentation sont imputables à des décisions prises au cours de la précédente législature.

Vous nous invitez, monsieur le président, à réfléchir aux mesures concernant la TVA compte tenu du constat établi pour 2012 et du début d’exécution 2013. Je suggère que nous le fassions d’ici au débat d’orientation des finances publiques qui aura lieu d’ici trois semaines à un mois. J’observe néanmoins que ce sont malheureusement les recettes de TVA à taux normal qui baissent – de plus d’un milliard d’euros –, la TVA à taux intermédiaire ayant produit en 2012 511 millions d’euros de recettes supplémentaires. Cela étant, j’ai formulé publiquement plusieurs propositions assez proches de celles que vous venez d’évoquer.

En ce qui concerne l’évolution des recettes de TVA, les résultats à fin mai – que je vous remercie de nous avoir transmis hier, monsieur le ministre – sont en effet moins inquiétants qu’ils ne l’étaient au cours des quatre premiers mois de l’année. Toutefois, il est à craindre que certains phénomènes, au-delà des seuls achats sur Internet, nous privent des recettes attendues. La mission d’information sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises pourrait se pencher sur le problème. Ne faut-il pas envisager d’autres mesures, dans d’autres secteurs, que celles prises fin 2012 pour lutter contre les fraudes à la TVA ?

S’agissant des dépenses, faut-il tenir compte de la recapitalisation de Dexia et de la participation de la France au MES ? Je ne le crois pas. Les dépenses destinées à lutter contre la crise économique, qu’il s’agisse du plan de relance, du plan de soutien aux banques ou des dépenses de solidarité européenne – plan d’aide à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande, création du Fonds européen de stabilité financière –, ont toujours été traitées comme des dépenses exceptionnelles par nature. Pourquoi celles qui touchent au MES ne le seraient-elles pas de même ? En revanche, monsieur le ministre, je reste, comme l’an dernier, favorable à la définition d’un agrégat élargi incluant non seulement les dépenses déjà sous périmètre normé, mais aussi plus généralement toutes les dépenses de l’État qui concourent à une politique publique portée par le budget général. Je songe à certains remboursements et dégrèvements, aux dotations consommables décaissées des investissements d’avenir et à certaines dépenses inscrites sur les comptes d’affectation spéciale (« Apprentissage », « Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien ») permettant de financer certaines dépenses militaires relevant du budget général.

Enfin, pouvons-nous nous attendre à des économies supplémentaires sur la charge de la dette ?

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le ministre, comment analyser l’évolution des recettes et expliquer, le cas échéant, son écart par rapport aux prévisions ? Cette question nous renvoie tout d’abord à la construction du projet de loi de finances initiale pour 2012, que nous avons évoquée avec le Premier président de la Cour des comptes – laquelle est intervenue à plusieurs reprises à ce sujet. Comment traduire une hypothèse macroéconomique en recettes fiscales ? C’est tout l’enjeu de nos débats sur l’élasticité. Nous devons continuer d’y réfléchir en toute transparence, dans le cadre nouveau qu’offre la création du Haut Conseil des finances publiques. Ce qui nous reconduit à l’objet d’un projet de loi à venir et de plusieurs missions en cours : la lutte contre la fraude fiscale, mais aussi contre les phénomènes d’optimisation, qui finissent par compromettre l’équilibre budgétaire.

Ma deuxième question, qui fait écho à celle du président du Haut Conseil des finances publiques, concerne l’évolution de la norme et le traitement des dépenses dites exceptionnelles. En la matière, il nous faut définir une doctrine. Sur 2012, vous avez répondu, monsieur le ministre : ces dépenses font partie de l’héritage qui nous a été légué ; leur ampleur comme l’origine des décisions dont elles dépendent ne nous laissaient pas d’autre choix. Au demeurant, nos prédécesseurs, qui les avaient voulues, ne les avaient pourtant pas inscrites dans le premier projet de loi de finances rectificative. En revanche, il faudra en débattre pour l’avenir.

Troisièmement, si la Cour vous a donné un satisfecit sur la gestion et l’exécution budgétaire, notamment dans la seconde partie de l’exercice 2012, elle a bien souligné que la stratégie du rabot ne suffira pas à maîtriser les dépenses – mais vous en êtes d’accord, comme le montre votre propos sur la modernisation de l’action publique.

J’en viens enfin à l’exécution 2013 et à la préparation du projet de loi de finances pour 2014. En les abordant, le président Carrez se détourne du débat du jour pour anticiper sur le débat d’orientation des finances publiques que nous aurons d’ici deux à trois semaines. Or, si ces questions nous préoccupent tous, il convient d’avancer pas à pas. Je comprends certes que l’opposition souhaite éviter le débat sur l’exécution budgétaire 2012. Car il ressort du rapport de la Cour des comptes que le nouveau gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a honoré son engagement à redresser les finances publiques. Bref, les résultats sont là, alors qu’ils n’étaient rien moins qu’acquis en mai 2012. Rappelons qu’entre la loi de finances initiale et la première loi de finances rectificative, il y avait, comme l’a montré la Cour des comptes, un écart de plus de 10 milliards d’euros en recettes, qui ne résultait pas seulement de mauvaises prévisions de croissance mais aussi de la surestimation des effets des mesures nouvelles et d’une élasticité gravement déformée des recettes fiscales à l’évolution du PIB. Il y avait en outre 2 milliards d’euros de dépenses non financées. Malgré ce contexte, le projet de loi de règlement témoigne de l’effort structurel accompli, grâce au projet de loi de finances rectificative pour 2012, exercice salutaire de vérité sur les hypothèses macroéconomiques, sur l’évolution des recettes et sur celle de la dépense.

