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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 30 septembre 2015

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 109

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, sur le projet de loi de finances pour 2016

–  Présences en réunion

La commission entend M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, sur le projet de loi de finances pour 2016.

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je remercie M. Sapin et M. Eckert de venir présenter devant notre commission le projet de loi de finances (PLF) pour 2016, que le Conseil des ministres vient d’adopter. Nous entamons ainsi le marathon budgétaire, qui s’achèvera au début de l’hiver. À ce propos, je vous informe que la première partie du projet de loi de finances sera examinée par notre commission le mercredi 7 octobre à partir de neuf heures trente et que la date limite de dépôt des amendements, qui a été repoussée le plus tard possible, est fixée au samedi 3 octobre à dix-sept heures – il devient très difficile de travailler dans de telles conditions. Quant à son examen en séance publique, il débutera le mardi 13 octobre, après les questions au Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Le contexte dans lequel nous vous présentons le projet de loi de finances pour 2016 est très différent de celui qui prévalait ces dernières années. Tout d’abord, la croissance est revenue ; cette année, elle atteindra, conformément aux objectifs que nous nous étions fixés, 1 %, voire davantage, après trois années durant lesquelles elle est restée, en France et dans l’ensemble de la zone euro, proche de 0,3 %. Ensuite, le déficit public est évalué, pour 2015, à 3,8 %, estimation que tous les observateurs jugent parfaitement réaliste. Les objectifs que nous nous étions fixés pour 2015 seront donc atteints, même si nous devons demeurer extrêmement attentifs à l’exécution du budget. En tout état de cause, je veux apaiser vos inquiétudes, monsieur le président : les dépenses, les recettes, et donc le solde, sont conformes à nos prévisions.

Ce constat, qui peut paraître relever du bon sens mais qui a été rarissime au cours des dix dernières années, nous place dans une position différente vis-à-vis de la Commission européenne. Il se trouve en effet que, respectant les engagements votés par le Parlement, nous respectons également ceux que nous avions pris devant le Conseil européen. Bien entendu, le dialogue avec la Commission se poursuit ; celle-ci sera extrêmement attentive au contenu de nos documents budgétaires. Mais souvenons-nous des circonstances dans lesquelles a été présenté le projet de budget l’année dernière. Il n’est plus question, aujourd’hui, de savoir si nous allons être sanctionnés ou non. La situation est désormais normale ; nous agissons de manière responsable et nous entretenons une relation de confiance avec les institutions européennes. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis de parler d’une voix forte lorsqu’il a fallu peser dans certaines discussions, en particulier sur la Grèce.

Les principales estimations sur lesquelles nous fondons le projet de budget pour 2016, que je crois solide, peuvent toujours être discutées, mais dans une bien moindre mesure, me semble-t-il, que les années précédentes. Nous avons retenu une hypothèse de croissance de 1,5 %, hypothèse que nous avons tenu à maintenir, indépendamment des évolutions conjoncturelles intervenues au cours de l’année 2015. De fait, si nous avions écouté certains observateurs, nous aurions dû la revoir à la hausse au mois d’avril. En tout état de cause, le fait qu’elle soit qualifiée d’« atteignable » par le Haut Conseil des finances publiques est positif, si l’on veut bien se souvenir des avis rendus par ce dernier sur les trois derniers projets de loi de loi finances. Je rappelle en effet qu’il qualifiait l’hypothèse retenue l’an dernier d’« optimiste », estimant ainsi qu’elle risquait de ne pas être atteinte ; nous l’atteignons néanmoins. Dès lors, une hypothèse « atteignable » devrait être atteinte et, je l’espère, dépassée.

Quant à l’inflation, nous avons prévu qu’elle serait de 1 %, après deux années durant lesquelles elle est restée proche de zéro. Cette hypothèse est légèrement inférieure à l’objectif que s’est fixé la Banque centrale européenne (BCE). Cela nous permet de fixer un objectif de déficit de 3,3 % ambitieux mais réaliste, qui correspond à celui de 3,4 % que la Commission souhaite voir respecté.

Par ailleurs, ce budget ne comporte guère de surprises ni d’éléments nouveaux, dans la mesure où il s’agit avant tout de respecter les engagements pris, qu’il s’agisse de la réduction des déficits ou de la diminution des prélèvements obligatoires. Dans ce dernier domaine, nous mettons en œuvre les mesures annoncées dans le cadre d’une nouvelle phase du pacte de responsabilité et de solidarité, laquelle vise, d’une part, à soutenir les capacités d’investissement et d’emploi des entreprises privées et, d’autre part, à faire bénéficier les foyers qui, au cours des six dernières années, sont entrés dans l’impôt sur le revenu ou ont vu celui-ci augmenter d’un retour de leurs efforts.

M. le président Gilles Carrez. Pas tous !

M. le ministre. Non, parce que la justice fiscale commande que, lorsqu’on dispose de revenus très importants, on paie un peu plus que les autres.

M. Hervé Mariton. Il faut donc corriger votre phrase précédente. C’est un mensonge par omission !

M. le ministre. Si l’on doit demander un effort exceptionnel aux ménages, comme nous l’avons fait, les uns et les autres, pour lutter contre les déficits, il paraît juste que ce soit d’abord et avant tout aux plus modestes d’entre eux que l’on rende une partie du fruit de leur effort.

Je rappelle que le montant de l’enveloppe du pacte de responsabilité pour l’année 2016 est de 9 milliards d’euros et que cette enveloppe est destinée à financer diverses mesures en faveur des entreprises, dont les trois principales sont : la fin de la « surtaxe » à l’impôt sur les sociétés pour les plus grandes d’entre elles, la deuxième étape de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui va concerner 80 000 entreprises, et, enfin, la réduction de cotisations sociales pour les salaires compris entre 1,6 SMIC et 3,5 SMIC pour une somme en année pleine de l’ordre de 4,5 milliards d’euros. J’ajoute que sont comprises dans cette enveloppe de 9 milliards les conséquences des aides décidées au cours de l’année 2015, notamment en faveur des TPE et des PME. Ces aides se traduisent la plupart du temps par des baisses de l’impôt sur les sociétés ou par des diminutions de cotisations. Elles s’élèvent à un milliard d’euros en année pleine en 2016. Nous mettrons en œuvre toutes les mesures telles qu’elles ont été prévues.

S’agissant des ménages, le Parlement a voté, pour 2015, une baisse d’impôt de 3 milliards d’euros qui concerne environ 5 millions de contribuables. Pour 2015 et 2016, les baisses d’impôts s’élèvent donc – et j’insiste sur ce chiffre – à 5 milliards, conformément à l’engagement qu’avait pris le Président de la République dans le cadre du pacte de solidarité. Ainsi deux tiers des 17 millions de ménages imposables verront leur impôt sur le revenu effacé ou diminué.

Nos engagements sont également tenus en matière de dépenses. Ils le sont tout d’abord dans le cadre du financement de nos priorités. Parmi celles-ci figurent, en premier lieu, la sécurité, dans son volet extérieur – la défense – et dans son volet intérieur – police et gendarmerie – ainsi que la justice : les augmentations de crédits destinées à renforcer nos moyens dans la lutte contre le terrorisme figurent dans le projet de budget. Notre deuxième priorité, qui est discutée, est l’éducation : des efforts supplémentaires doivent permettre au service public de l’éducation, y compris les universités, d’être à la hauteur de ce qu’en attendent l’ensemble des Français. Un effort est également consenti en faveur du budget du travail, compte tenu de la situation sur le front de l’emploi. Enfin, le budget de la culture est maintenu.

Nos engagements sont également tenus en matière d’économies. Celles-ci seront même augmentées pour 2016, afin de nous permettre de faire face aux dépenses supplémentaires et à la diminution de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu. L’objectif de 50 milliards d’économies sur trois ans, que nous avons annoncé l’année dernière, sera respecté, même si certains éléments ont dû évoluer au cours des derniers mois. Je pense notamment aux mesures supplémentaires que nous avons dû prendre pour compenser celles, notamment le gel de certaines prestations, qu’une inflation nulle a privées d’effet et pour atteindre le niveau d’économies prévu pour 2015 et 2016.

Je rappelle que ces 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans sont supportées par l’État à hauteur de 19 milliards, par les collectivités territoriales à hauteur de 10,7 milliards et par la sécurité sociale à hauteur de 20,3 milliards, dont 10 milliards par la santé.

Par ailleurs, je veux citer la mise en œuvre de deux réformes touchant aux modalités de perception de l’impôt. La première concerne le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ; elle est affichée dans le budget pour 2016 et devra se traduire de manière très précise dans le projet de loi de finances pour 2017. Cette question fera l’objet de débats, notamment au sein de votre commission. Ces débats sont nécessaires car, si le principe de la réforme est simple et peut être approuvé sur l’ensemble de ces bancs, sa mise en œuvre suppose que des choix soient faits, qui méritent d’être débattus. Ainsi, un Livre blanc sera élaboré au cours de l’année 2016.

La seconde réforme concerne l’extension de la dématérialisation des déclarations d’impôt, notamment de l’impôt sur le revenu. Cette dématérialisation sera encouragée dans le cadre d’un dispositif incitatif, progressif et souple : nous n’exercerons aucune coercition. Les personnes âgées ou les contribuables qui n’ont pas accès à internet ne seront pas dans l’obligation de remplir leur déclaration en ligne. Cette obligation concernera, en 2016, les foyers dont les revenus sont supérieurs à 40 000 euros ; puis, nous abaisserons progressivement ce seuil, de façon à atteindre des taux de déclaration par internet comparables à ceux d’autres pays européens, la France étant très en retard dans ce domaine. Cette simplification bénéficiera d’abord au contribuable, puisqu’elle lui permet d’apporter des corrections jusqu’au dernier moment et de bénéficier de délais légèrement plus longs. Elle facilitera également le travail de l’administration, de sorte que nous pourrons continuer d’en diminuer les effectifs à un rythme très élevé.

Je laisse maintenant la parole à Christian Eckert, qui est un connaisseur émérite des questions budgétaires.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je voudrais tout d’abord souligner une bonne nouvelle qui est passée inaperçue : l’INSEE a récemment réévalué à la baisse le déficit public de 2014, qui s’établit désormais à 3,9 % du PIB. Pour la première fois depuis 2008, le déficit public est constaté à un niveau inférieur à 4 %.

