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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 16 septembre 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 103

Co-Présidence de M. Gilles Carrez, Président,
Et de
M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire

–  Audition, conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, de M. Michel Destot, député, et M. Michel Bouvard, sénateur, parlementaires chargés par le Gouvernement d’une mission temporaire auprès du secrétaire d’État chargé des Transports, de la mer et de la pêche et du secrétaire d’État chargé du Budget, sur le financement du projet Lyon-Turin

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition, conjointe avec la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Michel Destot, député, et M. Michel Bouvard, sénateur, parlementaires chargés par le Gouvernement d’une mission temporaire auprès du secrétaire d’État chargé des Transports, de la mer et de la pêche et du secrétaire d’État chargé du Budget, sur le financement du projet Lyon-Turin.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, conjointement avec la commission des finances, MM. Michel Destot et Michel Bouvard, sur le rapport sur le financement de la liaison ferroviaire Lyon – Turin.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous nous intéressons aujourd’hui à un dossier dont l’intérêt économique n’a d’égale que la complexité financière. Voilà d’ailleurs pourquoi nous nous réunissons dans la salle de la commission des finances, laquelle est à la recherche permanente, et parfois désespérée, de financements sans hausses d’impôts !

Je suis heureux d’y recevoir les membres de la commission du développement durable, pour y auditionner ensemble nos collègues Michel Destot et Michel Bouvard, chargés par le Premier ministre, par décret en date du 30 décembre dernier, d’une mission temporaire auprès du secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche et du secrétaire d’État chargé du budget, sur le financement de la liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Je vous remercie, messieurs, de répondre à l’invitation de nos deux commissions en venant nous présenter les conclusions de votre rapport, remis à la mi-juillet et intitulé – d’où notre impatience ! – « Examen de nouvelles sources de financement pour les travaux de la section transfrontalière ».

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je me réjouis de recevoir avec Gilles Carrez Michel Destot et Michel Bouvard. Les transports constituent la compétence centrale de la commission du développement durable, qui s’est déjà intéressée en plusieurs occasions à l’important projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. Je songe aux travaux de Philippe Duron et à ceux de Rémi Pauvros, rapporteur pour avis du budget des transports terrestres, mais aussi à la mission que j’ai personnellement conduite sur l’écotaxe : les suites qui lui ont été données par le Gouvernement me portent à une bienveillance particulière envers les propositions de nos collègues sur ce point, très proches des nôtres.

M. Michel Destot. Merci de nous avoir invités à vous présenter les conclusions de cette mission, qui nous a été confiée par le Premier ministre, en effet, et que nous avons conduite en lien étroit avec les secrétaires d’État respectivement chargés des Transports et du Budget, mais aussi des Affaires européennes, ainsi qu’avec les élus italiens, français et européens, tant nationaux que territoriaux, et avec la Commission européenne, sans oublier les représentants des acteurs de terrain que sont les transporteurs et les usagers.

Le projet majeur qui nous occupe, poursuivi sous quatre présidences de la République – celles de François Mitterrand, de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et aujourd’hui de François Hollande –, a franchi cette année une étape décisive. Le sommet franco-italien de février a permis d’engager la réalisation de la première étape du tunnel transfrontalier de 57 kilomètres entre Saint-Jean-de-Maurienne, en France, et Suse, en Italie, parallèlement à la création d’un promoteur franco-italien, la société TELT (Tunnel euralpin Lyon-Turin) ; puis, en juillet, au moment même où nous remettions notre rapport au Premier ministre, l’Union européenne s’engageait à financer le projet à hauteur de 40 %, et pour près d’un milliard d’euros s’agissant de la première tranche 2016-2020.

Rappelons que nous parlons non de la ligne complète, mais de sa section transfrontalière longue de 57 kilomètres, sachant que des raccordements à la ligne existante sont possibles dès l’ouverture de cette section. Le coût du projet a été évalué à 8,5 milliards d’euros, valeur 2010. Plus de 12 kilomètres de tunnels dits techniques – les « descenderies », qui permettent d’approcher la section de base – ont déjà été réalisés, pour 1,5 milliard d’euros, dont 50 % payés par l’Europe, 25 % par l’Italie et 25 % par la France. Le chantier doit durer une douzaine d’années ; il pourrait débuter en 2017 ou 2018, et s’achever à la fin des années 2020.

Ce projet est essentiel pour la France, pour l’Italie et pour l’Europe. Tout d’abord eu égard au report modal – c’est sa visée principale –, et plus précisément au report de la route et de l’air vers le transport ferroviaire des voyageurs comme du fret. L’objectif est de ramener la répartition du trafic de 90 % pour la route et 10 % pour le rail à, respectivement, 45 et 55 %, ce qui représenterait une économie d’émissions de gaz à effet de serre de plus d’un million de tonnes par an : c’est considérable.

C’est aussi un projet majeur du point de vue économique. Rappelons que l’Italie est le deuxième partenaire économique et commercial de la France en Europe et que les échanges annuels entre les deux pays ne représentent pas moins de 70 milliards d’euros. La manière dont le tunnel sous la Manche a stimulé l’économie du Royaume-Uni, mais également du Nord de la France et de la Belgique, est à cet égard éloquente. Nous devons naturellement être attentifs à cet enjeu dans le contexte économique que connaissent actuellement la France et l’Europe.

C’est également l’occasion de conforter, parmi les flux européens, le corridor Séville-Budapest, lequel englobe 18 % de la population de l’Europe et 17 % de son PIB, soit quelque 200 milliards d’euros d’échanges ; et, avec lui, l’Europe du Sud et de l’Ouest – objectif essentiel en matière économique, mais aussi du point de vue stratégique et politique. Le projet s’intègre en outre aux corridors Nord-Sud que sont Londres-Rome, par le tunnel sous la Manche, et Amsterdam-Lyon-Milan.

Il offre enfin une solution ferroviaire à l’évolution des flux transalpins, alors que la croissance des flux routiers dans le Brenner comme sur la côte d’Azur est préoccupante pour l’environnement.

Il existe aujourd’hui neuf tunnels ferroviaires sur l’arc alpin, et trois autres sont en projet ou en cours de réalisation : le Lyon-Turin entre la France et l’Italie, le tunnel du Saint-Gothard, en Suisse, et le Brenner, entre l’Italie et l’Autriche.

Des 8,5 milliards d’euros nécessaires, l’Union européenne s’engage à financer 40 %, l’Italie 35 % et la France 25 %. Cette différence s’explique par le nombre d’accès du côté français, plus élevé que du côté italien : la discussion politique a permis d’aboutir à cette péréquation.

Au terme de notre mission, nous proposons un financement mixte. D’une part, sur crédits publics, au nom de la crédibilité de l’engagement de l’État vis-à-vis de l’Europe comme de l’Italie ; cela implique aussi les collectivités territoriales puisqu’il faudra financer au cours des prochaines décennies non seulement le tunnel transfrontalier de base, mais encore la construction des accès, du côté français comme du côté italien. D’autre part, grâce à l’application de l’Eurovignette, à titre peut-être principal, dans les Alpes du Nord et sur le littoral méditerranéen, pour la région alpine – puisque cette application doit par définition être très précisément délimitée.