Au-delà de cet effort structurel soutenu, nécessaire à notre pays et à sa crédibilité dans le débat interne à l’Union européenne, nous mesurons ce qui reste à faire dans une conjoncture particulièrement déprimée. Aux yeux du groupe SRC, l’« opération vérité » renouvelée au mois d’avril à l’occasion du programme de stabilité confirme notre impérieuse volonté de tenir l’équilibre sans ajouter l’austérité à la crise. L’effort structurel augmentera encore en 2013. À nos amis de l’opposition qui considèrent que nous n’en faisons jamais assez, je répondrai qu’ils n’en ont jamais fait autant ni pour maîtriser les dépenses nominales, ni en termes d’effort structurel, puisque, entre 2002 et 2012, celui-ci n’a été positif qu’à deux reprises : en 2003 et en 2011, les autres années ayant vu le déficit structurel se creuser. Tirons donc les leçons de 2012, de vos prévisions et de notre gestion, avant de regarder vers 2013 et 2014.

M. Hervé Mariton. En 2011, l’exécution a été inférieure de 0,1 % à l’objectif de solde public effectif de la loi de programmation des finances publiques. En 2012, selon votre document lui-même, monsieur le ministre, cet écart est multiplié par trois puisqu’il atteint 0,3 %, ce qui porte le déficit du solde public à 4,8 % du PIB.

Sur le collectif, vous avez eu une phrase aussi curieuse qu’inquiétante. Vous nous avez d’abord indiqué que les recettes avaient été révisées dans le cadre du programme de stabilité. Dont acte : plusieurs éléments d’information et de prévision nous ont en effet été fournis à cette occasion. Mais le mode de délibération du programme de stabilité – et la marge de manœuvre qu’il laisse au Parlement – n’a rien à voir avec celui qui préside aux projets de loi de finances, en recettes comme en dépenses. Contrairement à ce que vous avez soutenu, ce texte ne saurait donc se substituer à un projet de loi de finances rectificative. Vous nous avez ensuite déclaré – le compte rendu de nos débats en fera foi – qu’il était heureux qu’il n’y ait pas de loi de finances rectificative, puisque celle-ci aurait impliqué une hausse d’impôts. Voilà qui est bien inquiétant et mérite d’être précisé.

À propos de transparence, monsieur le ministre, vous devez répondre à l’interpellation du président et du rapporteur général. Vous citez la Cour des comptes, mais c’est elle qui met en cause le caractère exceptionnel de la dépense de participation au MES. Cela pose le problème de l’appréciation des périmètres « zéro volume » et « zéro valeur ». Vous ne pouvez pas prétendre faire preuve de transparence tout en allant à ce point à l’encontre des observations – pour ne pas dire des préconisations – de la Cour des comptes.

En matière de recettes, je comprends votre prudence, mais l’hypothèse du basculement de la consommation vers les produits soumis au taux modéré de TVA implique une contribution plus lourde des ménages les plus modestes, que le passage du taux intermédiaire de 7 à 10 % va pénaliser.

Vous avez été assez pudique à propos de l’évolution des emplois. Comme nous l’avions prévu, tous les postes ouverts dans l’éducation nationale pour des raisons politiques n’ont pu être pourvus du fait du calendrier et faute de candidats. Sans doute cette impossibilité physique a-t-elle contribué à l’évolution dont vous vous êtes flatté. Mais de quoi cela augure-t-il pour 2013 ? Y aura-t-il une forme de rattrapage ? Compte tenu de vos décisions, très différentes des nôtres, concernant l’évolution des effectifs de la fonction publique, quels résultats d’exécution escomptez-vous en 2013 et de quels éléments de prospective dispose-t-on pour 2014 ? En 2012, vous avez été plus vertueux que vous ne l’espériez, mais à votre corps défendant ; cela signifie-t-il que vous le serez moins en 2013 et en 2014 ?

Il est dommage que l’examen du projet de loi de règlement ne soit pas l’occasion pour le Gouvernement de fournir des éléments d’évaluation des politiques publiques, ainsi que l’ont suggéré notre collègue François Cornut-Gentille ainsi que des membres du groupe SRC. Il ne s’agit pas d’anticiper sur le débat d’orientation des finances publiques qui aura lieu en son temps – peut-être en session extraordinaire, ce qui est inhabituel hors année électorale. Vous avez dénoncé la révision générale des politiques publiques – RGPP – et instauré la modernisation de l’action publique ; sans nous montrer bigots sur la terminologie, nous aimerions savoir ce qu’il y a derrière ces mots. Lors du débat en séance publique, le Gouvernement pourrait-il nous présenter quelques domaines d’action, quelques mesures particulièrement significatives ? Nous avons bien notre idée à ce sujet ; mais vous ?

Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des éléments d’information sur le rythme de consommation mensuelle des crédits de l’emploi en 2013 et nous assurer de son caractère régulier tout au long de l’année ?

M. Charles de Courson. Ce débat est surréaliste. Monsieur le ministre, vous auriez dû présenter une comparaison avec ce qui se serait passé hors mesures prises par le nouveau gouvernement. Or, lorsque l’on procède ainsi, l’on constate que les dépenses publiques ont en réalité augmenté de 1 % en volume en 2012, alors qu’il n’y a pas eu de croissance. En d’autres termes, le poids des dépenses publiques – État, sécurité sociale, collectivités territoriales – continue de s’alourdir.

S’agissant de la dépense budgétaire de l’État, vous vous félicitez d’une performance qui ne s’explique que par une forme récurrente d’ingénierie budgétaire permettant de dissimuler la réalité. Pour obtenir un indicateur fiable, il faudrait, comme l’a dit le rapporteur général, agréger à la dépense telle que vous la présentez les remboursements qui ne sont pas afférents à des impôts d’État mais qui concernent les collectivités locales, ainsi que les dépenses des opérateurs, qui représentent 50 milliards d’euros et augmentent de 5 % selon les dernières statistiques de 2012. En d’autres termes, l’objectif de dépenses n’est pas tenu. Au fond, l’on s’est borné à faire du petit bricolage. Voilà ce que disent la Cour des comptes comme le Haut Conseil. On se gargarise de 2 à 2,5 milliards d’euros d’économies sur les dépenses en faisant abstraction des dépenses supplémentaires et en tirant profit d’un coup de chance : la baisse de 2,5 milliards des intérêts de la dette, qui devrait se poursuivre en 2013. Ne vous faites donc aucune illusion : nous ne maîtrisons pas la dépense publique !

Quant aux recettes, une fois consolidées, elles augmentent beaucoup plus vite que le PIB mais si l’on fait abstraction de toutes les mesures nouvelles décidées par l’ancienne majorité et par la majorité actuelle, leur rythme de croissance est quasiment le même que celui du PIB : l’élasticité est à peu près égale à 1. C’est donc l’ensemble des recettes supplémentaires qui permettent de réduire légèrement le déficit effectif et le déficit structurel. Rappelons en outre que le calcul de ce dernier se fonde sur une hypothèse de croissance potentielle dont personne ne sait ce qu’elle signifie ; pour ma part, je suis de plus en plus prudent quant à l’évaluation du solde structurel en période de crise grave. Au total, le poids des recettes publiques et des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale explose, et c’est par une hausse massive des prélèvements obligatoires que l’on réduit – un peu – le déficit structurel. Le Gouvernement ne tiendra donc pas sa promesse de ne pas créer de nouveaux impôts, puisqu’il en a déjà annoncé au moins 6 milliards.

Pourtant, l’essentiel n’est pas là : il faut s’attaquer à la dépense. Et ce que montre ce projet de loi de règlement, qui concerne l’ancienne majorité comme la nouvelle, c’est que la dépense structurelle n’est pas tenue. Pour ne parler que de l’État, monsieur le ministre, vous bénéficiez de la politique, menée par vos prédécesseurs, de baisse des effectifs à hauteur de 27 000 équivalents temps plein travaillé ; mais, comme vous stabilisez à zéro, vous ne pourrez pas maintenir la masse salariale en euros courants : elle augmentera d’au moins 1 % puisque vous faites le choix politique de ne pas reconduire la baisse. Or si vous ne tenez pas la masse salariale, vous ne pourrez pas non plus tenir la dépense totale. Monsieur le ministre, quand allons-nous nous attaquer véritablement à la dépense ?

Mme Eva Sas. Au nom du groupe écologiste, je remercie M. Cazeneuve de sa présence et de ses explications. Monsieur de Courson, il m’arrive d’être d’accord avec vous mais l’on ne peut dire sans exagération que la baisse des intérêts de la dette n’est qu’un coup de chance.

En 2012, le rendement de la TICPE diminue de 800 millions d’euros par rapport à 2011. Dans quelle mesure cela résulte-t-il de la baisse de 3 centimes par litre de super décidée par le Gouvernement à l’été 2012 et dont le coût n’était alors estimé qu’à 450 millions d’euros ? Cette mesure a-t-elle fait l’objet d’une évaluation sociale, économique et environnementale ? L’association Consommation, logement et cadre de vie – CLCV – avait constaté que les raffineurs et les distributeurs en avaient profité pour accroître de 2 centimes la marge réalisée sur le gazole. Le confirmez-vous, monsieur le ministre ?

