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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mardi 17 février 2015

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 65

Présidence
de M. Gilles Carrez,
Président

–  Audition de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur la politique monétaire européenne et le soutien financier à la Grèce

– Présences en réunion

La Commission entend M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, sur la politique monétaire européenne et le soutien financier à la Grèce.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le gouverneur, c’est la troisième fois que nous vous auditionnons depuis le début de cette législature : le 24 octobre 2012, vous êtes venu traiter devant notre Commission de la modernisation du réseau de la Banque de France et du financement de l’économie par les banques, puis, le 30 janvier 2013, du projet de loi de régulation bancaire. Aujourd’hui, nous souhaitons vous entendre décrire l’enchaînement, que nous espérons vertueux, par lequel la politique d’assouplissement quantitatif récemment décidée par la Banque centrale européenne – BCE – contribuera à relancer l’économie, dire quel sera le rôle des banques centrales dans la mise en œuvre de cette politique et comment se fera le partage des risques entre la BCE et les banques centrales nationales. Nous voulons aussi connaître votre point de vue sur l’évolution possible du traitement de la dette publique grecque, dont nous détenons plus de 40 milliards d’euros, directement par des prêts bilatéraux, à hauteur de 11 milliards d’euros, et, indirectement, par les garanties que nous avons apportées au Fonds européen de stabilité financière – FESF.

M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France. Je détaillerai le programme étendu d’achats de titres, aussi dit d’« assouplissement quantitatif », puis je répondrai à vos questions sur l’actualité de la question grecque.

Le programme étendu d’achats d’actifs a été lancé par le Conseil des gouverneurs de la BCE, le 22 janvier. Il englobe les achats de titres privés adossés à des actifs – ABS – décidés en septembre dernier, les achats d’obligations foncières sécurisées émises par les banques – les covered bonds – et un nouveau module consistant en l’achat de titres émis par des entités publiques. Le tout a pour objectif de lutter contre une inflation durablement trop basse dans la zone euro.

Des principes précis régissent les opérations de politique monétaire de la BCE, et donc le partage des revenus et celui des risques. Les statuts du système européen de banques centrales établissent que la politique monétaire est décidée par le conseil des gouverneurs et mise en œuvre par les banques centrales nationales. De ce principe de décentralisation découlent trois conséquences.

D’abord, les opérations conventionnelles de politique monétaire – c’est-à-dire le refinancement des banques – sont effectuées par les banques centrales nationales, qui tiennent sur leurs livres les comptes des banques opérant dans leur juridiction et portent ces opérations à leur bilan.

Ensuite, le revenu monétaire – le taux d’intérêt perçu sur les banques – est pour l’essentiel partagé entre les banques centrales nationales, selon leur part dans le capital de la BCE. Seule une part de 8 % de ce revenu revient à la BCE, qui sert à financer ses coûts.

Enfin, le conseil des gouverneurs a fixé des règles de partage des risques associés aux opérations conventionnelles de politique monétaire qui les répartissent selon les mêmes clefs que pour le revenu monétaire. Cependant, le traité européen donne au conseil des gouverneurs un large pouvoir discrétionnaire en stipulant que les risques ne sont pas nécessairement partagés mais qu’il peut décider d’indemniser les banques centrales nationales. Lors du lancement de l’euro et jusqu’en 2007, une liste de garanties communes et des listes nationales coexistaient, et nous ne partagions les risques que sur la liste commune. Depuis 2007, la liste des actifs admis en garantie a été unifiée et nous partageons les risques des opérations de politique monétaire conventionnelle. Je le redis, le traité n’y oblige pas ; nous avons généralisé l’exception car il nous paraissait logique que, les revenus étant partagés, les risques le soient également.

Nous avons étendu le principe de partage des risques à certaines opérations non conventionnelles. Ce fut le cas pour les programmes d’achats de titres destinés à protéger la zone euro du risque d’éclatement par l’affichage d’une solidarité déterminée : le programme SMP d’achat de titres lancé en 2010 sur les pays périphériques et les opérations monétaires sur titres annoncées en 2012 mais qui n’ont jamais été activées.

Il est d’autres cas où le conseil des gouverneurs a décidé que le risque ne serait pas partagé : au lancement de l’euro, je l’ai dit, quand deux listes séparées coexistaient ; pour certaines opérations de financement qui se faisaient avec des garanties nationales spécifiques, dites « créances privées supplémentaires » ; dans le cas des deux premiers programmes d’achat d’obligations sécurisées réalisés en 2008 et 2010 ; ce sera le cas, aussi, pour le nouveau programme étendu d’achat d’actifs annoncé le 22 janvier. Le traité nous donne le pouvoir d’agir à notre discrétion, et nous avons adapté nos décisions en fonction des circonstances.

Sauf lorsqu’il a fallu démontrer une solidarité complète pour contrer la phobie du marché qui redoutait l’éclatement de la zone euro, nous n’avons pas le sentiment que notre politique monétaire ait été affectée par le choix que nous faisions de partager ou non les risques : l’efficacité des mesures prises, les volumes considérés et les effets des mesures n’ont pas varié.