Ce rapide retour en arrière étant fait, j’en viens au budget que le Gouvernement vous propose pour 2016. Ce budget maintient le cap : le déficit public se réduit comme prévu, et même plus vite que prévu, et les baisses de prélèvements annoncées sont mises en œuvre. Pour financer ces mesures, nous vous proposons un nouvel ensemble d’économies, conformément à ce qui était prévu dans le plan d’économies de 50 milliards d’euros présenté en 2014 et actualisé lors du dernier programme de stabilité. Ces économies concernent non seulement l’État et les collectivités locales, mais aussi la sécurité sociale, dont Marisol Touraine et moi-même avons présenté le projet de loi de financement devant la Commission des comptes de la sécurité sociale le 24 septembre dernier.

Les bons résultats obtenus depuis un an confortent notre politique ; ils la rendent crédible. En 2014, je le répète, le déficit public a été nettement moins élevé que prévu, puisqu’il s’élève à 3,9 %, contre 4,1 % en 2013, et la dépense publique a progressé à un rythme, historiquement bas, de 0,9 % en valeur. J’observe d’ailleurs que le Haut Conseil des finances publiques indique lui-même, dans son avis, que « ces dernières années, les efforts de maîtrise de la dépense publique ont été sensibles ».

Pour 2015, la prévision de déficit public, qui était de 4,1 % en loi de finances initiale, a été ramenée, au mois d’avril, à 3,8 %. Je précise que toutes les informations disponibles confortent cette prévision. Par conséquent, ceux qui prétendent que les recettes manqueront par milliards, voire par dizaines de milliards – c’est vous que je vise, monsieur le président –, se trompent ! Je vous donne rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de règlement : l’objectif de 3,8 % sera respecté.

Enfin, le déficit de l’État pour 2015 est revu à la baisse : il est réduit de 1,4 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale. Je vous avais du reste signalé cette amélioration lors du débat d’orientation des finances publiques. En effet, les recettes fiscales enregistrent une légère plus-value, de 100 millions d’euros, par rapport au programme de stabilité et les dépenses sont nettement moins élevées que prévu. Il n’y a donc aucune alerte sur le budget de l’État, contrairement à ce que certains ont pu dire tout au long du premier semestre. Au contraire, pour la première fois depuis 2011, le déficit de l’État est inférieur en exécution à la prévision de la loi de finances initiale – je précise qu’à l’époque, il atteignait 90,7 milliards d’euros. Notre politique budgétaire et fiscale est donc stable, prévisible et crédible.

Cette crédibilité repose sur le respect d’un principe : pas de dépense nouvelle sans une économie pour la financer. Ce principe, nous l’avons respecté dans le cadre de la construction du budget et nous le respecterons durant la discussion parlementaire. Il est exigeant, mais il n’entrave pas notre action, loin de là. En effet, au cours des derniers mois, le Gouvernement a dû faire face à de nombreux événements imprévus, souvent tragiques, qui appelaient une réponse de la puissance publique et la mobilisation de ressources nouvelles. À chaque fois, nous avons engagé les dépenses requises et réalisé les économies nécessaires pour les financer.

Je prendrai trois exemples.

Les événements de janvier nous ont conduits à renforcer considérablement les moyens consacrés à la sécurité des Français. Ces dépenses nouvelles ont un impact tant sur l’année 2015 que sur l’année 2016. Pour 2015, nous les avons financées par les annulations de crédits prévues dans le décret d’avance du 9 avril et par des mises en réserve complémentaires de crédits. Pour 2016, ces dépenses, en particulier la hausse de 600 millions d’euros du budget de la défense liée à la révision de la programmation militaire, ont été intégrées à la construction du budget, et elles sont prises en compte dans la baisse de 1,3 milliard d’euros des dépenses de l’État par rapport à la loi de programmation.

Plus récemment, le Gouvernement a dû réagir à deux crises d’importance. Pour répondre à la crise agricole, des dépenses nouvelles seront engagées dès 2015, dans le collectif de fin d’année, pour un montant de l’ordre d’une centaine de millions d’euros ; le Gouvernement vous proposera, dans le même temps, des annulations de crédits sur d’autres ministères pour compenser strictement ces dépenses. En ce qui concerne l’accueil des migrants, une adaptation du projet de loi de finances, strictement gagée, vous sera proposée au cours du débat pour intégrer les décisions les plus récentes, qui ne pouvaient pas être toutes prises en compte dans la construction budgétaire.

Ces exemples illustrent le fait que la discipline budgétaire conduit à se poser systématiquement la question du financement des actions menées. Pour financer ces dépenses nouvelles et réduire le déficit, nous engageons, en 2016, la deuxième tranche du plan d’économies de 50 milliards d’euros. Ce projet de loi de finances comporte ainsi de nouvelles économies.

S’agissant de l’État, les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs baisseront, en valeur – j’y insiste –, par rapport à 2015, d’un milliard d’euros à périmètre constant. Il s’agit d’un effort considérable – je le souligne, car la répartition de l’effort est à juste titre un sujet de débat –, plus marqué que celui des autres collectivités publiques. Ainsi, les dépenses de personnel de l’État resteront maîtrisées, même si notre effort en matière de sécurité nous conduit à revoir à la hausse la trajectoire des effectifs de la défense et du ministère de l’intérieur. La révision de la loi de programmation militaire (LPM), en particulier, entraîne une augmentation nette des effectifs de l’État en 2016. Toutefois, hors révision de la LPM, l’effort est réel, avec une baisse de 1 495 équivalents temps plein.

Par ailleurs, nous poursuivrons l’effort de réduction des dépenses de fonctionnement des ministères et des opérateurs, grâce à une nouvelle baisse des ressources affectées et à une extension de plus de 50 % du champ de leur plafonnement, ce qui correspond à une quasi-généralisation de cet excellent principe de gouvernance.

Le projet de loi de finances comporte aussi des réformes structurelles qui, soit permettent des économies directes, soit assurent la soutenabilité de l’intervention publique. J’en citerai quelques exemples.

En ce qui concerne la politique du logement, ces réformes consistent, d’une part, dans l’évolution des modalités d’attribution et de calcul des aides personnelles au logement (APL) – évolution qui est inspirée du rapport de votre collègue François Pupponi et qui favorisera une plus grande équité entre les bénéficiaires – et, d’autre part, dans une modification du financement des aides à la pierre, avec la création d’un fonds autonome dont la gouvernance et le financement seront partagés entre l’État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.

En outre, la réforme des modalités d’indexation des prestations sociales fait l’objet de deux dispositions, l’une dans le projet de loi de finances, l’autre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit d’harmoniser les dates de revalorisation des allocations. À l’exception de celle des pensions de retraite, cette revalorisation interviendra désormais le 1er avril, sur la base de l’inflation des douze derniers mois constatée. Il convient de citer également la réforme du financement de l’aide juridictionnelle et l’affectation d’une nouvelle ressource fiscale destinée à garantir le financement de l’audiovisuel public et son indépendance.

S’agissant des collectivités territoriales, la baisse des dotations sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s’y est engagé, par la création d’un fonds d’aide à l’investissement local doté d’une capacité d’engagement d’un milliard d’euros. Le Gouvernement souhaite ainsi faire en sorte que les économies réalisées par les collectivités locales, indispensables dans le cadre de l’effort de l’ensemble des administrations publiques, ne remettent pas en cause l’investissement local.

Ces évolutions seront accompagnées d’une profonde réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal. Cette réforme, inspirée par le rapport de votre collègue Christine Pires Beaune – un temps accompagnée par feu Jean Germain – sera un moment important du débat parlementaire. Il s’agit de rendre la DGF plus juste et plus transparente, et de résorber progressivement les écarts excessifs et souvent injustifiés entre collectivités, tout en développant la péréquation. La réforme, présentée hier au Comité des finances locales, a fait l’objet de commentaires et de suggestions portant sur l’adéquation ou l’inadéquation d’un certain nombre de critères, tels que la densité de population ou un nouveau mode de calcul de l’effort fiscal. Nous mettrons à profit les semaines qui nous séparent de l’examen de cet article en séance publique pour travailler avec tous ceux qui le souhaitent.

Compte tenu de la baisse des dotations de l’État, l’objectif d’évolution de la dépense publique locale (ODEDEL) est fixé à 1,2 % en 2016 et à 1,6 % pour les dépenses de fonctionnement. Nous anticipons donc un ralentissement de la dépense de fonctionnement, en lien avec l’adaptation progressive des collectivités à l’évolution de leurs dotations.

Au total, l’ensemble des économies proposées permettent non seulement de financer les dépenses nouvelles mais aussi de réaliser un effort complémentaire de 1,3 milliard d’euros par rapport à la loi de programmation de décembre 2014, qui constitue notre référence. Ce budget traduit donc le cadrage présenté lors du débat d’orientation des finances publiques en juillet dernier.

Il comporte également de nouvelles baisses d’impôts en faveur des ménages.

L’impôt sur le revenu baissera ainsi de 2 milliards d’euros supplémentaires, pour atteindre la diminution totale de 5 milliards d’euros annoncée lors de la présentation du pacte de responsabilité et de solidarité, en avril 2014. 8 millions de ménages seront concernés par cette mesure. 5 millions d’entre eux bénéficient déjà cette année d’un allégement de leur impôt, grâce à la suppression de la première tranche du barème ; quant aux 3 millions de foyers qui ne sont pas concernés par cet allégement, ils bénéficieront de la baisse qui sera mise en œuvre l’an prochain.

Pour cela, nous réformons la décote à l’impôt sur le revenu et nous en majorons le montant. Cela permet non seulement de lisser l’entrée dans l’impôt – un euro supplémentaire de revenu se traduira demain par un impôt moins important qu’aujourd’hui – mais aussi d’offrir un gain – compris entre 200 et 300 euros pour un célibataire, entre 300 et 500 euros pour un couple – à un nombre important de contribuables.

Cette réduction de l’impôt sur le revenu ne sera pas la seule baisse d’impôts en 2016. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte la deuxième étape du volet « entreprises » du pacte de responsabilité et de solidarité ; le projet de loi de finances met en œuvre les mesures du plan de soutien à l’emploi pour les TPE et les PME ; enfin, la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés disparaît.

Au total, en prenant en compte la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les baisses d’impôts s’élèvent à 11 milliards d’euros, entièrement financés sur le budget de l’État. J’y insiste car, en 2016 comme en 2015, celui-ci prendra en charge la totalité du coût du pacte de responsabilité et de solidarité et compensera donc entièrement le manque à gagner qui en résulte pour la sécurité sociale, soit plus de 5 milliards d’euros. Je précise, du reste, que cette compensation explique une partie significative de la hausse du budget de l’État. Ceux qui jugent modeste la réduction de son déficit – qui diminuerait tout de même d’un milliard en 2016, pour atteindre 72 milliards d’euros, soit son niveau le plus bas depuis 2008 – ne doivent pas oublier cet élément essentiel dans l’appréciation qu’ils portent sur le projet de loi de finances pour 2016. En tout état de cause, les économies réalisées permettent non seulement de financer les baisses d’impôts mais aussi de réduire le déficit.

