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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 30 septembre 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 108

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

–  Présences en réunion

La commission entend M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons le plaisir de recevoir le président du Haut Conseil des finances publiques, instance dont la mission est de donner un avis sur les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent l’élaboration du projet de loi de finances (PLF) et de conduire une analyse de la trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire. En avril dernier, M. Migaud nous a déjà présenté l’avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité 2015-2018 ; fin mai, nous l’avons entendu sur l’évolution du solde structurel des administrations publiques, dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement de 2014, puis, avant l’été, en tant que Premier président de la Cour des comptes, préalablement au débat d’orientation des finances publiques.

Nous le recevons aujourd’hui afin d’entendre, pour la troisième année, l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi de finances. Je salue à cet égard nos collègues de la commission des affaires sociales : les recettes retracées dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale sont très intriquées, ce qui nous conduira peut-être un jour – la question se pose depuis de nombreuses années déjà – à envisager un débat conjoint sur la première partie de ces deux textes.

Je précise également que le Haut Conseil vient d’être renouvelé par moitié pour la première fois. Les mandats de M. Raoul Briet et de Mme Martine Latare, magistrats de la Cour des comptes, arrivaient à expiration et vous avez choisi, monsieur le président, de les reconduire. Le président du Sénat, qui avait, en 2013, désigné M. Michel Aglietta, a désigné Mme Valérie Plagnol. J’avais également désigné en 2013 une personnalité, Mme Marguerite Bérard-Andrieu, dont un tirage au sort a limité le mandat à trente mois au lieu de cinq ans ; il me revenait de nommer cette fois-ci un homme et j’ai choisi M. Christian Noyer, que nous avons auditionné la semaine dernière, étant entendu qu’il n’a pas participé aux délibérations du Haut Conseil sur le projet de loi de finances pour 2016.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie d’avoir bien voulu m’inviter devant votre commission pour vous présenter l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016.

C’est en effet la troisième fois, monsieur le président, que le Haut Conseil est appelé, en application de l’article 14 de la loi organique du 17 décembre 2012, à se prononcer sur les prévisions macro-économiques à partir desquelles sont bâtis les textes financiers et sur la cohérence de ces derniers avec les orientations pluriannuelles de solde structurel.

Permettez-moi de commencer par revenir sur le contexte macro-économique actuel, qui est plus incertain que lorsque le Haut Conseil s’est prononcé sur le programme de stabilité 2015-2018. Certes, les facteurs favorables à un rebond de croissance, que nous avions alors répertoriés, demeurent : la demande interne bénéficie de la chute du prix du pétrole, les exportations profitent de la baisse de l’euro et de la croissance des principales économies partenaires, les conditions de financement des agents économiques s’améliorent grâce à la politique d’achat d’actifs de la Banque centrale européenne (BCE) et, enfin, les tensions financières liées à la crise grecque se sont apaisées. De ce fait, les enquêtes de conjoncture ont poursuivi leur amélioration au cours de l’été. L’indicateur de l’INSEE sur le climat des affaires, par exemple, a atteint en août et en septembre son meilleur niveau depuis quatre ans.

Néanmoins, des incertitudes persistent quant à la vigueur de la reprise, car de nouveaux risques sont apparus. Le commerce international, tout d’abord, a subi un net ralentissement dû aux difficultés rencontrées par la Chine et par les autres économies émergentes, qui a pénalisé les exportations européennes. D’autre part, les marchés financiers ont connu pendant l’été une forte volatilité qui a pesé sur la confiance des investisseurs.

C’est afin de tenir compte de ces facteurs que les prévisions de croissance de la zone euro pour 2016 ont été révisées à la baisse de 0,2 % par la BCE et par l’OCDE. De même, des incertitudes persistent concernant les moteurs susceptibles de transformer le rebond de l’économie française en reprise durable et sur le rythme du redémarrage de l’investissement. En effet, l’amélioration des enquêtes de conjoncture est en décalage par rapport aux données statistiques, moins favorables.

Malgré ces incertitudes, le Haut Conseil considère que l’hypothèse que fait le Gouvernement d’une croissance de 1 % en 2015 devrait se réaliser, et que celle qu’il fait d’une croissance de 1,5 % en 2016 est atteignable. À la fin du premier semestre 2015, l’acquis de croissance est estimé à 0,9 % ; la probabilité d’atteindre une croissance de 1 % d’ici la fin de l’année est donc forte. En effet, l’activité s’est accélérée au premier semestre et les enquêtes de conjoncture suggèrent que cette dynamique se poursuivra au second semestre.

En revanche, l’accroissement des incertitudes depuis l’été conduit le Haut Conseil à ne plus juger « prudente » l’hypothèse d’une croissance de 1,5 % en 2016, comme il l’avait fait en avril dernier, même s’il l’estime tout de même atteignable. Plusieurs conditions sont en effet réunies en ce sens. La consommation devrait être soutenue du fait des gains de pouvoir d’achat liés à la baisse du prix du pétrole. Après avoir connu une forte baisse de 15 % entre 2012 et 2015, l’investissement en logement des ménages devrait progressivement reprendre
– mais, en réalité, un simple arrêt de cette baisse serait favorable à la croissance. En outre, l’investissement des entreprises pourrait bénéficier du redressement progressif de leurs marges, de l’amélioration de leurs conditions de financement et de l’augmentation de la demande finale, même si l’accélération prévue par le Gouvernement semble rapide au vu des capacités de production encore inemployées.