Nous préconisons une mise en œuvre progressive et mesurée de l’augmentation des péages. Celle-ci peut atteindre 25 % aux termes de la directive Eurovignette ; nous proposons d’en rester à 10 % dans les Alpes du Nord et à 15 % sur le littoral méditerranéen, où le montant des péages est plus bas et où le report modal doit être plus fortement encouragé puisque la pollution et l’encombrement y sont supérieurs. Concernant les tunnels alpins du Mont-Blanc et du Fréjus, nous ne proposons pas d’augmentation mais une simple requalification de la hausse déjà appliquée. À cette fin, nous avons élaboré une ingénierie financière sur cinquante ans que Michel Bouvard va vous détailler.

Ce que la Suisse, l’Autriche et l’Italie ont fait pour les tunnels du Saint-Gothard, du Lötschberg et du Brenner, on ne comprendrait pas que la France n’en soit pas capable pour le Lyon-Turin. En Suisse, le financement est passé par la création d’un fonds pour les transports publics, alimenté par la redevance poids lourds, la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe sur les hydrocarbures. Mais c’est un pays de montagne, alors que la France est un pays où se trouvent des massifs montagneux ; dès lors, les mécanismes financiers et budgétaires ne sont pas comparables : en Suisse, ils s’appliquent à l’ensemble du territoire tandis qu’en France, faute d’avoir adopté l’écotaxe au niveau national, il faut se tourner vers un dispositif régional, ce que permet précisément l’Eurovignette. Quant au tunnel du Brenner, entre l’Italie et l’Autriche, de longueur comparable à celle du Saint-Gothard, il est financé du côté autrichien par une majoration au titre de l’Eurovignette, comparable à celle que nous proposons, et, du côté italien, par un apport budgétaire adossé à des ressources autoroutières – à l’instar, d’ailleurs, de la partie italienne du Lyon-Turin.

M. Michel Bouvard. C’est bien volontiers que j’ai accepté de conduire cette mission au côté de Michel Destot. En effet, le projet qui nous occupe a toujours fait consensus au niveau national et a été poursuivi avec ténacité par plusieurs Présidents de la République, jusqu’à la période récente, celle des décisions définitives, avec l’engagement de financement de la France et de l’Italie devant la Commission européenne. Dans ce contexte, il était important que les deux chambres et les deux grandes sensibilités républicaines du pays soient représentées lorsqu’il s’est agi de mener l’étude demandée par le Gouvernement.

On l’a dit, plus d’un milliard d’euros a déjà été dépensé et 12 kilomètres de galeries réalisés, à partir de trois points d’entrée en France et d’un point d’entrée en Italie. Il s’agit d’un morceau de l’ouvrage définitif : ces galeries servent non seulement à reconnaître les couches géologiques, mais aussi à acheminer les différents tunneliers qui permettront de construire l’ouvrage de 57 kilomètres et, en phase d’exploitation, à procurer un accès de sécurité.

La nouvelle société TELT succède à LTF (Lyon Turin ferroviaire), qui faisait elle-même suite au GEIE (groupement européen d’intérêt économique) Alpetunnel.

Lorsque nous parlons de financement, c’est de celui de la part française de la section internationale qu’il s’agit. Du chiffre cité de 8,2 milliards, valeur janvier 2012, il convient de soustraire le financement apporté par l’Union européenne, soit 40 %, au taux majoré prévu par le programme RTE-T (réseau transeuropéen de transport) pour franchir les ouvrages montagneux en section internationale. L’engagement de l’Union européenne concernant la première tranche de financement, qui couvre la période budgétaire européenne s’achevant en 2020, correspond bien à ces 40 % ; une réserve pourra être débloquée sous la forme d’une tranche supplémentaire, en fonction de l’achèvement ou de l’avancement des travaux, d’ici à 2020. Cette contribution conforme au taux annoncé a été validée par une décision ferme de l’Union.

Quant à la part française, elle s’élève à 2,2 milliards : la contribution de la France à la réalisation de l’ouvrage est inférieure à celle de la République italienne, en vertu d’une clef de répartition attribuant environ 57 % à la seconde et 43 % à la première. En effet, l’Italie finance une part plus importante du tunnel de base, sur la section internationale, car elle a moins de voies d’accès à réaliser ; or, il faut qu’au bout du compte chacun des deux États ait payé la moitié de l’ouvrage total, lequel englobe section internationale et voies d’accès.

Ces quelque 2 milliards s’échelonnent sur une décennie, soit six à sept ans pour le percement du tunnel lui-même et deux ans pour l’équipement, auxquels s’ajoutent les phases de certification aux deux extrémités. L’effort peut ainsi être réparti entre douze exercices budgétaires, ce qui représente quelque 200 millions par an en moyenne, étant entendu que le montant à financer variera en réalité d’une année sur l’autre : les dépenses à engager seront moindres au cours des premières années.

Quoi qu’il en soit, cette somme semble tout à fait abordable au regard des autres investissements de l’État et de nombre de nos collectivités : par rapport au budget d’investissement de la métropole de Grenoble ou d’un petit département comme le mien, l’ordre de grandeur est comparable ou ne varie que du simple au double. Voilà qui permet de répondre à l’objection fréquente selon laquelle ce projet trop coûteux risquerait d’absorber toutes nos recettes.

Pour mener à bien notre mission, nous nous sommes d’abord assurés auprès de la Commission européenne, grâce à des échanges étroits avec les services de la DG MOVE (direction générale de la mobilité et des transports), de la faisabilité de la mise en œuvre de l’Eurovignette alpine. Il s’agissait de vérifier que ce qui avait été fait en Autriche pouvait être repris en France. Pour le dire clairement, afin de financer ce type d’ouvrages, l’Union européenne autorise aujourd’hui les États à percevoir une recette majorée sur les tronçons permettant l’accès aux ouvrages de franchissement et sur les ouvrages de franchissement existants eux-mêmes. La majoration tarifaire peut aller jusqu’à 25 % des tarifs en vigueur, lesquels doivent évidemment correspondre à l’amortissement des investissements par les sociétés actuellement exploitantes.

En France, ce dispositif peut être appliqué dans l’ensemble de la zone montagneuse – ce sont les termes mêmes de la directive. Précisons ici que la définition de la zone de montagne n’est pas la même au niveau européen et au niveau national : déterminée en France par décret, elle correspond pour l’Union européenne à une notion de massif élargi, de sorte que le périmètre taxable est plus large. C’est important eu égard à la possibilité de percevoir des recettes sur la façade méditerranéenne. Il existe en effet trois points de franchissement des Alpes : tout au Nord, en Haute-Savoie, le tunnel du Mont-Blanc ; en Maurienne, le tunnel ferroviaire historique du Mont-Cenis et le tunnel routier du Fréjus ; enfin, sur le littoral, à Vintimille. Pour deux d’entre eux au moins – les tunnels alpins –, la fixation des tarifs relève des deux États, en liaison avec les sociétés exploitantes ; les États ont le pouvoir de contingenter les trafics en vertu de la Convention alpine, ratifiée par la France et qui nous fait d’ailleurs obligation de développer le report modal.

En nous appuyant sur les données disponibles, et avec le soutien et l’aide précieuse de M. Christian Maisonnier, délégué aux grandes infrastructures de transport de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement en Rhône-Alpes, nous avons analysé les recettes susceptibles d’être dégagées grâce à une Eurovignette alpine.