En exprimant ses réserves, la Cour des comptes a signalé les difficultés de l’administration à prévoir les recettes. Vous nous avez donné, monsieur le ministre, quelques explications sur l’écart de 3 milliards d’euros entre les recettes de TVA prévues et celles qui ont été constatées, écart particulièrement marqué pour un projet de loi de finances rectificative. Peut-être devrions-nous aller plus loin et nous interroger sur les mesures à prendre pour accroître la prévisibilité des recettes.

M. Nicolas Sansu. Ce projet de loi de règlement justifie les inquiétudes qu’inspirent au groupe GDR vos choix stratégiques, en particulier l’absence de relance, et confirme a posteriori le bien-fondé de notre vote contre le projet de loi de programmation des finances publiques et contre le programme de stabilité. N’oublions pas que la gravité du déficit est d’abord due à la diminution organisée des recettes au cours du précédent quinquennat, comme le soulignait en 2010 notre président, alors rapporteur général. C’est cette baisse programmée qui, jointe à l’austérité mise en œuvre dans tous les pays européens, entraîne l’atonie des recettes. Je vous fais grâce du tout récent rapport du FMI sur la Grèce, qui montre que cette politique ne peut que nous entraîner dans un cercle vicieux.

C’est d’abord aux recettes qu’il faut vous attaquer, monsieur le ministre. Dans ce domaine, je n’ignore pas votre détermination à lutter contre la fraude fiscale, que traduit le projet de loi qui nous sera soumis la semaine prochaine, et j’espère que nous nous en prendrons ensuite aux schémas d’optimisation qui grèvent le budget de la France. Mais il nous faudra également débattre des dépenses. Il pourrait être nécessaire de revoir certaines priorités, car une bonne gestion suppose davantage d’investissements pour soutenir la croissance. À défaut de l’avoir fait en 2012, n’hésitons pas à débattre pour 2013 et 2014 du –CICE– Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui profite essentiellement à la grande distribution, aux banques, aux institutions financières et aux cliniques privées, ce qui n’est conforme ni à la justice ni à l’efficacité.

Je regrette que le Gouvernement et certains de mes collègues socialistes veuillent être les champions de la baisse des dépenses publiques à tout prix, qui n’est pas un objectif de gauche. Si l’exigence d’une bonne gestion est légitime, n’oublions pas que nous habitons, pour citer l’économiste Patrick Artus, qui n’est pas précisément un gauchiste, un monde où l’argent coule à flots – jusque dans certains paradis, ce qui ne devrait pas envoyer les peuples au purgatoire !

Monsieur le ministre, comment expliquer que, dans ce projet de loi de règlement, les remboursements et dégrèvements, qui incluent les niches fiscales, atteignent désormais 90 milliards d’euros ? Ne faudrait-il pas en tirer les conséquences sur ces niches, dont beaucoup sont inefficaces ?

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement ou du débat d’orientation des finances publiques, pourriez-vous nous faire une mise au point précise sur le fameux volet « croissance » du Traité de stabilité, de coordination et de gouvernance, en détaillant l’emploi des 120 milliards d’euros dont il est doté ?

M. le ministre délégué chargé du Budget. Je répondrai d’abord à quelques questions globales à propos desquelles il importe que nous ayons les mêmes données à l’esprit, même si la bonne foi peut ne pas conduire à tirer des mêmes données les mêmes conclusions.

Certains contestent que le rythme d’augmentation de la dépense publique ait ralenti. Pour l’affirmer, je me fonde pourtant sur les chiffres communiqués par la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Je citerai d’ailleurs certaines formules employées par la Cour et qui sont sans ambiguïté, afin de vous dissuader définitivement de lire de manière trop sélective les documents qui vous sont transmis.

Tout d’abord, l’augmentation moyenne des dépenses publiques entre 2002 et 2012 a été de 2 %, contre 0,7 % en 2012, et doit tomber à 0,5 % au cours des années à venir : tel est l’objectif que nous nous sommes fixé et qui justifie mon extrême attention au pilotage de la dépense. Je renvoie donc Charles de Courson – esprit éminemment rigoureux, méthodique, précis – et Hervé Mariton aux chiffres dont ils disposent déjà et sur lesquels nous pouvons tomber d’accord indépendamment de toute interprétation.

J’aimerais ensuite formuler une remarque purement statistique, en me gardant d’un esprit polémique trop répandu lorsque l’on aborde ces sujets. La RGPP impliquait 12 milliards d’euros d’économies en cinq ans. 2 milliards ont été restitués sous forme de mesures catégorielles, sans lesquelles il aurait été difficile de faire accepter la RGPP. Restent 10 milliards, soit 2 milliards par an. Voilà ce qui est censé représenter le nec plus ultra de la maîtrise de la dépense. Mais lorsque nous nous employons à documenter 10 milliards d’économies en 2013, puis, comme je le ferai dans quelques semaines, 14 milliards en 2014, soit sept fois plus, c’est du laxisme. Allez comprendre !