Avant de conclure, je voudrais détailler la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Cette réforme, qui sera la plus importante modernisation de cet impôt depuis des décennies, représentera un vrai gain pour les contribuables, en particulier ceux qui traversent des épisodes difficiles et qui voient leur revenu baisser. Elle ne remettra en cause ni la progressivité ni la conjugalisation ni la familialisation de l’impôt.

Comme nous l’avons annoncé, elle sera effective au 1er janvier 2018. Cela peut paraître loin mais, compte tenu de l’ampleur du chantier, le calendrier est très serré. Nous nous engageons à donner un an à l’ensemble des acteurs pour s’adapter aux nouvelles démarches et obligations, qui doivent encore être précisées, car il ne faut prendre personne par surprise. C’est pourquoi nous présenterons au Parlement avant le 1er octobre 2016 les modalités de mise en œuvre de la réforme. Ainsi un large débat public pourra avoir lieu, tout au long de l’année 2016, sur la base des travaux techniques qui ont déjà commencé dans notre administration. Une discussion sera également organisée au Parlement, avant la fin de cette année.

Une première étape est amorcée dès aujourd’hui dans ce projet de loi de finances, avec la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement. Elle se fera dans le respect des contraintes de chacun, en particulier de ceux qui n’ont pas internet à leur domicile ou qui ne peuvent pas ou ne savent pas s’en servir, quelle qu’en soit la raison – j’insiste sur ce point.

Notre politique budgétaire est à la fois stable et réactive. Elle est stable parce que les engagements sont tenus en ce qui concerne la baisse du déficit et des impôts ; elle est réactive parce nous pouvons mobiliser rapidement nos ressources pour faire face à l’urgence. Pour qu’elle conserve ces deux qualités, nous devons réaliser les économies que nous vous proposons dans ce budget.

M. le président Gilles Carrez. Merci pour cette présentation qui a l’avantage d’être claire et concise.

Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que je n’ai aujourd’hui aucun doute sur le fait qu’en 2015, le déficit s’établira à 3,8 points de PIB et que l’objectif sera ainsi atteint. Une diminution de 0,1 point par rapport à l’année précédente n’a en effet rien d’une performance extraordinaire. Ce serait du reste la plus faible de la zone euro ! À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

M. le secrétaire d’État. Je vous suggère, monsieur le président, d’attendre le résultat définitif de 2015 !

M. le président Gilles Carrez. Plus sérieusement, les prévisions pour 2016 sont beaucoup plus aléatoires. Je ne mets pas en doute l’hypothèse de croissance, que l’on peut qualifier, à l’instar du Haut Conseil des finances publiques, d’« atteignable ». En revanche, je m’interroge sur le niveau du déficit public, dont vous prévoyez qu’il s’établira à 3,3 % en 2016, ce qui suppose une diminution de 0,5 point de PIB. Mes questions portent donc et sur les recettes et sur les dépenses.

S’agissant des recettes, le montant des baisses de prélèvements qui vont affecter le budget de l’État et celui de la sécurité sociale – 11 milliards d’euros en 2016 – est peut-être considérable sur une année, mais c’est peu au regard de l’augmentation des prélèvements de 50 milliards d’euros intervenue depuis 2012. Cette baisse des prélèvements bénéficie aux ménages à hauteur de 2 milliards et aux entreprises à hauteur de 9 milliards. Mais l’on s’aperçoit que les ménages qui ont supporté l’essentiel des 12 milliards d’euros d’augmentation de l’impôt sur le revenu décidées depuis 2012 – c’est-à-dire les 20 % de ménages qui perçoivent les revenus les plus importants – n’auront droit à aucun allégement. L’impôt sur le revenu devient ainsi extrêmement concentré, puisqu’un millième des ménages – 37 000 sur 37 millions – paie plus de 10 % de l’impôt sur le revenu. Il est donc important que nous disposions d’informations précises sur les risques de délocalisation. C’est pourquoi je réitère mon souhait que nous soit rapidement communiqué le rapport que le Gouvernement devait nous remettre avant la fin septembre sur les départs à l’étranger de résidents fiscaux en 2013.

M. Alain Fauré. N’oubliez pas les retours : 2,6 milliards d’euros !

M. le président Gilles Carrez. Quant aux entreprises, il est vrai qu’elles vont bénéficier d’une baisse de prélèvements de 9 milliards, mais j’appelle votre attention, messieurs les ministres, sur le fait que l’application de la principale mesure du pacte de responsabilité, c’est-à-dire la baisse des cotisations sociales patronales, a été reportée du 1er janvier au 1er avril 2016 parce que vous vous êtes aperçus que, financièrement, cela ne passait pas.

L’essentiel des interrogations concerne cependant les dépenses : serons-nous capables de maîtriser la dépense publique comme vous le proposez ? Face aux baisses de prélèvement, on ne trouve en effet aucune économie identifiée. En outre, beaucoup des dépenses annoncées depuis le début de l’année, notamment dans le domaine de la sécurité ou des effectifs, auront un impact beaucoup plus important en 2016 qu’en 2015. Ainsi, selon le Haut Conseil des finances publiques, « beaucoup de nouvelles dépenses ont été annoncées pour le budget de l’État sans que les économies pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Haut Conseil ni dûment documentées. »

Par ailleurs, vous avez retenu un taux d’inflation de 1 %. Or, chacun sait que les économies sont calculées par rapport à une tendance, et M. Didier Migaud, président du Haut Conseil, nous a indiqué ce matin qu’un tel taux paraissait élevé. Je ne voudrais pas, messieurs les ministres, que vous soyez contraints, dans quelques mois, de réaliser, comme vous avez dû le faire en 2015, des économies supplémentaires parce que l’inflation aura été moins élevée que prévu.

Surtout, lorsqu’on y regarde de près, on s’aperçoit que les économies, ce sont les autres qui les font : collectivités territoriales, prélèvement en faveur de l’Union européenne, qui baisse de plus d’un milliard, et diminution des taux d’intérêt.

M. le secrétaire d’État. C’est scandaleux !

M. Henri Emmanuelli. Vous passez les bornes !

M. le président Gilles Carrez. Écoutez, monsieur Emmanuelli, nous avons laissé les ministres présenter avec fierté leur budget. Je sais que vous n’aimez ni le débat ni la contradiction, mais souffrez que je m’exprime.

Je poursuis. Il n’existe pas de réformes structurelles identifiées, comme on le voit à propos des allocations logement ou des niches sociales. Si je reconnais que, depuis deux ans, le rythme de l’augmentation de la dépense publique a été réduit, l’objectif de 1,3 % – 1 % en prix et 0,3 % en volume – me paraît très difficile à atteindre.

J’en viens à mes questions. Premièrement, compte tenu des incertitudes objectives qui pèsent sur l’exécution 2016 et du caractère un peu particulier de cette année, je souhaiterais interroger le Gouvernement sur les engagements qu’il pourra prendre vis-à-vis du Parlement, en particulier de notre commission, pour que nous puissions suivre de manière rigoureuse cette exécution, avec l’appui de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques.

Ma seconde question porte sur un point qui n’a pas été évoqué. En 2016, le besoin de financement de l’État sera – et c’est un record – de 200 milliards d’euros ; il va donc falloir trouver 200 milliards d’emprunts nouveaux.

M. le secrétaire d’État. C’est faux. Une dépêche de l’Agence France Trésor fait état de 187 milliards !

M. le président Gilles Carrez. Voyez le tableau qui figure à la page 90 du projet de loi de finances : le besoin de financement est bien de 200 milliards d’euros.

M. le secrétaire d’État. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais il est bien indiqué, dans ce tableau, que l’émission de dette s’élève à 187 milliards d’euros ; le reste correspond à des variations de trésorerie.

M. le président Gilles Carrez. Le besoin de financement est bien de 200 milliards, dont 187 milliards en émission de dette à moyen et long termes et 13 milliards sur les fonds de roulement et la trésorerie. Quoi qu’il en soit, je souhaiterais que vous nous indiquiez la manière dont vous envisagez l’évolution des taux d’intérêt, car le besoin de financement, le plus important de la zone euro, est tel que l’on peut s’inquiéter de la vulnérabilité de notre pays.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je tiens à remercier à mon tour MM. Sapin et Eckert pour leur présentation. Je rappelle, monsieur le président, que, dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques apporte deux précisions : premièrement, pour 2015, les recettes devraient correspondre à celles qui ont été inscrites en loi de finances initiale – ce qui devrait vous rassurer ; deuxièmement, la hausse effrénée des dépenses publiques a subi un arrêt.

M. le président Gilles Carrez. Disons un ralentissement…

Mme la rapporteure générale. Un sacré ralentissement alors, car elle a été divisée par trois ! Je regrette que vous n’ayez pas mentionné cet élément, qui reflète les efforts qui ont été réalisés depuis trois ans.

Messieurs les ministres, on pourrait avoir, à la lecture du tableau qui figure à la page 7 du livret intitulé Chiffres clés du PLF 2016, l’impression fausse que les dépenses du budget de l’État augmentent de 8 milliards d’euros. Je souhaiterais donc que vous précisiez à nouveau les changements de périmètre qui sont intervenus, notamment les liens avec les administrations de sécurité sociale, puisqu’un certain nombre de mesures du pacte de responsabilité se retrouvent de fait dans le budget de l’État. À ce propos, il me semble – et c’est également une demande du président de notre commission – que nous devrions traiter de manière plus rapprochée projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale. En tout cas, je m’attacherai à présenter, dans mon rapport, une vision globale des choses afin que l’on puisse apprécier l’évolution des dépenses publiques dans leur ensemble.

Enfin, permettez-moi de vous remettre en main propre le tableau de suivi des questions que je vous adresse en vue de la préparation du débat budgétaire. Ainsi, je suis certaine qu’il vous est bien parvenu.

M. Dominique Lefebvre. Un projet de loi de finances se juge à la crédibilité et à la sincérité de son contenu, à ses priorités politiques, ainsi qu’à la trajectoire dans laquelle il s’inscrit. Pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, ce projet de budget est crédible et sincère. À ce propos, j’invite le président de notre commission et nos collègues de l’opposition à avoir une lecture équilibrée de l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci dément en effet leurs affirmations, en indiquant que l’exécution 2015 sera conforme aux engagements et que, sous réserve des dispositions qui doivent être prises pour financer les mesures nouvelles qui ne figurent pas toutes dans ce document, la trajectoire est crédible.