Premièrement, l’Eurovignette étant modulable dans le temps, nous ne sommes pas tenus d’atteindre d’emblée le taux plafond de 25 % : nous pouvons ménager des hausses progressives.

Deuxièmement, elle est modulable dans l’espace : il est possible de ne pas adopter la même politique tarifaire sur tous les tronçons, de manière à tenir compte du niveau dont on part. En effet, les tarifs sont actuellement plus élevés sur certains d’entre eux : s’agissant des tunnels alpins, les relèvements tarifaires ont servi à payer la modernisation et les travaux de sécurité réalisés après la catastrophe du Mont-Blanc.

Troisièmement, l’Eurovignette n’est pas nécessairement appliquée dans les deux États : dans le cadre de ce projet binational, chaque État peut choisir son propre mode de financement – avec l’aval, bien entendu, de l’autre partie dès lors que la politique tarifaire choisie est susceptible de modifier le trafic et d’entraîner des distorsions de concurrence. À cet égard, nous avons tenu compte des préoccupations italiennes s’agissant de la structure de la profession de transporteur routier dans ce pays, bien plus atomisée encore que dans le nôtre, et du fait que la totalité des exportations italiennes par voie terrestre cheminent par le massif alpin.

Dès lors, nous proposons une modulation dans le temps de la hausse tarifaire, au terme de laquelle celle-ci, appliquée par tronçons selon un découpage que détaille le rapport, atteindrait 10 à 15 %. Nous n’utilisons donc pas à plein la possibilité offerte par l’Union européenne d’une hausse de 25 %.

En effet, nous voulons permettre à la puissance publique de se réserver le moment venu des marges de financement des voies d’accès. Car nous ne parlons ici que du tunnel de base. Or, les voies d’accès n’ont pour l’instant fait l’objet que d’un seul engagement : le 19 mars 2002 puis le 19 mars 2007, par un protocole signé avec l’État, les collectivités locales de la région Rhône-Alpes ont promis d’y consacrer un milliard d’euros.

Nous souhaitons également éviter un effet de repoussoir pour les transporteurs : il nous faut veiller à l’acceptabilité de l’évolution tarifaire, en France comme en Italie. Conformément à une excellente proposition formulée par le président Jean-Paul Chanteguet dans son propre rapport, la majoration devrait d’ailleurs être reportée sur une ligne spécifique de la facture de manière à être payée par les chargeurs – et non par les transporteurs, pour ne pas pénaliser les plus petits d’entre eux. C’est à cette condition que les transporteurs des chambres syndicales du massif alpin, que nous avons rencontrés, ont jugé le projet acceptable.

La majoration serait donc de 10 % sur les tronçons des Alpes du Nord et de 15 % sur ceux des Alpes du Sud, compte tenu de la relative faiblesse des tarifs actuellement pratiqués par ESCOTA (Autoroutes de l’Estérel-Côte d’Azur).

S’agissant des recettes attendues, le produit net s’élève à 40 millions d’euros. La recette annuelle escomptée en vitesse de croisière a été évaluée de la manière la plus prudente possible. Ainsi, si la recette attendue est de 46,8 millions tandis que la recette nette ne dépasse pas 40,5 millions, c’est pour tenir compte de la possibilité offerte aux sociétés concessionnaires de demander que soient prises en considération les conséquences de la majoration tarifaire sur l’évolution des trafics : nous avons provisionné la somme qui, dans cette hypothèse, devrait leur être reversée. Nous avons également voulu intégrer les phénomènes d’élasticité vis-à-vis de la Suisse voisine ; c’est une autre des raisons pour lesquelles la majoration tarifaire proposée est moindre dans les Alpes du Nord. Des études ont en effet montré que l’augmentation des tarifs des tunnels alpins, notamment à la suite des travaux de sécurisation postérieurs à la catastrophe du Mont-Blanc, avait entraîné un report du trafic vers la Suisse. Aujourd’hui, toutefois, la situation est à peu près stabilisée et nous sommes désormais avantagés par la hausse du cours du franc suisse, laquelle a atteint 13 à 15 % au cours de l’année écoulée et semble devoir durer, ce qui rend d’autant plus envisageable la perspective de nouvelles augmentations tarifaires.

Cette évaluation est d’ailleurs conforme à celle à laquelle s’est livrée la Commission européenne en 2005, lorsqu’elle a entrepris d’actualiser l’Eurovignette ; nous n’en disposions pourtant pas en rédigeant le rapport. À l’époque, en effet, le vice-président Jacques Barrot estimait la recette à 40 à 60 millions : nous renouons avec son hypothèse basse.

Nous nous sommes ensuite intéressés à la manière dont d’autres pays ont recouru à ce dispositif, singulièrement l’Autriche pour réaliser le nouveau tunnel du Brenner. Dans ce cas, l’Eurovignette, qui peut être appliquée pendant cinquante ans auxquels s’ajoute la durée du chantier, rapportera 35 millions d’euros par an sur soixante-quatre ans ; pour le Lyon-Turin, la durée serait de soixante-deux ans. Les fonds sont entièrement versés à l’organe chargé de réaliser les infrastructures, ce qui permet de financer 2,4 milliards d’euros sur les 8,6 milliards que coûte au total le chantier ; dans notre cas, l’ordre de grandeur est comparable, mais la part nationale à financer est moindre.

Comment assurer l’ingénierie financière du projet ? Rappelons tout d’abord que la recette ne sera pas versée au budget général de l’État : la Commission n’en permet la perception que si le produit est entièrement affecté à la réalisation de l’ouvrage pour lequel la recette a été autorisée. Voilà qui nous met à l’abri de toute tentative de prédation au profit d’autres ouvrages ou de dispersion budgétaire. La recette étant ainsi fléchée, elle peut être affectée à l’opérateur chargé de la réalisation du tunnel, c’est-à-dire, ici, à la société TELT, et servir de support à un montage d’ingénierie financière susceptible de faire intervenir deux acteurs. Le premier serait la Banque européenne d’investissement (BEI), laquelle contribue au financement de tous les projets d’infrastructures européennes ; son apport allant aux deux États, la part dont nous pourrions bénéficier dépendrait des droits de tirage de l’Italie qu’il nous faudrait négocier avec la partie italienne. Le second est la Caisse des dépôts, qui accorde, par le biais de son fonds d’épargne, des prêts destinés à financer des infrastructures « vertes », déjà mobilisés pour la mise en service de tramways mais aussi de sections de lignes nouvelles ; c’est d’une décision de l’État que dépend la possibilité de recours à cette formule bien connue.

L’appel à l’Eurovignette permet de tenir compte de l’observation, formulée par la Cour des comptes, selon laquelle les recettes ordinaires de l’État ne permettent pas de financer ce type d’ouvrage. Il s’agit en outre de sécuriser durablement la recette, alors que, selon certains, le trafic risque de s’étioler. Toutefois, si le trafic dans les tunnels alpins a diminué depuis 2008, il a augmenté ou est resté stable, compte tenu de l’élasticité à l’activité économique de la France et de l’Italie, dans l’ensemble de la chaîne alpine : en effet, il s’est considérablement accru sur le littoral, sous l’effet de la multiplication de contraintes et de la hausse des tarifs dans les tunnels nord-alpins.