J’en viens au contenu du programme étendu d’achat d’actifs, dont l’objectif est donc de prévenir le risque d’une inflation trop basse, pendant trop longtemps, dans la zone euro, et de revenir vers la cible de stabilité des prix que nous assigne le traité – cible qui a toujours été interprétée comme une inflation proche de 2 %, en parfaite conformité avec la cible de stabilité des prix de la plupart des banques centrales nationales, en Allemagne et en France notamment, dans les années qui ont précédé 1999.

Nous sommes convaincus que ce programme, d’une ampleur considérable, nous permettra d’atteindre l’objectif visé. Nous allons acheter 60 milliards d’euros d’actifs chaque mois jusqu’à septembre 2016 au minimum – sauf, bien entendu, si le programme produisait tous les effets escomptés sur l’inflation avant cette échéance – et nous sommes prêts à le poursuivre le cas échéant.

Ce programme, qui permet l’injection potentielle de 1 000 milliards d’euros de liquidités dans l’économie européenne, est un « programme 3 en 1 » : le principal élément en est les achats d’actif publics, mais les achats d’actifs privés se poursuivent. Nous ajusterons l’achat des actifs publics en fonction de ce que nous pourrons réaliser sur les actifs privés. Le programme nouveau complète la mise en œuvre de la politique monétaire européenne conventionnelle de refinancement à long terme des banques : nous avons baissé le taux d’intérêt à 0,05 %, nous engageant ainsi sur un taux fixe proche de zéro sur quatre ans, ce qui fouette la capacité de prêt à moyen terme des banques, à des coûts extrêmement faibles. D’autre part, le dispositif d’allocations de liquidité sans limite aux banques demeure en vigueur.

Les achats d’ABS représentant des créances sont, pour le moment, essentiellement réalisés par des gestionnaires d’actifs sélectionnés par la BCE. La Banque de France, seule des banques centrales nationales disposant de la technicité adéquate, participe à ces achats ; je pense que d’autres banques centrales nationales la rejoindront ensuite. Ces titres sont, pour le moment, portés au bilan de la BCE.

Les achats de d’obligations foncières sécurisées, les covered bonds, sont faits par les banques centrales nationales, qui les portent à leur bilan. Les critères de sélection de ces obligations sont suffisamment homogènes pour que le risque soit partagé.

À ces achats s’ajoutera, je l’ai indiqué, un programme d’achat de titres publics émis par les gouvernements ; certaines agences nationales de la zone euro telle, en France, la Caisse d’amortissement de la dette sociale ; des institutions européennes – la Banque européenne d’investissement – BEI – ou le Mécanisme européen de stabilité – MES ; dans certains cas, des entreprises publiques non financières. Le traité interdisant à la BCE d’acheter sur le marché primaire, les achats auront lieu sur le marché secondaire, avec des critères d’éligibilité supplémentaires pour les pays faisant l’objet d’un programme d’ajustement de l’Union européenne et du Fonds monétaire international – FMI. La mise en œuvre de ces achats sera décentralisée.

Les achats de titres émis par des institutions européennes représenteront 12 % du programme d’achat de titres publics ; ils seront effectués uniquement par les banques centrales nationales, probablement par un petit nombre d’entre elles dont, sans doute, la Banque de France. Ces achats seront faits à risques partagés, puisque gouvernements et parlements nationaux ont déjà décidé la mise en commun des engagements au sein des institutions européennes.

Les titres d’État et d’agences seront achetés à hauteur de 8 % par la BCE elle-même : comme le risque est partagé en fonction de la part des États actionnaires dans le capital de la Banque, nous porterons indirectement 20 % du risque de ce qu’achètera la BCE. Les 80 % restants du module « titres publics » sera acheté par les banques centrales nationales, chacune achetant les titres de son pays selon des modalités de précisément fixées par le conseil des gouverneurs et les comités spécialisés de la BCE, qu’il s’agisse de la répartition des achats, de leur rythme, de leur taux ou encore des échéances, qui seront comprises entre deux et trente ans.

Le programme aura un triple effet, et pour commencer un effet direct. Un programme d’achat de cette ampleur fait monter le prix des obligations souveraines, si bien que leur rendement diminue. Le rendement souverain français à dix ans a baissé d’environ 0,15 % depuis le 22 janvier, et de près de 0,40 % depuis le mois d’octobre ; cette réduction fait suite à une baisse continue due à nos opérations de politique monétaire. La baisse des taux obligataires allège la charge de la dette et libère des ressources budgétaires qui peuvent être employées soit pour faciliter la consolidation budgétaire, soit pour des dépenses de structure favorisant la productivité.