Les priorités politiques sont au nombre de trois : effort en faveur de la sécurité, de la justice, de l’éducation, du travail et de la culture ; respect des engagements pris dans le cadre du pacte de responsabilité afin de favoriser la compétitivité de notre économie ; enfin, restitution aux Français d’une partie du fruit de leurs efforts par des mesures fiscales.

En ce qui concerne la trajectoire, il est vrai, madame la rapporteure générale, que, si l’on s’en tenait à la réduction d’un milliard d’euros de son déficit prévisionnel, on pourrait avoir une vision déformée de l’effort consenti par l’État et ses opérateurs. Il convient de prendre en compte, pour ce qui est des dépenses, les changements de périmètre et, pour ce qui est du solde budgétaire, le fait que l’État assume seul le poids de l’ensemble des allégements sociaux et fiscaux. Au demeurant, le Haut Conseil des finances publiques indique que cette trajectoire était inscrite dans la loi de programmation et que le solde structurel est très en deçà de ce que nous avions programmé. L’effort a donc été plus important que prévu et nous ne « surfons » pas sur la conjoncture. Nous pourrions peut-être aller plus vite, chers collègues de l’opposition, mais nous faisons déjà plus que les gouvernements précédents. À ce propos, pouvez-vous nous indiquer la manière dont vous réaliseriez, comme vous l’annoncez, 100 milliards d’euros d’économies tout en prenant des mesures fiscales telles que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui aggraveront les inégalités et diminueront les ressources ?

M. Hervé Mariton. Le groupe Les Républicains est à votre disposition, monsieur Lefebvre, pour vous apporter des éléments de réponse. Je vous invite à lire les analyses dans lesquelles je montre qu’il est possible d’appliquer, au cours d’une législature, un programme courageux d’économies.

Je remercie MM. Sapin et Eckert d’avoir été plus ponctuels que les années précédentes. C’est un point positif de la présentation du projet de loi de finances ; je crains que ce ne soit le seul. Il est du reste intéressant de constater que la rapporteure générale et Dominique Lefebvre assument eux-mêmes un certain nombre de critiques pour éviter qu’elles ne prennent trop d’importance.

Entre 2014 et 2015, le solde s’est amélioré de 12,6 milliards d’euros ; entre 2015 et 2016, il devrait s’améliorer d’un milliard – sans doute est-ce ce que l’on appelle une trajectoire… La dette continue de s’aggraver, passant de 96,3 % du PIB en 2015 à 96,5 % du PIB en 2016. Quant aux dépenses des ministères, elles progressent de 12 milliards. Le Gouvernement assume l’augmentation de 8 304 emplois publics sur le budget général. Certes, cette augmentation s’inscrit en partie dans le cadre de l’évolution de la loi de programmation militaire, et notre groupe soutient cet effort. Mais la cohérence budgétaire eût commandé de faire davantage d’efforts sur les autres ministères. Comme vous êtes incapables de respecter ce principe, il suffit que la situation du pays exige un effort dans un domaine particulier pour que l’on assiste à un dérapage complet des effectifs de l’État.

Par ailleurs, il conviendrait que le Gouvernement réponde aux questions que soulève l’avis du Haut Conseil des finances publiques, lequel comporte quelques appréciations sévères.

Mme la rapporteure générale. Il y en a peu !

M. Hervé Mariton. Ainsi, il estime que « beaucoup de nouvelles dépenses ont été annoncées pour le budget de l’État sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Haut Conseil, ni dûment documentées. » Le Gouvernement considère-t-il qu’il a porté ces éléments à la connaissance de la commission des finances ? Le Haut Conseil indique, par ailleurs, à propos des dépenses sociales, que « le respect du taux de croissance de l’ONDAM paraît incertain ». En outre, vous connaissez sa perplexité – c’est le moins que l’on puisse dire – face à la majoration de la croissance potentielle que vous avez décidée dans le cadre du programme de stabilité et qui facilite aujourd’hui votre exercice budgétaire. Le ministre des finances a eu l’honnêteté de reconnaître que les prévisions de croissance avaient évolué, et qu’elles étaient plus favorables il y a quelques mois qu’elles ne le sont actuellement. Quels sont les éléments qui justifient, aujourd’hui, une telle évaluation de la croissance potentielle ?

Monsieur le ministre des finances, vous vous êtes plu à souligner le respect des engagements pris. Or, le président de la commission a rappelé que le Gouvernement avait décidé de reporter de trois mois la baisse des cotisations sociales patronales, de sorte que, contrairement à ce qui avait été annoncé, celle-ci n’interviendra pas au cours de l’exercice 2016. Ensuite, les foyers qui ont supporté l’essentiel des augmentations d’impôts intervenues au début de la législature ne bénéficieront d’aucun allégement dans le cadre du budget 2016. Par ailleurs, contrairement à ce que vous prétendez, la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu n’est aucunement irréversible, ce dont nous nous réjouissons : il n’y a rien sur le sujet dans le projet de loi de finances.

J’en viens maintenant aux dépenses. En ce qui concerne le financement de la transition énergétique, le texte ne comporte aucune mesure ayant trait à la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Pourtant, si les engagements pris par le Gouvernement, en matière d’énergie éolienne par exemple, devaient être tenus, une augmentation de plusieurs milliards de cette contribution serait dans les tuyaux. Comment conciliez-vous les engagements pris dans le cadre de la loi de transition énergétique et les modalités de leur financement ? Et quel serait le coût de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim ? Enfin, le Gouvernement s’engage-t-il à fournir à notre commission, avant le vote de l’Assemblée, des simulations précises de la réforme de la DGF ?

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la première série de questions du groupe Union des démocrates et indépendants porte sur vos hypothèses macroéconomiques. Tout d’abord, quels sont les éléments qui vous ont incités à relever, pour 2016, la croissance du PIB en volume de 1,3 % à 1,5 % alors que la situation économique internationale se dégradait ? Ensuite, pourquoi avoir retenu une inflation de 1 %, alors qu’elle est actuellement de 0,1 % et que l’inflation sous-jacente demeure extrêmement faible ? Enfin, comment expliquez-vous que l’écart entre le déficit effectif et le déficit structurel, qui ne cesse de se creuser depuis 2011, continue de s’aggraver, puisqu’il serait, selon vos propres prévisions pour 2016, de 2,1 ou 2,2 points ?

Par ailleurs, où sont les 16 milliards d’économies ? De fait, la baisse de 3,5 milliards des dotations aux collectivités territoriales n’est pas une économie au niveau de la dépense publique consolidée. La véritable question est en effet celle de savoir comment ces collectivités vont réagir à une nouvelle diminution de leurs dotations. Or, vous estimez que la croissance des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités territoriales sera limitée à 1,6 %. Qu’est-ce qui vous fait croire qu’une partie de la baisse des dotations se traduira par des économies ? En réalité, celles-ci s’élèveront à 1,5 milliard, voire 2 milliards au maximum, et non pas à 3,5 milliards.

Vous prétendez également réaliser 3,4 milliards d’économies sur l’assurance maladie en fixant l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 1,75 %. Mais vous retenez comme base de calcul un ONDAM moyen de 3,8 %, alors que son taux n’est plus fixé à ce niveau depuis des années ! Les économies sur l’assurance maladie se chiffreront sans doute plutôt à un milliard, et encore…

Qu’en est-il maintenant des 5,1 milliards d’économies supportées par l’État ? Vous dites effectuer 800 millions d’économies sur la masse salariale alors que, pour la première fois depuis trois ans, vous augmentez les effectifs. Ensuite, vous estimez que le blocage du point d’indice représentera 600 millions d’économies, alors que le gel du point est devenu la norme, puisque vous avez poursuivi la politique du précédent gouvernement, ce dont je vous félicite. Quant aux dépenses catégorielles, elles sont certes moins élevées que dans le passé, mais elles se poursuivent. Or, dans ce domaine, la véritable économie consisterait à les supprimer. Enfin, la hausse de la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) destinée à financer une partie du logement social est une économie pour le budget de l’État, mais ce n’est pas une économie sur la dépense publique consolidée.

J’en viens maintenant aux recettes. La principale mesure, en la matière, consiste à baisser de 2 milliards d’euros l’impôt sur le revenu. Or, en tenant compte de cette diminution, le produit de cet impôt passerait tout de même, selon vos prévisions, de 69,6 milliards à 72,3 milliards entre 2015 et 2016. Autrement dit, sans cette mesure, il augmenterait spontanément de 4,7 milliards. Parlons donc d’une légère réduction du rythme de son augmentation plutôt que d’une baisse ! Quant au taux de prélèvements obligatoires, il serait de 44,5 % en 2016 contre 44,6 % en 2015, avec une inflation de 1 %. Il n’y a donc aucune baisse des prélèvements obligatoires : il suffit que l’inflation soit de 0,2 % ou de 0,3 % et ils continueront d’augmenter ! Le Gouvernement ne baisse donc pas les impôts, contrairement à ce qu’il prétend.

Je ne vous reproche pas, comme certains de vos amis, de réaliser des économies ; j’estime simplement que vous n’en faites pas suffisamment pour parvenir à redresser les finances publiques.

Mme Eva Sas. Le groupe écologiste estime que le projet de loi de finances comporte plusieurs points positifs, qu’il s’agisse de la baisse de l’impôt sur le revenu, de la mise en œuvre de son prélèvement à la source ou de la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique.

J’ai cependant de nombreuses questions à vous poser, messieurs les ministres. Tout d’abord, je souhaiterais obtenir des précisions sur la nature exacte des économies – d’un montant de 185 millions en 2016 et de 274 millions en 2017 – que vous prévoyez de réaliser sur la politique du logement. Ensuite, pouvez-vous nous indiquer les secteurs qui seront affectés par la baisse de 100 millions d’euros du budget de l’écologie et la suppression de 671 emplois ?

Par ailleurs, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est maintenu à 1,9 milliard d’euros, mais tout le monde s’accorde à le juger insuffisant. Or, le projet de loi de finances prévoit une baisse de la fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l’AFITF. Pourquoi ne pas avoir choisi de l’augmenter, de manière à porter le budget de l’AFITF à 2,5 milliards d’euros, comme Jean-Marc Ayrault l’avait jugé nécessaire ? Il est également prévu, dans le cadre des mesures prises en faveur des TPE et PME, d’exonérer du versement transport les entreprises de neuf à onze salariés. Comment cette exonération sera-t-elle compensée pour les régions ou les intercommunalités qui bénéficient de ce versement ? Pourrions-nous avoir également des précisions sur le nouveau prélèvement, de 90 millions d’euros, sur le fonds de roulement de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ?