Enfin, l’exemple d’Eurotunnel montre qu’une infrastructure nouvelle ne vit pas seulement du report du trafic des autres ouvrages, mais génère sa propre activité et ses propres flux d’échanges, si du moins sa gestion est suffisamment dynamique. Michel Destot a rappelé l’ampleur des échanges entre la France et l’Italie ; songeons également aux flux entre la péninsule ibérique, singulièrement la Catalogne, l’Italie du Nord et les Balkans, qui ont vocation à revenir progressivement dans le giron européen pour se développer.

En somme, nous avons là une recette nouvelle, sécurisée au niveau européen, qu’il appartient au Gouvernement et au Parlement de créer ; sur ce fondement, il est possible d’élaborer une ingénierie finançant une part significative de l’ouvrage – sans doute 30 à 40 % au moins –, ce qui laisse à la charge des finances publiques une somme plus raisonnable et qui paraît acceptable, le besoin de financement ne dépassant pas 200 millions d’euros par an.

M. Philippe Duron. Le Premier ministre ne s’est pas trompé en confiant cette mission à deux grandes personnalités rhônalpines, spécialistes l’une des questions de transport – Michel Destot a présidé le GART, le Groupement des autorités responsables de transport –, l’autre des questions de financement, puisque Michel Bouvard est l’ancien président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts.

Le projet est ancien : le président François Mitterrand en parlait dès 1991. Il est au cœur des relations franco-italiennes depuis plus de quinze ans. Du reste, il bénéficie du soutien de la Commission européenne : il figurait déjà dans la liste d’Essen ; il est éligible au Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) ; il a fait l’objet au mois de mars à Innsbruck d’une déclaration commune des ministres des transports de l’arc alpin et de la commissaire Bulc.

Bien au-delà de sa dimension économique, ce projet majeur de transfert modal a pour ambition de réduire l’impact environnemental du transport routier dans le milieu fragile qu’est la montagne et de renforcer la sécurité après l’accident dramatique du tunnel du Mont-Blanc, en 1999. C’est aussi un projet géopolitique qui vise à inscrire le grand Sud-Est dans une euro-région délimitée par Lyon, Turin et Barcelone. Telle était en tout cas l’idée forte qu’un grand maire de Lyon, Raymond Barre, défendit à partir de 1990, lorsque le centre de gravité de l’Europe eut basculé vers l’Est.

Ce que l’on reproche à ce projet, à part son inutilité, c’est son coût et la manière de le financer ; il s’agit en effet de l’une de ses principales difficultés. Mais, en bons connaisseurs du sujet, vous montrez que nos voisins suisses, autrichiens et italiens ont, par des moyens différents, engagé des projets comparables et trouvé les ressources nécessaires, et que le coût de la part française du financement du tunnel de base n’a rien d’extravagant, comparé à celui de certains projets de ligne à grande vitesse en cours de réalisation.

Vous proposez un financement mixte qui mobilise trois ressources : le financement européen, à hauteur de 40 % – un peu plus en réalité, nous le savons depuis l’été, mais sur une assiette plus réduite que celle qui était envisagée pour la première part ; une taxation additionnelle au titre de la directive Eurovignette de 1999 modifiée en 2011, dont vous avez solidement étayé la faisabilité juridique par l’exemple autrichien, et que vous évitez, avec prudence et réalisme, de porter au niveau maximal autorisé ; le financement d’État enfin, qui pourrait transiter par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

J’aimerais d’abord vous interroger sur l’acceptabilité de l’augmentation des tarifs des autoroutes et des tunnels routiers, à l’heure où les transporteurs routiers sont confrontés à des difficultés préoccupantes et alors que l’affaire de l’écotaxe poids lourds a montré les limites du recours à la tarification de la route dans notre pays.

Ma deuxième question concerne les risques relatifs à l’évolution du trafic dans le tunnel, mais aussi sur les infrastructures routières taxées, ce qui nécessitera une compensation ; mais vous y avez déjà en partie répondu.

La troisième porte sur le financement par l’État dans le cadre de l’AFITF. De cette dernière, on attendrait aujourd’hui 600 millions d’euros. Or, le triennal limite ses capacités d’intervention à 1,9 milliard d’euros, ce qui est à peine suffisant pour honorer les engagements déjà souscrits par l’État. L’Agence a ainsi pris du retard s’agissant du financement des lignes à grande vitesse et doit 600 millions d’euros à Réseau ferré de France. Il faudrait donc alléger la contrainte qui pèse sur elle pour lui permettre de financer le projet Lyon-Turin ou celui du canal Seine-Nord Europe, autre projet majeur à caractère européen et international. Voilà qui dépend d’une décision politique à débattre, notamment dans le cadre de la discussion budgétaire en commission des finances.

En effet, les études de soutenabilité financière conduites par l’Agence montrent que celle-ci a besoin de 2,6 milliards d’euros par an pour honorer l’ensemble de ses engagements déjà souscrits et à venir. Ces recettes sont-elles introuvables dans les délais qui nous sont impartis ? Ce n’est pas certain. La mésaventure de l’écotaxe poids lourds et son remplacement par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ont montré qu’il était possible de mobiliser une recette dynamique, indolore à une période où le cours du pétrole est en baisse, et qui pourrait suffire à financer des projets tels que le Lyon-Turin ferroviaire, à condition de l’augmenter très modérément – d’un centime au cours des deux ans à venir, de deux centimes ensuite et pour la prochaine décennie. Cette évolution, tout à fait envisageable, serait également vertueuse puisqu’elle va dans le sens du rapprochement entre le prix des carburants diesel et celui des non diesel.

M. Gérard Menuel. S’agissant de l’ingénierie financière qui sous-tend le projet, l’Italie avance-t-elle du même pas que la France ?

M. Yannick Favennec. Vous préconisez de transposer au niveau régional une écotaxe poids lourds à laquelle le Gouvernement n’a eu de cesse de s’opposer au cours des derniers mois. On a l’impression que le transport devient un problème inextricable pour l’exécutif, qui multiplie promesses et grands chantiers non prioritaires pour le financement desquels il n’a pas le début d’un euro ni la moindre solution pérenne, notamment touchant l’AFITF.

Et qu’en est-il des transporteurs ? Vous dites vous-même qu’il faudra procéder de manière progressive pour éviter que la mesure ne soit rejetée, notamment par eux. Pourquoi donc refuser obstinément d’utiliser la voie existante entre Aiton et Modane par le tunnel du Fréjus, qui n’est exploitée qu’à 20 % de sa capacité ?

Le report modal est évidemment une bonne idée, mais n’aurait-il pas fallu donner la priorité à d’autres lignes plus nécessaires que ce projet pharaonique ? Que deviennent les préconisations de la commission Mobilité 21, qui ne classait les accès français du Lyon-Turin qu’au deuxième rang parmi les projets prioritaires ?

L’instauration d’un surpéage pendant cinquante ans implique de prolonger d’autant la durée de concession des autoroutes, alors que ce modèle a été constamment remis en cause ces derniers temps. Le financement est donc plus qu’incertain : improbable. Pouvez-vous nous rappeler comment la Suisse et l’Autriche financent la construction de tels tunnels de base ? Dès lors que le Gouvernement enterre l’écotaxe et toute idée nouvelle qui s’en inspire, quel sort pourrait être réservé à vos préconisations ?