Cependant, le scénario prévu par le Gouvernement comporte selon le Haut Conseil un motif de fragilité : la prévision pour 2016 d’une croissance de 5,2 % du commerce mondial est élevée, compte tenu de la situation actuelle des économies émergentes. Depuis plusieurs exercices, le Gouvernement surestime la croissance prévisionnelle du commerce international et, du même coup, la demande mondiale faite à la France. Il se pourrait que ce soit de nouveau le cas en 2016, dans la mesure où la prévision du Gouvernement repose sur l’hypothèse assez optimiste du redémarrage des importations dans les pays émergents. Rappelons en outre qu’en juillet dernier, le Fonds monétaire international (FMI) estimait à 4,4 % la croissance du commerce mondial en 2016. Le Haut Conseil a également recensé d’autres aléas : les conséquences des tensions géopolitiques, la forte volatilité persistante des marchés financiers ou encore les effets d’une éventuelle normalisation de la politique monétaire des États-Unis.

D’autres variables macro-économiques sont tout aussi importantes que la croissance pour les finances publiques. En 2016, la hausse des prix pourrait être inférieure à l’hypothèse de 1 % retenue par le Gouvernement, en raison de facteurs désinflationnistes comme les effets retardés de la baisse du prix du pétrole et l’incidence des allégements d’impôts et de cotisations en faveur des entreprises. Une inflation moindre que celle qu’attend le Gouvernement serait favorable au pouvoir d’achat des ménages mais rendrait plus difficile la réduction du déficit public.

Le Gouvernement prévoit que la masse salariale progressera de 2,8 % en 2016, mais il se pourrait qu’elle soit moindre dans un contexte de chômage élevé et après deux années de faible inflation, dont les effets retardés pourraient avoir été sous-estimés. Or, si la progression de la masse salariale était moins rapide que prévu, elle pèserait sur les recettes de cotisations sociales et de contribution sociale généralisée (CSG).

J’en viens à la cohérence des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale avec les orientations pluriannuelles de solde structurel contenues dans la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014. Le Haut Conseil ne se contente pas d’apprécier la cohérence apparente des chiffres entre le projet de loi de finances et la loi de programmation ; il examine aussi leur cohérence interne et se prononce sur la crédibilité des prévisions de solde structurel contenues dans la dernière loi de programmation, qui se fondent notamment sur des hypothèses de croissance potentielle. Il se trouve que trois mois après l’adoption de ladite loi de programmation, le Gouvernement a, à l’occasion du programme de stabilité 2015-2018, révisé à la hausse – de 1,3 % à 1,5 % – son hypothèse de croissance potentielle pour 2016. Le solde structurel pour 2016 ainsi révisé est de -1,2 % du PIB et l’ajustement structurel correspond à 0,5 point de PIB, ce qui permet à la France de se conformer aux engagements qu’elle a pris devant les autorités européennes. Si l’hypothèse de croissance potentielle retenue dans la loi de programmation avait été conservée, le déficit structurel pour 2016, de -1,3 % du PIB, serait légèrement supérieur et l’ajustement structurel, de 0,4 point de PIB, légèrement inférieur. Autrement dit, pour un même niveau de déficit nominal, une hypothèse de croissance potentielle plus élevée a pour corollaire une estimation moindre du déficit structurel.

Le Haut Conseil a donc comparé les objectifs que le Gouvernement a présentés pour 2016 dans la loi de programmation de décembre 2014 d’une part et dans le projet de loi de finances pour 2016 d’autre part. Même si les écarts sont faibles, le Haut Conseil réitère la réserve de principe qu’il avait déjà formulée dans son avis du mois d’avril dernier sur le programme de stabilité : la révision des hypothèses de croissance potentielle hors du cadre de la loi de programmation – à laquelle le Gouvernement a naturellement le droit de procéder – ne permet pas de suivre convenablement l’évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire.

Autre point de méthode : les mesures ponctuelles et temporaires entrent dans le calcul du solde structurel. Or, le Gouvernement n’a pas – comme le Haut Conseil juge qu’il aurait dû le faire – inclus dans le champ de ces mesures le produit de la cession des licences de quatrième génération (4G), soit 2,5 milliards d’euros. Il s’agit pourtant d’une recette non reconductible, qui a pour effet d’améliorer le solde structurel de 0,1 point de PIB en 2015 et d’accroître d’autant l’ajustement structurel en 2014 et 2015, effet qui sera compensé par un ajustement plus faible entre 2015 et 2016. Il y a là un véritable enjeu de pilotage des finances publiques car, en période de reprise, la notion de déficit structurel conserve tout son intérêt et ne doit pas être soumise à des changements incessants. En effet, la France n’a pas su tirer parti des périodes de croissance passées pour assainir durablement ses finances publiques. Pour éviter qu’une telle situation se reproduise, les indicateurs de solde structurel et d’ajustement structurel doivent être suivis avec autant d’attention en période de reprise et en période de ralentissement conjoncturel. Pour ce faire, il faut garantir la stabilité des instruments de mesure.