L’article 47 soulève aussi quelques questions, puisqu’il vise notamment à supprimer, d’une part, l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les terrains Natura 2000 et, d’autre part, l’exonération fiscale dont bénéficient les entreprises mettant à la disposition de leurs salariés une flotte de vélos. Ces deux mesures donnent le sentiment, peut-être à tort, que sont toujours visées les mesures favorables à l’écologie, ce qui est dommage. Je m’étonne également que le prolongement de la trajectoire de la contribution climat-énergie au-delà de 2016 ne figure pas dans le projet de loi de finances.

Enfin, vous annoncez une baisse de 3,7 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales, ainsi que la création d’un fonds d’un milliard en faveur de leurs investissements. Or, la baisse des dotations votée l’an dernier a déjà eu des conséquences très lourdes en 2015, notamment sur la vie associative. Je souhaiterais donc savoir où vous en êtes des discussions avec les collectivités, car il leur sera extrêmement difficile de consentir un nouvel effort en 2016.

M. Joël Giraud. Le projet de loi de finances pour 2016 confirme les priorités du Gouvernement en faveur de la jeunesse, de la sécurité, de l’emploi et du pouvoir d’achat des ménages grâce au relâchement de la pression fiscale sur les foyers à revenus moyens. Il soulève néanmoins plusieurs problèmes, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Tout d’abord, la rationalisation des dépenses des agences de l’État constitue un axe fort de votre programmation triennale, avec la baisse des subventions et la diminution du plafond des taxes affectées. Dans son excellent rapport, notre collègue Monique Rabin préconise de cesser les prélèvements sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie (CCI), qui ont défavorisé les plus petites d’entre elles l’an dernier. Aussi, je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas avoir renouvelé l’expérience dans ce projet de loi de finances. En revanche, je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’ayez pu nous accorder le rendez-vous que Jean-Pierre Vigier et moi-même vous avions demandé pour faire le point sur les quelques petites CCI qui sont actives en matière d’innovation et de formation et qui se retrouvent dans une situation de quasi-non-paiement. En outre, la nouvelle baisse de 150 millions du plafond de la taxe affectée aura des conséquences localement fortes, en particulier sur les chambres de commerce que je viens d’évoquer. Les avez-vous mesurées ?

En ce qui concerne la nouvelle baisse de 3,67 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales, quelles contreparties vous engagez-vous à offrir à ces dernières – je pense à un éventuel transfert des frais de gestion des impôts communaux ?

S’agissant du fonds de soutien à l’investissement du bloc communal, qui serait doté d’un milliard d’euros, réservés pour moitié aux zones rurales, je me félicite que sa création soit intégrée dans le projet de loi de finances pour 2016. Toutefois, la majoration de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) de 200 millions d’euros, annoncée dans le dossier de presse, constitue en réalité un maintien de son niveau de 2015, à 816 millions d’euros. De plus, vous n’annoncez que 150 millions d’euros de crédits de paiement pour l’année prochaine, sur la totalité du fonds d’un milliard. Ma question est simple : la DETR va-t-elle baisser en 2016 et, si oui, de quel montant et selon quels critères ?

En ce qui concerne la biodiversité, vous avez annoncé, comme l’a indiqué Eva Sas, la fin de l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti des terrains situés en zones Natura 2000. Le Gouvernement devrait tout de même faire preuve de cohérence. Je rappelle en effet que la France organise, dans deux mois, la COP21, dont le coût sera exorbitant pour les finances publiques, puisque l’effort réalisé par les entreprises partenaires leur sera redistribué en majorité dans le cadre de leur impôt sur les sociétés. Nous avons passé de nombreux mois à examiner un projet de loi de transition énergétique, nous travaillons depuis près de deux ans sur un projet de loi consacré à la biodiversité, et nous apprenons qu’une exonération efficace et indispensable à la préservation de la biodiversité, dont je rappelle qu’elle pèse à 80 % sur des communes de montagne, est supprimée pour des rentrées fiscales insignifiantes. J’aimerais donc avoir des explications sur ce point.

Je conclus en évoquant le rendement de nos petites taxes sur le système bancaire. Vous avez annoncé, fin février, le relèvement du taux de la taxe sur le risque systémique suite à l’envolée du franc suisse, afin de compenser le manque à gagner pour les collectivités locales et les hôpitaux publics qui ont contracté des emprunts toxiques. Ce relèvement figure bien dans le projet de loi de finances, et c’est heureux. Nous verrons s’il suffit ou s’il faut encore augmenter le taux afin d’éviter d’alourdir les efforts consentis par les collectivités locales et la sécurité sociale. Dans le second cas, nous déposerions des amendements.

Quant au report à janvier 2017 de la mise en place de la taxe européenne sur les transactions financières dans le cadre de la procédure de coopération renforcée, il nous incitera à proposer une hausse modique, pour l’année 2016, du taux de notre petite taxe Tobin nationale, sur le modèle de la stamp duty britannique à assiette restreinte. Je précise d’ailleurs que, malgré cette hausse, son taux demeurerait inférieur à celui qui est pratiqué outre-Manche.

M. Gaby Charroux. On peut se féliciter des résultats de la lutte contre les évadés fiscaux. Mais, alors qu’un nouveau dispositif de contrôle des demandeurs d’emploi est mis en place, accompagné d’une forte exposition médiatique, curieuse, voire indécente, la fraude et l’optimisation fiscales, contre lesquelles le combat serait très rémunérateur pour le budget de l’État, sont passées sous silence. À quand une grande réforme fiscale guidée par le souci d’une plus grande justice qui s’attaquerait à la fraude fiscale massive, celle des grands groupes internationaux ou la fraude à la TVA ?

La baisse des moyens des collectivités territoriales – je ne parle pas seulement des dotations car nous connaissons tous les conséquences de la suppression il y a cinq ans de la taxe professionnelle – occasionne le plus souvent un rééquilibrage du budget de ces collectivités. Les budgets de fonctionnement diminuent afin de dégager de l’autofinancement dans l’espoir de maintenir un investissement minimum. Les conséquences de la baisse des moyens sont évidentes : moins de dépenses d’investissement, moins d’emploi local dans les PME-PMI, en particulier dans le BTP. Comment peut-on espérer retrouver ces emplois, peut-être dans ces entreprises qui bénéficient du CICE sans apporter aucune contrepartie en termes d’embauche ?

M. le ministre. Plusieurs questions ont porté sur les fondements de la construction de ce projet de budget, à savoir la croissance, l’inflation ou les taux d’intérêt.

Monsieur de Courson, je ne comprends pas votre affirmation selon laquelle l’hypothèse de croissance en volume serait passée de 1,3 à 1,5 %. Vous avez voté l’an dernier dans le cadre de la programmation pluriannuelle une hypothèse de 1 % pour 2015 et de 1,5 % pour 2016. Cette hypothèse a été maintenue tout au long de l’année en dépit de nombreux avis convergents anticipant un taux plus élevé. Nous n’avons jamais souhaité réviser à la hausse notre prévision car nous considérons que le meilleur moyen de travailler en sécurité est de s’appuyer sur une hypothèse de croissance dans le bas de la fourchette. Avec 1,5 %, compte tenu de la révision à la baisse de toutes les hypothèses de croissance, nous nous situons désormais dans le milieu de la fourchette et nous sommes conformes au consensus des économistes. Nous attendons les prévisions de la Commission européenne mais je serais étonné qu’elles soient inférieures à 1,5 %.

J’aimerais que nous parvenions à clore ce débat sur la croissance. Quand j’étais dans l’opposition, il m’arrivait de critiquer l’insincérité du budget qui se vérifiait lors de son exécution. Cette fois-ci, nous travaillons sur des hypothèses de croissance que certains qualifient de peu volontaristes. Mais le volontarisme consiste précisément à faire mieux que les hypothèses du projet de budget. Je suis persuadé que nous ferons plus que 1 % cette année et je pense que nous avons les moyens de faire plus l’année prochaine, en dépit d’un contexte international très mouvant. Les inquiétudes, qui se portaient sur la Grèce et auxquelles nous avons apporté de bonnes réponses, se sont orientées vers la Chine. De retour d’un déplacement en Chine, je n’ai pas le sentiment que les entreprises françaises qui y sont implantées s’inquiètent ; la progression du PIB reste considérable ; un pays ne peut pas continuer avec une croissance à deux chiffres. La réorientation de la Chine vers son marché intérieur me semble être plutôt une bonne nouvelle pour l’équilibre économique mondial.

Notre hypothèse de croissance est solide et sereine. Nous pourrons en reparler avec la même sérénité dans quelques mois.

La question de l’inflation, qui préoccupe également le Haut Conseil des finances publiques, nous a déjà obligés à proposer des mesures d’économies supplémentaires pour compenser les conséquences de la faible inflation sur les économies prévues.

J’ajoute que si l’inflation est plus faible que prévu, le pouvoir d’achat des ministères augmente, ce qui nous donne des arguments pour trouver les économies nécessaires pour atteindre nos objectifs.

La BCE mène une politique – je ne suis pas sûr que nombreux soient ceux ici qui la contestent – dont le but est de parvenir à un taux d’inflation avoisinant 2 %. Elle se fixe l’objectif d’un taux de 1 % pour l’année prochaine. Je ne vais pas vous dire que je désapprouve la volonté exprimée par la BCE. Le taux de 1 % qu’affiche le PLF est donc cohérent avec la politique menée par la banque centrale. Sans l’intervention de la banque centrale à mi-année, je ne sais pas où nous serions aujourd’hui. Si la valeur dépréciée de l’euro par rapport au dollar profite à l’économie européenne, si les taux d’intérêt sont aussi faibles, c’est grâce à l’action de la BCE pour atteindre ces objectifs, parmi lesquels une remontée légère de l’inflation.

S’agissant des taux d’intérêt, préoccupation légitime, on nous avait assuré que toutes nos hypothèses étaient caduques puisque les taux étaient en train de remonter. Hier soir, les taux s’établissaient à 0,91 %. Nous sommes en ligne avec notre hypothèse, que nous avions révisée à la baisse, de 1,4 % pour 2015. Je pense que nous serons un peu en dessous et que nous engrangerons donc quelques économies. Pour l’année prochaine, notre prévision est fixée à 2,4 %, soit un point de plus, ce qui me paraît très prudent. Nous n’avons pas cherché à afficher par ce biais-là des économies qui seraient factices.

L’Agence France Trésor vient d’indiquer aux marchés – c’est une bonne manière de procéder – son programme d’emprunt pour l’année prochaine qui s’élève à 187 milliards d’euros. Sur ce montant, 127 milliards correspondent au refinancement de la dette passée, dette contractée il y a sept ans alors que les taux d’intérêt étaient largement supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui. Nous en tirons une économie réelle et durable – le taux est fixé pour une durée de six à huit ans –, une économie structurelle, pour reprendre le qualificatif cher à certains.