Un tel programme d’achat emporte aussi une série d’effets induits par la réallocation de l’épargne privée. En achetant des titres publics sur le marché secondaire, on fournit des liquidités aux vendeurs, que ces derniers doivent réemployer : l’épargne privée, qu’elle soit de la zone euro ou étrangère, se porte alors sur d’autres titres que ceux que l’euro-système achète. Si elle se reporte sur des actifs situés hors de la zone euro, cela entraîne une sortie de capitaux qui fait baisser la valeur de l’euro ; cet effet sur le taux de change entraîne des conséquences positives pour le commerce extérieur et pour l’activité au sein de la zone euro, dont s’ensuivent une hausse des prix et la sortie de la zone de danger déflationniste.

Si les liquidités rendues disponibles sont employées à l’intérieur de la zone euro, les épargnants devront se tourner vers des actifs plus risqués, dont le rendement est meilleur. Cela entraînera davantage d’investissements dans les pays périphériques – ce qui réduira les écarts de taux entre les pays de la zone euro, aussi bien pour les émetteurs souverains que pour les autres –, dans les obligations d’entreprise, dans les obligations bancaires – ce qui abaissera le coût de refinancement des banques – et dans les actions. La réduction des coûts de financement des entreprises, des banques et des ménages aura un effet à la baisse sur les taux de crédit, ce qui devrait soutenir l’investissement et la consommation.

Enfin, en décidant d’acheter massivement des titres, nous envoyons un signal : nous disons notre engagement à maintenir des taux d’intérêt bas pendant longtemps et à faire tout ce qui est nécessaire pour respecter notre mandat – assurer la stabilité des prix, et donc éviter le risque de déflation. Ces achats de titres renforcent ainsi nos indications prospectives sur l’évolution de la politique monétaire européenne. On commence d’en voir les effets : l’observation de l’évolution des obligations et des swaps indexés sur l’inflation en zone euro montre que l’inflation anticipée par les marchés a recommencé à augmenter ; c’est un effet d’ancrage crucial pour éviter une spirale déflationniste.

En tout, le programme d’achats d’actifs devrait soutenir l’ensemble des composantes de la demande agrégée, c’est-à-dire l’investissement, la consommation, les dépenses publiques – à objectif inchangé de consolidation d’équilibre budgétaire - et les exportations nettes.

Mais la condition sine qua non pour que ce cercle vertueux fonctionne, c’est que les économies soient suffisamment flexibles pour qu’il n’y ait pas réticence des opérateurs à investir et à embaucher, et que les décisions économiques ne soient pas freinées par des rigidités excessives. La grande différence entre le Royaume-Uni et les États-Unis, où les programmes d’achat d’actifs ont très bien fonctionné, et le Japon, où l’effet d’un programme similaire est beaucoup moins probant, tient essentiellement à ce que les économies britannique et américaine sont très flexibles alors qu’au Japon l’ensemble de réformes structurelles connu sous la dénomination de « troisième flèche » a pris du retard.

Je me garderai d’interférer avec l’actualité de votre Assemblée, mais le conseil des gouverneurs est convaincu que si les économies ne s’adaptent pas et que les réformes ne sont pas conduites assez rapidement, notre programme d’achat de titres aura malheureusement moins d’effets qu’il aurait pu en avoir.

Le bon fonctionnement du programme tiendra, en France, à une seconde condition, spécifique à notre pays où, paradoxalement, des mécanismes freinent l’impact bénéfique des opérations de politique monétaire de la BCE. Je parle de l’épargne réglementée qui, par ses effets directs et indirects – de nombreuses formes d’épargne non réglementées étant de facto corrélées au taux de rémunération de l’épargne réglementée – induit une rigidité à la baisse du taux de refinancement, et donc du taux des crédits. Cela empêche la bonne transmission de la politique monétaire. Ce mécanisme aboutit à ce que pour les emplois directs de l’épargne réglementée – financement du logement social, des PME, des collectivités locales ou de la politique de la ville – et aussi pour les emplois de l’épargne qui lui est largement corrélée
– emprunts immobiliers des ménages, voire solde d’emprunt des PME – la rigidité à la baisse réduit l’efficacité de la politique monétaire de la BCE.

Ce nouveau programme d’achat de titres représentera, d’ici à septembre 2016, 200 milliards d’euros au bilan de la Banque de France ; l’impact de la politique monétaire sur l’économie française en sera doublé.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Combien la BCE a-t-elle racheté de titres adossés à des actifs – ABS ? S’agit-il de créances de PME, de grandes entreprises, ou d’autre chose ? La BCE porte de ce fait à son bilan des risques de crédit, ce qui n’est pas sa vocation première, et elle peut se trouver en difficulté ; comment se fait le suivi de ce risque ?

Parallèlement, la Banque de France a lancé en 2012 le programme de titrisation de créances Euro Secured Note IssuerESNI –, qui a été activé il y a peu. Dans un courrier récent, vous m’indiquez, monsieur le gouverneur, que la Banque de France a déjà racheté 3,65 milliards d’euros de créances – La Banque postale n’est pas mentionnée dans le pool de banques concernées, j’aimerais que vous me disiez pourquoi ; là encore, quels sont les sous-jacents des titres ainsi portés au bilan de la Banque de France ?