Ces points de méthode étant rappelés, j’en viens aux conclusions du Haut Conseil sur le scénario des finances publiques. Que l’on retienne l’une ou l’autre de ces hypothèses de croissance potentielle, le Haut Conseil constate que la trajectoire de solde structurel est en avance sur les objectifs de la loi de programmation. En effet, le Gouvernement a, à l’occasion du programme de stabilité d’avril 2015, modifié la trajectoire de solde structurel présentée dans la loi de programmation – dont l’ambition était particulièrement modeste. Cette modification vise à tenir compte du fait qu’en 2014, le déficit était moins important que prévu – 4 % contre 4,4 % – et, en réponse à la recommandation du Conseil de l’Union européenne, à renforcer l’objectif d’ajustement structurel pour 2015 et 2016. L’objectif d’ajustement structurel pour 2015 contenu dans le programme de stabilité est donc maintenu dans le PLF pour 2016 et, à 0,4 point de PIB, il demeure inchangé par rapport à la loi de programmation. Pour 2016, en revanche, il est supérieur de 0,1 point de PIB – 0,4 contre 0,3 point – dans le projet de loi de finances par rapport à la loi de programmation, car le PLF prévoit un ralentissement plus prononcé de la progression en volume de la dépense publique – 0,3 contre 0,5 point de PIB. Au total, avec les hypothèses de croissance retenues dans la loi de programmation, le déficit structurel visé dans le projet de loi de finances pour 2016 est inférieur de 0,5 point à celui qui était prévu en décembre 2014, principalement grâce à l’effet de base produit par la diminution plus importante que prévu du déficit de 2014.

Dernier point : la crédibilité des objectifs de solde structurel présentés pour 2015 et 2016. En 2015, l’objectif d’amélioration du solde structurel devrait être atteint, sous réserve que l’on poursuive une gestion stricte des dépenses. Les informations dont nous disposons en cours d’année laissent penser que les recettes sont en ligne avec les prévisions actualisées du projet de loi de finances. En revanche, le respect des plafonds de dépenses de l’État n’est pas acquis, compte tenu des dépenses supplémentaires décidées en cours d’année.

En 2016, les finances publiques devraient bénéficier de la reprise modérée de la croissance mais des risques significatifs pèsent sur la réalisation de l’objectif de dépenses en volume – objectif particulièrement ambitieux au regard de la trajectoire passée. Les recettes devraient bénéficier de l’accélération modérée de la croissance ; quant à l’objectif de dépenses affiché par le Gouvernement, il est ambitieux, puisqu’elles ne devraient croître que de 0,3 % en volume. Ce ralentissement du rythme de croissance de la dépense vise à financer les baisses d’impôts et de cotisations sociales ainsi que les dépenses nouvelles, tout en favorisant la réduction du déficit. Or, de nombreuses dépenses nouvelles ont été annoncées alors que les économies nécessaires à leur financement n’ont été ni communiquées au Haut Conseil ni dûment documentées dans le projet de loi de finances. Elles seront sûrement communiquées à la commission des finances au cours de l’examen du texte.

Pour ce qui concerne les dépenses sociales, il est incertain que le taux de croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de 1,75 % puisse être respecté, car cela suppose la mobilisation d’outils de régulation renforcés et des évolutions structurelles concernant notamment la dépense hospitalière et la maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville.

D’autre part, le Haut Conseil, je le répète, considère que l’hypothèse d’inflation que fait le Gouvernement pour 2016 est un peu élevée. Une inflation plus basse que prévu se traduirait pour le solde nominal par une diminution des recettes attendues et aurait également un impact sur le solde structurel, car les mesures de gel et de sous-indexation ne produiraient pas tous leurs effets sur le ralentissement de la croissance de la dépense en volume, ce qui obligerait à prendre des mesures d’économie supplémentaires. La rigidité à court terme des cibles de dépenses fixées en valeur fait peser un risque à la baisse sur le solde structurel en 2016.

M. le président Gilles Carrez. La loi de programmation pluriannuelle, qui décline le programme de stabilité, est fondée sur les notions d’évolution du solde structurel et d’effort structurel. Compte tenu du niveau actuel de déficit, qui est supérieur à 3 %, l’effort annuel
– autrement dit, la réduction de solde structurel – doit être de 0,5 point au moins. Or, la loi de programmation ne prévoit pour 2016 qu’un effort de 0,4 point.

Dès lors, il faut prendre des mesures correctrices : c’est précisément tout l’intérêt de la loi de programmation et du programme de stabilité que de permettre de procéder à des ajustements dès lors que l’effort structurel est insuffisant. Pourtant, comme l’indique le Haut Conseil, le Gouvernement s’y prend autrement, en relevant son hypothèse de croissance potentielle. Or, toute augmentation de cette hypothèse a pour effet d’abaisser le niveau de solde structurel et, du même coup, d’augmenter l’effort structurel – qui, en l’espèce, dépasse 0,5 point de PIB pour, comme par hasard, remplir toutes les conditions imposées. J’y vois une forme de détournement de la loi de programmation : qu’en pense le Haut Conseil, qui manie toutes ces notions avec la plus grande dextérité ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Le Haut Conseil indique que selon les informations dont il dispose sur l’exécution, les recettes seraient « en ligne » avec les prévisions contenues dans la loi de finances initiale, ce qui n’était pas le cas l’année dernière puisque l’écart était de 10 milliards. Le constat est donc rassurant, car il était primordial de résoudre cette difficulté pour atteindre les objectifs fixés.