Mme Michèle Bonneton. Je remercie les rapporteurs pour leur important travail.

Pourquoi un tel tunnel ? Votre réponse, messieurs, ne me convainc pas entièrement. Après le pic historique de 1998, le trafic de fret, route et rail confondus, entre la France et l’Italie à travers le massif alpin n’a cessé de diminuer depuis les années 2000 – bien avant la crise, donc. Il est ainsi passé de 34,7 millions de tonnes en 1998 à 23,6 en 2011. Quant aux voyageurs, il n’est pas sûr du tout que le projet les séduise.

Grâce aux progrès technologiques, en particulier aux wagons automoteurs, la ligne actuelle, malgré ses pentes, pourrait être utilisée bien au-delà des 20 % de sa capacité actuellement exploités. L’objectif de réduction des émissions de polluants dues au trafic routier, évidemment primordial, pourrait ainsi être atteint très rapidement, bien avant 2030. La plateforme intermodale d’Aiton, qui a été rénovée, est elle aussi largement sous-utilisée.

Je rappellerai enfin que la Cour des comptes a émis à deux reprises un avis extrêmement réservé sur le projet.

J’en viens à mes questions.

On ne parle ici que du financement du tunnel de base, mais qu’en est-il des accès à celui-ci ? Leur coût estimatif est bien plus élevé, puisque le coût total du projet est évalué à 28 milliards d’euros environ : il reste quelque 20 milliards à trouver. Même si tel n’est pas le sujet du jour, il convient de dégager des capacités financières proportionnées à ces besoins. Comment intégrer le coût du tunnel de base au coût total du projet ?

Votre rapport se consacre largement à l’Eurovignette, une source de financement qui, si intéressante soit-elle, ne rapportera que 40 millions d’euros par an environ. Peut-être permettra-t-elle d’emprunter, mais il faudra bien rembourser l’emprunt, ce qui paraît difficile sur cinquante ans, voire soixante, sans compter les travaux à réaliser au cours de la même période.

En ce qui concerne les fonds européens, 40 % semblent assurés d’ici à 2020, mais il est fort peu probable que les travaux du tunnel de base soient très avancés à cette date. Comment la suite sera-t-elle financée ?

M. Gilles Savary. Je félicite à mon tour nos deux rapporteurs.

Contre toute attente, je suis pour ma part très favorable à ce tunnel. En effet, l’Italie est en train de se désenclaver à grande vitesse, en particulier vis-à-vis des pays d’Europe centrale, où arriveront bientôt des trains chinois. L’Autriche est très claire à ce sujet. Des tunnels sont percés partout : vers l’Allemagne, vers la Hongrie en passant par Vienne. Dans ce contexte, il serait inimaginable que les Alpes demeurent une barrière immuable entre la France et l’Italie. En somme, ce tunnel possède une portée géopolitique considérable et de très long terme. Il appartient à une nouvelle génération de tunnels, de basse altitude donc de grande capacité, des tunnels de base susceptibles de désenclaver très rapidement des vallées entières, comme l’a montré en Suisse l’exemple du Lötschberg. Il ne faut donc pas relâcher l’effort.

Dans ce contexte, vos propositions sont décisives. Vous avez compris que de telles infrastructures ne peuvent être financées exclusivement ni par la puissance publique, ni par le privé, dont la quête de retours rapides sur investissement est toujours spoliatrice. On l’a vu à Panama et ailleurs.

S’agissant de l’acceptabilité, avez-vous sondé les collectivités locales et les acteurs de Rhône-Alpes à propos de l’hypothèse d’une hausse du prix des autoroutes, sachant qu’une compensation est prévue ?

Avez-vous évalué le risque de report du trafic sur les routes nationales ou départementales ?

Je note enfin que l’on parle beaucoup du tunnel Lyon-Turin alors qu’il ne s’agit que d’un investissement accessoire par rapport aux investissements d’accès sans lesquels il ne servira à rien. Je songe en particulier à la rocade ferroviaire de Lyon, énorme bouchon qui compromet la possibilité de trafics massifs de fret ferroviaire.

M. Jean-Pierre Vigier. La liaison ferroviaire Lyon-Turin est un projet ferroviaire structurant et innovant qui désenclavera les Alpes, confortera les échanges économiques entre la France et l’Italie, réduira le trafic routier des poids lourds et améliorera ainsi la sécurité. Mais le projet est financièrement colossal.

Est-il suffisamment abouti du point de vue technique pour nous prémunir contre toute dérive financière ?

La répartition du financement entre les partenaires est-elle définitivement fixée ?

Une fois le projet mené à bien, aura-t-on les moyens d’en réaliser d’autres sur le territoire français ?

M. Rémi Pauvros. En dépit des différences techniques, ce projet rappelle celui du canal Seine-Nord Europe par ses sources de financement, notamment la participation de l’Europe à hauteur de 40 %, et par les objections qui lui sont opposées. Notre pays peut-il encore porter semblables grands projets, fort d’une volonté partagée, ou doit-il assumer face à l’Europe le fait qu’ils appartiennent au passé ?

Autre point commun : j’ai suggéré de recourir à l’Eurovignette pour financer le canal Seine-Nord, sous une autre forme que celle ici proposée mais en des termes qui aboutissaient, compte tenu du levier pollution, à une recette équivalente, soit 40 à 50 millions d’euros par an. C’est peu, a-t-on dit ; mais ce n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit de rembourser un emprunt sur soixante ans. Répétons-le, l’Eurovignette est une bonne idée, approuvée dans tous les pays européens et qui ne devrait pas susciter chez les transporteurs la même réaction que l’écotaxe, dans la mesure où son incidence sur le péage reste très limitée.

Enfin, vous écrivez à la page 54 que la dette gagée sur le produit de l’Eurovignette n’entrerait pas dans le périmètre de Maastricht. À quelles conditions pourrions-nous ainsi obtenir qu’elle ne soit pas comptabilisée dans la dette nationale ?

M. Guillaume Chevrollier. À propos du projet Lyon-Turin, deux questions font débat : son utilité et son financement. Sur le premier point, j’estime qu’il s’agit d’un projet d’intérêt national et européen. Quant au financement, il faut d’abord s’entendre sur les chiffres : la société TELT évoque un coût de 8,6 milliards d’euros, mais pour le seul tunnel, alors que, selon la Cour des comptes, la liaison ferroviaire coûtera 26 milliards, y compris les ouvrages en amont et en aval du tunnel, soit 257 kilomètres de nouvelle ligne.

Vous préconisez d’augmenter de 10 à 15 % le tarif des péages poids lourds sur les autoroutes transalpines, une écotaxe régionale qui permettrait de dégager 40 millions d’euros de recettes ; et, considérant que ces surpéages ne suffiront pas, vous évoquez également la participation de l’AFITF.

En d’autres termes, ce grand chantier est une nouvelle épée de Damoclès pour les générations futures : le coût du projet est sous-estimé, mais il faudra bien payer la note s’il est mené à bien. Or, nos concitoyens ne veulent plus de ce mode de gestion des projets publics qui creuse toujours davantage une dette publique déjà excessive.

Mme Eva Sas. Comme l’a dit Michèle Bonneton, les 8,2 milliards d’euros évoqués ne représentent qu’une petite partie du coût total du projet.