Vous indiquez dans le même courrier que la BCE achète les tranches les moins risquées des ABS, les tranches les plus risquées étant portées par d’autres contreparties ; s’agit-il d’assureurs ou de fonds du système bancaire parallèle (shadow banking) ? En coiffant votre casquette de régulateur, comment appréciez-vous ce nouveau risque pour les banques centrales ?

M. Jérôme Chartier. Vous nous avez expliqué, monsieur le gouverneur, que le livret A était devenu une niche fiscale ; à quel taux faudrait-il fixer la rémunération des dépôts pour faire disparaître cette niche fiscale ? Sur un plan général, les mesures annoncées permettront-elles de faire remonter le taux d’inflation légèrement sous 2 % ?

M. Pierre-Alain Muet. Je salue ce qu’a fait M. Mario Draghi, président de la BCE, en annonçant en 2012 des mesures non conventionnelles qui n’ont pas été mises en œuvre mais dont l’annonce a fait cesser la spéculation, puis en lançant ce programme étendu d’achats de titres, qui est l’une des composantes indispensables de la politique économique visant à essayer d’éviter la déflation. Je ne juge pas aussi aimablement l’action de la BCE dans la troïka. Je l’ai dit il y a dix jours à Bruxelles à l’occasion de la semaine parlementaire européenne : je juge ce que la troïka a fait en Grèce aux antipodes de la solidarité qui a marqué la construction européenne, inscrite dans les traités pour éviter la répétition des erreurs commises dans le traité de Versailles – penser que faire payer le pays qui avait fauté n’entraînerait pas de conséquences négatives pour tous – et lors de la déflation des années 1930. On peut certes se réjouir de constater que la croissance reprend un peu en Grèce, mais le PIB du pays a baissé de 25 % et le taux de chômage des jeunes est de 50 %, chose jamais vue en temps de paix. Cela mérite que la troïka s’interroge. Ce point de vue a été exprimé par de nombreux parlementaires de différents parlements pendant la conférence interparlementaire à laquelle j’ai participé.

Pour ce qui est du risque déflationniste – risque majeur –, la BCE n’a pas à intervenir dans les politiques économiques, mais l’on a entendu M. Draghi dire : « Je fais le maximum pour éviter la déflation, mais les gouvernements doivent m’aider par leur politique budgétaire et par d’autres politiques. » Mais quand tous les États mènent des politiques d’austérité, il ne faut pas s’étonner que cela ait un effet dépressif qui nuit au rétablissement des comptes publics dans chaque pays. Outre cela, si un pays est seul à couper dans les coûts du travail et parfois, comme en Grèce, dans les salaires, sa situation se rétablira, en effet, vis-à-vis de l’extérieur ; mais si tous les États font la même chose, cet effet positif s’annule en termes intra-européens, et ne reste que la baisse des prix. Il n’est donc pas surprenant qu’on soit aujourd’hui dans une situation déflationniste : on a mené partout, sans les coordonner, des politiques de réduction des coûts du travail – voire de réduction des salaires, ce que l’Europe n’avait jamais fait. La politique monétaire a un rôle à jouer mais elle ne suffit pas à éviter une déflation. La lutte contre la déflation suppose que l’on réajuste certaines politiques conduites sans que l’on ait vraiment réfléchi à leurs conséquences quand elles sont menées par tous.

Par les mesures que vous avez détaillées, la BCE entend, avez-vous dit, faire baisser les taux d’intérêt à long terme ; pensez-vous que l’effet sera suffisamment significatif pour permettre le redémarrage de l’économie européenne ? En 2013, l’excédent extérieur de l’Europe s’est élevé à 230 milliards d’euros – non que l’on ait exporté davantage mais parce que l’effondrement de la demande intérieure a ralenti les importations. La zone euro disposait donc, potentiellement, de 230 milliards d’euros d’épargne, mal utilisée, puisqu’elle aurait pu servir à des programmes d’investissement. Au regard d’une épargne de 230 milliards d’euros provoquée par la récession, on est fondé à penser que les 315 milliards d’euros sur trois ans annoncés dans le plan Juncker ne sont pas complètement à la hauteur de l’enjeu ; mais je conviens que ce sujet dépasse le cadre de la BCE.

M. Jacques Myard. Il se dit que la BCE attendrait, pour continuer les achats de titres, l’arrêt de la Cour de justice sur la requête allemande relative au Mécanisme européen de stabilité ; est-ce exact ? Vous nous avez expliqué que le partage des risques est la règle pour les opérations conventionnelles mais qu’il n’en va pas ainsi cette fois parce qu’il s’agit d’opérations non conventionnelles. Or, 80 % des rachats de titres seront faits par les banques centrales nationales. Certains économistes voient dans cette décision la balkanisation de la zone euro, chaque rachat de dette devenant une affaire nationale. Est-ce le début de la remise en cause de l’unité de l’euro ? Des mauvaises langues voient là une décision imposée par les Pays-Bas et l’Allemagne, qui expriment ainsi leur acceptation du bout des lèvres de ce programme étendu d’achats de titres.