D’autre part, le Haut Conseil souligne les efforts consentis en matière de maîtrise de la dépense publique en rappelant des chiffres qui intéresseront tant notre commission que l’ensemble de l’Assemblée : le volume de la dépense a progressé en moyenne de 0,8 % par an entre 2010 et 2014 contre 2,2 % entre 2004 et 2008. C’est la preuve des efforts déployés depuis deux ans.

S’agissant de l’effort structurel de 0,5 point, je crois comprendre qu’il est notamment dû pour 0,1 point à la modification de l’hypothèse de croissance potentielle et pour 0,1 point au mode de comptabilisation du produit de la vente des licences 4G. Ce point peut-il être précisé ?

M. Migaud a insisté sur l’investissement des ménages en indiquant que si sa diminution s’interrompait, il en résulterait 0,2 à 0,3 point de croissance, ce qui est très significatif. Le confirmez-vous et pensez-vous que les mesures prises en faveur du logement sont suffisantes pour y parvenir ?

M. Dominique Lefebvre. Nous avons déjà eu plusieurs débats depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de gouvernance des finances publiques, dont tout montre aujourd’hui qu’elle est utile – à condition que chacun s’y réfère. Le Haut Conseil, je le rappelle, a pour mission d’évaluer la crédibilité des hypothèses macro-économiques sur lesquelles sont fondés les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, et de constater si ces projets sont cohérents avec les orientations fixées dans la loi de programmation des finances publiques. Or, l’avis qui nous est présenté aujourd’hui indique en toute clarté que les hypothèses macro-économiques sont cohérentes, même s’il précise – c’est son rôle – qu’elles pourraient être affectées par l’évolution de la situation économique internationale dans tel et tel domaine précis. Surtout, le Haut Conseil nous confirme que les trajectoires adoptées sont respectées.

M. le président Carrez déplore le fait que l’effort structurel pour 2016, qui sera compris entre 0,3 et 0,5 point de PIB, est inférieur au niveau demandé par la Commission européenne – 0,8 point – et à celui que fixent les traités, soit 0,5 point. Il devrait néanmoins ajouter ceci : le Haut Conseil nous indique surtout que nous sommes en avance sur la trajectoire de redressement du solde structurel que nous avons votée, et que le niveau de solde est inconnu depuis le début des années 2000 et, à coup sûr, sous le précédent quinquennat. La lecture attentive de l’avis objectif du Haut Conseil éviterait peut-être à l’opposition de raconter n’importe quoi... En effet, il nous y est indiqué que les engagements pris pour 2015 sont en passe d’être tenus ; quant aux engagements pris pour 2016, il nous est précisé qu’ils sont soumis à des aléas, mais c’est le cas chaque année depuis trois ans. Autrement dit, sous réserve d’une gestion rigoureuse, je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas tenus à leur tour.

M. Hervé Mariton. Je ne fais pas de cet avis la même lecture que Mme la rapporteure générale : j’y lis que de nombreuses nouvelles dépenses ont été annoncées « sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Haut Conseil ni dûment documentées ». D’autre part, « le respect d’un taux de croissance de l’ONDAM ramené à 1,75 % apparaît incertain ».

Les travaux du Haut Conseil sont soumis à de fortes contraintes de calendrier, mais il dispose aussi de capacités d’anticipation. Quelles sont donc les questions qu’il pose à l’exécutif et les retours qu’il obtient pour constater l’insuffisance des documents présentés sur de tels enjeux ? Le Haut Conseil a en effet pour mission de constater, mais il peut aussi interroger et compléter son information. Pourquoi ne dispose-t-il pas aujourd’hui de davantage d’informations ?

J’adresse ma deuxième question au président du Haut Conseil mais aussi au Premier président de la Cour des comptes, sans l’attirer sur un terrain partisan qui n’est pas le sien : 2016 est une année pré-électorale dont l’exécution budgétaire ne sera intégralement examinée par l'Assemblée qu’après les échéances électorales de 2017. L’exécution du budget 2016 est donc particulièrement sensible. Considérez-vous que le Parlement, la Cour des comptes et le Haut Conseil – lorsqu’il lui appartiendra de renouveler le présent exercice l’an prochain – disposeront d’éléments suffisants sur cette exécution ?

Le Haut Conseil a constaté un ajustement quelque peu excessif de l’hypothèse de croissance potentielle dès son avis sur le programme de stabilité, mais la question aurait aussi sa place dans le présent avis : quelle justification – éventuellement scientifique – vous donne-t-on de l’évolution de la croissance potentielle, et quelle appréciation scientifique en faites-vous ?

M. Charles de Courson. Ma première question au président Migaud est toujours la même : je calcule chaque année l’écart qui sépare le solde effectif du solde structurel, et je constate qu’il ne fait que se creuser depuis cinq ans. Une fois corrigé de 0,1 point en 2016, il augmente encore pour atteindre 2,2 points ! Je me tue depuis cinq ans à expliquer pour quelle raison : les taux de croissance potentielle retenus sont trop élevés. Cet écart devrait pourtant s’inverser en haut de cycle – étant entendu qu’un cycle dure cinq à six ans. C’est donc bien l’hypothèse de croissance potentielle qui est trop haute. Qu’en pense le Haut Conseil ?