J’aimerais rappeler ici la position de la commission Mobilité 21, dont j’ai eu le plaisir de faire partie sous l’admirable présidence de Philippe Duron, aux côtés de personnalités politiques de toutes tendances et d’experts qualifiés. Vous le rappelez page 59 de votre rapport, cette commission n’a pas souhaité intégrer le Lyon-Turin à ses projections financières, car c’était incompatible avec le financement des autres projets du schéma national des infrastructures de transport (SNIT) de l’époque, c’est-à-dire les projets d’infrastructures routières, terrestres ou fluviales qu’il est aujourd’hui prévu de réaliser en France. Je cite le rapport : « la commission a fait le choix de disjoindre de ses simulations financières l’impact d’une poursuite du projet de liaison ferroviaire binationale Lyon-Turin : aucune possibilité de financement d’autres projets par l’AFITF ne serait plus alors ouverte avant 2028 ou 2030 ».

La mobilisation d’une telle masse financière au service d’un seul projet ne risque-t-elle pas effectivement de nuire à la réalisation d’autres projets, ainsi qu’à l’entretien du réseau existant, que la même commission Mobilité 21 a considéré comme une priorité ? Si tel n’est pas le cas, et si vous maintenez donc que le projet doit être poursuivi, quels autres projets de l’AFITF envisagez-vous de reporter ou quelles nouvelles sources de financement préconisez-vous pour cette Agence ? En effet, comme l’a rappelé Philippe Duron, le budget de 1,9 milliard d’euros dont elle bénéficie ne suffira pas pour mener à bien les projets prioritaires identifiés de manière très consensuelle par Mobilité 21.

M. Laurent Furst. À une autre échelle que le Lyon-Turin, je citerai le joli petit tunnel qui relie le magnifique département des Vosges à l’Alsace, dont le coût de rénovation par un concessionnaire est beaucoup trop élevé et la fréquentation bien trop faible. L’exemple confirme qu’une infrastructure est utilisée quand elle est au juste prix.

Quant à Eurotunnel, dont on a beaucoup parlé, la société d’exploitation qui en a assumé le coût a connu de telles difficultés financières qu’elle a dû se défaire d’une partie de sa dette. De manière générale, il est rare que les plans initiaux suffisent pour mener le projet à bien.

Alors que la France mène une politique de grandes infrastructures dont relèvent le Lyon-Turin, le Grand Paris Express ou le canal Seine-Nord, je regrette que le gouvernement Jospin ait abandonné le projet de liaison Rhin-Rhône, qui répondait exactement aux mêmes besoins.

On développe pour financer ces projets une ingénierie presque aussi complexe que l’ingénierie technique qui permet de les réaliser : n’est-ce pas la marque d’un pays qui va mal financièrement ? Ne sommes-nous pas arrivés au bout du système ?

Enfin, mon collègue a posé la question essentielle : comment peut-on financer un projet en taxant les sociétés autoroutières alors que les premières concessions prendront fin en 2028 ? Je suis personnellement favorable à la gratuité des autoroutes, qui appartiennent au peuple de France ; nul ne saurait soutenir qu’au terme des concessions elles devraient être à nouveau privatisées. Mais comment asseoir une taxe sur un avenir qui n’est pas tranché ?

M. Jean-Louis Gagnaire. À propos de ce projet comme de bien d’autres, on ne peut pas pratiquer le stop and go à chaque génération politique, voire à chaque échéance électorale. Combien coûterait aux contribuables – de l’État comme des différentes collectivités territoriales – l’abandon d’un tel projet ? On y a déjà investi beaucoup, et ce, à l’origine, dans une quasi-unanimité. Je renvoie certains de mes collègues rhônalpins, élus de l’Isère, aux positions prises il y a dix ans par les élus de leur parti en faveur du projet Lyon-Turin. On ne peut pas à la fois admirer les Suisses qui font monter des camions sur les trains et s’opposer à des infrastructures permettant de faire transiter le fret !

Au départ, il y a un malentendu : on a parlé de « TGV Lyon-Turin », ce qui a faussé le débat. Ce dont il s’agit ici, c’est de se relier à l’Europe par-delà une frontière naturelle. Celle-ci est bien réelle, il suffit de fréquenter les autoroutes de la Maurienne pour le constater. Dès lors, le trafic ne risque guère de se reporter sur les routes départementales ou nationales quand l’autoroute elle-même est déjà difficilement praticable par endroits : on imagine mal les camions circuler sur les petites routes de la Maurienne comme autrefois.

Il s’agit aussi de desservir l’agglomération de Lyon, ce qui suppose de financer un autre projet : le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL). Tous les problèmes actuels de gestion du trafic ferroviaire résultent de la saturation de ce nœud ferroviaire et il faudra bien braver les oppositions – souvent les mêmes que dans le cas du Lyon-Turin – pour créer cette voie de contournement, sans quoi les trains ne passeront plus. Les temps de trajet de certains TER actuels sont dégradés par rapport à ceux qui avaient cours à la Libération ! La France doit apprendre à investir à bon escient et cesser de différer les décisions.

Dans les Pyrénées, on parle depuis les années 1990 de la liaison française avec la ligne à grande vitesse espagnole. À l’origine, nous étions très goguenards vis-à-vis des Espagnols, mais ceux-ci ont terminé leurs travaux et le tunnel sous le Perthus est creusé alors que nous en sommes encore à construire le contournement de Montpellier.

Nous devons donc faire preuve de persévérance : de tels projets nous engagent tous et, en la matière, les décisions prises doivent être irréversibles.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne sommes pas habitués à la durée de financement d’une telle infrastructure : d’ordinaire, nous nous projetons sur deux à trois décennies, non sur cinquante ou soixante ans. Sur une telle durée, l’amortissement est totalement différent et le financement en est facilité. Encore faut-il se demander ce qui va se passer au cours de ces futures décennies.

Or, l’augmentation tendancielle du coût de l’énergie, comme les émissions de particules et de CO2, n’ont pas fini de nous préoccuper. D’où l’intérêt, outre le financement traditionnel, d’un financement écologique à très long terme ; mais, à ce jour, celui-ci n’est pas d’actualité.

Quant au transport en autocar, appelé à se développer par les récentes modifications législatives, il pourrait devenir un véritable phénomène de société. Ce mode de transport complète le transport ferroviaire, mais peut aussi servir d’alternative au transport automobile. Comment prendre cette évolution en considération ?

M. Patrick Ollier. Je salue le travail de nos invités et leur obstination, qui fut la mienne lorsque je présidais l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM). En écoutant ce débat, je suis transporté vingt ans en arrière. C’est affligeant pour les partisans du Lyon-Turin : plus on attend, plus les coûts augmentent et moins on est incité à agir. Que n’a-t-on pris les décisions stratégiques nécessaires à l’époque ? Nous discutions alors du tunnel sous le Montgenèvre, un territoire dont j’étais alors député ; il n’existe toujours pas, lui non plus. C’est une question de courage politique.

C’est aussi une question d’aménagement du territoire au niveau européen. L’axe grand sud, de l’Italie à l’Espagne, passe par la liaison Lyon-Turin. Certes les problèmes locaux, comme le contournement de Lyon, doivent être pris en considération, mais l’enjeu du projet ne s’y réduit pas.