M. Hervé Mariton. Nous attendons votre présentation pour 2014.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Vous l’aurez, et elle sera aussi méticuleuse que vos philippiques. Notre débat sera alors d’une tout autre nature. Car si l’on peut admettre qu’il y ait quelque difficulté à maîtriser les déficits aussi vite que nous le souhaitons lorsque la conjoncture est récessive, l’on ne peut nier notre volonté de faire des économies et de maîtriser la dépense publique lorsque l’on connaît les chiffres que je viens de rappeler.

Vous nous dites ensuite qu’il n’y a pas lieu de nous enorgueillir d’une réussite bien moins éclatante que celle du précédent gouvernement en 2011. Voyons les chiffres, voyons ce à quoi ils sont imputables. Peut-on reprocher à ce gouvernement d’avoir manqué des objectifs qui auraient été largement atteints si l’on en avait défalqué des aléas résultant d’un héritage ? Est-ce convenable, est-ce conforme à l’honnêteté intellectuelle ? Nous serions de mauvais élèves au motif que le solde effectif est inférieur de 0,3 % du PIB aux prévisions en 2012, contre 0,1 % en 2011. Mais puisque vous connaissez parfaitement ces questions, monsieur Mariton, il n’a pu échapper à votre sagacité que la recapitalisation de Dexia est incluse dans ces 0,3 %, de même que le budget de l’Union européenne. Vous n’êtes pas sans savoir que, en novembre 2010, les chefs d’État et de gouvernement ont écrit au président Barroso qu’ils allaient araser les crédits de paiement dont l’UE avait besoin pour mettre en œuvre son budget dans de bonnes conditions. De même, le Conseil européen d’octobre 2011 a résolu de réduire de près de 8 milliards d’euros le montant des crédits de paiement nécessaires à l’exécution du budget 2011 ; et voilà que, quelques mois plus tard, l’on vient nous expliquer que l’on ne peut pas payer Erasmus ni certaines bourses étudiantes, ni abonder les fonds structurels nécessaires, de sorte que l’on se retourne vers les États auxquels on demande de bien vouloir payer en urgence. C’est ce que nous avons fait, et ce n’est pas sans conséquences sur le budget pour 2012. Est-il convenable d’en attribuer la responsabilité à un défaut de pilotage de gestion de l’actuel gouvernement ?

Quant au qualificatif d’« exceptionnelle » attribué à la contribution au MES, s’il faut toujours écouter la Cour des comptes, je doute en revanche que vous puissiez vous-même le contester : où et quand le gouvernement de M. Fillon a-t-il gagé cette dépense de 6,5 milliards d’euros qu’il a inscrite dans la première loi de finances rectificative ? Si vous pouvez me le dire, monsieur Mariton, devant vous, en toute humilité, je retire mes arguments et je bats ma coulpe. Mais c’est justement parce que vous ne les avez pas gagés que nous avons été confrontés à un problème.

Si je vous parle ainsi, c’est parce que je n’ai pas envie que nous débattions de ces questions dans la grande tradition de la commission des Finances, en nous accusant mutuellement de nous être montrés peu vertueux et en nous créditant nous-mêmes d’un comportement exemplaire. En reprenant un à un vos arguments, je vous démontre au contraire, à mes débuts devant vous – cette audition n’est que la deuxième –, la nécessité de faire preuve en cette période de crise de la plus scrupuleuse honnêteté intellectuelle.

Il convient de raisonner à périmètre constant : les dépenses exceptionnelles en question ont-elles été intégrées aux calculs initiaux du gouvernement précédent ?

M. Hervé Mariton. Nous n’allons pas jusqu’à prétendre que les périodes antérieures ont été parfaites.

M. le ministre délégué chargé du Budget. C’est que la perfection n’est guère de ce monde, monsieur Mariton ; mais c’est un objectif auquel nous pouvons tendre ensemble puisqu’il transcende les différences politiques.

J’en reviens à la question de la méthode, posée avec modération et justesse par le président Carrez, ainsi que par le rapporteur général. Tant que nous ne nous serons pas mis d’accord sur une méthode, nous pourrons débattre indéfiniment. Voici ce qu’écrit à ce sujet la Cour des comptes – je parle sous votre contrôle, monsieur le président, et je ne doute pas qu’il sera sévère : est-il normal que certaines dépenses, dont la contribution au MES et la recapitalisation de Dexia, soient considérées comme exceptionnelles alors que certaines recettes, dont celles de la 4G, ne le sont pas ? Il s’agit d’un véritable problème de méthode, qu’il nous faut résoudre entre nous, avec l’aide de la Cour des comptes et du Haut Conseil, pour nous assurer que nous parlons bien de la même chose et que nous mesurons les écarts à partir des mêmes points de référence.