Ensuite, le Haut Conseil évoque le traitement de la recette liée à la vente des licences 4G. Cette recette pourtant exceptionnelle a été considérée comme une recette courante. Or, elle représente 0,1 point d’ajustement structurel, lequel atteint donc en 2016 0,5 point et non 0,4, à quoi il faut encore ajouter au moins 0,1 point lié à la surestimation des prix
– l’hypothèse d’une inflation de 1 % me semblant comme au Haut Conseil déraisonnable, car les prix sont faibles, l’appareil de production est loin d’être saturé et la concurrence est vive. Convenez qu’un écart de 0,2 point n’est pas négligeable...

Enfin, la balance commerciale, quelque peu oubliée depuis l’avènement de la zone euro, est pourtant l’un des indicateurs de perte de compétitivité d’un pays. Or, l’augmentation des importations demeure plus rapide que celle des exportations, y compris dans les prévisions du Gouvernement. Comment le Haut Conseil interprète-t-il cette perte de compétitivité, qui plombe la croissance française sur le plan international, puisqu’elle lui coûte 0,1 à 0,2 point de croissance chaque année ?

M. Éric Alauzet. Comme l’indique le Haut Conseil, la réduction du déficit public est conforme à la trajectoire prévue, et même légèrement en avance. C’est une première depuis plusieurs années – en dépit du contexte de baisse des impôts, et donc des recettes – qui est le résultat non seulement du respect des objectifs de baisse de la dépense publique, mais aussi du caractère moins fantaisiste qu’auparavant des annonces de croissance. Le problème n’est-il donc pas plutôt lié au solde conjoncturel ? La question du solde structurel concentre l’attention mais s’apparente à un arbre cachant la forêt. Rien n’indique en effet que la croissance va rebondir davantage ; au contraire, nombreux sont les experts qui estiment qu’elle demeurera plafonnée autour de 1 % à moyen et à long terme. Le Haut Conseil ne pense-t-il donc pas qu’il faut désormais s’interroger sur la pertinence de ce débat figé entre solde structurel et solde conjoncturel ? Je le dis d’autant plus que l’on ne tire pas toujours pleinement parti du retour de la croissance – je pense à l’évasion fiscale et à d’autres types de fuite. Ne faut-il donc pas revoir la doctrine ?

M. Joël Giraud. Dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2015, le Haut Conseil notait que « l’évolution de l’emploi exerce des effets à la fois sur le dynamisme de l’activité économique et l’équilibre des comptes publics. Des hypothèses trop favorables peuvent conduire, d’une part, à une surestimation de la masse salariale et, partant, des recettes de cotisations sociales et de CSG et, d’autre part, à une sous-estimation des dépenses d’assurance-chômage ». Il indiquait également que le Gouvernement anticipait des créations d’emploi particulièrement vigoureuses dans les secteurs non marchand et marchand. Dans le premier, le Gouvernement attendait en effet une montée en charge beaucoup plus rapide des emplois aidés ; dans le second, il a surestimé le regain de compétitivité dû à la pleine entrée en vigueur du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Or, dans son dernier rapport, le comité de suivi du CICE indique que 25,4 milliards d’euros ont déjà été dépensés au titre de ce dispositif depuis le 1er janvier 2013, dont 15,8 milliards avaient effectivement été décaissés par Bercy au 31 juillet dernier. Il indique que ces sommes, colossales pour les finances publiques, ont été principalement fléchées vers les salaires, pour partie à cause de la baisse du taux de marge des sociétés non financières. Dans un précédent avis, le Haut Conseil notait que même si le CICE était, stricto sensu, une baisse de charges, celle-ci aurait un impact moindre dans le contexte actuel de marges dégradées. Or, dans le présent avis, il rappelle que l’accroissement des incertitudes depuis l’été ne permet plus de considérer l’hypothèse de croissance de 1,5 % en 2016 comme « prudente ».

Dès lors, quel niveau de CICE le Haut Conseil estime-t-il qu’il faudra décaisser avant que ce dispositif produise un impact massif sur l’emploi, pour ne plus se limiter à éviter des licenciements et des faillites dans le secteur privé ? S’agit-il d’ailleurs d’une simple question de niveau de crédit d’impôt et d’allégement des cotisations, ou bien faut-il revoir le ciblage du dispositif, ainsi que le caractère éventuellement contraignant des contreparties imposées aux grandes entreprises non délocalisables, y compris les sociétés anonymes à capitaux publics comme La Poste ?

Concernant l’accroissement des risques financiers, qui menace la solidité de la reprise économique, le Haut Conseil estime que « plusieurs indicateurs suggèrent que les marchés financiers peuvent désormais être à nouveau confrontés à des risques de caractère systémique » et ajoute que « ces facteurs sont difficiles à quantifier et ne sont que très peu intégrés dans les prévisions macro-économiques qui servent de cadrage aux programmations pluriannuelles de finances publiques ». Qu’en est-il dans le projet de loi de finances et, de manière générale, que préconise le Haut Conseil pour intégrer ces facteurs davantage ?