Les hypothèses de taux d’intérêt sont extrêmement sages. J’espère qu’elles nous permettront de constater l’année prochaine des économies réelles sur ce chapitre.

Au sujet des impôts, faites attention à ne pas vous abreuver à une seule source, celle d’un ancien Président de la République dans Les Échos ce matin.

Je vous fais part de quelques chiffres. Entre 2011 et 2013, le montant des charges supplémentaires pour les entreprises s’est élevé à 34 milliards d’euros – 16 milliards entre 2011 et 2012 ; 18 milliards entre 2012 et 2013. Grâce au CICE et au pacte de responsabilité, les entreprises bénéficient, par rapport à 2013, de 24 milliards de baisse cumulée en 2015 et de 33 milliards en 2016. Avec cette baisse de 33 milliards en trois ans, nous aurons en quelque sorte effacé les charges nouvelles que vous et nous avons créées. Il était certainement légitime de mettre en œuvre ces mesures afin de lutter contre le déficit. Mais que les choses soient claires : aujourd’hui, nous sommes ceux qui redonnent aux entreprises les marges que nous et vous leur avions ôtées. Je conteste les simplifications qui me paraissent contraires à la vérité.

M. Charles de Courson. Pourquoi le taux des prélèvements obligatoires ne baisse-t-il pas ?

M. le ministre. Le décalage de trois mois de l’application d’une mesure provoque des cris d’orfraie alors même que l’enveloppe est inchangée. Cette réaction semble confirmer la réalité de la baisse des charges dans les comptes des entreprises. Quant aux effets de la mesure, les marges se reconstituent, les investissements redémarrent, nous souhaitons tous désormais que l’emploi redémarre également afin de concrétiser la contribution de l’ensemble des Français au redressement des comptes des entreprises.

Quant aux ménages, je revendique, la majorité revendique, la justice fiscale. Certaines mesures adoptées au cours des dernières années répondent à cet objectif. La création d’une tranche supplémentaire de 45 % en est une illustration. Devrions-nous, parce qu’aujourd’hui nous rendons aux plus modestes des Français, permettre aux plus riches de diminuer leurs efforts ? La réponse est non. La justice consiste à maintenir l’effort pour ceux qui ont les moyens et à le diminuer, voire à l’annuler, pour les gens extrêmement modestes, dont certains sont rentrés dans l’impôt trois ans après les mesures que vous aviez votées.

En matière de dépenses, lorsque nous avons décidé d’engager un milliard d’euros de dépenses nouvelles dans le domaine de la sécurité, nous les avons compensées par des diminutions de crédits dans les autres ministères. Ces diminutions intervenues en 2015, vous les retrouvez nécessairement en 2016.

Quant aux mesures annoncées – l’accueil des réfugiés, 150 millions pour l’aide à la pierre dans le logement social, 100 millions pour les universités –, elles seront introduites dans le budget par amendement. Elles seront comme toujours compensées par des économies réalisées ailleurs. Il n’est pas question de dégrader le solde de la loi de finances en cours de discussion au Parlement – la Constitution ne le permet pas aux parlementaires, le Gouvernement ne se l’autorise pas non plus. C’est ainsi qu’on peut établir la confiance.

Êtes-vous capables de faire les économies que vous prévoyez ? Cette question peut légitimement être posée. Nous sommes bien placés pour savoir qu’il n’est pas simple de faire des économies, ni de les demander aux ministères et encore moins de solliciter de leur part des propositions en la matière. Mais nous avons la capacité de le faire. Nous l’avons démontré en 2014, avec le taux d’évolution des dépenses publiques le plus faible qu’on ait connu depuis des années. Nous le démontrons en 2015 : la dépense est tenue malgré les craintes qui se sont exprimées. Nous le démontrerons en 2016 comme nous avons réussi à le faire en 2014 et 2015.

Je comprends que vous doutiez. C’est souvent l’apanage de l’opposition. Dubito ergo sum, cela vous permet d’exister. Ce n’est pas le doute qui nous anime mais la détermination : nous réalisons les économies que nous avons décidées ; si une dépense supplémentaire doit être financée, elle l’est par des économies supplémentaires. Tel est notre état d’esprit, aussi bien dans les propositions que nous vous faisons que dans leur exécution ensuite.

M. le secrétaire d’État. Je commence par répondre à la question importante de Mme la rapporteure générale sur le périmètre.

Nous avons corrigé le périmètre pour trois grandes mesures : la rebudgétisation des allocations de logement pour 4,7 milliards d’euros, la suppression de la prime pour l’emploi pour 2,1 milliards et la budgétisation des crédits défense pour 1,6 milliard, parallèlement à la suppression du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État, ce qui représente au total 9,3 milliards d’euros de mesures de périmètre. Le détail figure page 36 du projet de loi de finances.

Les transferts nouveaux entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale s’élèvent à 5,3 milliards d’euros : 3,1 milliards pour les allégements de charges pour trois trimestres entre 1,6 et 3,5 SMIC, un milliard lié à la suppression de la C3S, un milliard de moindre rendement de la caisse des congés payés et 200 millions de mesures relatives aux attributions gratuites d’actions et aux stock-options.

S’agissant des craintes de M. Mariton sur la CSPE, nous devons nous mettre en conformité avec le droit européen car nous risquons d’être condamnés. La loi de finances rectificative comportera des dispositions sur la CSPE et peut-être sur d’autres éléments de la fiscalité environnementale mais nos travaux sur ce point ne sont pas achevés.

L’exonération pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés des flottes de vélos est remplacée par la mise en place de l’indemnité kilométrique fixée à 25 centimes du kilomètre. Cela vaut le coup de pédaler !

Le relèvement du seuil d’exonération du versement transport sera compensé à l’euro près, de manière pérenne. Les autorités organisatrices de transport peuvent être rassurées.

Pour les collectivités territoriales, le fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques – qui fait toujours débat – a été doublé suite au décrochage de l’euro par rapport au franc suisse le 15 janvier. Le fonds sera donc doté de 3 milliards d’euros. 700 dossiers nous ont été transmis à ce jour. Les premières propositions sont en train d’être soumises aux collectivités. Je mets un bémol en signalant que nous ne pourrons certainement pas envoyer toutes les notifications en même temps au risque de déstabiliser le marché de niche sur lequel intervient simultanément SFIL. Les opérations seront donc étalées sur quelques mois.

Plus globalement, je souhaite relativiser le débat sur les collectivités territoriales. La DGF représente 17,3 % des recettes des collectivités, contre 61,6 % en moyenne pour les recettes fiscales. Certes, nous diminuons de façon significative les dotations qui représentent un peu moins d’un quart de leurs ressources. Mais qu’en est-il des autres ressources ?

Les ressources fiscales des collectivités ont augmenté de 2,5 % en 2012, de 2,1 % en 2013 et de 2,6 % en 2014. Il s’agit d’un constat, non d’un reproche. Vous savez, peut-être mieux que moi, que cette augmentation est liée à plusieurs facteurs : la réévaluation des bases d’imposition, l’évolution physique de celles-ci, l’évolution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour d’autres collectivités, cette dernière n’étant pas imputable à ce gouvernement.

Les recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,9 % en 2013 alors que les dotations étaient gelées et de 1,4 % en 2014 alors que les dotations étaient en baisse de 1,4 %. Pour 2015, nous ne connaissons évidemment pas les chiffres définitifs mais tout semble indiquer que cette tendance est confirmée.

M. Hervé Mariton. Que cherchez-vous à démontrer ?

M. le secrétaire d’État. La baisse des dotations est une réalité mais l’augmentation des recettes fiscales spontanée – je ne parle pas là d’augmentation de taux de fiscalité – est supérieure en volume à la baisse des dotations.

Les recettes globales des collectivités sont encore en progression, à tout le moins stables. Ce sera probablement encore le cas en 2015, selon des chiffres de juin. Nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat qui s’annonce nourri.

La DETR avait été augmentée l’année dernière à titre exceptionnel de 200 millions d’euros au bénéfice de l’investissement local. Nous reconduisons cette mesure qui n’avait pas vocation à l’être. Il n’y aura donc aucune baisse de la DETR entre 2015 et 2016.

Quant aux 150 millions d’euros inscrits en crédits de paiement sur le milliard annoncé pour le soutien à l’investissement des collectivités locales, nous nous sommes inspirés du modèle de gestion qui prévaut pour la DETR : environ 15 % des crédits inscrits en autorisations d’engagement sont effectivement décaissés. Nous avons repris ce modèle, ni plus, ni moins.

Le projet de loi de finances comporte plusieurs mesures pour lutter contre la fraude et l’optimisation : un article porte sur l’utilisation de logiciels ou de systèmes de caisse frauduleux, un autre sur les obligations déclaratives en matière de prix de transfert. Michel Sapin et moi-même aurons l’occasion demain d’approfondir ce sujet et d’évoquer l’action de la France auprès du G20 et de l’OCDE.

Mme Sas, la réponse à votre préoccupation constante en matière d’écologie a été préparée. Je rappelle qu’un fonds de financement de la transition énergétique doté de 1,5 milliard d’euros a été mis en place. Les crédits d’impôt sont nombreux – il serait peut-être bon d’étudier les crédits d’impôt et les dépenses fiscales que nous décidons, je m’attendais à une interpellation de M. de Courson qui est un spécialiste du sujet. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) aura coûté au budget de l’État 900 millions d’euros en 2015 alors que l’étude d’impact prévoyait 800 millions d’euros tout en espérant que ce montant ne serait pas atteint. Pour 2016, nous estimons le coût du CITE à 1,4 milliard.

En outre, la CSPE, qui finance principalement les tarifs de rachat pour les énergies renouvelables, passe de 4,1 milliards d’euros en 2015 à 4,8 milliards en 2016.

J’admets une petite baisse des crédits budgétaires liés à l’environnement mais elle doit être mise en regard des autres efforts financiers en faveur de la transition énergétique, dont attestent les chiffres que je viens de citer.

Vous avez fait part de votre inquiétude sur la baisse de la fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques affectée à l’AFITF. Je rappelle qu’en 2015, au travers du budget de l’AFITF, nous avons dû éponger l’affaire Écomouv’. Pour 2016, les crédits opérationnels liés aux investissements de l’AFITF qui s’élèvent entre 1,8 et 1,9 milliard sont maintenus – ils n’augmentent pas, j’en conviens.