En Grèce, l’objectif visé n’est-il pas en réalité de faire tomber le gouvernement ? En pensant que le nouveau gouvernement grec est dans l’impasse, on se trompe : il peut toujours ordonner à la Banque centrale grecque de lui fournir des euros. Cela conduirait au clash, et c’est ce à quoi on va parvenir si l’on continue de ne pas vouloir regarder la réalité rappelée par Pierre-Alain Muet : 40 % de baisse des revenus, un PIB en chute d’un quart et 50 % des jeunes au chômage des jeunes – sans compter ce qui risque de se passer en Italie, au Portugal et en Espagne. À quoi joue-t-on ? Nous sommes à la veille d’une crise monétaire institutionnelle en Europe, et je m’étonne que personne ne critique la position des Pays-Bas et de l’Allemagne telle qu’exprimée par l’Eurogroupe, alors même que la Commission européenne était prête à calmer le jeu en proposant un moratoire de quatre mois pour trouver des solutions. Aller au clash, c’est prendre le risque d’un choc systémique.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends une contradiction dans les propos de Pierre-Alain Muet, qui explique que la politique monétaire ne peut régler les difficultés à elle seule, ce qui est juste, mais qui reproche à la troïka d’avoir causé des dégâts en Grèce, alors qu’elle est intervenue pour suppléer au manque de réformes structurelles dans le pays et pour leur donner l’impulsion initiale, inexistante.

Alors que se conjuguent réduction du prix du baril de pétrole, baisse de l’euro et diminution durable des taux d’intérêt, comment éviter la déflation et susciter une inflation maîtrisée ?

M. Pascal Cherki. Je n’ai pas pris pour une manifestation d’hostilité envers le gouvernement grec la déclaration de la BCE renvoyant au politique la responsabilité du politique. La nouvelle majorité grecque fait une demande légitime : ayant été élue, elle souhaite, comment elle en reçut mandat du peuple, rediscuter les engagements contractuels de son pays à l’égard de l’Union européenne dans le cadre que l’on connaît. Sur une question de cette importance, il aurait été compliqué que la BCE, outrepassant son rôle, se substituât au Conseil européen ; elle ne l’a pas fait.

Mais je suis assez préoccupé par l’absence de volonté de trouver un compromis. Dire que l’on veut à la fois respecter du peuple grec et le respect des engagements précédemment contractés par la Grèce me paraît incompatible : s’il s’était agi de tenir ces engagements, la Grèce aurait reconduit M. Samarás. Il est de la responsabilité de l’Union européenne de trouver une solution et de ne faire courir de risques ni à la Grèce ni à l’ensemble de la zone euro – on a déjà vu les convulsions causées à Chypre par la crise grecque. J’aimerais, monsieur le président, que notre Commission entende le ministre des Finances et des comptes publics nous dire quelle action mène la France ; le sujet est grave.

Par ailleurs, je trouve assez choquante la position de l’Allemagne, qui demande, au nom de considérations pseudo morales, l’application à la Grèce d’un principe qu’à juste titre on ne lui a pas appliqué. En 1953, l’ensemble des créanciers de l’Allemagne, dont la Grèce, ne se sont-ils pas réunis à Londres pour traiter, à la demande du gouvernement allemand, du rééchelonnement de ses 30 milliards de dollars de dette, que justifiait le risque de banqueroute ? Et cela, huit ans après la chute du régime nazi, qui avait mis l’Europe à feu et à sang, perpétré un génocide et causé plus de 50 millions de morts – tout autre chose, on en conviendra, que les malversations de quelques oligarques grecs. À l’époque, les créanciers de l’Allemagne sont convenus qu’il fallait, dans l’intérêt de l’Europe, préserver la stabilité démocratique du continent en donnant à l’économie allemande les moyens de décoller, sans répéter les erreurs du traité de Versailles. À cette fin, ils ont annulé unilatéralement la moitié de la dette de l’Allemagne et rééchelonné le solde sur un si long terme que son extinction complète n’a eu lieu qu’en 2010. C’est cette décision politique judicieuse de nos prédécesseurs qui a permis à l’économie germanique de redécoller. Nos amis allemands doivent s’en souvenir ne pas prétendre imposer à un pays une doxa dont ils n’ont pas voulu pour eux-mêmes. J’espère, monsieur le gouverneur, que vous direz au président de la Bundesbank l’inquiétude que suscite cette position.