Mme Karine Berger. Le Haut Conseil fait état d’un très net ralentissement du commerce mondial au premier semestre 2015 et suggère qu’il pourrait s’agir d’une évolution structurelle. Au cours des huit années précédant la crise de 2008, la croissance moyenne du commerce mondial oscillait entre 6 % et 7 %, et tous les économistes considéraient alors qu’après le retour à une situation normale, elle atteindrait de nouveau ce niveau. Que veut donc dire le Haut Conseil en posant la question du non-retour à la normale du commerce mondial ? S’agit-il d’une analyse statistique ou d’une analyse de la croissance dans les pays émergents, qui a un impact fondamental sur l’évolution du cycle économique mondial, y compris celui de la zone euro, et sur les taux d’intérêt ?

D’autre part, je comprends que le Haut Conseil remette en cause la décision prise par le Gouvernement de considérer que le produit de la vente des licences 4G relève du solde structurel. La Commission européenne a-t-elle oui ou non donné au Haut Conseil des directives applicables au calcul du solde structurel ? Je ne le crois pas ; quoi qu’il en soit, la Commission européenne refuse d’admettre qu’il n’existe qu’une seule et unique méthode de calcul du solde structurel. Or, les méthodes de calcul macro-économiques conduisent bel et bien à tenir compte de la recette liée à la vente des licences 4G dans le solde structurel. Dès lors, le Haut Conseil peut-il nous indiquer sur le fondement de quel document de la Commission européenne il remet en cause ce mode de calcul ?

M. Patrick Ollier. Le Gouvernement prévoit que l’investissement augmentera de 2,3 % en 2016. Dans son analyse sur ce point, le Haut Conseil a-t-il tenu compte de la baisse de 11 milliards des dotations aux collectivités locales entre 2015 et 2017 ? L’impact de cette baisse sera très puissant et se fera sentir dès 2016 dans les collectivités, qui réalisent 72 % de l’investissement public en France. Le taux de croissance de l’investissement – très flatteur – que prévoit le Gouvernement en souffrira certainement...

M. Alain Rodet. S’agissant du ralentissement du commerce mondial, la mode est au China bashing : on brandit çà et là la menace chinoise. Soyons prudents : il y a une vingtaine d’années, les économistes occidentaux se sont largement trompés sur la Chine. On dit aujourd’hui que le taux de croissance de ce pays n’est pas de 7 % mais plutôt de 2 %. Le pilotage de l’économie chinoise est très centralisé et loin d’être rudimentaire ; tempérons donc les exagérations du risque que ferait peser la Chine sur le commerce mondial.

M. Olivier Carré. Si les prévisions sont tenues, chers collègues, c’est parce qu’elles sont révisées chaque année ! L’évolution du solde structurel doit être la moins importante possible par rapport aux effets conjoncturels de cycle, qui étaient estimés de manière intuitive. Il va de soi qu’à revenir chaque année sur ce calcul, on ajuste facilement le solde. De fait, la tendance ne progresse pas beaucoup. En 2012, je le rappelle, le déficit prévu en 2016 était de 1,5 % et le budget pour 2017 devait être équilibré. Aujourd’hui, nous nous réjouirions que le Gouvernement puisse tenir son nouvel engagement, soit un déficit de 3 % en 2017 !

S’agissant des recettes, le Haut Conseil indique qu’elles sont pour une fois conformes aux prévisions. Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu rentre plus que prévu, et pour cause : il augmente fortement – de 7 % en exécution – alors qu’il était prévu qu’il diminue. La question se pose donc de savoir quels seront les contribuables qui devront payer davantage.

Enfin, concernant les dépenses, le Haut Conseil signale que bien des choses restent à écrire – en particulier sur les annonces de dépenses supplémentaires dont on ne sait guère comment elles seront financées en 2016. Il s’agit là d’un point important car, en période électorale, la tentation de gérer les politiques publiques en augmentant la dépense l’emporte souvent sur la volonté d’entreprendre des réformes de fond. Quels sont donc les éléments qui, selon le Haut Conseil, devraient appeler le Gouvernement à faire preuve d’une plus grande vigilance, et ceux sur lesquels nous pouvons agir davantage ?

M. Alain Fauré. Quel est le point de vue du Haut Conseil sur la question des taux d’intérêt, qui n’a pas été évoquée alors qu’elle a une incidence sur la dépense publique ?

Mme Véronique Louwagie. La reprise de l’investissement des entreprises, dont le Gouvernement estime qu’il devrait croître de 3,7 % en 2016, est selon le Haut Conseil un motif de fragilité. Il considère en outre que l’accélération de l’investissement prévue par le Gouvernement semble rapide. À cet égard, je rappelle que la déduction exceptionnelle de 40 % sur l’investissement qu’a décidée le Gouvernement pour la période allant du 15 avril dernier au 15 avril prochain est sans doute l’une des mesures qui contribue à cette accélération.

Chacun connaît le retard de l’investissement en France, qu’il s’agisse de l’investissement public et privé en recherche et développement, qui n’a quasiment pas progressé depuis 2000, ou encore du taux d’investissement des PME ayant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros, qui est de 12,1 % en France contre 16 % en Allemagne. Peut-on donc quantifier l’impact de cette mesure exceptionnelle et limitée dans le temps sur l’investissement, et contribue-t-elle à l’accélération prévue ? D’autre part, cette mesure ponctuelle ne risque-t-elle pas de se traduire par une moindre accélération dès la fin 2016 ?