Je suis conscient que nous devons fournir des simulations pour nourrir le débat sur la réforme de la DGF. J’espère que les intéressés ne se contenteront pas de regarder leur nombril au travers des simulations mais mon expérience me fait dire qu’ils le feront… Nous ne sommes pas encore en mesure de transmettre des simulations parfaitement fiables car la question du budget des métropoles de Paris et d’Aix-Marseille n’est pas encore réglée. M. le président et Mme la rapporteure générale ont déjà libre accès aux travaux qui se déroulent place Beauvau. Nous serons assez ouverts à des propositions d’évolution sur ce sujet.

Je tiens à terminer sur la notion de tendanciel. J’entends ce qui est dit sur la croissance potentielle qui pour moi est un mystère – je caricature un peu, bien entendu.

M. le président Gilles Carrez. Je suis pleinement d’accord et je suis rassuré car le secrétaire d’État est agrégé de mathématiques.

M. le secrétaire d’État. Je n’admets pas vos propos sur l’ONDAM, monsieur de Courson. Vous prétendez que l’évolution tendancielle de l’ONDAM est fixée au hasard. Or, le nombre de Français augmente de 200 000 par an ; ces personnes naissent, se soignent, vont à l’hôpital ; les gens vivent de plus en plus longtemps ; certains soins sont de plus en plus coûteux – chacun a en mémoire l’épisode du traitement de l’hépatite C et on me dit que d’autres épisodes similaires se préparent ; on évoque des traitements contre le cancer ou le diabète, très coûteux et qui fonctionnent, il faut s’en réjouir, dont on ne peut pas priver d’éventuels bénéficiaires.

Fixer l’ONDAM à 1,75 %, c’est faire des économies parce que la hausse naturelle liée à l’augmentation de la population, au vieillissement et à l’évolution des soins est évaluée par tous les spécialistes entre 3,6 et 3,8 %. Nous devons en avoir conscience, c’est l’une des difficultés de notre temps : elle n’est pas seulement financière, elle demande un choix de modèle de budgétisation des dépenses d’assurance maladie. Vous ne pouvez pas stigmatiser la hausse de certaines dépenses d’assurance maladie et ne pas reconnaître que 1,75 % d’ONDAM représente un effort d’économies.

Mme Christine Pires Beaune. Je vous remercie, messieurs les ministres, pour votre présentation très pédagogique. La stratégie de vérité sur les chiffres que vous avez adoptée l’année dernière paie : lorsque les hypothèses sont prudentes et sincères, les résultats sont conformes aux attentes voire un peu supérieurs, si j’en crois le chiffre révisé du déficit pour 2014. Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, pour la première fois depuis 2008, le déficit public est inférieur à 4 %. Nous devrions tous nous en réjouir.

S’agissant de la réforme de la DGF, vous avez le courage de l’inscrire dans le PLF. Je crois comme vous, à la différence de certaines associations d’élus, pour ne pas dire toutes…

M. le président Gilles Carrez. La quasi-unanimité des élus…

Mme Christine Pires Beaune. ... qui plaident pour un texte spécifique, que toutes les mesures financières doivent être examinées dans le cadre de la loi de finances. Jean Germain et moi-même avons remis un rapport sur le sujet qui démontre que deux communes placées dans la même situation ne sont pas aujourd’hui assurées de recevoir les mêmes dotations.

Pour répondre à Hervé Mariton, une bonne réforme de la DGF selon moi serait une réforme qui permettrait de réduire les écarts injustifiés dans toutes les strates.

Au sein du Comité des finances locales, plusieurs participants ont souhaité travailler sur la CVAE consolidée des groupes. Je vous remercie d’avoir laissé la porte ouverte afin que nous puissions nous y atteler en vue de l’examen de la seconde partie du PLF.

M. Olivier Carré. La courbe du déficit structurel a cette particularité d’épouser la conjoncture sur les longues périodes. Il serait souhaitable de réfléchir sur la notion de croissance structurelle.

Le coût de la prime pour l’emploi (PPE) était estimé à 2,45 milliards d’euros l’année dernière. Vous réinjectez 2,1 milliards dans le revenu de solidarité active (RSA). Qu’est-il advenu des 350 millions restants ?

Je m’étonne d’une révision à la hausse de l’impôt sur le revenu alors qu’une baisse était prévue. Mais la baisse attendue de l’ISF m’interpelle plus encore. On constate aujourd’hui une stagnation, voire une légère érosion entre les prévisions pour 2015 – 5,588 milliards dans la loi de finances initiale – et celles pour 2016 – 5,552 milliards. Pourquoi les recettes de l’ISF stagnent-elles ? Cette évolution n’est pas cohérente avec votre discours sur le succès du rapatriement des actifs des exilés fiscaux. Quel sera en 2016 le montant du bouclier fiscal restauré ?

Je note une baisse assez sensible du remboursement par l’Union européenne du recouvrement des taxes. S’agit-il d’une mesure technique ou momentanée ? Cette question vaut 260 millions d’euros.

La hausse importante du produit des amendes infligées par l’Autorité de la concurrence que vous escomptez est-elle liée aux circonstances ou aux nouveaux pouvoirs de l’institution ? Ce sont 200 millions de recettes qui tombent opportunément dans le budget. Je note également une hausse du produit des autres amendes et sanctions.

S’agissant de la DGF, la compensation par l’État d’un certain nombre d’exonérations fiscales passe de 1,8 à 1,6 milliard d’euros, soit une baisse de l’ordre de 10 à 12 %. Quels sont les éléments qui ont poussé l’État à revoir à la baisse cette compensation alors même qu’on peut craindre une hausse du nombre des bénéficiaires de ces exonérations qui ne font pas partie des publics favorisés ?

Disposez-vous d’une évaluation de la moins-value potentielle liée à l’achat par l’État d’actions supplémentaires de Renault dont le cours a depuis baissé ?

M. Marc Goua. Page 164 du projet de loi de finances est réaffirmé l’engagement du Premier ministre de ne pas fragiliser davantage les collectivités locales qui sont déjà en difficulté. Malheureusement, celui-ci ne se retrouve pas dans les mesures présentées.

Je regrette la diminution de 5 % des crédits de paiement de la politique de la ville. Je note toutefois avec satisfaction l’extension du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et le maintien de la dotation exceptionnelle pour la DETR.

Je remarque que la dotation de solidarité urbaine (DSU) occupe cinq lignes dans le document et la dotation de solidarité rurale (DSR), deux pages. J’ai le sentiment que la ville a été un peu oubliée dans la réforme de la DGF. Enfin, je ne retrouve plus la dotation de développement urbain (DDU), devenue dotation politique de la ville (DPV). A-t-elle été supprimée ?

Je regrette que le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ne soit doté que d’un milliard d’euros alors qu’il devait monter en puissance pour atteindre 1,2 milliard.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire attend un rapport sur un éventuel renforcement de ses moyens. Qu’en est-il ?

Mme Karine Berger. Votre présentation confirme que la réduction du déficit se poursuit, à son rythme. Nous pouvons tous partager la conviction que le respect des traités européens est un élément très important de notre politique.

Pouvez-vous nous communiquer des chiffres sur l’évolution de l’investissement public en 2015 et pour 2016 ? En d’autres termes, quel est le rôle de l’ensemble des administrations publiques dans la construction de notre avenir ?

À l’attention d’Hervé Mariton qui déplorait l’augmentation des effectifs de l’État, j’indique que, sans la hausse des effectifs de la défense, les effectifs globaux seraient en baisse. Est-ce à dire qu’il s’oppose, au nom de l’opposition, au renforcement des personnels de défense alors que la France est engagée sur de nombreux fronts ?

Malgré la modestie du budget concerné, le renforcement du crédit d’impôt cinéma pose problème à mes yeux. Le plafonnement de l’ensemble des crédits d’impôt pour une œuvre cinématographique est porté, dans un geste ambitieux, de 4 à 30 millions d’euros. Or, le budget moyen d’une production il y a deux ans s’établissait approximativement à 6 millions d’euros pour 200 films produits. Pouvez-vous nous donner le nom des deux ou trois films susceptibles de bénéficier du relèvement du plafond ? Je m’empresserai d’investir dans la société de production concernée.

M. Pierre-Alain Muet. La situation économique interne est très bonne : on observe un rétablissement spectaculaire de l’indice de confiance des ménages, qui retrouve son niveau d’avant 2007. Il en va de même des marges des entreprises, notamment dans les six derniers mois, qui retrouvent leur niveau d’avant la crise. Le CICE, la baisse des prix du pétrole et la dépréciation de l’euro forment un ensemble de facteurs favorables mais les indices témoignent d’un potentiel de reprise interne assez important. Les facteurs d’incertitude sont plutôt internationaux. On nous dit que la demande mondiale adressée à la France diminue : on peut s’en inquiéter mais je ne sais pas si le chiffre est très fiable à très court terme.

Avec un rétablissement des marges des entreprises et des excédents de capacité dans la plupart d’entre elles, tout allégement en faveur des ménages est favorable à la croissance de l’investissement puisque celui-ci est essentiellement gouverné par la reprise de la demande dès lors que les taux d’intérêt sont bas et les marges reconstituées. Il faut donc peut-être aller plus loin dans le rééquilibrage entre les entreprises et les ménages.

Je crois comprendre que les mesures relatives à l’impôt sur le revenu des ménages corrigent des mesures prises l’année dernière afin de lisser l’entrée dans l’impôt – en supprimant une tranche d’impôt sur le revenu, on a compliqué l’impôt sur le revenu puisqu’on y entre à un taux un peu trop élevé. Ce sont de bonnes mesures structurelles.

J’entends encore le président de la commission dire que l’impôt sur le revenu est payé par un très petit nombre de personnes. Il faut arrêter de parler du seul impôt sur le revenu car la France possède cette caractéristique de connaître historiquement – sauf entre 1959 et la création de la contributions sociale généralisée (CSG) – deux impôts sur le revenu : l’impôt sur le revenu, qui représente 3,5 % du PIB, auquel s’ajoute la CSG pour atteindre 8,3 % du PIB, soit un niveau équivalent à celui de la plupart des pays – 9,5 % en Allemagne, 9 % au Royaume-Uni et 10 % aux États-Unis.

Arrêtons de parler de l’impôt sur le revenu stricto sensu et interrogeons-nous sur la réforme fiscale qu’il conviendrait de mettre en œuvre. Les citoyens qui ne paient pas l’impôt sur le revenu mais paient la CSG entrent dans l’impôt à un taux de 8 % qui est extrêmement élevé par rapport à ce qui existe dans les autres pays.