Que pensez-vous par ailleurs du plan Juncker ? La BCE fait son travail en rétablissant les circuits de liquidité et en faisant ce qui est nécessaire pour que les banques prêtent aux entreprises. Mais l’on sait qu’une politique monétaire commune non assortie d’une politique budgétaire commune ne peut fonctionner. Or, de nombreux économistes, comme la Commission européenne, s’accordent pour souligner le problème de la relance de la demande. Pendant les Trente Glorieuses, aux plus belles heures du keynésianisme, on s’interrogeait pour savoir si un point de dépense publique créerait 1,3 ou 1,4 point de croissance du PIB ; aujourd’hui, M. Juncker invente le facteur 15 ! Jugez-vous crédible que l’injection de 21 milliards d’euros d’argent frais entraîne 320 milliards d’euros d’investissements ?

M. Charles de Courson. La Grèce peut-elle rembourser sa dette, dont les trois quarts sont portés, directement ou indirectement, par les autres pays de l’Union européenne, puisqu’il n’y a plus qu’une cinquantaine de milliards d’euros de dette privée, qui ont d’ailleurs subi une décote de quelque 70 % ? Il me semble que non, mais vous allez nous le dire, monsieur le gouverneur ; si la Grèce rembourse déjà la moitié de sa dette, ce ne sera pas si mal. Faut-il annuler tout ou partie de cette dette ? J’en serais très choqué, car ce serait faire payer aux contribuables des autres pays de l’Union les erreurs de la classe politique grecque, le Pasok et Nouvelle démocratie. Que penseriez-vous d’un plan similaire au moratoire Hoover défini en 1931-1932, quand il a fallu constater que l’Allemagne ne pouvait rembourser sa dette, et qui a conduit à tripler la durée prévue pour son remboursement ?

Pour ce qui est de la BCE, quelle est l’efficacité d’une politique monétaire consistant à injecter dans l’économie européenne 20 milliards d’euros de liquidités par mois pendant dix-huit mois alors que les taux d’intérêt sont très bas, voire négatifs à court terme ? L’outil monétaire est-il adapté à la situation ?

M. le gouverneur de la Banque de France. Je rappelle qu’au début, la troïka représentait les créanciers qui apportaient à la Grèce de l’argent frais, après que l’on eut réduit de 70 % la dette auprès des porteurs privés. Ces fonds nouveaux devaient servir à redémarrer l’économie, relancer la croissance et permettre au pays de se financer jusqu’à ce que l’économie tourne à nouveau. En général, l’argent neuf est sanctuarisé alors que la dette ancienne ne l’est pas. Les représentants des créanciers étaient le FMI et la Commission européenne, qui représentait les États de l’Union sous le contrôle de l’Eurogroupe. Ce sont les États membres qui ont demandé que la BCE apporte son aide technique à la Commission européenne. À titre personnel, je préférerais que nous soyons moins impliqués mais la majorité des États tiennent beaucoup à ce que cette aide technique se poursuive. La troïka, ce n’est rien d’autre que les prêteurs.

La dette grecque pose un double problème. Elle est importante : comme l’a indiqué M. de Courson, 240 des 320 milliards d’euros dus le sont aux États, soit directement, soit par le biais du FESF. Mais l’accord conclu avec le FESF prévoyant une période de grâce jusqu’en 2022, capital et intérêts confondus, le problème n’est pas urgent. Les échéances du prêt consenti par le FMI sont irrévocables : jamais depuis sa création le FMI n’a procédé à un rééchelonnement ou à une remise de dette. La seule disposition prise a été, pour les pays extrêmement pauvres, de créer un fonds destiné à recueillir les contributions volontaires des États destinées à financer les remboursements au FMI. Et pour ce qui est des quelques obligations grecques détenues par la BCE ou par l’euro-système, le traité interdit de renégocier cette dette. La restructuration de cette partie de la dette grecque étant impossible, il reste à régler le problème de la dette des États. La solution sera probablement, comme cela a déjà été fait une fois, l’étalement, et l’on peut aussi jouer sur le taux. Mais on a du temps pour cela.

J’ai entendu critiquer le programme de mesures imposé à la Grèce. Peut-être ce programme n’a-t-il pas été dessiné idéalement, et certaines institutions ont dit que des paramètres devraient de toute façon être corrigés. Certaines propositions de la Grèce peuvent être entendues, mais cela repose pour partie sur les autorités grecques : le fait d’être capable ou de ne pas être capable de percevoir les impôts sur les catégories les plus aisées de la population ne relève pas de la responsabilité des créanciers. Si un gouvernement qui en a fait l’une des propositions de son programme est décidé à lutter efficacement contre la corruption et l’inégalité fiscale, toute la communauté européenne le saluera. L’objectif du programme est bien de permettre le redémarrage de la croissance grecque car la Grèce ne peut vivre indéfiniment assistée. Or, de 2000 à 2010, le pays a fonctionné à coup de crédits venant de l’Europe et du reste du monde, et de subventions. Ce n’est pas une façon de faire tourner l’économie que de créer des emplois largement artificiels, pléthoriques dans la fonction publique, où ils ne suscitent aucune richesse, le tout conduisant à une évolution des coûts de production – salaires et charges – telle que l’économie grecque était devenue non compétitive. Il est indispensable de la rendre à nouveau compétitive.