M. le président Gilles Carrez. Je suis pour ma part favorable à la création de l’agrégat proposé par le rapporteur général ; voilà qui pourrait nous mettre d’accord.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Avant d’en venir aux questions plus détaillées qui m’ont été posées, je précise que je suis tout à fait conscient de la différence entre collectif budgétaire et programme de stabilité. Si j’ai évoqué celui-ci, ce n’est pas parce qu’il nous dispenserait de présenter une loi de finances rectificative à supposer que nous en éprouvions le désir. J’ai simplement voulu montrer que, contrairement à ce que j’ai pu lire dans la presse et qui venait parfois de personnalités de l’opposition ayant exercé d’éminentes responsabilités, notre refus de déposer un collectif ne traduit aucune volonté de dissimulation. Je vous donne aujourd’hui les chiffres, comme je l’ai fait à propos du programme de stabilité et comme je le ferai chaque fois que vous me convoquerez. Sur tous les sujets, le Gouvernement entend communiquer dans la plus parfaite transparence, afin que la Commission, le Parlement et le pays soient pleinement informés de la situation réelle.

Si une loi de finances rectificative était un gage de bonne gestion de l’argent public et de maîtrise des déficits, notre budget devrait être aujourd’hui en excédent, car il n’y en a pas eu moins de quinze au cours des cinq dernières années ! La sincérité du budget ne peut pas faire de doute : je viens de vous fournir des chiffres complets et précis et si vous en voulez davantage, mesdames et messieurs les députés, nous vous les communiquerons ; j’ai donné à mes services des instructions très précises en ce sens. Ainsi avons-nous transmis au président Carrez avant la présente réunion, conformément à sa demande, des informations sur l’évolution des recettes fiscales. Nous vous devons cette transparence, dont dépend la possibilité même d’un débat sur la situation de nos finances publiques.

Si nous ne voulons pas d’une loi de finances rectificative, c’est parce que nous ne voulons pas d’autre stratégie que celle consistant à faire jouer les stabilisateurs budgétaires et que nous ne voulons pas convoquer l’impôt car dans le contexte économique actuel, cela entraînerait des effets récessifs que nous ne souhaitons pas imposer au pays. Le ferions-nous que cela alimenterait des questions au Gouvernement sur le thème « Vous faites de nouveaux impôts, ce n’est pas bien » ; nous ne vous donnerons pas ce plaisir, non parce que nous n’aimons pas répondre à vos questions mais parce que la mesure ne serait pas justifiée du point de vue économique.

Sur le périmètre de la norme, j’ai répondu au rapporteur général.

En ce qui concerne la TVA, nous devons en effet être particulièrement attentifs à l’évolution de la structure de la consommation, qui peut rejaillir sur celle de nos recettes. Profitons pour le faire des travaux du groupe de parlementaires auquel participe Thomas Thévenoud, afin de prendre les décisions appropriées.

J’approuve en tous points les propos de Dominique Lefebvre sur les conditions d’exécution du budget 2012. Les précisions que je viens d’apporter en confirment le bien-fondé.

Monsieur Mariton, les schémas d’emplois ont été plutôt surexécutés en 2012, non en raison de problèmes de recrutement dans l’éducation nationale mais parce que le ministère de la Défense a supprimé plus de postes que prévu, comme le dit très clairement la Cour des comptes dans son rapport. En outre, dans l’éducation nationale, le nombre de départs à la retraite a été moins élevé qu’escompté. Cela entraîne un dépassement en 2014 que nous corrigerons dans le cadre de la gestion de l’ensemble des emplois de la fonction publique.

En ce qui concerne les crédits du travail, nous pourrons vous fournir les données d’exécution mensuelles. Un risque de dépassement existe en effet du fait des mesures nouvelles décidées par le Gouvernement. Nous assumons entièrement ce dépassement, qui sera gagé grâce au surgel, que nous avons d’ailleurs décidé à cette fin.

S’agissant des opérateurs, je tiens à rappeler que le gouvernement Fillon a laissé filer les dépenses qui leur sont afférentes, puisqu’ils étaient soustraits à la RGPP. Leurs effectifs ont augmenté d’environ 7 % au cours des cinq dernières années, alors que ceux de la fonction publique diminuaient. Nous estimons quant à nous que pour mieux maîtriser la dépense, il faut maîtriser la dépense globale, en incluant celles des opérateurs.

Madame Sas, le coût de la mesure relative aux prix à la pompe est de 400 millions d’euros en 2012.

Monsieur Sansu, le Gouvernement s’est engagé à plafonner à 70 milliards d’euros le coût des niches fiscales. Nous travaillons actuellement à des mesures dont nous pourrons débattre ensemble lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

M. Yves Censi. Les lois de règlement sont essentielles, car elles nous permettent de tirer les leçons de l’année écoulée en vue du budget de l’année suivante. À condition – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre – de faire preuve d’honnêteté et de transparence, deux qualités qui ne me semblent pas avoir présidé à votre intervention. Je parle d’honnêteté non morale mais intellectuelle. S’il fallait qualifier ce cru 2012, je dirais en effet qu’il est madérisé dans la langue de bois.