M. Pascal Terrasse. Le Haut Conseil doute de la capacité du Gouvernement à maîtriser l’ONDAM en 2015. Pourtant, la sécurité sociale emprunte aujourd’hui à des taux relativement faibles. Qu’en pensez-vous ? D’autre part, le Haut Conseil estime, en dépit du ralentissement à 1,75 % de la progression de l’ONDAM en 2016, qu’il faudra mettre au point des outils supplémentaires de régulation. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Les responsables politiques que nous sommes sont naturellement sensibles à la notion de soutenabilité de l’impôt mais, dans le même temps, ce Gouvernement fait des choix politiques en matière de cohésion sociale. Les coûts supportés par les bénéficiaires de la sécurité sociale ont augmenté ces dernières années. Or, il semblerait que le reste à charge pour les assurés ait diminué en 2015.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. En réponse à ces observations et à ces questions – dont bon nombre sont adressées au Gouvernement davantage qu’au Haut Conseil –, je commencerai par la révision de la croissance potentielle. Le Haut Conseil n’a pas changé d’avis depuis celui qu’il a formulé sur le programme de stabilité : il regrette les modifications effectuées tout en observant que le Gouvernement a parfaitement le droit d’y procéder. Notre analyse se fondant sur la loi de programmation, nous sommes donc tenus de rectifier les chiffres car, je vous le confirme, toutes les hypothèses de croissance potentielle n’ont évidemment pas les mêmes conséquences sur le solde et l’ajustement structurels. Le Haut Conseil avait considéré que l’hypothèse retenue dans la loi de programmation d’une croissance potentielle de 1,3 % était « acceptable ». Il s’interroge sur la décision de la relever à 1,5 %, dont il a peine à comprendre les raisons – d’autant plus que l’écart de production, lui, ne se réduit pas. Le débat sur l’évolution de l’hypothèse de croissance potentielle peut être infini ; les économistes eux-mêmes sont partagés, même si bon nombre d’entre eux estiment que l’hypothèse d’un taux de 1,5 % semble élevée.

Fidèle à sa doctrine, le Haut Conseil continue de considérer que la mesure relative aux licences 4G est ponctuelle et temporaire – comme c’est sans doute aussi le cas de la Commission européenne. Son effet sur l’ajustement structurel de -0,1 point de PIB en 2015 sera compensé par un effet de 0,1 point en 2016 ; il sera donc quasiment neutre. Par principe, néanmoins, nous estimons que cette recette exceptionnelle devrait être traitée comme telle dans le projet de loi de finances.

Je confirme que les recettes sont globalement en ligne avec les prévisions, à deux réserves près : le CICE coûte plus cher que prévu et la TVA rapportera un peu moins. Toutefois, les cotisations sociales rentrent mieux, ce qui explique que les recettes devraient être globalement conformes aux prévisions.

S’agissant de l’impôt sur le revenu, l’amélioration des rentrées actuellement constatées est vraisemblablement due à une modification du calendrier des traitements et des recouvrements de l’administration fiscale. Au total, l’exécution pour 2015 devrait être en ligne avec la nouvelle prévision, qui est elle-même en baisse par rapport à la loi de finances initiale.

En matière de logement, la simple stabilisation du niveau d’investissement favorisera la croissance. La prévision de croissance du Gouvernement en tient déjà compte, ce qui explique que le taux de 1,5 % est à notre sens atteignable.

Je confirme également l’avance que nous avons par rapport à la loi de programmation des finances publiques dont l’ambition, toutefois, était modeste. Nous avions d’ailleurs remarqué que cette loi n’était pas tout à fait conforme aux engagements européens ; après avoir échangé avec le Gouvernement, la Commission européenne a finalement validé le programme de stabilité, mais elle devrait réexaminer la trajectoire française en novembre prochain.

Les hypothèses du Gouvernement tiennent compte de la diminution de l’investissement local, qui avait ralenti de 9,6 % en 2014 et qui devraient ralentir de 8,5 % en 2015. Pour 2016, le Gouvernement estime ce ralentissement à 0,2 %, soit une quasi-stabilisation.

M. Patrick Ollier. C’est intenable !

M. Charles de Courson. Et irréaliste !

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Ce chiffre nous semble en effet élevé par rapport aux informations dont nous disposons.

À ce stade, nous ne possédons pas toutes les informations nous permettant d’évaluer comment le Gouvernement entend respecter ses objectifs de dépenses. Pour 2015, plusieurs questions demeurent ; pour 2016, le ministre a lui-même annoncé qu’il compléterait devant l’Assemblée les informations dont elle dispose concernant la maîtrise de la dépense. C’est pourquoi le Haut Conseil rappelle que le scénario de finances publiques peut se réaliser, à la condition que les objectifs de dépenses soient tenus. Or, des dépenses supplémentaires ont été annoncées sans que les contreparties soient forcément prévues en termes de ralentissement global de la dépense publique.

Il appartiendra à la Cour des comptes de constater que la progression de 1,75 % de l’ONDAM s’est concrétisée. Pour qu’elle le soit, il faudra prolonger certaines mesures prises afin de maîtriser les dépenses de l’assurance maladie. Le Haut Conseil a en effet observé qu’en 2015, le déficit de l’assurance maladie sera supérieur à son niveau de l’année précédente. Le problème persiste donc, et la Cour des comptes ne remplirait pas sa mission si elle sous-estimait la constance de ce déficit – même si nul ne s’étonnera qu’elle use dans son expression de plus de retenue que le Gouvernement. Elle suivra cette question lors de l’exécution des budgets pour 2015 et pour 2016.