Je ne sais quel serait le dessin idéal des mesures à prendre, mais ce qui inquiète le plus les économistes est l’idée que le nouveau gouvernement grec revienne sur des réformes du marché du travail conçues pour aider à convaincre les entreprises de développer l’activité, ou qu’il décide une hausse brutale du salaire minimum – qui certes a été baissé, mais parce qu’il fallait permettre à l’économie grecque de redevenir compétitive. Ces ajustements ont été faits au Portugal, en Estonie, en Lettonie et en Irlande, où ils ont parfaitement fonctionné.

M. Alexis Tsípras a certes été élu sur un programme et sa majorité doit respecter la volonté de ses électeurs, mais il est difficile au gouvernement grec de dire aux contribuables des autres pays européens qu’il compte sur eux pour payer la facture de ses promesses électorales. La décision, politique, relève des autres parlements nationaux de la zone euro : s’ils ont convenance à voter des impôts supplémentaires pour transformer en dons les prêts faits à la Grèce, c’est de la responsabilité des États.

J’en viens aux questions relatives à la politique monétaire. Lutter contre le risque de déflation suppose pour l’essentiel d’accélérer la demande économique. Je ne sais si les taux d’intérêt sur les titres souverains baisseront encore un peu, mais une grande partie de l’effet sur les taux a été atteint parce que les marchés ont anticipé ce que nous allions faire. Nous allons maintenir la pression et les taux à leur bas niveau et inciter ainsi à un report sur d’autres actifs. En poussant à la baisse les taux d’intérêt à long terme, nous modifions l’intérêt relatif du rendement de l’investissement dans l’activité productive et du rendement de l’investissement financier : le second est si faible qu’il devient de plus en plus intéressant pour les investisseurs de choisir de prendre des risques et de créer des emplois.

Le plan Juncker est absolument indispensable. C’est un élément-clef du soutien de l’investissement en Europe et le conseil des gouverneurs soutient résolument son lancement en urgence. L’effet de levier attendu est-il réaliste ? Je suis convaincu qu’il peut être très fort si l’investissement sert à créer des emplois dans des activités dont la rentabilité est telle qu’elle permet de rembourser le prêt. S’il ne sert qu’à couvrir des risques de défaut, c’est autre chose : dans ce cas, l’investissement est fait à fonds perdus.

On évitera le risque de déflation en favorisant l’accélération de la reprise de l’activité, en convainquant les acteurs économiques que l’on fera tout pour cela, et aussi par des effets ponctuels sur le taux de change qui poussent les prix à la hausse. De mon point de vue, le moyen le plus efficace d’accroître la masse salariale distribuée est de créer des emplois à marche forcée. L’arbitrage à faire est des plus classiques : favorise-t-on l’augmentation des salaires des personnes en place au risque de maintenir en dehors de l’emploi un grand nombre de gens, ou essaye-t-on de rester compétitif en espérant qu’ainsi l’emploi se développera plus vite et que la masse salariale augmentera par distribution de salaires à un plus grand nombre de personnes qui auront retrouvé un emploi ? Ma conviction est que les salaires remonteront naturellement le jour où le chômage aura assez baissé, quand la concurrence pour trouver des compétences sur le marché du travail commencera à devenir significative.

Le traité prévoit le partage des revenus mais non celui des risques – sauf si le conseil des gouverneurs en décide autrement. De 1999 à 2007, nous avons appliqué la politique monétaire avec deux listes de garanties : s’il y avait un accident relatif à l’un des collatéraux figurant sur la liste unique, le risque était partagé ; l’autre liste était une liste de garanties de droit national, et comme on ne savait pas très bien comment les comparer, il avait été décidé que ces risques ne seraient pas partagés. Pour autant, il n’y a eu aucune « balkanisation » de la politique monétaire, qui a été parfaitement efficace pendant ces années-là.

C’est la Banque de France qui, depuis toujours, porte le refinancement des banques françaises. Aussi bien, décider que le risque sera ou non partagé entre les banques centrales nationales ne change rien à l’efficacité de notre politique monétaire ; les conditions et l’effet macro-économique sont les mêmes. Penser qu’il en est autrement, c’est ne pas comprendre que l’euro-système est une organisation de type fédéral largement décentralisée. Aux États-Unis, les opérations de politique monétaire ne sont pas faites à Washington mais à New York pour les opérations de marché et dans les douze banques régionales de la Réserve fédérale pour la tenue des comptes bancaires et le refinancement bancaire. C’est exactement la même philosophie, et personne ne dit qu’il y a « balkanisation » de la Réserve fédérale des États-Unis. Quand on partage les revenus, il est logique de tendre au maximum de partage des risques ; que des inquiétudes ou des incompréhensions conduisent à ne pas partager certains risques ne me paraît pas être un sujet très important.