Peut-être faut-il donc revoir le financement de l’AFITF. Je sais que le président Gilles Carrez est, à juste titre, très vigilant sur ces questions. Mais cette Agence, dont j’étais l’un des fondateurs, a été financée a minima : comment la mobiliser aujourd’hui pour des projets a maxima ? Il convient de trouver le juste milieu. Cela fait aussi vingt ans que l’on évoque le canal Seine-Nord !

Est-il donc envisageable de concevoir, à partir de ce rapport, un calendrier opérationnel précis ?

M. Éric Alauzet. On a beaucoup parlé du coût global du projet au moment de l’investissement ; j’aimerais des précisions concrètes sur son coût global dans le temps. Que représente le coût d’investissement du projet total – dont les infrastructures connexes – par rapport au coût global sur cinquante ans, incluant le coût de fonctionnement ? J’attends un chiffre très précis.

L’expérience montre que les coûts prévisionnels ne sont jamais respectés. Dans quelles proportions votre prospective intègre-t-elle le dépassement prévisible des coûts ?

S’agissant des recettes, sur quel taux de croissance global du PIB, sur cinquante ans, avez-vous fondé vos prévisions, et sur quel taux de croissance de l’activité visée, dans le tunnel et de manière générale dans le secteur du fret ferroviaire ?

Quand notre pays et notre continent se décideront-ils à rompre avec le mythe des grands travaux pour multiplier, sur nos territoires, des chantiers qui feront travailler nos TPE et nos PME, au lieu de nourrir de grands groupes qui pratiquent l’évasion fiscale et se font de grosses marges au passage ?

M. le président Gilles Carrez. Actuellement, les travaux continuent. À quel moment devient-il critique de les poursuivre alors qu’aucune décision de principe n’a été prise ?

M. Michel Destot. Je remercie sincèrement tous les orateurs.

En ce qui concerne les deux dernières interventions, les plus politiques peut-être, il faut trancher : on peut bien étudier le financement détaillé de telle ou telle sous-section, mais l’enjeu est de savoir ce que l’on a l’intention de faire, au cours des cinquante à cent ans qui viennent, pour l’Europe du Sud et de l’Ouest. Si nous voulons peser sur son développement économique, sur ses trafics commerciaux, sur le développement des grands corridors qui intéressent l’Espagne, l’Italie et la France, ainsi connectées au reste de l’Europe, alors nous ne pouvons faire fi du Lyon-Turin quand la Suisse et l’Autriche, elles, ont déjà trouvé leurs solutions. Qui, ici, peut nier que nous avons à prendre une décision d’investissement à propos de laquelle les objectifs de croissance verte et de développement durable imposent une dynamique de report modal au profit du fret ferroviaire, le tout à l’échelle européenne ? Si nous nous laissons enfermer dans des mécanismes financiers et politiques hexagonaux, ce seront toujours les difficultés qui seront mises en avant. Mais si nous adoptons une perspective de long terme et européenne, ce projet apparaît comme une priorité.

Plus personne ne songerait aujourd’hui à contester la décision de construire le tunnel sous la Manche, même si nous mesurons désormais les erreurs d’appréciation qui présidaient au lancement du projet. M. Jacques Gounon, président d’Eurotunnel, pourrait vous confirmer ses bienfaits pour le Royaume-Uni, pour la France et pour la Belgique.

J’en viens à la question de l’acceptabilité. La grande majorité, voire l’unanimité des élus des territoires concernés est favorable au projet, non parce qu’il permet d’aller faire son marché à Turin depuis Lyon, mais parce qu’il favorise le développement économique des territoires et les liaisons intercités – entre Lyon et Grenoble, Chambéry, Annecy et avec la partie italienne –, ce qui est essentiel pour le trafic de voyageurs comme pour le fret. N’oublions pas le rôle économique de premier plan que jouent la région Rhône-Alpes et le Piémont dans leurs pays respectifs ; il est essentiel pour tirer vers le haut l’Europe du Sud et de l’Ouest.

Quant aux transporteurs, soyons clairs : nous devrons naturellement appliquer les propositions du rapport de Jean-Paul Chanteguet, dont le projet Lyon-Turin permet ainsi de relancer la dynamique. Il n’est pas question, en effet, de taxer les transporteurs si ces derniers ne peuvent répercuter le coût du transport sur les chargeurs.

Comment se fait-il que nous en soyons encore à nous poser ce genre de questions alors que nous, parlementaires, approuvions très majoritairement l’écotaxe, toutes formations politiques confondues ? Je suis convaincu que l’instauration de l’Eurovignette sur le seul territoire alpin nous permettrait de renouer avec la dynamique vertueuse de l’écotaxe dans notre pays. Si la Suisse s’en sort beaucoup mieux que nous avec ses nombreux tunnels, c’est parce qu’elle a su s’assurer sur son territoire un financement qui lui permet de faire face à ses besoins d’investissement. Et la France ne serait pas capable de faire de même ?

Le Lyon-Turin aura le même effet vertueux sur les parcours ferroviaires : cette liaison ne se conçoit pas sans le contournement ferroviaire de Lyon dont elle encouragera la réalisation. Parmi les grands pays européens, c’est la France qui est le plus en retard en ce qui concerne le fret ferroviaire. Il y a donc là matière à engagement politique.

Cette dynamique concerne enfin l’AFITF : Gilles Savary et Philippe Duron l’ont suggéré, nous avons là un moyen de relancer les discussions en vue d’abonder davantage les ressources de l’Agence, au nom du développement durable.

M. Philippe Duron. S’agissant de la commission Mobilité 21, j’aimerais apporter une précision à l’excellente commissaire qu’est Eva Sas. Si nous nous sommes interdit d’évoquer le projet Lyon-Turin – outre le canal Seine-Nord Europe ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes –, c’est parce que celui-ci relève d’un traité international à propos duquel nous n’étions pas compétents pour agir : cela ne faisait pas partie de la feuille de route définie par le ministre des Transports.

Accessoirement, s’il est exact que ce projet est apparu impossible à financer, c’était dans le cadre du scénario initial, fondé sur l’hypothèse de recettes disponibles au niveau national pour l’AFITF.

M. Michel Bouvard. En ce qui concerne la Cour des comptes, je tiens à rappeler que le projet n’a suscité de sa part qu’un seul référé, daté du 1er août 2012 et que je vous invite tous à relire. La Cour n’a donc pris position qu’une fois, et non deux, contrairement à ce qui a été dit : dans son rapport public thématique, elle se contente de renvoyer à ce référé.

En outre, ses observations doivent être replacées dans le contexte de l’époque : le financement européen n’était pas assuré à hauteur de 40 %, l’Eurovignette n’était pas définie et aucune recette spécifique n’était affectée au projet. La Cour pointe certes des incertitudes quant à l’évolution du trafic, mais ajoute que, dès lors que le projet ne peut être interrompu, il convient de prendre des mesures contraignantes de gestion des trafics et de favoriser l’intermodalité : c’est exactement ce que l’on fait aujourd’hui.

Quant au chiffre souvent cité de 26 milliards d’euros, il ne résulte pas d’un calcul de la Cour des comptes puisque celle-ci l’attribue dans son référé à la direction générale du Trésor dans le cadre d’une « évaluation socio-économique ».