Je rappelle à M. Mariton que c’est à la Cour des comptes qu’il revient de rédiger un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Le Haut Conseil, quant à lui, fera en juin 2016 un rapport du même ordre dans lequel il intégrera comme chaque année des données relatives à l’exécution du budget pour le début 2016. D’autre part, il continuera de s’exprimer en début d’année sur l’exécution du budget de l’année précédente ; que l’année en question soit électorale ou pas n’a pas d’incidence de ce point de vue.

S’agissant de notre information, il va de soi que nous interrogeons la direction du budget, la direction générale du Trésor et celle de la sécurité sociale, et des réponses nous y sont apportées mais, par définition, nous ne pouvons évaluer précisément le contenu des mesures d’économie sur lesquelles le ministre entend vous informer au cours de la discussion parlementaire. Vu les délais qui s’imposent à lui, le Haut Conseil ne dispose pas toujours de l’ensemble des éléments lui permettant d’apprécier pleinement la dépense.

Nombreux sont les économistes qui incitent à la prudence concernant les hypothèses sur le commerce mondial. J’entends les arguments de Mme Berger au sujet du retour à la situation qui prévalait avant la crise mais, à ce stade, les chiffres n’en font pas état. Comme toutes les institutions compétentes, dont le FMI, le Gouvernement ne cesse de réviser à la baisse les prévisions relatives au commerce mondial.

Quant au redémarrage rapide des importations, il est loin d’être atypique en phase de reprise, car les exportations sont souvent riches en importations. Cependant, la persistance d’un solde commercial dégradé est le signe que la compétitivité de l’économie française pose problème.

Les économistes sont partagés quant à l’éventuelle surestimation – ou sous-estimation – du ralentissement de l’économie chinoise, même si la plupart d’entre eux considèrent néanmoins que le ralentissement des économies émergentes est réel et que ses conséquences peuvent déjà s’observer. Cela explique pourquoi l’OCDE, le FMI et la BCE ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance mondiale. L’impact de cette situation sur la France est encore difficile à mesurer avec précision.

M. François Monier, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques. Avant la crise, la croissance mondiale était de l’ordre de 6 % à 7 %. Or, dans ses projections à moyen terme, le Gouvernement prévoit régulièrement une croissance revenue à 6,5 %. Cependant, le temps passe et il est systématiquement contraint de revoir ses prévisions à la baisse. Si cette prévision ne se vérifie jamais, c’est principalement parce que la croissance tarde à repartir. Une autre hypothèse envisageable est celle d’une évolution structurelle ; c’est celle que fait le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, le CEPII, qui, dans son dernier rapport, suggérait que le commerce mondial serait moindre aujourd’hui alors même que la croissance de l’économie mondiale est revenue à la normale, en raison notamment de la reconfiguration des chaînes de production. L’incidence qu’une telle évolution aurait sur la France et sur l’Europe n’est pas encore claire, et ce ralentissement du commerce mondial toucherait vraisemblablement plus les économies émergentes et moins développées.

Concernant le commerce extérieur français, le scénario gouvernemental indique
– fait nouveau – que l’année 2015 est plutôt bonne, les exportations ayant très fortement augmenté au premier semestre. Il faut néanmoins distinguer entre les exportations exceptionnelles – secteur aéronautique, armement – et la tendance de fond qui, elle peut notamment s’expliquer par l’appréciation du dollar. Reste à vérifier si cette amélioration se confirmera en 2016 ou si la France recommencera à perdre des parts de marché comme elle le fait depuis une quinzaine d’années.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. L’évaluation du CICE n’entre pas dans les compétences du Haut Conseil. Les conséquences de ce dispositif et celles du pacte de responsabilité sur le redémarrage de l’économie sont en cours d’examen : leur impact semble se vérifier, même s’il convient d’en mesurer l’ampleur.

Les hypothèses du Gouvernement concernant les taux d’intérêt sont toujours relativement prudentes : pour les taux à dix ans, il prévoit une remontée à 1,4 % d’ici la fin 2015 et à 2,4 % d’ici la fin 2016. Cette prudence permet de dégager quelques marges de manœuvre en exécution.

Quant à la mesure de suramortissement évoquée par Mme Louwagie, son impact sur l’investissement est estimé à 0,5 % en 2016. Le Haut Conseil estime que le Gouvernement anticipe des effets un peu trop forts compte tenu de l’ampleur limitée et de la complexité de la mesure. C’est l’une des raisons pour lesquelles il considère que la prévision gouvernementale d’amélioration de l’investissement est trop rapide.

M. le président Gilles Carrez. Ces débats sont toujours d’un grand intérêt : je tiens à saluer la qualité du travail du Haut Conseil des finances publiques et à remercier son président.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 30 septembre 2015 à 10 heures

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Henri Emmanuelli, M. Olivier Faure, M. Alain Fauré,
M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier

Excusés. - Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, M. Serge Grouard, M. Michel Ménard, M. Christophe Premat

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