M. Romain Colas. Pierre-Alain Muet parle d’or sur la fiscalité pesant sur les ménages.

Hervé Mariton a reproché à la majorité une supposée incapacité à définir des priorités et à les respecter. De la part de ceux qui ont inventé la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour supprimer aveuglément des postes de fonctionnaires sans aucune autre considération qu’une réduction du déficit qui a échoué de manière spectaculaire, les leçons sont malvenues. Les priorités que nous avons définies sont assumées : création de postes dans l’éducation nationale, parmi les forces de sécurité, dans la justice et dans nos armées – décision qu’Hervé Mariton semblait soutenir en contradiction avec le reste de son propos.

Le Premier ministre a annoncé un amendement du Gouvernement sur l’aide publique au développement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

S’agissant du soutien de l’État aux collectivités locales, je salue le respect de l’engagement d’allouer un milliard d’euros à l’investissement du bloc communal ainsi que l’intégration des dépenses d’entretien sur les bâtiments publics dans le périmètre des dépenses éligibles au FCTVA – mesure qui soutient à la fois les finances des collectivités, l’investissement mais aussi la transition énergétique.

Mme Monique Rabin. Je tiens à saluer les résultats que vous avez présentés ainsi que votre sérénité retrouvée, débarrassés de l’épée de Damoclès que représentait le regard porté par l’Europe sur notre pays. Je salue également votre détermination. Ce budget me paraît très lisible.

Toute la présentation repose sur des indicateurs chiffrés que nous exigeons de votre part mais d’autres indicateurs – développement humain, richesse – sont attendus, conformément à la proposition de loi d’Eva Sas que nous avons soutenue. Je crois que nous devrions en disposer dans les prochaines semaines. Ce sera l’occasion de reparler du budget sous un angle différent.

Votre administration réalise un travail d’évaluation extraordinaire qui mériterait d’être plus valorisé. Nous avons reçu en temps et en heure les éléments sur la revue des dépenses publiques. Les parlementaires votent la loi de finances mais le retour sur les mesures votées est encore insuffisant.

Les mesures relatives à l’impôt sur le revenu sont une très bonne chose. En la matière, je mets mes pas dans ceux de Pierre-Alain Muet : il faut changer notre approche culturelle de l’impôt. Il était indispensable qu’une diminution intervienne cette année puisqu’une parole avait été donnée. Mais nous devons renouveler notre discours sur le rapport à l’impôt et la citoyenneté. En considérant l’impôt dans sa globalité, il sera plus facile de tenir un discours partagé.

J’ai travaillé avec Catherine Vautrin sur un volet mineur du budget, le prélèvement sur les ressources des CCI – 150 millions d’euros. Mais, s’agissant de parole donnée, je trouve vraiment dommageable que la trajectoire des dépenses publiques fixée le 29 décembre 2014 soit remise en cause sept mois plus tard.

Je ne suis pas l’instrument du lobby des CCI, je ne larmoie pas non plus sur le niveau de recettes dont elles disposent. Mais, si nous voulons moderniser l’économie française en nous appuyant sur les entreprises et si nous voulons donner de la force aux corps intermédiaires – ce que sont les CCI –, nous devons être attentifs. Je vous soumettrai des propositions afin de moderniser l’approche des chambres et leur permettre ainsi de s’inscrire réellement dans ce qu’une chambre que je connais bien appelle « l’incubateur du futur ». Nous devons les aider à franchir une marche, celle de la nouvelle économie. Nous en reparlerons.

M. Éric Alauzet. Il me semble que, dans vos prévisions, la hausse de 1 % des taux d’intérêt est la contrepartie de la hausse de 1 % de l’inflation. Les choses s’équilibrent : l’inflation basse complique la réduction des dépenses mais favorise les économies. Je ne sais pas si elle est mécanique mais il me semble qu’il y a une relation entre les deux.

La baisse de l’impôt sur le revenu – 5 milliards d’euros restitués aux ménages en deux ans – ainsi que les 10 milliards liés à la baisse du prix de l’énergie représentent des sommes importantes qui sont restituées pour accroître la demande.

Malgré la baisse précitée, le projet de loi de finances prévoit des recettes supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu à hauteur de 2,7 milliards d’euros, soit 4 % d’augmentation. J’avoue ne pas bien comprendre.

L’utilisation du milliard alloué aux collectivités sera très importante. J’entends les remarques de M. Eckert – je les partage en grande partie – mais sur le terrain, malgré la progression des recettes, on observe, parallèlement à des baisses de dépenses de fonctionnement, des diminutions sensibles des dépenses d’investissement, au détriment des équipements et du tissu économique local. Ce sujet est le point faible de ce budget sur lequel nous devons travailler. Il suscite des frustrations.

L’activité du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) devrait rapporter cette année 2,4 milliards d’euros et sans doute encore une somme importante en 2016. Qu’en sera-t-il pour les années suivantes ? Peut-on s’attendre à un flux ? Quelle part de recettes structurelles la régularisation va-t-elle apporter, grâce à l’ISF ou à d’autres impôts ?

Enfin, il serait utile de disposer, parallèlement au PLF, d’informations sur le contenu du projet de loi de finances rectificative (PLFR), notamment sur la politique environnementale ; vous avez déjà annoncé quelques mesures.

M. le secrétaire d’État. La DSU augmente de 180 millions d’euros en 2016. Dans la réforme de la DGF, il n’y a pas de territoires perdants ou gagnants – il peut toutefois y avoir des territoires gagnants nets, y compris après la baisse des dotations.

Le FPIC progresse de 220 millions d’euros en 2016. La loi prévoyait qu’il atteigne 2 % des recettes fiscales des collectivités territoriales, soit près d’1,2 milliard. Nous avons choisi de rester autour d’un milliard, je sais que ce point est contesté.

Quant à la DPV, elle existe encore, elle s’élève à 100 millions d’euros et figure au budget du ministère de la ville.

S’agissant des amendes, les recettes exceptionnelles en 2015 sont liées à l’affaire du « gang des lessiviers » dans laquelle l’Autorité de la concurrence a infligé des amendes dépassant 500 millions d’euros. Pour 2016, nous sommes confiants car l’activité de l’autorité reste soutenue…

En toute honnêteté, je pense que plusieurs facteurs ont découragé l’investissement des collectivités locales : le cycle électoral, probablement la baisse des dotations, accentuée par les messages alarmistes diffusés par certains – j’ai vu une vidéo invraisemblable appelant à la journée nationale d’action de l’Association des maires de France (AMF) le 19 septembre, dans laquelle on expliquait qu’il n’y aurait plus d’eau, plus d’écoles, plus de crèches. Arrêtons ! J’attends les propositions de ceux qui parlent de 100 milliards d’euros d’économies. Troisième facteur, la lenteur de la mise en place de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), notamment de la cartographie des régions et des communautés de communes. Quand vous ne connaissez ni le périmètre de la future communauté de communes, ni la situation financière et les charges des communes qui la composeront, cela peut provoquer une forme d’attentisme. Je l’ai mesurée sur mon territoire… je pense que ce facteur a beaucoup pesé.

Quant au crédit d’impôt cinéma, nous nous sommes assurés que plusieurs films étaient susceptibles de profiter du nouveau dispositif. La presse évoque beaucoup l’un d’entre eux. Le crédit d’impôt coûte aujourd’hui environ 100 millions d’euros, 140 millions si on additionne les trois modalités. Ce coût a augmenté de plus de 20 % ces dernières années. Ce secteur est générateur d’emplois, de cotisations sociales et de recettes fiscales. Certains menacent par ailleurs de se délocaliser, en Belgique notamment.

M. le ministre. L’État a porté à 19 % sa participation au capital de Renault. Depuis cette acquisition, le cours de l’action a baissé. Il n’est pas question à ce jour d’une modification. Nous le ferons en bon père de famille le moment venu en faisant en sorte de ne pas dégager de pertes mais éventuellement un bénéfice.

M. Olivier Carré. Tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu mais quelle serait la moins-value potentielle ?

M. le ministre. Je ne peux pas vous donner un prix sauf à vous placer dans une inconfortable situation d’initié.

Le lien entre inflation et taux d’intérêt est un sujet passionnant. Intuitivement, je pense qu’il existe une relation entre les deux, monsieur Alauzet. Si l’on considère que les taux d’intérêt peuvent augmenter, c’est qu’on pense que le taux d’inflation lui-même va augmenter. D’ailleurs la BCE, lorsqu’elle aura réussi son opération, devra elle-même augmenter ses taux d’intérêt. Nous avons cherché à être précautionneux : en nous fondant sur des taux à 2,4 % à la fin de l’année, nous avons encore de la marge, même avec 1 % d’inflation. D’autres éléments peuvent jouer : si la BCE injecte énormément de liquidités, cela a un effet mécanique sur les taux d’intérêt.

La lutte contre la fraude devrait rapporter avec une quasi-certitude 2,6 milliards d’euros cette année – 1,9 milliard d’euros ont déjà été encaissés. Les prévisions pour l’année prochaine, qui s’appuient sur les dossiers en cours de traitement, font état de 2,4 milliards d’euros. Évidemment, la régularisation crée une base imposable supplémentaire.

M. Olivier Carré. Pourquoi ne le retrouve-t-on pas dans l’ISF ?

M. le ministre. On le retrouve dans l’ISF.

M. le président Gilles Carrez. L’ISF n’augmente pas en 2016 par rapport à 2015. Mais, en 2015, il a beaucoup augmenté par rapport à 2014.

M. le secrétaire d’État. En 2015, l’ISF a beaucoup augmenté mais la répartition entre l’ISF et l’impôt sur le revenu est différente de celle que nous avions anticipée. L’activité du STDR a eu pour effet d’augmenter les recettes tirées de l’impôt sur le revenu plus que celles provenant de l’ISF.

M. le ministre. Le processus de régularisation apportera des recettes supplémentaires pérennes, qui ne sont pas tant dues au rapatriement des capitaux qu’aux déclarations futures. Mais ces recettes ne seront pas à hauteur des 2 milliards.

M. le secrétaire d’État. Le stock de régularisations permet d’aller au-delà de 2018.

M. le président Gilles Carrez. Je souhaite rapidement auditionner le directeur général des finances publiques pour clarifier ce qui relève du STDR, du contrôle fiscal en général, des pénalités ou des intérêts. Nous avons des chiffres dans tous les sens. Un chiffre me préoccupe, celui donné par la Cour des comptes : tout ce qui relève du contrôle fiscal a augmenté de 300 millions d’euros entre 2013 et 2014. On a l’impression que le STDR pallie un certain essoufflement du contrôle fiscal traditionnel. Nous en saurons plus dans les prochains jours.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 30 septembre 2015 à 11 h 45

Présents. – M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, M. Henri Emmanuelli, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, Mme Valérie Pécresse, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. – Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel

Assistaient également à la réunion – M. Jean-Patrick Gille, M. Serge Grouard, M. Christophe Premat, M. Lionel Tardy, M. Arnaud Viala

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