M. Jacques Myard. Alors pourquoi avoir choisi de changer la pratique à cet instant ?

M. le gouverneur de la Banque de France. Nous n’avons pas davantage partagé les revenus et les risques des programmes 1 et 2 d’achat d’obligations sécurisées décidés en 2010 et en 2011. Tout dépend des circonstances, mais cela ne modifie en rien l’unité de la politique monétaire européenne.

Pour ce qui est de la rémunération du livret A, le bon niveau aurait été atteint en laissant s’appliquer la formule de calcul établie, qui conduit à un taux de 0,25 %. J’ai moi-même considéré, après en avoir parlé avec le ministre des Finances, que même si l’on souhaite mener une politique monétaire agressive, fixer le taux de rémunération à ce niveau risquerait de déstabiliser trop violemment les flux d’épargne. Alors que le rendement des assurances-vie en euro va inéluctablement diminuer, mais avec un effet retard, je pensais préférable de ne pas faire un saut aussi brutal, mais de lisser la baisse du taux. J’ai regretté la décision prise, qui me paraît empêcher toute évolution à la baisse des taux d’une série de crédits, ce qui fait obstacle à la transmission en France de la politique monétaire de la BCE.

Faute qu’il y en ait, nous avons racheté très peu d’ABS. Nous voulions favoriser les ABS de crédit aux PME, et nous avons commencé d’en acheter des nouveaux. Il est vrai que, ce faisant, nous prenons un risque de crédit aux entreprises qui n’est pas dans notre rôle habituel. Parce que ce risque est important, nous n’avons pris que les tranches les plus protégées, laissant les tranches plus rentables mais plus risquées à des fonds d’investissement privés. Pour amorcer au plus vite le programme d’achat, nous avions accepté de prendre aussi des ABS de crédits automobiles. Le plus gros des encours est celui de la titrisation de créance hypothécaire résidentielle – RMBS – aux Pays-Bas ; mais, pour l’instant, le démarrage d’ensemble de ce programme est très modeste, avec un volume d’achats compris, si je me souviens bien, entre 2 et 3 milliards d’euros. La Banque postale peut rejoindre les autres banques participant à l’opération si elle le souhaite. Ces titres ressemblent aux covered bonds : l’engagement de la banque sur le titre émis demeure, la garantie est apportée par les actifs et les titres ne sont pas tranchés ; le risque est global. L’outil peut être très utile aux financements entre acteurs de marché.

La remontée de l’inflation se fera comme je l’ai décrit : par l’effet de change ; par l’accélération de la relance de l’activité, l’augmentation du taux de croissance entraînant la tension sur les prix à mesure que les capacités de production inutilisées des entreprises baissent ; par les anticipations des agents économiques, car s’ils sont persuadés que l’inflation repart vers notre cible, la fixation des prix tend à se modifier. Si tout se passe bien, nous pensons atteindre notre cible à l’automne 2016 environ. En fonction des progrès réalisés, nous ajusterons le programme d’achat de titres, en augmentant ou réduisant les montants d’achats mensuels, et en allongeant ou en raccourcissant la durée du programme.

Mme la rapporteure générale. Quelles sont les conséquences sur le bilan des assureurs, singulièrement des assureurs-vie, d’une politique de taux aussi bas pendant aussi longtemps ? Avez-vous évalué ce qu’il peut leur en coûter ? Combien de temps cela peut-il durer ?

M. le gouverneur de la Banque de France. S’il n’y a pas de remontée brutale des taux, le rendement des contrats en euro baissera et les épargnants seront peu à peu incités à se reporter vers les placements en unités de compte, davantage liés au financement de l’économie, ce qui est l’un des objectifs recherchés. J’ai conseillé aux assureurs-vie de prendre soin de constituer une réserve : parce que leur stock d’obligations anciennes va se réduire inexorablement, ils doivent éviter de faire chuter brutalement à zéro les rendements qu’ils servent. Le risque vraiment dangereux pour les assureurs-vie serait la remontée du taux des obligations, qui créerait des moins-values. Ce n’est pas le cas pour le moment : il n’y a que des plus-values latentes. Nous ferons tout pour qu’il n’y ait pas de remontée brutale du taux des obligations, mais la constitution de réserves de précaution doit s’imposer aux assureurs-vie, tant pour leur permettre de lisser la baisse inéluctable des rendements que pour éponger des moins-values éventuelles. On peut à cette fin doter de montants plus importants la réserve de participation, qui permet d’étaler sur cinq ans ce que l’on rend aux assurés, à condition que cette réserve implicite soit contenue dans des limites acceptables. Considérant que l’obligation sera remboursée sur la durée du contrat, on n’est pas obligé de respecter complètement la valeur de marché au jour le jour (mark to market), à condition que le possesseur du titre puisse le garder jusqu’à l’échéance et que le crédit de l’émetteur ne soit pas sujet à caution. En cette matière, l’extrême prudence s’impose.

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Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 17 février 2015 à 16 h 45

Présents. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Étienne Blanc, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Jean Launay, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Rabault, M. Michel Vergnier

Excusés. - Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Éric Woerth

Assistait également à la réunion. - M. Jacques Myard

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