D’abord, ce gouvernement, dites-vous, ferait mieux que les objectifs fixés par le précédent. Il me semble pourtant que, lors de son audition, M. Didier Migaud a été assez sévère, notamment lorsqu’il a signalé le ralentissement du rythme de réduction du déficit. Je m’étonne que vous disiez le contraire. Le plafond autorisé par la loi de finances initiale pour 2012 est dépassé de près de 8,5 milliards ! L’une des grandes qualités que la Cour reconnaît à ce budget est d’avoir bénéficié de la faiblesse des taux d’intérêt, comme vous l’admettez vous-même dans le projet de loi de règlement. Vous excluez de l’analyse plus de 9,5 milliards de dépenses exceptionnelles et, pour remédier au faible dynamisme des recettes, vous semblez proposer, sans le dire, d’augmenter les impôts. Mais la pression fiscale n’entretient-elle pas paradoxalement la faiblesse des recettes fiscales ?

Deuxièmement, vous expliquez que vous faites ce qui est bon et qu’il ne serait pas bon de présenter un collectif. Mais pour quelle raison ? Que signifie cette formule ? C’est une question non seulement de transparence – que vous faites dépendre de la certification des comptes, à laquelle nous avions pourtant nous-mêmes procédé en 2006 – mais de sincérité : aujourd’hui, les textes qui ont été adoptés ne reflètent plus la réalité budgétaire.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, la baisse de 3,6 milliards d’euros du déficit budgétaire, par laquelle vous avez commencé votre exposé, résulte surtout de la diminution de la charge de la dette, pour 2,5 milliards.

Au sujet de la RGPP, la Cour des comptes indique que nous avons réalisé 6 milliards d’euros d’économies entre 2009 et mi-2012. Vous abandonnez la RGPP au profit de la modernisation de l’action publique – MAP – : c’est un choix politique, que nous respectons. Vous nous annoncez que les dépenses de l’État diminueront l’an prochain, hors pensions et dette, de 1,5 milliard. Quelles dépenses précises allez-vous réduire pour parvenir à ce résultat ?

La masse salariale a dérivé de 1,3 milliard en 2012. Qu’en sera-t-il avec la MAP, sachant que l’évolution naturelle des pensions représente déjà 1,5 milliard d’euros par an ?

Monsieur le ministre, vous qui parlez tant de transparence – pas moins de neuf fois au cours de votre exposé liminaire –, pourquoi n’avez-vous donc pas réduit les prévisions de recettes de TVA dès la troisième loi de finances rectificative 2012, puisque l’on savait déjà que les rentrées de TVA étaient plus faibles que prévu ?

Le solde d’exécution budgétaire à la fin du mois d’avril 2013 a dérapé de plus de 6,5 milliards par rapport à avril 2012. On sait que la croissance est en berne et que le produit de l’impôt a diminué. Dès lors, comment comptez-vous atteindre l’objectif de 3,8 % de déficit en 2014 ?

Enfin, vous ne voulez pas présenter de projet de loi de finances rectificative afin d’honorer l’engagement présidentiel à ne plus augmenter les impôts, pourtant contredit dans l’affaire du quotient familial. Puisque vous ne semblez pas avoir arrêté votre position au sujet de la TVA, faut-il s’attendre à ce que vous augmentiez la CSG à court terme ?

Mme Christine Pires Beaune. Il semble que se dégage un consensus sur la nécessité d’une méthode et d’un périmètre communs. Une fois cet objectif atteint, j’espère que le principe comptable de permanence des méthodes sera respecté sur tous les bancs.

L’absence de projet de loi de finances rectificative ne me paraît pas suffire à mettre en doute la sincérité du budget. Celle-ci sera appréciée eu égard aux collectifs budgétaires et à la loi de finances initiale. Il convient toutefois que nous soyons tenus informés de l’évolution des principaux postes budgétaires et que nous puissions disposer de chiffres outre ceux, importants, que le ministre vient de nous fournir et qui concernent surtout les recettes.

Voici quelques mois, nous nous sommes engagés à revoir le paysage que composent les quelque 600 opérateurs de l’État. Où en est-on aujourd’hui ?

M. Pascal Cherki. Je tiens à féliciter le ministre de l’astuce budgétaire à laquelle il a eu recours : le surgel de 1,5 milliard d’euros auquel il a été contraint de procéder, et dont je craignais qu’il n’entame la capacité d’action des ministères, semble se retrouver en réalité dans le projet de loi de règlement sous forme d’annulation de crédits non consommés et non reportés, en particulier dans le programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État », pour près de 1,2 milliard.

J’aimerais également savoir à quoi correspondent les montants suivants d’autorisations d’engagements annulées : 64 millions d’euros pour le programme « Prévention des risques », 28 millions pour le programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables » et 100 millions pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde ».

M. Thomas Thévenoud. S’agissant de la TVA, le rapporteur général et moi-même travaillons à des propositions de modulation des taux, en appliquant la ligne de conduite que nous avons fixée avec le ministre de l’Économie et des finances : maintien du rendement à 6,4 milliards d’euros en année pleine à partir de 2014 et, naturellement, respect de la directive TVA. S’il convient sans doute de s’interroger sur la structure de consommation, il faut surtout soumettre au taux le plus réduit – 5,5 % – l’essentiel des services et des biens de première nécessité : les produits alimentaires, le logement, les transports et les biens culturels.