S’agissant du reste à charge pour l’AFITF, l’Agence a jusqu’à présent contribué chaque année au projet, apportant au total un quart des quelque 850 millions d’euros déjà dépensés, conformément à la répartition de la phase d’études entre financement communautaire – à hauteur de 50 % –, français et italien – pour 25 % chacun. Le même mode de financement a d’ailleurs été retenu pour la réalisation de l’ouvrage de Saint-Martin-la-Porte, qui a basculé de la tranche définitive à la tranche actuelle et représente 400 millions d’euros. D’où la différence de coût ; je vous renvoie sur ce point au rapport.

Dans ce contexte, l’AFITF aura évidemment besoin de ressources nouvelles, car les actuelles ne suffisent pas, comme le soulignent ses responsables et tous les élus. Mais la possibilité d’emprunter quelque 1,3 milliard d’euros sur cinquante ans, grâce à un « prêt vert » de la Caisse des dépôts au taux du livret A + 0,75 %, devrait permettre de couvrir cette hausse que l’AFITF doit assumer.

Nous ne reproduisons pas l’écotaxe : nous proposons d’adopter le système de l’Eurovignette, selon lequel la recette est affectée à l’ouvrage auquel elle est destinée. Naturellement, il pourra être étendu à d’autres ouvrages. Du point de vue de l’acceptabilité, toutefois, il se distingue nettement de l’écotaxe. En effet, la majoration est bien plus difficile à faire admettre à un transporteur breton auquel l’ouvrage visé ne procurera jamais aucun retour sur investissement qu’à son homologue du massif alpin qui souffre de la congestion et de l’enneigement, qui va gagner trois quarts d’heure de trajet et pourra organiser le temps de repos de ses camionneurs dans le train. Les transporteurs de la région y ont d’ailleurs bien vu leur intérêt.

La question des concessions est indépendante du problème qui nous occupe. Les durées de concession des tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, et des autoroutes qui leur sont liées, ont été harmonisées pour prendre fin en 2050, à la suite des travaux de sécurisation. Ensuite, l’État peut décider de reconduire la concession ou d’exploiter directement les ouvrages.

Rappelons d’ailleurs que, côté français, les concessionnaires sont des sociétés d’économie mixte dont l’État est l’actionnaire majoritaire – quasi total pour le tunnel du Fréjus et l’autoroute de Maurienne, et à 60 % environ pour le Mont-Blanc, dont les deux autres actionnaires principaux sont le canton et la ville de Genève ainsi que le département de la Haute-Savoie, soit des acteurs publics. Quoi qu’il en soit, la perception des péages est essentielle, car les coûts d’exploitation d’un tunnel routier alpin ne sont pas négligeables. L’idée que les tunnels alpins pourraient être gratuits est une pure fantaisie, que le budget devrait assumer et qui représentera peu ou prou ce qu’il faudrait investir au travers de la recette de l’AFITF !

M. Laurent Furst. Je n’ai jamais évoqué cette hypothèse !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En effet, notre collègue a parlé de la gratuité des autoroutes, non de celle des tunnels.

M. Michel Bouvard. Soit.

Concernant Mobilité 21, Philippe Duron a déjà répondu.

S’agissant du financement du côté italien, la dépense est déjà inscrite dans la loi de finances prévisionnelle, ce qui est obligatoire s’agissant d’une nouvelle infrastructure. Elle doit aussi être validée par la Cour des comptes italienne avant le début des travaux. Le projet sera financé non par le recours à l’Eurovignette mais par la prolongation de la concession autoroutière, comme pour le tunnel du Brenner. Toutefois, nos collègues parlementaires italiens nous ont demandé de venir leur présenter notre rapport.

Le tunnel ferroviaire actuel du Mont-Cenis est-il suffisant ? Certes, il n’est pas saturé. Il fut même un temps où on évaluait sa capacité à 40 millions de tonnes. Mais depuis que, à l’occasion de la catastrophe du Mont-Blanc, on a découvert qu’il n’existait aucun dispositif de sécurité au Mont-Cenis, des travaux ont été réalisés et la capacité du tunnel a été singulièrement réduite. En outre, il s’agit d’un tunnel de « pied de col » et non d’un tunnel de base : une rampe entre Saint-Jean-de-Maurienne et Modane nécessite trois motrices, deux pour tirer des trains de 700 à 800 mètres de long et une pour les pousser. Du fait des délais et des coûts d’exploitation qui en résultent, l’ouvrage n’est plus compétitif vu la massification des trafics de fret et la nécessité de gagner du temps, gage d’économies pour les opérateurs ferroviaires et routiers. Bref, nous ne ferons pas du tunnel du Mont-Cenis, décidé par Cavour en 1853, entrepris en 1857 et ouvert en 1871, un tunnel du XXIe siècle ! Nous invitons tous ceux qui le souhaitent à venir visiter le tunnel du Mont-Cenis et le chantier du Lyon-Turin pour s’en assurer.

Peut-on avoir une estimation du coût total de l’ouvrage ? Évidemment non ! Je ne suis pas devin ; pour ne parler que de l’aspect financier, comment prévoir l’évolution des taux d’intérêt ? Tout ce que nous pouvons proposer, c’est d’asseoir l’emprunt sur une ressource stable : le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et les crédits de la BEI. En revanche, il est certain que l’amortissement sur cinquante ans est cohérent par rapport à la période de perception de la recette. D’autant que le tunnel est creusé une fois pour toutes ; or, le coût du percement représente 80 % du coût total de l’ouvrage, contre 20 % pour l’équipement. En outre, une démarche de certification des comptes, validée par la France et l’Italie, a été engagée et devrait aboutir dans les semaines ou les mois à venir : le coût de l’ouvrage sera donc certifié en valeur 2015 ou 2016.

J’en viens aux caractéristiques de la dette. Il s’agit d’un débat très technique. En la matière, il existe deux précédents, dont la requalification d’une partie de la dette ferroviaire au sens de Maastricht. Nous pourrons transmettre aux présidents la note technique dont nous disposons à ce sujet. Voici les critères permettant de qualifier ou non une dette de maastrichtienne : l’emprunteur est-il une unité institutionnelle ? Celle-ci est-elle contrôlée par une administration publique ? L’entité est-elle un producteur non marchand ? Ce débat est important pour la France, mais non pour l’Italie, dont le déficit est passé sous la barre des 3 % du PIB, de sorte que la dette contractée pour réaliser des infrastructures européennes n’entre pas dans le périmètre maastrichtien. De notre côté, cela dépendra de la nature et du mode de gouvernance de TELT.

Je terminerai en répondant à Jean-Marie Sermier. Nous avons voulu partir de sources de financement réalistes et immédiatement mobilisables. Toutefois, il est évident qu’à terme, la finance carbone devra contribuer à financer les infrastructures. Certes, cette recette a été quelque peu décrédibilisée par les problèmes qu’elle a posés par le passé – évolution des cours, opérations boursières hasardeuses –, mais nous pourrons l’intégrer à l’avenir.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 16 septembre 2015 à 9 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Razzy Hammadi, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Gaby Charroux, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. David Habib, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, Mme Valérie Rabault, M. Thierry Robert, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Assistait également à la réunion. - Mme Michèle Bonneton

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