Monsieur le ministre, quand les comités régionaux d’évaluation du CICE prévus par la loi de finances seront-ils installés ? Il importe en effet d’engager l’évaluation sans tarder, car le CICE, véritable ballon d’oxygène pour certaines entreprises implantées dans nos circonscriptions, n’est toutefois pas exempt d’abus ni d’effets pervers.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Puisque vous m’accusez de mauvaise foi, monsieur Censi, je me contenterai de citer le Premier président de la Cour des comptes, auquel vous n’aurez pas l’audace d’intenter le même procès : « Le respect des objectifs […] », écrit-il, « a […] moins tenu à la qualité de la programmation, perfectible, qu’à la mise en œuvre de conditions de gestion restrictives ». Voilà précisément ce que nous avons fait et que j’ai cherché moi-même à vous décrire.

M. Yves Censi. Je parlais du ralentissement du rythme de réduction du déficit.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Il n’y a aucun ralentissement du rythme de réduction du déficit, mais une diminution incontestable du déficit entre 2011 et 2012.

M. Yves Censi. Je n’ai fait que citer le Premier président de la Cour.

M. le ministre délégué chargé du Budget. Lors de son audition, il a également indiqué au sujet de l’effort de maîtrise des dépenses en 2012 que « les normes de dépenses, plus strictes que l’année précédente, ont été respectées ». L’on peut bien faire dire ce que l’on veut au Premier président de la Cour des comptes ; mais si l’on s’en tient à la lettre de son propos sur les conditions d’exécution du budget 2012 par l’actuelle majorité, l’on ne peut nous dénier la rigueur avec laquelle nous avons piloté les dépenses, d’autant plus marquée que certaines d’entre elles avaient été sous-évaluées, pour 2 milliards d’euros, ainsi que la Cour l’avait indiqué dans son rapport. Voilà pourquoi nous avons dû recourir à un gel et à un surgel qui n’ont fait l’objet d’aucun dégel. La réduction du déficit à laquelle nous sommes parvenus s’explique donc non seulement par les 7 milliards d’impôts supplémentaires que nous avons fait voter, mais également par un bon pilotage de la dépense auquel concourent, outre le gel et le surgel, les dépenses d’assurance maladie, dont la Cour a constaté qu’elles étaient de 900 millions sous norme. Ces chiffres sont incontestables et ils résultent de notre action en 2012. Je ne prétends pas que cela soit suffisant : nous avons encore beaucoup à faire pour engager les finances publiques sur la voie d’un redressement pérenne. Mais cela ne justifie pas vos propos sur l’exécution du budget 2012.

Monsieur Vigier, vous êtes, j’imagine, un lecteur de L’Ecclésiaste, comme moi – on est d’autant plus laïque que l’on connaît bien les textes vis-à-vis desquels l’on prend ses distances ! « Il y a un temps pour tout » : un temps pour débattre de 2012, un temps pour examiner les conditions d’exécution du budget en 2013, un temps pour aborder les orientations pour 2014. Lorsque viendra le temps du budget pour 2014, vous pourrez m’interroger à nouveau sur les économies que nous prévoyons et je vous les indiquerai très précisément. Nous achevons actuellement nos discussions avec les ministères afin de documenter ces économies en vue du prochain projet de loi de finances. Si votre question est légitime, convenez qu’il est rare, voire impossible, qu’un gouvernement y réponde à cette période de l’année.

Aux questions que me pose Pascal Cherki, dignes du Trivial Pursuit, je me propose de répondre précisément par écrit d’ici à 48 heures.

Madame Pires Beaune, je suis favorable comme vous à la permanence des méthodes. Voilà pourquoi je propose de réfléchir avec votre Commission, son président et le rapporteur général, ainsi qu’avec la Cour des comptes, à des critères d’évaluation communs et pérennes. Quant au principe de sincérité, notre loi de finances l’a respecté et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’éprouvons pas le besoin de présenter un collectif. Enfin, les opérateurs font partie des préoccupations du Gouvernement. Un rapport est en préparation dans le cadre de la MAP. En 2014, nous souhaitons plafonner certaines taxes affectées à des opérateurs et maîtriser l’évolution de leurs dépenses – leurs effectifs ont augmenté de 7 % au cours des cinq dernières années et ils ont été placés en dehors du périmètre de la RGPP –, car c’est l’un des facteurs de maîtrise de la dépense publique.

M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le ministre.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 12 juin 2013 à 11 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. François Baroin, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Jean-Claude Fruteau, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Thierry Mandon, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, M. Camille de Rocca Serra, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Gérard Terrier, M. Thomas Thévenoud, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Excusés. - M. Xavier Bertrand, M. Gaby Charroux, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, Mme Annick Girardin, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, Mme Sandrine Mazetier, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Pascal Terrasse, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

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